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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 23 février 1836

Remarque : pour le second tour, mettre la séance du 25 novembre 1834 dans la rubrique « personnel communal » et la séance du 13 décembre 1834 dans celle des « ordres honorifiques »

(Moniteur belge n°55, du 24 février 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Schaetzen fait l’appel nominal à une heure.

Il lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

M. Dechamps présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« La régence de Furnes demande que la route projetée de Furnes à Nieuport soit construite aux frais de l’Etat. »


« Le sieur Van Dael, membre de la légion d’honneur, adresse des observations sur le rapport de M. Fallon relatif aux légionnaires, et demande le paiement de leur pension comme on le fit à l’égard des chevaliers de l’ordre Guillaume et du lion Belgique. »


« M. de Wallens, éditeur du Libéral, au nom de ses collaborateurs, se plaint d’une violation de domicile exercée par des militaires du régiment des guides, et d’une atteinte à la liberté individuelle et à la liberté de la presse, et demande que la chambre, ordonne une enquête en attendant que la justice ait rendu un arrêt sur cette affaire. »


M. Gendebien. - Je demande que cette dernière pétition reste déposée sur le bureau jusqu’à disposition ultérieure. Je me réserve de présenter une proposition sur cet objet.


M. Dubois. - Je demande que la pétition des habitants de Furnes soit renvoyée comme celle de Nieuport à la commission des pétitions, à l’effet d’en obtenir un prompt rapport.

- La proposition de M. Dubois est adoptée.

Formation du comité secret

M. Gendebien. - Pour qu’il n’y ait pas de doute sur les motifs de ma proposition, je déclare que 20 membres de cette assemblée ont déposé une demande de comité secret. Nous désirons éviter le scandale, éviter que l’on nous accuse de vouloir faite du scandale. Nous voulons éviter jusqu’à la calomnie en fait de scandale. Nous demanderons donc le comité secret, lorsqu’après la lecture de la proposition de M. Dumortier, il s’agira de statuer sur la pétition.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne parlerai pas du comité secret, puisqu’il n’est pas encore formé. Cependant je dois dire à la chambre que, lorsque le comité secret sera formé, je demanderai à la chambre qu’elle reprenne la séance publique. Nous n’avons aucun intérêt à ce que la séance soit secrète.

Nous voulons appeler sur la discussion toute la publicité possible.

M. Gendebien. - Je prends acte des paroles de M. le ministre. Ce n’est pas l’opposition que l’on pourra accuser du scandale, s’il y en a.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me joins à mon collègue M. le ministre de l’intérieur pour demander une discussion publique, s’il doit y avoir une discussion sur l’objet auquel on a fait allusion. Le scandale, s’il y en a, retombera sur ceux qui l’auront causé ; eux seuls en seront responsables. Quant à nous, nous ne craignons nullement ce prétendu scandale, et moins encore la publicité dans l’affaire dont on vient de nous dire deux mots.

Proposition de loi limitant la compétence des tribunaux militaires

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition déposée par M. Dumortier dans la séance d’hier.

M. Dumortier monte à la tribune et donne lecture de sa proposition :

« Léopold, etc.

« Article unique. La poursuite et la connaissance de tous les crimes ou délits commis par des militaires, autres que les crimes et délits purement militaires ou commis entre militaires, sont exclusivement du ressort des cours et tribunaux ordinaires. »

M. Dumortier. - Messieurs, la proposition que j’ai l’honneur de déposer sur le bureau était depuis longtemps sollicitée par l’opinion publique. Elle est maintenant réclamée comme impérieuse et urgente.

Ce projet de loi n’est d’ailleurs que la reproduction des dispositions anciennement en vigueur, et qui n’ont cessé de l’être que depuis 1815. Vous savez que sous le gouvernement impérial les crimes et délits commis par des militaires contre des particuliers étaient exclusivement du ressort des tribunaux ordinaires. L’empereur, qui connaissait ce qu’exige la discipline, n’y voyait aucun inconvénient.

A la suite de l’invasion des alliés, par un arrêté du 30 décembre 1813, le roi Guillaume remit en vigueur le règlement arrêté le 20 juin 1799, pour les provinces septentrionales, relatif à la discipline militaire.

Le premier article de ce règlement autorisait des dispositions encore plus larges que celles que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau. Il portait en termes exprès :

« Les militaires seuls seront assujettis aux tribunaux militaires, et ce uniquement pour délits militaires. »

Ainsi, messieurs, au 30 décembre 1813 le gouvernement hollandais avait aussi senti la nécessité de remettre en vigueur la disposition qui avait été prise en 99.

