(Moniteur belge n°61, du 1er mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Schaetzen fait l’appel nominal à une heure. Il lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les secrétaires des communes du canton de Celles demandent que la chambre adopte une disposition qui assurerait aux secrétaires la récompense de longs services. »
« Le sieur Ed. Malingreau adresse à la chambre de nouvelles observations sur la loi communale. »
- Ces pétitions seront déposées sur le bureau pendant la discussion de la loi communale.
M. Cornet de Grez, rapporteur de la commission des pétitions. - « Le sieur de Wallens, éditeur du journal le Libéral, se plaint d’une violation de domicile et d’un attentat contre la liberté individuelle et de la presse commis dans son domicile par des militaires, et demande que la chambre ordonne une enquête à ce sujet. »
Votre commission de pétitions à laquelle vous avez envoyé la pétition de MM. les rédacteurs du journal le Libéral, concernant les dévastations et voies de fait commises, contre eux, par quelques milliaires appartenant au corps des guides, ne trouve pas des termes assez forts pour flétrir comme elle le voudrait la conduite des personnes qui ont instigué ou commis ce crime. Elle ne pense pas devoir donner suite à la demande d’enquête, les tribunaux compétents étant saisis de l’instruction de cette affaire. Elle émet le vœu que prompte et sévère justice soit rendue pour éviter à l’avenir que des scènes aussi révoltantes et aussi déplorables puissent se renouveler.
Elle m’a donc chargé, messieurs, de vous proposer le renvoi à M. le ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la commission des pétitions sont adoptées.
M. le président. - La chambre a d’abord à statuer sur les articles 42 et 43 et les amendements y relatifs, dont la discussion a été renvoyée à aujourd’hui dans la précédente séance.
« Art. 42. Les receveurs communaux sont tenus de fournir, pour garantie de leur gestion, un cautionnement qui ne pourra être au-dessous du minimum ci-après, savoir : fr. 600 francs lorsque les recettes s’élèvent à 2,000 et n’excèdent pas 6,000 francs ; 800 francs quand les recettes s’élèvent de 6,000 à 10,000 francs ; 1,600 francs lorsque les recettes sont de 10,000 à 20,000 francs ; un douzième du montant des recettes lorsque celles-ci surpassent 20,000 francs.. »
Amendement de M. Legrelle : « Art. 42. Les receveurs communaux sont tenus de fournir, pour garantie de leur gestion, un cautionnement qui ne pourra être au-dessous du minimum ci-après, savoir : fr. 600 lorsque les recettes s’élèvent à fr. 2,000 et n’excèdent pas 6,000 fr. ; 800 fr. quand les recettes s’élèvent de 6,000 à 10,000 fr. ; 1,600 fr., lorsque les recette, sont de 10,000 à 20,000 fr. ; 2,400 fr., lorsque les recettes sont de 20,000 a 40,000 fr. ; 3,000 fr. lorsque les recettes sont de 40,000 à 60,000 fr., et un vingtième du montant des recettes, lorsque celles-ci surpassent 60,000 fr.
Amendement de M. Verdussen : « Ajouter à l’art 42 : et ne vont pas au delà de 1,200,000 fr, le maximum du cautionnement est fixe à 100,000 fr. »
M. Verdussen. - Je me suis aperçu que, dans les termes de mon amendement, on pouvait ne pas très bien comprendre ma pensée.
Au fond, l’amendement de M. Legrelle et celui que j’ai eu l’honneur de proposer tendent au même but, et ont à peu près le même sens ; l’un et l’autre tendent à ne pas dépasser un maximum. Mon amendement se borne à ajouter à l’article du projet que le douzième du montant des recettes servira de base au cautionnement, lorsque celles-ci dépassent 20,000 fr et ne vont pas au-delà de 1,200,000 fr, et que le maximum du cautionnement est fixé à 100,000 fr ; car le douzième de 1,200,000 fr est 100,000 fr.
Si vous n’admettez pas mon amendement, vous tombez dans ce grave inconvénient que vous pouvez mettre des hommes très estimables dans l’impossibilité de fournir un cautionnement égal au douzième des recettes d’une année, lorsqu’il s’agit de recettes de villes comme Bruxelles, Liége, Gand et Anvers.
Ainsi voici ce qui est arrivé à Anvers, il y a quelque temps. Vous me pardonnerez, en cela, de vous parler de moi. J’avais eu le bonheur de découvrir dans la caisse communale un déficit assez bien caché pour amener la ruine totale du receveur et de la ville d’Anvers, parce que ce receveur avait placé sa confiance dans un homme qui n’en était pas digne. Cet homme fut forcé de combler le déficit.
Si maintenant on le forçait à augmenter son cautionnement, il ne trouverait peut-être ni dans sa fortune, ni dans la confiance publique, de quoi ajouter au cautionnement qu’il fournit actuellement. Il serait fâcheux qu’après un pareil malheur, ce fonctionnaire fût contraint de quitter ses fonctions, par suite de l’impossibilité où il serait de fournir un supplément de cautionnement.
Je crois que jamais le cautionnement ne devrait dépasser la somme en caisse ; et, comme j’ai eu l’honneur de le dire, il n’est pas probable que l’encaisse aille au-delà de 100,000 fr., surtout aujourd’hui que les communes peuvent, par le dépôt de leurs fonds dans les banques, leur faire porter intérêt.
Voilà le motif qui m’a engagé à présenter mon amendement qui, au fond, est le même que celui de l’honorable M. Legrelle.
M. Legrelle. - Je me rallie à l’amendement de M. Verdussen.
- L’amendement de M. Verdussen est adopté ; l’art. 42 est adopté avec cet amendement.
« Art. 43. Immédiatement après la nomination de chaque receveur, le conseil communal règle, sous l’approbation de la députation provinciale, le montant et la nature du cautionnement que ce comptable doit fournir.
« La moyenne des recettes des cinq dernières années qui auront précédé la nomination du receveur, non compris les emprunts, sera prise pour base du taux du cautionnement à fixer.
« Dans les communes où la moyenne des recettes ne s’élève pas à 2,000 fr., le cautionnement du receveur pourra consister en une simple caution personnelle approuvée par la députation provinciale. »
Paragraphe additionnel proposé à l’article 43 par M. Verdussen : « Si le cautionnement, en tout ou en partie, est fourni en numéraire, il portera intérêt en faveur du receveur ; le taux de l’intérêt sera fixé par le conseil communal, sous l’approbation de la députation du conseil communal. » Après les mots « non compris les emprunts, » je propose d’ajouter : « ni les capitaux provenant de remboursements et de vente d’immeubles. »
M. Lebeau. - Je crois qu’il y a parité de raisons pour l’amendement que je présente et pour les emprunts. C’est une recette accidentelle. Il me semble qu’elle doit également être exceptée. (Adhésion.)
M. Verdussen. - Mon amendement tend à établir le principe que, lorsqu’on verse le cautionnement en numéraire dans la caisse communale, il porte intérêt. Mais je ne fixe pas le taux de l’intérêt. Je laisse au conseil communal et à la députation à fixer cet objet par rapport aux circonstances.
M. Dumortier, rapporteur. - Ne pourrait-on pas, au deuxième paragraphe, dire : « La moyenne des recettes ordinaires, etc. ? »
M. Smits. - Je ne ferai aucune observation, quant à l’amendement de M. Verdussen. Mais je crois devoir faire observer que les recettes du budget communal se composent de 4 chapitres différents. Il y a, en premier lieu, l’excédant du budget ; en second lieu, l’excédant des recettes du receveur communal ; ensuite vient le chapitre des recettes extraordinaires, dans lesquelles on comprend l’indemnité du casernement et autres recettes éventuelles, mais s’élevant annuellement à une somme considérable.
Je crois que, dans la ville d’Anvers, sur une recette annuelle de 1,800,000 fr., il y a 1,500,000 fr, de recettes ordinaires et 300,000 fr. de recettes extraordinaires.
Je crois que ces recettes doivent également servir de base au cautionnement ; mais il doit être entendu que les deux premiers chapitres, l’excédant du budget et l’excédant des recettes du receveur communal, ne doivent pas entrer dans les calculs destinés à fixer le cautionnement. Cela doit être entendu. Je n’en ferai pas l’objet d’une modification. Mais j’ai cru devoir en faire la remarque à 1’assemblée.
