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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 3 décembre 1835

(Moniteur belge n°338, du 4 décembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse annonce à la chambre qu’il lui est parvenu une pétition par laquelle les régences des communes de S.-Jean in-Eremo, Ste-Marguerite et Watervlied demandent que la chambre alloue le crédit nécessaire pour la construction du canal projeté de Zelzaete vers la mer du Nord.

- Cette pièce est renvoyée à la commission des pétitions.

Projet de loi relatif aux droits sur les bestiaux

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président. - M. Beerenbroeck a présenté l’amendement suivant qui doit être placé après l’article 2.

« Il sera établi, aux frontières de la Hollande, onze ponts à bascule, ou balances, pour percevoir au poids les droits d’entrée sur le bétail.

M. Beerenbroeck développe les motifs de son amendement dans un discours qui ne nous est pas parvenu.

M. Pollénus. - Tout en accueillant les considérations qui ont dirigé l’honorable M. Beerenbroeck dans la présentation de son amendement, je ne puis adopter les termes dans lesquels il est conçu.

L’établissement de ponts à bascule est une mesure d’exécution de l’utilité de laquelle le gouvernement est seul à même de juger. Cette nécessite peut varier de jour en jour, de mois en mois. Il importe que le gouvernement ait la faculté d’établir autant de ponts à bascule qu’il le jugera convenable.

L’honorable préopinant a senti lui-même que son amendement était incomplet depuis l’adoption de l’article proposé par la commission qui étend à la frontière prussienne les mesures douanières demandées contre la Hollande. Il reconnaît que les mêmes motifs existent pour établir des ponts à bascule sur cette ligne.

Je rends justice aux intentions qui ont dicté l’amendement en discussion. L’honorable M. Beerenbroeck a provoqué des explications de la part de M. le ministre des finances, qui a dit qu’il croyait qu’il suffirait d’établir quatre ponts à bascule. L’honorable M. Beerenbroeck lui a répliqué que ce nombre serait insuffisant. Je le pense comme lui. Je ne sais pas si, quand il a fait cette déclaration, il avait des motifs positifs pour s’arrêter à ce chiffre. Dans tous les cas, je regarde l’établissement des ponts à bascule comme un objet dépendant des attributions de l’administration.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense aussi que l’article proposé par l’honorable M. Beerenbroeck est purement réglementaire et qu’il n’est pas nécessaire d’insérer une semblable disposition dans la loi.

Il pourrait arriver que nos bureaux ne fussent pas suffisants et qu’il fallût en établir davantage. Il faut donc laisser à l’administration le soin d’y pourvoir. Quand j’ai parlé de 5, 6 bureaux, j’ai seulement voulu indiquer que si l’on voulait se borner à ce nombre, cela ne coûterait qu’une somme que j’ai désignée ; mais je n’ai jamais entendu que le gouvernement ne pût établir que ce nombre de bureaux strictement.

Depuis que la chambre a décidé que la perception du droit sur le bétail se ferait au poids, il m’est parvenu des renseignements sur la possibilité de constater ce poids sans de grandes dépenses. En Angleterre, on se sert d’instruments au moyen desquels on mesure les dimensions de l’animal, et par des formules déterminées dans une instruction à l’usage de ceux qui emploient ce moyen, l’on arrive à constater le poids de l’animal à quelques kilogrammes près. Ce moyen est très usité en Angleterre.

Tous les bons cultivateurs et les éleveurs de bétail sont pourvus de ces espèces de jauges. Ces nouveaux renseignements me portent à penser que lorsque nous serons arrivés à la fin de la loi, il serait utile d’ajouter une disposition à peu près conçue en ces termes :

« Le poids du bétail sera constaté au moyen de bascules ou par tout autre procédé qui sera déterminé par le gouvernement. »

Si le mode que je viens d’indiquer était réellement praticable, comme il serait beaucoup plus économique pour le trésor, l’on pourrait se dispenser d’établir des bascules.

Quoi qu’il en soit, je pense que dans aucun cas, il ne peut être question d’adopter l’amendement de l’honorable M. Beerenbroeck.

M. Beerenbroeck. - Par suite des explications que vient de donner M. le ministre des finances, je déclare retirer mon amendement.

Article 3

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 3 ainsi conçu :

« Art. 3. L’administration fera effectuer par ses préposés, avec l’intervention d’un membre ou d’un délégué de l’autorité communale, l’inventaire desdits chevaux et bestiaux, comprenant le signalement particulier et les marques distinctives propres à déterminer l’identité de chacun d’eux.

« Cet acte sera dressé et signé en triple expédition dont l’une sera remise à l’intéressé, la seconde au receveur susdit qui l’inscrira en charge dans un compte courant dont la forme sera déterminée par l’administration, et la troisième restera entre les mains des employés chargés de la surveillance du rayon. »

La commission propose l’amendement suivant auquel M. le ministre des finances s’est rallié.

« L’administration fera effectuer, sans frais, par ses préposés, etc. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je propose de maintenir le premier paragraphe de l’article, sauf à retrancher tout ce qui est relatif aux chevaux. C’est un point déjà convenu. Comme je l’ai déjà dit, je me rallie à l’amendement qui tend à ajouter le mot « sans frais. »

Je propose en outre d’adopter un amendement ainsi conçu, qui se conciliera parfaitement, je le pense, avec les différents amendements proposés :

« L’intéressé est autorisé à faire des extraits de cet inventaire comme aussi de faire marquer son bétail au fer rouge dans le mode à déterminer par l’administration.

« Dans ce cas et par exception à l’article 6 ci-après, ces extraits seront valables pendant le terme de trois mois à partir de leur délivrance, pour tenir lieu de l’acquit à caution exigé par l’article 6, pourvu que ces extraits aient été trouvés et vérifiés conformes par le receveur du bureau auquel ressortit la commune et que le bétail ainsi vérifié ait été reconnu conforme dans ces extraits d’inventaire. »

J’ai demandé dans cet amendement que la marque du bétail accompagne toujours l’extrait d’inventaire ; de cette manière l’on ne pourra échapper à la constatation de l’identité du bétail. Dans l’amendement de l’honorable M. Andries la marque du bétail est facultative. L’honorable membre vous a dit que les cultivateurs s’astreindraient sans aucune espèce de répugnance à l’obligation de laisser marquer leur bétail. Puisque cette précaution ne sera pas vexatoire, je pense que la chambre ne se refusera pas à l’admettre, de sorte qu’accompagné d’un extrait d’inventaire, le bétail marqué pourra non seulement parcourir la commune où il aura été délivré, mais encore toutes les communes jusqu’à l’intérieur du pays.

Il n’y a de différence entre la proposition de l’honorable M. Andries et la mienne, qu’en ce que je demande que l’extrait d’inventaire ne soit valable que pendant trois mois. L’honorable auteur de l’amendement voulait qu’il fût délivré pour un temps indéfini ; mais l’on conçoit que le bétail pourrait disparaître au bout d’un certain temps, et qu’ensuite l’extrait d’inventaire pourrait être passé à un fraudeur, qui s’en servirait pour introduire du bétail étranger à la place du troupeau qui n’existerait plus.

Du reste, remarquez que la limite donnée à la durée de l’extrait d’inventaire ne sera nullement gênante ni onéreuse pour le cultivateur, attendu qu’il suffira de le présenter au bureau du receveur ou du délégué de l’administration, pour en obtenir la prolongation pour un nouveau trimestre.

C’est dans le même amendement que l’honorable M. Andries demande que l’extrait d’inventaire soit rédigé en langue flamande. Si l’on reconnaît la nécessité de délivrer cet extrait en langue flamande, il faudra néanmoins qu’il ne cesse pas d’être délivré en même temps en français, d’abord parce que toutes les écritures de l’administration se faisant en langue française, il faut qu’il soit conforme à l’inventaire lui-même, et en second lieu, parce que le bétail inventorié pouvant servir dans tout le royaume au moyen de cet extrait, il faut que les employés puissent en tout lieu constater l’identité du bétail et être mis à même de comprendre par conséquent la pièce soumise à leur vérification. Il faudrait donc en tout cas qu’en regard de l’extrait en langue flamande se trouvât la traduction française, si la chambre adoptait cette disposition de l’amendement de l’honorable M. Andries.

M. le président. - L’amendement de M. Andries est ainsi conçu :

« § 3. L’intéressé est autorisé à faire des extraits de cet inventaire. Ces extraits seront valables, comme l’inventaire lui-même, pourvu qu’ils soient trouvés et certifiés conformes par le receveur du bureau auquel ressortit sa commune.

« § 4. La rédaction de ces inventaires se fera en langue flamande, si l’intéressé l’exige.

« § 5. L’intéressé aura en outre la faculté de faire marquer son bétail au fer rouge, et jouira, de ce chef, de la faculté stipulée au 1er alinéa de l’article 6. Les inventaires feront mention spéciale de l’apposition de la marque. »

M. Andries. - Je demanderai à l’honorable ministre des finances si l’opération de la marque se fera aux frais de l’administration comme l’inventaire.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Sans aucun doute.

M. Andries. - Je ferai quelques observations sur le retranchement que l’on a cru devoir faire de l’obligation de comprendre les chevaux et poulains dans l’inventaire.

M. le ministre, dans l’exposé des motifs de la loi, a attribué la fraude des bestiaux à deux causes, à la modicité du droit et aux dispositions exceptionnelles de la loi générale de 1822. Ces dispositions exceptionnelles, prises en faveur des cultivateurs, existaient quant aux chevaux et aux poulains. Aujourd’hui la fraude n’aura pas moins de facilité qu’auparavant.

Actuellement l’on peut introduire des chevaux étrangers presque sous les yeux de la douane, sans qu’elle puisse rien dire. D’après la loi de 1822, les chevaux peuvent aller à l’extérieur labourer les terres qui appartiennent à des cultivateurs belges. Le cultivateur, qui part avec deux chevaux seulement, revient dans le pays avec un troisième cheval qu’il a attelé à une demi-lieue de la frontière. La fraude est palpable, mais il est impossible aux employés de la constater.

On ne peut remédier à cet inconvénient que laisse la loi générale qu’en comprenant les chevaux et poulains dans l’inventaire. La loi générale de 1822 présente des mesures de précaution pour constater l’identité des bestiaux qui vont dans les pâturages étrangers. Ces mesures de précaution consistent principalement dans la marque. Pour les chevaux et poulains la loi générale n’exige aucune formalité. La loi générale, à l’article 4, excepte les chevaux et poulains de toute formalité ; seulement elle ajoute : « en prenant les précautions nécessaires pour constater l’identité. »

Je demanderai à M. le ministre des finances s’il ne pourrait pas s’appuyer de cette réserve pour prendre quelques dispositions réglementaires qui remédieraient à la fraude. Pour ce qui est des autres dispositions proposées par M. le ministre, je déclare m'y rallier.

