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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 17 décembre 1835

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835 et Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1836)

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen fait l’appel nominal à midi et demi.

M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

M. Verdussen fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des gardes civiques de Bruxelles demandent l’organisation de la garde civique en trois bans. »


« Les distillateurs de Hasselt réclament contre la disposition proposée dans le budget des voies et moyens, concernant les distilleries. »


- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.

Projet de loi relatif à la péréquation cadastrale

Discussion des articles

Article 3

M. Demonceau. - Messieurs, lorsque, dans une séance précédente, j’ai spontanément et sans beaucoup de réflexion proposé l’amendement que tous vous avez pu examiner maintenant, j’ai cédé à une conviction profonde, et je me flatte que la chambre sera assez juste envers moi pour croire qu’il n’est point entré dans ma pensée de prolonger une discussion déjà trop longue ; ma conscience me disait et me dit encore aujourd’hui que nous devions réserver le droit de revoir des opérations justement réprouvées, quoi qu’en disent ceux qui les défendent si chaudement, et par la grande majorité de cette assemblée et par celle du pays.

Je me suis dit et je me dis encore : Une mesure provisoire ne préjuge rien sur la légalité et les irrégularités des opérations du cadastre ; l’équité nous commande de les prendre provisoirement pour base de la répartition future jusqu’après révision ; mais il ne faut pas que cette révision se fasse attendre, il ne faut pas que ce provisoire devienne en quelque sorte définitif, et il le serait, pensez-y bien, je vous en conjure, il le serait si, adoptant la loi telle qu’elle vous est présentée, même avec l’adoption des mots « provisoirement et jusqu’à révision des opérations cadastrales, » vous ne dites pas quand et comment cette révision s’opérera.

Réfléchissez aux paroles de l’honorable M. d’Huart, qui, avec la franchise que j’aime à lui reconnaître, vous a dit sans doute la pensée du gouvernement lorsqu’il a répondu à notre honorable collègue M. Dubus. Ce dernier croyait ce que tous, je pense, nous avons cru comme lui, lorsque nous reportons nos souvenirs plus loin que hier, c’est-à-dire, à ce que le même ministre a dit relativement aux amendements de l’honorable M. Gendebien. M. le ministre voulait-il alors du provisoire tel, qu’il fût d’après lui définitif ? Je ne le pense pas. Voici, d’après le Moniteur (n°350), ce que disait M. le ministre :

« Lorsque M. Gendebien a fait dès le début de la discussion une proposition tendant à accorder une mesure provisoire, je l’ai combattue, parce que, ai-je dit, il était convenable d’entendre quelques discours, afin de voir si par les débats on ne parviendrait pas à se former une opinion assez consciencieuse assez fondée pour adopter définitivement les opérations cadastrales.

« Je pense que depuis huit jours que la discussion dure, l’on a entendu toutes les objections que l’on peut faire de part et d’autre, et que l’on peut maintenant aborder la proposition faite par M. Gendebien, à savoir : la mesure que l’on prendra sera-t-elle définitive ou provisoire ? Je crois que, quelque longues que pourraient être les discussions ultérieures, elles ne changeraient pas vos convictions ; on présentera des réflexions sur les faits généraux, ou des réflexions sur les faits particuliers, elle répondrait aux unes et aux autres ; et de cette manière nous emploierons encore beaucoup de séances. »

Et ailleurs (n°351) du Moniteur : « L’honorable M. Dubus a semblé croire que j’avais déclare consentir au provisoire jusqu’à révision, en ce sens qu’il y aurait des griefs à examiner en ce qui concerne le cadastre : ce sont les expressions mêmes de M. Dubus, j’en ai tenu note. Messieurs, je suis loin d’avoir dit cela, car plus nous avançons dans la discussion, plus j’ai dû en étudier les détails, et plus je me suis convaincu que les opérations cadastrales en masse, et même dans tous leurs détails, sont exactes et régulières. Si la discussion sur ces détails avait continué, j’aurais pu faire voir que beaucoup de faits erronés ont été présentés dans la dernière séance. Ainsi je n’ai pas pu dire, et j’ai encore moins pu penser, que s’il y avait lieu d’adopter la péréquation générale provisoirement, c’était parce qu’il y avait des griefs à examiner. Mais je prévois qu’une mesure provisoire conciliera toutes les opinions dans la chambre, puisque MM. les députés des Flandres eux-mêmes sont prêts à y donner leur assentiment. »

Quelle a été la pensée dominante dans cette grave discussion ? La voici, selon moi : ceux qui, partageant la conviction que les opérations cadastrales sont illégalement et irrégulièrement achevées, du moins pour ce qui concerne le classement et l’estimation des propriétés (et quoique je ne me sois pas expliqué sur ce point, je partage cette opinion), ceux-là vous disent : Nous reconnaissons que le cadastre constate une inégalité frappante entre les diverses provinces du royaume ; mais, d’accord avec vous sur l’irrégularité des opérations qui servent de base au calcul qui est soumis à notre examen, d’accord également avec vous que dans ce moment il ne vous est pas possible de détruire cette base, nous l’acceptons, mais à une condition, et la voici : C’est que les opérations cadastrales ne soient point considérées comme définitives et qu’il soit loisible de les revoir.

Ici nous suivons la même ligne de conduite que nos honorables collègues députés des Flandres. Voyez ce que vous disait l’honorable M. Jullien ; vous nous demandez du provisoire ; nous vous l’accordons, mais à la condition de voir donner à ce provisoire un caractère certain pour quelque temps, c’est-à-dire jusqu’à une révision qui fasse voir le vice des opérations cadastrales. « Je partage l’opinion que l’exagération des estimations a eu lieu dans un but fiscal, c’est-à-dire pour favoriser une surcharge de l’impôt foncier ou pour présenter l’impôt actuel comme un rapport extrêmement favorable avec le revenu. »

M. Liedts, que vous a-t-il dit ? le voici :

« Autant je suis pénétré de l’impossibilité pour la chambre d’entrer dans la discussion des détails du cadastre, autant je sens la nécessité que dans cette révision elle veille à l’exécution des lois sus le cadastre, en instituant, comme le propose fort judicieusement l’honorable M. Fallon, une commission d’enquête. »

Voici également ce qu’a dit M. Rodenbach : « J’ai aussi l’intention d’abréger vos discussions, et dans ce dessein je veux proposer un amendement ayant pour objet de déclarer que la révision des opérations cadastrales aura lieu dans 5 années : la commission, vous le savez, propose de renvoyer cette révision à dix années ; c’est aussi du provisoire que je propose. Vous êtes tous convaincus qu’il y a injustice à faire payer à trois provinces des millions qu’elles ne doivent pas payer ; ainsi il faut leur accorder un dégrèvement ; mais tout en accordant ce dégrèvement, vous déclarerez qu’on révisera les travaux du cadastre : or, pour faire la révision d’un système, il faut que l’expérience ait montré, pendant quelques années, que son application présente des inconvénients. Cinq années sont un terme très rapproché, et je pense que la chambre votera un pareil amendement. »

Voilà certes des opinions bien uniformes ; c’est une révision des opérations du cadastre que la grande majorité de cette assemblée désire, et non une révision de la loi dont nous nous occupons, et en cela, je dois le dire en l’honneur de nos honorables collègues des Flandres et d’Anvers, ils marchent avec nous ; mais ils ne le sont aucunement avec MM. les ministres qui veulent, eux, une mesure définitive sous la forme provisoire. Car je le répète, avec une opinion telle que celle que professe l’honorable M. d’Huart, il n’y a pas d’espoir d’obtenir du pouvoir exécutif la révision des opérations cadastrales, puisqu’il proclama hautement que malgré tout ce que l’on a dit et sur l’illégalité et sur l’irrégularité de ces opérations, en ce qui concerne surtout la classification et l’estimation, « il est convaincu que les opérations cadastrales en masse, et même dans tous leurs détails, sont exactes et régulières. »

Si vous vous bornez à dire que la loi sera révisée dans un délai quelconque, sans dire que préalablement il y aura révision des opérations qui lui servent de base, opérations que tous vous reconnaissez avoir été faites, si pas illégalement, du moins irrégulièrement, vous verrez expirer le terme que vous fixerez sans qu’il vous soit possible de faire autre chose que ce que nous avons fait aujourd’hui, c’est-à-dire une nouvelle répartition provisoire ; car dans mon opinion, tant que subsistera la base, c’est-à-dire les opérations du cadastre, vous ne pourrez jamais rien faire de mieux.

J’ajoute que dès ce jour le gouvernement n’est plus sans intérêt, il est au contraire le plus intéressé à voir sanctionner les opérations cadastrales : 1° pour se débarrasser des nombreuses réclamations lui adressées et qui pourront encore lui venir ensuite pour obtenir le vote des dépenses que ces opérations ont occasionnées et que jusqu’à ce jour vous avez si peu refusées, au moins conservées d’une manière formelle.

Je termine ici mes observations, et je me flatte que la chambre ne trouvera pas mauvais que j’aie développé plus longuement ma pensée ; il n’y a ici de ma part ni amour-propre, ni intention d’être injuste envers les provinces surtaxées dans les opérations cadastrales ; mais je crains d’être dupe, et je crois de mon devoir de faire connaître mes doutes. Je veux le bien de toutes les provinces, justice égale et surtout impartiale pour toutes. Si je suis dans l’erreur, j’espère que mes honorables collègues voudront bien m’éclairer.

Si mon amendement ne rend pas toute ma pensée, je me flatte encore qu’ils voudront bien tâcher de la saisir et de l’exprimer plus clairement que je ne l’ai fait, car je le répète, je ne veux pas être opposant quand même, et surtout je suis loin de me croire infaillible. Je vous avouerai même que je ne me proposais pas de parler dans cette discussion, parce que j’espérais voir adopter l’amendement de l’honorable M. Gendebien, ou quelque autre ayant à peu près la même portée.

Afin de mettre la chambre mieux à même de se prononcer sur mon amendement, voici comment j’en ai modifié la rédaction :

« Les opérations cadastrales seront révisées dans le terme de trois années.

« Dans un délai ultérieur de deux années, il sera définitivement statué par le pouvoir législatif sur la répartition de l’impôt foncier entre les provinces.

« Ce dernier délai expiré, la présente loi cessera d’avoir force obligatoire. »

J’ai, comme vous le voyez, divisé mon amendement en trois paragraphes, parce qu’une partie pourra plaire à certains membres et ne pas plaire à d’autres. De cette manière, chacun pourra émettre librement son vote.

- M. Raikem cède le fauteuil à M. de Behr (vice-président).

(Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, l’honorable M. Demonceau vient de modifier l’amendement qu’il avait proposé hier, en ce sens qu’au lieu de trois ans il donne un délai de cinq ans pour la révision de la loi, car je pense que c’est après les trois années que courra le délai ultérieur de deux années mentionné au deuxième paragraphe de l’amendement ; et c’est dans cinq ans que la loi cesserait d’avoir force obligatoire si elle n’était pas renouvelée.

Je ferai maintenant observer aux honorables membres qui demandent une révision qu’avant d’imposer l’obligation dans la loi, il faut se rendre compte de ce que c’est que cette révision. Il s’agit donc de savoir si on veut une révision qui ait des résultats satisfaisants, et si une semblable révision peut être opérée dans le délai qu’on propose.

Je désirerais qu’on s’expliquât sur ce point. Est-ce une révision de cabinet, une vérification de calculs, une confrontation de pièces écrites ? Mais cela ne signifiera rien. Ce n’est donc pas une révision semblable qu’on demande. On veut une révision complète, on veut faire recommencer les opérations d’expertise du cadastre. Or, pour recommencer ces opérations et les mener à fin, ce n’est pas cinq ans, mais sept à huit ans, qu’il faudrait. Et d’ailleurs, cette révision, comment la fera-t-on ? En abandonnerez-vous le soin au pouvoir exécutif ? Lui direz-vous de recommencer d’après les bases qui existent ? Non, puisque vous vous êtes élevés contre les règlements faits en application des principes posés dans les lois institutives du cadastre.

Il faudra donc faire une nouvelle loi sur le cadastre, une loi qui détermine d’après quels principes cette révision des opérations doit avoir lieu. Force sera par conséquent d’examiner toutes les lois sur la matière, entre autres le Recueil méthodique qui a 1,144 articles, et de plus tous les règlements ultérieurs qui ont émané de l’administration. Vous aurez enfin à faire une loi de longue haleine, c’est-à-dire une loi très difficile à discuter et à voter.