Mais en 1815 une seconde disposition intervint, au moyen de laquelle la connaissance et la répression des crimes et délits commis par des militaires contre des non-militaires fussent soustraites à l’action des tribunaux ordinaires et mises entre les mains des tribunaux purement militaires.

Cette législation est encore aujourd’hui en vigueur ; cependant, messieurs, vous reconnaîtrez avec moi que ce système n’est pas celui que la constitution ordonne.

La constitution, en réglant les différents pouvoirs de l’Etat, a placé au nombre de ces pouvoirs le pouvoir judiciaire. Elle l’a investi de la connaissance de tous les crimes et délits relatifs aux personnes ou aux propriétés. A la vérité, la constitution admet des tribunaux militaires, mais elle ne les admet que comme tribunaux d’exception.

Dès lors, tous les crimes et délits qui ne sont pas purement militaires doivent aux termes de la constitution, rentrer dans le domaine des tribunaux ordinaires. C’est là le but de la proposition que j’ai l’honneur de présenter à la chambre.

Remarquez, je vous prie, que cette disposition n’est pas aussi large que la disposition ancienne. Je me borne à demander que les tribunaux ordinaires interviennent dans la répression de tout crime et délit qui n’est pas purement militaire ou commis entre militaires. Ceux-ci, quels qu’ils soient, resteront du ressort des tribunaux militaires.

Plusieurs personnes penseront sans doute que cette disposition n’est pas assez étendue, qu’il convient que les tribunaux civils connaissent des crimes commis entre militaires quand ils ne se passent pas sous les drapeaux, quand ils ne rentrent pas dans la sphère des attributions des règlements militaires.

Je n’ai pas voulu donner une telle extension à ma proposition. J’ai cru devoir la restreindre à un point pour lequel nous sommes tous d’accord, afin de ne pas en différer la discussion.

La proposition étant très simple pourra être comprise de tout le monde. Je ne pense pas qu’elle puisse donner lieu à aucune objection. L’on se demandera si l’expérience a démontré le besoin d’en revenir à l’ancienne jurisprudence. Je ne pense pas que cela donne lieu à un doute sérieux de la part de tout homme qui réfléchit.

L’expérience a démontré que les tribunaux militaires étaient insuffisants pour la répression des crimes et délits commis par des militaires contre des non-militaires. Souvent cette tribune a retenti de plaintes très graves. On a souvent signalé dans cette enceinte des abus commis par des militaires contre des bourgeois, et l’on a déclaré à cette tribune que ces tribunaux étaient impuissants dans la répression des délits.

Je n’examinerai pas les motifs de cette impuissance. Il me suffit que ce fait soit constaté pour que la chambre comprenne la nécessité d’amener une législation qui réprime les abus de quelque part qu’ils arrivent.

C’est donc un retour à la législation ordinaire que je présente. Si des doutes pouvaient s’élever dans l’esprit de quelques personnes sur la nécessité de cette disposition, j’en appellerais à l’abus scandaleux qui a eu lieu, il y a trois jours, dans cette capitale. Nous avons vu des soldats, appartenant à un régiment, envahir le domicile d’un citoyen, se permettre les actes les plus criminels de dévastation, que nous devons réprimer, à quelque opinion que nous appartenions.

Si nous pouvions tolérer de tels abus, demain des actes semblables seraient tolérés contre nous-mêmes.

Nous devons vouloir que la justice règne dans ce pays. Nous devons vouloir que la liberté règne en Belgique. Vous le savez, la liberté, c’est le despotisme de la justice.

Nous devons donc vouloir que la répression de tels abus soit certaine.

Il est d’autres abus non moins graves qui souvent ont été signalés dans cette enceinte. Pour mon compte, j’ai vu à plusieurs reprises les sévices les plus graves exercés par des militaires. Il n’est pas venu à ma connaissance qu’ils aient été réprimés ou convenablement réprimés. En outre, j’ai appris de la bouche de plusieurs de mes collègues que l’an dernier, dans la Campine, les abus les plus graves contre la morale publique ont en lieu ; que des réclamations nombreuses ont eu lieu de la part des personnes qui se trouvaient atteintes par ces abus, et que la justice militaire a été impuissante pour obtenir une répression.

Il y a plus, j’ai même ouï dire par un de nos collègues, que ses fonctions mettent à même de connaître les faits, que les choses ont été jusqu’à ce point que des auditeurs militaires saisis de ces abus ont déclaré ne pouvoir donner suite à ces plaintes qu’avec l’autorisation des chefs des corps auxquels les militaires appartenaient. Je ne garantis pas ces faits ; je ne les cite que sur ce que m’en ont donné d’honorables collègues.