Quant à la partie de mon amendement relative à la langue flamande, je trouve indispensable de rédiger l’extrait d’inventaire dans cette langue. C’est un droit constitutionnel dont l’administration n’a pas tenu compte jusqu’à présent. Dans mon pays, l’on nous exploite, l’on nous somme, l’on nous cite, l’on nous exécute dans une langue à laquelle nous ne comprenons rien ; cela est fort pénible.

Les cultivateurs se moquent des procès-verbaux et des citations, parce qu’ils sont rédigés en français, ou bien il faut qu’ils aient recours aux agents d’affaires, et vous savez comme ces messieurs ont le talent de pressurer les pauvres cultivateurs. (On rit.)

Je crois donc que, quand les cultivateurs exigent la rédaction en langue flamande, on ne peut la leur refuser sans violer un droit constitutionnel. Ce cas ne se présentera pas souvent. Mais nous devons réserver dans la loi la faculté d’user d’un droit constitutionnel.

Je maintiens donc le paragraphe 4, ainsi conçu :

« § 4. La rédaction de ces inventaires se fera en langue flamande, si l’intéressé l’exige. »

Je retire les 3ème et 5ème que j’avais proposés et qui sont ainsi conçus :

« § 3. L’intéressé est autorisé à faire des extraits de cet inventaire. Ces extraits seront valables, comme l’inventaire lui-même, pourvu qu’ils soient trouvés et certifiés conformes par le receveur du bureau auquel ressortit sa commune. »

« § 5. L’intéressé aura en outre la faculté de faire marquer son bétail au fer rouge, et jouira, de ce chef, de la faculté stipulée au premier alinéa de l’article 6. Les inventaires feront mention spéciale de l’apposition de la marque. »

Le but que je m’étais proposé dans ces dispositions est rempli par la proposition de M. le ministre des finances.

M. Vandenbossche. - Je retire mon amendement ; il tendait à protéger les intérêts des habitants des Flandres, auxquels pourvoit l’amendement de M. le ministre des finances.

M. Pirson. - J’avais proposé un paragraphe additionnel ainsi conçu :

« Indépendamment de l’inventaire, les bêtes à cornes âgées au moins d’un an seront marquées, aussi sans frais, au fer chaud ; la marque, au besoin, sera renouvelée sur la demande des préposés de la douane. »

Je retire cette proposition. Je me rallie aux propositions de M. Andries et de M. le ministre des finances, qui, au lieu de rendre la marque obligatoire, la rendent volontaire de la part du détenteur du bétail.

J’adhère à cette disposition, parce qu’il y a des nourrisseurs sur la frontière qui ont du bétail qui ne sort pas de l’écurie ; et souvent c’est cette espèce de bétail que la France vient acheter dans notre pays. Ces propriétaires n’ont pas besoin de faire pâturer leur bétail au-dehors ; et ils n’aimeraient pas à le marquer, car cela pourrait les empêcher d’introduire leur bétail en France. D’autre part, on comprend l’avantage que la marque du bétail assure à ceux qui la demandent, puisqu’elle les met à l’abri d’un grand nombre de formalités. Par ces motifs, je me rallie à l’amendement de M. le ministre des finances, qui rend la marque facultative.

M. de Nef. - Je trouverais fondées les observations de l’honorable M. Andries sur les chevaux, si le droit adopté par la chambre était plus élevé ; mais un droit de 15 fr. n’est pas assurément une prime offerte à la fraude, Ainsi j’appuie l’amendement de M. le ministre des finances relatif à l’introduction des chevaux.

M. Pollénus. - Je ferai remarquer à la chambre qu’elle ne peut admettre la proposition de l’honorable M. Andries tendant à autoriser, pour le cas où l’intéressé l’exige, la rédaction des inventaires en langue flamande. Ou bien il faudrait adopter une disposition analogue relative à la rédaction en langue allemande pour la partie du Luxembourg où on parle allemand ; car la loi s’applique aussi à cette partie du royaume.

Pour moi, je crois que l’on pourrait laisser à l’administration le soin de pourvoir à cet objet. Si elle trouvait que l’on eût un intérêt réel à ce que les inventaires et les extraits d’inventaires fussent rédigés dans l’idiome usité dans la province ou ils seraient faits, il est certain qu’elle s’empresserait de déférer à ces intérêts.

Mais la chambre ne peut pas faire pour les provinces flamandes ce qu’elle ne ferait pas pour la province où on parle allemand.

M. Dubus. - Un honorable préopinant (M. de Nef) a paru supposer que M. Andries a combattu la suppression du mot « chevaux » de l’article qui nous occupe. Mais non ; M. Andries a considéré la question comme jugée par le vote émis sur l’article 2 d’où on a retranché le mot « chevaux. » En effet, puisqu’on l’a retranché de l’article 2, il faut aussi le retrancher de l’article 3.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois avoir compris le but de l’observation de l’honorable M. Andries. Il a voulu établir la nécessité d’user du paragraphe de la loi générale qu’il a citée, c’est-à-dire d’exiger une justification pour les chevaux envoyés en pâturages ou au travail au-delà de la frontière, de la même manière qu’on l’exige pour le bétail ; j’ai tenu note de cette observation pour la mettre à profit, si cela était reconnu nécessaire.


M. le président. - La section centrale avait proposé au premier paragraphe de l’article 3 l’addition des mots « sans frais » ; le ministre s’y est rallié.

Au paragraphe 3 proposé par le ministre des finances, M. Andries propose un sous-amendement qui est ainsi conçu :

« La rédaction de ces inventaires se fera en langue flamande si l’intéressé l’exige. »

- Ce sous-amendement est mis aux voix et adopté.

Il formera le paragraphe 4 de l’article.


M. le président met aux voix le paragraphe 3 proposé par le ministre des finances.

- Il est adopté.


L’article ainsi amendé est également adopté.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1836

Dépôt

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour une communication du gouvernement.

(Moniteur belge n°342, du 8 décembre 1835) Messieurs, en vous présentant le budget des dépenses de l’exercice qui va s’ouvrir, j’ai eu la satisfaction de vous annoncer, au nom du gouvernement, que celui des recettes ne comprendrait pas de nouvelles surtaxes, et qu’il offrirait même quelques améliorations aux lois qui régissent actuellement les impôts.

La loi que j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui justifie cette double assertion : elle assure l’équilibre des recettes et des dépenses sans accroissement de charges, et contient des améliorations utiles sur le droit qui frappe les chevaux d’un usage mixte, sur les distilleries, et enfin sur le timbre des pièces et actes qui se rapportent à l’administration des caisses d’épargnes.

Des contestations s’élèvent chaque jour dans l’application de la loi sur la contribution personnelle, en ce qui concerne les chevaux destinés à un double usage.

Pour que la taxe modérée de 7 florins fût applicable, une décision du 20 mai 1825 exigeait que ces chevaux ne servissent qu’au travail de professions ou métiers dont l’exercice immédiat ne peut convenablement se faire sans leur emploi ; la même décision portait que les chevaux de médecins, de chirurgiens, de procureurs, d’agents d’affaires ou de commis-voyageurs, n’entreraient point dans cette catégorie, attendu que, pour l’exercice de ces professions, les chevaux ne sont pas indispensables, et le principe d’après lequel ils sont actuellement soumis à la taxe de 42 fr. 24 c. (20 florins), a été confirmé par plusieurs arrêts de la cour d’appel. Cependant beaucoup de contribuables n’ont cessé d’adresser des réclamations et des plaintes contre ce droit élevé, qu’ils prétendaient illégal.

Sans approfondir cette dernière question, le gouvernement a pensé qu’il était peu équitable d’imposer à la taxe de 42 fr. 24 c. les chevaux des médecins, chirurgiens, commis voyageurs, etc., en les assimilant ainsi à ceux qui ne sont tenus que par luxe ou agrément.

Il lui a également paru convenable de ne soumettre qu’à un droit plus modéré les chevaux employés pour le service de la garde civique, et servant en même temps à la selle ou à des voitures suspendues ; mais dans tous ces cas, à l’exception de ce qui concerne les fabricants et les cultivateurs, il lui a semblé juste de ne faire jouir le même contribuable de la taxe modérée que pour un seul cheval.

Il importait aussi de remédier à l’abus que font certains contribuables des dispositions favorables de la loi et afin que son véritable esprit ne pût être éludé dans l’application, la disposition proposée exige, pour qu’il y ait lieu à imposer le droit réduit à 15 francs, que les chevaux soient « principalement » employés à l’exercice de la profession qui motive la modération de la taxe, et en outre, à l’égard du cultivateur, que celui-ci trouve dans l’agriculture son principal moyen d’existence.

Enfin, pour aplanir de grandes difficultés, et pour éviter le retour de nombreux procès, le gouvernement a pensé qu’il convenait de déférer à la députation permanente la décision de toutes les contestations qui pourraient s’élever sur la véritable destination des chevaux. Cette députation sera éclairée par l’avis de la commission, instituée par l’article 58 de la loi sur la contribution personnelle, commission dans laquelle sont convenablement représentés les intérêts du trésor et ceux des contribuables. La décision de la députation sera ainsi basée sur les meilleurs éléments possibles de justice et d’équité.


Depuis longtemps, messieurs, une lacune dont on ne se fait pas faute d’abuser a été signalée dans la loi actuelle des distilleries. Il s’agit de l’exemption de taxe, dont prétendent jouir les distillateurs, sur les vaisseaux destinés à la distillation proprement dite, mais dont la plupart servent néanmoins à la fermentation des matières. Les facilités, peut-être trop larges, qui ont été accordées par la nouvelle loi des distilleries, les pertes qu’elle occasionne annuellement au trésor et l’abus certain qui se fait des vaisseaux exemptés de l’impôt, tout fait un devoir au gouvernement de remédier sans retard à cet état de choses en frappant du droit ces divers ustensiles.

L’article 3 du projet de loi dont j’ai l’honneur de vous exposer les motifs a d’abord ce but. Il paralysera ainsi un moyen trop facile de frauder l’impôt. Il contient en outre une disposition qui porte la quotité de l’accise, en principal, à 30 centimes au lieu de 22. Cette majoration reconnue facile, surtout si vous rendez passibles du droit les vaisseaux qui servent aujourd’hui à la fraude, sera accueillie par l’opinion générale, qui n'a pas tardé à se prononcer contre le taux trop faible de l’impôt actuel.