Vous voyez que la révision qui demanderait à elle seule six à sept ans, doit encore être précédée de cette loi dont je viens de parler.

Sans doute les membres qui veulent à tout prix consulter les états provinciaux dans la question de péréquation générale voudront, avant d’aborder une nouvelle loi sur le cadastre, demander leur avis sur les vices que l’on prétend exister dans notre système cadastral actuel.

Avant d’imposer le pays à une dépense de deux ou trois millions, il sera bon d’éviter qu’on puisse dire après qu’on a opéré selon des règlements qui ne sont pas conformes à la loi ; il importe que la loi prescrive elle-même d’avance toutes les mesures d’exécution.

Je dis donc qu’un délai de sept à huit ans sera indispensable pour recommencer et achever les nouvelles opérations cadastrales ; outre cela, une dépense de deux à trois millions sera inévitable ; et tout cela arrivera après avoir reçu l’avis des conseils provinciaux et avoir voté une loi telle que celle que je viens de vous indiquer.

J’ai préparé un amendement qui satisfera les doutes de M. Demonceau et qui indiquera que les mots « provisoirement » et « révision, » insérés dans l’article premier, ne sont pas pour nous des mots vides de sens, et que nous désirons que ces mots aient une sanction. Je proposerai donc de rédiger l’article 3 de la manière suivante :

« Les opérations cadastrales seront révisées dans le terme de 10 ans. Une loi déterminera le mode de cette révision. »

Il me reste maintenant à faire une réponse à l’honorable M. Demonceau qui veut faire cesser la force obligatoire de la loi dans cinq ans, si elle n’est pas révisée.

Messieurs, alors même qu’on insérerait dans la loi une disposition d’après laquelle la loi cesserait d’être obligatoire dans 5 ou 10 ans, si elle n’était révisée ; quand vous arriverez à ce terme, vous serez obligés de continuer de donner vigueur à cette loi, parce que vous n’aurez rien de mieux que le cadastre que vous puissiez y substituer. Vous serez donc toujours obligés de maintenir la loi jusqu’à ce qu’il y ait eu possibilité d’avoir procédé à de nouvelles opérations cadastrales.

Pour tous ceux qui ont examiné et qui savent ce que sont les opérations cadastrales, de quels travaux immenses elles se composent, il n’y a pas de doute que le délai de dix années est aussi rapproché que possible, si l’on considère qu’une loi doit préalablement à tout déterminer le mode de révision, parce que, comme je l’ai déjà dit, si une loi ne prescrivait pas tous les moyens par lesquels la révision devrait être opérée, on s’élèverait encore contre la révision ; on dirait qu’elle a été faite contrairement aux lois institutives du cadastre, et qu’il y a encore eu des illégalités.

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835) M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, en entendant ce que vient de vous dire l’honorable ministre des finances, il paraîtrait qu’il faut dix ans pour revoir les opérations cadastrales et rectifier les erreurs qui, dans mon opinion, se trouvaient en grande quantité. Le ministre des finances est gravement dans l’erreur quand il avance ce fait. Sans doute, s’il fallait recommencer le travail du cadastre dans son entier, il faudrait dix années ; mais il n’est pas question de recommencer le travail intégralement, il s’agit de rectifier les erreurs graves qui s’y trouvent. Je ferai remarquer que sur le rapport des travaux d’art, des travaux d’arpentage, on ne peut pas le critiquer ; que sur le rapport de la classification de commune à commune il y aurait bien quelque chose à dire : mais exiger du parfait en fait de cadastre, c’est exiger l’impossible.

On pourrait donc admettre le classement des comparaisons de commune à commune. Mais ce que je ne puis pas admettre, c’est ce dont qu’on vous a dit qui avait été fait, c’est la péréquation de canton à canton. Cette péréquation n’est pas faite, ou si vous voulez, elle est faite par l’administration du cadastre qui a fait la péréquation de canton à canton comme elle a fait tout son travail, c’est-à-dire d’une manière ridicule.

J’entends le ministre des finances rire ; quand il m’en a fait un reproche tout à l’heure, je ne riais pas de ce qu’il disait, mais d’une plaisanterie de M. le ministre des relations extérieures.

Je vous ai dit que l’opération de la péréquation de canton à canton était vicieuse, je vais vous donner un échantillon de cette péréquation qu’on vous dit si bien faite, si bien achevée.

Je ne prendrai pas une péréquation de mon canton, je craindrai qu’on ne me fît parler dans l’intérêt de mon clocher, comme on a paru le reprocher à certains membres. Je dirai qu’un canton bien supérieur au second auquel je le comparerai…. je dois dire avant, que c’est dans les archives du cadastre chez le ministre des finances que j’ai puisé ce document ; je dirai que dans une commune d’un canton les terres de première classe sont cotées 54 fr., et que dans une autre commune des terres inférieures en qualité sont cotées 70 fr. Remarquez cela, messieurs, dans une même province coter les terres de première classe d’une commune à 54, et celles d’une commune d’un canton inferieur à 70 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans quelles communes avez-vous trouvé cela ?

M. Eloy de Burdinne. - Consultez vos agents cadastraux et vos archives. (Interruption prolongée.)

Lorsque quelqu’un combat les arguments présentés par une certaine opinion, il semble qu’on veut le détourner de son objet, on veut en un mot le mettre dans le cas de ne pas continuer. C’est indigne ! (Exclamations.) Oui messieurs, c’est indigne ! On doit écouter tout orateur qui a la parole. On ne doit pas le détourner de son objet.

M. le président. - La parole est continuée à M. Eloy de Burdinne. J’invite messieurs les membres à ne pas l’interrompre.

M. Eloy de Burdinne. - Je dirai que dans la commune de Bertré, puisqu’on me force à la nommer, canton de Landen, ce serait la première commune du canton d’Avesnes, je dirai que la première classe de terre est fixée à 54 fr. revenu net imposable, et que dans la commune de Contoin, canton Héron, le prix est de 61 fr. Dans la commune de Petit-Hallé, canton de Landen, a fixé à 54 fr. les terres de première classe.

Dans le canton de Héron, il s’en faut de beaucoup que les terres soient aussi bonnes ; dans ce canton, on a demandé 10 p. c. de réduction ; dans la commune de Seille la première classe de terre est fixée à 70 fr.

Voilà un moyen de se prononcer sur le rapport de l’appréciation des arguments qu’on a fait valoir pour prouver que la péréquation de canton à canton est faite et bien faite.

Mais le ministre des finances cherche par tous les moyens possibles à vous convaincre que vous allez dépenser trois ou quatre millions pour recommencer le cadastre. Sans doute, s’il fallait recommencer le cadastre comme si on n’avait rien fait, je serais de son avis ; mais je vous ai dit que toutes les opérations d’arpentage pouvaient être admises. Tout ce qu’il y a faire, c’est de rectifier le tableau n°5. Il suffit de nommer une commission, pour prononcer. Après avoir déterminé la péréquation de canton à canton, l’opération sera très simple. Je suis persuadé qu’en moins d’un an le travail serait fait, non pas certainement parfaitement, mais qui s’approcherait de la vérité, tandis que ce qu’on nous donne ici est un mensonge, oui, messieurs, un mensonge, et si je voulais rentrer dans la discussion, je prouverais à l’évidence que le cadastre est un mensonge.

J’espère qu’on ne me refusera pas la communication des pièces. M. le ministre nous a promis qu’on nous permettra de fouiller dans les archives ; pour le peu que j’y ai fouillé déjà, j’ai trouvé des choses qui surprendraient toute la chambre. Si les dossiers étaient ici, je vous montrerais les irrégularités qui s’y trouvent, et dans la manière d’agir qui ont été faites par distraction, mais cette distraction n’a pas diminué le chiffre du revenu imposable, elle l’a au contraire augmenté.

Je puis assurer qu’à quelqu’un qui connaît ce que c’est que le cadastre, je pourrais mettre le doigt sur les erreurs qu’il y a dans mon opinion. Si M. le ministre des finances détruit mes arguments comme la première fois, je demanderai la parole pour rectifier les faits.

(Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas entendu parler de la levée des plans, mais seulement de la partie des expertises. Ainsi, je suis d’accord avec M. Eloy de Burdinne sur ce qui concerne les plans parcellaires ; ils sont de la dernière exactitude ceux-là, et comme leur exactitude doit se constater mathématiquement, elle échappe à toute critique.

L’honorable membre vous a parlé du ridicule de la péréquation cantonale. Je vous avoue que je ne comprends pas le ridicule qu’il peut y avoir dans une telle mesure. Il suffit de savoir ce que c’est qu’une péréquation pour s’assurer qu’il ne peut pas y avoir de ridicule dans une opération de cette nature. En effet, en quoi consiste une péréquation ? à appliquer au revenu imposable connu une quotité de l’impôt foncier, à faire payer aux propriétaires une part égale du revenu foncier d’après les opérations du cadastre. C’est un calcul fort simple qui ne peut être établi que d’une seule manière.

Pour vous prouver que les opérations cadastrales peuvent se refaire en une année, M. Eloy vous a dit : « Il suffit de modifier le classement ; » mais, messieurs, le classement renferme toutes les opérations cadastrales, car avant le classement il faut revoir la classification et commencer d’abord par déterminer le nombre de classes à adopter dans chaque localité. Dans telle commune il faudra faire six classes de terres labourables, cinq classes de prés et trois classes de bois ; cette première opération faite, il sera nécessaire de se rendre sur le terrain et de voir dans quelle classe devront être rangés telle terre, tel pré, tel bois.

Ainsi il faut retourner sur le terrain et tout recommencer sur de nouveaux frais. Voilà la classification et le classement.

Après le classement, il sera indispensable de refaire le travail des évaluations, puisqu’on s’est élevé contre la ventilation des baux ; il faudra donc réunir les assemblées cantonales pour leur soumettre les évaluations et après les assemblées cantonales, s’il y a désaccord, et il est impossible qu’il n’y ait pas quelques observations, il faudra aller devant l’assemblée provinciale, le gouverneur ou la députation, n’importe, suivant le mode que vous adopterez dans la loi de révision. Impossible d’échapper à tout cela, du moment où l’on touchera au classement.

L’honorable préopinant a cité différentes communes dont les évaluations sont, dit-il, plus élevées que dans d’autres cantons, où le terrain est de meilleure qualité. L’orateur est rentre ici dans le fond de la première discussion. Je ne le suivrai pas fort avant dans cette voie ; seulement je lui ferai une observation à cet égard. Dans telle commune, vous a-t-il dit, les terres de première classe sont évaluées à 64 fr., et dans telle autre, le revenu des terres d’une qualité inférieure est évalué à 61 fr. l’hectare.

Une simple considération suffit pour justifier cette différence, c’est que là où les terres de première classe sont évaluées à 61 fr., il peut y avoir quelques bonniers de très bonne terre et le reste être de très médiocre qualité, tandis que dans l’autre commune les terres valent mieux en masse, sans que pour cela il y en ait d’aussi bonnes que les quelques bonniers de la première commune. Voilà comment une simple considération justifie des inégalités qui d’abord paraissent choquantes, parce qu’en effet il ne suffit pas de dire que, dans le canton de Héron, ce sont en masse les terres les moins productives de la Hesbaye, pour que la première classe des terres y soit évaluée plus bas qu’ailleurs ; il faut voir ce qu’il y a de bonnes et de mauvaises terres comparées partiellement et par classe, avec les terres d’autres cantons.

Je pourrais donner plusieurs autres considérations pour montrer qu’on ne peut tirer de ces différences dans les évaluations aucun argument contre les opérations du cadastre.

L’honorable membre vous a parlé ensuite de la visite qu’il a faite au ministère des finances, pour consulter les archives du cadastre : je vous avoue que la manière dont il en parle n’est pas très encourageante ; cependant des employés du cadastre continueront à être chargés de lui communiquer, s’il le demande, toutes les pièces qu’il réclamera, si toutefois elles se trouvent en ma possession.

Je ne m’occuperai pas et je n’entretiendrai pas la chambre de ce que je sais de l’entrevue que l’honorable membre a déjà eue avec les employés du cadastre, cela est insignifiant pour la question qui nous occupe.

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835) M. le président. - La parole est à M. Jullien.

