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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 15 mars 1836

(Moniteur belge n°76, du 16 mars 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Dechamps donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des habitants du canton de Mersch demandent la prompte exécution de la route vicinale de première classe d’Arlon à Saeulbroeck et Mersch. »


« Le sieur Fontenelle (Augustin), ne à Solre-le-Château (France), habitant la Belgique depuis 1824, demande la naturalisation. »


« Le sieur St-Aubin (J. de), né à Berlaimont (France), habitant la Belgique depuis 1796, demande la naturalisation. »


M. Berger. - Messieurs, parmi les pétitions dont on vient de vous faire l’analyse, il en est une signée par un grand nombre d’habitants du canton de Mersch (province de Luxembourg) qui demandent un subside pour la construction d’une route ; je prie la chambre de renvoyer cette requête à M. le ministre de l’intérieur : il s’agit d’un objet urgent, et il est à prévoir que si la pétition était renvoyée à la commission des pétitions, il ne pourrait plus y être fait droit cette année.

C’est maintenant le moment de commencer les travaux, et la commission ne fera probablement plus de rapport avant le mois de juin ou de juillet, de manière que si la requête devait être soumise à son examen, les pétitionnaires ne devraient point s’attendre à obtenir le but qu’ils se sont proposé.

- La proposition de M. Berger est adoptée ; en conséquence la pétition est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.


Les autres pétitions, qui ont pour objet des demandes en naturalisation, sont renvoyées à M. le ministre de la justice, conformément aux antécédents de la chambre.


M. le baron de Reiffenberg fait hommage à la chambre du premier volume de la collection des monuments inédits de l’histoire de la Belgique.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec le Brésil

Rapport de la section centrale

M. Pollénus, rapporteur de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi ayant pour objet de faire ressortir ses effets au traité conclu avec le Brésil, dépose son rapport sur ce projet.

- La chambre en ordonne l’impression et la distribution, et fixe la discussion du projet après le premier vote du budget de l’intérieur.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1836

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IX. Travaux publics

Article 8

M. le président. - La discussion continue sur l’article 7 (Personnel des travaux publics) du chapitre IX, qui, par suite de l’introduction d’un article nouveau, est destiné à former l’art. 8.

M. Jullien. - Messieurs, grâce à la fatigue de la chambre, la discussion du budget qui nous occupe a marché, jusqu’à présent, assez vite pour qu’on puisse se permettre un temps d’arrêt sur le chapitre IX relatif aux travaux publics, et qui est peut-être le plus important de tout le budget du département de l’intérieur.

Je crois aussi qu’il est temps d’introduire dans une branche si importante de l’administration publique quelques améliorations, de réformer quelques abus qui, à mon avis, sont patents. Je commence par déclarer que j. partage entièrement l’avis d’un honorable préopinant sur l’accaparement des attributions du ministère de l’intérieur.

Lorsqu’on fait, en effet, le relevé de tous les travaux dont cette administration est chargée, on peut aisément se convaincre qu’il est impossible au ministre, quelle que soit la capacité, le zèle, la bonne volonté que je me plais à lui reconnaître, de tout examiner par lui-même ; quelque grand Atlas qu’il soit, on ne peut voir sans peine qu’il est au-dessus de ses forces de supporter le fardeau de toute l’administration de l’intérieur.

D’abord les réclamations qui aboutissaient anciennement au conseil d’Etat, lequel n’existe plus, aboutissent maintenant au département de l’intérieur, où elles vont s’ensevelir dans les cartons de tel ou tel chef de division chargé d’en prendre connaissance ; et des affaires simples, qui demanderaient un ou deux jours de travail, restent deux ou trois ans dans les bureaux sans en sortir. Je pourrais citer des exemples à l’appui de ce que j’avance ; mais je crois pouvoir m’en dispenser et me borner à vous dire que les choses se passent ainsi.

L’honorable préopinant, qui s’est plaint également des retards qu’éprouvent beaucoup d’affaires, par suite de l’accaparement d’attributions que je signale, a probablement parlé aussi d’après des faits qui fussent à sa connaissance. C’est là, messieurs, un des plus grands inconvénients de cette centralisation si préconisée dans cette chambre, Je veux bien aussi de la centralisation, mais je voudrais qu’elle fût réglée de manière que la vie administrative pût arriver du centre aux extrémités ; mais avec la centralisation, telle qu’elle est, il n’y a plus vie maintenant dans l’administration ; il y a mort dans les affaires.

Qu’on ne s’y trompe pas, lorsque, dans les provinces, on doit attendre, pendant deux ou trois ans, une réparation urgente, par exemple, il est certain que cela fait la plus mauvaise impression, de quelques grandes affaires qu’on puisse s’occuper dans les bureaux du ministère, parce que les populations ne s’inquiètent guère des occupations de l’administration ; elles ne s’occupent que de leurs besoins. Les administrés demandent de la célérité et de l’exactitude dans l’expédition de leurs affaires.

Il me semble aussi qu’il y a au département de l’intérieur une sorte de pêle-mêle, une espèce de confusion qui nuit nécessairement à la bonne administration. Par exemple, c’est un seul employé qui doit diriger les bureaux des cultes et des beaux-arts ; je suis bien persuadé que les cultes n’y perdent rien ; mais je dois avouer que dans mon opinion, les beaux-arts n’y gagnent pas, et il me semble que ce sont deux choses qui devraient plutôt être divisées que réunies dans l’intérêt même de l’administration.

Je demanderai encore pourquoi un seul ministre est chargé pour ainsi dire de toute la besogne du royaume, tandis que d’autres n’ont presque rien à faire. Il y a, par exemple, un membre du cabinet dont le département se compose de deux petites sinécures, la marine et les affaires étrangères. Ne serait-il pas beaucoup plus convenable, lorsque la diplomatie et la marine sont dans un calme si partait, calme dans lequel elles resteront encore longtemps sans doute, de donner quelque aliment à l’activité de l’honorable ministre de ce département et de ses subordonnés ? Ne pourrait-on pas réaliser l’idée de l’honorable préopinant auquel j’ai fait allusion, en détachant quelques attributions du ministère de l’intérieur pour les donner à celui des affaires étrangères et de la marine, pour que le chef de ce département puisse du moins occuper ses commis et mettre leurs talents à contribution ? Il y a injustice à ce que tout le travail soit d’un côté et que de l’autre il n’y ait rien à faire.

Il y a messieurs, une autre observation dont j’ai également pris note, car mes idées, sur le sujet qui nous occupe, se sont tout à fait rencontrées avec celles de l’orateur dont j’ai déjà parlé plusieurs fois. Je ne sais pas pourquoi l’on ne rend pas au ministre de la justice l’administration de la sûreté publique. Il est bien vrai que quand cet honorable ministre est entré en fonctions, il avait des raisons personnelles pour se débarrasser de cette partie des attributions de son département ; mais depuis que la loi sur les étrangers a été portée, ces raisons n’existent plus.

Je ne vois donc pas de motifs pour ne pas faire rentrer la police dans les attributions du ministère de la justice, où elle serait beaucoup plus convenablement placée que dans celle du département de l’intérieur, lequel, encore une fois, est déjà trop chargé.

Je livre ces réflexions à la sagesse du gouvernement, persuadé que si nous ne devons pas faire de l’administration dans cette enceinte, du moins les conseils qui viennent de la chambre sont de nature à faire impression sur le ministère.

Je signalerai maintenant un abus qui se commet dans l’adjudication des travaux publics, et qui est désastreux pour le trésor ainsi que pour la bonne exécution des travaux eux-mêmes. Il y a deux ans, j’ai soulevé la question dont je vais vous entretenir en présence de M. Teichman, qui était alors notre collègue. Il a été démontré en cette occasion qu’il était urgent de faire cesser l’abus en question. Je veux parler de l’obligation imposée par le cahier des charges aux adjudicataires de produire un certificat de capacité ; ainsi, chaque fois qu’une adjudication a lieu, il faut, pour être reçu, que l’adjudicataire soit muni d’un certificat constatant qu’il possède les connaissances nécessaires pour exécuter les travaux qu’il veut entreprendre : s’agit-il, par exemple, de paver une route, de construire un pont ; eh bien, celui qui veut devenir adjudicataire doit commencer par prouver qu’il est capable de faire ces ouvrages. Il me semble que ce système est directement opposé au principe de l’adjudication publique ; car, quel est le but que l’on veut atteindre par ce mode d’adjudication, si ce n’est d’établir la concurrence, afin d’obtenir au plus bas prix possible l’exécution des travaux adjugés ? Or, pour atteindre ce but, il faut faire un appel, non seulement à l’industrie, mats aussi aux capitaux, puisque ce n’est qu’au moyen des capitaux qu’on peut exécuter des travaux de quelque importance. Ce n’est, en effet, que quand les capitaux se remuent qu’on voit faire de ces grandes entreprises qui font la gloire et la prospérité des Etats. La disposition des cahiers des charges, dont il s’agit éloigne donc la concurrence ; car du moment qu’on ne peut plus être adjudicataire de travaux publics qu’au moyen d’un certificat de capacité, peu d’hommes pourront le devenir ; il n’est pas si facile de rencontrer des entrepreneurs qui possèdent à la fois et une grande fortune et les connaissances exigées par les cahiers des charges.

Un homme peut fort bien avoir quatre ou cinq cent mille francs et ne pas être bien versé dans la science des constructions ; mais il ne sera pas embarrassé de trouver des gens très capables de diriger les ouvrages qu’il aura entrepris. C’est donc une véritable absurdité d’exiger un certificat de capacité d’un homme qui veut se rendre adjudicataire de travaux publics. Et lorsqu’il s’agit d’ouvrages considérables, de constructions de différentes espèces, d’un ensemble de travaux dont les plans aient été conçus par le génie, faut-il alors que l’exécution ne puisse en être confiée qu’à un ingénieur ?

Si c’est un pont qu’il y a à faire, il ne faut qu’un maçon ou un forgeron ; il ne faut qu’un paveur s’il s’agit d’une chaussée à construire.

Vous voyez donc, sous tous ces rapports, que c’est contre le but des adjudications publiques et contre les intérêts du trésor que l’on vient créer des adjudicataires privilégiés.

Qu’arrive-t-il de là ? Il arrive par le fait de cette étrange condition que dans telle ou telle province le métier d’entrepreneur est comme un monopole. Il n’est possible qu’à MM. tels et tels d’être entrepreneurs. Tous les autres sont impitoyablement écartés, parce qu’ils n’ont pas le bonheur d’obtenir un certificat de capacité. Il en résulte aussi quelquefois des suppositions injurieuses pour les agents de l’autorité. C’est ce qu’il faut éviter ; car il ne faut pas que l’on puisse soupçonner un corps aussi respectable que celui des ponts et chaussées de collusion avec les entrepreneurs.

Le fait est que tous ceux qui sont écartés au moyen de certificats de capacité pensent (surtout lorsque les faits viennent à l’appui de cette opinion) qu’ils sont victimes de l’intrigue, et que l’intrigue leur a enlevé une entreprise dans laquelle ils auraient fourni à meilleur compte ce que demande le gouvernement.

Je ne me rappelle pas très bien ce que répondit l’honorable M. Teichman aux observations qui ont été faites de ce chef, et qui sont en substance celles que j’ai eu l’honneur de présenter.

Mais il me semble qu’il est convenu qu’il aurait mieux valu et qu’il vaudrait mieux pour le système des adjudications publiques faire disparaître tout à fait cette condition.

Je viens maintenant aussi à une observation qui a déjà été faite et qui concerne le chemin de ter.

D’abord je demanderai pourquoi ce chemin qui va de Bruxelles à Anvers et qui devait être fait en 6 mois, pourquoi, dis-je, il n’est pas encore terminé ? On l’a promis depuis quelque temps pour le 1er avril ; je ne sais si ce n’est pas une mauvaise plaisanterie (On rit.) Mais le fait est que l’on craint de ne pas voir terminée pour cette époque cette communication vivement désirée pour les voyageurs et pour le commerce. Je désire que ces craintes ne soient pas fondées. Je me borne à les exprimer à la chambre.

Lorsqu’il s’est agi de chemins de fer (la chambre s’en souviendra, et surtout les députés des Flandres), nous avons voulu, sur ces bancs, les chemins de fer, mais non pas le monopole du gouvernement ; nous avons voulu que les chemins de fer fussent livrés à la concurrence. A cette époque on nous a promis que la construction du chemin de fer d’Ostende à Bruxelles commencerait, sinon instantanément, et, moins à une époque très rapprochée, et que la construction d’un chemin de fer dans les Flandres, aurait lieu en même temps que la construction du chemin de fer de Bruxelles à Anvers. Eh bien, il paraît que rien ne se fait dans les provinces des Flandres ; ou si l’on a fait quelque chose, on s’est borné à de simples démonstrations. Mais jusqu’à présent on ne peut avoir la confiance que sérieusement le gouvernement veuille que le chemin s’exécute aussi bien sur cette ligne que sur les autres.