Néanmoins la position relativement défavorable des petites distilleries, position qui est signalée à la sollicitude du gouvernement par la plupart des gouverneurs de province et par les fonctionnaires supérieurs de l’administration des finances, se trouverait empirée encore par ces dispositions nouvelles, si l’on n’y pourvoyait en même temps. C’est cette considération, messieurs, qui a porté le gouvernement à proposer de faire jouir les distilleries n’ayant qu’un seul alambic d’une capacité inférieure à 5 hectolitres, d’une déduction de 10 p. c. sur la quotité du droit.


L’article 4 du même projet consacre une exemption que n’a pu établir la loi du 13 brumaire an VII, à l’égard du timbre et de l’enregistrement des registres et autres pièces concernant l’administration des caisses d’épargnes.

Cette disposition libérale n’a pas besoin de justification. Le but philanthropique des caisses d’épargnes doit être encouragé par tout gouvernement qui a pour mobile le bien-être général et la morale publique.


Les évaluations des recettes à opérer en 1836 ont été généralement établies d’après le chiffre des recettes effectives des deux derniers mois de 1834, et des dix premiers mois de 1835.

En ce qui concerne les contributions directes, ces évaluations diffèrent de celles de l’année courante pour la contribution personnelle dont les rôles comportent une majoration successive, ce qui dénote aussi un accroissement successif d’aisance et de prospérité ; elles diffèrent aussi en plus pour les patentes, dont le nombre et le produit se ressentent favorablement de l’activité et de du commerce.

Les produits de la douane sont restés à peu près dans les mêmes proportions que celles prévues au dernier budget. Ils sont présentés pour le même chiffre, mais il y a lieu d’espérer que l’influence de la nouvelle organisation du personnel réagira favorablement sur les rentrées par une répression plus efficace de la fraude.

Les accises présentent un chiffre supérieur de plus de 900 mille francs, à celui de l’an dernier. Dans cet excédant, les vins étrangers figurent pour 200,000, les bières pour 250,000, les sucres pour 50,000, les genièvres indigènes pour 500,000$ tandis que les eaux-de-vie étrangères sont réduites de 100,000 francs.

Les droits d’enregistrement et de timbre sont évalués moins haut que précédemment. Cette réduction dans les prévisions est motivée sur ce que les recettes données par l’enregistrement et le timbrage des titres nouvels ne s’effectueront plus d’ici à longtemps, et que les ventes des domaines de la société générale pour favoriser l’industrie nationale, qui avaient élevé très haut les recettes en 1333 et 1834, ne se sont pas continuées en 1855 et ne doivent plus être comprises d’une manière notable dans les éléments des évaluations de 1836.

Un article nouveau figure à l’état des recettes pour une somme de 500,000 francs, c’est la rentrée présumée en numéraire du prix de vente des domaines aliénés par le syndicat d’amortissement. Bien que la loi que vous avez portée sur les los-renten ne soit point encore votée par le sénat, le gouvernement n’a pas hésité à en comprendre les résultats au budget, parce qu’il a la confiance que cette branche de la législature ne refusera pas son concours à cette mesure.

Le remboursement des avances faites à la masse des corps militaires ne figure plus à ce budget que pour 600,000 fr. au lieu de 1,500,000 fr., M. le ministre de la guerre ayant fait connaître que la situation de la dette des corps et l’absence d’un grand nombre de miliciens, par congé temporaire, ne permettaient pas d’espérer en 1836 une plus forte rentrée.

Cette somme est d’ailleurs comprise au chapitre du trésor public, au lieu de l’être à celui de l’enregistrement, afin les frais de recouvrement occasionnés par l’intervention inutile, en ce cas, des receveurs du domaine.

Un article qui mérite toute votre attention, autant par son importance effective que par les débats qu’il a déjà soulevées et qu’il paraît devoir susciter encore, n’est porté au tableau général des recettes que pour mémoire ; c’est celui qui relate les intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier général.

Le ministère précédent, mû par l’intention louable de faire jouir immédiatement l’état des avantages d’un capital énorme, contesté et improductif jusqu’alors, a conclu, le 8 novembre 1833, avec la direction de la société générale pour favoriser l’industrie nationale, une convention qui vous a été communiquée.

Cette convention, sur laquelle la chambre ne s’est pas prononcée encore, mais qui, par sa nature, a dû faire l’objet d’un examen sévère de la commission chargée par elle de procéder à une enquête sur la situation de la société générale envers le trésor, n’a point été approuvée par cette commission, qui a conclu, dans le rapport qu’elle vous a fait récemment, à l’annulation de cet acte.

Sans vouloir s’expliquer ici sur cette grave question, qui a encore besoin d’être éclairée par la discussion, le gouvernement a dû prudemment ne pas comprendre parmi les ressources certaines destinées à faire face au service de l’année un revenu sujet à une contestation aussi formelle ; mais il a dû néanmoins faire figurer l’article pour mémoire, afin de donner ouverture aux débats qui doivent amener une solution sur ce point important.

D’autres points litigieux entre le gouvernement et la société générale étant déférés au pouvoir judiciaire, je m’abstiendrai d’en entretenir l’assemblée.

Suivant le désir manifesté dans cette enceinte, l’état général des recettes est accompagné de divers états de développements qui pourront en éclairer la discussion.

A l’exception de ce qui concerne les produits de la douane, qui sont divisés par droits d’entrée, de sortie et de transit, on n’a pas cru devoir introduire plus de détails dans la loi même.

On sentira facilement qu’en subdivisant à l’infini des prévisions toutes éventuelles, non seulement on susciterait des discussions interminables et même dangereuses pour le recouvrement des impôts, mais on finirait par ne donner que des chiffres inexacts.

Dans une autre occasion, messieurs, j’ai eu l’honneur de vous dire que des projets sur le régime financier du pays étaient prêts à vous être soumis ; et en effet, une loi répressive de la fraude, destinée à répondre à l’un des vœux de l’industrie cotonnière, ainsi qu’une loi sur le sel (dont les occupations multipliées des membres de la commission de révision des impôts n’ont pas permis d’achever l’examen, bien qu’ils en aient arrêté les principes et même les dispositions les plus essentielles), vous seront présentées dès que vos travaux les plus urgents vous laisseront le moment d’en entreprendre la discussion.

Je terminerai, messieurs, en vous faisant connaître que le recouvrement des impôts a continué à s’opérer avec une extrême facilité, et sans occasionner de plaintes, ni contre les administrations chargées de les percevoir, ni contre les lois elles-mêmes. Cet état de choses indique que le gouvernement et les chambres agissent sagement en ne procédant à la réforme financière que par des améliorations successives, et que l’on doit persévérer dans cette marche, si l’on veut parvenir, sans secousse fâcheuse, à approprier nos lois aux exigences fondées des contribuables et aux besoins réels du trésor.

(Moniteur belge n°338, du 4 décembre 1835) - M. le ministre, après en avoir exposé les motifs, dépose sur le bureau le projet de budget des voies et moyens.

- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet de loi qu’il vient de déposer. Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.

M. le président. - La chambre entend-elle renvoyer ce projet à une commission ou aux sections ?

- Plusieurs membres. - Aux sections ! aux sections !

M. Dubus. - Je désirerais savoir si ce projet pourra être imprimé ce soir et distribué demain matin. C’est une chose très urgente ; on pourrait convoquer les sections pour demain et exécuter la résolution prise antérieurement par la chambre de suspendre les séances publiques pour avancer le travail des sections. Nous n’avons rien dont il soit plus urgent de nous occuper que le budget, si nous voulons l’examiner avec quelque maturité.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je reconnais avec l’honorable M. Dubus l’urgence de l’examen du budget, mais je lui ferai observer que l’impression du budget et des pièces qui l’accompagnent ne pourra être terminée que demain, et la distribution ne pourra être faite que demain soir. Il y a parmi les pièces quelques tableaux, et chacun sait que l’impression de ces tableaux demande un peu plus de temps que les impressions ordinaires.

On pourrait, au lieu de demain, s’occuper après-demain du budget des voies et moyens dans les sections.

M. Dubus. - J’avais proposé de se livrer demain à l’examen du budget dans les sections et de ne pas avoir de séance publique. D’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, qu’il y aurait difficulté à imprimer le projet et les pièces pour ce soir, dans ce cas je me rallierai à la proposition de M. le ministre de consacrer la journée d’après-demain à l’examen du budget. Cependant, s’il y avait possibilité de hâter l’impression de manière à distribuer le projet demain matin, je persisterais dans ma proposition.

M. le président. - Il y a plusieurs tableaux qui ne sont pas encore déposés. Il me paraît impossible que l’impression de toutes ces pièces soit terminée pour demain matin.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sont des tableaux de développements que je n’ai pas encore déposés ; mais on les copie en ce moment, ils vont être déposés. Ils ne sont toutefois de nature à retarder l’impression, car le tableau général est joint à la lettre si on voulait en commencer l’examen sans les autres tableaux qui n’en sont que la subdivision, l’impression pourrait être terminée ce soir, et la distribution avoir lieu dans la matinée de demain.

M. Dubus. - D’après les nouvelles explications données par M. le ministre des finances, et une distribution suffisante pour commencer l’examen de la loi pouvant avoir lieu demain matin, je persiste dans ma proposition.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que l’honorable M. Dubus suppose que la loi actuelle serait terminée aujourd’hui. Sans cela, nous devrions interrompre la discussion de cette loi ; ce qui, je crois, n’est pas dans son intention.

M. Dubus. - Sans doute.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans ce cas, nous pouvons attendre la fin de la séance pour nous prononcer sur sa proposition. (Oui ! oui !)

Projet de loi relatif aux droits sur les bestiaux

Discussion des articles

M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour un fait personnel. (Réclamations.)

D’après le règlement j’en ai le droit, et je désire en user.

M. le président. - La parole est à M. Eloy de Burdinne.

M. Eloy de Burdinne. - Dans la séance de mercredi, l’honorable. M. Smits vous a dit que dans ma réfutation, lui adressée il y a trois ou quatre jours, je n’avais prouvé qu’une chose, c’est que je n’étais pas Turc ; eh bien, je demanderai à M. Smits, qui tient tant à ce que la décence parlementaire soit observée, s’il ne s’en est pas écarté dans la séance d’hier.