- L’amendement de M. Lebeau au deuxième paragraphe de l’article 43 est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne sais pas si l’amendement de l’honorable M. Verdussen est adopté ; car ce serait un emprunt que la commune prélèverait sur le receveur.
Lorsqu’une commune serait gênée, elle exigerait du receveur qu’il versât son cautionnement dans la caisse communale. Ou bien, l’administration communale n’aurait pas de fonds et voudrait faire construire un édifice ; elle ferait verser au receveur son cautionnement qui pourrait être de 100,000 fr., et la commune serait ainsi grevée d’une rente de 3,000 fr. Je ne pense pas qu’il faille donner cette faculté à la commune.
Je crois qu’il faut se borner à la disposition telle qu’elle est dans le projet de loi et que, s’il est fourni des cautionnements en numéraire, ils doivent être versés dans la caisse de l’Etat, et non dans la caisse de la commune.
A cet égard, j’appellerai l’attention du gouvernement sur un objet d’une haute importance. Je suis étonné que l’on n’ait pas au recours à un moyen bien simple pour améliorer notre situation financière. Ce moyen consisterait à exiger des cautionnements d’un grand nombre de fonctionnaires ; leurs fonctions s’en trouveraient relevées, et ce serait une garantie de plus pour les tiers dont ces fonctionnaires gèrent les intérêts. D’autre part, le trésor public trouverait là une grande ressource.
J’appelle l’attention du gouvernement sur cet objet.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois que nous ne pourrions décider dès maintenant la question en faisant droit aux observations de l’honorable M. Dumortier ; d’ici au second vote, je serai à même de donner à la chambre des renseignements sur ce point. Toutefois je dirai que si en effet on exigeait de la part des receveurs communaux des cautionnements en numéraire, versés au trésor et portant à leur profit un intérêt, par exemple, de 4 pour cent, on ne pourrait mieux assurer les intérêts de tous ; l’Etat se chargerait de la conservation du capital et d’en opérer le remboursement, lorsqu’il devrait être fait, et il en servirait régulièrement les intérêts.
Ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Dumortier, ce serait un moyen de consolider la dette flottante ou plutôt de la transformer en une dette permanente semblable aux emprunts ordinaires.
Ce moyen me semble au premier abord présenter des résultats avantageux pour l’Etat et pour la commune, qui aurait ainsi la meilleure garantie qu’elle pût désirer.
Que la chambre adopte donc provisoirement l’amendement de M. Verdussen, sauf à prendre au second vote, et lorsqu’elle sera éclairée sur ce point, une résolution différente.
M. Verdussen. - Il ne me paraît pas exact de dire que la commune pourra disposer, d’après mon amendement, du montant du cautionnement ; car le premier paragraphe de l’article porte que cet objet sera réglé par le conseil communal, sous l’approbation de la députation provinciale.
Je n’ai pas dit d’ailleurs que le cautionnement devra être versé dans la caisse communale. Ainsi il pourra en être autrement.
Je crois donc que la chambre peut adopter mon amendement, sauf à elle, s’il est susceptible de critique, ce qui est fort possible, à en faire justice au second vote.
M. Dubus. - Il est certain que la rédaction de l’amendement implique l’idée que le cautionnement doit être versé dans la caisse communale ; car il porte que c’est le conseil communal qui détermine l’intérêt du cautionnement ; or, si le cautionnement était versé au trésor, la commune n’aurait pas à régler le taux de l’intérêt ; il serait réglé par une disposition générale.
En effet, je remarque que, selon un décret du 30 floréal an XIII, les cautionnements de receveur communal devaient être versés à la caisse d’amortissement ; ce décret fixait le taux de l’intérêt. C’était une mesure générale pour tous les cautionnements versés dans l’une des caisses de l’Etat.
Je crois que c’est encore au trésor que ces cautionnements doivent être versés, pour que la commune et les titulaires de cautionnements aient toute garantie désirable.
Mais, en attendant les renseignements que M. le ministre des finances a promis pour le second vote, on pourrait provisoirement adopter l’amendement de M. Verdussen, en le bornant à ces mots :
« Si le cautionnement, en tout ou en partie, est fourni en numéraire, il portera intérêt en faveur du receveur. »
M. Verdussen. - Je me rallie à cette proposition.
- L’amendement de M. Verdussen, réduit comme l’a proposé M. Dubus, est mis aux voix et adopté.
L’art. 43, avec les amendements de MM. Lebeau et Verdussen, est adopté dans son ensemble.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) présente un projet de loi tendant à proroger la taxe des barrières, pendant une année, aux mêmes clauses et conditions que pendant l’année courante.
- La chambre donne acte à M. le ministre de l’intérieur de la présentation de ce projet de loi et de l’exposé de ses motifs, et en ordonne l’impression, la distribution et le renvoi à une commission nommée par le bureau.
M. le président. - La chambre avait décidé qu’après l’impression des projets de loi relatifs à la bourse commune des huissiers et aux crimes commis par des Belges en pays étranger, elle statuerait sur le renvoi de ces projets à une commission ou aux sections. Veut-elle le décider maintenant ?
M. Legrelle. - Comme ces projets de loi doivent être examinés par des hommes ayant des connaissances spéciales en droit, je demande le renvoi à une commission.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’aurai l’honneur de faire observer que quand les sections ne sont pas surchargées, leur travail marche plus vite que celui d’une commission.
Les membres de la chambre font souvent partie de plusieurs commissions, et sont en outre convoqués en sections, en sorte que les réunions des commissions sont entravées.
Je demande donc que la chambre veuille bien laisser au bureau le soin de renvoyer les projets aux sections, si celles-ci peuvent s’en occuper bientôt.
M. Dumortier. - Je demanderai si les sections ont été saisies du projet que j’ai eu l’honneur de présenter.
M. le président. - Les présidents de sections se sont réunis pour cet objet.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Les deux projets dont il est question sont très simples. Leur examen n’exige pas à un haut degré des connaissances spéciales : l’examen des sections a de grands avantages, il fait connaître l’opinion de la chambre ; et comme chaque section choisit ordinairement pour rapporteur celui de ses membres qui est le mieux à même de discuter la matière, la section centrale offre une réunion de représentants où les projets sont examinés avec le plus grand soin.
(Addendum inséré au Moniteur belge n°62, du 2 mars 1836 :) - La chambre décide que les projets de loi relatifs à la bourse commune des huissiers et aux crimes commis par des Belges en pays étrangers seront renvoyés aux sections.
« Art. 50. Les commissaires de police sont nommés et révoqués par le Roi.
« La nomination a lieu sur une liste de deux candidats présentés par le conseil de régence, auxquels le collège des bourgmestre et échevins en ajoute un troisième.
« Les bourgmestre et échevins peuvent, après avoir pris l’avis du procureur du Roi, les suspendre de leurs fonctions pendant un temps qui ne pourra excéder quinze jours, à charge d’en donner immédiatement connaissance au gouverneur de la province. Celui-ci peut ordonner la suspension pendant un mois, à la charge d’en informer, dans les 24 heures, les ministres de la justice et de l’intérieur. »
M. Bosquet. - J’ai l’honneur de présenter à l’art. 50 un amendement ainsi conçu :
« Dans les villes de 60,000 âmes et au-dessus, il pourra y avoir, du consentement du conseil communal, une classe spéciale de commissaires de police portant le titre de magistrats de sûreté.
« Ils ont les mêmes attributions que les commissaires de police actuels, et sont, comme ces derniers magistrats de l’ordre administratif et officiers de la police judiciaire. Il ne pourra en être nommé qu’un par 20,000 habitants au plus. »
Vous connaissez, messieurs, les nombreux devoirs attachés aux fonctions de commissaires de police. Ils sont en outre chargés de veiller au maintien de l’ordre public. Ils appartiennent à la fois à l’ordre judiciaire et à l’ordre administratif. C’est sur eux que repose le soin de faire en sorte que les lois de sûreté des personnes et des propriétés soient respectées et exécutées. Je considère ces fonctions comme des plus importantes, comme tellement importantes que deux ou trois commissaires qui comprennent toute l’étendue de leurs devoirs dans une grande ville comme Bruxelles me paraissent capables d’y arrêter toute scène de désordre et de dévastation.