Vous voyez comme se justifient toutes nos prévisions sur le monopole. Si les chemins de fer avaient été abandonnés à la concession, je suis convaincu qu’il se serait toujours présenté des capitaux à faire valoir. On aurait exécuté ainsi les promesses que le gouvernement avait faites et qu’il n’a pas tenues. Au lieu de cela, nous avons eu un monopole toujours paresseux, parce que tout ce qui est privilégié fait ce qu’il veut et est par suite nécessairement paresseux ; heureux encore quand il n’est pas insolent. Voila ce qu’est ordinairement le monopole.

Un abus, signalé par l’honorable député de Namur, et sur lequel je reviens aussi, parce que la chambre ne peut y donner trop son attention, c’est que, dans ce moment, non content d’avoir le monopole pour le gouvernement, on veut l’avoir pour le ministre lui-même. Voilà ce que c’est que le monopole : quand on y prend goût, il va bientôt plus loin qu’il ne doit aller. On avait demandé le monopole pour le gouvernement ; il y a monopole pour le ministre de l’intérieur.

C’est lui qui nomme tous les agents et receveurs du chemin de fer, qui en dirige la comptabilité. Mais c’est là du désordre. Si vous voulez des receveurs des revenus publics, prenez-en au département des finances ; vous avez à ce département plus d’employés qu’on ne peut en occuper, vous avez une multitude d’employés, comme ceux qui appartiennent au cadastre, qui n’ont pas trouvé à se caser au département des finances. Le ministre des finances a un personnel disponible tel qu’il a été obligé de prendre un forestier pour en faire un receveur de l’enregistrement. (On rit.) Je ne veux pas en faire un reproche à l’honorable ministre des finances. C’est une nécessité de position. Mais le fait est que vous avez pu le voir comme moi dans le Moniteur.

Nous avons vu le ministre de l’intérieur, pour conserver le monopole, nommer à toute espèce d’emplois, nommer des directeurs, des surveillants, des receveurs. Savez-vous ce qui résultera de là, lorsqu’on sera obligé de laisser les chemins de fer aux concessionnaires (car je ne pense pas que le gouvernement veuille retenir continuellement le monopole) ? Vous aurez une multitude d’employés encore une fois sans place. Ils viendront vous demander des indemnités ou des places dans l’administration des finances. Si vous leur donnez des places, ceux qui sont depuis 20 ans dans l’administration, verront leur carrière fermée par ces nouveaux venus dont l’emploi a été créé par le ministre de l’intérieur, à l’occasion du chemin de fer. Cela ressemble beaucoup à du désordre.

Je voudrais que l’honorable ministre de l’intérieur nous éclairât un peu sur les conséquences qu’il prévoit de ce système ; car, quant à moi, je n’y vois rien de bon.

Je termine là ces observations générales.

Il en sera de ces observations comme de celles que nous faisons chaque année. Voici du moins quant à moi 4 ou 3 ans que cela m’arrive ; nous faisons des observations, pour améliorer la marche de l’administration ; tous les ans on nous fait des promesses, et c’est toujours en vain que ces promesses nous sont faites. (On rit.)

Je ne sais pas s’il en sera ainsi de ces observations. Je désire qu’il en soit autrement.

Quant à l’abus que j’ai signalé relativement aux certificats de capacité, je provoquerai une explication précise de la part de M. le ministre de l’intérieur, ou bien la question sera soumise à la chambre, parce que j’en ferai l’objet d’une proposition formelle.

Si M. le ministre veut bien déclarer qu’il renonce à l’insertion de cette condition dans les cahiers des charges et conditions des travaux publics, je m’abstiendrai de faire une proposition, parce que je m’en rapporte à la promesse qu’il ferait à la chambre. Mais s’il ne fait pas cette déclaration, je ferai une proposition transitoire qui obligera (si elle est adoptée par la chambre) pour les travaux pour lesquels le budget dont nous nous occupons fera les fonds.

C’est une explication que j’attends de M. le ministre de l’intérieur.

J’ai dit.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne répéterai pas ce que j’ai dit sur les attributions du ministère de l’intérieur, sur lesquelles l’honorable préopinant vient d’émettre de nouvelles considérations. Je dirai seulement que si, d’une part, il y a avantage à soulager cette branche de l’administration, d’autre part il peut n’être pas sans inconvénients d’en détacher des parties qui s’allieraient moins bien à d’autres ministères.

Sous ce rapport, il pourrait en résulter une complication et des entraves pour la marche de l’administration.

Mais ce qui absorbe le plus de temps, c’est, comme l’a fait remarquer un honorable préopinant, la multitude des projets de loi qui ont été présentés et dont nous avons eu à soutenir la discussion. Il est à espérer que, lorsque l’organisation sera plus avancée, au moins cette tâche deviendra moins pénible.

L’honorable préopinant a parlé de la lenteur qui se ferait remarquer dans un certain nombre de décisions émanant du ministère de l’intérieur. Je ne dirai pas que jamais il n’y a de lenteur. Car, dans quelque administration que ce soit, administration publique ou privée, de temps en temps il arrive des circonstances qui font retarder la décision d’une affaire. Pour peu que l’on ait vécu, c’est là une vérité incontestable pour tout le monde, et qui se manifeste dans quelque administration, publique ou privée, que ce soit.

Sous ce rapport, je me garderai bien de soutenir que jamais il n’y a de lenteurs à reprocher au ministère de l’intérieur. Mais je dirai que ces cas sont infiniment rares.

Dans un entretien que j’ai eu hier avec l’honorable préopinant, il me citait une affaire qu’il disait être en retard depuis 2 ou 3 ans. Vérification faite, il s’est trouvé que cette affaire (une contestation entre la régence de Bruges et la députation des états) avait été soumise au ministère seulement au mois de juin dernier, que le dernier avis avait été reçu au mois de septembre, et qu’enfin cette affaire, assez compliquée a été décidée an mois de janvier dernier. Voici cependant une affaire que le préopinant signalait comme singulièrement arriérée. Je conviens que cette affaire aurait pu être décidée plus tôt, comme régulièrement les affaires le sont. Mais on ne trouvera pas qu’un retard de deux ou trois mois soit considérable quand il s’agit d’une affaire compliquée et déjà ancienne dans l’administration.

A cette occasion, je me rappelle avoir eu à prononcer sur plusieurs affaires, dont l’instruction avait été commencée sous le gouvernement précédent, affaires dont le conseil d’Etat était saisi depuis plus de sept ans, et qui se sont trouvées sans solution à l’époque de la révolution.

Ainsi, lorsque l’on voit un retard aussi considérable sous le gouvernement qui avait une organisation administrative extrêmement complète, puisqu’il y avait un conseil d’Etat, huit administrateurs au ministère de l’intérieur et un grand nombre d’employés de tout grade ; en établissant une comparaison entre la marche actuelle de l’administration et celle de l’administration sous le gouvernement précédent, l’on est loin d’être fondé à adresser au département de l’intérieur les reproches qu’on lui fait.

Le même orateur a parle d’un pêle-mêle, d’une confusion étrange à l’occasion de la réunion de l’administration des cultes et des beaux-arts.

Ces deux branches d’administration ont cependant une liaison très intime entre elles. C’est ainsi que cela a été apprécié dans d’autres pays. En Prusse, les cultes, les beaux-arts et l’instruction publique sont sous une même administration. Nous avons beaucoup d’exemples de cette réunion. Je le crois, moi, plus utile que nuisible.

L’honorable préopinant se plaint de l’insertion d’une clause dans le cahier des charges qui réserve au ministre de l’intérieur le refus de confirmer les résultats de l’adjudication s’il trouve que l’adjudication ne présente pas toutes les garanties de capacité désirables. L’honorable membre pensait avoir convaincu l’inspecteur-général des ponts et chaussées dans une discussion qui a eu lieu dans cette enceinte. Il a été cependant loin de convaincre l’administration des ponts et chaussées à cet égard. Car constamment les membres de cette administration insistent sur le maintien de cette clause.

Elle est réellement essentielle. En effet, ce n’est pas seulement le bas prix de l’adjudication, mais le soin de son exécution qu’il faut considérer.

Il arrive que certains travaux par leur spécialité exigent des connaissances particulières que ne réunit pas l’adjudicataire qui s’est présenté. Il n’y aurait aucun avantage à accepter l’adjudication la plus basse. On ne ferait que nuire aux travaux ainsi exécutés.

Je dirai d’abord que l’on n’abuse pas de cette faculté ; je ne me suis pas encore trouvé dans la nécessité de refuser un seul adjudicataire.

Sous ce rapport, je ne refuserai jamais qu’avec une extrême circonspection mon approbation à une adjudication. Je serai toujours porté à prendre en considération l’enchère la moins élevée.

L’honorable membre a parlé de grandes et subites fortunes que l’on remarquait dans l’administration des ponts et chaussées.

Plusieurs membres. - M. Jullien n’a parlé que des entrepreneurs.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Sans cela, j’aurai été obligé de déclarer que ces grandes et subites fortunes m’étaient inconnues ; que quelquefois l’on croyait voir une fortune là où il n’y avait qu’une médiocre aisance, fruits de longs et pénibles travaux.

L’honorable membre a également porté ses investigations sur le chemin de fer. En ce qui concerne la section de Malines à Anvers, on espérait un moindre délai. Il a été impossible d’obtenir l’achèvement des travaux jusqu’à présent. D’après les derniers renseignements qui me sont parvenus, j’ai tout lieu de croire que le mois d’avril ne se passera pas avant que cette section ne soit livrée à la circulation publique.

La section de la Flandre a également excité des plaintes de la part du même orateur.

Mais, messieurs, le gouvernement est loin d’abandonner cette dernière partie du chemin de fer. La section de Malines à Termonde est très avancée ; celle de Termonde à Gand va être commencée.

Les plans de la section de Gand à Ostende sont achevés. Les ingénieurs s’occupent du rapport qu’ils ont à me présenter sur l’exécution de cette partie du chemin.

A cette occasion je dirai qu’il en est de même des plans de la section de Liége à la frontière de l’Allemagne qui sont également achevés. Sous peu de jours le rapport pour l’exécution de cette dernière section me sera également communiqué.

Toutes les études préliminaires seront achevées. Alors les travaux recevront une impulsion plus active.

M. A. Rodenbach. - C’est nécessaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’on a établi une comparaison entre les travaux exécutés par l’intérêt privé et ceux exécutés aux frais de l’Etat. Il est beaucoup de travaux exécutés par l’intérêt privé qui sont très loin d’être poussés avec l’activité que l’honorable membre croit qu’ils reçoivent toujours.

Je pourrais citer le chemin du haut et du bas Flénu, dont l’exécution a nécessité plusieurs années, et qui était cependant de peu d’importance si on le compare à celui décrété par la loi du 1er mai.

Le monopole du gouvernement, dit l’honorable préopinant, s’étend de jour en jour davantage. Le gouvernement y prend goût tout particulier. C’est encore une erreur de fait. Quand il s’est agi de la loi des péages, nous avons assez montré que nous ne sommes pas partisans exclusifs des travaux exécutés à la charge de l’Etat, en demandant pour le gouvernement la faculté illimitée d’accorder des concessions.

En ce qui concerne les nominations d’employés pour la surveillance et exploitation du chemin de fer, nous sommes loin de considérer ces nominations comme un avantage pour l’administration. On sait à combien de sollicitations et de démarches donnent lieu les emplois publics. C’est la partie de l’administration la plus pénible et la plus désagréable. L’on ne nous verra jamais portés à porter le système de nominations à l’excès.

L’honorable préopinant a encore pensé que l’on a nommé un grand nombre d’employés ; il a dit que l’on aurait dû s’entendre avec le département des finances. C’est également une erreur de fait. Il n’y a encore pour l’exploitation du chemin de fer qu’un contrôleur et trois receveurs ; ce sont des emplois très peu rétribués.

Du reste, quand l’exploitation du chemin de fer recevra plus d’extension, s’il est des employés anciens à placer, ils auront toujours la préférence sur d’autres qui n’auraient pas de titres.

L’honorable préopinant pense que les employés actuels des chemins de fer seront un jour mis subitement sur le pavé. C’est encore là une erreur. Si même le gouvernement concédait l’exploitation des parties achevées du chemin de fer, ce qui, dans mon opinion, est loin d’être décidé, les concessionnaires conserveraient les employés qu’ils trouveraient, puisqu’ils auraient une expérience acquise.

