(Moniteur belge n°326, du 22 novembre 1835 et Moniteur belge n°327, du 23 novembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°326, du 22 novembre 1835) M. Dechamps fait l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps donne connaissance des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur F. D.-J. de Garcia de la Vega, né Belge et étant resté au service de France jusqu’en 1815, demande la grande naturalisation. »
« La régence de la ville de Wiltz demande la construction d’une route de Bastogne à Diekirk par Wiltz. »
« Le sieur baron de la Motte Baroffe, ex-conseiller d’Etat, demande que la chambre autorise M. le ministre des finances à lui payer l’intégralité du traitement d’attente dont il jouit, plus les arriérés depuis 1831. »
« Plusieurs exploitants des minières de fer d’alluvion demandent la libre sortie du minerai de fer. »
« L’administration communale de Médernach (Luxembourg) réclame contre la démarche faite auprès de Sa Majesté par les maîtres de forges de la province pour obtenir la prohibition à la sortie, vers la France, des charbons de bois. »
« L’administration de la commune d’Ermsdorff fait la même réclamation. »
M. d'Hoffschmidt. - Au nombre des pétitions dont on vient de présenter l’analyse, il s’en trouve une de la régence de Willz qui réclame des fonds pour la construction d’une route ; je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des travaux publics instituée par la chambre l’année dernière : il y a beaucoup de demandes du même genre que la chambre lui a déjà renvoyées ; il serait utile qu’elle fût convoquée pour aviser à ce qu’elle doit faire pour remplir le but de son institution.
M. Fallon. - Je prierai l’honorable M. d’Hoffschmidt d’attendre quelques moments. M. de Puydt, secrétaire de la commission des travaux publics, ne tardera pas à venir et il pourra donner des renseignements. La commission dont je suis membre à chargé M. de Puydt de correspondre avec le ministre de l’intérieur pour avoir les documents nécessaires à son travail, et notamment les plans des grandes communications ; de plus la commission avait arrêté qu’elle ne se réunirait que quand ces documents lui seraient parvenus ; elle n’a encore rien reçu.
- En ce moment M. de Puydt entre.
M. d'Hoffschmidt. - En l’absence de l’honorable M. de Puydt, secrétaire de la commission des travaux publics, j’ai demandé que la pétition fût renvoyée à cette commission avec l’invitation de se réunir et de statuer sur tous les mémoires qui lui ont été soumis. A la veille de discuter le budget de l’intérieur, nous devons connaître nos besoins relativement à nos communications.
M. Jadot. - Dernièrement les habitants d’une autre commune ont aussi envoyé une pétition pour réclamer une route ; je demanderai que cette pétition, qui est de la même catégorie que celle dont vient de parler M. d’Hoffschmidt, soit aussi renvoyée à la commission des travaux publics.
M. Eloy de Burdinne. - Il y a quelque temps que j’ai demandé qu’une pétition adressée à la chambre, et pour le même sujet, fût renvoyée au ministre de l’intérieur ou à la commission des travaux publics ; on m’a fait observer qu’il fallait que la pétition fût renvoyée à la commission des pétitions, qu’elle devait suivre la filière ordinaire ; que tout ce que je pouvais faire, c’était de demander un rapport d’urgence. J’ai demandé ce rapport, il est encore à venir depuis six mois. Aujourd’hui je demanderai que la pétition dont je parle soit envoyée avec les autres à la commission des travaux publics, et que cette commission soit invitée à faire son rapport.
M. Fallon. - Je réitère ce que j’ai déjà dit, que la commission s’est réunie, qu’elle a chargé son secrétaire de demander communication de documents indispensables à son travail, et qu’il n’a encore rien reçu.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quels sont ces documents ?
M. Fallon. - Les plans !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mon collègue au département de l’intérieur m’avait soumis un projet relatif à l’achèvement des communications déjà commencées et à l’entreprise de nouvelles, appuyant une demande de crédit nécessaire pour ces travaux. Je lui ai renvoyé son projet depuis quelques jours. Il faudrait ouvrir au ministre de l’intérieur un crédit de deux millions par année pour l’exécution de tels projets. Ce crédit serait fourni par l’excédant du produit des barrières et par les bons du trésor, en attendant qu’un emprunt soit fait pour couvrir ces dépenses, ainsi que d’autres. J’espère que d’ici à peu de temps le ministre de l’intérieur sera à même de terminer ce qui concerne les objets dont parle le préopinant.
M. de Puydt. - L’honorable M. Fallon vous a fait connaître les véritables obstacles qui s’opposent à ce que votre commission des travaux publics vous fasse un rapport ; mais je crois que ces obstacles seront bientôt levés.
M. Pirson. - Je crois qu’on devrait renvoyer au ministre de l’intérieur ou à la commission des travaux publics les pétitions dont il s’agit. On peut même, je pense, les renvoyer toutes ensemble au ministre, puisqu’il n’a pas donné à la commission les documents qui lui sont indispensables pour son travail : car, si vous renvoyez ces mémoires à la commission des pétitions, qu’en fera-t-elle ? Nous avons deux feuilletons arriérés, et ces feuilletons sont à la date de cinq à six mois. Le renvoi à la commission des pétitions n’est d’ailleurs que de pure forme ; il vaut mieux prendre le droit chemin et renvoyer le tout au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. - C’est à la commission qu’il faut renvoyer !
M. d'Hoffschmidt. - Je demande, comme l’honorable M. Gendebien, le renvoi de la pétition dont il s’agit à la commission des travaux publics, parce que déjà il lui en a été renvoyé du même genre dont elle doit faire un rapport ; d’ailleurs vous aurez à déterminer, lorsque vous sera soumise la demande de crédit de deux millions, dont M. le ministre des finances vient de vous entretenir, à quels genres de travaux ces fonds devront être employés ; et, pour pouvoir le faire, il serait à désirer que la commission fît, sur les demandes qui lui ont été renvoyées, un rapport avant la discussion de cette demande de crédit dont l’emploi devra être spécifié. Je désirerais donc que cette commission, dont j’ai l’honneur de faire partie, s’assemblât de nouveau et qu’elle renouvelât, au besoin, la demande de documents qu’elle a adressée, il y a 7 à 8 mois, à M. le ministre de l’intérieur.
M. Eloy de Burdinne. - J’appuie l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt. Il faut connaître les communications qu’on veut établir pour savoir si elles méritent qu’on ouvre un crédit. Il y a six mois que j’ai demandé des renseignements au ministre de l’intérieur ; il m’a répondu que bientôt il serait prêt à fournir à la chambre tous les documents qu’elle désirerait ; le moment est venu de s’éclairer.
- Les pétitions concernant les routes sont renvoyées à la commission des travaux publics.
M. Dubus. - Au nombre des pétitions analysées, il s’en trouve une d’un titulaire de pension qui n’est pas payé, au moins en totalité : il demande que la pension à laquelle il croit avoir droit lui soit payée intégralement. Je ne sais si sa réclamation est fondée ; mais si elle l’est, il y a urgence de payer ; je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de la dette publique.
- Le renvoi à la section centrale chargée de l’examen de la dette publique est ordonné.
Les autres pétitions sont renvoyées la commission des pétitions.
M. le ministre des finances (M. d'Huart) monte à la tribune et dépose sur le bureau de la chambre, comme document propre à éclairer la discussion des budgets de 1836, la situation générale du trésor public au 1er novembre dernier. - Messieurs, dit-il, dans la communication que j’ai l’honneur de faire à la chambre, j’entre dans un grand détail de chiffres ; je vous en épargnerai la lecture, parce que vous les apprécierez mieux lorsqu’ils vous seront remis imprimés. Je ferai une seule observation sur le résultat du travail que je vous soumets : c’est qu’il restait au 1er novembre dernier un excédant de 6,937,695 francs des recettes sur les dépenses. Dans ces recettes nous comprenons tous les bons du trésor qui ont été mis à la disposition du gouvernement et la subvention de guerre dont il reste maintenant encore disponible une somme d’environ trois millions, après avoir défalqué 1,460,000 francs affectés au département de la guerre.
Vous remarquerez, en rapprochant les différents chiffres, que, malgré les dépenses extraordinaires qui ont été faites pendant les exercices 1834 et 1835, les dépenses et les recettes se sont balancées, et que pour ces deux exercices la situation financière ne s’est pas empirée.