Je dirai de plus que le reproche qu’il a adressé à quelques-uns de nos collègues, de l’avoir maltraité en son absence, eh bien, je le lui renvoie ce reproche ; il a commis la même faute qu’il reproche aux autres. Je crois avec l’honorable M. Smits qu’il est peu loyal de répondre à un adversaire au moment où il n’est pas présent, et cela après trois ou quatre jours d’intervalle.

Au surplus, je sais toujours pardonner les paroles acerbes qui pourraient m’être adressées par mes adversaires ; et j’attribue la petite incartade de l’honorable membre, à qui je réponds, à la chaleur d’une improvisation faite à loisir.

Article 4

M. le président. - « Art. 4 (du projet). Les possesseurs ou détenteurs préindiqués sont soumis en tout temps au recensement, à la visite et à la justification de leurs bestiaux.

« Néanmoins, le recensement dans les étables ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu ou de l’un de ses chefs. »

Plusieurs amendements sont proposés.

M. Andries propose d’effacer les mots : « en tout temps. »

M. de Longrée propose l’amendement suivant :

« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués, gravement soupçonnés de receler dans leurs étables des bestiaux non déclarés, seront soumis à la visite des employés de la douane.

« Néanmoins, ces visites ne pourront s’effectuer qu’après le lever et avant le coucher du soleil, et en présence d’un membre de l’administration communale, ou d’un agent public commis par elle à cet effet, et aux risques des employés qui le feront, qui seront spécialement responsables des pertes et dommages qu’ils pourraient occasionner, par les visites, aux habitants. »

M. Andries. - Je crois que M. le ministre des finances proposera un amendement qui rendra l’article plus clair ; en conséquence je retire ma proposition.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’article 4 a soulevé des discussions, parce qu’on a supposé que les mots « en tout temps, » voulaient dire que la visite pourrait avoir lieu la nuit comme le jour, tandis que la visite ne pourra jamais avoir lieu que pendant le jour. Pour lever tout doute, je proposerai de modifier l’article et de dire : « Les possesseurs ou détenteurs préindiqués sont soumis, entre le lever et le coucher du soleil, au recensement, etc. »

J’attendrai que M. de Longrée ait développé son amendement pour faire mes observations.

M. de Longrée. - D’après l’observation et l’amendement de M. le ministre des finances, je retire la première partie de ma proposition. Quant à la seconde je la crois utile en ce que, les employés étant accompagnés d’un membre de l’administration communale pour faire leurs visites, les contribuables n’auront aucune vexation à craindre, et que si les employés s’en permettaient, ce membre de l’administration communale serait là pour les constater.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si j’ai bien compris M. de Longrée, il ne maintient pas au premier paragraphe les mots « gravement soupçonnés. » Il se borne à exiger que les visites par les employés ne puissent se faire qu’avec l’intervention de l’administration locale.

Si cette proposition était adoptée, souvent les employés se trouveraient dans l’impossibilité de faire des visites. On sait que les membres des administrations communales, dans des circonstances semblables, se mettent volontiers de côté, qu’ils n’aiment pas aider à faire des procès-verbaux pour constater la fraude chez leurs administrés. Les membres de l’administration communale, qu’on ira chercher, feront dire qu’ils ne sont pas chez eux, et la visite deviendra impossible.

Je ferai observer que les employés de l’administration ne peuvent faire de visite que sous la surveillance de leur chef. Je sais que ce chef pourra souvent n’être qu’un brigadier et même un employé de première classe. Mais la visite se faisant en plein jour, elle ne peut prêter à aucun inconvénient. Ensuite, il ne s’agit pas d’une visite ordinaire pour rechercher des marchandises, il ne sera jamais question de fouiller les armoires, de visiter les chambres, les étages, les greniers, mais seulement les étables.

M. de Longrée. - M. le ministre vient de dire que si on adoptait mon amendement, toutes les visites deviendraient impossibles. Je lui répondrai que, dans toutes les visites que les employés des douanes ont été autorises à faire, toujours on a exigé qu’ils fussent accompagnés d’un membre de l’administration locale, afin de prévenir les vexations auxquelles les employés se livrent assez facilement. Ce serait d’ailleurs pour les détenteurs de bestiaux une garantie de la véracité des procès-verbaux, et cette garantie on doit la leur donner.

M. Jullien. - Je prie la chambre de remarquer que ces visites et formalités fiscales ne s’appliquent pas seulement aux cultivateurs qui élèvent des bestiaux et en font le commerce, mais qu’elles s’appliquent aussi à tous les habitants qui demeureront à la campagne et dans le rayon de la douane. Il est presque impossible de trouver dans les campagnes, même parmi ceux qui mènent la vie de château, quelqu’un qui n’ait pas une ou deux vaches, quelques bestiaux, ne fût-ce que pour l’usage de la maison. C’est-à-dire que tout le monde en général ou tout au moins le tiers de la population du royaume, vu l’étendue des frontières et la profondeur du rayon, sera soumis à toutes ces recherches que je crois pouvoir appeler des vexations.

Il faut donc, dans toutes les mesures que vous croirez devoir adapter, faire en sorte de les rendre les moins dures possible pour ceux qui ont le malheur d’habiter le rayon prohibé.

Cet article, d’ailleurs, ne me paraît pas clair ; je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien me donner quelques explications.

« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués… » « Préindiqués, » ce mot est drôle. On aurait pu en prendre un autre. (On rit.)

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si vous voulez nous en donner un autre, nous le prendrons.

M. Jullien. - Je vous en donnerai un autre tout à l’heure ; je ne suis pas prêt. (On rit de nouveau.)

« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués sont soumis en tout temps au recensement, à la visite et à la justification de leurs bestiaux. »

On a déclaré que « en tout temps» cela signifiait entre le lever et le coucher du soleil, et non pendant le jour et la nuit.

De sorte qu’on n’a pas à craindre de visites nocturnes.

Mais quand on se présentera pour demander la justification (encore un mot singulier), comment cette justification devra-t-elle être faite ? Dans la séance d’hier, j’ai dit au ministre que la plupart des cultivateurs n’avaient pas leurs bestiaux chez eux, qu’ils les avaient dans des pâturages, à une et deux lieues de l’habitation et de la commune ; comment, je vous le demande, ce cultivateur pourra-t-il faire la justification de ses bestiaux aux employés ? Il ne pourra justifier que de ce qui se trouve dans ses étables, dans sa demeure ; sans cela, il devrait conduira les employés à une ou deux lieues, et quelquefois plus pour faire cette justification.

Je prie M. le ministre de nous dire ce qu’il entend par cette justification ; s’il entend seulement la justification de ce qui se trouvera à la ferme du cultivateur, ou la justification de tous les bestiaux qu’il possède.

La seconde partie de l’article me paraît aussi avoir besoin d’une explication, que je prie M. le ministre de vouloir bien donner à la chambre.

Vous venez de voir que les employés peuvent se présenter en tout temps chez l’habitant du rayon, pour procéder au recensement, à la visite et à la justification de ses bestiaux ; et vous voyez ensuite, que néanmoins, c’est-à-dire, par une disposition restrictive, le recensement ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu.

Mais si vous pouvez venir à toute heure pour la visite et la justification, qu’est-ce que vous entendez par ce recensement qui ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu ?

Quelle est la différence que vous faites entre le recensement et la justification ? Voilà une explication que je prie M. le ministre de donner et qui doit être claire, parce que, dans les lois fiscales, la moindre obscurité cause de grands préjudices aux contribuables, donne lieu à une multitude de procès-verbaux et de procès sans fin qui ruinent ceux qui y sont exposés.

L’explication du ministre servira au moins à interpréter cet article, si on ne juge pas à propos d’en changer la rédaction.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il me sera très facile de répondre à l’honorable M. Jullien. Je le renverrai à l’article 7 ; et là il verra ce que c’est que la justification légale et de quelle manière elle doit s’établir.

« La justification de l’existence légale, porte l’article 7, dans le rayon des douanes prémentionné, quant aux bestiaux trouvés dans les pâturages, ou en circulation hors du territoire de la commune où ils sont déclarés, devra se faire (je lis avec les modifications qui résultent de l’amendement adopté à. l’art. 3) conformément aux dispositions des articles 3 et 6 ou par exhibition d’acquits de paiement.

« La justification des bestiaux trouvés dans les écuries ou étables, ou en circulation dans la commune même où ils sont déclarés, s’établira par la confrontation des indications portées à l’inventaire ci-dessus mentionné et par l’identité du bétail. »

Vous voyez donc que la justification légale se fait quand les bestiaux sont dans les pâturages et quand ils sont dans les étables. Il ne peut y avoir sous ce rapport aucune espèce de doute.

M. Jullien vous a demandé encore la différence qu’il y avait entre le recensement et la justification.

Le recensement dans les étables, c’est l’opération qui consiste à comparer le bétail trouvé dans les étables avec celui indiqué dans l’inventaire. Cela me paraît fort clair.

Du reste, M. le président, dans l’article 4 comme dans les autres articles où il sera question de chevaux, il est convenu qu’on supprimera ce qui les concerne, puisque nous les exemptons de la police des douanes mise en vigueur pour le bétail.

M. A. Rodenbach. - M. le ministre des finances vient de dire qu’on exemptait les chevaux des formalités établies pour le bétail, et que par conséquent on supprimerait dans les dispositions réglementaires tout ce qui concerne les chevaux.

L’amendement de l’honorable député de Malines fixant à 13 fr. le droit sur les chevaux a été adopté, c’est vrai ; mais il y avait un autre amendement que j’avais proposé, qui portait ce droit à 25 fr. et qui n’a été rejeté qu’à une seule voix de majorité. Il serait possible qu’au second vote cet amendement fût adopté. Alors il faudrait bien rétablir dans la loi les mesures qu’on supprime par anticipation. Car si on ne prenait pas des mesures contre la fraude, on ne percevrait rien des 25 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il arriverait alors ce qui arrive dans toutes les lois où deux systèmes sont en présence. Nous avons adopté pour les chevaux un droit très bas ; par suite, nous n’avons pas cru devoir prendre des mesures contre la fraude des chevaux, parce que ce droit n’était pas assez élevé pour offrir un appât au fraudeur. Si au second vote on élevait le droit assez pour faire craindre la fraude, alors nécessairement nous devrions modifier les dispositions relatives à la police de la douane, quant aux chevaux, comme conséquence nécessaire.