C’est ainsi que nous en avons agi lorsque nous avons fait l’acquisition des travaux de la Sambre. C’est ce qui a toujours lieu au moins à l’égard des employés de l’intérieur.

Tout ce qu’on a dit sur le grand nombre d’employés est donc dénué de fondement. C’est l’expérience qui doit nous guider, quant à la cession définitive d’une partie de l’exploitation. Nous n’avons aucun exemple à prendre chez les Etats voisins. L’exploitation du chemin de fer n’est séparée, dans aucun pays, de la confection même des travaux.

Du reste, si l’expérience démontrait que l’exploitation peut être entièrement séparée et livrée à la concurrence, nous serions charmés de ce résultat, nous serions les premiers à provoquer la mise en concession.

M. Jullien. - Je ne reviendrai pas sur les retards que j’ai signalés dans l’expédition des affaires au département de l’intérieur ; il est à ma connaissance des faits que j’aurais pu citer, quelques circonstances que j’aurais pu produire. Mais je vous avoue que ce terrain ne me convient nullement. Ces faits, j’aime mieux les communiquer à M. le ministre de l’intérieur lui-même que d’en faire l’objet d’un débat public, parce que je ne pourrais les dépouiller de ce qu’ils ont de personnel.

Je soutiens toujours que dans la division des travaux publics il n’y a pas assez d’employés pour les affaires dont cette division est chargée, du moins si je conçois ce travail comme il se présente, d’après toutes les difficultés que doivent éprouver les personnes qui s’occupent de travaux publics.

Si j’insiste, messieurs, c’est particulièrement sur les certificats de capacité. Vous venez d’entendre M. le ministre de l’intérieur dire que l’on ne pouvait se désister de cette clause qui exige de la part de l’entrepreneur des qualités personnelles pour répondre de la bonne exécution des travaux. Ces qualités personnelles, c’est tout uniment un certificat de capacité. Car je ne comprends pas les qualités personnelles en fait de travaux publics, si ce n’est la capacité d’exécuter ces travaux.

C’est un principe faux, contraire au principe de la concurrence. Les qualités personnelles dans un entrepreneur, ce doit être son argent, sa solvabilité.

Quand vous avez la faculté d’exiger des cautions solvables, que vous faites un appel aux capitaux, admettez tous les capitalistes. Peu importe que l’entrepreneur sache ou non faire exécuter les travaux. Son cautionnement, sa solvabilité répond de l’exécution de l’entreprise. Le capitaliste, pour faire valoir ses fonds, ne manquera pas de charger des hommes capables d’exécuter les travaux. C’est ainsi qu’on agit en Angleterre et partout. Là il paraîtrait absurde d’exiger de pareilles conditions de la part d’un entrepreneur, surtout dans une grande entreprise. S’il s’agissait d’un misérable pont dans une commune rurale, peut-être pourrait-on exiger que l’entrepreneur prouvât sa capacité. Et encore ce serait contraire au principe.

Mais vouloir que, dans une grande entreprise, l’adjudicataire fournisse un certificat de capacité, c’est un abus criant qui conduit, comme je le disais, au monopole.

Je n’ai pas dit que des fortunes rapides aient été faites par des ingénieurs ou des employés du gouvernement, mais j’ai dit que si l’on cherchait le secret de la fortune rapide de certains entrepreneurs, elle pourrait donner lieu à des suppositions injurieuses pour les agents du trésor public. Voilà comme j’ai expliqué ma pensée.

Ainsi, puisque le ministre de l’intérieur déclare ne pas pouvoir se désister de cette condition, je vais en faire l’objet d’une disposition formelle.

M. Devaux. - Messieurs, comme je ne veux pas prolonger la discussion, je me bornerai à quelques observations sur la partie du budget qui nous occupe en ce moment, le traitement des ingénieurs.

Mais d’abord je dois un mot de réponse à ce qu’a dit M. Jullien sur le chemin de fer.

Je crois, messieurs, qu’il y a eu peut-être quelque lenteur dans les travaux ; mais je pense que la rapidité du travail l’emporte encore beaucoup sur celle des travaux concédés ; et à cet égard l’exemple cité par M. le ministre de l'intérieur me paraît des plus concluants.

Le chemin du haut et bas Flénu qui vient d’être inauguré a été concédé, je pense, il y a 2 ou 3 ans ; or, ce chemin n’a pas ou n’a guère que la même étendue que celui de Bruxelles à Malines qui a été exécuté en un an.

Remarquez qu’en même temps qu’on exécute le chemin de Bruxelles à Malines, il faut préparer les autres sections, de sorte que le travail est bien plus compliqué.

Cet exemple prouve, si je ne me trompe, que la concession n’offre pas un grand avantage, mais, au contraire, un désavantage pour la rapidité de l’exécution des travaux.

On a parlé de la section de Gand à Ostende ; quant à moi, je n’ai pas d’inquiétude sur cette section. Je crois qu’à mesure que nous avancerons dans les travaux du chemin de fer, on sera d’autant plus convaincu de l’excellence du mode suivi pour l’exécution des travaux et de celui que l’on suit pour l’exploitation.

Quand les travaux du chemin de fer seront entièrement achevés, on regrettera plutôt d’y avoir donné trop peu d’étendue que d’avoir trop fait.

Toutefois, je dois dire que j’ai vu avec peine que, dans une pièce insérée au Moniteur l’année dernière, la section de Gand à Ostende n’était mentionnée nulle part comme rentrant dans les attributions de l’un ou de l’autre des deux ingénieurs.

Ceci, je pense, n’est qu’un oubli ; il eût été convenable cependant de ne pas oublier que cette section fait partie de la loi.

S’il arrivait que les deux ingénieurs fussent trop surchargés, rien ne serait plus simple que de confier l’exécution des travaux de cette partie de la route au génie de la province.

Les travaux dans notre province sont extrêmement simples ; le terrain est uni, et, aujourd’hui qu’on a des exemples sous les yeux, rien ne serait plus facile que de faire exécuter les travaux sous la conduite du génie des Flandres, si, je le répète, les ingénieurs-administrateurs étaient aujourd’hui trop surchargés pour en prendre l’exécution à eux.

Je ne redoute pas le grand nombre d’employés nommes pour l’exploitation du chemin de fer ; ainsi que l’a dit M. le ministre de l’intérieur, ce nombre n’est que de trois ou quatre ; et je crois même que ce sont des employés délégués par le département de l’intérieur, où ils remplissaient des fonctions dans telle ou telle division.

Dans tous les cas, la question est de savoir si cette exploitation rapporte.

Personne ne doute qu’elle ne soit profitable, plus profitable au public que si elle avait été abandonnée à des particuliers.

S’il fallait un exemple, je citerai le chemin de fer qu’on construit en ce moment entre Paris et St-Germain, qui a la même étendue que la section de Bruxelles à Malines, et où le public paiera trois fois plus qu’il ne paie actuellement sur la section de Bruxelles à Malines. Je remarque en passant que les concessionnaires ont demandé quatre ans pour l’exécution du chemin de St-Germain.

Je le répète, la question se réduit pour l’Etat à savoir si le chemin de fer rapporte.

Pour se prononcer définitivement, il faut attendre l’expérience ; pour moi, les probabilités me paraissent très fortes, que les chemins de fer rapporteront beaucoup.

Qu’il y ait peu ou beaucoup d’employés, la question est assez indifférente.

Si les recettes sont favorables, quelle que soit la dépense, personne ne s’en effraiera. Les compagnies particulières ont un grand nombre d’employés ; elles les paient beaucoup mieux que l’Etat ; quand ces sociétés réalisent de grands bénéfices, elles ne se plaignent pas de la dépense.

Je ne pense pas, messieurs, que le gouvernement doive renoncer au monopole des chemins de fer ; le monopole du gouvernement surveillé et contrôlé par les chambres, exercé dans l’intérêt public, présente bien plus davantage que le monopole des particuliers, libre de toute surveillance et ne profitant qu’aux propriétaires du monopole.

J’en viens maintenant à l’observation que je voulais faire sur le personnel attaché à l’administration des travaux publics.

Je crois que le gouvernement devrait s’attacher à prévenir un abus qui peut avoir des conséquences assez fâcheuses. Le gouvernement devrait empêcher, selon moi, que les employés de cette partie de l’administration ne puissent pas exercer les mêmes fonctions au profit de particuliers.

Je n’entends pas parler ici de ce qui s’est fait pour la route de Lille à Gand ; le cas ici est différent, car le gouvernement avait accordé une autorisation à cet effet.

Je voudrais en général qu’un ingénieur de l’Etat ne pût être l’ingénieur des particuliers, ni intéressé dans des entreprises particulières.

Lorsque le département de la justice nomme un procureur du Roi, le chef de ce département ne souffrirait certainement pas qu’il continuât à être avocat.

Un gouverneur de province ne peut être intéressé dans aucune entreprise qui intéresse sa province ; un bourgmestre ne peut non plus prendre part à une entreprise qui intéresse sa ville, et cela sans des peines graves.

Les mêmes motifs d’incompatibilité existent pour les ingénieurs et quelque impartialité, quelque moralité que vous leur supposiez, dans quelle fausse position ne se trouvent pas ces fonctionnaires, lorsqu’ils sont intéressés dans une entreprise particulière, sur laquelle ils sont appelés quelquefois à donner leur avis, comme fonctionnaires de l’Etat.

Si ces fonctionnaires portent une partie de leur temps, je dirai même une partie de leurs idées, au service de particuliers, ce ne peut être qu’au détriment de l’Etat.

Je crois donc qu’il faudrait empêcher ces abus qui pourraient donner lieu aux conséquences les plus fâcheuses. Il ne peut y avoir qu’une opinion à ce sujet. Et s’il y avait une lacune à cet égard dans les règlements, on devrait la remplir par une mesure administrative.

M. le président. - M. Jullien a déposé sur le bureau un amendement ainsi conçu :

« Dans toutes les adjudications publiques pour lesquelles il est accordé des fonds au présent budget, on ne pourra imposer à l’adjudicataire la condition de produire un certificat de capacité. »

- L’amendement de M. Jullien est appuyé.

M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de continuer la discussion déjà très longue et au moins très inutile qui a lieu en ce moment relativement aux avantages qui peuvent résulter de la concession des travaux. Je pense qu’il faut laisser, quant à présent, cette question de côté, puisque c’est en vertu d’une décision de la chambre que les travaux s’exécutent maintenant par le gouvernement.

S’il en était autrement, j’aurais à répondre à quelques-uns des honorables préopinants.

Je me bornerai à renouveler la demande que j’ai faite chaque année ; j’ai demandé qu’on ôtât au département de certaines attributions pour les donner au ministère des affaires étrangères.

Je ferai remarquer que le département des affaires étrangères n’a que peu à faire ; le chef de ce ministère n’en disconviendra pas ; il doit se trouver heureux que la diplomatie reste inactive en ce moment, et la Belgique doit s’en applaudir aussi, car elle n’a rien de bon à attendre de la diplomatie.

Il y a au ministère des affaires étrangères des hommes capables, aussi capables que les fonctionnaires de l’intérieur, de diriger, par exemple, les affaires relatives au commerce et à l’intérieur.

Il me semble qu’en particulier le commerce devrait former une des attributions du département des affaires étrangères, parce que, par sa position, ce département est en relation avec tous les points du continent.

Le commerce est plus en rapport avec l’extérieur qu’avec l’intérieur, et doit, par conséquent, ressortir plutôt au ministère des affaires étrangères qu’à celui de l’intérieur.

Je voudrais donc, messieurs, qu’on diminuât les attributions de ce dernier ministère ; il lui en restera toujours assez pour occuper tous ses instants, quand ce ne serait que pour faire les nominations de bourgmestre que la loi a accordées au gouvernement.

Je reviendrai encore sur ce que j’ai dit chaque année, et plus particulièrement il y a deux ans ; je veux parler de l’abus contre lequel vient de s’élever l’honorable M. Jullien et relatif à l’exigence des certificats de capacité.

Quand M. Teichmann faisait partie de la chambre, il a été obligé de convenir que cette formalité présentait plus d’inconvénients que d’avantages ; que ce n’était que dans quelques cas que la chose pouvait être utile : et il a fini par déclarer que le gouvernement aviserait aux moyens de faire disparaître l’abus que nous signalions.

M. le ministre de l’intérieur a dit que l’exigence des certificats était indispensable ; il faut, a-t-il dit, une certitude de capacité ; l’honorable M. Jullien a soutenu le contraire, et je ne sache pas que M. le ministre ait répondu à ses arguments.