M. Gendebien (pour une motion d’ordre.) - Le ministre des finances nous avait annoncé qu’il nous remettrait le budget des voies et moyens ; il est important que la chambre connaisse ce budget avant de délibérer sur celui des dépenses. Il devient urgent d’avoir tous ces projets de lois de finances, car sans cela nous n’aurons pas les moyens d’évaluer les dépenses, si nous ne savons pas jusqu’à quel point il nous est permis d’en faire. Je prie le ministre de nous dire par quelle cause il n’a pas tenu sa promesse.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je serai en mesure de présenter le projet dans quelques jours. Il n’y a pas encore de retard ni de préjudice causé par la non-présentation de ce budget. On conçoit aisément qu’il importe de ne pas présenter trop tôt le budget des voies et moyens, parce que les évaluations qu’il comprend sont basées sur les recettes de l’exercice courant ; en effet, il est évident que, supputant les recettes probables de l’exercice de 1836 sur celles déjà effectuées de l’exercice de 1835, on arrivera à des évaluations plus approximatives si elles reposent sur les données de la plus grande partie possible de cette dernière année.
M. Desmet (pour une motion d’ordre). - Il y a quelques jours M. le ministre des finances nous avait promis de nous présenter les lois concernant le règlement des comptes de l’Etat : aussi longtemps que vos comptes ne seront pas arrêtés, vous ne connaîtrez pas la situation exacte de vos finances. Je demande pourquoi ces lois ne sont pas présentées.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ainsi que je l’avais annoncé à la chambre, la cour des comptes vous a envoyé ses observations sur les comptes de l’exercice 1832 ; et elle vous a promis de vous remettre bientôt ses observations sur les comptes des exercices 1830 et 1831. Il ne dépend pas de moi de hâter davantage l’envoi de ces documents, dont la chambre sera au reste saisie très incessamment.
M. Gendebien. - Je ne puis accepter les raisons données par le ministre des finances, relativement à la présentation du budget des voies et moyens. En effet, s’il faut attendre, pour évaluer les recettes, qu’on connaisse celles de l’exercice courant, pourquoi ne pas attendre jusqu’au commencement de l’année 1836 ? Quoi qu’il en soit, je dirai qu’il est de bonne administration de présenter les deux budgets des dépenses et des recettes en même temps. Il faut mettre les dépenses au niveau des recettes. J’insiste donc pour que le ministre nous remette instantanément, ou du moins le plus tôt possible, la loi de finances concernant les voies et moyens.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois pouvoir prendre l’engagement que la chambre sera saisie du budget des voies et moyens avant l’ouverture de la discussion sur le budget des dépenses. Vous allez vous occuper de la loi communale, et le budget des recettes vous sera distribué pendant ce temps ; dans dix jours la loi des recettes sera imprimée et distribuée.
M. Rogier. - Je demanderai au ministre des finances s’il peut nous dire comment le budget des voies et moyens sera présenté. Jusqu’ici on nous a présenté en masse le tableau des évaluations des recettes ; l’année dernière on a manifesté le désir d’avoir une loi de finances sur les recettes, formulée de la même manière que la loi de finances sur les dépenses. Le budget des dépenses est accompagné de développements qui justifient tous les articles ; il serait utile pour la chambre que le budget des voies et moyens fût accompagné aussi de développements qui justifiassent chaque évaluation.
Il est des recettes qu’on présente en bloc, pour 8, 10, 12 millions, et il ne nous en est donné aucun détail. Je sais bien que dans les lois relatives aux comptes on entre dans quelques détails ; mais ces détails ne me semblent pas encore suffisants. Aujourd’hui, par exemple, les recettes que donnent les douanes, figurent in globo pour une somme de 8 millions. Il serait fort utile de savoir pour combien l’importation figure dans ces 8 millions, pour combien l’exportation et le transit ; je voudrais même qu’on indiquât, si non tous, au moins les principaux articles du tarif et combien ils rapportent.
Pour la loi qui va bientôt nous occuper, il serait utile de savoir combien le bétail a rapporté à l’importation, combien par le transit et par provinces. Je ne parlerai pas du revenu à la sortie, puisque depuis deux ans on a supprimé tout droit à la sortie du bétail, de manière qu’il serait difficile d’apprécier nos exportations.
Voilà pourquoi il nous faudrait avoir des détails sur tons les objets compris dans la loi de recettes. Ces détails sont au département des finances, et je demanderai au ministre s’il ne voit pas de difficultés à nous les faire connaître dans les tableaux qu’il nous présentera.
Nos discussions sur les voies et moyens, qui devraient être approfondies, se passent en débats très vagues. Il est des recettes qui, par leur faible importance, pourraient être supprimées au grand soulagement des contribuables, et qui passent inaperçues. Il est beaucoup d’autres renseignements utiles qu’on peut retirer des développements que je réclame.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a une raison fort simple pour ne pas donner au budget des voies et moyens les mêmes détails qu’au budget des dépenses./p>
La première de ces lois de finances est basée sur les lois établissant les impôts, et l’on ne peut pas trouver de meilleures pièces justificatives que ces lois elles-mêmes ; autrement on finirait par tomber dans un véritable dédale, si l’on subdivisait tous les articles actuels du budget des voies et moyens. Je m’aperçois que l’honorable préopinant confond pour la douane des états de balance des différents produits à l’importation, à l’exportation et au transit en Belgique, avec l’état général de nos recettes, tel qu’il faut les envisager dans une loi des voies et moyens. Les documents que l’honorable membre désire spécialement sur ce point seront prochainement publiés par les soins du département de l’intérieur dans les tableaux du mouvement de notre commerce.
Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas l’utilité de subdiviser à l’infini le budget des voies et moyens. Les lois déterminent, ainsi que je l’ai déjà dit, tous les impôts, et de quelle manière ils seront perçus : ce sont donc les lois elles-mêmes qui donnent les renseignements nécessaires pour apprécier les choses.
Je conçois, par exemple, que pour la contribution foncière, au lieu de porter en bloc le montant de la recette, on pourrait porter cette recette pour chaque province ; c’est inévitablement ce qui arrivera pour l’année 1836, si la loi sur la péréquation cadastrale, ou une mesure analogue, est adoptée.
Cependant, messieurs, s’il est des développements possibles à ajouter au budget des recettes, et qui puissent être utiles à la discussion de cette loi, je les ajouterai très volontiers.
M. Rogier. - Bien que les recettes soient prévues par les lois, il ne s’en suit pas que la chambre puisse connaître les effets de ces lois sur telle ou telle recette ; et comment voulez-vous que nous corrigions les résultats d’une loi inutile ou vexatoire si nous ne les connaissons pas ? Les détails que nous demandons sont, je le répète, compris en partie dans les comptes généraux quoiqu’ils ne soient pas assez divisés ; plus divisés ces états pourraient fournir des éclaircissements importants dont nous manquons aujourd’hui.
J’ai cité les tableaux des importations et des exportations ; j’aurais pu citer d’autres exemples, la contribution personnelle entre autres : il serait intéressant de savoir combien elle rapporte par portes et fenêtres, par domestiques, par chevaux, puis par province ; ce qu’elle donne pour les villes, pour les campagnes. Je vois que M. le ministre a parfaitement compris ma proposition. Je l’ai faite parce qu’en la faisant plus tard on ne serait peut-être plus à même de nous donner les documents qui peuvent nous être fort utiles.
M. Duvivier, nommé membre de la chambre des représentants, est admis à prêter le serment voulu par la constitution.
M. Lejeune monte la tribune. L’orateur donne lecture d’une disposition réglementaire à l’effet de déterminer le mode de nomination de la commission instituée par la loi de naturalisation.
- La prise en considération de la proposition de M. Lejeune est mise aux voix et adoptée.
M. Lejeune donne lecture des développements à l’appui de sa proposition.
Le renvoi de la proposition de M. Lejeune à une commission spéciale est mis aux voix et adopté.
Cette commission sera sommée par le bureau.
M. Dubus. - La chambre a fixé à l’ordre du jour de lundi la nomination de la commission des naturalisations, La décision qu’elle vient de prendre à l’égard de la proposition de M. Lejeune nécessite le changement de cet ordre du jour.