Il y a plus : dans l’état de la juridiction actuelle, les crimes et délits commis par des militaires ne sont pas suffisamment réprimés. Si quelqu’un porte plainte à un auditeur militaire, celui-ci commence par s’enquérir si c’est parmi ses subordonnés que se trouve le coupable ; sinon il écarte la demande en disant qu’il faut s’adresser à un autre auditeur militaire qui se trouve peut-être à 50 lieues de là. Le cours de la justice devient donc entravé, et il est nécessaire d’apporter un remède aux abus dont on se plaint chaque jour.

Le gouvernement a dit qu’il voulait la discipline dans l’armée ; eh bien, la plus grande preuve d’une bonne discipline, c’est le respect pour les citoyens désarmés.

L’armée doit se borner à défendre les frontières contre l’ennemi, et les chefs militaires doivent avoir le plus grand soin pour empêcher les abus des militaires contre les non-militaires ; un pouvoir militaire qui se tourne contre les citoyens est ce qu’il y a de plus funeste, car le gouvernement du sabre est le pire des gouvernements.

Si l’état actuel continuait, il compromettrait notre tranquillité et même notre nationalité : oui, notre nationalité ; car que dira-t-on à l’étranger quand on saura que dans un régiment, qu’à tort on à raison on appelle garde royale, on a vu des militaires se transporter chez un citoyen pour dévaster sa maison ?

Cela ne peut évidemment que compromettre notre nationalité.

Vous reconnaîtrez dès lors qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour faire cesser de tels abus.

Si la proposition que j’ai eu l’honneur de faire était adoptée, elle aurait cet avantage que tout militaire qui commettrait un crime ou délit contre des non-militaires, devant être attrait devant les tribunaux ordinaires, il en résulterait que les chefs de corps auraient intérêt à maintenir la discipline et à s’opposer à de pareils abus. En effet, dans l’armée, si un militaire qui a commis un délit contre un non-militaire est puni par quelques jours d’arrêts, cette peine militaire n’est nullement déshonorante ; elle est assimilée à la moindre peine disciplinaire, tandis qu’un jugement prononcé par un tribunal civil affecte plus le caractère de l’homme contre lequel il est rendu.

Tous les chefs de corps ayant intérêt à ce que leurs corps jouissent de la réputation d’une bonne discipline, ils maintiendront cette discipline pour empêcher leurs subordonnés d’être traduits devant les tribunaux ordinaires. Dès lors, vous aurez une grande garantie de discipline. Sous ce rapport, il est hors de doute que la proposition que j’ai eu l’honneur de faire est non seulement répressive, mais encore préventive.

Je pense que, par ces motifs, la chambre voudra bien prendre en considération la proposition que j’ai eu l’honneur de lui soumettre.

Je demande que la chambre veuille bien joindre ma proposition à celle présentée dernièrement par M. le ministre de la justice, à l’égard des Belges qui se rendraient coupables d’un crime à l’étranger. Je ne demande pas que ces deux propositions forment une seule loi, mais qu’elles suivent la même filière et soient discutées simultanément.

Je demande que l’époque de la discussion soit fixée à ce bref délai car je craindrais qu’elle ne fût reculée à un long terme.

En finissant, je crois devoir déclarer qu’il est à ma connaissance que la commission chargée de la rédaction d’un projet de code militaire y a introduit une disposition conforme à celle que je propose. Dès lors je ne pense pas que le gouvernement s’y oppose. On me dira d’attendre que ce code soit mis en discussion. Je réponds à cela que la chambre ne peut retarder le vote d’une disposition bienfaisante, jusqu’à ce qu’un code composé de mille articles soit mis à exécution. Un tel ajournement équivaudrait au rejet de ma proposition.

Je demande que la chambre prenne ma proposition en considération.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Nous ne nous opposons pas à la prise en considération de la proposition de M. Dumortier ; mais cette prise en considération est absolument étrangère aux motifs qu’a fait valoir cet honorable membre. Dans les développements de sa proposition, il a signalé des faits qui peuvent donner lieu à examen, et qui feront l’objet d’une discussion quand la chambre sera saisie de ce projet de loi.

Je dois relever ce qu’a dit M. Dumortier, à savoir que nous ne devons pas tolérer des désordres tels que ceux qui ont eu lieu récemment. Il sait que le gouvernement, pas plus que les chambres, ne tolère des actes illégaux. Il sait bien que toutes les mesures ont été prises pour arriver à la répression des méfaits que nous déplorons autant que lui.