Il faut cependant dire que ces fonctions ne sont pas appréciées, recherchées comme elles devraient l’être. J’oserais même dire qu’elles ne jouissent pas d’autant de considération qu’elles méritent. Je sais que ce qui a contribué à faire tomber ces places dans le discrédit, c’est que, sous le gouvernement précédent, elles ont été occupées par des hommes dont la conduite n’était pas de nature à les faire respecter.
Il est nécessaire de chercher à relever ces places afin de trouver, pour les remplir, des hommes qui réunissent les nombreuses qualités qu’elles exigent. Pour arriver à ce but, il faut offrir aux commissaires de police un espoir d’avancement.
Tel est le but de mon amendement, qui offre encore un avantage, c’est de trancher une question sur laquelle les tribunaux n’ont pas été d’accord.
Vous serez étonnés d’apprendre que, par une singulière anomalie, les commissaires de police qui, par la nature des fonctions qu’ils exercent, devraient être entourés de toute la protection de la loi, n’ont presque pas de recours contre les personnes qui les injurient dans l’exercice de leurs devoirs.
Le code pénal, à l’article 222, atteint ceux qui se permettent d’injurier les magistrats de l’ordre administratif. De nombreux arrêts ont décidé que les commissaires de police n’étaient pas des magistrats de l’ordre administratif. Il en est donc résulté que ces fonctionnaires qui ont le plus besoin de protection ne jouissent pas même de celle que la loi accorde à l’assesseur de la plus petite commune.
Remarquez, messieurs, que les commissaires de police dans les grandes villes exercent les fonctions déférées aux assesseurs dans les petites communes. Je ne vois donc pas pourquoi ils ne jouiraient pas de la même protection qu’eux.
Mon amendement tranche la question puisqu’il décide que les commissaires de police sont des magistrats de l’ordre administratif et des officiers de l’ordre judiciaire.
Je suis persuadé que si l’on révisait le code pénal, l’on en ferait disparaître l’anomalie que je viens de signaler. Aujourd’hui l’occasion de remédier au silence du code pénal se présente, et je pense que la chambre voudra bien en profiter.
J’ai voulu qu’il fût facultatif aux régences de nommer un magistrat de sûreté par 20,000 habitants, afin qu’elles soient libres d’en faire ou de n’en pas faire l’essai.
Si je leur ai donné le titre de magistrats de sûreté, ne croyez pas, messieurs, que je veuille leur donner les attributions qu’avaient les magistrats de sûreté sous la république ; ils ne seront supérieurs en rien aux commissaires de police. Ils seront subordonnés au collège des bourgmestre et échevins comme les autres officiers de police administrative, et à l’autorité judiciaire comme officiers de police judiciaire auxiliaires de la police judiciaire.
Il faut remarquer que depuis que les agents de police ne sont plus considérés comme adjoints des commissaires de police, le nombre de ces derniers fonctionnaires est devenu trop peu considérable. L’amendement que j’ai l’honneur de proposer permettra d’augmenter le nombre des commissaires de police.
Je terminerai en assurant à la chambre que je n’ai nullement l’intention de soustraire les magistrats de sûreté à l’autorité municipale. Tout mon désir, en présentant ma proposition, a été de faire occuper à l’avenir ces places par des personnes les plus à même de remplir ces fonctions.
M. Legrelle. - J’ai une explication à demander à l’honorable auteur de l’amendement. Entend-il maintenir le nombre des commissaires de police actuellement existant ; entend-il créer des fonctionnaires qui n’existent pas, non en remplacement, mais indépendamment des fonctionnaires qui existent ?
M. Bosquet. - Je pense m’être assez clairement expliqué en proposant la création facultative de magistrats de sûreté ; je voulais venir au secours de l’insuffisance qui s’est fait sentir dans le personnel des officiers de police judiciaire auxiliaires de procureur du Roi, depuis que maintes décisions judiciaires ont établi que les agents de police n’avaient pas cette qualité. D’après la loi du 28 pluviôse an VIII, il doit y avoir un commissaire de police par vingt mille habitants. Mon amendement donnera aux régences des grandes villes la faculté de créer deux ou trois fonctionnaires d’un rang plus élevé sous le nom de magistrats de sûreté.
M. Legrelle. - Je commence par rendre grâces à l’honorable député de Bruxelles de ce qu’il n’entend nullement rétablir les fonctions odieuses de commissaires généraux de police. Il reconnaît comme moi que la police locale appartient et doit rester aux communes. Je vois aussi avec plaisir qu’il laisse aux régences la faculté d’établir ou de ne pas établir ces nouvelles fonctions qu’il propose de créer. Je n’aurais aucun motif de m’opposer à l’amendement, puisque faculté restera à la régence de dire oui ou non. Mais puisque nous faisons des lois, il faut les faire le mieux possible. Je dois soumettre deux ou trois réflexions auxquelles je désire que M. Bosquet réponde.
Les commissaires de police ont un caractère judiciaire et un caractère administratif. Dans la ville que j’habite, ou ne leur a jamais contesté cette double qualité.
M. Bosquet. - Je vais donner de suite une explication. Avant la révolution, on s’était écarté de la loi de pluviôse an VIII ; mais il y avait des agents de police qui étaient chefs de la police d’un canton et qui avaient l’habitude d’instrumenter comme s’ils étaient commissaires de police. Je pourrais mettre sous les yeux de la chambre des arrêts de la cour d’appel qui ont considéré ces agents comme commissaires de police et comme justiciables de la cour. Depuis la révolution, on a reconnu que ces agents n’avaient pas la qualité d’officiers de police judiciaire, de manière que le nombre de douze officiers de police judiciaire s’est trouvé restreint à huit. Il a été démontré dans maintes occasions, en cas d’empêchement ou de maladie de quelques-uns de ces agents, que le service souffrait considérablement du manque de ces fonctionnaires qu’on considérait comme adjoints des commissaires de police.
J’ai dit, en présentant mon amendement, que je voulais donner aux régences la faculté de créer, dans une certaine proportion, de nouveaux magistrats de police, et par là donner le moyen de suppléer à l’insuffisance du personnel de la police dans les grandes villes ; car il ne faut pas perdre de vue que dans les grandes villes la police est tout autre chose que dans les petites villes. Là, la police présente des détails multipliés auxquels les commissaires de police peuvent d’autant moins suffire, qu’ils sont chargés de fonctions administratives pour la milice, pour la garde civique, et qu’à chaque instant le service de la police judiciaire se trouve entravé. C’est à cette insuffisance que je propose de remédier.
M. Legrelle. - Messieurs, l’honorable député de Bruxelles désire, indépendamment des commissaires de police active, qu’il existe dans les grandes villes une classe supérieure de magistrats de police qui serait établie dans la proportion de un par 20,000 habitants, et ces fonctionnaires porteraient le nom de magistrats de sûreté. Je demande d’abord si cette création est nécessaire en présence de l’art. 53 que nous allons probablement voter, et qui porte que lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le bourgmestre peut désigner, sous l’approbation du Roi, celui auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions.
Je demande si, en présence de cet article, il faut encore créer une autre fonction, une autre classe de fonctionnaires supérieurs aux commissaires de police actuellement existant. Il y a beaucoup à observer là-dessus. D’abord il veut que la place de commissaire de police dont il a fait ressortir l’importance ait un plus haut degré de considération. Atteindra-t-il ce but par la nouvelle fonction qu’il veut créer ? Il me semble que cette nouvelle création aura un résultat contraire. Il est certain que si vous voulez relever une fonction, vous n’y parviendrez pas en plaçant une autre fonction au-dessus d’elle, en donnant un supérieur à celui qui l’exerce.
Je ne parlerai pas de l’augmentation de dépense qui en résultera, pour les villes, puisque les régences seront libres d’établir ces fonctions ou de ne pas le faire, mais je parlerai de l’approbation de la mesure.