M. le ministre pense ensuite que cette formalité n’est pas onéreuse car, ajoute-t-il, « je n’ai jamais été dans le cas de refuser des certificats de capacité. »

Ainsi le ministre doit voir que sa réponse ne répond à rien. Dès que dans le cahier des charges il insérait une clause stipulant que, pour être adjudicataire, il fallait produire un certificat de capacité, il ne doit pas être étonné de n’avoir jamais été dans le cas d’annuler des adjudications pour défaut de capacité de la part de l’adjudicataire, parce que chacun était prévenu d’avance qu’il était inutile de se présenter si on n’était pourvu de certificat de capacité. Toutes les observations de M. Jullien restent donc debout.

Je pense toujours que l’utilité de ces certificats de capacité est à démontrer ; et, quant aux inconvénients, il ne faut pas se dissimuler qu’il en existe. Je suis plus à portée de les connaître que le ministre. Car quand on se présente chez le ministre c’est pour solliciter, et le solliciteur est plus disposé à louer qu’à critiquer. Dans ma position, au contraire, je reçois des plaintes et des critiques plutôt que toute autre chose. Je pourrais signaler de nombreux abus. Je ne le ferai pas, chacun peut les comprendre sans que j’aie besoin de les montrer du doigt.

Le ministre vient de reconnaître, par un signe affirmatif, que le personnel de son département est insuffisant. Je crois pouvoir dire, sans jeter de blâme sur qui que ce soit, qu’il manque un homme essentiel au ministère de l’intérieur ; il faudrait à la tête de l’administration des travaux publics deux hommes dont l’un serait chargé de la correspondance de l’administration et l’autre aurait à examiner tout ce qui est objet d’art, et serait en rapport direct avec le ministre. De cette manière, on pourrait pourvoir à tout. Vous auriez un homme spécial pour tout ce qui est d’administration, et un homme, également spécial, qui ne serait pas détourné de l’examen des questions délicates d’art, par des détails d’administration. Moyennant cette division du travail, tout pourrait marcher avec plus de rapidité.

Je n’entends, je le répète, faire ici aucune critique contre les personnes qui composent l’administration des travaux publics, mais je dis qu’aussi longtemps qu’il n’y aura qu’un seul homme à la tête de ce service, il ne pourra jamais, quel que soit son zèle, se mettre au niveau de ses devoirs.

Je prie le ministre de prendre note de mes observations. Si je me trompe, il n’y donnera pas de suite ; mais si je ne me trompe pas, je serai bien aise d’avoir contribué à améliorer le service des travaux publics.

Quant à l’exécution des chemins de fer votés par la chambre, je conviens que relativement au petit nombre d’ingénieurs chargés du travail, on y a mis toute l’activité qu’on pouvait exiger de deux hommes. Mais je crois que si, au lieu de deux hommes affectés spécialement à ces constructions, on en avait mis quatre ou six, les travaux auraient pu marcher beaucoup plus vite. Il est impossible que MM. Simons et Deridder surveillent l’exécution de la route d’Anvers à Malines et préparent en même temps les travaux de la route de Verviers à Ostende. Il est impossible qu’ils s’occupent des alignements des travaux et de toutes les opérations préliminaires de la route d’Ostende à Verviers, et qu’ils dirigent en même temps avec toute l’activité possible les travaux de la route. Pourquoi ne pas attacher à ce service d’autres ingénieurs qui seraient chargés des travaux préparatoires ? Bien que je ne considère pas les constructions de chemins de fer comme une spécialité telle que deux hommes seulement en Belgique pussent en diriger l’exécution, je consentirais à ce que MM. Simons et Deridder fussent chargés de cette besogne ; mais je voudrais que pour le surplus, pour les travaux préparatoires, ils n’eussent qu’une simple inspection et fussent déchargés de tout le matériel des opérations.

Si depuis deux ans que nous avons voté la loi concernant les chemins de fer, on avait employé six ingénieurs au lieu de deux, on aurait fait trois fois plus de besogne qu’on en a fait.

On a parlé du chemin de fer du Flénu et on a dit qu’on avait mis bien plus de temps pour le faire que pour celui de Malines. Je dirai d’abord que les divers embranchements sont plus longs que la section de Malines à Bruxelles, et ensuite qu’on a rencontré plus de difficultés. Une observation décisive, c’est qu’il n’y avait pas de loi d’expropriation pour cause d’utilité publique quand on a commencé le chemin du Flénu, ou du moins celle qui existait était tellement insuffisante que la chambre a dû en voter une autre.

D’après l’ancienne loi on pouvait traîner un procès d’expropriation pendant deux et trois ans, tandis qu’avec la loi nouvelle, une fois les noms et prénoms des propriétaires parcellaires établis, en 73 ou 74 jours on peut mener une expropriation à fin. A l’époque où cette loi a été votée, M. Fallon et moi, sans nous entendre, nous avons calculé le nombre de jours que pourrait durer une action en expropriation qui présenterait tous les cas possibles ; l’un a trouvé 73 jours, et l’autre 74.

Ce rapprochement a démontré que c’était bien là le terme véritable. On m’a dit qu’il y avait plus de difficultés pour les expropriations de la route d’Anvers que pour celles du chemin de Flénu. Mais pourquoi a-t-on trouvé ces difficultés ? Parce qu’on a mis beaucoup de négligence dans les plans parcellaires, parce qu’on a mis sous le nom de Jérôme ce qui appartenait à Pierre ou à Paul. On a été obligé de recommencer des opérations qui avaient été mal faites. Mais ce sont là des choses que le législateur ne pouvait pas prévoir.

Quand on fait une loi, on ne peut pas prévoir les bévues que feront ceux qui doivent l’exécuter. Mais une fois le propriétaire bien reconnu, avec la loi nouvelle, en 75 ou 74 jours vous pouvez mener une expropriation à fin, tandis que, pour le chemin du Flénu, il y a des expropriations qu’on a été obligé d’abandonner après dix-huit mois de procès, pour les recommencer conformément à la loi nouvelle : voilà des causes de retard dont il faut tenir compte. Je ne parle pas de ceci pour critiquer ce qui s’est fait. Je l’ai déjà dit, je pense qu’avec le nombre d’ingénieurs affecté aux travaux, il était difficile de les conduire avec plus de rapidité.

Je dis : je pense ; car, comme ce n’est pas ma partie, je ne veux pas porter de jugement. Mais je me plains de ce qu’on dit qu’il n’y a en Belgique que deux hommes capables de faire des chemins de fer. C’est faire injure au corps du génie belge qui est justement considéré en Europe, et dont les sommités, si pas tous les membres, sont sorties de l’école polytechnique.

Si le ministre voulait employer à la construction des chemins de fer d’autres ingénieurs que ceux qui y sont affectés, il pourrait faire marcher la besogne au moins trois fois plus vite.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Pour répondre aux observations faites par l’honorable membre qui le premier a porté la parole dans la séance de ce jour, je serais obligé d’entrer dans des détails qui ne présenteraient dans cette circonstance aucun intérêt. Ces observations me prouvent que les attributions d’un département des affaires étrangères sont généralement peu connues du public. Quoi qu’il en soit, vous vous rappellerez qu’en 1832, j’ai remis à la chambre un mémoire où ces attributions étaient détaillées.

Je connais l’organisation des ministères des affaires étrangères, non seulement dans les grands Etats de l’Europe, mais dans les pays dont la population et l’importance politique sont beaucoup inférieures à celles de la Belgique. De ces renseignements il est résulté pour moi la conviction que dans aucun de ces pays le ministère des affaires étrangères ne suffisait à ses besoins avec un personnel aussi peu nombreux que le nôtre. Je suis convaincu que le personnel de mon département est tout au plus assez nombreux pour suffire à la besogne courante dont il est chargé en ce moment. Je ne veux pas tirer de là la conséquence que certaines attributions ne pourraient pas passer de l’intérieur à mon département, mais avec le personnel chargé actuellement de ces attributions.

Il ne faut pas que l’on pense que le ministère des affaires étrangères reste entièrement étranger au commerce et à l’industrie. Ce département n’a jamais refusé son intervention, son concours quand il pouvait être utile. Tous les renseignements et les documents parvenus au ministère de l’intérieur, dont quelques-uns ont été rendus publics par la voie de la presse, dont d’autres ont été communiqués aux chambres de commerce et dont l’utilité n’a été contestée par personne, avaient été recueillis par nos agents à l’extérieur et communiqués par mon département à celui de l’intérieur.

Je pense néanmoins qu’il ne suffirait pas de joindre au département des affaires étrangères un lambeau quelconque des attributions de l’intérieur, mais qu’il faudrait, pour le mettre à même de remplir la tâche qu’on lui imposerait, lui déférer toutes les branches qui se rattachent au commerce et à l’industrie.

Je dois faire observer que c’est là une affaire de gouvernement en dehors de l’action immédiate des chambres. Elle n’a pas été perdue de vue, car elle a été l’objet de plusieurs conférences que j’ai eues avec le ministre de l’intérieur.

En ce qui concerne les certificats de capacité, dont a parlé un honorable préopinant, je crois qu’il importe de faire une distinction. Dans certains cas, il n’est peut-être pas nécessaire de les exiger ; mais dans d’autres cas, quand il s’agit de travaux spéciaux, je crois qu’il est indispensable d’en imposer la production.

Pour des travaux maritimes, par exemple, il est absolument nécessaire que les adjudicataires produisent des certificats de capacité, qu’ils administrent la preuve qu’ils sont capables d’exécuter par eux-mêmes ou par ceux qu’ils emploient sous leurs ordres, les travaux dont ils vont être chargés.

La solvabilité de l’entrepreneur ne suffit pas dans ce cas, il faut encore la certitude que les travaux seront exécutés, et qu’ils seront exécutés dans un délai fixé ; car, le délai écoulé, il n’est plus temps de les faire, et il en peut résulter de grandes pertes pour le pays.

En règle générale, je crois qu’il est bon d’exiger des certificats de capacité ; néanmoins je reconnais que ceux qui ne sont tenus qu’à présider certaines entreprises peuvent être dispensés d’en présenter. C’est pour les travaux maritimes qu’on ne peut admettre tout le monde ; la solvabilité de l’individu qui demande l’entreprise ne suffit pas ici : il faut rigoureusement s’enquérir s’il est capable du travail ; il faut avoir la certitude qu’outre les moyens pécuniaires, il peut par lui-même ou par les hommes qu’il a sous ses ordres faire exécuter les travaux convenablement et en temps utile.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - En ce qui concerne les certificats de capacité, je ferai très peu d’observations à l’appui de celles que j’ai déjà présentées.

L’honorable député de Mons pense que beaucoup d’entrepreneurs ne se présentent pas à raison de ces certificats de capacité que l’on exige d’eux : je pense que ces certificats ne sont un obstacle pour personne ; car il n’est pas déterminé de quelle manière ils doivent être produits : le ministre est juge de la capacité de celui qui se présente pour exécuter un travail ; on ne repousse pas les entrepreneurs dont la capacité est reconnue, est notoire.

Dans tous les cas le gouvernement doit se réserver les adjudications ; ce n’est pas seulement la capacité qu’il faut considérer, c’est encore la moralité qu’il faut rechercher ; il est tel individu très capable avec lequel il serait imprudent de traiter, parce que ses antécédents prouvent que l’on éprouverait des difficultés dans le cours de l’exécution des travaux. Sous ce rapport vous voyez combien il importe que le gouvernement se réserve le choix des entrepreneurs.

La proposition faite par M. Jullien ne peut être admise ; quand même elle serait fondée en elle-même, elle ne pourrait être introduite dans le budget ; elle ne pourrait trouver sa place que dans une loi réglant les conditions des cahiers des charges.

Mais cette proposition doit être repoussée parce qu’elle nuirait en plus d’une circonstance à la bonne exécution des travaux.

Messieurs, les moyens de rendre plus facile la besogne dans la division des travaux publics et des mines ont fait plus d’une fois l’objet de mes réflexions. Dès l’année dernière j’ai été sur le point d’attacher un employé spécial à cette division pour la rédaction des rapports. Cette rédaction est une partie qui exige d’une part des connaissances toutes spéciales, et qui d’une autre part prend trop de temps pour que les employés ordinaires ne soient pas dans le cas de négliger l’une ou l’autre affaire quand ils ont des rapports très considérables à préparer.