Lorsque la proposition aura passé par la filière des sections, et que la chambre en sera saisie, elle sera soumise à une discussion approfondie. Je crois au fond que la disposition en elle-même mérite d’être prise en considération ; mais elle devrait être développée ; car l’honorable membre ne peut pas s’imaginer qu’il suffise de dire dans un projet de loi que les délits purement militaires seront soumis à des juges militaires. Il faut que l’on définisse les délits purement militaires, et les circonstances qui font réputer un délit, délit militaire. Comme on l’a dit, la commission chargée de la rédaction des codes militaires s’est occupée de cet objet, et j’ai eu l’occasion de m’assurer moi-même qu’il n’est pas facile de déterminer les conditions essentielles des délits militaires ; mais ce n’est pas le moment de nous occuper de cela.

Pour me résumer en deux mots, je déclare ne voir aucun inconvénient à ce que la chambre soit saisie d’une proposition tendant à déterminer les délits commis par des militaires qui seront soumis aux tribunaux ordinaires. Mais ce n’est pas une question de circonstance ; car l’honorable membre a dû finir par convenir lui-même que le gouvernement n’avait aucune raison pour s’opposer à la prise en considération, vu que la commission chargée de la rédaction des lois militaires a déjà proposé des dispositions à peu près semblables.

Par ces motifs, nous voterons la prise en considération de la proposition.

Quant à ce qu’a dit le préopinant, que la justice doit régner dans le pays, ce n’est pas un simple vœu, c’est une réalité.

- La proposition de M. Dumortier est prise en considération et renvoyée à l’examen des sections.

Formation du comité secret

Atteinte à la liberté de la presse

M. le président. - La proposition suivante vient de parvenir au bureau :

« Les soussignés demandent que la chambre se forme en comité secret.

« Bruxelles, le 23 février 1836.

« Gendebien, Vandenbossche, Desmaisières, Zoude, de Meer de Moorsel, Polfvliet, Desmet, Hye-Hoys, Vanderbelen, de Longrée, Kervyn, Frison, de Puydt, Van Hoobrouck, Jullien, Raymaeckers, Vanden Wiele, Dumortier, d’Hoffschmidt. »

- Il est 1 heure 3/4 ; la chambre se forme en comité secret.

La séance publique est reprise à 4 heures.

M. le président. - Il reste à statuer sur la pétition du sieur de Wallens.

Aux termes du règlement, les pétitions adressées à la chambre sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.

M. Gendebien. - Je n’ai plus rien à dire sur la pétition, elle suivra le cours ordinaire. Quand la presse est sous le régime du sabre, la parole cesse d’être libre ; elle n’est plus qu’un piège grossier tendu à la bonne foi. Je ne délibère pas sous l’influence du sabre.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, la presse est libre, vous le savez de reste, et tous les jours nous en avons la preuve. De ce qu’un acte coupable a été commis contre un journal, on ne peut pas conclure que la presse n’est pas libre.

C’est comme si on venait prétendre de ce qu’un assassinat aurait été commis, que les citoyens sont à tout moment menacés. La tribune est également libre, qui peut en douter ! J’espère que les observations de l’honorable préopinant ne feront aucune impression dans le public.

M. Gendebien. - Le public jugera.

M. Jullien. - Avant de prendre la parole sur la pétition, je demanderai à M. le ministre de la justice s’il y a eu des arrestations faites à l’occasion du crime dénoncé. Je le prierai de vouloir bien nous donner des renseignements sur ce point.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Tous les moyens possibles et notamment ceux indiqués par les plaignants ont été employés pour découvrir les auteurs du délit Quelques-uns ont été reconnus et arrêtés. Je rappellerai que les rédacteurs et éditeur du Libéral se félicitent d’avoir trouvé dans cette circonstance appui et secours près de toutes les autorités civiles et militaires.

Ils disent, eux-mêmes, dans leur pétition, qu’ils ont pleine confiance dans la justice des tribunaux : ils ne se sont adressés à la chambre que pour qu’elle ordonnât une enquête. C’est contre cette enquête que j’ai protesté : il ne faut pas recourir à des moyens extraordinaires quand les moyens ordinaires sont suffisants.

M. Jullien. - Je demanderai, pour terminer ce débat, que la pétition soit renvoyée à la commission avec invitation de faire un prompt rapport. Je crois que dans l’état de la discussion, tant secrète que publique, c’est le meilleur parti que nous puissions prendre.

- Le renvoi à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport, est ordonné.

Projet de loi relatif aux attributions des administrations communales

Discussion des articles

Titre II. Des attributions communales

Chapitre premier. Des attributions du conseil communal
Article 10

M. le président. - Nous en étions restés à l’art. 10, qui est ainsi conçu :

« Art. 10. Le conseil nomme :

« 1° Les employés de tout grade des taxes municipales : néanmoins le conseil pourra autoriser le collège des bourgmestre et échevins à nommer les simples employés ;

« 2° Les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance.