Dans telle ville de 70,000 habitants, comme celle que j’habite, il y a cinq commissaires de police, un par chaque section, la ville et ses faubourgs étant divisés en cinq sections. Si vous établissez un magistrat de sûreté par 20 mille habitants, vous en aurez trois qui auront sous eux cinq commissaires de police : comment formerez- vous les attributions de ces magistrats de sûreté ? Je ne comprends que deux manières d’établir la magistrature nouvelle que veut créer M. Bosquet, c’est d’établir un magistrat supérieur par chaque commissaire de police, ou de n’en établir qu’un seul pour tous les commissaires de police d’une même ville. Mais je ne puis admettre une proposition d’après laquelle on créerait des magistrats semblables.
M. Bosquet. - Dans les villes où on trouvera inutile de nommer des magistrats de sûreté, on n’en nommera pas. Mais dans une ville comme Bruxelles, où il y a huit commissaires de police, cette administration ne peut pas marcher sans qu’il y un centre. Cela est démontré à toutes les personnes qui ont des rapports pratiques avec cette branche du service public.
M. Legrelle. - Le collège sera le centre.
M. Bosquet. - Je ferai observer à l’honorable M. Legrelle que le collège a autre chose à faire que de s’occuper de la police. A Bruxelles notamment il paraît que les affaires dont le collège a à s’occuper sont si nombreuses, qu’il ne peut donner ses soins à ce qui concerne la police. Mais après tout, quand je propose d’établir un fonctionnaire supérieur de la police, c’est sous l’autorité du collège. On m’objecte que je ne propose d’en créer un seul, mais plusieurs dans une même ville. Je crois avoir déjà répondu à cela que dans une grande ville comme Bruxelles, il était bon qu’il y eût une subdivision de l’administration supérieure de la police, qu’il y eût deux magistrats de sûreté qui eussent l’œil sur les commissaires de police, les fissent marcher et fussent eux-mêmes chargés de certaines fonctions qui leur seraient attribuées par le collège et l’autorité judiciaire.
Nous avons eu à Bruxelles, pendant sept à huit ans, un magistrat exclusivement chargé de la police judiciaire et notamment de la recherche des vols. Ce fonctionnaire, qui marchait dans des voies peu légales, a rendu des services immenses à la sûreté publique, à la police administrative et judiciaire. Je ne dis pas qu’on doive rétablir ces fonctions, mais je pense que si on créait à Bruxelles deux magistrats de sûreté chargés chacun de la surveillance d’une moitié de la ville, et ayant pour centre le conseil de régence, l’administration obtiendrait de cette création les meilleurs résultats.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est manifeste que la proposition de M. Bosquet ne peut pas être adoptée. Cette proposition a un double but ; le premier c’est de relever les fonctions de commissaire de police, et le second d’établir une centralisation de la police, en créant des magistrats de sûreté qui auraient la haute main sur les commissaires de police.
L’honorable M. Legrelle a démontré qu’en créant des magistrats de sûreté, supérieurs aux commissaires de police, loin de relever ces derniers, vous allez les abaisser dans l’opinion publique, puisque vous leur donnez des supérieurs. On arrive donc à un résultat inverse de celui qu’on se propose. Le deuxième objet qu’on se propose est d’avoir un centre pour l’exercice de la police. Je répondrai que la loi, par son article 53 qui a adopté lors de la première discussion, a pourvu à ce besoin.
Voici comment est conçu cet article ;
« Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le bourgmestre peut désigner, sous l’approbation du Roi, celui d’entre eux auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions. »
D’après le système adopté, il restera à voir par qui sera remplacé le bourgmestre. Ce devra être le collège de la régence. Eh bien, le collège de régence pourra donner un titre particulier au magistrat auquel seront subordonnés les commissaires de police. Vous avez donc dans la loi toutes les dispositions nécessaires pour établir la centralisation que vous demandez. L’adoption de la proposition de M. Bosquet n’aurait pour résultat que de grever considérablement les villes : à Bruxelles, par exemple, dont la population est de cent mille habitants, on devra créer, indépendamment des huit commissaires de police, cinq magistrats de sûreté.
M. Bosquet. - On pourra.
M. Dumortier, rapporteur. - On pourra, dit l’honorable auteur de l’amendement. Je ferai observer que, dès l’instant que vous établissez dans la loi une proportion d’après laquelle des fonctions seront établies, on aura toujours une grande tendance à les introduire.
Qu’il arrive dans une ville une émeute, un désordre quelconque où la police ait été en défaut, on ne manquera pas de l’attribuer au manque de centralisation et de demander la création de magistrats de sûreté. Une fois ces fonctions créées, il ne dépendra plus de la commune de les supprimer sans le consentement du Roi. Il faut éviter que les communes, dans un danger momentané, ne se créent des vexations pour l’avenir. D’un autre côté des commissaires de police, dans un espoir d’avancement, pousseront sans utilité à la création de ces fonctions.
Comme l’honorable député de Bruxelles, je regrette le discrédit dans lequel sont tombées les fonctions de commissaire de police ; mais comme je l’ai dit en commençant, son amendement, au lieu de les relever, aurait un effet tout contraire.
Le moyen de relever ces fonctions serait de choisir les fonctionnaires qui en sont chargés dans une classe plus élevée de la société, de changer leur titre, et de ne les charger que de la police locale sans aucune intervention du gouvernement. Il n’y a rien de plus détestable qu’un gouvernement de police.
En Angleterre la police n’est pas centralisée, aussi il n’y a pas de pays où la police soit plus considérée ; en France on a créé un ministre de la police avec lequel tous les commissaires de police étaient en rapport ; sous le gouvernement des Pays-Bas on a fait la même chose ; aussi ces fonctionnaires sont-ils tombés bien vite dans le discrédit le plus complet ; les hommes les plus capables de rendre de véritables services à l’administration ont renoncé à des fonctions où on exigeait qu’ils se fissent les espions des administrations locales.
Je combats l’amendement de M. Bosquet, parce que je le considère comme devant avoir pour effet de déconsidérer encore les commissaires de police, et comme un moyen détourné de rétablir les anciens directeurs de police.
M. A. Rodenbach. - L’amendement de M. Bosquet ne remplirait aucunement le but qu’il se propose.
Mais je pense que son idée pourrait être accueillie s’il se bornait à créer dans les grandes villes un seul magistrat de sûreté qui réunît tous les commissaires de police sous ses ordres.
Nous devons nous garder d’introduire chez nous le système policier de la France. Mais la création d’un magistrat de sûreté qui serait sous l’autorité de l’administration locale ne pourrait pas être assimilée à l’ancienne institution des directeurs de police,
Je le répète, je n’appuierai l’amendement de M. Bosquet qu’autant qu’il réduirait la création de magistrat de sûreté à un seul par grande ville. La présence de plusieurs de ces magistrats dans une même ville nuirait plus à l’ordre qu’elle ne lui serait utile.
M. Bosquet. - Je retire ma proposition. Je me réserve, lorsque nous en serons à l’art. 53 de proposer la création d’un magistrat de sûreté dans les villes qui ont plusieurs commissaires de police.
M. le président. - M. Bosquet retire son amendement.
M. Bosquet. - J’en ai un autre à présenter.
L’art. 50 commence ainsi : « Les commissaires de police sont nommés et révoqués par le Roi. La nomination a lieu … » Je désirerais que l’on dît : « La nomination de ces magistrats a lieu … » ; parce qu’une question qui a été soulevée dans différentes cours et tribunaux serait tranchée : on refusait de les reconnaître comme ayant le caractère d’officiers judiciaires, et on voulait ne les considérer exclusivement que comme des magistrats de l’ordre administratif.
M. Dubus. - Je regrette que l’article maintenant en discussion présente dans sa rédaction des différences avec l’article qui avait été primitivement proposé par le gouvernement et par la section centrale et adopté par la chambre. Relativement au mode de nomination, il était dit dans cet article que le collège des bourgmestre et échevins pouvait ajouter un troisième nom à la liste des deux noms sur laquelle la nomination doit être faite : au lieu de ces mots : « peut ajouter un troisième … » on dit maintenant : « on ajoute un troisième… » Je préférerais la première rédaction.
Si le collège municipal trouve que les deux noms présentés sont convenables, pourquoi serait-il tenu d’en ajouter un troisième ? Quand un membre le la cour de cassation est à nommer, cette cour présente une liste de candidats, et le sénat peut présenter les mêmes noms on en ajouter d’autres. Quelque chose de semblable se pratique pour les cours d’appel.
- L’amendement de M. Bosquet est adopté.