Je suis parvenu à combler momentanément la lacune qui existait : j’ai attaché au ministère de l’intérieur un ingénieur est en service général ; ce n’est que depuis quelques jours que je l’y ai attaché afin de faire les rapports sur les affaires particulières que je lui soumettrai. Il résultera de là un soulagement notable pour le chef de la division. Il est des rapports qui demandent beaucoup de temps. Le rapport sur la Sambre, le rapport sur le canal de Charleroy, ont exigé chacun plusieurs semaines d’un travail extrêmement assidu.

Je toucherai brièvement aux nouvelles observations qui ont été faites sur le chemin de fer.

D’abord il serait inexact de conclure que l’intention du gouvernement n’est pas d’activer les travaux de la section de Gand à Ostende, parce que l’année dernière il n’a pas cru devoir diviser cette section entre les ingénieurs ; les travaux de Gand à Ostende dépendant de ceux de Malines à Gand, c’était d’abord de ceux-ci qu’il fallait s’occuper. Quoi qu’il en soit, les plans de toutes les sections sont achevés.

J’ai également réfléchi aux moyens de donner plus d’impulsion aux travaux déjà actifs du chemin de fer ; je me réserve de prendre une décision, s’il y a possibilité, pour faciliter l’exécution des travaux de Gand à Ostende.

Mais il ne faut pas perdre de vue que dans l’exécution de ces chemins il faut un grand ensemble. Il ne faut pas perdre de vue qu’à l’époque où la loi du 1er mai fut portée, aucun travail de détail n’était fait ; il a donc fallu lever des plans ; il a fallu surtout faire les plans pour les abords des villes, qui soulèvent généralement les questions les plus graves ; il a fallu aussi faire les plans pour la construction des bâtiments d’exploitation.

Tous ces travaux ont demandé un temps considérable.

Les abords d’une ville, par exemple, ont exigé plusieurs études particulières ; tels sont les abords de la ville de Liège, parce que différentes combinaisons se présentaient : chacune a dû être étudiée à fond sous le rapport de la dépense et des avantages qu’elle présentait.

Tous ces travaux importants sont achevés. Je pense donc que sous peu on pourra activer beaucoup l’exécution des chemins de fer.

L’honorable préopinant a parlé des inconvénients qu’il y avait à ce que des ingénieurs de l’Etat fussent chargés de la direction d’entreprises particulières. Je ferai d’abord remarquer sur ce sujet que l’intervention des ingénieurs peut avoir lieu de deux manières : en se mettant au service d’une société particulière ; alors ils cessent de toucher les traitements donnés par l’Etat. C’est ainsi qu’un ingénieur a été chargé, avec l’autorisation de mon prédécesseur, des travaux du chemin du Flénu ; c’est ainsi que moi-même j’ai détaché un ingénieur du corps des ponts et chaussées pour l’exécution d’une concession.

L’intervention des ingénieurs peut également avoir lieu en faisant des plans pour des concessionnaires sans l’autorisation de l’administration supérieure. Il y a un avantage quand ces sortes d’interventions ont lien avec l’autorisation de l’administration supérieure ; c’est que l’on peut faire marcher simultanément le système des concessions avec celui des travaux exécutés par l’Etat.

Le système des concessions serait paralysé en Belgique si les ingénieurs de l’Etat ne pouvaient donner leur concours aux entrepreneurs : nous n’avons pas d’ingénieurs libres, ou le nombre en est insuffisant : si les ingénieurs libres étaient suffisants, aucun ingénieur de l’Etat n’obtiendrait la permission de travailler pour des particuliers.

En ce qui est des intérêts que les ingénieurs de l’Etat pourraient avoir dans l’exécution de tel ou tel travail, je déclare que si cela existe, c’est à mon insu et sans mon autorisation.

Je connais bien un ingénieur qui ayant été détaché du corps s’est chargé pour une compagnie de l’exécution du chemin du Flénu et qui était intéressé dans cette entreprise ; mais cet ingénieur, ni son frère l’inspecteur divisionnaire n’ont pris aucune part aux délibérations qui ont eu lieu dans le corps des ponts et chaussées relativement à ce chemin.

Je pense pouvoir borner ici mes observations.

M. A. Rodenbach. - J’ai très peu de chose à dire. Le ministre de l’intérieur a répondu à plusieurs honorables préopinants. Il a promis que l’on activerait les travaux ; il a même promis que, relativement à la section entre Gand et Ostende, il prendrait une décision particulière. Je la demande fortement, et je la demande d’autant plus que l’exécution de chemins de fer de Gand à Lille est retardée par suite de la décision du sénat. Ce retard de deux ou trois ans est considérable pour une ville commerçante.

De Gand à Ostende le mouvement commercial est considérable, et l’on y attend avec impatience l’exécution du chemin de fer.

Relativement aux certificats de capacité, je demanderai que cette question soit renvoyée à la section centrale, afin qu’elle examine ce qu’il y a à faire. Je dirai comme le député de Bruges, que ce sont presque toujours les mêmes individus qui obtiennent l’entreprise des travaux.

Ce sont eux, ce sont toujours les mêmes qui trouvent moyen de faire fortune. Il n’y a pas de personnalité là-dedans.

L’on peut supposer, quand on voit les mêmes entrepreneurs s’enrichir, qu’il y a monopole, que ces certificats de capacité y contribuent. Je désirerais que l’on prouvât la nécessité de ces certificats. Car jusqu’à présent cette preuve ne m’a pas été donnée.

C’est pourquoi je demande le renvoi de la proposition de M. Jullien à la section centrale. Il faut qu’il y ait un obstacle à ce que d’autres entrepreneurs ne puissent se mettre sur les j rangs. Le rapport de la section centrale nous éclairera à ce sujet.

M. Gendebien. - M. le ministre des affaires étrangères m’a fort mal compris lorsqu’ils pensé que je voulais qu’il se chargeât de la division du commerce et de l’industrie sans augmentation de personnel. J’ai bien entendu que ce surcroît d’attributions ne lui serait imposé qu’avec le personnel de la division qu’on détacherait du département de l’intérieur.

C’est un soulagement que je voulais donner au chef du département de l’intérieur. J’ai voulu mieux répartir la besogne entre deux ministres. J’ai pensé qu’un ministère qui n’a que deux divisions, pourrait comprendre deux divisions du ministère de l’intérieur, qui en a six.

Telle a été mon unique pensée. Je n’ai entendu acenser personne de paresse. J’ai cru que le ministre de l’intérieur pourrait céder quelques-unes des attributions de son département, surchargé qu’il est de travail.

M. le ministre de l’intérieur a répondu à M. Jullien, sur ce que nous avons dit, cet honorable membre et moi, au sujet de l’inutilité des certificats de capacité, qu’on ne les exigeait pas toujours. Voilà déjà de l’arbitraire, Il dépend donc toujours (de qui ? je l’ignore) d’exiger ou de ne pas exiger un certificat de capacité. Qu’est-ce qui a ce droit ? Est-ce le ministre ? Est-ce le dernier commis de la division ? Je n’en sais rien.

Qu’on veuille nous dire dans quelle circonstance on exige ces certificats de capacité.

Quelles sont les règles que l’on suit pour déclarer qu’un homme a les qualités requises pour être déclaré adjudicataire d’une entreprise ? Cette appréciation serait-elle livrée au bon plaisir de je ne sais qui ?

Je désirerais que M. le ministre qui trouve que cette clause est essentielle dans le cahier des charges, nous dît dans quel cas il la trouve essentielle.

On vous a dit, messieurs, que pour les travaux maritimes les certificats de capacité étaient indispensables, parce qu’il fallait des hommes connaissant tellement la nature des travaux, qu’ils fussent bien pénétrés qu’après un certain délai les travaux étaient impossibles à exécuter, que le cahier des charges indique le terme dans lequel les travaux doivent être faits. C’est aux risques et périls de l’entrepreneur si les travaux ne sont pas achevés.

Je vous demande ensuite quelle sécurité plus grande vous trouvez dans un homme qui a un certificat de capacité que dans un capitaliste qui n’en a pas. Je vous demande si un homme qui a de grands capitaux n’aura pas intérêt à employer des spécialités. S’il entreprend, c’est pour faire valoir son argent. Dans son propre intérêt il choisira des hommes capables. Vous avez une garantie que l’entreprise sera dirigée par des hommes de capacité, car l’intérêt particulier sera en jeu, et vous n’ignorez pas que c’est la meilleure garantie.

Ah ! s’il n’y avait jamais que de pauvres diables n’ayant à produire que leur capacité, je ne m’élèverais pas contre ce monopole de la capacité en faveur de ceux qui n’ont rien ; mais il n’en est pas ainsi.

Il y a tel entrepreneur muni d’un certificat de capacité beaucoup moins capable que telle autre personne également munie d’un certificat de capacité.

Savez-vous ce que c’est que des certificats de capacité ? c’est une attestation délivrée par un employé de l’administration, de laquelle il résulte que l’adjudicataire a déjà fait des entreprises. C’est une espèce de franc maçonnerie. Une fois que vous avez travaillé, vous êtes considère comme capable. Voilà tout le motif.

Il y a des entrepreneurs, qui ont de semblables certificats, qui ne s’occupent pas le moins du monde de l’exécution des travaux et qui sont certains d’avoir, au bout de l’opération 20, 30 à 40 p. c. de bénéfice. Ils laissent le soin de l’exécution des travaux à de simples ouvriers qui seraient tout aussi bien employés par d’autres capitalistes.

Sous le rapport de la solvabilité indiquée par M. le ministre de l’intérieur lui-même, il n’y a pas plus de sécurité dans son système que dans le nôtre. Il y a même plus de sécurité dans le nôtre.

J’ai un mot à répondre à M. le ministre. Il a dit qu’il avait songé déjà aux difficultés que présentent les questions de travaux publics, qu’il s’était pourvu d’un employé chargé spécialement de la rédaction des rapports. Je ne trouve pas mauvais que M. le ministre ait un homme capable de rédiger les rapports. Mais ce n’est pas sous ce point de vue que j’ai présenté mes considérations. Je désirerais une capacité spéciale pour l’examen de tous les travaux tenant à la science. Il est impossible que M. le ministre fasse lui-même cet examen. D’abord un ministre n’est pas universel. Puis, fût-il universel, il n’aurait pas le temps d’examiner en détail chaque objet de l’administration. Je voudrais qu’un ingénieur en chef, l’homme le plus capable, fût à la tête de la direction de l’intérieur.

Quant à ce qui a été dit au sujet de l’activité du chemin de fer, je ne critique pas ce qui a été fait ; je suis disposé à croire ; je suis persuadé que l’on a mis toute l’activité possible. Mais si l’on avait mis 6 ingénieurs au lien de 2 à la tête, il y aurait plus de besogne faite. M. le ministre dit à cela : Il faut de l’ensemble dans les travaux ; il faut que les rails aboutissent les uns aux autres ; il faut que les pentes ne soient pas plus fortes que celles reconnues possibles. Mais je le demande, si plusieurs ingénieurs qui s’occuperaient en même temps sur toute la ligne des travaux préliminaires d’art, en quoi cela nuirait-il à l’ensemble nécessaire pour la correction des travaux ? Une fois ces travaux préliminaires exécutés, une commission d’ingénieurs pourrait les coordonner et conserver ainsi cet ensemble tant désiré par M. le ministre.

Je le répète, mes observations ne sont pas critiques. Il est certain que chaque section rapporterait davantage si toute la ligne était exécutée en même temps.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - En ce qui regarde la division des travaux publics au fond, nous sommes d’accord avec l’honorable préopinant. Je pense qu’il n’a pas assisté à la discussion de la séance d’hier. C’est ce qui a occasionne son erreur. En ce qui concerne les questions d’art, elles sont examinées spécialement par l’autorité provinciale quand il s’agit de travaux à exécuter par le gouvernement, ou bien par l’inspecteur-général et par une commission qu’il préside, de quelque source que les projets émanent.

En ce qui concerne les chemins de fer, les projets sont examinés par les deux ingénieurs chargés de l’exécution de la loi du 1er mai. Il m’est arrivé cependant de soumettre leurs propositions à l’opinion de l’inspecteur-général, même pour les concessions particulières ou à l’avis d’une commission d’ingénieurs.

Sous ce rapport, j’apprécie les besoins du service. J’ai eu en vue dans la séparation de la direction du chemin de fer d’éviter les complications qui ne manquent pas de se rencontrer quand la filière est trop grande.

L’honorable préopinant aurait également désiré qu’un plus grand nombre d’ingénieurs fussent attachés au chemin de fer. J’aurais également désiré en attacher un plus grand nombre. Le personnel du corps des ponts et chaussées est en ce moment intérieur aux besoins, si vous considérez l’exécution des entreprises projetées par le gouvernement et les sociétés particulières, ainsi que la conservation des travaux immenses qui existent déjà. Cette insuffisance du personnel des ponts et chaussées est l’effet du moment. Peu à peu les lacunes se combleront, et alors les travaux auront toute l’activité que l’on peut désirer.