J’ai l’honneur de proposer à l’assemblée de fixer la nomination de la commission des naturalisations après le jour où la commission présentera son rapport sur la proposition de M. Lejeune.
- La proposition de M. Dubus est mise aux voix et adoptée.
M. Jadot. - Le but que je m’étais proposé en présentant mon amendement, était d’éviter au trésor un surcroît de charges qu’il ne doit pas supporter. Du moment que vous avez adopté l’article qui élève à 5 p. c. l’intérêt des los-renten dénonces à Bruxelles, mon amendement devient sans objet. En conséquence je déclare le retirer.
M. Zoude. - En proposant d’autoriser les acquéreurs à se libérer en numéraire, à raison de 98 p. c., je n’ai nullement entendu invoquer une faveur à leur égard ; j’ai seulement voulu empêcher l’injustice que l’on commettrait en les privant de la faculté de payer en los-renten dont le taux n’est guère que de 98, comme M. le ministre des finances l’a reconnu lui-même.
L’injustice d’une pareille mesure, si elle n’était pas réparée au moins de la manière que j’indique, vous a été démontrée hier par l’honorable M. Verdussen : je n’aurai rien à y ajouter ; mais ce que j’ai dit et répète, c’est que la position des acquéreurs a été aggravée lorsque l’intérêt des bons du syndicat a été porté, en Hollande, de 2 1/2 à 5 p. c., et cependant j’ai voté pour qu’il fut également alloué pour les bons dénoncés à Bruxelles, parce que j’ai cru qu’il aurait été inique de refuser à des Belges une faveur dont jouissaient les Hollandais ; j’ai donc regardé le vote de la chambre comme un acte de justice, et je m’y suis associé volontiers.
Mais je ne persiste pas moins à soutenir que les acquéreurs ont souffert de l’élévation de l’intérêt, et c’est depuis lors, en effet, que les los-renten se sont élevés à un taux si rapproché du pair ; et pourquoi cet intérêt a-t-il été doublé ? C’est parce que la révolution est survenue.
Sera-t-il donc équitable d’en faire supporter le poids par les acquéreurs ? Si nous avons été justes envers les détenteurs des bois, soyons-le de même envers ceux qui doivent en faire usage, et à cet égard je suis si loin d’avoir dit ce que m’a prêté un orateur, que les acquéreurs avaient calculé sur le taux de 98 au moment des ventes, que je doute si, avant la révolution, aucun d’eux a acheté à un prix aussi élevé ; ce que je puis affirmer, c’est qu’avant cette époque je n’ai guère dépassé 96.
Aussi mon intention avait été d’abord de proposer ce taux, ou bien celui du cours au jour de chaque adjudication partielle, ou bien, ce qui me paraissait au moins aussi équitable, celui du jour où l’intérêt avait été élevé de 2 1/2 à 5 p. c. ; mais, prévoyant beaucoup de difficultés dans l’admission de ou de l’autre de ces amendements, je me suis arrêté à celui que j’ai eu l’honneur de vous proposer, quoique le plus préjudiciable aux acquéreurs ; je l’ai fait parce qu’il m’a été assuré que c’était le cours de ces valeurs à la bourse d’Amsterdam, lorsqu’ils y ont été cotés pour la première fois, et que c’était aussi celui du jour où j’ai fait ma proposition.
Quant à ce qui a été dit que les los-renten, sous Guillaume, se seraient élevés au-delà du pair, je répondrai que les acquéreurs n’ont jamais eu la moindre crainte à cet égard, d’abord parce que l’emprunt était de 100 millions, tandis que les biens à vendre atteignant à peine 70 millions de valeur, ils devaient s’attendre à la baisse plutôt qu’à la hausse : aussi le syndicat, pour faciliter l’écoulement du surplus, les avait admis dans l’emprunt de 30 millions du 30 juin 1830, et vous voyez encore que lorsqu’il en a autorisé l’échange contre numéraire, il y a mis une condition, celle d’en faire la demande 6 mois auparavant ; il regardait donc cet échange comme une quasi-faveur ; s’il l’eût considéré comme de stricte justice, l’échange en eût été fait à bureau ouvert, comme cela a lieu pour les billets de banque.
Vouloir supposer qu’on nous aurait livrés comme une pâture à l’avidité des agioteurs, prétendre aussi qu’on aurait tendu un piège aux acquéreurs dans le but de les spolier un jour, ce serait prêter à un gouvernement, quelque dépravé qu’on puisse le supposer, des vues tellement immorales que l’idée seule nous répugne.
Je réitère donc que les acquéreurs ont toujours été dans la confiance qu’ils se libéreraient en dessous du pair, et je maintiens comme très modéré le chiffre que j’ai proposé, et je prie la chambre de l’accueillir par son vote.
M. Verdussen. - Trois membres de cette assemblée avaient demandé de pouvoir acquitter en écus les domaines vendus, et cela au taux de 98 p. c. C’est contre cette proposition que je m’élève.
On pourrait s’étonner de me voir repousser cette proposition, après les paroles que vient de prononcer l’honorable préopinant. Mais l’orateur a détaché une phrase que j’ai prononcée dans la séance d’hier, au lieu de chercher dans l’ensemble de mon discours mon opinion qui est tout à fait contraire à la sienne.
Je ne conçois pas en effet la sollicitude que l’on veut attirer sur les acquéreurs des domaines, aux dépens des détenteurs des los-renten. Déjà, dans la séance d’hier, je vous ai fait sentir qu’il était impossible de favoriser les uns sans faire du tort aux autres. J’ai traité cette question en envisageant également les intérêts des acquéreurs et ceux des détenteurs. Je vous ai montré le désavantage qu’il y aurait pour les acquéreurs si les détenteurs pouvaient faire monter leurs obligations jusqu’à 130, et je vous ai fait voir aussi les pertes que ceux-ci éprouveraient si elles descendaient à 70.
Dans la proposition qui vous est soumise je distingue deux choses : d’abord la perte du trésor qui est évidente ; car on a opéré la vente à 100 p. c. et non à un taux inférieur.
L’honorable préopinant a dit que les sommes émises par le syndicat étaient supérieures aux sommes qui devaient provenir de la vente des domaines. Dans une séance précédente, je vous ai déjà fait connaître quel avait été le manège du syndicat, de quelle manière il aurait diminué la masse de papier-monnaie tout en en tenant en réserve dans ses coffres pour une somme de 18 millions, afin de les faire payer bien cher par les acquéreurs obligés de payer en los-renten. Si les 100 millions émis d’abord par le syndicat eussent été les seuls et fussent restés en circulation, l’argumentation de l’orateur serait parfaite. Il n’en est rien du tout. Les opérations du syndicat montraient qu’il voulait anéantir le papier-monnaie avant que les acquéreurs eussent pu s’en procurer pour payer les domaines.
Dans toutes les levées qui ont eu lieu en Hollande, le papier-monnaie a été reçu en paiement. Le syndicat a alléché les détenteurs des los-renten par l’espoir du remboursement à cent p. c. Le papier-monnaie ne portant qu’un intérêt de 2 1/2 p. c., il était facile de prévoir que les personnes qui avaient acheté 85, 87, se trouveraient fort heureuses d’obtenir 100 francs de leurs obligations après une dénonciation de six mois à l’avance. Le papier-monnaie devait devenir rare. Il fallait dès lors s’adresser au syndicat pour s’en procurer.
Vous voyez que loin d’être assurés d’acquérir ce papier-monnaie au-dessous du cours 100, les acquéreurs des domaines pouvaient être exposés à acheter les obligations dont ils avaient besoin bien au-dessus du pair. Je ne sais pas pourquoi vous les favoriseriez d’une remise de 2 p. c., tandis qu’ils pouvaient être obligés de payer les domaines beaucoup plus cher que le prix d’achat.
Tout ce que vous feriez en faveur des acquéreurs tournerait au détriment des détenteurs de los-renten dénoncés à Bruxelles en faveur desquels l’article a été voté par la chambre.
L’intention de l’assemblée a été sans doute que les porteurs de ces obligations fussent remboursés au taux de 100 p. c. Il est cependant facile de prévoir qu’aussitôt qu’il dépendra de la volonté de ces acquéreurs de payer en écus au taux de 98, ils mettront le marché à la main aux porteurs des los-renten et leur diront : Si vous ne voulez pas me céder vos obligations à 95, par exemple, je m’en passerai et je solderai le prix de ma vente en numéraire.