M. Eloy de Burdinne. - Mais je l’ai demandée.

M. le président. - Vous êtes inscrit après.

M. Jullien. - Pour qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions, je commence par déclarer que, dans mon opinion, les provinces dégrevées n’ont qu’à gagner à la révision. Et, en effet, ceux qui ont pris tant soit peu une connaissance dans ces provinces un peu approfondie des opérations cadastrales, ont la persuasion que le dégrèvement qui leur est dû n’a pas encore atteint son chiffre. Dans cet état de choses, vous devez bien penser que, quant à moi et à ceux qui ont la même opinion, nous croyons que plus la révision sera prompte et plus elle nous sera profitable : si elle se faisait dans un, dans deux ans, les avantages qui en résulteraient pour nous seraient des plus considérables, car, au lieu de jouir d’un dégrèvement complet en trois ans, nous en jouirions de suite.

Il me semble, messieurs, que le ministre des finances a placé la question sur son véritable terrain. On parle des deux côtés de révision ; mais qu’est-ce que c’est que la révision ? Il ne s’agit pas sans doute de recommencer les opérations cadastrales, travail qui a duré 36 ans ; alors il faut dire comment elle sera faite.

S’il faut seulement vérifier quelques pièces du cadastre, quelques calculs, cela peut se faire en un ou deux ans ; mais qu’est-ce que cela signifiera ? Rien. Voudrait-on procéder à une nouvelle expertise ? Alors il faudrait un temps et des frais considérables. De quelle manière fera-t-on la révision ? sera la question principale qui se présentera à ceux qui porteront la loi nouvelle que l’on demande. Il faudra qu’ils décident encore à qui on l’on confiera le jugement des difficultés qui s’élèveront relativement aux évaluations cadastrales. Tous les bons esprits, M. C. Perrier, et tous ceux qui ont parlé, dans une autre assemblée législative, sur le cadastre, ont dit qu’on ne pouvait confier ces opérations à des assemblées délibérantes, encore moins à des administrations provinciales.

On ne peut donc parler ici de révision sans savoir qui l’exécutera, à moins de faire une œuvre ridicule par précipitation.

L’honorable M. Demonceau demande que la loi actuelle cesse son effet à un terme donné ; mais nous faisons la loi de répartition de l’impôt ; est-ce à dire que la répartition cessera, ou est-ce à dire que l’impôt ne sera perçu que pendant cinq ans ? Si c’est dans ce dernier sens qu’est conçu l’amendement, il trouvera beaucoup de monde de son avis... (On rit.)

Vous avez entendu M. Eloy de Burdinne. Selon cet honorable membre, la révision est facile ; et après cette assertion il vous a dit qu’il attendrait qu’on eût réfuté ses arguments ; mais avant de réfuter des arguments, il faudrait qu’il y eût des arguments présentés ; je n’ai entendu articuler autre chose, par le député de Waremme, que des assertions. Ce que j’ai entendu comme argument, c’est quand il a assuré que pour réviser les opérations cadastrales, il faudrait redresser des erreurs graves. Mais pour redresser des erreurs graves, il faut les reconnaître, pour les reconnaître, il faut refaire, en quelque sorte, le cadastre. Vous voyez que nous ne sommes pas très avancés par tout ce que l’on propose. (On rit.)

Le terme de dix ans que propose le gouvernement me paraît devoir être accepté. Quand on a dit que la révision se fera dans dix ans, cela ne veut pas dire que l’on attendra la dixième année pour commencer ce travail ; cela veut dire qu’on le commencera dès demain si cela est possible.

Quand on ne vous parlerait même pas de révision, la péréquation cadastrale qui est aujourd’hui l’objet de vos discussions n’en serait pas moins essentiellement temporaire. Aussi longtemps qu’il existera des variations dans les méthodes de culture, il y aura des différences dans la valeur des terres. Quand la Belgique sera sillonnée par des chemins de fer et par une multitude de moyens de communication, la facilité des transports perfectionnera les moyens de culture et augmentera les prix des produits de la terre ; et la révision du cadastre sera indispensable pour rétablir un équilibre rompu. Il est dans la nature des choses que cette révision soit faite mais elle doit être une œuvre réfléchie ; elle ne doit pas être précipitée, elle doit résulter d’une loi présentée par le gouvernement ; et si le gouvernement ne la présentait pas aussi promptement que vous pourriez le désirer, vous êtes là pour faire entendre vos réclamations. L’initiative vous appartient aussi, et vous proposeriez la révision.

Quant à moi je me rallie de conviction à l’amendement présenté par le ministre des finances.

M. Trentesaux. - J’ai demandé la parole, lorsque j’ai entendu dire au ministre des finances que le cadastre ne consistait que dans le classement, et que le classement ne dépendait que de la classification. S’il en est ainsi, et que je lui démontre que la classification est fautive et vicieuse, je lui aurais démontré qu’il faut réviser le cadastre, non dans un temps plus ou moins éloigné, mais actuellement.

Pour établir ma preuve, je citerai un seul exemple. Je prendrai les prés au-delà de l’Escaut, à Audenaerde, parce que cet exemple sera connu de MM. les députés de ces contrées, et surtout par M. le rapporteur.

Ces prés, situés le long de l’Escaut, varient de valeur depuis 20 fr. jusqu’à 250 fr. l’hectare. Cette variation n’a pas lieu par degrés de 70 en 70 fr, mais par degrés de 1 fr. à 1 fr.

Ainsi de 20 fr. à 250 fr. il aurait fallu établir 225 classes pour être dans le vrai ; or, qu’a-t-on fait ? Si dans les communes rurales on n’a accordé que trois classes pour les terres labourables, on n’a accordé que quatre classes pour les près. Quatre classes de 20 fr. à 250 fr. ! Quand on en aurait accordé cinq, le but aurait-il été atteint ? Vous pouvez juger par là quelle lésion il en résulte pour les propriétaires. Voilà le travail que l’on nous vante.

Quand les paysans ont vu faire ce travail, qu’est-ce qu’ils ont dit ? On voit bien que ce sont des gens de la ville qui font cela ! Que connaissaient les gens de la ville pour procéder aux évaluations ? le Recueil méthodique.

Dans la grande opération cadastrale la partie scientifique appartient au gouvernement et elle est bien faite ; mais quant aux évaluations le recueil méthodique ne pouvait conduire à rien de bon.

Les mêmes moyens de procéder ayant été appliqués aux autres provinces, vous pouvez connaître par là l’exactitude des résultats de ce cadastre tant vanté !

J’ai fait ces réflexions pour montrer si les faits sont d’accord avec les principes, quand nous demandons la révision.

Les députés d’Audenaerde savent aussi bien que moi ce qui en est relativement aux prés le long de l’Escaut. Leur valeur dépend du séjour des eaux et de beaucoup d’autres causes. Je crois donc avoir par là démontré la nécessité d’une révision, dès à présent, des opérations cadastrales.

Je ne sais pas ce qu’on peut répondre à cela.

M. Eloy de Burdinne. - Lorsque j’ai dit que le classement quoique mal fait, pouvait être admis dans quelques localités je n’entendais parler que des localités que je connais. M. Trentesaux vient de dire qu’il se trouve de grandes inégalités dans d’autres contrées ; alors, partageant son avis, je soutiendrai que si des inégalités résultent du classement, il faut rectifier ces erreurs.

Le ministre a déclaré que sous le rapport de l’art il partageait mon opinion à l’égard des opérations cadastrales ; mais il a déclaré qu’il ne partageait plus mon opinion relativement aux classements. Cependant, messieurs, qu’ai-je dit ? J’ai dit que le travail géométrique pouvait être conservé, mais que la péréquation de canton à canton était erronée, et que pour redresser ces erreurs, il suffirait de réviser le tableau n°5 bis. D’après cela vous voyez que M. Jullien et que M. le ministre des finances se sont longuement et inutilement étendus sur des choses que je n’avais pas dites, et qu’ils ne se sont pas donné la peine de me comprendre. (On rit.)

Je dois donner des explications sur la comparaison que j’ai faite entre quelques cantons. Je dois faire observer que les chiffres que j’ai cités sont des chiffres extraits du travail exécuté avant la ventilation des baux.

Je sais que cette ventilation a opéré quelques modifications ; mais ces modifications ne changeront pas les rapports résultant de la comparaison des chiffres que j’ai produits.

Le ministre a dit que le cadastre avait pour but de faire payer à chacun selon le revenu de ses propriétés ; cependant il arrivera d’après ce cadastre qu’un propriétaire paiera dans un canton d’après le revenu de 70, tandis que dans le canton voisin un autre propriétaire paiera à raison de 56, quoique dans le vrai ils dussent payer également. Je vous demanderai si un propriétaire d’un canton doit être imposé plus que celui d’un autre canton ? Si tous ne méritent pas le même intérêt ? La justice qu’on prétend résulter du cadastre n’est qu’une injustice.

Le ministre des finances s’est fort étendu relativement aux classes.

Il a dit que dans les évaluations cadastrales il fallait considérer les masses, et combien il se trouvait de terres de première classe dans chaque canton : mais peu m’importe la quantité de bonniers rapportés à la première classe ; cette manière de procéder ne mène à rien d’exact. Il me suffit de comparer les terres de première classe d’un canton aux terres de première classe d’un autre canton, pour que je m’aperçoive qu’elles n’ont pas même prix, et que par conséquent l’évaluation est mal faite.

Il résulte des inégalités de canton à canton, que si vous voulez parvenir à une opération fondée en équité, vous devez d’abord commencer à faire faire la péréquation de canton à canton, dans chaque province, par une commission qui entendrait les réclamations des conseils cantonaux, et qui ne procéderait pas, comme on a fait, à huis-clos.

La péréquation de province à province se ferait aussi par une commission, et cette péréquation serait approuvée par les chambres.

Il me reste un compliment à faire à M. le ministre des finances sur la manière dont il a traité la question cadastrale ; si c’était un employé du cadastre qui la traitât il ne ferait pas mieux. J’ai eu des discussions avec MM. les employés du cadastre, je croyais être encore en leur présence en écoutant le ministre ; il me semblait en effet entendre parler une bouche cadastrale. (On rit.)

(Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne veux pas m’occuper du compliment, accompagné d’un petit sarcasme, par lequel l’honorable membre vient de terminer son oraison ; la discussion s’est suffisamment égarée, et je ne veux pas contribuer à l’égarer davantage.

Vous remarquerez que les chiffres cités par M. Eloy de Burdinne se rapportent à l’opération de 1826 ; il vient d’en convenir et de dire que les ventilations des baux ont pu amener des changements dans les résultats de l’opération première ; il se peut donc que les plaintes de l’honorable membre n’aient plus le moindre fondement.

Quant aux prés cités par M. Trentesaux, il a sans doute perdu de vue que ces sortes de terrains se divisent en pâturages, en bas prés, en prairies artificielles, en herbages, etc., et que par suite le nombre de classes est bien plus grand qu’il ne le pense.

Au surplus que résulterait-il des observations de M. Trentesaux ? C’est qu’il faudrait faire 40 ou 50 classes de prés ; ce qui est évidemment impossible.

On semble effrayé de ce que l’on n’a pas divisé et subdivisé à l’infini les propriétés en classes différentes, mais a-t-on réfléchi qu’il ne peut résulter que de bien faibles dommages pour les propriétaires, d’une moins grande division de classes ? Quelle différence en effet peut-il y avoir relativement à la péréquation cadastrale, de ce qu’un pré évalué à 50 fr. n’aurait dû l’être qu’à 45 fr. ? Quelques centimes d’impôt de plus et voilà tout.

Le cadastre, pour être une opération praticable, doit se borner à établir des moyennes. Si on ne procédait pas ainsi, l’opération irait à l’infini. En prenant des moyennes, les différences qui en résultent pour la masse se compensent et se réduisent à très peu de chose ; là un propriétaire paie quelques centimes de plus, ici il paiera quelques centimes de moins.

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835) M. Raikem. - Je me propose de vous soumettre quelques observations sur la disposition en discussion, et je me renfermerai dans l’examen de l’article proposé par la section centrale et des divers amendements déposés sur le bureau.

Vous savez que la section centrale avait proposé la révision de la loi dans le terme de dix années ; qu’un autre amendement proposait d’abréger ce terme de moitié, et que les amendements présentés depuis ont pris une autre forme, parce qu’on a vu que la forme première qu’on leur avait donnée ne conduisait à aucune fin. Quoi qu’il en soit, avant de m’occuper de la question, je crois devoir dire un mot sur une observation qui a été faite par l’honorable député de Bruges, laquelle se rattache à la question.