« Cette nomination est faite pour le terme fixé par la loi ; elle a lieu sur la présentation d’une liste triple de candidats formée par l’administration de ces établissements.

« Les incompatibilités établies (la section centrale propose de dire : Les qualités exigées) par la loi d’organisation du corps communal relativement aux membres du conseil, sont applicables aux membres des hospices et des bureaux de bienfaisance.

« Expédition des actes de nomination sera transmise à la députation provinciale.

« Les membres de ces administrations pourront être révoqués par la députation provinciale, sur la proposition de ces administrations elles-mêmes ou des conseils communaux.

« Il n’est pas dérogé, par les dispositions qui précèdent, aux actes de fondations qui établissent des administrateurs spéciaux.

« 3° Les architectes ou les employés chargés de la construction et de la conservation des bâtiments communaux ;

« 4° Les directeurs et conservateurs des établissements d’utilité publique ou d’agrément appartenant à la commune, et les membres de toutes les commissions qui concernent l’administration de la ville ;

« 5° Les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune.

« Cette disposition n’est pas applicable aux médecins et chirurgiens des hospices, des administrations des pauvres ou établissements de bienfaisance, lesquels sont nommés et révoqués par l’administration dont ils dépendent. » (La section centrale ajoute : « sous l’approbation du conseil communal. »)

« 6° Les professeurs et instituteurs attachés aux établissements d’instruction publique ;

« 7° Tous autres employés et titulaires ressortissant de l’administration communale, dont le conseil n’aurait pas expressément abandonné le choix au collège des bourgmestre et échevins, et dont la présente loi pas attribue la nomination soit à ce collège, soit à l’autorité supérieure. »

La section centrale propose d’ajouter :

« Nul ne peut exercer des fonctions à la nomination ou à la présentation de la commune, s’il n’est Belge ou naturalisé. »

M. le ministre de l'intérieur propose au paragraphe 3 du n°2 l’amendement suivant :

« Les incompatibilités établies par les trois premiers numéros de l’art. 48 et les dispositions de l’art. 51 de la loi sur l’organisation du corps communal, relativement aux membres du conseil, sont applicables aux membres des hospices et des bureaux de bienfaisance. »

M. de Behr. - Je demande la parole pour présenter un amendement.

Je propose de substituer au deuxième paragraphe du n°2 la disposition suivante :

« Cette nomination se fait pour le terme fixé par la loi ; elle à lieu sur deux listes doubles de candidats, présentées par l’administration de ces établissements, l’autre par le collège des bourgmestre et échevins. »

L’amendement que j’ai l’honneur de proposer n’est autre chose que la reproduction de ce qui existe maintenant, car cette disposition se trouve textuellement dans le règlement des villes et dans celui des communes rurales.

Je ne vois aucun motif pour abandonner cette manière de procéder. La disposition présentée par la section centrale aurait, ce me semble, un grave inconvénient, celui de donner à de petites administrations composées de cinq membres le moyen de se perpétuer, de s’ériger en corporations. Elles n’auraient qu’à présenter des listes de trois candidats qui rendissent le droit de nomination illusoire en plaçant à côté du membre sortant, et qu’elles voudraient conserver, deux noms d’individus tout à fait incapables. Elles forceraient ainsi la main au conseil de régence et perpétueraient leur administration.

Sous la loi française, il n’y avait pas de présentations. Et aujourd’hui, en forçant le conseil de régence à nommer sur présentations faites par une commission de cinq membres, il est certain qu’on peut écarter de l’administration des personnes capables de rendre de grands services à ces établissements. Quand je siégeais au conseil de la ville que j’habite, j’ai souvent regretté d’être obligé de limiter mon choix dans les présentations ; très souvent je n’y trouvais pas compris les hommes les plus capables de bien administrer. Cependant les présentations étaient doublées ; d’un coté il y avait les présentations faites par les administrations des établissements de charité, et de l’autre les présentations faites par le collège des bourgmestre et échevins.

Il y avait là une espèce de contrôle, et malgré cela je regrettais encore de ne pouvoir sortir des présentations faites. Que sera-ce si vous bornez la présentation à une liste dressée au gré des intéressés ! Je pense que l’assemblée prendra en considération l’amendement que j’ai l’honneur de lui proposer dans le but de remédier autant que possible à l’inconvénient que j’ai signalé.