La faculté de payer en numéraire n’était pas donnée aux acquéreurs par le contrat de vente. Il fallait que le paiement s’effectuât en papier-monnaie. Si vous accordez cette faculté aux acquéreurs des domaines, vous les favorisez aux dépens des los-renten. Plus vous accorderez d’escompte aux acquéreurs, plus le cours des los-renten baissera, cela est facile à concevoir.
Je me permettrai une observation sur ce qu’a dit l’honorable M. Dumortier dans la séance d’hier, en combattant mon opinion.
Il vous a fait entrevoir la possibilité qu’un jour le gouvernement dût payer les intérêts des los-renten dénoncés à Bruxelles qui n’auraient pas été versés en acquit des domaines. Cet argument tombait à faux. Mais c’est à l’occasion de la proposition actuelle qu’il acquiert quelque valeur.
En effet, il serait possible que les détenteurs des los-renten, refusant de les céder à vil prix aux acquéreurs des domaines, les conservassent en portefeuilles après que ceux-ci auraient acquitté la totalité du prix de la vente des domaines ; que ferez-vous alors de ces obligations restées sans moyen d’écoulement ? Il n’y a pas dans la loi un seul article qui prévoie ce cas et qui règle la marche à suivre par le gouvernement dans ce cas. Vous n’avez pas forcé les détenteurs des los-renten de placer nécessairement à l’acquit des domaines leur papier-monnaie. Vous auriez agi peu sagement si vous l’aviez fait, car vous auriez mis les détenteurs du papier-monnaie encore plus à la merci des acquéreurs des domaines. Ici je soumettrai une observation à la chambre.
Je crois que le projet de loi tel que vous allez le voter est incomplet sous ce rapport, qu’il devrait prévoir ce que l’on fera dans le cas où les los-renten dénoncés à Bruxelles ne seraient pas affectés au paiement du prix de la vente des domaines.
Je me prononcerai contre l’amendement de l’honorable M. Zoude.
M. Dubus. - Que l’oppression vienne du syndical ou des détenteurs des los-renten, vous ne devez pas souffrir que les acquéreurs des domaines y soient exposés. Les domaines ont été achetés dans l’espoir de les payer à 96 ou à 98. Les détenteurs du papier-monnaie l’on acheté à 65 pour le revendre bien cher à ceux-ci. La chambre doit-elle favoriser l’oppresseur ou l’opprimé ? Son choix ne peut pas être douteux.
M. Verdussen. - J’oubliais de dire que le projet de loi accorde un avantage aux acquéreurs des domaines par l’article 2. Vous allez donner un supplément aux acquéreurs qui se sont procuré des los-renten pour acquitter une partie du prix de leur achat. En élevant de 2 1/2 p. c. l’intérêt de leur papier-monnaie, c’est un don gratuit que vous leur avez fait. J’ai soumis cette observation à la commission spéciale dont j’avais l’honneur de faire partie. Il est certain que les acquéreurs ne rendront pas aux détenteurs des los-renten le bénéfice de 2 1/2 p. c. qu’ils feront par la loi actuelle. C’est cependant aux détenteurs que ce bénéfice devait revenir, puisque, en achetant des los-renten à un taux inférieur, les acquéreurs de domaines qui se sont procuré du papier-monnaie ont déjà joui de cette faveur.
Vous voyez donc que loin de pouvoir admettre la proposition de l’honorable M. Zoude, pour rendre aux porteurs des los-renten le bénéfice dont jouiront les acquéreurs à leur détriment, il faudrait pour ainsi dire que la vente en numéraire eût lieu à 102 1/2 p. c. Les obligations dénoncées à Bruxelles seront toujours au-dessous du pair. Sans quoi les acquéreurs ne prendraient pas de papier-monnaie. Ils menaceraient les détenteurs de ne pas s’en procurer et forceraient la main à ceux-ci.
M. Dubus. - Je partage l’opinion de l’honorable préopinant. Je crois comme lui qu’il n’y a pas lieu d’accueillir la disposition qui accorde sans motif suffisant, selon moi, une indemnité aux acquéreurs des domaines qui se libéreraient en numéraire.
Ce n’est pas une faveur que l’on réclame, dit l’auteur de la proposition, c’est de la justice puisque la mesure que la chambre vient de prendre à leur égard est une mesure d’oppression. Ils souffriront du la disposition qui élève l’intérêt des obligations dénoncées à Bruxelles de 2 1/2 p. c. à 5 ; ce qui en soutiendra la valeur, puisque l’on a écarté la concurrence des obligations qui nous viendraient de Hollande. Nous avons fait tort aux acquéreurs ; nous avons changé les chances qu’ils avaient au moment du contrat.
En réponse à ce langage, nous disons que les acquéreurs considéraient évidemment comme un avantage au moment du contrat de pouvoir payer en los-renten, jusqu’à l’époque à laquelle le remboursement de ces obligations devenait exigible. C’était un papier à terme portant un intérêt de 2 1/2 p. c. seulement, qui ne pouvait dépasser le pair. Tout ce qu’il perdait jusqu’à l’époque du remboursement tournait au profit de l’acquéreur des domaines. Voilà la chance favorable qui se présentait devant eux. Ils devaient bien s’attendre, puisque ce papier à terme devait perdre jusqu’au remboursement, à voir des porteurs se hâter d’en exiger le remboursement six mois après le 1er avril 1830. En effet, il y eut à cette époque en Hollande des demandes énormes de remboursement. Il y avait donc la chance que presque tout le papier-monnaie serait remboursé, et qu’en 1831, 1832, il n’en serait resté en circulation que dans les mains d’un très petit nombre de spéculateurs, et que la boutique où ce papier se fabriquait, le syndicat, en serait restée presque seule en possession.
Quelle devait en être la conséquence ? L’honorable M. Verdussen l’a dit. C’est que le papier étant devenu très rare, les demandes des acquéreurs l’auraient élevé fort au-dessus du pair. Mais il y avait pour les acquéreurs chance de perte pour tous les paiements postérieurs à 1831. Ils auraient été forcés d’acheter ce papier, fût-il au-dessus du pair, pour leurs derniers paiements.
Il est des acquéreurs qui ont si bien prévu qu’il en serait ainsi, qu’ils se sont empressés de se procurer tout le papier nécessaire pour le total du prix d’achat dont les termes de paiement étaient postérieurs à 1830.
Ainsi, si nous nous reportons à l’époque où les contrats d’adjudication ont eu lieu, il est certain que les adjudicataires n’iront pas à se plaindre d’une disposition qui les admet à se libérer en numéraire au pair. Ils y gagneront toute la différence qu’ils auraient dû payer pour les derniers termes exigibles d’achat, si la révolution n’était pas arrivée.
Abordons maintenant les conséquences de la révolution en elle-même pour les acquéreurs des domaines.
L’auteur de la proposition ne nous en a signalé qu’une. C’est l’élévation de l’intérêt des obligations à 5 p. c. de 2 1/2 qu’il était primitivement. Il laisse de côté les conséquences plus graves et plus immédiates, c’est que le remboursement des los-renten, qui devait avoir lieu six mois après le 1er avril 1830 n’a pas eu lieu. Je lui demanderai quelles auraient été les conséquences de ce remboursement.
Il est résulté de la révolution que le syndicat a refusé de faire honneur à ses engagements. Toutes les demandes en remboursement sont demeurées sans résultat. Mais les porteurs des los-renten ont eu droit dès lors à un intérêt de 5 p. c. Ce n’était qu’une indemnité partielle du préjudice qui aurait été causé aux acquéreurs par le remboursement, s’il avait eu lieu. Cela ne faisait aucun tort aux acquéreurs, puisque si le contrat avait été exécuté, il n’y aurait pas eu à payer un intérêt de 5 p. c. Le capital même aurait été remboursé, il en serait résulté que le papier serait devenu extrêmement rare, qu’il aurait fallu payer plus cher que le pair pour s’en procurer.