Quant à la question que m’a faite l’honorable M. Gendebien au sujet des certificats de capacité, c’est le ministre qui décide d’après le rapport des ingénieurs, s’il y a lieu d’accepter l’adjudicataire. Si un entrepreneur a exécuté d’autres travaux et qu’il ne soit pas connu du gouvernement, il est tout simple qu’on lui demande de prouver que l’on a été satisfait des travaux qu’il a précédemment exécutés. S’il y a lieu, l’on prend d’office des informations à cet égard.

Si l’entrepreneur n’a jamais exécuté de travaux ou s’il n’en exécuté qu’en sous-ordre, l’on examine si cet homme présente des garanties suffisantes ; il est impossible d’établir une règle fixe, absolue ; c’est une question de fait qui doit être appréciée par l’administration.

Tout ce que l’on peut exiger de sa part, c’est qu’elle agisse dans un esprit de justice, de libre concurrence, de manière qu’il n’existe de privilège pour personne. C’est ainsi que l’administration agit. Quiconque veut se présenter sera admis, s’il est à même d’exécuter les travaux.

M. Desmet. - M. Rodenbach a demandé le renvoi de la proposition de M. Jullien à la section centrale. Je crois qu’il serait plus convenable de la renvoyer à la commission des travaux publics.

M. Jullien. - La question des certificats de capacité est épuisée. Tout le monde comprend que ce n’est qu’une absurdité que cette prétention de l’administration des ponts et chaussées. L’on vous dit que l’on admet indistinctement les adjudicataires qui ont un certificat de capacité. Mais dés que vous écartez ceux qui n’en ont pas, vous établissez un véritable privilège.

Que résulte-t-il de l’exécution de cette clause ? C’est que l’administration n’a pas de capitalistes pour adjudicataires, mais bien d’anciens ouvriers qui, quoique s’étant enrichis dans les travaux de ce genre, n’ont pas la fortune nécessaire pour répondre vis-à-vis du gouvernement de l’exécution des travaux. Ce qui fait que le gouvernement est obligé de se contenter de cautions dont la solvabilité est douteuse.

On a opposé à ma proposition une espèce de fin de non-recevoir. On m’a dit qu’on ne pourrait l’insérer dans le budget ; je ne vois pas pourquoi.

Le budget accorde des fonds pour des travaux déterminés. C’est en vertu de la loi du budget que vous pourrez exécuter ces travaux. Je vous demande si en même temps que vous votez les fonds nécessaires pour l’exécution des travaux, vous ne pouvez pas imposer des conditions à cette exécution. Je ne vois donc rien qui s’oppose à ce que l’on mette mon amendement aux voix

Je ne m’opposerais pas au renvoi de ma proposition à une section centrale ou une commission, si je ne craignais que l’abus ne continuât en 1836, faute d’une disposition formelle insérée dans le budget.

M. A. Rodenbach. - Je déclare retirer ma proposition.

- L’amendement de M. Jullien est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Chapitre X. Service des mines

Article unique

« Article unique. Service des mines : fr. 59,410. »

Chapitre XI. Industrie, commerce, agriculture

Article premier

M. le président. - M. Manilius présente l’amendement suivant :

« Je propose le libellé suivant à l’art. 1er du chap. XI.

« Encouragements à l’industrie et au commerce : fr. 220,000.

« Ces fonds ne peuvent être affectés à aucun établissement industriel ; néanmoins des subsides pourront être accordés pour des inventions, perfectionnements ou introductions de mécaniques ou procédés nouveaux et utiles. »

M. Manilius. - En réplique à mes développements donnés dans la discussion générale, l’honorable M. Smits a dit que ces fonds n’avaient jamais d’autre destination. Voici, messieurs, un arrêté contraire.

Sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur, Sa Majesté prit, le 20 avril 1834, un arrêté par lequel la somme de fr. 71,598-13, imputable sur le chapitre X, art. 1er. L. A. du budget de son département, exercice 1834, fut mise à la disposition du ministre des finances, pour servir au complément des septième et huitième termes de versements d’un contrat d’association avec MM. Cockerill, Vates, le roi Guillaume et le gouvernement pour fabrication des tissus de coton. Indépendamment de cela on a fait un autre transfert de fr. 680,84-40 des fonds rentrés de l’ancien million pour l’encouragement de l’industrie. C’est M. Duvivier qui a arrangé cela entre M. Cockerill et les domaines.

Mais, dit M. Smits, c’est pour remplir des obligations contractuelles, et il m’a confié après que ce n’est même qu’a titre d’emprunt. Eh bien, je persiste à dire que les fonds pour l’encouragement de l’industrie ne sont pas destinés à ces sortes d’obligations ni à des emprunts. Si tant est que des conventions doivent être remplies, que l’on demande des fonds à cette fin, mais que l’on ne donne une destination contraire aux fonds pour l’encouragement. D’ailleurs, messieurs, je pense que j’en ai assez dit dans la discussion générale pour vous convaincre de la nécessité de mieux spécifier la destination de ces fonds ; car on importune les ministres pour obtenir de ces fonds, et surtout ceux qui ont des remboursements à faire de l’ancien fonds de l’industrie ; ils prétextent que des nouveaux fonds les mettraient à même de rembourser le tout. Il faut que nous prévenions une pareille chose, ce serait perpétuer un mal dont tout le pays souffre, surtout l’industrie nationale : vaut mieux au besoin sacrifier l’ancienne créance que d’alimenter les abus dont tout le pays se plaint. J’espère, messieurs, que vous sentirez toute l’importance de mon amendement et que vous l’adopterez.

M. Smits. - J’ai eu l’honneur de dire que je partageais entièrement les principes développés par l’honorable préopinant, mais quand il avance que j’avais dit que la somme de 40,000 fr. avait été donnée à titre d’emprunt, il est tombé dans une grave erreur.

Il existe un ancien contrat entre le roi Guillaume et la compagnie Vates. D’après ce contrat il a été convenu d’avancer annuellement sur le trésor public une somme de 70 à 80,000 fr. à l’établissement d’Andennes.

Lorsqu’il a été question d’exécuter ce contrat qui liait le gouvernement, le département des finances n’avait pas les fonds nécessaires. Il a dû avoir recours au département de l’intérieur.

Dans toutes les autres occasions le gouvernement ne s’est jamais écarté des principes développés par l’honorable membre. Avant de me prononcer sur l’amendement de M. Manilius, je désirerais savoir ce qu’il entend par établissements industriels. Veut-il parler des établissements formés ou à former ? Je désirerais qu’il s’expliquât à cet égard.

Il y aurait toujours de l’inconvénient à adopter sa proposition. Ainsi, le gouvernement a cru utile d’engager un mécanicien étranger à se fixer dans le pays. Il lui avance des fonds pour établir à Bruxelles ce beau système de dragage par lequel le creusement du canal a été opéré en aussi peu de temps.

Autrefois la Belgique était tributaire de l’étranger. Je vous demande si le secours accordé par le gouvernement n’a pas été bien employé.

Dans une autre circonstance, le gouvernement a cru devoir s’écarter du principe en engageant un industriel à faire l’essai d’un nouveau système de filature adopté en Angleterre.

Vous savez tous, messieurs, qu’il y a quelques années, on a découvert dans la Nouvelle-Zélande une filasse très utile, inconnue dans ce pays-ci. Le gouvernement a encore avancé un léger secours en faveur de cette industrie nouvelle ; et presque toujours, messieurs, ces sommes ont été accordées sur hypothèque.

Les choses ne se passent pas maintenant comme sous le gouvernement précédent qui accordait des millions pour des industries établies. Il s’agit ici d’industries nouvellement introduites, et les subsides accordés par le gouvernement sont des avances remboursables qui ne produisent, il est vrai, aucun intérêt, mais dont le recouvrement au moins est certain.

Je crois donc, messieurs, que puisque le gouvernement ne s’est jamais départi que dans des cas très rares, des principes développés par l’honorable préopinant, il faut laisser subsister l’état actuel des choses.

Il faut aussi ne pas ôter toute liberté d’action à l’administration publique ; car, en agir autrement, ce serait reporter le pouvoir exécutif dans la chambre législative.

Il suffit, messieurs, pour la chambre, que des abus n’aient pas été signalés, pour que le système suivi jusqu’à ce jour continue à recevoir la sanction de la législature.

Je pense en conséquence, messieurs, qu’il n’y a pas lieu d’accueillir l’amendement de M. Manilius.

M. Rogier. - L’amendement de M. Manilius me paraît manquer d’abord d’une certaine clarté ; en effet, le second paragraphe semble contredire le premier.

D’après le premier, il est interdit d’affecter des fonds à aucun établissement industriel, et, d’après le second des subsides peuvent être alloués pour des inventions, perfectionnements ou introductions de mécaniques, ou procédés nouveaux.

Ces derniers objets me paraissent être de la même catégorie que celui qui est frappé d’exclusion par l’amendement.

Je ne vois donc pas comment on pourrait d’un côté refuser des fonds à des établissements industriels, et d’un autre côté allouer des subsides pour un objet analogue.

Il faudrait en conséquence qu’on précisât d’abord ce que l’on veut dire.

En second lieu, il serait nécessaire de motiver un pareil amendement sur des abus qui auraient été signalés dans la manière dont les fonds destinés au commerce et à l’industrie sont dépensés aujourd’hui.

Or, a-t-on signalé des abus ? On a cité une somme de 72,000 fr. qui a été dépensée ; mais on a répondu que cette dépense a eu lieu en exécution d’un engagement contracté par gouvernement.

On n’a, messieurs, signalé aucun abus. M. Smits vient de vous faire connaître comment les fonds affectés à l’industrie ont été répartis, et je ne pense pas que les plus exigeants puissent trouver que le gouvernement a agi, soit avec légèreté, soit avec partialité, soit enfin avec prodigalité dans la distribution de ces fonds.

Quant à nous, c’est avec satisfaction cependant que nous voyons des membres de cette chambre se montrer plus ou moins disposés à ne pas exiger du gouvernement une certaine protection que, pour nous, nous ne voudrions pas lui voir exercer outre mesure.

Ce que nous voulons surtout de la part du gouvernement, c’est moins une protection directe, une protection pécuniaire que beaucoup de facilité et beaucoup de liberté. Nous pensons que le meilleur moyen de protéger l’industrie est de suivre un régime libéral ; et à ce sujet nous ne pouvons que rappeler que la chambre n’a pas été saisie jusqu’ici de la discussion du projet de loi présenté, il y a un an, sur le transit.

Ce projet n’a pas encore obtenu les honneurs d’un rapport de la part de la section centrale ; et je demanderai à l’honorable membre qui est chargé de ce travail si le rapport n’est pas encore prêt.

M. Desmaisières. - Je demande la parole.

M. Rogier. - Ce projet, messieurs, est extrêmement important pour l’avenir de notre commerce ; il se lie intimement aux intérêts de notre industrie, tant agricole que manufacturière.

Je ne crois pas qu’il puisse donner lieu à de grands débats, surtout si la section centrale s’est attachée à en faire disparaître certains vices qui y ont été signalés.

Je saisis cette occasion pour demander à M. le ministre de l’intérieur s’il espère que bientôt il sera mis un terme aux difficultés qui existent entre la Belgique et d’autres pays, touchant les rapports commerciaux.

Ces difficultés ont déjà été signalées par la presse ; je veux parler des droits différentiels dont notre pavillon est frappé aux Etats-Unis et en Angleterre.

Je crois que la perception de ces droits doit être attribuée à l’absence de traités de commerce avec ces deux puissances, et je pense qu’on ne peut trop insister auprès gouvernement pour la prompte conclusion de ces traités.

Nos relations actuelles avec la France doivent être un encouragement pour le gouvernement d’essayer d’en établir avec d’autres puissances ; ces relations ont déjà obtenu un résultat favorable, et il est à espérer que bientôt nous recueillerons d’autres fruits de ces négociations.

Il est très probable que le changement de ministère en France n’amènera pas un changement de dispositions, quant aux rapports commerciaux. Nous avons vu avec plaisir que le ministre actuel du commerce et des travaux publics est tout aussi disposé que son prédécesseur à faciliter les relations de la Belgique avec la France.

Quant à nous, messieurs, ce serait avec joie que nous accueillerions la présentation d’un projet de loi qui aurait pour but de sanctionner un traité de commerce avec la France.

Nous ne devons pas, pour cela, perdre de vue les autres nations et notamment les Etats-Unis et l’Angleterre avec lesquels il sera facile de faire disparaître les difficultés dont j’ai parlé.