Ainsi le deuxième paragraphe commencera ainsi : « La nomination de ces magistrats a lieu… »
- L’amendement de M. Dubus est adopté.
Ainsi le deuxième paragraphe se terminera par ces mots : « auxquels le collège des bourgmestre et échevins peut en ajouter un troisième. »
M. Bosquet. - Le troisième paragraphe commence par ces mots : « Les bourgmestre et échevins peuvent, après avoir pris l’avis du procureur du Roi, les suspendre de leurs fonctions. » Par la législation actuelle les commissaires de police ne peuvent être suspendus par le collège qu’avec le consentement du procureur du Roi.
Les commissaires de police sont magistrats de l’ordre administratif et officiers de l’ordre judiciaire ; il fallait donc, d’après ce double caractère, le double concours de l’autorité communale et du procureur du Roi pour les suspendre.
Je ne demande pas que le procureur intervienne dans cette suspension, je veux laisser toute liberté à l’autorité communale ; mais je ne voudrais pas que l’on fît jouer un rôle nul aux procureurs du Roi ; on prendrait simplement leur avis, mais on le suivrait ou on ne le suivrait pas : je préférerais qu’on dît que l’administration communale suspend le commissaire de police.
Je dirai toute ma pensée. Un commissaire de police, en tant qu’officier de police judiciaire, ne devrait être suspendu que par l’autorité judiciaire. Toutefois, je ne réclame pas, je le répète, l’intervention du procureur du Roi dans cette suspension ; mais je demanderai formellement la suppression de ces mots : « après avoir pris du procureur du Roi. »
- La suppression mise aux voix est adoptée.
L’art. 50 ainsi modifié est adopté.
« Art. 51. Si l’administration communale refuse, ou si elle reste en défaut de présenter la liste des candidats, pendant 30 jours à partir de celui de la réception, constatée par la correspondance, d’une invitation faite par le gouverneur, la liste des candidats est formée par la députation provinciale.
« Si parmi les candidats il s’en trouve un ou plusieurs qui aient été révoques de leurs fonctions de commissaire, le gouverneur pourra inviter le conseil à les remplacer sur la liste, dans la quinzaine ; à défaut d’y satisfaire, la députation provinciale pourra remplacer d’office ces candidats. »
- Adopté.
« Art. 52. Les places de commissaire de police actuellement existantes ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du Roi.
« Il ne peut en être créé de nouvelles que par une loi, ou par le Roi, du consentement du conseil municipal. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il a été reconnu qu’il y avait lacune dans l’administration de la police ; M. Bosquet vous l’a démontré ; mais comme l’amendement qu’il a proposé, et tendant à créer des magistrats de sûreté, n’a pas été adopté, je demanderai que l’on autorise la création d’officiers de police administrative, en leur donnant en même temps la qualité d’officiers de police judiciaire. En conséquence je proposerai un amendement.
M. le président. - Voici l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur.
« Il pourra être nommé par le conseil communal, sous l’approbation du gouverneur de la province, des adjoints au commissaires de police. Ces adjoints seront officiers de police judiciaire et exerceront, en cette qualité, sous l’autorité des commissaires de police les fonctions que ceux-ci leur auront déléguées. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je vois dans l’amendement la création de commissaires de police avec une nouvelle dénomination : or les considérations qui ont fait rejeter l’amendement de M. Bosquet doivent faire rejeter celui du ministre de l’intérieur.
Je ne vois d’ailleurs pas la nécessité d’avoir l’autorisation du gouverneur ; ces adjoints pourraient être très bien nommés par les régences. Depuis 25 ans, les commissaires de police sont nommés sans l’autorisation du gouverneur ; pourquoi ne pas faire de même ? Pourquoi aussi mettre les adjoints sous les ordres des commissaires de police, et ne pas les laisser sous les ordres des bourgmestre et échevins ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant n’a pas fait attention qu’étant nommés par le gouverneur, ils exerceront les fonctions d’officier de police judiciaire. Il a raison quand il fait remarquer que jusqu’ici les conseils communaux les nommaient ; mais aussi ils n’avaient que la qualité d’officiers de police administrative : si on veut qu’ils réunissent les deux qualités, faites intervenir dans leur nomination et l’autorité du gouverneur et l’autorité communale.
Sous l’empire de la loi de 1791, tous les agents administratifs avaient droit de dresser des procès-verbaux ; mais depuis il en a été décidé autrement ; dès lors l’administration des grandes villes a éprouvé un vide considérable.
Les commissaires de police ne peuvent pas suffire à tout ; et si on ne veut pas leur créer des adjoints, il doit y avoir des lacunes dans le service. Des observations de la part d’administrateurs de grandes villes m’ont été adressées à cet égard ; ils réclament la mesure que nous vous proposons. Cette mesure est tout entière dans l’intérêt communal.
M. Dubus. - Il me paraît que la première partie de l’amendement ne peut pas donner lieu à beaucoup d’inconvénients. C’est le conseil communal qui nomme les adjoints ; seulement il nomme sous l’approbation du gouverneur. Cette approbation me paraît utile dans l’espèce, puisque l’article attribue à ces fonctionnaires la qualité d’officiers de police judiciaire, et le pouvoir de dresser des procès-verbaux. D’ailleurs, comme ils ne peuvent exister qu’autant que les régences les nomment, c’est une garantie contre la multiplicité de ces agents.
Je voudrais que le conseil communal qui les nomme pût aussi les supprimer quand il le jugerait à propos ; car il pourrait arriver qu’on n’en eût besoin que temporairement. Au reste, il n’y aura que dans certains cas que l’on usera de cette disposition de la loi.
Quant à la seconde partie de l’article portant que les adjoints seront chargés des fonctions qui leur seront déléguées par les commissaires de police, je ne lui donne pas mon assentiment ; je préférerais les voir subordonnés au collège des bourgmestre et échevins ; cela me paraîtrait plus conforme à la nature de leurs fonctions. Je voudrais aussi que le collège désignât à quels commissaires de police les adjoints seront attachés.
M. Raikem. - Je veux soumettre quelques observations et sur l’amendement et sur ce que vient de dire l’honorable député de Tournay. Je laisserai de côté la première partie de l’amendement qui n’a été l’objet d’aucune objection.
La seconde partie porte que les adjoints exerceront, sous l’autorité des commissaires de police, les fonctions qui leur seront attribuées ; mais l’honorable orateur préférerait que les adjoints fussent sous l’autorité du conseil des bourgmestre et échevins. Il faut ici, je crois, faire une distinction ; et je soutiendrai l’amendement en ce sens, qu’il s’agit de les considérer comme officiers de police judiciaire. Quant à leur qualité d’agents de police administrative, je conçois les réflexions présentées par l’honorable préopinant et la convenance qu’il y aurait à les mettre sous l’autorité du collège des bourgmestre et échevins, s’ils avaient uniquement cette qualité.
Mais comme il faut les considérer aussi comme officiers de police judiciaire, il me semble qu’on ne peut placer ces nouveaux fonctionnaires sous l’autorité communale, car ce n’est pas sous l’autorité du collège des bourgmestre et échevins que s’exerce la police judiciaire, c’est le ministère public qui poursuit les crimes et les délits ; et mettre les adjoints sous l’autorité municipale, ce serait détruire toute hiérarchie dans l’ordre judiciaire : les commissaires de police étant subordonnés aux procureurs du Roi, on conçoit que par l’amendement la hiérarchie est conservée.
Je ne puis donc admettre les observations présentées par le préopinant, qu’en ce qui concerne la police préventive ou la police administrative ; quant à la police répressive ou judiciaire, il y a lieu d’adopter l’amendement présenté par le ministre de l’intérieur. Il n’y aurait qu’un simple changement de rédaction à lui faire subir, pour que les principes fussent reconnus explicitement.
M. Legrelle. D’après les explications données par M. Raikem, je pense que l’on peut admettre l’amendement. Toutefois je crois qu’il présente une lacune. Nous avons parlé de la suspension des commissaires de police, et nous ne disons rien de celle de leurs adjoints. Je demanderai qu’ils soient suspendus de la même manière que les premiers.