L’événement de la révolution, même en prenant en considération cet intérêt de 5 p. c., n’a pas été défavorable aux acquéreurs. Il leur a été tout favorable puisque le papier-monnaie n’a pu s’élever au-dessus du pair. L’auteur de la proposition convient que ce papier n’a jamais été jusqu’au pair, qu’il n’y est pas arrivé maintenant ; c’est un fait que je ne puis reconnaître. L’on m’a assuré qu’il s’est élevé au-dessus, et cela est facile à concevoir. Les fonds publics à l’intérêt de 5 p. c. ne peuvent en Hollande ni en Belgique descendre au-dessous du pair.
Quoi qu’il en soit, les acquéreurs des domaines ne sont jamais fondés à se plaindre. Ils ne peuvent se plaindre de l’amendement adopté dans la séance d’hier. Est-ce parce que par cette disposition vous avez écarté les los-renten qui venaient de Hollande ? Vous avez par ce moyen coupé court aux conséquences du manège du syndicat qui aurait pu être funeste à la Belgique.
Vous avez fait un acte de justice, et si le papier-monnaie vient à manquer par suite de cette mesure, vous permettrez aux acquéreurs de se libérer en numéraire, parce que ce sera au pair. Cette dernière disposition leur est favorable en ce qu’elle change en leur faveur les chances qu’ils couraient par suite de l’obligation de se procurer des los-renten pour se libérer.
Le papier-monnaie que vous avez écarté par votre loi était un papier dont les acquéreurs n’avaient pas le droit de se servir pour se libérer. Par conséquent vous ne leur avez fait aucun préjudice dont ils puissent se plaindre, en leur ôtant la faculté de se libérer avec ce papier.
Je crois que sous aucun rapport il n’y a lieu d’admettre la proposition qui vous est faite.
Puisque j’ai la parole, je dirai quelques mots en réponse à une question faite par un honorable préopinant. Il a dit que la loi était inapplicable, parce que la loi ne dit pas ce qui sera fait des obligations restées sans usage après le parfait paiement des domaines.
Vous n’avez pas à vous occuper de cela. Par le contrat passe par le syndicat, vous vous êtes obligés à recevoir en paiement du prix des domaines les los-renten, capital et intérêts. Cette condition une fois observée, vous ne devez plus rien. Il en résulte que les détenteurs des los-renten n’auront rien à exiger de vous. Vous n’avez pas à examiner ce qu’ils feront du papier qui leur restera dans les mains. Ils en feront ce qu’ils voudront. Ils l’enverront au syndicat en Hollande, s’ils le jugent à propos. Une chose certaine, c’est que vous n’aurez à rembourser ni le capital ni les intérêts des los-renten.
Vous pouvez vous en rapporter aux détenteurs eux-mêmes, qui se déferont de leur papier-monnaie de manière à ne pas le laisser sans usage. Ce qu’il y a de los-renten dénoncés en circulation trouvera sa place dans les 20 millions qui restent encore à payer sur les domaines, tandis que ces los-renten ne représentent qu’une somme de 8 millions.
Non seulement ils ne peuvent toucher leur capital qu’en l’employant de cette manière ; mais ils ne peuvent percevoir les intérêts échus depuis 1830 que par ce moyen. Il ne faut pas mettre en doute que toutes les obligations en circulation ne soient affectées au paiement des domaines.
M. Fallon, rapporteur. - Dans la séance précédente, j’ai déjà combattu l’amendement proposé par l’honorable M. Zoude. J’ai peu de mots à ajouter à ce que vient de dire l’honorable M. Dubus, pour vous convaincre de l’inadmissibilité de cet amendement.
La révolution, dit M. Zoude, a été préjudiciable aux acquéreurs des domaines. C’est une erreur.
Il est incontestable que les acquéreurs n’ont pu compter sur la révolution. Mais que la révolution leur ait été préjudiciable, c’est ce que je ne puis admettre. Loin de là ; les acquéreurs ont dû calculer dès l’origine de leur acquisition la position où ils seraient à dater du 1er octobre 1830, époque à laquelle le remboursement des los-renten devait avoir lieu. Si la révolution n’était pas survenue, les détenteurs de ces obligations qui s’étaient empressés d’en demander le remboursement, l’auraient obtenu, et les acquéreurs n’auraient pu se procurer de los-renten. Ils auraient été très heureux d’être autorisés à payer en numéraire au taux de cent pour cent. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. Ils peuvent même faire un bénéfice d’un pour cent en se procurant des los-renten qui sont à 99. Les acquéreurs ne peuvent donc se plaindre de la révolution.
Je répondrai à l’honorable M. Verdussen qui trouve la loi incomplète que nous ne devons pas nous occuper de l’éventualité qu’il a citée. S’il arrivait que les los-renten restassent entre les mains des détenteurs, c’est alors seulement que la législature devrait prendre leur position en considération.
M. Zoude. - Dès l’instant que le syndicat ou le roi Guillaume a pu concevoir la pensée inique de spolier les acquéreurs, je vous demande s’il y aurait eu de sa part moins d’hésitation à spolier les détenteurs que les acquéreurs. Bénéfice pour bénéfice il aurait préféré ce premier moyen.
Je lis dans le rapport de M. Fallon :
« En ce qui touche l’admission de ces certificats en paiement du prix des domaines, aucun autre engagement n’a été contracté envers eux ; et, sans doute, s’engager à recevoir ces certificats en paiement du prix des domaines, ce n’était pas s’engager à n’admettre aucun autre mode de paiement
« L’engagement de recevoir ces certificats en paiement du prix des domaines n’était pas d’une autre nature que celui de recevoir dans toutes les autres opérations que le syndicat jugerait convenable de faire, et par conséquent l’on n’est pas plus exclusif que l’autre de la faculté d’admettre concurremment en paiement du prix des domaines tout autre mode de libération. Cette faculté de faire concourir tout autre mode de paiement qui serait trouvé convenable, est encore d’ailleurs la conséquence de la réserve formelle que faisait le syndicat du droit de rembourser en tous temps ces certificats en argent comptant. »
Ainsi le syndicat avait la faculté d’ordonner un autre moyen de libération. Le syndicat voulait gagner partie sur les détenteurs, partie sur les acquéreurs. Je persiste donc à dire que nous sommes dans une position d’oppression. Nous devons nous libérer à un taux supérieur au pair. La chambre qui s’est montrée juste envers les détenteurs ne peut se garder de l’être envers les acquéreurs. Elle ne peut avoir deux poids et deux mesures.
Je persiste dans mon amendement.
- L’amendement de M. Zoude est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’article 3 est mis aux voix et adopté.
Le vote définitif de la loi est fixé à lundi.
(Moniteur belge n°327, du 23 novembre 1835) M. le président. - M. le ministre de l’intérieur demande par le projet de loi primitif un crédit supplémentaire de 463,627 fr. 28 c.
Il a présenté un amendement tendant à obtenir une allocation supplémentaire de 13,143 fr. 36 c.
Total, 476,170 fr. 64 c.
La commission propose d’allouer une somme de 439,820 fr. 64 c.
M. Jadot. - Je n’entends pas contredire la mesure proposée par M. le ministre de l’intérieur. Je ferai seulement observer que déjà les dépenses que vous avez votées excèdent le montant de notre budget des voies et moyens. Je demanderai donc au ministre comment il sera fait face aux dépenses pour lesquelles il est demandé un crédit supplémentaire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déjà répondu d’avance à cette observation, ce matin même, en déposant la situation du trésor à l’époque du 1er novembre courant. Il résulte de cette situation qu’une somme de près de 7 millions d’excédant sur les voies et moyens est maintenant à la disposition du gouvernement. Cet excédant donne le moyen de faire face aux dépenses montant à 463,000 fr., pour lesquelles un crédit vous est demandé. Ces dépenses d’ailleurs ne sont pas nouvelles ; ce sont toutes dépenses arriérées, et la plus grande partie des sommes demandées est même déjà en quelque sorte engagée.
Les bons du trésor sont à la vérité comptés dans la supputation de l’excédant résultant de la situation du trésor ; mais il n’en est pas moins vrai qu’une somme de près de 7 millions d’excédant sur les voies et moyens est à la disposition du gouvernement. Ainsi il n’y a aucune inquiétude à avoir sur les moyens d’appliquer la somme de 465,000 fr. dont il s’agit.