Je crois pouvoir borner là mon observation.

M. Desmaisières. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour répondre à l’interpellation que l’honorable préopinant vient d’adresser au rapporteur de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur le transit.

La section centrale, messieurs, a terminé son examen préparatoire du projet. Toutefois, avant de prendre une détermination définitive, elle a désiré avoir une conférence avec le ministre de l’intérieur et avec celui des finances. Cette conférence n’a pu encore avoir lieu, et par conséquent il n’a pas été possible d’arrêter le rapport.

Une autre cause du retard, c’est que plusieurs membres de cette section centrale, et particulièrement son rapporteur, ont été chargés également par la chambre d’autres occupations nombreuses.

J’espère cependant que la section centrale pourra se réunir de nouveau sous peu de jours, et que dans peu de temps le rapport pourra être fait.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - M. Manilius a présenté un amendement qui me paraît inutile, peut-être même dangereux.

Il est inutile, parce que l’administration est déjà fixée sur ce principe, qu’il ne faut pas accorder des secours individuels, comme moyens de protection pour le commerce et l’industrie.

Depuis la révolution, il n’a pas été accordé une seule faveur de cette nature.

Quant à nous personnellement, nous avons déjà exprimé l’opinion dont il s’agit, comme rapporteur d’une commission nommée dans le sein du congrès. C’est donc depuis l’existence du congrès que l’on suit ce principe dans cette branche d’administration. Aussi les industriels sont-ils actuellement si convaincus de l’inutilité de leurs demandes, qu’ils ont entièrement renoncé à faire de nouvelles démarches.

Je dis, messieurs, que cet amendement est inutile par les faits que je viens d’exposer ; je dis même qu’il serait en quelque sorte dangereux, parce que le deuxième paragraphe pourrait donner l’éveil aux industriels ; c’est presque une provocation aux sollicitations de subsides sur le fonds de l’industrie. Je crois donc que par ces diverses considérations, la chambre doit le repousser.

Quant au droit différentiel que paient les produits belges, le gouvernement s’en est occupé. Il a adressé de vives réclamations aux Etats-Unis d’Amérique et à l’Angleterre. Indépendamment de cela, nous examinons s’il ne conviendrait pas de présenter un projet de loi nouveau dans les principes duquel on pourrait trouver moyen de favoriser notre navigation en accordant des facilités réciproques aux autres nations. Quant à nous, le principe de la liberté est toujours celui auquel nous donnerons la préférence.

Quant au transit, nous attendrons les communications de la commission, et nous nous empresserons de répondre à celles qu’elle nous fera.

Quelques honorables membres m’interpellent pour me demander si nous n’avons pas eu de rapport avec cette commission. Je répondrai que jusqu’à présent nous n’en avons eu aucun.

M. Manilius. - L’honorable M. Smits a répondu que les fonds remis par le ministre des finances étaient une avance et non un emprunt, et qu’ils devaient rentrer. Je dis, moi, que ces fonds ne doivent fournir ni emprunt ni avance. D’un autre côté, on dit que c’est un contrat dont le trésor doit remplir les conventions. Alors qu’on emploie les fonds du trésor, qu’on vote pour cela un crédit spécial, mais qu’on ne prenne pas, pont remplir les conventions de ce contrat, sur les fonds destinés à encourager l’industrie.

M. Smits a dit qu’il voudrait connaître les établissements industriels que j’ai en vue ; ce sont tous les établissements d’industrie. Je fais exception pour les procédés nouveaux, pour les mécaniques nouvelles qu’on introduirait. Cela se trouve indique dans mon amendement.

M. Rogier dit qu’il n’y a pas eu d’abus, moi j’en trouve un très grand dans l’emploi des fonds rentrés de l’ancien établissement de M. Cockerill.

Ces fonds devaient faire retour au trésor, et c’est M. Rogier lui-même qui en a disposé, qui en a autorisé le transfert à l’établissement d’Andennes. C’est là, je le répète, un grave abus ; les fonds provenant des avances faites antérieurement à l’industrie doivent faire retour au trésor ; ils ne peuvent pas servir à remplir des engagements contractés ; sans cela, le ministre des finances ne viendrait pas demander pour cela 66 mille fr., il se servirait des fonds qui rentrent de l’ancien million Merlin.

M. Coghen - La preuve que le gouvernement ne veut pas employer à l’exécution de conventions le fonds destiné à l’encouragement du commerce et de l’industrie, c’est qu’il demande un crédit spécial pour cet objet. Par conséquent les craintes de M. Manilius doivent cesser.

Je trouve que l’amendement qu’il propose serait dangereux en ce qu’il pourrait lier le gouvernement.

Quant à l’emploi qu’on a fait jusqu’à présent des fonds demandés pour encourager le commerce et l’industrie, je pense qu’il ne peut être l’objet d’aucune critique. Je pense qu’on peut continuer à s’en rapporter à la sagesse du gouvernement pour encourager le commerce et l’industrie belge qui déjà commencent à prendre un rang distingué en Europe.

M. Manilius. - J’ai oublié une observation en réponse au ministre de l’intérieur. J’ai la preuve que ces fonds ont été employés différemment que dans le but qu’il a indiqué. Je demanderai qu’il nous donne le détail de l’emploi des fonds votés depuis plusieurs années. Après cela, alors même qu’il serait constaté que les fonds ont été employés comme le dit M. le ministre de l’intérieur, je ferais observer que M. de Theux ne sera pas éternellement ministre, et que son successeur pourrait donner aux fonds votés une destination contraire au vœu de la chambre par suite du vague que présente l’expression : encouragement à l’industrie et au commerce. Et le résultat pourrait être de décourager au lieu d’encourager. Par ce motif, je persiste dans mon amendement.

- L’article premier « encouragement à l’industrie et au commerce : fr. 220,000, » est mis aux voix et adopté.

L’amendement de M. Manilius est rejeté.

Article 2

« Art. 2. Secours maritimes : fr. 40,000. »

M. Smits. - Ce n’est pas pour m’opposer à l’allocation que je demande la parole. Je désirerais savoir si les projets de loi présentés par le gouvernement pour encourager la pêche maritime et accorder des primes pour constructions de navires ont été examinés par les commissions et si on nous en fera bientôt le rapport. On me dit que le rapport de la loi relative aux primes à accorder pour constructions de navires est prêt, mais que celui de la loi relative à la pêche ne l’est pas. Je désirerais que ces rapports fussent faits le plus tôt possible, afin qu’après la discussion des budgets et de quelques autres lois importantes que la chambre a à voter, elle puisse s’occuper des intérêts matériels.

Voilà des projets pour lesquels le gouvernement a pris l’initiative et qui restent ensevelis dans les cartons de la chambre. Je demande qu’ils en sortent, afin de favoriser le mouvement commercial qui tend à prendre de plus en plus d’extension en Belgique.

M. Hye-Hoys. - Je suis membre de la commission chargée d’examiner ces projets. Elle ne s’est réunie qu’une fois pour nommer son président qui est tombe malade. Depuis nous n’avons pas été convoqués.

M. Legrelle. - Je demanderai ce que fait la commission. La maladie plus ou moins prolongée d’un membre d’une commission ne doit pas en empêcher la réunion.

Plusieurs membres. - Mais vous en faite partie.

M. Legrelle. - Ce qui prouve que la commission n’a rien fait, c’est que je ne savais pas même que j’en fusse membre. Je n’ai pas été convoqué une seule fois.

Cela n’empêchera pas que je demande le remplacement du membre malade afin que la commission puisse s’occuper de l’objet important soumis à son examen.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le port d’Ostende est très intéressé dans la loi dont il s’agit ; je demande qu’on ne remplace pas M. Donny. Sa santé pourra peut-être lui permettre de revenir avant que la commission n’ait termine son travail.

M. le président. - On pourra nommer un vice-président.

M. Gendebien. - On pourra nommer un membre de plus.

- L’article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Pêche nationale : fr. 40,000. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Agriculture : fr. 363,500. »

M. de Behr. - Messieurs, une école vétérinaire a été fondée à Liége par des hommes d’un mérite distingué ; elle était réclamée comme un bienfait pour les campagnes, où l’on rencontre encore partout des empiriques, an lieu d’hommes capables de diriger l’éducation et le traitement des chevaux et bestiaux. L’utilité de l’institution dont il s’agit a été appréciée par la commission provinciale d’agriculture ; de son côté la ville en a aussi reconnu l’utilité et s’est empressée de fournir tous les bâtiments nécessaires à l’enseignement. Les cours sont donnés dans les deux langues usitées en Belgique, et les études ne laissent rien à désirer ; elles sont suivies par la majeure partie des élèves en médecine de l’université qui siège dans la même ville. Il existe, il est vrai, dans la capitale, un établissement du même genre ; mais, quel que soit le développement auquel il puisse atteindre, il ne pourra jamais répondre aux besoins de l’armée et des localités de toutes les provinces. Chacun sait que les jeunes gens qui se destinent à l’exercice de cet art appartiennent en général à des familles peu aisées, qui sont hors d’état d’entretenir leurs enfants ailleurs que dans les lieux qu’elles habitent.

Sous le gouvernement précédent, il y avait aussi une école vétérinaire établie sur une très grande échelle ; on disait alors comme à présent qu’elle suffisait à tous lés besoins ; et cependant grand nombre de nos communes rurales sont restées jusqu’à ce jour privées des ressources de la médecine appliquée aux animaux domestiques. Ainsi deux écoles au moins sont nécessaires pour former des artistes indispensables à la prospérité de l’agriculture, et certes ce n’est pas trop, à côté de quatre universités où l’on enseigne la médecine de l’homme. L’établissement dont j’ai l’honneur d’entretenir l’assemblée est dans une position des plus favorables ; il a son siège dans une province tout agricole et présente toutes les garanties désirables de durée et de succès ; aussi ne vient-il vous demander, messieurs, aucune espèce de protection ni de secours ; seulement il se plaint avec raison dé toutes les faveurs accordées à celui de Bruxelles. Les subsides considérables que ce dernier reçoit chaque année, et les prédilections dont il est l’objet de la part du gouvernement, seront nécessairement une cause de ruine pour l’école vétérinaire de Liége, qui ne pourra soutenir la concurrence. Or, une telle préférence me semble aussi injuste en soi qu’elle est contraire à la liberté d’enseignement. Si l’école de Bruxelles est un établissement particulier ou communal, on peut dire qu’elle exerce de fait un monopôle réprouvé par les principes libéraux que consacre la constitution. Mais si on veut la considérer comme un établissement public dirigé par le gouvernement et dont le trésor supporte la dépense, déguisée sous le titre de subside, dans ce cas l’inconstitutionnalité me paraît encore plus flagrante.

En effet, l’article 17 du pacte fondamental veut impérieusement que l’instruction donnée aux frais de l’Etat soit réglée par une loi. Cette mesure a été exigée comme une garantie salutaire ; sans elle, les abus viendraient bientôt détruire la liberté de l’instruction, et pour n’en citer qu’un exemple, je le puiserai dans la formation du jury appelé à conférer les grades aux jeunes gens qui se destinent à la médecine vétérinaire. Ce jury est exclusivement composé des professeurs de l’école de Bruxelles. Or, comment veut-on que des élèves appartenant à des établissements rivaux puissent être examinés avec impartialité par un pareil jury ? Quelle justice ont-ils à attendre de ceux qui sont intéressés à les juger défavorablement. Avant donc de faire aucune proposition, je demanderai à monsieur le ministre de l’intérieur des explications sur les observations que je viens d’émettre ; je lui demanderai aussi s’il est vrai que les élèves de l’école de Bruxelles obtiennent des exemptions du service militaire.

M. Desmanet de Biesme. - Autant nous devons chercher à répandre l’instruction primaire dans toutes les localités, autant nous devons chercher à concentrer certains grands établissements qui ne peuvent s’organiser en tous lieux. Telle est la position de l’école vétérinaire de Bruxelles.

Peu de temps après la révolution, quelques hommes animés de l’amour du bien public, et avant que rien ne fût consolidé, conçurent l’idée de créer, à leurs frais, une école vétérinaire à Bruxelles. Ils dépensèrent 50,000 fr. à cette œuvre. Leur école fut parfaitement composée, parfaitement montée. Au nombre de ses professeurs elle comptait des artistes vétérinaires distingués, des médecins recommandables de Bruxelles qui n’avaient pas craint d’abandonner une partie de leur clientèle pour se rendre utiles.

Mais les ressources des particuliers ont des bornes. Après avoir dépensé 50,000 fr ils se sont adressés au gouvernement et à la législature pour obtenir des secours ; on leur en a donné.