Les Flandres, nous a t-il dit, ont un grand intérêt à la révision et nous sommes convaincus que cette révision, loin de surcharger les Flandres, leur procurerait un nouveau dégrèvement ; tel est le langage qu’il a tenu, et je suis persuadé que MM. les députés des Flandres parlent en effet de conviction ; mais, s’il en est ainsi, pourquoi ne pas adopter l’amendement proposé par un de nos honorables collègues ?

Cependant, après nous avoir dit que ce ne seront pas les provinces dont les députés ont proposé l’amendement qui gagneront à la mesure, aussitôt on nous a fait une objection : si nous ne demandons pas la révision, s’est-on écrié, c’est parce que le travail en serait trop long, trop difficile ; car sans cette grande difficulté nous serions les premiers à réclamer la révision ! Voilà ce qu’a dit l’honorable orateur, du moins à ce qu’il me semble en consultant mes souvenirs.

Je reviendrai tout à l’heure sur la facilité ou la difficulté de la révision cadastrale ; en ce moment j’examinerai quelques assertions de M. le ministre des finances.

Cependant, messieurs, avant d’en venir à une discussion sur ce point, je crois devoir rappeler un principe de législation que personne ne méconnaîtra, je l’espère, c’est qu’il n’y a rien de plus imparfait qu’une loi sans sanction. Ainsi remarquez comment était rédigé l’amendement de l’honorable M. Gendebien. Il proposait d’abord d’adopter dans l’article premier le mot « provisoirement. » Mais cet honorable membre avait lui-même senti que cela ne suffirait pas, qu’il fallait une sanction à cette disposition qu’il qualifiait de provisoire ; et cette sanction, il la trouvait dans un amendement qui réservait à la législature de statuer sur le dernier tiers de la répartition.

Cet honorable membre a expliqué lui-même son amendement. L’on a parlé de ce qu’il avait pour ainsi dire provoqué l’avis des conseils provinciaux.

Il a répondu à ce reproche : Je n’entends pas appeler les conseils provinciaux à juger la chose. Qu’on n’appelle pas leur intervention. Le fond de ma pensée subsiste. Si mes souvenirs sont fidèles, cet honorable membre a déclaré que peu lui importait la rédaction de l’amendement pourvu que le fond de sa proposition fût admis. Et le fond de sa proposition était de réserver de statuer ultérieurement sur le dernier tiers de la répartition.

La loi, telle que l’honorable M. Gendebien proposait de la modifier, avait une sanction. Mais voyons ce que nous ont proposé et l’honorable rapporteur de section centrale qui a fort bien soutenu le projet de cette section et M. le ministre des finances qui a également bien défendu le projet du gouvernement.

Ils ont proposé d’ajouter dans l’article premier la disposition suivante en forme d’amendement : « Provisoirement et jusqu’à la révision des opérations cadastrales. »

Lorsque l’on a voté sur l’article premier, on a demandé la division de cet amendement ; et l’on a d’abord mis aux voix la première partie. On a même demandé l’appel nominal sur cette expression ; et à l’unanimité des 71 membres qui y ont répondu, le mot « provisoirement » a été adopté et inséré dans la loi. Sur les expressions suivantes : « jusqu’à la révision des opérations cadastrales, » l’on a vote par assis et levé, mais personne si je me le rappelle bien ne s’est levé contre cette seconde partie de l’amendement ; c’est donc une seconde disposition également adoptée à l’unanimité.

Eh bien, ces dispositions insérées dans l’article premier, qui s’y trouvent en vertu d’un vote unanime, doivent signifier quelque chose, conduire à quelque résultat. Autrement, pourquoi cet appel nominal ? Pourquoi la chambre aurait-elle voté ces expressions, si elles étaient inutiles, si la loi devait rester telle qu’elle a été primitivement proposée, nonobstant cette addition qui ne serait plus qu’une superfétation ?

Or, si vous n’adoptez pas soit l’amendement de l’honorable M. Pollénus, soit celui de l’honorable M. Demonceau, vous aurez adopté une disposition longuement discutée et votée par appel nominal et qui en définitive n’aura aucune espèce de résultat. Je crois, messieurs, qu’il est très facile de le démontrer.

D’abord, lorsque l’amendement inséré dans l’article premier a été proposé par M. le ministre des finances et par M. le rapporteur de la section centrale, j’en tire une conséquence, c’est qu’il y a possibilité, même facilité jusqu’à un certain point, de réviser les opérations électorales. Pourquoi les honorables proposants auraient-ils inséré cette disposition : « Jusqu’à la révision des opérations cadastrales, » s’ils avaient cru cette révision impossible ? Dans ce cas, ne serait-ce pas un leurre que l’on aurait voulu jeter dans l’assemblée ? Loin de moi la pensée de leur supposer l’intention de tromper la chambre. Je soutiens au contraire qu’ils ont voulu quelque chose en présentant leurs amendements. Ils ont voulu sincèrement que les opérations cadastrales fussent révisées et que l’on vît jusqu’à quel point ces opérations étaient exactes ou ne l’étaient pas.

Vous avez admis, messieurs, dans un premier article, la révision des opérations cadastrales. Force vous est de donner un effet à ce vote de la chambre.

- Un membre. - Il y a le terme de dix ans.

M. Raikem. - Maintenant, messieurs, j’en viens à l’amendement de M. le ministre, qui, suivant ce que je viens d’entendre dire, donnerait quelque effet à la loi. Je soutiens le contraire. J’espère pouvoir le démontrer. Les opérations cadastrales, si j’ai bien compris l’amendement, seront révisées dans le terme de dix ans. C’est comme si vous ne disiez rien.

« Une loi déterminera le mode de cette révision. » Le pouvoir législatif peut toujours présenter une loi quand il le juge convenable, quand il le croit utile. Quand cette dernière disposition aura été insérée dans la loi, je suppose que l’on propose une loi tendant à réviser les opérations du cadastre, que cette loi déplaise à la majorité de la chambre, ou qu’elle ne soit pas votée dans le sénat, ou enfin que le pouvoir royal refuse d’y donner sa sanction. Vous ne pouvez pas forcer les trois branches du pouvoir législatif à accepter une loi dont ils ne veulent pas sans violer les pouvoirs constitutionnels qui leur sont conférés.

Mais, messieurs, je veux bien admettre cette disposition et que ce que je viens de dire ne soit qu’une supposition. Une loi déterminera le mode de cette révision. L’examen de cette loi peut traîner assez longtemps. La loi peut même ne pas être présentée. On peut ne pas procéder à la révision des opérations cadastrales. Qu’en arrivera-t-il ? La loi actuelle continuera d’être exécutoire, et par suite la condition de provisoire attachée à la loi ne signifie rien du tout. Vous n’aurez plus aucune espèce de sanction. Si la révision n’a pas lieu, si la révision promise n’est pas effectuée, la loi n’en subsistera pas moins et l’article premier aura en dernière analyse une disposition définitive.

Si l’on ne nous offre que de pareilles dispositions pour sanction à la loi, mieux vaut adopter purement et simplement le projet primitif du gouvernement et retrancher ces mots : « Provisoirement et jusqu’à la révision des opérations cadastrales. »

Le pouvoir législatif sera toujours maître de porter une loi nouvelle, et les expressions que j’ai citées seront parfaitement inutiles.

Voulez-vous attacher une sanction à cette expression ? Il faut que les opérations cadastrales seront révisées dans un tel délai. Je n’entends pas en ce moment préjuger ce délai. Mais dites qu’après tel terme la loi cessera d’être exécutoire ; alors on sera obligé de présenter une nouvelle proposition. Un honorable préopinant a fait cette objection qu’il faudra qu’il n’y ait pas de lacune dans le paiement de l’impôt. Nous savons bien que les impôts sont nécessaires et sont le nerf de l’Etat. C’est pourquoi l’on sera obligé de présenter une loi nouvelle avant l’expiration du délai. Votre loi provisoire aura ainsi une sanction.

La sanction doit toujours se trouver dans toute disposition législative ; au lieu que si vous adoptez l’amendement proposé par M. le ministre des finances, vous n’aurez aucune sanction à l’article premier. Il vaut mieux dans ce cas revenir sur l’amendement qui se trouve dans l’article. Si j’ai bien compris ce que l’on a annoncé sur la difficulté de la révision et les objections qui viennent de surgir après l’adoption de l’article premier, quand nous demandons l’accomplissement de la promesse qu’il contient, nous attendrons fort longtemps cette révision, semblables au paysan dont parle un poète latin :

« Et rusticus expectat dum defluat amnis. »

(Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Puisque la sanction que nos honorables adversaires opposent à mon amendement, c’est-à-dire la fixation d’un délai, est pour eux toute la question, je donnerai bien volontiers mon adhésion à la proposition que l’honorable préopinant voudra bien formuler dans le sens de ses observations.

Pour moi, cette disposition ne fera pas plus que celle que j’ai présentée. En effet, si vous rédigez l’amendement que j’ai déposé sur le bureau en ces termes : « La présente lui cessera d’être obligatoire dans le terme de 10 ans, » ce sera tout à fait la même chose que la rédaction que j’ai présentée. Car, de deux choses l’une, ou la révision sera faite ou elle ne le sera pas. Si elle est faite, vous l’appliquerez, que vous insériez ou que vous n’insériez pas une sanction dans la loi. Si la révision n’est pas achevée au bout du délai fixé, vous serez bien obliges de continuer l’état de choses existant, puisque vous n’aurez rien à substituer aux opérations cadastrales.

Pour moi, je ne m’opposerai donc pas à la fixation d’un délai ; je ne ferai d’objections que sur le terme du délai. Quant à celui de 3 ou 5 ans, j’ai déjà démontré qu’il ne pouvait être admis, attendu qu’une loi préalable à la révision même est nécessaire. Car si on recommençait les opérations cadastrales sur le même pied qu’aujourd’hui, l’on obtiendrait en définitive le même résultat, ou à peu de chose près, que celui que nous connaissons déjà. Cette loi ne serait donc pas votée de sitôt ; en outre, j’ai prouvé que les opérations elles-mêmes nous mèneraient à un délai bien plus long que 5 ans.

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835) M. Liedts, rapporteur. - Il y a d’abord une chose sur laquelle nous sommes tous d’accord, c’est qu’il y ait une révision. Nous la voulons aussi prompte que les honorables députés des autres provinces. Nous l’avons dit à satiété. Nous n’avons aucun intérêt à la reculer. Nous ne nous refusons en aucune manière à une révision ; mais si nous sommes d’accord sur ce point, j’espère que tout le monde sera également de cet avis qu’il faut une révision praticable, qui puisse amener un autre résultat que celui de la loi qui nous occupe, qui ne fasse pas renaître les mêmes questions que celles qui ont été agitées aussi infructueusement aujourd’hui. Recueillez-vous et demandez-vous combien de modes de révision il y a. Je veux vous faire connaître mes idées à ce sujet. Je ne demande pas mieux que l’on m’éclaire. Si l’on trouve d’autres modes de révision, je suis prêt à m’y rallier.

Je ne trouve que trois modes de réviser le cadastre. D’abord la révision du cadastre par le cadastre, en second lieu la révision du cadastre par la ventilation des baux depuis 1826 jusqu’en 1836 ; enfin la révision du cadastre d’après un mode que vous fixerez dans une loi à faire, soit que ce soit dans cette session ou dans une autre.

Examinons ces trois modes.

La révision du cadastre par le cadastre. Ce n’est pas ce que vous voulez quoique l’amendement de M. Demonceau porte à croire que ce soit cette révision qu’il demande. Après cette révision, toutes les questions qui sont agitées en ce moment se renouvelleraient. Ainsi, vous trouveriez, comme aujourd’hui, tel orateur qui dirait que tel article du Recueil méthodique a été abrogé ; que tel autre n’est plus en harmonie avec nos institutions actuelles.

D’autres viendraient prétendre que l’on a omis telle autre disposition du recueil. La révision du cadastre par le cadastre entraîne après elle le renouvellement de toutes les opérations depuis la première jusqu’à la dernière, à l’exception des levées parcellaires.