M. Dumortier, rapporteur. - L’art. 2 de la loi pourvoit à ce que réclame l’honorable membre. Le conseil communal, y est-il dit, révoque et suspend les officiers qu’il nomme et qu’il salarie.
M. Legrelle. - Si c’est le conseil communal qui révoque et suspend les adjoints, je n’ai pas d’objection à faire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Voici ce que je proposerai en conséquence de l’observation présentée par M. Dubus :
« Ces adjoints seront en même temps officiers de police judiciaire, et exerceront en cette qualité, sous l’autorité des commissaires de police, les fonctions qui leur seront attribuées. »
- Cet amendement mis aux voix est adopté.
M. Dubus. - Je crois qu’il serait utile d’ajouter une disposition à cet article, de laquelle il résulterait que le conseil pourrait révoquer ces fonctionnaires de leur place quand il le jugerait à propos.
« Le conseil communal peut supprimer les fonctions d’adjoints lorsqu’il le juge nécessaire. » (Appuyé.)
- L’amendement de M. Dubus est adopté.
L’ensemble de l’article 52 est adopté.
« Art. 53. Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le bourgmestre peut désigner, sous l’approbation du Roi, celui d’entre eux auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions.»
Le mot de bourgmestre sera remplacé par celui de collège.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu’il ya lieu d’apporter une modification à cet article conçu en ces termes :
« Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, chaque année le conseil peut désigner celui d’entre eux auquel les autres sont subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions. »
Mon amendement diffère de l’article en discussion en ce que je fais donner au conseil le pouvoir accordé au collège et que je veux que cette désignation soit annuelle.
Je ne veux pas que l’on puisse rétablir les directeurs de police qui ont donné lieu à tant de réclamations sous le gouvernement précédent. Si vous admettez un chef parmi les commissaires de police, il sera le correspondant de l’autorité supérieure, il sera l’espion de l’administration de la sûreté publique dans la ville même.
Il espionnera jusqu’au conseil communal. Tel sera le résultat de l’inamovibilité que vous donnerez au chef des commissaires de police.
Je veux qu’ils soient nommés par le conseil. Si vous voulez la centralisation des travaux de la police locale dans l’intérêt du service sans arrière-pensée, il faut admettre mon amendement. Le conseil est le plus à même de connaître quel est entre les commissaires de police le plus digne d’être leur chef.
Il ne faut pas qu’il y ait un espion en chef dans toutes les grandes villes ; c’est ce qui a fait tomber en discrédit les magistrats de la police sous l’empire et sous le gouvernement précédent.
Un des premiers actes du gouvernement provisoire a été d’abolir la haute police qui était devenue si odieuse. Rappelez-vous ce que le président de ce corps, l’honorable M. de Potter, disait quand il a ouvert le congrès ; il a présenté, comme un des principaux griefs, la police qui s’étendait comme un vaste réseau dans le pays. Il ne faut pas que le gouvernement puisse étendre un vaste réseau sur le pays. Il faut éviter le retour des abus que nous avons tant flétris.
Par l’amendement que je propose, le chef des commissaires de police, pouvant être révoqué tous les ans, aura intérêt à bien remplir ses fonctions, et à ne pas déplaire au conseil. Il ne sera donc pas tenté de se faire l’espion de la police supérieure.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant n’a pas compris la portée de la disposition en discussion.
Autrefois les commissaires généraux de police ne relevaient en aucune manière de l’autorité municipale, ils étaient sous les ordres immédiats du préfet. Voilà pourquoi ces places ont été si odieuses à l’administration municipale.
Ici, messieurs, le commissaire en chef demeure subordonné au collège des bourgmestre et échevins
C’est encore un agent municipal. Il n’y a pas l’ombre de comparaison à faire avec les commissaires généraux et les directeurs de police. La position précaire dans laquelle M. Dumortier veut placer les commissaires en chef sera nuisible au service. Un homme qui sera tous les ans sous le coup d’une destitution n’aura aucune espèce de consistance comme chef de la police.
Je ne crois pas que l’amendement de l’honorable M. Dumortier puisse être admis.
M. Bosquet. - Il n’y aura des commissaires en chef que dans les grandes villes, Or c’est dans ces localités que le travail de la police est considérable. Comment voudrez-vous qu’un commissaire en chef qui sera changé tous les ans puisse se mettre au courant du travail ?
Le commissaire en chef sera toujours le subordonné du collège de régence qui l’aura nommé : il sera sous les ordres du. bourgmestre et des échevins. Il n’est pas possible de penser qu’ils deviennent les espions de l’autorité supérieure. L’on ne verra jamais revenir le règne des anciens directeurs de police et des directeurs généraux.
M. Legrelle. - J’abonde dans le sens de l’honorable M. Dumortier relativement à la nomination annuelle. Ce n’est pas un commissaire de police spécial que vous voulez établir, c’est un fonctionnaire qui sera le chef des autres.
Je crois que la réélection annuelle de ces fonctionnaires produira les meilleurs effets, tandis que si vous rencontriez un commissaire en chef qui ne remplit pas bien ses fonctions, il serait très difficile de le remplacer, si la proposition du gouvernement et de la section centrale était adoptée.
Si un commissaire en chef devenait incapable, par suite de son âge et de ses infirmités, de remplir ces fonctions, la réélection annuelle pourrait le rendre à son poste moins fatigant de commissaire de section.
Mais je n’adopte pas complètement l’amendement de M. Dumortier. Je voudrais que ce fût le collège qui, comme dans le projet, nommât le commissaire en chef, sauf l’approbation du Roi. La seule différence qu’il y aurait entre mon amendement et le projet serait que je voudrais qu’il fût désigné annuellement.
Je trouve que le conseil n’est pas aussi bien à même que le collège de juger de la capacité d’un commissaire de police. Dans ces sortes d’assemblées, il est à craindre qu’en fait de nominations, ce soient les protections ou le népotisme qui l’emportent sur le mérite.
Mon amendement serait donc ainsi conçu :
« Dans les communes où il y a plus d’un commissaire de police, le collège peut désigner annuellement... (Le reste comme au projet.) »
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’amendement de M. Legrelle est mis aux voix.
Deux épreuves sont douteuses.
Il est procédé au vote par appel nominal.
60 membres prennent part au vote.
31 adoptent :
29 contre.
En conséquence l’amendement est adopté.
L’art. 53 est adopté.
« Art. 54. Indépendamment des attributions déterminées par les lois existantes, les commissaires de police sont chargés, sous l’autorité des bourgmestres et des échevins, d’assurer l’exécution des règlements et ordonnances de police locale. »
M. Bosquet propose de dire : « les commissaires et leurs adjoints. »
- Adopté.
L’art. 54 ainsi modifié est adopté.
« Art. 55. Tout corps armé de sapeurs-pompiers, de soldats de ville, ou sous une autre dénomination quelconque, ne peut être établi ou organisé que du consentement du conseil communal et avec l’autorisation du Roi.
« Le Roi nomme les officiers. »
La section centrale a ajouté au premier paragraphe : « faisant un service permanent et journalier, » et au deuxième « sur une liste de trois candidats présentés par le conseil. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer qu’il était nécessaire de spécifier que les corps armés des villes faisaient un service permanent et journalier. Autrement la disposition aurait atteint les corps de sapeurs-pompiers volontaires de la garde civique, dont les officiers auraient été nommés par le Roi contrairement à la constitution.
La section demande ensuite que les officiers soient désignés par le conseil. Il ne serait pas séant, en effet, que le gouvernement pût introduire des officiers étrangers à la ville dans des corps subsidiés par elle. Le système de présentation qui est admis pour les commissaires de police et autres fonctionnaires me paraît devoir s’étendre aux officiers des corps armés des villes. C’est ce qui a lieu aujourd’hui. Ainsi la section centrale ne demandé que le maintien de ce qui existe.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai si les autorités locales pourront établir un corps armé sans le consentement du Roi, dans le cas où ce corps ne ferait pas un service permanent et journalier.
M. Dumortier, rapporteur. - Non certainement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Alors je demande la suppression de ces mots : « faisant un service permanent et journalier. »
M. Dumortier, rapporteur. - Ce paragraphe a été proposé parce que dans plusieurs villes des corps de pompiers volontaires ont été formés dans la garde civique, et que dans ce cas les officiers de ces corps doivent être nommés de la même manière que les autres officiers de la garde civique.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que les expressions dont je demande le retranchement sont inutiles.