M. Jullien. - Le ministre des finances a raison de dire qu’en fait d’interprétation de loi, on peut se référer d’un article à un autre, parce que les articles d’une loi s’interprètent les uns par les autres. Il me renvoie à l’article 7 pour m’expliquer ce que l’article 4 a d’obscur. Mais quand je lis l’article 7, je ne le trouve pas plus clair que l’article 4. Si je ne le comprends pas, je vous demande comment le comprendront les cultivateurs. A chaque instant du jour ils seront exposés à des procès.

Je vous avoue que je ne comprends pas cet article ; j’aurais besoin d’explications.

Vous avez vu qu’on doit faire les inventaires avec un signalement ; par conséquent, un inventaire fait avec tant de scrupule que l’on y ajoutera le signalement de chaque mouton, sera une opération fort longue.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a déjà répliqué à cela.

M. Jullien. - On a dit, je crois, que le signalement se fait par les dents !...

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est par le nombre des moutons.

M. Jullien. - Si l’on ne connaît les moutons qu’aux dents, il faudra des dentistes de moutons. (Hilarité générale.)

Indépendamment de la longueur de l’opération pour procéder à la reconnaissance du bétail, il y a encore une chose sur laquelle j’ai besoin d’éclaircissements.

Je suppose qu’un employé vienne chez un fermier pour faire la justification des bestiaux ; comment se fera-t-elle ? Est-ce en présentant un acquit à caution, un acquit de pacage... J’ai dit hier que l’on pouvait ne pas trouver le bétail, parce qu’il serait dans les herbages pendant la belle saison, ou chez le distillateur pendant l’hiver ; alors, comment représenter le bétail inventorié ? De plus, le paysan ne connaît pas tous les documents qu’on exige. Si vous n’évitez pas les moyens de vexation de la part du fisc, je plains sincèrement les cultivateurs et les habitants du royaume qui sont dans le rayon. Je vous conjure de faire attention à la manière dont cet article sera rédigé, car c’est une mine de procès.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je désirerais que M. Jullien citât les paragraphes de l’article tels qu’ils sont effectivement ; il a confondu deux paragraphes l’un avec l’autre. Comment, dit M. Jullien, voulez-vous qu’un propriétaire chez lequel on voudra opérer un recensement soit tenu chaque fois à présenter des acquits à caution, etc. ?

Ce n’est pas cela qu’on demandera, on se bornera dans ce cas à la confrontation du bétail qui est indiqué sur l’inventaire avec celui qui est dans l’étable.

Quant aux animaux que l’on rencontre voyageant, leur justification se fera soit en présentant l’acquit de paiement du droit d’importation, soit par les moyens de justification prescrits par les articles 3 et 6, et a l’égard desquels il ne peut y avoir d’équivoque.

Je crois qu’on se fait une fausse idée du service des employés de la douane si l’on croit qu’ils ne sont occupés qu’à imaginer des contraventions ; ils ont bien d’autres occupations que celle de tourmenter les habitants ; l’administration supérieure ne permettrait d’ailleurs pas ces tracasseries, et elle renverrait des employés qui croiraient rien de mieux à faire.

Le gouvernement est intéressé à ce que les citoyens ne soient pas vexés.

Quant aux dentistes de moutons dont on a parlé, il est facile de voir que l’objection que l’on a fondée là-dessus n’a aucune réalité ; il suffit de voir qu’il existe tant de moutons dans une étable, on ne constatera pas autrement l’identité.

- L’amendement mis aux voix n’est pas adopté.


L’article 4, modifie ainsi qu’il suit, est mis aux voix :

« Les possesseurs ou détenteurs préindiqués sont soumis, après le lever du soleil et avant son coucher, au recensement, à la visite et à la justification de leurs chevaux et bestiaux.

« Néanmoins, le recensement dans les étables ne pourra avoir lieu que sur l’autorisation de l’employé supérieur du lieu ou de l’un de ses chefs. »

- Cet article est adopté.

Article 5

M. le président. - Voici l’article 5 :

« Les mêmes possesseurs ou détenteurs sont tenus de faire, au bureau de l’administration où existe leur compte courant, déclaration de chaque mutation qui surviendrait dans l’état de leurs bestiaux, soit par suite de vente, cession, abattage ou transferts, soit à chaque nouvelle entrée, par acquisitions, accroissement ou autrement, afin qu’il en soit fait inscription en charge ou en décharge audit compte ; à défaut de cette déclaration, ils seront punis d’une amende égale au double droit d’entrée par tête de bétail manquant, dont la déclaration n’aurait pas été faite, et de la confiscation bu bétail trouvé en plus, conformément à l’article 7 ci-après.

M. le président. - MM. Andries et de Longrée ont présente des amendements a cet article.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai plusieurs modifications à proposer à cet article, et je crois qu’elles pourront satisfaire les honorables membres.

Après ces mots : « Les mêmes possesseurs ou détenteurs sont tenus de faire au bureau de l’administration où existe leur compte courant, » je propose de mettre ceux-ci : « ou deux délégués que l’administration pourra établir à cet effet, là où l’intérêt des cultivateurs l’exigerait. »

Dans la première discussion on a objecté qu’il y aurait un très grand inconvénient à faire aller le cultivateur à de grandes distances de l’endroit où il habite ; pour éviter ces inconvénients, je laisse à l’administration le droit de déléguer une personne qui aura sa confiance, un magistrat municipal, par exemple, pour recevoir la déclaration.

L’article exige que les possesseurs ou détenteurs fassent une déclaration dans le cas de mutation, soit par suite de vente, d’abattage, etc. ; nous proposons de mettre cette disposition : « le cas de naissance excepté. »

En exceptant les naissances, je fais droit à une observation présentée par l’honorable M. Jullien qui a dans une autre séance suppose le cas où un cultivateur, revenant de faire la déclaration de la naissance d’un veau, rencontrerait un messager qu’on aurait dû lui envoyer pour lui annoncer que le pauvre veau serait mort (on rit), et qu’il devrait retourner au bureau. C’était là un inconvénient ; nous l’évitons par l’amendement. Il n’est pas nécessaire de constater la naissance, soit pour les veaux, soit pour les agneaux, parce qu’en faisant le recensement ordinaire quelques semaines après ces naissances, on reconnaîtra bien l’âge du veau ou de l’agneau.

Dans l’article, il y a ensuite : « A défaut de cette déclaration, ils seront punis d’une amende double du droit d’entrée. »

Ici nous demandons que l’on change la pénalité. Dans le projet, l’amende est double du droit proposé par tête ; mais la perception du droit ayant été changée, et devant se faire au poids, il faut modifier la désignation de la formalité. Je propose en conséquence les amendes suivantes :

« 80 fr. par boeuf, vache et taureau ;

« 40 fr. par génisse, bouvillon et taurillon ;

« 10 fr. par veau et mouton. »

M. Dubus. - Pour faire droit à l’observation de l’honorable M. Demonceau qui me paraît juste, je propose de substituer à ma première rédaction celle-ci :

« Au moment où les employés l’ont reconnu. »

Je ne dis pas « constaté, » parce que cela signifierait que le procès-verbal a été dressé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart) déclare se rallier la modification proposée par M. Dubus.

- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix et adopté.

L’article 5 est également mis aux voix et adopté.

Article 6

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 6 :

« Le bétail ne pourra circuler dans le territoire du rayon prémentionné, ni être envoyé en pacage, en pâturage ou aux marchés dudit rayon, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, non plus que de l’intérieur dans le rayon, sans être accompagné d’un acquit à caution.

« Il est fait exception à cette disposition pour les chevaux et les bestiaux que les possesseurs ou détenteurs enverraient au pâturage ou aux marchés dans l’étendue seulement de la commune à laquelle se rapporte leur compte courant, sans être tenus à la formalité de l’acquit-à-caution, pour autant que le signalement desdits chevaux et bestiaux soit reconnu conforme à celui constaté dans l’inventaire dont le conducteur du bétail devra être porteur pour l’exhiber à toute réquisition des employés, et que du reste l’identité desdits chevaux et bestiaux soit dûment reconnue.

« A défaut de reproduction de l’acquit à caution dûment déchargé dans le délai fixé, celui qui a levé ce document, ou sa caution, sera tenu au paiement d’une amende égale à la moitié du droit d’entrée. »

M. Andries. - Je trouve que les dispositions présentées par M. le ministre des finances sont meilleures que celles que j’ai proposées.

Je demanderai seulement une explication. Le cultivateur qui a vendu une pièce de bétail, vient en faire la déclaration au bureau ; est-ce qu’il devra payer pour cette déclaration ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, la déclaration sera reçue sans frais.

M. Andries. - Qui est-ce qui est chargé de noter cette déclaration et d’en faire mention sur l’inventaire ? Si le cultivateur portait toujours le même inventaire, il serait en contravention ; il faut que le receveur ou son délégué soit chargé de constater la mutation sur l’inventaire.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Naturellement.

M. Andries. - Je retire mon amendement.

M. de Longrée. - D’après l’explication donnée par M. le ministre des finances, je retire mon amendement.

M. Pirson. - J’ai présenté un amendement, et il devient inutile par suite de la proposition du ministre, à laquelle je me rallie. Toutefois, je lui demanderai pourquoi il veut étendre une amende aussi considérable, quand une tête de bétail manque. On ne doit pas présumer la fraude, puisque l’animal peut circuler ; c’est quand il y a une tête de bétail de plus qu’on peut la présumer. Mettez quatre-vingts francs d’amende quand il y a une tête de plus ; mais quand il y en a une de moins, c’est qu’elle est en circulation, et elle a droit de circuler.

M. d'Hoffschmidt. - Ou bien c’est qu’elle a été mangée ; car elle a droit aussi d’être mangée. (On rit.)

M. Pirson. - Distinguez les deux cas et ne punissez que la fraude.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai d’abord à l’honorable M. Andries que les cultivateurs n’auront à supporter aucuns frais lorsqu’il faudra faire des changements à leur inventaire : la rédaction de l’article indique suffisamment que ces changements doivent se faire par les personnes chargées de tenir les registres et non par les déclarants.

L’honorable M. Pirson ne voudrait pas que l’amende fût appliquée pour le cas ou une tête de bétail manque, cependant il y a préconisation de fraude dans cette circonstance. Je suppose qu’un cultivateur, habitant du rayon, ait vendu une pièce de bétail ; il la livre sans qu’on s’en aperçoive ; et il parvient ensuite à introduire dans son troupeau, la nuit ou autrement, un animal semblable, venant de l’étranger ; il a donc fraudé, et il faut bien éviter cette fraude en comminant une punition.