Dans toutes les circonstances on s’est bien gardé de laisser les présentations exclusivement aux intéressés, et aux cours d’appel et à la cour de cassation, corps qui inspirent toute confiance et par le nombre des personnes qui les composent et par le caractère de leurs fonctions. Vous n’avez pas voulu abandonner la présentation exclusive pour les places vacantes dans leur sein ; pour la cour de cassation vous avez attribué des présentations au sénat, et pour les cours d’appel vous avez attribué des présentations aux députations des conseils provinciaux. Vous avez craint que ces corps ne finissent par se former en corporations. Cet inconvénient est encore plus à craindre pour les bureaux des hospices et les administrations de bienfaisance que pour les corps judiciaires.

Je pense que, par tous ces motifs, la chambre voudra bien adopter mon amendement.

M. Dubus. - Cet amendement se rapporte au deuxième paragraphe du n°2. Il me semble que nous devrions voter l’article, paragraphe par paragraphe. Il faudrait alors mettre aux voix le n°1 sur lequel il n’y a pas d’amendement.

- Le n°1 de l’article est mis aux voix et adopté.

M. le président. - On passe au n°2°, auquel se rapportent les amendements de MM. de Behr, le ministre de l’intérieur et Jullien.

M. Jullien demande la suppression de la dernière disposition du n°2°.

M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale a voulu rejeter la proposition de l’honorable M. de Behr. Nous savions que la nomination des membres des administrations de bienfaisance se faisait sur deux listes de candidats, présentées l’une par ces administrations et l’autre par le collège des bourgmestre et échevins. Ce système est sujet à beaucoup d’abus. L’expérience a démontré que dans cette double présentation il arrivait presque toujours qu’on écartait celle de l’administration de bienfaisance pour adopter celle de l’administration communale.

On a souvent vu des personnes peu capables appelées à gérer les biens des pauvres, par suite du favoritisme du collège de régence. La chose est d’autant plus importante maintenant qu’actuellement vous avez donné au Roi la nomination des bourgmestre et échevins, et que, dans l’immense majorité des communes, ce collège, qu’on dit homogène, formera la majorité dans le conseil. Autant vaudrait dire alors dans la loi que c’est le collège qui nomme.

L’honorable membre a cité, à la fin de ses développements, l’exemple des cours d’appel et de la cour de cassation, Là, dit-il, on n’a pas voulu laisser exclusivement aux corps les présentations aux places vacantes dans leur sein ; on a admis qu’un autre pouvoir présentât. Je ferai remarquer que pour les cours, d’autres pouvoirs sont autorisés à faire des présentations, mais ne doivent pas faire des présentations différentes. Toutes les fois que le sénat a trouvé bonne la présentation faite par la cour de cassation, il s’y est rallié, tandis que, d’après l’amendement, il faudrait que l’administration communale présentât aussi des candidats.

S’il en est ainsi, toujours la présentation de l’administration communale aura la majorité dans le conseil, et la présentation des administrations de bienfaisance aura la minorité. Cependant ceux qui prêtent incessamment leurs soins aux intérêts des pauvres, sont mieux à même de juger les personnes qui conviennent pour gérer les établissements de charité. Il est incontestable que les présentations des bureaux de bienfaisance seront toujours meilleures que celles des collèges de régences.

Les administrations de bienfaisance sentent le besoin de ne choisir que des personnes favorables, dévouées à la classe pauvre, tandis que les régences voient là un moyen de faire percer tel ou tel individu et tel ou tel ami, ce qui ne s’est que trop vu.

Nous avons pensé dans la section centrale qu’il fallait se borner à une seule liste de candidats présentée par le bureau de bienfaisance. Au lieu de deux noms la liste en postera trois, et le conseil de régence nommera celui qui conviendra le plus.

On a dit que les nominations sur présentations étaient illusoires : si telle est votre opinion, n’admettez pas de présentations ; mais si vous reconnaissez que des présentations sont nécessaires, vous devez reconnaître aussi que personne n’est plus à même de les faire que celui qui administre tous les jours les biens des pauvres. J’ai vu des présentations faites par les bureaux de bienfaisance, composées de personnes très habiles toutes à gérer les intérêts des pauvres.

Et j’en ai vu de faites par les régences qui étaient loin de présenter les mêmes garanties.

Nous pensons donc que la proposition de la section centrale est plus dans l’intérêt des pauvres que celle de l’honorable M. de Behr. Car nous sommes convaincus que si le système des deux présentations était admis, il y aurait toujours huit à parier sur dix que celle de l’administration de charité serait écartée pour donner la préférence à la présentation du collège de régence. Je demande donc le maintien de la proposition de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition de l’honorable M. de Behr est la même que celle du projet primitif du gouvernement. Pour moi, je lui donnerai mon assentiment. L’expérience a démontré que quand un collège quelconque doit faire une présentation à l’époque de son renouvellement, il lui est impossible de ne pas représenter le membre sortant. Quelles que soient la négligence et l’incapacité dont il ait fait preuve dans le cours de son administration, le collège le représentera toujours. C’est un fait qui a été constaté souvent.