Il ne s’agit pas ici de la garde civique, mais des corps chargés du service des incendies dans les villes. La composition de ce corps est différente de celle de la garde civique. La garde civique n’occupe pas tellement ceux qui en font partie qu’ils ne puissent encore faire partie d’un corps comme celui des pompiers.
Je persiste à demander le retranchement des mots : « faisant un service permanent et journalier. »
M. Dubus. - Je ne vois pas l’utilité des mots dont M. le ministre demande le retranchement, mais quant au deuxième amendement de la section centrale, « le Roi nomme les assesseurs sur une liste de trois candidats présentée par le conseil communal, » il est indispensable de l’adopter. Il a demandé par quatre sections sur six, et je crois pouvoir dire qu’il y a des corps de sapeurs-pompiers volontaires qui rendent de grands services et qui se dissoudraient si on leur imposait un officier qui ne fût pas présenté par l’autorité locale.
M. Dumortier, rapporteur. - Je consens à la suppression des mots : « faisant un service permanent et journalier. » Quand on s’occupera de la loi sur la garde civique, je proposerai une disposition pour remplir le but que la section centrale voulait atteindre.
- La suppression des mots « faisant un service permanent et journalier » est mise aux voix et prononcée.
L’art. 55 de la section centrale ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
« Art. 56. Les gardes champêtres sont nommés par le gouverneur, sur une liste double de candidats présentés par le conseil.
« Le gouverneur les révoque ou les suspend de leurs fonctions, s’il y a lieu.
« Le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre. »
M. le président. - M. de Jaegher propose de modifier ainsi le dernier paragraphe de cet article.
« Le conseil communal peut également les suspendre. Il en réfère dans la huitaine à la députation permanente du conseil provincial qui statue définitivement. »
M. de Jaegher. - Messieurs, en soumettant à votre appréciation l’amendement dont lecture vient de vous être donnée, j’ai conçu l’espoir de vous faire partager ma conviction sur les inconvénients auxquels exposerait, si elle était maintenue, la disposition du projet de loi qu’il tend à remplacer.
Le garde champêtre réunit trois qualités :
Il est agent de police locale ;
Agent de police générale ;
Agent de police judiciaire.
Eu égard à cette triple condition, les règlements en vigueur en attribuent exclusivement au gouverneur la nomination, la suspension et la révocation ; d’accord avec le gouvernement, la section centrale a, dans le projet qui nous occupe, maintenu cette attribution, mais ce qu’elle a accordé d’une main, elle l’a repris de l’autre, en faisant participer le conseil communal au droit de révocation.
Qu’est-ce en effet, messieurs, qu’un droit de nomination dont une révocation peut immédiatement annuler l’effet ?
La garantie de la commune dans la désignation de son agent, réside sous l’empire des règlements existant dans la présentation des candidats en nombre triple ; le projet de loi l’étend, en réduisant les candidats au nombre double.
En formulant sa liste de manière à ce qu’elle ne présente qu’un candidat qui réunisse les qualités requises, le conseil est donc infailliblement assuré de n’avoir jamais qu’une nomination qui lui convienne ; mais si cette intervention toute puissante de la commune dans la nomination n’a rien de nuisible pour le bien du service, il n’en serait pas de même de l’état de dépendance discontinue dans lequel se trouverait le garde champêtre si son maintien était laissé au caprice d’une majorité élective, juge en dernier ressort, et juge sans obligation de faire connaître les motifs de sa résolution. Le garde champêtre est, par la nature de ses fonctions, appelé à signaler à l’autorité compétente toute espèce de crimes et délits ; à son activité, à son zèle sont dus souvent, dans les campagnes surtout, le respect pour la propriété, la sûreté individuelle, et l’observation des règlements.
Il est des délits, des contraventions qui, bien que commis parfois par des individus inoffensifs et bien famés, ne peuvent sans danger pour le mauvais exemple être tacitement tolérés ; tels sont ceux concernant les lois sur la chasse, la police des cabarets, les poids et mesures, le roulage, la petite voirie, la divagation des chiens sans muselière, etc. Quelle sera donc dès lors la position d’un garde champêtre quand chaque éligible peut d’un jour à l’autre devenir son juge dans le conseil communal ? Sans être dépendant de sa place, il ne l’aurait pas acceptée ; ne songera-t-il pas à sa propre conservation avant de dresser un procès-verbal ? Ne recherchera-t-l pas auparavant si le coupable n’est pas un conseiller, parent ou ami de conseiller. S’il remplit son devoir, il court à sa perte par la voie la plus courte ; car il soulève contre lui des susceptibilités d’autant plus puissantes que leur action est arbitraire. ; s’il ne le remplit pas, il court à sa perte encore en s’aliénant la confiance de l’autorité supérieure.
Le vice qui (manque un mot) en outre une attention quelquefois active sur ce qui se passe à la campagne, est la tendance de certains agents communaux à convertir leur garde champêtre en commissaire obligé.
Cette tendance se révèle surtout là où les bourgmestre ou échevins sont marchands ou gens de plume.
S’ils rencontrent de la soumission, le service de la commune, la garde des propriétés en souffrent, le conseil se plaint et destitue le trop servile agent ; s’ils rencontrent de la résistance, l’autorité est entre leurs mains, et l’agent consciencieux devient un objet de dénonciations qui finissent par le perdre.
Les règlements en vigueur laissent aujourd’hui une perspective au garde champêtre ; sa santé, sa vie, s’il les expose dans son service pour un chétif traitement qui ne dépasse guère les 300 fr. par an, il sait au moins qu’une pension est assurée à ses vieux jours, et que le pain qu’il a mérité, il le trouvera encore lorsque ses mains ne pourront plus le gagner ; le projet de loi lui en laisse une, l’abandon et l’ingratitude.
Messieurs, je ne me livrerai pas à de plus amples considérations à l’appui de la modification que je propose ; ceux qu’elles concernent seront toujours assez peu avantagés, vous ne permettrez pas que la loi en fasse des malheureux.
Le gouvernement n’a pas à avoir dans une commune plutôt tel agent que tel autre ; si donc un conseil a des motifs fondés de se plaindre de son garde champêtre, sa plainte ne restera pas sans effet, mais au moins l’accusé sera entendu, et ce sera un juge impartial et désintéressé, à l’abri des petites passions et des petites vengeances, qui décidera de son sort.
M. Desmet. - Je m’opposerai à la proposition de M. de Jaegher, parce que je sais par expérience qu’il est impossible que vous ayez de bons gardes champêtres s’ils sont indépendants des autorités communales. Le garde champêtre pourra très bien exécuter les ordres du commissaire de district et se conduire très mal vis-à-vis des autorités communales.
Je donnerai donc la préférence à la disposition du projet.
M. Desmanet de Biesme. - Ici encore nous avons à regretter que nous n’ayons pas établi de différence entre les petites et les grandes communes. La révocation du garde champêtre laissée à la disposition du conseil communal, peut avoir de graves inconvénients dans beaucoup de communes.
Cependant je ne voudrais pas non plus que le garde champêtre fût indépendant de l’autorité communale. J’admettrai un droit de suspension avec un référé à la députation provinciale. Il me semble que cela doit suffire.
Du reste, j’appuie les observations de l’honorable M. de Jaegher que je trouve toutes dans l’intérêt de l’administration. Je veux sans doute qu’on donne toute la liberté désirable aux administrations locales ; mais nous devons aussi en empêcher les abus.
M. Dumortier, rapporteur. - Je viens demander le maintien de la disposition du projet que je regarde comme très salutaire. Remarquez que l’article, tel que le propose le gouvernement, met dans la main du gouverneur précisément le pouvoir que l’on demande.
Le gouvernement, dit le deuxième paragraphe, les révoque ou les suspend de leurs fonctions s’il y a lieu. Vous avez là toute garantie, car si un garde champêtre ne remplit pas bien ses fonctions, le gouverneur est investi du pouvoir de le révoquer ou de le suspendre.