Il y a lieu de faire observer au surplus que les pénalités que nous porterons dans la loi ne seront pas absolues ; et l’administration ayant le droit de faire des transactions, selon la loi générale, de laquelle nous ne dérogeons pas, usera de ce droit comme elle le fait déjà aujourd’hui pour tempérer la rigueur des pénalités.

M. Jullien. - La dispense de déclarer les naissances est une amélioration dans la loi ; le détenteur de bestiaux aura bien assez de besogne quand il lui faudra déclarer aux agents de l’administration les ventes qu’il fera. Cette besogne sera telle qu’elle déterminera plus d’un cultivateur à renoncer au commerce des bestiaux.

Quoi qu’il en soit, j’ai une autre observation à faire ; il y a une lacune qu’il faut combler. On dit que le cultivateur doit faire une déclaration ; mais de quelle manière sera-t-elle faite ?

Sera-ce une déclaration verbale ou une déclaration par écrit ?

En thèse générale, quand on demande une déclaration au cultivateur, on la lui demande par écrit, parce qu’alors c’est un titre. Cependant, si vous ne l’assujettissez pas à une semblable déclaration, et si vous vous contentez d’une déclaration verbale, qu’arrivera-t-il ? c’est que cette déclaration verbale sera inscrite par l’employé comme il la comprendra. Je suppose que cette déclaration donne lieu à contestation entre le déclarant et celui qui aura reçu la déclaration, et que devant la justice le cultivateur soutienne que la déclaration n’est pas exacte ; l’inscription fera-t-elle foi ? ou ne fera-t-elle foi que jusqu’à inscription de faux ? Il faut décider cette question

Si vous exigiez une déclaration écrite, il y aurait un autre inconvénient, parce que beaucoup de détenteurs ne savent pas écrire. Je crois que vous devriez demander simplement que la déclaration fût signée ; alors il n’y aurait plus de contestation.

Si vous reconnaissez des difficultés à ce mode, il faut déterminer le caractère probant que vous voulez donner au registre des employés. Sous ce rapport, je vois encore des inconvénients. Je prie donc M. le ministre des finances de dire s’il n’y aurait pas moyen d’indiquer quelle déclaration l’administration demande.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Une déclaration verbale me parait être suffisante et ne devoir donner lieu à aucun inconvénient. Exiger une déclaration écrite, ce serait exiger une formalité des plus difficiles, et véritablement vexatoire pour les déclarants. Les inconvénients qu’a indiqués l’honorable M. Jullien sont évités par l’article 3, que la chambre a adopté.

Le deuxième paragraphe de cet article est ainsi conçu :

« Cet acte (l’inventaire) sera dressé et signé en triple expédition dont l’une sera remise à l’intéressé, la seconde au receveur susdit, qui l’inscrira en charge dans un compte courant dont la forme sera déterminée par l’administration, et la troisième restera entre les mains des employés chargés de la surveillance du rayon. »

Vous voyez donc qu’on ne peut pas fausser la déclaration, puisqu’elle est consignée dans un registre qui ne doit pas être altéré, et qui ne peut pas l’être ; car elle est dressée en triple expédition, dont une est remise à l’intéresse et une seconde aux employés de l’administration. Les inconvénients signalés par M. Jullien ne sont donc pas à craindre.

Quant à la validité de cet acte, il serait assez difficile de l’infirmer, puisqu’il peut y avoir triple confrontation.

Si les trois actes sont semblables, il ne peut pas y avoir d’autant moins lieu à contestation, que l’intéressé est porteur d’une expédition et qu’il ne manquerait pas de réclamer si, ce que l’on ne peut croire, l’agent du gouvernement s’était ménagé le plaisir d’inscrire une fausse déclaration pour prendre en fraude le particulier.

Il ne faut pas, messieurs, faire de telles suppositions ; car si elles étaient de nature à se réaliser, l’on aurait beau insérer des précautions dans la loi, s’il existait des employés assez perfides, assez dépravés pour employer de tels moyens, quelques précautions que vous prendriez dans la loi, ils parviendraient toujours à les fausser ou à les éluder.

M. Jullien. - M. le ministre des finances invoque l’art. 3 pour justifier l’art. 5. Il est bien vrai que l’art. 3 prescrit qu’il soit dressé une triple expédition de cet inventaire, et qu’une expédition de cet inventaire soit remise au détenteur ou possesseur. Mais les mêmes formalités ne sont pas prescrites dans l’art 5.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cela va de soi.

M. Jullien. - Je ne le pense pas, puisqu’il s’agit de déclaration dans l’article 3 et dans l’article 5. Si vous voulez que les formalités prescrites dans l’article 5 s’appliquent à la déclaration, il faut le dire. Il faut dire dans l’article 3 : « Une expédition de la déclaration sera remise au déclarant par le receveur, » autrement il y aura beaucoup d’inconvénients.

M. de Roo. - Je comprends l’application d’une pénalité dans l'article 5 relativement à l’augmentation du bétail. C’est là une infraction à la loi, une fraude caractérisée. Mais je ne crois pas que l’on puisse appliquer une peine à la diminution du bétail, car c’est là une chose licite ; chacun peut vendre, céder, abattre son bétail. C’est donc une véritable anomalie dans l’article 5 de la loi. Je crois qu’il faut supprimer la pénalité relativement à la diminution du bétail, et la restreindre au cas de l’augmentation du bétail.

M. le ministre, pour appuyer la partie de l’article dont je demande la suppression, a dit que, sans cette disposition, on pourrait aisément substituer d’autre bétail à celui inventorié. Mais si l’on peut substituer le bétail, à quoi donc servent l’inventaire et le signalement ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai à l’honorable M. de Roo que la partie de l’article dont il demande la suppression (la pénalité pour le cas où il y a diminution dans le bétail) est indispensable pour empêcher les substitutions. En effet, quand doit-on chercher à empêcher ces substitutions ? Au moment même où elles vont se faire, c’est-à-dire, lorsque le bétail vient d’être introduit dans l’intérieur du pays, et que celui qu’on se dispose à lui substituer n’est pas encore arrivé.

L’honorable M. Jullien croit qu’il n’est pas assez expliqué qu’il sera donné une expédition de la déclaration à celui qui vient la faire. Mais cela me paraît résulter clairement de la combinaison des articles et de la rédaction même de l’article en discussion. Dans l’article 3 il est dit que l’inventaire « sera dressé et signé en triple expédition, dont l’une sera remise à l’intéressé, la seconde au receveur qui l’inscrira en charge dans un compte-courant. »

Dans l’article en discussion, il est prescrit : « Les mêmes possesseurs ou détenteurs sont tenus de faire, au bureau de l’administration où existe leur compte-courant, déclaration de chaque mutation qui surviendrait dans l’état de leurs bestiaux, soit par suite de vente, cession, abattage ou transfert, soit à chaque nouvelle entrée ou acquisition, accroissement ou autrement, afin qu’il en soit fait inscription en charge ou en décharge audit compte. »

Mais évidemment, si l’on introduit une modification dans ce compte, il faut en modifier l’expédition primitivement donnée, pour que l’extrait demeure toujours conforme aux écritures du registre.

L’article 3 deviendrait bientôt sans effet si le propriétaire ne conservait pas toujours un inventaire exact de son bétail.

Je dis donc que les mots : « qui l’inscrira en charge dans un compte courant, » expliquent assez que la mention doit être faite sur l’expédition du propriétaire et sur le compte courant ou registre tenu.

Au reste, ces formalités, ne fussent-elles pas indiquées dans la loi, ne sauraient manquer d’être remplies dans l’exécution. L’administration devrait y pourvoir par des règlements.

Et ne croyez pas que les lois, telles que vous les votez, s’exécutent sans que l’administration soit obligée de donner des instructions à cette fin ; presque toujours des instructions dirigent les employés pour l’application des principes posés dans les lois. Quelle est la base de ces instructions ? Les discussions et les explications qui ont eu lieu dans les chambres, les motifs donnés à l’appui des dispositions adoptées.

M. Dubus. - Il me paraît que l’article tel qu’il est rédigé peut être dans beaucoup de cas appliqué injustement, et faire poursuivre comme fraude ce qui souvent ne serait pas fraude, et ne serait même pas tentative de fraude.

Si vous ne déterminez pas un délai dans lequel la déclaration devra être faite, il arrivera qu’aussitôt une mutation survenue, un employé pourra dresser procès-verbal, comme s’il y avait fraude ; si un délai est fixé, l’employé pourra constater une mutation qui n’aura pas été déclarée dans les délais. Je conviens que le défaut d’observer la prescription de la déclaration dans le délai fixé peut être considéré comme une tentative de fraude, tentative que l’on aurait complétée, en faisant entrer en fraude le bétail que l’on substituerait à celui vendu.

Mais quand la mutation vient d’avoir lieu, et que la déclaration n’est pas faite, je ne comprends pas qu’on puisse punir comme s’il y avait fraude.

Il faut accorder un temps moral pour la déclaration. Si l’on croit qu’un délai d’un jour ou deux soit convenable, qu’on admette ce délai, mais qu’on l’indique dans la loi, afin que si un employé arrive un jour où une mutation vient d’être faite, le cultivateur n’en soit pas victime, et ne soit pas puni alors qu’il n’a eu aucune pensée de fraude.

J’invite M. le ministre des finances à déclarer s’il voit des inconvénients à fixer un délai dans lequel la déclaration doit être faite. Si un délai était fixé, je crois que toute critique de l’article disparaîtrait.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois que la fixation d’un délai serait la ruine de l’article en discussion, parce qu’évidemment chaque fois que l’employé se présenterait, si, par exemple, le délai était de 24 heures, on lui dirait qu’il y a 23 heures que la mutation a eu lieu ; et l’administration ne pourrait pas exhiber preuve du contraire, tandis que pour le propriétaire, si son bétail est mort, ou s’il l’a fait abattre, il peut aisément justifier de ces faits en cas de contestation.

Si le cultivateur a vendu récemment son bétail, il lui sera encore facile d’en justifier ; et si dans de telles circonstances, les employés dressaient des procès-verbaux, il n’y serait pas donné suite, parce qu’ils s’appliqueraient à des faits dans lesquels l’administration ne pourrait voir aucune intention de fraude.

Je dis donc qu’un délai indiqué comme le voudrait M. Dubus ne doit pas être déterminé dans la loi, parce que l’administration ne pourrait pas prouver le contraire de l’allégation du propriétaire en fraude, tandis qu’il sera au contraire toujours facile au propriétaire de prouver à l’administration qu’il n’y a pas de fraude lorsque effectivement elle n’existe pas.