L’honorable membre craint que le collège de régence ne présente pas d’aussi bons candidats que le conseil des hospices ; je dirai que le collège des bourgmestre et échevins aura toujours grand égard pour les présentations des conseils des hospices et des bureaux de bienfaisance, et qu’il est autorisé à présenter les mêmes membres s’il partage l’opinion de ces administrations. Mais s’il pense qu’il vaut mieux que le membre sortant soit remplacé, il présentera un autre candidat et le conseil communal prononcera. Le conseil communal aura toujours égard aux présentations des administrations de bienfaisance, à moins qu’il ait des raisons pour en agir autrement.

M. de Behr. - La disposition que je propose s’exécute depuis longtemps, et je ne sache pas qu’elle ait donné lieu des inconvénients. Il est certain que si nous supprimons la présentation du collège de régence, vous n’aurez plus de si bons choix. C’est une surveillance qui aura pour effet d’engager les administrations de bienfaisance à faire de bonnes présentations, afin de les faire prévaloir dans le conseil communal. Mais si on réduit la présentation à trois membres désignés par les administrations de bienfaisance elles-mêmes, ces présentations seront très mauvaises.

On mettra sur la liste une personne capable à côté de deux incapables, et on forcera ainsi la main au conseil qui devra nommer le plus capable. Je regarde cela comme un très grand mal, parce que ce sera un moyen pour ces administrations de s’ériger en petites corporations.

M. Dubus. - A l’appui de l’amendement dont il s’agit, on a produit un motif fondé, c’est qu’il a pour but d’empêcher qu’une administration de charité ne s’érige en corporation et ne se perpétue dans la gestion des biens des pauvres, par l’obligation où serait le conseil de prendre dans la présentation faite par cette administration, et qui pourrait être combinée de manière qu’il n’y eût d’éligible que la personne qui plairait à l’administration.

Je ne verrais pas d’objection à l’amendement de M. de Behr, s’il ne faisait que rendre facultative l’adjonction de nouveaux candidats par le collège de régence, dans le cas où il ne trouverait pas la présentation de l’administration de bienfaisance convenable, car il faut que le collège de régence puisse s’en tenir à celles-là s’il les trouve bonnes. Si vous adoptiez l’amendement tel qu’il est proposé, le collège serait forcé d’ajouter d’autres candidats contre sa propre conviction à ceux présentés par l’administration de bienfaisance. L’amendement pris dans un sens absolu présenterait des inconvénients. Mais il n’en aurait aucun s’il était facultatif.

Voilà comment je proposerai de le modifier :

« Cette nomination sera faite pour le terme fixé par la loi, sur la présentation d’une liste double de candidats formée par l’administration de ces établissements, et à laquelle le collège pourra ajouter deux autres candidats. »

La présentation serait facultative pour le collège de régence. »

M. de Behr. - Je ne m’opposerais pas au sous-amendement s’il était conçu dans les termes suivants :

« Les candidats portés sur une liste pourront également être portés sur l’autre. »

M. Dubus. - Je me rallie à cette rédaction.

M. Legrelle. - Messieurs je ne partage pas les craintes de l’honorable M. Dumortier. Le collège n’abusera pas du droit qui lui est accordé, et ne nommera pas ses amis, ses créatures. Les fonctions d’administrateur des hospices ou des bureaux de bienfaisance ne sont pas tellement agréables qu’elles soient recherchées.

L’amendement soumis par l’honorable M. de Behr présente un inconvénient : c’est que les membres nommés, pris parmi les candidats du conseil des bourgmestre et échevins, n’accepteront pas : il est extrêmement désagréable d’entrer dans un corps sans l’assentiment de ceux qui en font partie.

Il ne faut pas non plus trop restreindre le nombre des candidats, parce qu’alors l’administration des pauvres se trouve pour ainsi dire enfermée dans un certain cercle de personnes ; et c’est ce qu’il est prudent d’éviter.

L’amendement soumis par M. Dubus ne serait pas sans inconvénients, parce qu’il mettrait en présence le collège échevinal et l’administration de bienfaisance, position extrêmement désagréable.

Le meilleur moyen à proposer, ce serait, selon moi, de demander une liste de cinq candidats à l’administration des établissements de bienfaisance. Sous le gouvernement français, le préfet présentait cinq candidats, et le ministre nommait. J’ai été présenté de cette manière.