M. Rogier. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si le budget de son département n’offre pas, comme je le crois, des excédants sur lesquels on pourrait imputer les dépenses qui font l’objet du crédit demandé. Ce serait alors un simple transfert comme la chambre en a fait antérieurement, et cela ferait droit à l’observation de l’honorable M. Jadot.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il a été reconnu que le moyen qui vient d’être indiqué par l’honorable préopinant, d’appliquer des dépenses sur des excédants, était contraire aux bonnes règles de la comptabilité. La cour des comptes et le département des finances ont reconnu la nécessité de clore les exercices, de stipuler que les excédants seraient reportés à un exercice suivant et d’appliquer à un crédit à ouvrir les dépenses relatives à un exercice clos.
Ainsi que l’a dit l’honorable M. Rogier, cela revient absolument au même ; quant à la dépense en elle-même, c’est tout simplement un moyen d’ordre différent. D’honorables membres se rappelleront que plus d’une fois dans cette enceinte on a émis le vœu de voir cesser les transferts, moyen irrégulier d’opérer en comptabilité. Je crois donc qu’il vaut mieux ouvrir un crédit pour les dépenses du ministère de l’intérieur. Quant aux moyens de faire face à ces dépenses, je les ai déjà indiqués.
M. Jadot. - Je reconnais que la marche indiquée par M. le ministre des finances est juste, et qu’il ne faut pas avoir recours aux transferts, moyen de ne jamais s’y reconnaître en comptabilité. Mais nous ne savons pas s’il y a une somme disponible, à moins que cela ne résulte de la loi des comptes. On dit que sept millions sont disponibles, mais il n’y a pas de compte arrêté ; et jusque-là nous ne savons rien. Mon observation tend à faire sentir la nécessite de liquider les comptes antérieurs ; car nous n’avons rien tant que nous n’avons pas compté.
M. Fallon. - Je demanderai à M. le ministre des finances si, cette année, nous trouverons dans le budget des voies et moyens un article qui donne le chiffre de l’excédant d’un exercice précédent. Jusqu’à présent on n’a pas reproduit l’excédant des exercices antérieurs ; il faut cependant finir par faire une loi des comptes car tant que nous ne l’aurons pas, il n’y a pas moyen de marcher régulièrement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’observation des honorables MM. Jadot et Fallon tend à faire sentir la nécessité de voter une bonne fois la loi des comptes. J’appelle aussi de tous mes vœux le vote de cette loi. Mais il est facile d’expliquer sommairement comment on n’a pas pu présenté encore la loi sur les comptes de 1830 et de 1831. Les finances n’étaient pas alors organisées, la cour des comptes n’existait pas. Ces circonstances indiquent assez la cause du retard.
Ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Fallon, il est à désirer que le budget des recettes puisse présenter un excédant sur les exercices antérieurs ; mais il faut que préalablement ces excédants aient été établis dans la loi des comptes.
On doit, dit-on, ignorer quelle est la situation du trésor, jusqu’à ce que la cour des comptes ait présenté ses observations sur l’exactitude de celle situation. Ceci est exagéré, car on admettra certainement que jusqu’à preuve contraire administrée par la cour des comptes, il y a indice et probabilité que cette situation est exacte ; il y a présomption, comme je l’ai dit, qu’il y a un excédant de 6 à 7 millions.
M. Jadot. - Je ne conteste pas l’exactitude de la situation présentée par M. le ministre des finances. Je sais qu’elle présente exactement tout ce qui a été alloué, tout ce qui a été reçu, tout ce qui a été dépensé. Mais il s’agit de savoir si toutes les dépenses qui ont été faites, les ministres ont eu le droit de les faire ; or, cela ne peut résulter que de l’examen de la cour des comptes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cela est vrai.
M. Verdussen. - L’observation de l’honorable M. Rogier est trop rationnelle pour que je ne la reproduise pas, en y donnant quelques développements. On doit préférer le mode des transferts à celui des crédits supplémentaires ; car il est essentiel que la nation connaisse l’état de ses dettes et les balance avec la somme des recettes prévues ; et si vous votez des budgets supplémentaires qui sont autant de petits budgets ajoutés au budget général sans rien diminuer sur d’autres articles du budget des dépenses, il en résulte que le budget des voies et moyens ne sera plus en rapport avec le total des dépenses portées au budget.
Si, au contraire, vous obtenez par un transfert la somme dont vous avez besoin, il en résulte que vous jetez un grand jour sur la discussion du budget. S’il y a nécessité de majorer une somme de la dépense, on reconnaît en même temps la nécessité d’en diminuer une autre, puisqu’on reconnaît que la somme pétitionnée était trop forte. Par le système des transferts au contraire, on ne connaît que la somme sur laquelle il y a déficit.
En principe, quand on demande des crédits supplémentaires il faudrait aussi demander des voies et moyens, sans cela il y aurait disproportion entre les revenus et les dépenses : c’est une chose que j’ai déjà signalée dans une autre circonstance ; mon observation vient d’autant plus à propos ici qu’on vient demander des crédits supplémentaires pour des dépenses qu’on pourrait couvrir par des transferts.
M. Jadot. - Je pense que la chambre devrait toujours refuser les demandes de transfert, car avec ce système de transfert on ne peut jamais connaître la véritable situation des choses. Quand on saura que vous êtes décidés à ne plus accorder de transferts, les ministres ne viendront plus vous demander au budget de somme supérieure à leurs besoins, certains qu’ils seront de ne pas obtenir le transfert des excédants.
Jusqu’à présent on avait toujours demandé pour certaines dépenses 100 ou 200 mille francs de plus qu’on n’avait réellement besoin, et quand la dépense était faite et se trouvait de 100 ou 200 mille francs au-dessous du crédit, on venait dire : Je suis parvenu à faire une économie de cette somme, et on en demandait l’application à une autre dépense. Alors la chambre considérant que le ministre avait fait une économie sur la somme qui lui avait été allouée, se décidait à accorder l’excédant pour l’objet demandé, objet qu’on n’aurait pas osé porter au budget et qui aurait été rejeté, si on l’y avait proposé.
M. Rogier. - Je ne sais si c’est le moment d’ouvrir une discussion générale sur la question des transferts. Je dois cependant un mot de réponse à l’honorable préopinant.
Rien ne me paraît plus simple que de couvrir des dépenses survenues dans le courant d’un exercice avec les excédants des exercices précédents.
C’est la marche qui a été suivie jusqu’à présent, et quand les chambres l’ont approuvée, la cour des comptes n’a rien à voir. S’il convient à la chambre d’imputer des dépenses imprévues sur des excédants que présentent les exercices antérieurs, la cour des comptes n’a rien à dire, elle doit se borner à veiller à ce que l’imputation soit faite comme la législature l’a ordonnée.
Cette année, si nous arrêtons les dépenses de 1836 avant les voies et moyens et que vous les portiez à 50 millions de francs, par exemple, on portera le budget des voies et moyens à la même somme, pour qu’il y ait balance entre les deux budgets.
Arrive, en 1836, la nécessité d’une dépense supplémentaire d’un million, je suppose : il est indispensable que le ministre vienne demander un crédit supplémentaire d’un million. Le budget des dépenses étant arrêté à 80 millions, sur quoi imputerez-vous ce crédit ? Il faudra, dans votre système, créer des voies et moyens jusqu’à concurrence du million de crédit que vous voulez ouvrir. Cette marche pourra présenter des inconvénients et des irrégularités, tandis que je n’en vois pas à imputer un excédant de dépense d’un exercice sur un excédant de crédit du même exercice on même d’un exercice précèdent et c’est un moyen d’engager un ministre à faire des économies.
Si vous déclarez qu’il sera interdit d’imputer des dépenses extraordinaires de 1836 sur des excédants de crédit restés disponibles en 1834 et 1835, qu’arrivera-t-il ? C’est que sachant que vous n’accorderez pas de transfert, les ministres ne chercheront pas à faire des économies et dépenseront autant qu’ils pourront, certains qu’ils seront qu’une fois l’année écoulée, ils ne pourront plus rien dépenser sur cet exercice.