Il faudrait d’abord (car il ne suffit pas de parler de théories, il faut voir la pratique), il faudrait d’abord reconstituer l’administration du cadastre qui est maintenant disloquée, procéder à de nouvelles nominations d’agents dans tous les cantons, experts, contrôleurs et inspecteurs, renouveler l’examen de la classification de toutes les terres ; de là (car cela se lie au classement des terres), réviser les évaluations ; enfin, il faudrait entendre les propriétaires, les assemblées cantonales, et statuer sur toutes les difficultés qui surgiraient de nouveau.

Vous voyez donc que la révision du cadastre par le cadastre amènerait le renouvellement de toutes les opérations terminées ; pour arriver à quel résultat ? A reproduire les mêmes discussions qui ont eu lieu à propos de l’examen de la loi.

Maintenant si vous voulez de cette révision, pour ma part je ne m’y oppose pas. Mais je vous prie de prendre acte de ce que j’ai dit. Si vous voulez la révision du cadastre par le cadastre, nous y consentons très volontiers. Mais il faut la vouloir dans un sens raisonnable, il faut que l’opération puisse s’effectuer. Or, consultez tous les hommes versés dans cette partie de l’administration. Ils vous diront que cette révision ne pourra par ce procédé être terminée que dans un espace de dix années. Et quoique M. le ministre des finances vienne de dire que les opérations cadastrales renouvelées nous coûteraient deux millions et demi j’ai pris des renseignements auprès d’un agent supérieur du Hainaut qui a dirigé le cadastre dans cette province, et qui m’a dit que la révision du cadastre sur les mêmes bases que le premier travail coûterait 500,000 fr. par an, ce qui entraînerait une dépense de 5 millions.

Voilà, messieurs, la vérité toute pure. Si quelqu’un trouve que je me suis trompé, je le prierai de redresser mes erreurs sous ce rapport. Quoique la dépense soit énorme, si toutes les provinces y consentent, j’y donnerai également mon adhésion. Je ne désire rien tant qu’une révision. Ainsi la révision du cadastre par le cadastre ramènera dans dix années les mêmes discussions qu’aujourd’hui, et coûtera cinq millions à l’Etat.

Un autre mode, c’est la révision par la ventilation des baux. Remarquez, messieurs, que beaucoup de critiques ont porté sur ce point, que la ventilation des baux de la période de 1816 à1826 a été établie sur des données déjà trop anciennes.

Cette période est déjà trop loin de nous pour que l’on puisse connaître la véritable valeur des terres. Il faudrait consulter les baux passés depuis 1826 jusqu’à 1836. Si nous voulons borner la révision du cadastre à cette opération, il suffirait de créer dans chaque province six à huit contrôleurs avec un inspecteur qui recommenceraient la ventilation pour la période des dix dernières années. Après cette opération, l’administration nous soumettrait un tableau comparatif de la ventilation des baux de toutes les provinces avec la mention des baux enregistrés sous seing privé, et vous aurez au moins un point de comparaison pour le résultat des dix dernières années et des dix années précédentes. Voilà un deuxième mode de révision, mais j’avoue que ce serait le plus imparfait.

Vient maintenant un troisième mode qui à mon avis est le plus rationnel. Ce serait la révision qui se ferait d’après le mode qui serait fixé par une loi à faire. De cette manière vous éviteriez toutes les critiques des opérations dont la sanction est soumise à vos délibérations.

En définitive la chambre a à choisir entre ces trois modes de révision ; le dernier me paraît le plus rationnel. C’est le seul qui puisse amener promptement un résultat et satisfaire ainsi à tous les vœux de l’assemblée.

M. Gendebien. - De la manière dont la discussion s’engage, nous n’arriverons à aucun résultat. Est-ce que nous examinons en ce moment la question de savoir comment on procédera à la révision du cadastre ? Vous voulez donc improviser une loi pour fixer le mode de cette révision. Un honorable préopinant propose trois modes de révision. Il ne s’agit nullement de régler dès à présent comment la révision se fera, ni de discuter si elle est possible. Il y a à cet égard chose jugée. Vous ne pouvez revenir de l’engagement formel que vous avez pris.

Lorsque nous demandions que la loi ne statuât pas définitivement sur les opérations cadastrales, vous nous disiez, vous députés des provinces qu’elle va dégrever : Nous ne refusons pas cette révision, nous consentons à une enquête, mais nous demandons que les provinces grevées ne continuent pas à souffrir de l’inégalité de la répartition de l’impôt. Nous avons accordé tout ce qu’elles demandent, en demandant une garantie que la loi ne sera pas définitive. C’est alors que l’on a inséré une provision dans l’article premier de la loi.

Maintenant qu’il s’agit de fixer le terme de cette révision, on suscite mille obstacles. La chose est devenue impossible. S’il fallait entrer dans tous les détails des difficultés qui ont été présentées par nos adversaires et par le dernier orateur en particulier, vous ne pourriez pas en sortir ; il faudrait, avant de voter l’article 3, commencer par adopter un mode de révision. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit en ce moment, il s’agit de donner à la loi une sanction qui assure l’exécution de l’article premier, qui assigne une limite à la durée de la loi.

Comme l’a très bien dit l’honorable M. Raikem, cette expression de « provisoirement, » qui a été adoptée à l’article premier, ne serait qu’une déception si, lorsqu’il s’agit d’y donner une sanction, vous ne trouvez que difficultés, l’impossibilité d’accomplir la foi jurée.

Il faut vous occuper d’une seule chose, c’est de régler dans quel délai la révision se fera et de donner une sanction à la loi. Il ne s’agit pas de dire seulement : la loi sera révisée dans le terme d’autant d’années. Si, au bout de ce terme la révision n’a pas lieu, vous n’aurez rien obtenu.

Je ne conçois pas de loi qui ait un véritable caractère de loi sans sanction. C’est un non-sens en législation. L’honorable préopinant sait cela comme moi. Etablissons une sanction. C’est la seule chose en question. Si vous voulez suivre la discussion sur le mode de révision à établir, c’est à ne pas en sortir. Si je devais examiner les trois modes indiqués par le préopinant, je n’en finirais pas.

Maintenant qu’il s’agit d’obtenir cette sanction qui nous a été promise par l’article premier, vous créez des difficultés insurmontables, vous voyez des monstruosités qui n’existent que dans votre imagination. Ou vous voulez sérieusement une sanction, ou vous êtes obligés de convenir que vous nous avez présenté un appât pour nous arracher la loi.

Je demande que l’on maintienne la discussion sur la question de savoir dans quel terme la révision se fera. Je demande également que l’on discute de quelle manière on donnera à la loi la sanction sans laquelle elle serait incomplète. Je propose que l’on ne sorte pas de cette question et que l’on ne parle pas du mode de révision. L’on discutera ce mode après si l’on veut.

Il est sensible pour tout le monde qu’il y a impossibilité de discuter aujourd’hui une loi de révision du cadastre. Etablissez d’abord le principe. C’est un devoir pour vous.

M. Liedts, rapporteur. - Je ne voudrais pas que la chambre crût que je n’ai voulu lui offrir qu’un leurre. J’ai dit que l’amendement tel qu’il est présenté par l’honorable M. Demonceau est un non-sens ; que si l’honorable membre veut une révision du cadastre par le cadastre, comme sa proposition semble l’indiquer, dans le terme de trois années, c’est de toute impossibilité : son amendement est donc un véritable non-sens. Je n’ai pas eu l’intention d’offrir un leurre à l’assemblée.

Quant à l’amendement de l’honorable président qui fixe une limite à la proposition de M. le ministre des finances je n’ai pas dit un seul mot qui pourrait faire croire que je m’y oppose.

M. Raikem. - Je n’ai nullement proposé de rien ajouter à l’amendement de M. le ministre des finances. Je me suis borné à en faire la critique. Je ne me suis pas prononcé non plus sur l’amendement de l’honorable M. Demonceau. J’ai dit que je ne m’expliquerais pas sur le terme... Ne pas s’expliquer sur une proposition, ce n’est pas l’adopter.

M. Fallon. - L’honorable M. Raikem avait amené la discussion à la véritable question dont nous devons exclusivement nous occuper. Il ne s’agit pas de savoir s’il y aura une révision. Quelle que soit la régularité ou la légalité des opérations cadastrales, une révision est indispensable. L’arrêté-loi de 1814 porte : « aussitôt que les opérations cadastrales seront terminées en Belgique, il sera procédé à une révision générale. » Toute la question est donc de savoir dans quel terme aura lieu cette révision. Je désire qu’elle ait lieu dans le terme le plus rapproche qu’il sera possible. Mais avant tout il faut proposer une loi qui détermine le mode de la révision. Je dépose donc mon amendement ainsi conçu :

« Une loi que le gouvernement présentera à la législature et qui sera discutée en 1837 déterminera le mode de la révision. »

M. Trentesaux. - J’avais demandé la parole pendant que M. le ministre des finances me faisait l’honneur de me répondre, afin de lui répliquer. Il m’a dit que j’avais perdu de vue qu’il s’agissait non pas de prés, mais de pâturages, de marais, de pâture enfin. Je répondrai à M. le ministre des finances qu’il s’agit de prés qui se touchent une fois ou deux fois par an.

Pour cette seule nature de propriétés, la différence de la valeur est telle qu’elle varie de 25 fr. à 250 fr. Or, pour des propriétés différant autant de valeur, il n’y a que 4 classes, et entre chaque classe il n’y a guère qu’une dizaine de francs de différence. A ce compte il faudrait 22 à 23 classes, ou si vous ne voulez que 4 classes, il faudrait entre chacune d’elles 75 fr. de différence : soit la première 25 fr., la deuxième 100 fr., la troisième 175 fr. et la quatrième 250 fr.

Je suis bien aise d’avoir amené M. le ministre des finances à dire que les évaluations étaient tout le cadastre. Mais en établissant qu’il y a si peu de différence entre les évaluations des prés, alors qu’il y a tant de différence entre leurs valeurs, je ne crois pas exagérer en disant que je tue le cadastre.

(Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai dit que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau mon premier amendement tendant à la révision des opérations cadastrales dans le terme de dix ans, que je considérais une telle disposition comme ayant la même force et devant avoir les mêmes résultats qu’une disposition dans le sens de celle indiquée par l’honorable M. Raikem ou selon la dernière observation de l’honorable M. Gendebien, Dans mon opinion c’est au fonds la même chose, car si, à l’expiration du terme que vous aurez déterminé, les opérations cadastrales ne sont pas révisées, il faudra bien continuer de percevoir l’impôt d’après les bases existantes, puisqu’il n’y aura rien de mieux à y substituer.

Pour prouver que je l’entends ainsi (je l’avais fait connaître à M. Raikem, en répondant à ses observations, je l’avais d’ailleurs dit en premier lieu), je vais vous proposer d’admettre une sanction, laquelle toutefois, selon moi, sera inutile si les opérations n’ont pas été révisées. J’ajoute donc à mon amendement :

« La présente loi perdra ses effets, si elle n’a pas été révisée avant l’expiration de ce terme. »

C’est-à-dire si avant 10 ans la loi n’a pas été renouvelée ou s’il n’a pas été adopté une loi basée sur les nouveaux résultats ou du cadastre.

Maintenant je vois que quelques honorables préopinants se sont mépris sur la portée de mon amendement ; ils ont cru qu’il tendait à déterminer dès maintenant le mode de révision, tandis qu’il statue simplement qu’on ne touchera pas aux opérations à moins qu’une loi n’ait préalablement tracé les règles qui devront diriger les employés du cadastre.

Vous remarquerez, d’après les observations de l’honorable M. Trentesaux, que selon lui une modification aux lois actuelles sera nécessaire pour faire droit à des réclamations qui se sont élevées contre le nombre de classes de prés dans les localités qu’il a indiquées ; les employés du cadastre ne pouvaient à cet égard que se conformer à la loi, il faudra que la loi nouvelle stipule, si toutefois cela était reconnu utile et praticable, un plus grand nombre de classes pour les prés, que celui de trois qui est prescrit par l’article 510 du Recueil méthodique ainsi conçu :

(M. le ministre donne lecture de cet article.)

Vous voyez donc que les observations de l’honorable M. Trentesaux fortifient le deuxième point de mon amendement, tendant à prescrire l’adoption d’une loi régulatrice de la révision des opérations cadastrales.

Je dois combattre maintenant l’amendement de l’honorable M. Fallon, comme se rattachant au mien, et qui tendrait à indiquer dans la loi un terme dans lequel le gouvernement serait tenu de présenter la loi de révision des opérations.