Vient maintenant la troisième disposition qui investit le conseil communal du même droit que le gouverneur. Est-ce une chose exorbitante que d’accorder au conseil communal ce que vous accordez au gouverneur ? Je ne puis le croire. Si vous compariez la loi que nous faisons avec la loi d’attributions présentée à la chambre de France, vous verriez dans le projet du gouvernement la disposition suivante :
L’article 4 de la loi française porte :
« Le conseil communal délibère sur la nomination et la révocation des gardes champêtres. »
Le conseil communal délibère… C’est comme si nous disions :
« Le conseil communal est exclusivement chargé de la nomination et de la révocation… » Pourquoi en est-il ainsi dans la loi française ? Un particulier peut établir et révoquer à volonté un garde champêtre dans ses propriétés ; et dès que ce garde a prêté serment devant l’autorité judiciaire, il peut dresser un procès-verbal relativement aux délits commis dans les propriétés du particulier ; or, comment pourriez-vous vouloir que le conseil communal n’ait pas le même droit de nomination et de révocation sur ses gardes ? Une commune aurait pour garde champêtre un mauvais drôle, et elle ne pourrait s’en débarrasser parce qu’il serait complaisant envers le commissaire de district : voilà pourtant à quoi l’on arriverait par l’amendement de M. de Jaegher.
La disposition présentée par le gouvernement et adoptée par la section centrale est telle que les intérêts de tous sont conservés. C’est celle-là qu’il faut adopter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition primitive présentée par le gouvernement différait de celle qui a été adoptée par la chambre. Quoi qu’il en soit, il y a véritablement des inconvénients dans l’un et dans l’autre système.
En soumettant la révocation à la députation des états, je conviens qu’un garde champêtre désagréable à une commune peut rester en fonction malgré elle.
Mais si la révocation était donnée à l’autorité communale il arriverait bien plus fréquemment qu’un garde champêtre qui n’aurait fait que son devoir encourrait la révocation : par exemple, il pourrait se trouver dans cette position fâcheuse en dressant un procès-verbal pour délit de chasse ou autre contre un homme puissant dans la commune.
Il est dangereux que les gardes champêtres soient paralysés dans leurs fonctions ; il y a davantage d’inconvénients dans la révocation injuste d’un garde champêtre, que dans le refus que ferait la députation des états de révoquer un semblable agent qui déplairait à la commune.
M. Lebeau. - Il y a peu de chose à ajouter à l’observation faite par M. le ministre de l’intérieur. Toutefois il est impossible que la dernière partie de l’article reste comme elle est formulée.
Vous voulez tous donner à la commune la plus grande somme d’indépendance relativement à ses affaires domestiques ; mais en même temps aucun de vous ne veut jeter le discrédit sur l’autorité du gouverneur ; cependant il n’y a pas de rôle plus ridicule que celui qu’on voudrait ici lui faire jouer : il pourrait nommer, et aussitôt la nomination faite on pourrait révoquer.
Bien que la nomination appartienne aujourd’hui au gouverneur, sans qu’on lui présente une liste de candidats, je ne sache pas qu’il y ait d’exemple qu’un gouverneur ait jamais nommé un garde champêtre sans avoir demandé à la commune la liste des hommes qui lui seraient le plus agréables. Comme le gouverneur doit marcher de concert avec l’autorité communale, il doit prendre des informations près d’elle sur les hommes les plus capables de remplir ces emplois.
Il vaudrait mieux rayer ici l’intervention du gouverneur que de le réduire à l’humiliation de voir défaire aujourd’hui ce qu’il aurait fait la veille.
Mais, dit-on, si dans la commune il y a un mauvais drôle, elle ne pourra donc pas s’en débarrasser ? Remarquez, messieurs, que ce mauvais drôle aura été présenté par elle ; et comme il n’est pas probable qu’elle présente de mauvais drôles, l’objection est sans valeur.
Je crois que l’amendement satisfait à toutes les exigences, et qu’en allant plus loin que ne le propose M. de Jaegher, ce serait frapper de discrédit et de ridicule l’autorité du gouverneur en lui donnant le rôle qu’on veut lui faire jouer.
De plus, en rendant le garde champêtre révocable par l’autorité communale, vous l’exposez à être victime de son exactitude à remplir ses devoirs.
Dans les communes rurales, qu’un garde champêtre verbalise contre un membre de l’administration locale, pour délit de chasse ou d’emprise sur les chemins vicinaux, il sera exposé, par cela seul, à être révoqué.
L’emprise sur les chemins vicinaux est un point pour lequel les gardes champêtres doivent recevoir des ordres de plus haut que de l’autorité communale.
Souvent on a vu l’autorité de la députation méconnue par les gardes champêtres, parce que ceux-ci craignaient, en obéissant à ses injonctions, d’être révoqués par l’autorité communale et de voir leurs traitements diminués, parce que c’est l’autorité locale qui les fixe et les diminue à son gré.
J’en appelle sur tous ces points au témoignage de M. le ministre de l’intérieur ; je suis persuadé qu’il ne me contredira point.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Legrelle :
« Le conseil communal peut suspendre pendant un mois ; il peut aussi révoquer avec l’autorisation de la députation. »
M. Legrelle. - Je veux que la suspension appartienne tout entière à l’autorité communale, et ait lieu pour un mois.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est trop !
M. Legrelle. - Quant à la révocation, je désire que la députation permanente des états en connaisse.
M. le président. - Voici l’amendement présenté par M. de Jaegher :
« Le conseil communal peut également les suspendre ; il en réfère dans la huitaine à la députation permanente du conseil provincial, qui statue définitivement. »
M. Dubus. - La chambre s’est déjà occupée de cette question et l’amendement sur lequel elle a délibéré ne l’avait pas frappée à l’improviste, car c’était la section centrale qui l’avait proposé. Il semble maintenant que cette proposition de la section centrale va donner lieu aux inconvénients les plus graves, et que l’on aurait toujours à craindre des abus de la part de l’autorité communale, tandis que l’on n’aurait rien à craindre de l’autorité supérieure. La section centrale avait cependant appuyé sa proposition sur une comparaison capable de frapper les esprits ; c’est que le moindre propriétaire peut nommer et révoquer un garde champêtre, lequel a sur les propriétés de celui qui l’a nommé les mêmes droits que le garde champêtre de la commune a sur tous les biens de cette commune ; alors, comment ne pas accorder à une administration les mêmes droits que l’on accorde à un particulier ; et comment ne pourrait-elle pas révoquer un agent qui aurait perdu sa confiance ?
L’article de la section centrale était, selon moi, combiné de manière à éviter toute espèce d’inconvénient sous le rapport de la nomination comme sous celui de la révocation.
La nomination se faisait par le gouverneur à la vérité, mais sur la présentation du conseil. Deux autorités concouraient à la nomination. On armait deux autorités du droit de révocation. L’on craint l’exercice de ce droit de la part des communes ; on ne le craint de la part du gouverneur. Ce que vous donnez à l’un, vous ne le donnez pas à l’autre. Mais vous détruisez l’harmone de la disposition.
En donnant la révocation de garde-champêtre à la fois à la commune et au gouverneur, il est dans la nécessité d’être agréable aux deux autorités ; mais si vous le rendez révocable par le gouverneur seul, vous détruisez tous les bons effets du double concours de la commune et du gouverneur à sa nomination.
Il sera dès lors l’homme du gouverneur ou plutôt l’homme du commissaire de district. Vous faites de tous les gardes champêtres d’un arrondissement autant d’agents serviles du commissaire de district quand il voudra s’en servir comme d’instruments d’administration.
Je crois que l’on se préoccupe trop de l’inconvénient qu’il y aurait si la commune pouvait révoquer le garde champêtre. Occupez-vous plutôt de l’inconvénient qu’il y aurait si cette révocation était laissée au gouverneur.
Le conseil communal ne pourra révoquer sans l’approbation de la députation provinciale. Pourquoi n’exigez-vous pas que la révocation faite par le gouverneur soit soumise à l’avis conforme de la députation provinciale. Alors vous rétabliriez l’équilibre qui existe dans l’article de la section centrale.
Mais si vous donnez le droit absolu de révocation au gouverneur, il faut le donner également à la commune.
Sans cela vous dénaturez le caractère de l’agent, vous faites un agent du commissaire de district d’un homme qui n’est qu’un agent communal.
- La chambre n’est plus en nombre pour délibérer.
La séance est levée à 5 heures.