M. Dubus. - Les ministres ne gagnent rien à dépenser davantage.
M. Rogier. - Sans doute les ministres n’y gagnent rien. Mais je voulais faire observer que M. Jadot s’est trompé quand il a dit qu’avec le système des transferts, on apporterait moins d’économie dans les dépenses ; c’est le contraire qui arrivera.
Quant à moi, je n’insiste pas pour que le ministre demande l’imputation des crédits dont il s’agit sur les excédants des exercices antérieurs. La question peut présenter des doutes. Mais je pense qu’elle mériterait d’être mûrement examinée et débattue, et qu’avant de condamner le système des transferts on devrait en faire l’objet d’une discussion approfondie.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je vais tâcher de démontrer qu’il est impossible, dans le cas présent, d’admettre des transports, sans bouleverser toute la comptabilité déjà établie.
Veuillez remarquer que les crédits demandés concernent l’exercice 1832, et notez que les comptes de 1831, arrêtés par la cour des comptes, sont entre vos mains. Essayez maintenant d’imputer la somme demandée sur un article quelconque du budget de 1832, où il y aurait excédant ; il faudrait renvoyer à la cour des comptes la loi de transfert avec les comptes de 1832, et lui demander de changer tout son travail, ainsi que celui du département des finances. Vous voyez qu’il ne peut être question d’opérer un transfert semblable.
Voulez-vous prendre l’exercice 1833 dont on ne vous a pas encore remis les comptes ? Là, les mêmes inconvénients se présentent. Ils ne sont pas tout à fait aussi graves, quoique à peu prés les mêmes. Le compte de 1833 est déjà établi d’une manière provisoire. Si vous admettiez un transfert sur cet exercice, toute cette comptabilité, qui n’est pas si facile à établir qu’on pourrait le croire, devrait être changée.
L’honorable M. Jadot a produit contre les transferts des observations qui sont d’une autre nature. Il n’en voudrait pas pour obliger les ministres à ne demander que ce qui leur est strictement nécessaire, en leur ôtant la faculté de venir dire, après que les dépenses ont été effectuées : Vous m’avez alloué, par exemple, 12 millions, je n’ai dépensé que 11 millions 500 mille francs ; je vous demande ces 500 mille fr. pour couvrir une autre dépense pour laquelle vous ne m’avez pas donné assez ou pour laquelle rien n’a été alloué.
Je pense, messieurs, qu’en dernière analyse, la chambre est toujours juge de ces questions, et que, soit qu’on demande un transfert ou un crédit nouveau, la chose reste la même.
M. Rogier pense que les ministres sont plus intéressés à faire des économies avec le système des transferts. Je ne suis pas de cet avis. Les ministres doivent chercher à faire le plus d’économies possible, sans l’arrière-pensée qu’ils pourront venir demander l’application de ces économies à telle ou telle dépense.
M. Jadot. - Je demande la parole pour faire observer que ce n’est pas seulement par le motif que j’ai indiqué que je combats le système des transferts ; j’y ai été déterminé aussi par les motifs énoncés par M. le ministre des finances, que les transferts jetaient la confusion dans la comptabilité. C’est pour venir à l’appui de cette considération que j’ai présenté mon observation.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je déclare la discussion générale fermée.
M. le président. - Nous passons à la discussion du tableau
Littera A
« A. Paiement de construction du canal de Gand à Terneuzen : fr. 61,899 39. C. »
- Adopté.
Littera B
« Traitement du ministre du culte anglican à Spa, pour l’année 1832 : fr. 1,200. »
M. le président. - La commission rejette ce littera.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai remarqué que la commission avait retranché ce littera parce qu’en 1832 le ministre anglican n’avait pas reçu la commission spéciale qu’il est d’usage de lui donner annuellemen,t pour remplir ses fonctions à Spa, pendant le temps des eaux. Ce refus serait une injustice à l’égard de la veuve de ce pasteur.
En effet, il y avait un arrêté en vertu duquel le ministre était autorisé à déléguer un pasteur pour faire le service anglican à Spa. En 1831, il n’y eut pas de service à faire, parce qu’il n’y avait pas d’Anglais. En 1832, les Anglais revinrent à Spa et le ministre anglican revint à son poste, il notifia son arrivée au gouverneur de la province. On ne connaissait pas cette disposition d’après laquelle il était nécessaire de renouveler la commission du ministre, on se borna à aviser le gouverneur qu’on trouverait moyen de pourvoir au traitement du ministre anglican, on croyait, comme cela s’était fait jusque-là, le prélever sur le produit des jeux. Mais il s’est élevé sur ce produit des jeux un procès qui n’est pas encore décidé.
Le gouvernement a pensé qu’on ne pouvait pas laisser cette veuve attendre indéfiniment, que ce procès soit terminé pour toucher la somme due à son mari, et qu’il était plus régulier de la porter au budget. D’ailleurs, cette sera amplement couverte par le bénéfice fait sur les jeux.
M. Lejeune, rapporteur. - La commission a examiné attentivement la question qui nous occupe, et elle n’a pas cru devoir admettre le crédit demandé, parce que, dans son opinion, le ministre anglican n’avait pas le droit de réclamer la somme qui en fait l’objet, attendu que la délégation finissant chaque année, comme il en est convenu lui-même, le ministre du culte a réclamé en temps utile le renouvellement de sa délégation ; et sa demande étant restée sans réponse, la délégation n’a pas été renouvelée.
En cela, je pense que le ministre a bien fait, parce que je doute qu’il eût le droit d’accorder une délégation entraînant pour l’Etat une dépense non prévue par le budget. C’est par ce motif que la commission n’a pas alloué le crédit demandé.
Mais il s’agit de voir si le ministre anglican a réellement rempli ses fonctions de bonne foi, et si le service anglican est utile à Spa. Or, il est clairement établi que le service a eu lieu en 1832, année pour laquelle sont réclamés les 1,200 fr. Quant à l’utilité, je dirai que depuis la mort du pasteur anglican, pour la veuve duquel on réclame une indemnité, beaucoup de requêtes ont été faites pour solliciter son remplacement, J’en conclus qu’il n’était pas inutile. Par cette considération, je déclare que, pour ce qui me regarde, je ne m’opposerai pas à ce que le crédit soit alloué.
M. Demonceau. - Je demande la parole pour donner quelques éclaircissements.
Depuis quelque temps, (erratum inséré au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1835 :) la société de la redoute de Spa donnait des jeux pendant la saison des eaux. Comme ce sont principalement des Anglais qui viennent habiter Spa et que leur séjour fait la principale richesse de cette ville, on avait cru qu’il était nécessaire qu’un ministre du culte anglican eût sa résidence à Spa, pour la saison des eaux. Ce ministre du culte anglican, sous le gouvernement précédent, était payé sur la part qui revenait au gouvernement du bénéfice des jeux. Je n’ai pas besoin de vous dire comment se partageait le produit des jeux. Après avoir prélevé tous les frais, le bénéfice net était partagé par moitié entre le gouvernement (erratum inséré au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1835 :) et la société des actionnaires de la redoute.
C’était ainsi que cela se passait sous l’ancien gouvernement. Mais depuis que nous sommes régis par une constitution qui ne permet pas de payer des appointements non portés au budget, le gouvernement a cru devoir porter au budget de 1833 une somme pour l’exercice du culte anglican à Spa, C’était de toute nécessité, car si on ne le faisait pas, la ville serait déserte.
Je crois qu’il y aurait injustice à ne pas allouer la somme demandée pour 1832, parce qu’en réalité le pasteur y a rempli ses fonctions.
M. Jadot. - Il résulte de ce que viennent de dire le préopinant et le ministre de l’intérieur, que les recettes provenant des jeux sur lesquelles on prenait le traitement du pasteur, étaient supérieures à la dépense ; cependant, je n’ai encore rien vu figurer dans les voies et moyens provenant de ces jeux. Je pense que cela figurera an prochain budget, et qu’on y fera figurer aussi les arriérés des années antérieures.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Jusqu’à présent il n’y a pas eu de recettes effectuées, parce qu’il y a litige. Mais on pourra faire figurer ce produit au prochain budget des voies et moyens ; j’espère qu’alors la rentrée aura eu lieu.
- Le littera B est mis aux voix et adopté.
Litteras C à G
« C. Récompense accordée pour 1832 à l’occasion du choléra : fr. 100. »
- Adopté.