Une telle disposition ne me paraît pas du tout rationnelle ; car, avant de proposer convenablement un mode de révision, il faudrait s’être éclairé de l’expérience, et avoir apprécié les résultats de la péréquation générale.

Je pense donc que pour avoir une bonne loi, il ne faut pas prescrire pour sa présentation et sa discussion un délai aussi court que le fait l’honorable M. Fallon.

(Moniteur belge n°352, du 18 décembre 1835) M. Jullien. - Je dois une réponse d’abord à un honorable député de Liège qui m’a adressé cet argument ad hominem : « Vous prétendez (a-t-il dit) que la révision doit être prompte, et que plus tôt elle arrive, plus on en retirera d’avantages. Pourquoi donc vous opposez-vous à ce que la révision se fasse dans un terme de 5 ans au lieu d’un terme de 10 ans ? » La réponse à cet argument est extrêmement simple, c’est que nous voulons une révision efficace, simple. Nous ne voulons pas un simulacre de révision ; nous voulons une révision possible, qui mette fin aux interminables débats qui s’agitent depuis 10 jours.

On demande quelle garantie nous avons que la révision aura lieu dans le terme que la loi déterminera. Je dis que nous aurons pour garantie l’initiative de chacun de nous, initiative en vertu de laquelle nous pourrons proposer une loi qui indique un mode de révision, dans le cas où le gouvernement ne l’aurait pas proposée.

Je dis que cette garantie est la seule que nous puissions avoir, et puisque M. le ministre des finances reconnaît lui-même que si la révision, alors même qu’elle aura été prescrite, n’a pas eu lieu, il faudra toujours mentionner les opérations cadastrales, attendu qu’on n’aura rien à y substituer ; je dis qu’il est complètement inutile d’adopter le sous-amendement qu’il a proposé tendant à dire que la loi perdra ses effets si elle été révisée avant le terme déterminé pour sa durée. Je préfère à cette proposition sa proposition primitive.

M. Dubus. - Rien n’est plus propre que la discussion actuelle à nous faire apprécier le caractère des concessions de paix, d’union et de conciliation qu’on prétend nous avoir faites.

On nous a promis à l’unanimité, dans l’article premier, la révision des opérations cadastrales ; cette révision nous était également annoncée par le rapport de la section centrale. On a fait plus : après s’être opposé avec énergie à l’idée qu’un honorable membre avait mise en avant, dès l’ouverture de la discussion, de rendre la loi provisoire, après avoir soutenu que la péréquation proposée devait être votée comme définitive, on s’est réuni encore à l’unanimité pour décider que la loi serait provisoire. Jusque-là on ne faisait que formuler en termes vagues qu’il y aurait une révision avant la péréquation définitive ; il ne s’agissait que de promesses, alors tout le monde était d’accord. Maintenant qu’il s’agit de réaliser ce qu’on a promis, de donner une sanction à l’amendement introduit dans l’article premier, on ne peut plus s’entendre ; on trouve des difficultés insurmontables là où l’on n’en voyait pas du tout.

Cela me rappelle un discours antérieur de l’honorable député qui a parlé immédiatement avant moi, dans lequel, pour atténuer les inconvénients de l’exécution provisoire de la péréquation basée sur le cadastre à réviser, il nous présentait en perspective une révision dans un délai très rapproché, et nous disait qu’elle aurait lieu dans un terme de trois ou quatre ans, ce qui me fut une occasion de demander à l’honorable membre s’il proposait un amendement au projet de la section centrale, indiquant un terme de 10 ans. Cet honorable membre trouvait alors qu’un terme de 3 ou 4 ans était suffisant ; aujourd’hui il pense que la révision ne peut se faire en moins de 10 ans.

Pareillement à la suite de cette longue discussion générale qui devait nous avoir éclairés tous sur les difficultés que peut présenter la révision et le délai nécessaire pour les surmonter, un honorable membre, député de Roulers, immédiatement avant la clôture, déposait, par esprit de conciliation, un amendement tendant à réduire à 5 années le terme proposé par la section centrale pour cette révision. Mais l’article premier est à peine voté qu’il retire sa proposition.

N’est-il pas vrai qu’on peut apprécier d’après cela le véritable caractère des prétendues concessions qu’on voulait nous faire ! Je crois donc pouvoir le dire ; on nous promettait une révision, mais on ne désire pas d’arriver à ce résultat ; il semble que l’on ait le dessein de conserver indéfiniment le statu quo qu’on veut se faire.

Nous avons voté à l’unanimité que la loi ne serait que provisoire, qu’il y aurait une révision des opérations ; eh bien, si l’on veut réellement cette révision, fixons pour son exécution le terme le plus rapproché. Je m’appuie de l’observation même de M. le ministre des finances. Quel que soit le terme que vous fixiez, a-t-il dit, si la révision n’a pas pu être terminée avant son expiration, il faudra bien que l’on continue d’opérer d’après les travaux actuels du cadastre, puisqu’on n’aura rien à y substituer. Eh bien, alors fixez le terme de 5 ans, et si la révision n’était pas faite au bout de ce terme, vous pourrez le prolonger.

Mais, dit-on, quel intérêt y avez-vous ? Un très grand intérêt, c’est que pour obtenir la prorogation de la loi, il faudra qu’on ait fait quelque chose et même qu’on ait fait tout ce qu’il était possible de faire pour opérer la révision. Alors on aura le droit de demander une prolongation de délai, en justifiant que celui qui aurait été accordé était insuffisant.

Mais il en serait autrement si on ne faisait rien que de créer des obstacles pour empêcher la révision. Si vous ne fixez pas un délai et même un délai assez rapproché, les obstacles surgiront de toutes parts, si on en juge d’après la discussion actuelle, car il semble, messieurs, à entendre certains orateurs, que la révision est plus difficile que l’opération même. Vous avez dû remarquer qu’on vous propose, pour faire la révision, un terme plus long que celui qui a suffi pour faire l’opération. Cela résulte des chiffres qui nous ont été donnés.

Quelle est la période d’années dont les produits ont servi de base à l’opération entière ? C’est la période de 1812 à 1826. Donc l’opération n’a pu commencer qu’après 1826 ; et elle a été terminée à la fin de l’année dernière.

Tout cela ne fait que huit ans, et dans ces huit années est survenue une révolution qui a agité le pays, qui a dû interrompre et suspendre assez longtemps toutes les opérations. Ainsi il a fallu, pour faire toute l’opération, un intervalle de huit années, qui doit être réduit au moins de deux années, pour la circonstance de la perturbation causée par la révolution, perturbation par suite de laquelle des opérations ont été arrêtées, et beaucoup de travaux entamés ont dû être recommencés. Eh bien, messieurs, au lieu de réduire le délai on propose de l’augmenter et de le porter à dix ans. Pourquoi faire ? pour réviser l’opération. Et cependant cette première opération ne se composait pas seulement de l’expertise et des évaluations, mais aussi de toutes les opérations matérielles de l’arpentage, et celles-là ne doivent pas être recommencées.

Je ne sais pas pourquoi, en vérité, on demande un terme plus long de plusieurs années pour la révision que pour l’opération elle-même.

On ne se bornera pas à vouloir prolonger le terme, mais on veut que nous proclamions que nous ferons une loi pour déterminer le mode d’après lequel s’opérera la révision. Mais avant de prendre cet engagement, il faudrait reconnaître que cette loi est nécessaire.

Je m’étonne de la multitude de modes de révision qui ont été présentés comme possibles. Car cette révision, par quoi a-t-elle été provoquée ? Par toutes les plaintes qui ont surgi sur la régularité et la justesse des opérations faites. Ce sont là les griefs qu’il faut examiner ; eh bien, le moyen de les examiner, c’est de réviser les opérations en prenant la base qui, d’après les lois, devait servir à l’opération elle-même. Vous n’avez que ce moyen de faire justice à ceux qui se plaignent, parce que leurs griefs se fondent sur ce que l’opération n’a pas été faite comme elle devait l’être d’après les lois.

Les uns se sont plaints de ce qu’on avait arbitrairement changé les bases des évaluations, et prétendent qu’on aurait dû suivre les premières bases adoptées. Un honorable député d’Audenaerde voudrait qu’on changeât encore de base, mais de cette manière on doublerait les griefs dont ces personnes se plaignent. Je n’examine pas ici si ces personnes se plaignaient à tort ou à raison de ce que M. Guericke avait substitué la base des produits de 1812 à 1826 à une base formée des produits d’une autre période d’années, et maintenant on voudrait encore substituer une autre période à celle adoptée par M. Guericke. Évidemment, vous doubleriez les griefs de ceux qui prétendaient qu’on aurait dû faire toutes les opérations sur les bases primitives.

Messieurs, les questions soulevées par les plaintes nombreuses auxquelles le cadastre a donné lieu ont été renvoyées à l’examen d’une commission. Vous n’avez rien à prescrire maintenant sur le mode de révision à adopter, vous devez attendre le rapport de cette commission qui, je pense, ne tardera pas ; la commission nous dira si dans son opinion un changement de mode est nécessaire. Mais il est possible qu’après avoir examiné la législation sur la matière, elle nous dise quelles règles d’après cette législation devaient servir pour les opérations, et qu’il soit inutile de faire une loi prescrivant un mode de révision, parce qu’elle trouvera dans la législation existante des dispositions suffisantes pour opérer cette révision. Vous ne devez donc rien préjuger, et vous préjugeriez la question en proclamant que vous ferez une loi sur cette matière.

Un honorable membre qui a parlé immédiatement avant moi vous a dit que dès que la loi porte qu’une révision sera faite, nous devons être fort tranquilles, ainsi que nos commettants, parce que ce n’est pas un principe nu que vous mettez dans la loi, parce que quand la loi a commandé une chose elle doit se faire, et que la sanction se trouve dans l’initiative de chacun des membres de la chambre.

Hier déjà on a répondu à cette objection qu’il existait deux ou trois lois dans lesquelles se trouve le principe de la révision ; ce sont les lois sur la garde civique, la cour des comptes et, je crois, deux autres lois qui contiennent une disposition portant qu’elles seront révisées dans un délai donné ; ces lois n’ont pas été révisées, le délai est expiré depuis longtemps, et cependant elles continuent d’être exécutées. C’est la clause qui prescrivait la révision qui, malgré la prescription du législateur, est demeurée sans exécution, preuve qu’elle était sans aucune sanction.

Mais ici, si vous ajoutez une sanction comme celle que propose M. Demonceau, vous devez vous attendre qu’on fera des efforts pour qu’elle reçoive ses effets ; on ne laissera pas tomber dans l’oubli que, passé tel terme, la loi cesse d’être obligatoire ; cette disposition sera toujours présente à l’esprit de chacun de nous et fera l’objet de sérieuses méditations de la part du gouvernement.

Et on arrivera à une révision, tandis qu’on n’y arrivera pas si on n’adopte pas ce moyen.

Au reste, je terminerai en disant qu’au terme près, la proposition du ministre en tant qu’elle porte : « la présente loi cesserait d’être obligatoire si elle n’était pas renouvelée dans ce terme, » me convient parfaitement. Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on ajoute ces derniers mots, lesquels expriment une restriction qui est de droit et qui existerait dans le cas même où on ne l’exprimerait pas.

M. Demonceau. - Lorsque j’ai proposé mon amendement, je ne me suis pas trompé sur ses conséquences. Il est absolument nécessaire, puisque M. le ministre des finances reconnaît la vérité de ce que j’ai dit, à savoir qu’il faut une sanction. Qu’il fasse bien attention à son amendement ; à l’exception du terme, il est le même que le mien. Dès lors, je suis fort étonné que le rapporteur soit venu dire que mon amendement était un non-sens, quand il donne son assentiment à celui du ministre.

Je n’ai pas parlé dans mon amendement du mode à adopter pour la révision, parce qu’en le présentant, je n’avais d’autre but que de donner une sanction à la loi. Quant à ce mode de révision, il y a des lois et des instructions sur la matière : si on les trouve insuffisantes, qu’on fasse une proposition, je serai le premier à donner mon assentiment à toute mesure qui devra amener un bon résultat.

Je reviens à mon amendement, celui du ministre n’en diffère qu’en ce que le délai qu’il propose est de 10 ans au lieu de 5. Que ceux qui pensent que le délai de 10 ans est préférable votent pour la proposition du ministre, mais qu’on ne dise pas que la mienne est un non-sens.