M. Dubus. - Je crois que les inconvénients, par lesquels l’honorable préopinant a voulu repousser le sous-amendement, ne sont pas réels. Il pense que les personnes qui seraient nommées membres des administrations de bienfaisance, n’accepteraient pas, parce qu’elles n’auraient pas été portées sur la liste des candidats de ces mêmes administrations ; l’expérience est contraire à cette opinion.

Dans la ville où j’habite, des nominations successives ont été faites parmi les candidats présentés par le collège de la régence ; les personnes nommées ont accepté ces fonctions et les exercent.

M. Lebeau. - Je crois que dans la pratique, lorsque deux corps auront des présentations de candidats à faire, il arrivera que les mêmes noms seront toujours présentés ; et je crois aussi que cette faculté de présenter les mêmes noms peut amener de graves inconvénients. Il serait difficile à un collège de bourgmestre et d’échevins d’éliminer de la liste les hommes présentés par le bureau de bienfaisance ; ce serait d’abord se mettre en dissidence avec le bureau de bienfaisance ; ce serait ensuite se faire de véritables ennemis des deux personnes éliminées, puisque, par l’élimination, le collège des bourgmestre et échevins déclarerait implicitement qu’il n’accorde pas toute sa confiance à ces candidats.

Cette déclaration peut amener des dissentiments fâcheux dans une petite commune. D’après ces observations, je crois qu’il conviendrait de dire dans le sous-amendement ; « Le conseil des bourgmestre et échevins est obligé d’ajouter deux noms à la liste... »

Si le collège veut donner la préférence aux candidats du bureau de bienfaisance, il le fera ; et s’il ne veut pas leur donner la préférence, il présentera d’autres noms et ne fera qu’obéir à la loi.

M. de Behr. - Le cercle serait plus grand avec 5 candidats, comme le propose l’honorable M. Legrelle ; mais il n’en est pas moins vrai que si, dans l’administration des bureaux de bienfaisance, il se trouve des hommes dominés par certaines opinions, ils ne présenteront que des hommes qui partagent les mêmes opinions, ce qui pourra être fort préjudiciable aux établissements.

- Le sous-amendement de M. Dubus : « Les candidats portes sur une liste peuvent être également portés sur l’autre, » est mis aux voix et adopté.

La disposition relative aux listes de candidats présentées par le bureau de bienfaisance et par la régence est adoptée.

M. le président. - Nous allons passer à l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Par les qualités que vous exigez, dans le projet de la section centrale, pour être membre des administrations des hospices, il faudra que l’on soit électeur pour faire partie de ces administrations ; cependant, il n’est pas nécessaire que l’on ait cette qualité pour régir le bien des pauvres. Aussi, l’année dernière, la chambre avait voté une disposition semblable à celle que je présente.

Je n’ai pas exclu de l’administration des hospices les commissaires de district, parce qu’ils n’ont pas le contrôle de l’administration des hospices qui sont dans les villes où ils résident.

M. Dubus. - Mais je ne suis pas certain que les chefs-lieux d’arrondissement aient moins de 5,000 habitants.

M. Gendebien. - Je ne puis pas concevoir en effet pourquoi on exigerait un cens d’éligibilité pour être membre d’un bureau de bienfaisance. Il serait injuste de déclarer que de vieux officiers en retraite sont incapables de remplir des fonctions administratives de cette nature ; il ne serait pas moins injuste de faire la même déclaration contre une infinité de fils de famille qui ne paient pas de contributions.

- L’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur, mis aux voix, est adopté.

M. Jullien demande la suppression du dernier alinéa du paragraphe ; il est ainsi conçu :

« Il n’est pas dérogé, par les dispositions qui précèdent, aux actes de fondations qui établissent des administrateurs spéciaux. »

M. Desmet croit qu’il y a une lacune dans la loi, parce qu’on n’y parle ni des présidents ni des receveurs des administrations de bienfaisance.

M. Dumortier, rapporteur. - Il me semble que ce seront les bureaux de bienfaisance qui nommeront leurs présidents.

M. Desmet. - Ne croyez pas que l’on puisse suivre l’ancienne législation ; elle a été changée par de simples arrêtés hollandais.

M. Legrelle. - Mais un arrêté hollandais n’a pas pu abroger une loi.

M. Lebeau. - Cette discussion est prématurée ; c’est dans les attributions du bourgmestre qu’il faudra discuter cette question.

M. Jullien. - Il est cinq heures.

M. Dubus. - Je demande l’impression des amendements.

- La séance est levée à cinq heures.