M. Dubus. - Je ne sais, quand on fait une loi fiscale, s’il suffit, pour répondre à la critique, de dire que l’administration fera la part des circonstances, et qu’elle serait d’une rigidité excessive si elle appliquait la loi dans un cas où il n’y aurait pas intention de fraude.

Ce que l’administration a fait, elle peut encore le faire ; or, il est certain que l’on a spéculé sur la disposition de la loi qui autorise l’administration à transiger ; on a fait des procès-verbaux pour que le contribuable « rédimât » (suivant l’expression populaire) les vexations, en transigeant. Ce que l’on a fait, on pourra le faire encore. Je ne suis pas satisfait, sous ce rapport, de la réponse de M. le ministre des finances.

J’aurais désiré qu’une amélioration fût introduite dans l’article, sans ruiner l’article ; car si on ne peut améliorer l’article sans le ruiner et sans ruiner la loi entière, je renonce à toute critique.

M. le ministre a fait une autre objection, il a dit que le cultivateur serait à même de faire la preuve que la mutation a eu lieu dans tel délai ; que l’employé n’était pas à même de faire cette preuve, et que si on fixait un délai, le cultivateur dirait toujours que la mutation est récente.

Mais je voudrais que le cultivateur ne pût pas être poursuivi, quand il fournira la preuve que cette mutation est récente.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’admets cela.

M. Dubus. - Je crois qu’une telle disposition améliorerait l’article. Mais je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien indiquer le délai qui lui paraît convenable ; c’est à lui à le fixer puisqu’il est chargé de faire exécuter la loi.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que le délai de 24 heures qui a été proposé par l’honorable M. Andries est suffisant. Il ne faut pas porter ce délai trop loin, parce que dans l’intervalle même du délai, l’on pourrait se livrer à la fraude. Ce délai est d’ailleurs d’autant plus suffisant que d’après un article déjà adopté, des délégués peuvent être établis dans les localités trop éloignées du bureau du receveur.

M. Jullien. - J’avais demandé la parole pour réclamer la fixation d’un délai. Puisque M. le ministre consent à ce qu’on adopte un délai de 24 heures, je n’ai plus d’observations à faire.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il serait nécessaire d’ajouter que le propriétaire sera tenu de constater que la mutation a eu lieu depuis moins de 24 heures. Il n’y a rien de plus facile pour le propriétaire que de constater ce fait dans tous les cas possibles. Il n’est aucun cas où le propriétaire soit embarrassé d’en administrer la preuve.

M. Andries. - Pour que cette stipulation ne soit pas vexatoire, il faut nommer un assez grand nombre de délégués, afin que le cultivateur ne soit pas obligé de parcourir une trop grande distance pour faire la déclaration.

M. Jullien. - Il est impossible d’admettre la condition que M. le ministre impose au délai de 24 heures. Il veut que le détenteur prouve qu’il a fait son acquisition dans les 24 heures...

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Permettez-moi de m’expliquer plus clairement, Je suppose que les employés se présentent chez un propriétaire. Une mutation s’est opérée dans son bétail. Il dit que cette mutation n’a été faite que depuis moins de 24 heures. Je suppose que l’employé ne croie pas cela ; il dresse son procès-verbal. Mais ce procès-verbal est sans objet immédiatement si ce propriétaire prouve que la mutation a eu lieu depuis moins de 24 heures. Cette preuve sera très facile à administrer dans tous les cas possibles ; vous sentez dès lors que les employés ne seront pas tentés de dresser inutilement des procès-verbaux puisqu’ils sauront que ces pièces seraient condamnées à tomber devant une preuve facile que donnerait le propriétaire.

M. Jullien. - M. le ministre des finances parle comme il agirait lui-même. Mais ses employés ne l’imiteront pas. Ils ont une part dans les amendes. Aussi ils sont intéressés à trouver les propriétaires en contravention et à dresser des procès-verbaux. J’attendrai l’amendement de M. Dubus pour soumettre de nouvelles observations à la chambre s’il y a lieu.

M. le président. - L’amendement de M. Dubus au dernier paragraphe de cet article est ainsi conçu :

« A défaut de cette déclaration et s’ils ne prouvent pas qu’il s’est écoulé moins de 24 heures entre la mutation non déclarée et le moment où ils ont été mis en contravention, ils seront punis, etc. »

M. Demonceau. - Il me semble qu’il faudrait dire : « et le moment où ils pourraient être mis en contravention, etc. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Du moment que la mutation n’a pas été déclarée, les propriétaires pourront être mis en contravention. Les termes de l’amendement me paraissent devoir être conservés.

L’instant où ils sont mis en contravention, c’est-à-dire le moment où il y a matière à dresser le procès-verbal.

M. Jullien. - Il résulte de cette explication qu’il y aura toujours présomption de contravention toutes les fois que l’on trouvera dans l’étable d’un cultivateur un animal non compris dans son inventaire. Quand bien même il viendrait de l’acheter au moment même, il faudra toujours que l’employé dresse un procès-verbal et que le cultivateur aille devant les tribunaux. (L’honorable M. Cornet de Grez fait un signe de dénégation). Je vous demande pardon, monsieur ; expliquez-moi comment cela ne sera pas.

M. Cornet de Grez. - Il suffira que le cultivateur donne la preuve que la mutation a eu lieu depuis moins de 24 heures pour que le procès-verbal ne soit pas dressé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Jullien ne tient aucun compte d’une observation que j’ai faite, et dont il devrait, ce me semble, reconnaître la justesse. Lorsque les employés sauront d’avance que le procès-verbal sera nul, par cela seul que le propriétaire prouvera que la mutation a eu lieu depuis moins de 24 heures, ils ne se presseront pas d’en dresser à tort.

L’adoption même de l’amendement de M. Dubus fera un devoir aux employés de ne pas dresser inutilement des procès-verbaux, qui pourront être anéantis par la preuve donnée par le propriétaire ; et, comme je l’ai déjà dit, rien n’est plus facile que d’administrer cette preuve.


M. le président. - Trois amendements ont été présentés par MM. Andries, Pirson et de Longrée.

L’amendement de M. Andries est ainsi conçu :

« Le bétail, marqué au fer rouge et inventorié, pourra circuler librement et en tout temps sans document.

« Le bétail non marqué, mais inventorié, pourra circuler en tout temps dans le territoire du rayon prémentionné, être envoyé en pacage, en pâturage, ou aux marchés dudit rayon, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ainsi que de l’intérieur dans le rayon, s’il est accompagné de l’inventaire ou de l’extrait de l’inventaire dont il est parlé aux articles 3 et 5. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est devenu nécessaire de modifier l’article 6, parce que nous avons modifié l’article 3 et que nous avons admis un autre moyen de constatation du bétail.

Je proposerai donc de rédiger l’article 6 ainsi qu’il suit :

« A défaut des moyens de justification admis par l’article 3, et sauf le cas d’importation légale justifiée par les acquits de paiement, le bétail ne pourra circuler dans le territoire du rayon prémentionné ni être envoyé en pacage, en pâturage, ou aux marchés dudit rayon, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, non plus que dans le rayon, sans être accompagné d’un acquit à caution.

« Il en fait exception à cette disposition pour les bestiaux que les possesseurs ou détenteurs enverraient au pâturage, ou aux marchés dans l’étendue seulement de la commune à laquelle se rapporte leur compte courant, sans être tenus à la formalité de l’acquit à caution pour autant que le signalement desdits bestiaux soit reconnu conforme à celui constaté dans l’inventaire dont le conducteur du bétail devra être porteur pour l’exhiber à toute réquisition des employés, et que du reste l’identité desdits bestiaux soit dûment reconnue.

« A défaut de reproduction de l’acquit à caution dûment déchargé dans le délai fixé, celui qui a levé ce document ou sa caution sera tenu au paiement d’une amende égale à la moitié de celle fixée par l’article 5. »

Vous voyez que je propose de changer la pénalité dans le dernier paragraphe de l’article, et ce parce qu’elle a été modifiée dans un autre article. Ayant établi la perception du droit au poids, il a fallu calculer l’amende par tête. Ici elle est la moitié de celle stipulée à l’article auquel on se réfère.

Je vais indiquer la différence qu’il y a entre ma proposition et les amendements des honorables MM. Andries et de Longrée.

L’honorable M. Andries voudrait que le bétail pût, dans la commune même de l’habitation du cultivateur, circuler avec la marque, sans que le conducteur fût porteur en même temps de l’extrait d’inventaire.

Nous avons déjà admis que le bétail pourra circuler partout, aussi bien dans les autres communes du rayon que dans la commune de l’habitation du propriétaire, pourvu que le bétail soit marqué et que le conducteur soit porteur de l’extrait d’inventaire. Ainsi nous permettons la libre circulation des bestiaux, moyennant les formalités simultanées de la marque et de l’extrait d’inventaire.

L’honorable M. Andries voudrait que la marque seule fût suffisante. Mais il ne vous échappera pas que cette formalité isolée prêterait à la fraude, attendu que l’empreinte de la marque peut varier suivant que le fer est plus ou moins chaud, et que par suite, la vérification précise en est fort difficile ; il est donc prudent et même indispensable de combiner ensemble les deux moyens de vérification.

M. de Longrée propose de supprimer dans l’article le mot « pâturages. » Je pense que le maintien de ce mot est nécessaire. D’abord, il y a une distinction grammaticale entre le pâturage et le pacage.

On entend par pâturage l’endroit où l’animal trouve simplement sa nourriture, tandis que le pacage s’entend des lieux où l’on engraisse les bestiaux, comme les prairies artificielles, etc. Mais la principale raison qui me faît désirer le maintien de ces mots simultanément, c’est qu’ils sont consacrés avec intention par la loi générale des douanes. L’on entend par pacage dans cette loi les pâturages situés au-delà de la frontière.

Ainsi quand le bétail passe d’un pays dans l’autre pour aller pâturer, comme cela a lieu fréquemment sur les frontières du nord, la loi générale dit qu’il est envoyé en pacage, et elle détermine à cette occasion sous le nom d’acquit de pacage les documents pour la libre circulation. Il serait dangereux par conséquent de supprimer ici l’une de ces expressions, puisque nous nous en référons souvent dans la loi actuelle à la loi générale. C’est le cas de dire : ce qui abonde ne vicie pas. En supposant qu’il y ait réellement redondance, elle n’est pas si mal sonnante qu’il faille la supprimer.