M. Raikem. - J’ai demandé la parole uniquement à cause de ceci. C’est que le rapporteur de la section centrale avait fait observer que je n’avais pas parlé du terme dans lequel les opérations seraient révisées, et en avait conclu que je me ralliais en quelque sorte au terme de 10 années, proposé par le ministre.

Eh bien, messieurs, mon intention était uniquement d’attendre ce qui serait dit à cet égard et de voir si véritablement il était nécessaire d’un terme de 10 ans pour la révision de l’opération cadastrale. Or, tout ce que j’ai entendu ne m’a pas convaincu qu’un délai aussi long fût nécessaire, et je pense qu’il y a lieu à adopter l’amendement présenté par M. Demonceau et qui fixe le terme à 5 années. Et comme l’a fait observer un honorable député qui siège à mes côtés, si au bout de 5 années le gouvernement venait vous démontrer qu’il y a impossibilité de parvenir à la révision, je crois qu’il n’y a aucun de nous qui ne fût disposé à voter une prorogation de la loi, et une prorogation suffisante pour accomplir l’acte de la révision.

Cet acte n’est qu’un acte de justice, ou un acte qui conduira à faire justice à chacun, et cela est d’autant plus vrai que l’on signale de plus grands vices dans les opérations cadastrales.

Messieurs, pour me déterminer à préférer le terme de cinq années, j’ai consulté le discours qu’a prononcé, dans une séance précédente, l’honorable député de Bruges : il nous disait ce qu’il nous a dit aujourd’hui : qu’il fallait une révision efficace, sérieuse et qui produisît les effets qu’on devait en attendre. Voici comment il s’exprimait : « En résumé, pour ne pas occuper la chambre plus longtemps que je ne crois devoir le faire, je supposerai un instant que, de l’application de la péréquation cadastrale, il résulte un avantage pour les provinces qui vont être dégrevées, et que cet avantage excède, pendant trois, quatre, ou cinq années qui est le terme le plus éloigné pour la révision… »

« Cet avantage ne compenserait jamais les énormes charges que ces provinces supportent depuis tant d’années... »

Eh bien, en adoptant l’amendement de M. Demonceau, je prends le terme le plus éloigné indiqué par l’honorable M. Jullien lui-même. (Aux voix ! aux voix !)


M. le président. - L’amendement suivant vient d’être déposé par M. Gendebien :

« Les opérations cadastrales seront révisées en six années.

« La présente loi perdra ses effets, si elle n’est renouvelée avant l’expiration de ce terme.

« Une loi réglera le mode de cette révision ; elle sera présentée à la législature dans la session de 1835 à 1836. »

M. Jullien. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je ne considère pas précisément comme un fait personnel ce qui vient d’être dit par l’honorable député de Liége ; mais je considère plutôt comme un fait personnel ce qu’a dit le député de Tournay. Quoique je n’eusse pas envie de répondre, l’obstination de ces messieurs à vouloir me trouver en contradiction avec moi-même me force à leur répondre.

Le député de Tournay, en rappelant que j’avais dit que la révision pouvait avoir lieu dans 4 ou 5 ans, a fait entendre que je ne m’étais exprimé de la sorte que pour dorer la pilule, comme on dit, afin d’amener l’assemblée au but désiré par les mandataires des Flandres.

Voilà du moins le fond de sa pensée. Eh bien, les honorables députés qui ont rapporté mes paroles ne m’ont pas compris. J’ai demandé que la révision fût faite en trois, quatre ou cinq ans si cela était possible ; et je le demanderai encore. Mais tout se réduit, comme on voit, à prouver que la révision est possible dans cet intervalle ; or, c’est ce qu’on ne s’est pas donné la peine de faire.

Dès l’instant que vous reconnaissez qu’avec cette prétendue sanction que vous voulez donner à la loi, si la révision n’était pas faite, il faudrait l’ajourner, je me réunis à votre amendement, car je trouve que vous rentrez dans l’amendement du ministre et dans celui de la section centrale : seulement je trouve que les prévisions du ministre et de la section centrale sont plus près de la vérité. Je ne vous dis pas qu’il faille attendre dix ans pour faire la révision ; je vous dis qu’il faut la commencer dès demain.

M. Gendebien. - Ma proposition n’est à proprement parler qu’un sous-amendement de celui du ministre des finances. Je préférerais le terme de cinq années comme le demande M. Demonceau ; mais comme la proposition de cet honorable membre sera mise aux voix avant la mienne, j’en voterai l’adoption c’est-à-dire que je voterai pour le terme de cinq années. Quoi qu’il en soit, les opérations que M. Demonceau partage en deux périodes, de trois et de deux ans, ou dans l’espace de 5 ans, moi je les cumule en 6 ans.

Je propose donc de substituer le chiffre 6 à celui de 10 années, qui a été proposé par le ministre, et je demande que la loi qui déterminera le mode d’opérer pour établir la nouvelle péréquation soit présentée dans la session de 1835 à 1836. Il me semble que le ministre pourra préparer promptement ce projet de loi ; il est imbu de la matière, et il est entouré d’hommes ayant les connaissances spéciales nécessaires pour achever promptement un pareil travail, puisqu’ils opèrent depuis près de trente ans.

Je bornerai là mes observations.


M. Desmet. - Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous présenter est le même que M. le ministre des finances vous a présenté la première fois, avant qu’il y ait apporté ce changement que la loi actuelle cessera ses effets si les opérations cadastrales ne se trouvaient pas révisées dans la période de dix ans.

Je ne puis à la vérité bien concevoir que vous vouliez rendre cette révision obligatoire, vous ne l’ordonnerez certainement que quand vous la jugerez nécessaire, quand vous aurez reçu une quantité de réclamations qui vous auront prouvé que cette révision est réellement nécessaire. Je ne puis pas l’entendre autrement, et j’ai été bien étonné quand j’ai vu le changement que M. le ministre des finances avait apporté à son premier amendement. S’il l’a fait par un esprit de conciliation et afin de mettre l’accord entre deux opinions qui dominent en ce moment dans cette chambre, alors je puis me l’expliquer et je lui en fais même compliment ; mais s’il ne l’a pas fait pour ces seuls motifs, on devrait bien croire qu’il n’a pas une entière confiance dans les opérations du cadastre actuel et qu’il est convaincu de la nécessité de la révision.

Il est possible que les opérations du cadastre soient meilleures que bien des membres ne le croient, et que ceux qui les ont critiquées jadis, comme ceux qui les critiquent aujourd’hui, se trouvent trompés, ou que les travaux soient depuis quelque temps beaucoup mieux exécutés. Si donc vous receviez peu de réclamations fondées contre les opérations faites et qu’il n’y eût pas matière de les réviser, voudriez-vous encore que cette révision eût lieu quand même ? C’est ce qu’on pourrait conjecturer par les divers amendements présentés, et j’ose même soupçonner que c’est là l’intention.

Messieurs, vous ne pouvez cependant ignorer combien est immense la révision d’un cadastre et à combien de dépenses elle entraînera, car, quoi qu’on en dise, une révision partielle est impossible. Il faut qu’elle soit générale : c’est ce que la loi de 1807 a sagement conçu, quand dans son article 36 elle dit que le cadastre mis à exécution, aucun changement n’y pourra plus être fait avant qu’une révision générale ait eu lieu ; et cette révision ne devra pas seulement porter sur les évaluations, mais sur tout le travail ; car s’il y a des erreurs, je pense qu’elles ont aussi pu avoir lieu dans l’arpentage comme dans la classification et le classement.

Ne vous imaginez pas cependant, messieurs, que je vous présente cet amendement, parce que je trouverais un intérêt pour ma province de ne pas avoir de révision ; je pense au contraire que ce sont les provinces de Flandre qui ont le plus de motifs de réclamer pour surtaxe dans le cadastre que nous votons, et qui peuvent le plus gagner par une révision que les autres, et particulièrement celle du Hainaut, qui ne peuvent qu’y perdre ; il ne faut que jeter les yeux sur l’état des moyennes des évaluations pour en avoir la conviction intime.

Je pense, messieurs, que nous ferons très bien d’adopter cet amendement ; il engagera à faire réclamer ceux qui se croiraient lésés, et après avoir reçu leurs pétitions, alors vous pourrez juger s’il y a vraiment nécessité d’ordonner la révision ; car, dans mon opinion, c’est le public seul qui est habile à bien se prononcer sur la valeur des opérations du cadastre, et quand il se tait, je crois que nous pouvons dire que le cadastre n’a pas besoin de révision, et que nous pourrons ménager cette dépense à l’Etat.


(Moniteur belge n°354, du 19 décembre 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si on veut clore la discussion, je ne m’y oppose pas, Si on ne veut pas la clore, je demanderai à présenter quelques observations à la chambre. La discussion commence à s’égarer, et il faut la ramener sur son terrain.

Messieurs, qu’entend-on par la révision ? Quand on sera fixé sur ce point, on pourra déterminer le temps nécessaire pour l’effectuer.

Je ne voudrais pas d’une simple révision, qui consisterait à revoir des papiers, des chiffres ; je voudrais une révision par laquelle on examinerait sur le terrain la valeur des biens.

Mais pour opérer un travail semblable, il faudra pour ainsi dire recommencer les opérations cadastrales, et par conséquent un terme de dix années n’est pas trop long.

Ne croyez pas que vous pourrez commencer la révision actuellement ; car il faut une loi qui prescrive comment elle sera faite.

On fait au gouvernement une obligation de présenter cette loi pendant la session actuelle : je déclare que si cette partie de l’amendement était adoptée, je ne serais pas embarrassé pour la préparer : je me bornerais à copier les règles qui ont été tracées pour l’exécution du cadastre, parce que je les crois bonnes, parce que je les crois sages. Or, vous seriez conduits par là précisément aux mêmes résultats que ceux que vous avez sous les yeux et que je soutiens exacts jusqu’à preuve contraire.

On dit que, par l’amendement que j’ai proposé, la loi serait sans effet au-delà du terme de 10 années ; que de plus, par cet amendement, je reconnaîtrais que les opérations cadastrales sont erronées. Mais quel est le but de la révision après tout ? Est-ce la destruction des opérations cadastrales ? Non, c’est d’arriver par une vérification nouvelle, à un contrôle exact des résultats obtenus. Mais, dans mon opinion, cette vérification prouvera que les opérations dont il s’agit n’étaient pas fautives.

Au reste, une péréquation nouvelle, basée sur une période d’années plus rapprochée de l’époque actuelle que la série qui a été suivie pour la péréquation que nous discutons, serait loin de produire les effets que l’on en attend. Les Flandres sont parvenues au dernier degré de perfection dans la culture, et leurs terrains ne peuvent plus guère augmenter de valeur ; il en est autrement dans les provinces qui, dit-on, vont être surchargées ; la culture s’y améliore tous les jours, et de nouvelles évaluations ne pourront donner pour résultat qu’un chiffre de revenus imposables plus élevé.

Ainsi le montant de la contribution de ces provinces ne pourrait diminuer, puisque le revenu tend sans cesse à l’augmentation. Je le répète, la culture dans les Flandres est arrivée depuis 30 ans à un tel point, qu’on ne peut l’améliorer, tandis que la culture dans les autres provinces peuvent encore recevoir de notables perfectionnements qui donneront lieu à une augmentation dans leur revenu imposable.

Toutes les considérations se réunissent donc pour nous déterminer à admettre pour la révision un terme tel, que l’expérience puisse nous avoir suffisamment éclairés sur les opérations cadastrales.

On a insinué que nous mettrions des bâtons dans les roues, que nous entraverions la révision des opérations cadastrales ; non, messieurs, il n’en sera pas ainsi, nous nous prêterons au contraire à cette révision de tous nos moyens si la loi l’ordonne ; mais si elle rencontre des entraves, on verra de quel côté elles viendront, on verra qu’elles ne surgiront pas de la part des partisans actuels de la péréquation.

Il semblerait enfin que cette révision se fera à votre insu, que l’administration du cadastre pourra à son gré commencer et suivre les opérations ; mais c’est là chose impossible, car la révision ne pourra avoir lieu sans que l’on vienne vous demander chaque année 4 à 500,000 francs. Quand vous aurez accordé une fois cette somme, et que l’année suivante on vous en demandera une semblable vous ne l’accorderez qu’en vous faisant rendre compte des dépenses effectuées sur les fonds alloués l’année précédente. Vous verrez aussi alors à quelles dépenses on aura entraîné le pays.