Cette école est improprement appelée école vétérinaire ; on pourrait l’appeler beaucoup mieux : Ecole vétérinaire et d’agriculture, car on y donne des leçons sur toutes les fabriques dont les produits agricoles font la matière première.

On peut considérer cette nombreuse école comme un établissement du gouvernement, puisqu’on a indemnisé les professeurs avec les subsides accordés. Elle est dans un état complet de prospérité.

Si chaque ville, comme Liége, venait à demander qu’on établît une école vétérinaire chez elle, vous auriez des écoles partout, mais vous n’en auriez de bonne nulle part. Il faut que des établissements semblables soient montés sur une grande échelle.

Je ne vois pas que les députés de Liège soient fondés dans leurs demandes. Elle a une université créée aux frais de l’Etat ; cette ville peut-elle se plaindre que l’on donne quelques secours à l’école vétérinaire de Bruxelles, quand elle est si largement dotée en fait d’instruction publique ?

On dit que l’école vétérinaire de Bruxelles est une école communale ; moi je crois que c’est une école du gouvernement On a besoin de construire de grands bâtiments pour la transférer, parce que le local où elle se trouve est trop resserré, et parce qu’on a fait des objections sur la salubrité de son voisinage ; on a engagé la ville de Bruxelles à faire ces bâtiments ; la ville a consenti, mais comme elle ne peut tout faire, elle a demandé un secours. Voilà, je crois, comme les choses se sont passées. Au reste, le ministre de l’intérieur donnera des renseignements à cet égard.

On a parlé de l’inconstitutionnalité de l’allocation ; il est possible qu’elle existe, mais il est facile de dissiper les scrupules sur ce point, car je ne vois pas de difficulté à tout régler par une loi.

Le député de Liége a dit que les élèves de l’école vétérinaire de Bruxelles ne pourraient suffire aux besoins de l’armée et du pays ; j’ai peur au contraire que l’on ne soit bientôt embarrassé pour placer tous les élèves qu’elle fournira.

Cet établissement fera faire un grand pas à la science agricole, que l’on s’envisage être parvenue à son apogée en Belgique, et pour laquelle cependant il y beaucoup à apprendre encore.

Je voterai l’allocation demandée par le gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je donnerai quelques explications sur l’origine et les progrès de l’école vétérinaire de Bruxelles.

Il existait, avant la révolution, une école vétérinaire en Hollande (à Utrecht) ; lors de la séparation de la Belgique d’avec la Hollande, on me proposa, vers la fin de 1831, d’ouvrir un crédit pour donner des bourses à des jeunes gens belges que l’on enverrait faire leurs études à l’étranger, dans l’art vétérinaire. Ceci me fit naître le désir d’avoir en Belgique même une école vétérinaire. Je pris des informations pour savoir s’il serait possible d’annexer un établissement de ce genre à l’une des universités, ou d’en créer un à Bruxelles.

Cette idée fut comme de quelques-uns des professeurs actuels de l’école vétérinaire : alors ils voulurent entreprendre d’organiser, eux-mêmes et à leurs frais, une semblable école, pourvu toutefois qu’on leur accordât un subside convenable.

La demande du subside fut faite et accordée, et ils créèrent l’école.

Au mois de mars de l’exercice précédent, on voulut donner une organisation plus fixe, une organisation définitive à l’établissement ; en conséquence, les fondateurs de l’école proposèrent d’abandonner les prétentions qu’ils pouvaient avoir sur le matériel, sur les constructions, etc., et de se soumettre en tout point à la direction de l’administration supérieure. Ces offres, nous les acceptâmes avec plaisir ; nous saisîmes cette occasion pour donner plus de stabilité à l’entreprise et pour débarrasser les professeurs des soins qu’il faut donner aux détails d’un établissement.

L’école vétérinaire n’a pas été formée a priori ; c’est une création spontanée ; et nous sommes disposés à en régler la destinée par un projet de loi. C’est à la législature, en effet, à en assurer à jamais le succès et la durée. Jusqu’à présent l’école peut marcher sans loi ; Il n’y a pas péril en la demeure. La loi s’occupera de la manière dont les examens des élèves seront faits. Actuellement aucun des élèves n’est en état de les subir ; et la législature aura prononcé avant que les élèves soient prêts à se présenter devant les examinateurs.

Il a été accordé trois congés du service militaire à des élèves qui avaient fait preuve de talents remarquables. Il y a bien un arrêtée hollandais qui dispense les élèves de l’école vétérinaire du service de la milice ; nous n’avons pas prétendu l’appliquer ; mais nous avons sollicité trois congés du ministre de la guerre pour des jeunes gens qui annoncent devoir être très utiles à leur pays dais la carrière qu’ils veulent parcourir.

M. Desmanet de Biesme a très bien fait observer qu’en divisant les subsides on ferait tomber l’école ; pour éviter cet inconvénient il faudrait doubler la dépense ou accorder des subsides égaux à l’école de Liège ; mais la charge serait trop considérable pour le trésor.

Il faut donc tout laisser à l’école de Bruxelles, parce qu’en partageant on aurait de mauvais établissements au lieu d’un bon.

M. Bosquet. - On a fait remarquer que sous le gouvernement précédent le besoin des artistes vétérinaires se faisait sentir en Belgique, quoiqu’une école vétérinaire existât alors ; mais on a oublié de faire remarquer en même temps que l’école était en Hollande, à Utrecht.

Si j’élève ici la voix en faveur de l’établissement, je n’entends pas réclamer un avantage en faveur de la ville de Bruxelles car si elle conserve cet établissement, c’est à des conditions très onéreuses, elle les a souscrites, et quand elles seront remplies tout l’avantage retournera au gouvernement ; car il ne lui en coûtera plus rien pour posséder un excellent établissement.

En effet, du moment où les bâtiments seront achevés, le gouvernement pourra payer les professeurs avec la subvention tirée des élèves.

M. Pollénus. - La section centrale propose de continuer pour l’exercice 1836 le subside qui précédemment avait été voté pour l’école vétérinaire de Bruxelles ; mais elle rejette la demande de la majoration de 15,000 fr. faite par le ministre.

D’après les explications provoquées par M. de Behr, je n’ai pas compris que le ministre ait justifié cette majoration ; je crois au surplus qu’il serait assez difficile de la motiver, quand on convient que tout ce qui est relatif à cette école devrait être réglé par une loi.

La majoration n’est pas destinée à maintenir l’école dans l’état où elle se trouve, mais à couvrir une partie des frais de construction de nouveaux bâtiments pour l’y installer, ce qui suppose un établissement permanent.

Si donc le ministre admet qu’il faut une loi pour créer l’établissement d’une manière légale, il faut attendre que cette loi existe ; car on préjugerait cette loi si on accordait des subsides qui supposent un établissement permanent,

Je ne suis pas en état de discuter cette matière aussi bien que d’honorables préopinants ; cependant si je fais attention à ce qu’a dit un honorable collègue, il me semble qu’il a détruit ce que l’on a dit pour établir la nécessité d’un établissement central.

L’honorable M. Desmanet de Biesme dit qu’il faut un établissement central. Mais l’honorable M. Bosquet a rappelé que du temps du gouvernement précédent un établissement central à Utrecht ne comptait que six élèves belges. Mais si cette proposition est vraie, il faudrait donc plusieurs établissements, d’autant, plus que, comme l’a fait remarquer l’honorable M. de Behr, les jeunes gens qui suivent cette carrière n’étant pas très fortunés, il faut leur faciliter les moyens d’instruction.

Cette idée de créer plusieurs établissements n’est pas neuve ; elle se trouve dans un décret impérial du 15 janvier 1813. Par ce décret il était créé quatre établissements de ce genre, de deuxième classe, et un établissement dit central, qui n’était pas central, mais simplement monté sur une plus grande échelle.

Lorsque je vois que ces établissements de deuxième classe n’avaient que quatre professeurs aux appointements de 4,000 fr., et l’établissement principal que sept professeurs aux appointements de 4,000 fr., je ne puis m’expliquer comment l’école vétérinaire de Bruxelles, subsidiée par une société particulière et par les magistrats de la ville de Bruxelles, a encore besoin que nous lui votions annuellement un subside de 45,000 fr.

On me dit que c’est pour constructions. Mais je ne le pense pas, car ce n’est que de cette année qu’il s’agit de constructions.

Je ne puis d’ailleurs trop le répéter, la chambre ne peut sans inconvénients venir, par le vote d’une majoration, préjuger la loi qui doit donner à l’école vétérinaire une existence légale.

M. Coghen - J’ai peu de mots à ajouter à ce qu’a dit M. le ministre de l’intérieur.

L’établissement de l’école vétérinaire est d’une utilité incontestable dans un pays tel que la Belgique. Il faut un établissement principal ; le diviser ce serait l’anéantir et sans résultat pour l’intérêt général.

La ville de Bruxelles a très bien compris l’utilité générale de cet établissement ; aussi elle lui a accordé un subside de 20,000 francs, et s’est offerte à faire un emprunt pour la construction d’un édifice pour cette école, dans le double but d’embellir la capitale et de créer un centre d’instruction si nécessaire à notre pays si essentiellement agricole.

M. Bosquet. - L’honorable M. Pollénus a dit que sous le gouvernement précédent il y avait un établissement central, et que cependant il ne comptait que très peu d’élèves belges. A cela la réponse est très facile. C’est que cette école était en Hollande. Il y avait aussi des écoles militaires à Bréda et à Delft, et vous savez combien peu de Belges les fréquentaient.

Je puis répondre par un fait, c’est que l’école vétérinaire actuelle compte 150 élèves ; ce qui prouve combien l’utilité d’un pareil établissement, alors qu’il est situé dans le pays, est généralement appréciée.

- La chambre passe au vote des divers numéros du litt. A.

« Encouragements à l’agriculture : fr. 241,390. »

Ce littera est subdivisé comme suit :

« 1° Ecole vétérinaire : fr. 60,000. »

- Adopté.

« 2° Commission d’examen pour l’admission a l’exercice de la médecine : fr. 1,500. »

- Adopté.

« 3° Pépinières et distribution de mûriers : fr. 10,000. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, c’est pour faire une motion d’ordre que j’ai demandé la parole.

Il est probable que la discussion du budget de l’intérieur sera terminée demain ; peut-être le sera-t-elle vers le milieu de la séance ; je demanderai donc à la chambre qu’elle veuille mettre le budget des finances à l’ordre du jour immédiatement après.

Je crois, messieurs, qu’il est inutile d’appuyer sur l’extrême urgence de discuter ce budget.

Je sais que plusieurs honorables membres qui ont insisté pour que la demande du crédit relatif au canal de Zelzaete et à l’emprunt pour construction de nouvelles routes soit mise à l’ordre du jour ; je sais dis-je, qu’ils vont insister de nouveau pour que cet objet soit discuté après le budget de l’intérieur.

Je crois, messieurs, qu’il a moyen de concilier toutes les opinions ; ce serait de fixer pour vendredi une séance du soir dans laquelle on s’occuperait des deux projets dont je viens de parler.

De cette manière le budget des finances et ces deux autres objets importants marcheraient de front ; et vous auriez la certitude d’être en nombre suffisant, jusqu’au moment de vous séparer pour les vacances de Pâques.

Je crois donc que ma motion peut concilier toutes les opinions.

M. Dumortier. - L’objet dont il s’agit est assez importait pour que nous consacrions une séance du jour ; j’ai un grand nombre d’observations à présenter, et je demande que la chambre discute les deux projets dans une séance du jour.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). -Si nous prenons tous l’engagement de nous rendre à la séance du soir, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas discuter ces objets aussi bien dans une séance du soir que dans une séance du jour.

Je sais que la question de l’emprunt est très importante ; mais je ne pense pas qu’elle le soit assez, pour qu’on ne puisse la résoudre que dans une séance du jour.

Je le répète, il n’y a aucun inconvénient à mettre le budget des finances immédiatement à l’ordre du jour, et à fixer une séance du soir pour vendredi ; de cette manière, vous aurez la certitude que l’on s’occupera des deux objets.

De toutes parts. - Oui ! oui ! Très bien ! très bien !

M. Legrelle. - Je dois rappeler à la chambre qu’elle a décidé qu’on s’occuperait du traité avec le Brésil après le premier vote du budget de l’intérieur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’ordre du jour, tel qu’il est proposé, n’exclut pas sans doute la discussion du traité avec le Brésil après le premier vote du budget de l’intérieur. (Non ! Non !)

- La chambre n’étant plus en nombre, il n’est pas pris de décision.

La séance est levée à 5 heures.