M. Andries. - Mon but est à peu près atteint par l’amendement de M. le ministre. La circulation des bestiaux ne sera plus aussi restreinte qu’elle l’était dans le projet primitif, il y aura cet avantage que le bétail marqué et accompagné de l’extrait d’inventaire pourra circuler dans toute l’étendue du rayon.

M. de Longrée. - M. le ministre des finances a parfaitement expliqué la différence entre le pacage et le pâturage. Son amendement remplissant le but que je me proposais, je m’y rallie.

M. Pirson. - Je retire le mien.

M. le président. - Il ne reste que l’amendement de M. le ministre.

M. Demonceau. - Je ne puis laisser voter cet article sans faire une observation. Il paraît que le gouvernement n’avait pas intention d’appliquer la loi à la frontière de Verviers ; sans cela on n’aurait pas exigé, pour le pacage, un acquit à caution.

Nous avons auprès de Verviers un millier de bonniers entourés de prairies, où le bétail pâture, nuit et jour, pendant tout l’été. Il est impossible d’exiger pour ce bétail des acquits à caution,

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faut remarquer qu’il y a quatre moyens de justifier l’existence légale de bétail. D’abord l’extrait de l’inventaire et l’apposition de la marque. Par ce moyen, on peut circuler partout.

En second lieu, on peut faire circuler le bétail au moyen d’un simple extrait de l’inventaire dans la commune même de l’habitation du propriétaire.

En troisième lieu, avec un acquit de paiement, c’est le cas de l’introduction légale ; l’acquit de paiement sert pour traverser le rayon réservé.

Le quatrième moyen, c’est pour celui qui ne veut pas faire marquer son bétail et qui veut le conduire hors de sa commune au marché ou ailleurs ; il prend un acquit à caution qu’il fait décharger au retour dans le délai déterminé.

L’honorable M. Demonceau perdait de vue que l’acquit à caution n’est pas obligatoire, que c’est un quatrième moyen subsidiaire de la justification légale du bétail.

M. Demonceau. - Je ne sais si je comprends bien l’article, mais il me semble que, pour que le bétail puisse circuler, il faut que celui qui l’accompagne soit muni d’un extrait de l’inventaire ou d’un acquit à caution.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’article a été amendé.

M. Demonceau. - Cela ne fait rien, il n’en faut pas moins que celui qui accompagne le bétail soit muni d’un extrait de l’inventaire. Eh bien, nous avons des prairies qui s’étendent depuis Vaels jusqu’à Jalhay, où le bétail pendant tout l’été pâture en pleine liberté sans que personne y veille. Si personne ne soigne le bétail, il est impossible qu’il soit accompagné d’un extrait d’inventaire ou acquit à caution. Chaque jour les employés pourront dresser des procès-verbaux si cet article est adopté.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce cas est prévu : sur l’observation de M. Jullien que des propriétaires laissant leur bétail seul dans des pâturages une partie de l’année, il a été stipulé à l’article 2 que le propriétaire se bornerait à indiquer les prairies où ses bestiaux sont en pâture. Quand les employés soupçonneront de la fraude, ils se transporteront sur les lieux et vérifieront si les animaux présents sont bien ceux désignés à l’inventaire et s’ils y sont tous.

M. Jullien. - Ce que vient de dire M. le ministre répond à la question que je voulais lui adresser, relativement aux Flandres, qui sont dans le même cas que les environs de Verviers.

- L’article 6 tel qu’il a été amendé par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Tout cheval et toute pièce de bétail trouvés par les employés dans les écuries, étables, pâturages, ou dans quelque lieu que ce soit du territoire compris dans le rayon prémentionné, et dont l’existence légale n’y serait pas dûment justifiée, seront saisis et confisqués, sans préjudice des autres pénalités prononcées par la loi générale contre la fraude dont cette contravention à la présente loi pourrait être accompagnée.

« La justification de l’existence légale dans le rayon des douanes prémentionné, quant aux bestiaux trouvés dans les pâturages, ou en circulation hors du territoire de la commune où ils sont déclarés, devra se faire soit au moyen d’acquits de pacage, d’acquits à caution ou d’acquits de paiement.

« Celle des bestiaux trouvés dans les écuries et les étables ou en circulation dans la commune même où ils sont déclarés, s’établira par la confrontation des indications portées à l’inventaire ci-dessus mentionné et par l’identité du bétail.

« L’administration aura la faculté d’exempter les chevaux des voitures publiques et autres employés aux transports, des formalités qui précèdent, moyennant de prescrire les mesures de précaution nécessaires pour empêcher tous abus. »

M. le président. - Divers amendements sont proposés par MM. Andries et Pirson.

L’amendement de M. Andries est ainsi conçu :

« Le premier alinéa doit être le dernier.

« A la place des 2ème et 3ème alinéas :

« La justification de l’existence légale des chevaux et bestiaux, dans le rayon des douanes prémentionné, qu’ils soient inventoriés ou non, devra se faire, soit au moyen d’acquits de pacage, d’acquits à caution ou d’acquits de paiement, soit par l’existence de la marque au fer rouge, dont l’apposition est constatée par l’inventaire, soit par la seule confrontation des indications portées à l’inventaire et la reconnaissance de l’identité du bétail. Dans ce dernier cas, le conducteur du bétail devra être porteur de l’inventaire ou de son extrait, pour l’exhiber à toute réquisition des employés. »

« L’administration aura la faculté… » comme au projet.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Une modification est devenue nécessaire à l’article. Quant à la transposition proposée par M. Andries, je ne m’y opposerai pas si la chambre trouve cet ordre préférable à celui du projet. Voici le léger changement que je crois nécessaire par suite des amendements adoptés aux articles qui précèdent.

Le premier paragraphe resterait le même.

Au deuxième paragraphe, je propose de rappeler les dispositions des articles 3 et 6 pour la justification, et je dirai : « La justification de l’existence légale, etc., devra se faire conformément aux dispositions des articles 3 et 6 ou par acquits de paiement. »

Maintenant, pour la dernière partie de l’article proposé par le gouvernement qui exemptait des formalités les chevaux des voitures publiques et autres employés aux transports, elle devient inutile, puisqu’on n’applique pas aux chevaux les mesures répressives de la fraude adoptées pour le bétail.

M. Andries. - Je me rallie à l’amendement de M. le ministre des finances.

M. Pirson. - Le mien est devenu sans objet, je le retire.

M. Demonceau. - Je vois ici que pour la peine de confiscation on renvoie à la loi générale : je désirerais que le ministre fît connaître à l’assemblée quelles sont les peines que la loi générale prononce dans les cas prévus par la loi en discussion.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il a bien fallu renvoyer à la loi générale, puisqu’il pourra être nécessaire, dans plusieurs circonstances, d’y avoir recours pour l’application des pénalités ; par exemple, il peut y avoir refus ou empêchement d’exercice de la part des cultivateurs, importation frauduleuse et flagrante, il peut y avoir des injures, etc. Tout cela est prévu dans la loi générale par des dispositions assez sévères, j’en conviens, car elles prononcent l’emprisonnement.

Toutefois, la sévérité de la loi dépend, jusqu’à un certain point, de la volonté du juge, puisqu’il a la latitude d’un minimum à un maximum pour des peines. Le juge apprécie donc les faits et les intentions et prononce en conséquence.

La loi générale subsiste sans graves inconvénients, puisque personne n’a encore demandé son changement sous le rapport des pénalités et je ne vois pas de raison pour ne pas appliquer les peines qu’elle prononce dans les cas analogues à ceux qu’elle prévoit. D’après ces considérations, je pense que la proposition faite par le gouvernement de se référer à la loi générale peut être admise très convenablement.

M. Pollénus. - Je crois avec M. Demonceau qu’il faudrait que la chambre prît une idée des pénalités insérées dans la loi générale. Il est un cas auquel l’honorable membre a fait allusion sans doute, et que je vais citer pour faire comprendre la rigueur de cette loi. Un fait qui n’est puni, la première fois, que d’une peine correctionnelle, en cas de récidive, est puni du carcan. C’est contre une importation frauduleuse que s’applique cette disposition révoltante de la loi hollandaise. Si une telle disposition devait subsister je ne pourrais donner mon vote à la loi en discussion.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans cette enceinte on s’est souvent récrié contre les fraudeurs, et on a réclamé contre eux des mesures vigoureuses ; ce sont les expressions dont on s’est servi plus d’une fois : puisqu’on reconnaissait que la loi de 1822 devait être encore plus rigoureuse, dans certaines parties, du moins, nous n’avons pas présumé qu’il pût être question de l’adoucir ici.

Quoi qu’il en soit, j’avoue que je ne puis rappeler toutes les dispositions pénales de ladite loi, à l’instant même, à l’honorable M. Pollénus ; il est plus versé que moi, dans la connaissance des lois pénales, et je suis disposé à croire exact ce qu’il avance. Une peine afflictive est sans contredit exorbitante, mais le juge, en vertu d’un arrêté de 1814 ou de 1815 peut, dans beaucoup de cas, n’appliquer qu’une peine moindre que celle qui est prononcée par la loi générale.

Je pense, toutefois, que nous ne pouvons faire autre chose que d’admettre, au moins temporairement, les peines prescrites par la loi de 1822 ; si ces peines devaient être modifiées, cela devrait faire l’objet d’une proposition ou d’une loi spéciale.

M. Demonceau. - Je n’ai présenté mon observation que parce que je désirais que le ministre des finances examinât attentivement les pénalités portées dans la loi de 1822. Je déteste les fraudeurs ; je suis accoutumé à en voir devant le tribunal que je préside ; je ne les ménage pas : cependant j’ai gémi plus d’une fois d’être obligé d’appliquer la loi dans certains cas.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si la chambre veut le permettre, nous renverrons la discussion à demain, afin d’examiner les pénalités de la loi de 1822. L’heure est avancée. (A demain ! à demain !)

M. le président. - M. Dubus a proposé de se rendre dans les sections demain.

M. Desmanet de Biesme. - Cela n’est pas possible ! Demain la loi des finances ne sera pas distribuée.

M. Dubus. - Je demande que l’on se réunisse dans les sections samedi et qu’il n’y ait pas de séance publique ce jour-là.

M. Gendebien. - Tout le monde partira s’il n’y a pas séance samedi ; il faudrait qu’il n’y eût pas séance publique demain.

M. le président. - On m’informe que le budget des voies et moyens ne sera pas imprimé pour demain.

- La séance est levée à quatre heures et demie.