Je me permettrai une dernière observation sur la question de temps. Je suppose que, par l’adoption des résultats actuels du cadastre, les provinces qui vont subir une augmentation en éprouvent une plus forte que celle qui doit leur être attribuée (supposition bien gratuite et que rien assurément ne justifie). Eh bien, que ces provinces subissent pendant 10 ans ce surcroît, pourrait-il compenser seulement une partie des intérêts de la surtaxe que les Flandres ont patiemment supportée pendant 40 années ?

- Un grand nombre de voix. - La clôture !

M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture.

Pouvez-vous prononcer la clôture sur un amendement alors que la discussion sur cet amendement n’a pas été ouverte ? M. Desmet présente un amendement et le développe ; M. le ministre des finances est le seul membre qui prenne ensuite la parole ; et c’est alors que vous voulez prononcer la clôture. Cela ne peut être admis. Pour moi je demande à répondre à l’honorable M. Desmet, je demande à le réfuter en donnant lecture d’un discours où il déclarait que le cadastre n’était à ses yeux qu’un collin-maillard de mystification. Ce sont ses propres expressions.

Je demande à être entendu.

Je proteste contre la clôture qui serait prononcée avant l’ouverture de la discussion. Ce serait une violation flagrante du règlement.

- Un grand nombre de membres. - La clôture ! la clôture !

M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture.

Je crois qu’aucun de nous ne veut de surprise ; or, ce serait vouloir surprendre notre vote que de laisser discuter un amendement déposé à la fin de la discussion. On a bien laissé parler M. le ministre des finances comme si l’on s’attendait à ce qu’il défendît l’amendement de M. Desmet, mais on n’en veut pas entendre davantage. Car dès que M. Desmet a eu développé son amendement, un honorable membre de l’assemblée, assis à côté de lui, a crié : « la clôture ! » Lorsque M. le ministre a demandé la parole, il s’est arrêté ; mais lorsque M. le ministre a eu fini de parler, les cris « la clôture, » ont recommencé. Or, je vous le demande, veut-on discuter, ou bien escamoter l’amendement de M. Desmet ? A peine en a-t-on entendu une rapide lecture.

Le règlement porte que lorsqu’un amendement sera déposé, l’auteur de cet amendement aura la parole pour le développer, que la chambre sera alors consultée sur la question de savoir si l’amendement est appuyé. Mais ensuite, si l’amendement est appuyé, prononcera-t-on la clôture ? Non, sans doute ; on déclare la discussion ouverte sur l’amendement.

Or, peut-on dire qu’il y a eu discussion alors qu’un seul membre a eu la parole pour appuyer l’amendement ? Non ; pour qu’il y ait discussion, il faut que vous accordiez la parole aux membres qui veulent combattre l’amendement. Je pense donc que la clôture ne peut pas être prononcée, et qu’en l’adoptant vous pourriez établir un mauvais précédent.

M. Jullien. - Si c’était sur un amendement nouveau déposé à l’instant même que l’on demandât la clôture, les deux honorables préopinants auraient parfaitement raison ; ce serait une violation du règlement. Mais j’aurai l’honneur de faire observer que l’amendement de M. Desmet n’est autre que la proposition de M. le ministre des finances, laquelle a déjà été discutée pendant deux heures. Dès lors nous sommes assurément en mesure de juger cette proposition. Je crois donc que si l’on n’a pas d’autres motifs pour s’opposer à la clôture, il est plus que temps de la prononcer.

M. Gendebien. - Je demande la parole contre la clôture.

Je ne comprends pas ce grand empressement d’en finir. (Réclamations dans une partie de l’assemblée.) Oui, je dis ce grand empressement d’en finir ; comment ! vous avez consacré 15 séances à la discussion d’une misérable loi relative au bétail étranger, et lorsqu’il s’agit des intérêts de l’agriculture dans les quatre provinces que vous allez grever, vous ne voudriez pas prolonger la discussion d’un quart d’heure ! Pourquoi cette différence ? Je ne le dirai pas ; car tout le monde en comprendra le motif.

L’honorable M. Dumortier demande à parler sur l’amendement et les développements de l’amendement de M. Desmet.

On lui objecte que cet amendement n’est autre que celui présenté par le ministre des finances et qui a déjà été discuté. Mais quand le ministre a présenté son amendement, il l’a développé à sa manière. M. Desmet a présenté d’autres développements ; or, ce sont les développements d’un amendement qui en déterminent le sens. M. Dumortier demande la parole non pour parler sur l’amendement, mais sans doute pour répondre aux développements de l’amendement.

Je ne conçois pas cette insistance à demander la clôture !

Et comment n’apercevez-vous pas la différence entre la position du ministre et celle du député ! Songez que le député, au lieu de se référer aux développements du ministre, a présenté de nouveaux développements.

Je demande donc que M. Dumortier soit entendu puisqu’il a annoncé qu’il avait à répondre aux considérations présentées par M. Desmet à l’appui de son amendement.

- Un grand nombre de membres. - Aux voix ! la clôture !

M. Dumortier. - Je ne pense pas que M. le président eût consulte la chambre sur la question de savoir si l’amendement de M. Desmet était appuyé, dans le cas où cet amendement n’eût été autre chose que la reproduction de la proposition de M. le ministre des finances. Je demande donc qu’il soit donné lecture des deux amendements.

M. le président. - M. Desmet a déclaré reprendre le premier amendement de M. le ministre des finances.

M. Dumortier. - Très bien. Mais l’amendement primitif de M. le ministre des finances n’a pas été mis en discussion, car c’est au début de la discussion, et dès les premières objections qu’il a rencontrées qu’il a modifié son amendement. On doit donc mettre en discussion l’amendement de M. Desmet.

Je demande à être entendu. Je déclare qu’il me sera facile de réfuter l’honorable M. Desmet en donnant lecture des paroles qu’il a prononcées dans la séance du 8 avril 1832.

Si la chambre ne veut pas m’entendre, c’est une violation du règlement ; c’est encore un coup de majorité ; c’est qu’il y a dans cette chambre 48 membres qui ne veulent pas que leur opinion soit combattue.

- La clôture est mise aux voix ; une première épreuve est douteuse ; l’épreuve est renouvelée, la clôture est prononcée.

M. Dumortier. - Je demande que mon vote négatif contre la clôture soit inséré au procès-verbal.


M. le président. - Sept amendements ont été présentés. Dans quel ordre la chambre veut-elle que je les mette aux voix ?

M. Fallon. - Mon amendement se confondant avec ceux de MM. Gendebien et Demonceau, je déclare le retirer.

M. Pollénus retire son amendement.

M. Dubus. - Je crois que, pour observer notre règlement, les amendements doivent être votes dans l’ordre suivant, en commençant par celui qui s’écarte le plus de la proposition de la section centrale : d’abord celui de M. Demonceau, qui proposé deux termes successifs de 3 et 2 ans, et qui propose en même temps une sanction ; ensuite celui de M. Gendebien qui propose un terme de 6 ans et une sanction et qui ajoute qu’une loi réglera le mode de révision, et que cette loi sera présentée dans la section actuelle. En troisième lieu, viendra l’amendement de M. le ministre des finances, qui propose un terme de dix ans, et qui établit en même temps une sanction ; puis la proposition de M. Desmet, qui établit un terme de 10 ans sans proposer de sanction ; et enfin, s’il y a lieu, la proposition de la section centrale. (Appuyé.)

M. Dumortier. - Les amendements proposés présentent deux systèmes. Les uns réclament une sanction ; les autres n’en veulent pas. Il me semble qu’il y aurait une question à poser avant de voter les différentes propositions. Ce serait celle-ci : La loi aura-t-elle une sanction, oui ou non ? Il est bon que le pays tous entier, particulièrement les provinces surchargées, sachent si elles peuvent compter sur l’espoir d’une amélioration dans leur sort, dans le cas où elles se croiraient injustement taxées. Je demande donc que l’on mette aux voix la question de sanction.

M. Liedts, rapporteur. - Je ne vois aucune utilité à la position de cette question. Tout le monde sera d’accord sur la nécessité d’une sanction. Mais chacun le comprendra à sa manière.

Ainsi le vote aura été inutile et aura fait perdre du temps. (Adhésion.)

M. Jullien. - J’avoue que je ne comprends pas la sanction que demande l’honorable M. Dumortier. Je sais bien ce que c’est qu’une sanction pénale. Mais assurément, il ne veut pas imposer une pénalité aux ministres ou aux députés s’ils ne révisent pas la loi dans un temps donné. Il me paraît complètement inutile de mettre aux voix l’amendement de l’honorable M. Dumortier.

M. Pollénus. - La proposition de M. Dumortier me paraît facile à comprendre. Il y a deux principes en présence. Il demande qu’on les mette aux voix, que la chambre décide si la loi aura une durée limitée, ou non. Il y a des députés qui reculent lorsqu’il s’agit d’appliquer un sens à ce mode de provisoire inséré dans l’article premier. M. Dumortier demande que ce qui a été décidé reste décidé. M. Dumortier attache, comme moi, beaucoup d’importance à ce vote. Je pense donc qu’il y a lieu d’admettre sa proposition,

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous perdons beaucoup de temps dans la position de la question, tandis qu’en votant les amendements nous voterions la question de sanction. Le vote préalable que demande M. Dumortier mettrait d’honorables membres dans une fausse position. Car il y en a qui veulent une sanction avec 10 ans de durée pour la loi et qui n’en veulent pas avec cinq.

M. Raikem. - Il est évident qu’en demandant une sanction je n’ai pas voulu infliger une peine au gouvernement. J’ai voulu une disposition qui obligeât le gouvernement à exécuter l’article premier tel que la chambre l’a adopté ; j’ai voulu que la loi cessât d’avoir son effet si cette disposition n’était pas exécutée.

C’est ainsi qu’une sanction a été introduite dans la loi sur la sortie des os. Comme elle cesse d’avoir son effet au 1er janvier 1836, le gouvernement a été obligé d’en présenter une nouvelle.


- On procède à l’appel nominal dont voici le résultat :

Nombre des votants, 84.

Pour, 32.

Contre, 52.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Bosquet, Brabant, David, de Behr, Dechamps, de Longrée, Demonceau, de Puydt, Dequesne, de Sécus, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Jadot, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Pirmez, Pirson, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, Seron, Trentesaux, Troye.

Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert, Berger, Cols, Coppieters, Cornet de Grez, de Jaegher, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Ernst, Hye-Boys, Jullien, Kervyn, Legrelle, Lejeune, Liedts, Manilius, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.


M. le président. - Maintenant je vais mettre aux voix l’amendement de M. Gendebien.

M. Dubus. - Je demande la division, et qu’on vote d’abord sur la partie relative au terme et à la sanction, et ensuite sur la disposition qui porte qu’une loi sera faite dans un délai donné.

M. Gendebien. - Je retire cette dernière partie.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Gendebien ainsi modifié.

- Un grand nombre de membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !

On procède à cette opération.

Elle donne le résultat suivant :

84 membres répondent à l’appel ;

44 répondent oui ;

40 répondent non.

En conséquence l’amendement est adopté.

Ont répondu oui : MM. Berger, Bosquet, Brabant, Cornet de Grez, David, de Behr, Dechamps, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Puydt, Dequesne, de Sécus, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Jadot, Jullien, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Meeus, Nothomb, Pirmez, Pirson, Pollénus, Quirini, Raikem, Raymaeckers, Seron, Trentesaux, Troye, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen.

Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert, Cols, Coppieters, de Jaegher, de Muelenaere, de Nef, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Hye-Hoys, Kervyn, Legrelle, Lejeune, Liedts, Manilius, Morel-Danheel, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Ullens, Vandenbossche, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Quel sera l’ordre du jour de demain ? Sera-ce les voies et moyens, ou le budget de la guerre ?

- De toutes parts. - Les voies et moyens ! Les voies et moyens !

M. Dubus. - C’est une nécessité que la loi sur les voies et moyens soit votée par les deux chambres et sanctionnée par le Roi pour le 1er janvier. Tandis que pour le budget de la guerre, s’il n’était pas voté à cette époque, on aurait la ressource d’un crédit provisoire. (Oui ! Oui !)

M. le président. - Demain, discussion de la loi concernant les voies et moyens.

- La séance est levée un peu avant cinq heures.