« D. Subside accordé à la commission des hospices de Louvain, pour l’aider à payer les dépenses faites à l’occasion du choléra en 1832 : fr. 1,500. »
- Adopté.
« E. Pension des Indes, des deux enfant mineurs de la dame de Jean, veuve Le Moine, pendant l’année 1832 : fr. 253 96 c. »
- Adopté.
« F. Arriéré de la pension du sieur Raoux, ancien conseiller d’Etat (1832) : fr. 1,500. »
- Adopté.
« G. Réparations d’armes de la garde civique et frais près les conseils de discipline, en 1832 : fr. 5,678 51 c. »
- Adopté.
Littera H
« H. Vacations aux conseils de milice, en 1832 : fr. 1,102 43 c. »
M. Demonceau. - Depuis longtemps la chambre est saisie d’une réclamation qui lui fut adressée par un des membres du conseil de milice, celui qui présida le conseil à Verviers en 1832, et d’une autre réclamation faite par un autre membre, M. David, bourgmestre de Verviers. Le gouvernement a reconnu que l’indemnité était due et que c’était faute de fonds qu’elle n’était pas payée. Je demanderai à M. le ministre si l’indemnité réclamée par ces deux personnes est comprise dans la somme qu’il demande.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne me rappelle pas les personnes auxquelles des vacations sont dues, mais je pense que le crédit demandé suffit pour les payer toutes.
- Le littera H est adopté.
Littera nouveau
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). J’avais demandé qu’on ajoutât au littera B de l’article premier qu’on vient de voter une somme de 132-20 pour bourses des enfants du pasteur protestant, à Hodimont, pour l’année 1832. Cette somme n’a pas été payée sur le budget de 1832, parce que l’instruction de l’affaire qui en fait l’objet n’était pas terminée lorsque l’exercice 1832 a été clos.
Il n’a été fait sur cette réclamation qu’une seule observation sur la question de savoir si la pension devait être payée jusqu’à la vingt-deuxième année ou y compris cette vingt-deuxième année. J’ai vérifié les arrêtés, et je me suis assuré que c’était y compris la vingt-deuxième année.
Je propose de faire de ce crédit un nouveau littera.
M. Lejeune, rapporteur. - D’après la déclaration de M. le ministre, je n’ai qu’à proposer l’adoption du crédit qu’il demande.
- La somme de 132-20 pour les enfants du pasteur anglican à Hodimont est allouée sous le littera J.
Litteras A et B
« A. Solde des frais de transport et du placement de l’équatorial : fr. 1,200. »
- Adopté.
« B. Remboursement de la retenue opérée sur la pension de la dame veuve Engelen, pensionnaire des Indes : fr. 2,885-49. »
- Adopté.
Littera C
« C. Loyer du bâtiment servant à l’exercice du culte protestant à Spa : fr. 1,800. »
M. Demonceau. - Cette somme est demandée pour trois années de loyer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les explications sont consignées dans l’exposé des motifs du projet de loi.
« Par acte authentique en date du 2 février 1828, le sieur Damseau, propriétaire demeurant à Spa, a fait bail et donné à louer pour le terme de six années, et moyennant une somme annuelle de 600 francs, au gouvernement précédent, un bâtiment destiné à servir à l’exercice du culte protestant à Spa. Ce bail est expiré le 1er mai 1834, mais les trois dernières années sont encore dues au propriétaire. Ses droits reposant sur un acte inattaquable, ne paraissent pas susceptibles de contestation. »
- Le littera C est adopté.
Littera D
« D. Frais relatifs au musée des arts et métiers : fr. 7,000. »
M. Dumortier. - Je demanderai des éclaircissements sur cet objet. Ce musée n’a aucune espèce d’intérêt, c’est un établissement de jouets. La science et l’industrie n’en retirent rien.
On est fort sévère et fort avare pour des établissements utiles au pays ; pourquoi être prodigue pour un établissement qui ne contient que des hochets ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant est dans l’erreur s’il croit que l’établissement est sans utilité ; je sais que l’on va fréquemment consulter les modèles qui sont au musée des arts et métiers. Cette année il a fallu faire des dépenses plus considérables que les autres années, parce qu’il y a eu des frais de translation et de réparations à exécuter pour transformer un local qui avait servi aux cholériques au musée. »
- Le chiffre 7,000 fr. pour les arts et métiers, mis aux voix, est adopté.
Litteras E à H
« E. Dépenses arriérées concernant le conservatoire de musique à Bruxelles : fr. 6,000. »
- La commission accorde ce chiffre. La chambre adopte.
« F. Solde et frais d’acquisition, transport et placement d’un cercle mural : fr. 2,600. »
- Adopté sans discussion.
« G. Dépenses relatives à l’agriculture : fr. 6,000. »
- Adopté.
« H. Complément de pension pour le sieur V. R., ancien commissaire de district : fr. 500. »
- Adopté.
Littera I
« I. Solde des frais de routes et de séjour de l’archiviste général du royaume : fr. 177 80 c. »
M. Desmet. Mais cet archiviste n’a-t-il pas un traitement de 6,000 francs et un logement ? pourquoi lui donner encore 177 fr. ?
Il inspecte les archives des provinces, et cela m’étonne qu’il soit chargé d’une telle besogne : nos archives sont en flamand ou en latin, et, si je suis bien informé, il ne sait ni l’une ni l’autre langue. (On rit.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le chef archiviste n’a pas de traitement fixe ; seulement il a des frais de route et de séjour, comme tous les autres fonctionnaires, quand il se déplace.
M. Jadot. - Indépendamment du traitement dont il jouit, il trafique encore sur les documents commis à sa garde. Le gouvernement devrait empêcher de trafiquer sur les archives appartenant à l’Etat.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’archiviste ne trafique nullement. Il s’est engagé à livrer au public par la voie de l’impression plusieurs documents inédits ; mais comme les sommes qu’on lui alloue pour cet objet sont insuffisantes pour couvrir les frais, on lui accorde un certain nombre d’exemplaires qu’il peut livrer dans le commerce ; mais tous cela se fait par suite d’un contrat.
- La somme de 177 fr. est votée.
Littera J
« J. Supplément de crédit pour secourir les légionnaires nécessiteux : fr. 15,750. »
M. le président. - La commission n’alloue pas ce chiffre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que le crédit doit être accordé, car tous les légionnaires du royaume doivent se trouver dans la même position. La chambre, en votant le budget, a entendu venir à leur secours ; elle a admis qu’il serait accordé à chacun d’eux 250 fr. C’est sur la proposition du ministre que ce chiffre de 250 a été voté, et l’article n’a rencontré aucune difficulté. Mais le nombre des légionnaires s’est trouvé plus considérable qu’on ne l’avait prévu ; tel est le motif de la demande supplémentaire qui vous est faite maintenant. Toutefois je crois qu’on pourrait réduire le chiffre de ce paragraphe à 13,250 fr. ; car on avait fait un calcul sur des demandes présumées, et qui ne sont pas parvenues. L’année est trop avancée pour croire qu’elles viendront.
M. Gendebien. - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Tout le monde est d’accord.
M. Gendebien. - Vous ne savez pas de quoi je vais parler.
Messieurs, je veux appuyer ce qu’a dit M. le ministre de l’intérieur, et vous demander le retranchement d’un mot dans le libellé du paragraphe, du mot « nécessiteux. »
Comment un pays qui se dit libéral peut-il laisser dans le besoin des légionnaires ? Ce mot est moins injurieux pour les légionnaires eux-mêmes que pour la Belgique. Les hommes qui ont sacrifié leur existence pour la défense de leur pays ne sont pas riches ordinairement ; mais pourquoi dire dans nos lois qu’ils sont nécessiteux : On dit d’ailleurs « secours aux légionnaires » ; est ce que cela ne suffit pas ?
M. le président. - Ce mot n’est pas dans la loi, il est dans le tableau.
M. Gendebien. - Mais le tableau ne fait-il pas partie de la loi ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Oui, car il sera imprimé avec la loi.
M. Dubus. - J’ai un renseignement à demander. Il ne s’agit ici que d’un supplément de crédit ; je voudrais savoir dans quels termes le crédit a été voté dans le budget, car le supplément doit être conçu dans les mêmes termes.
Si l’expression contre laquelle on réclame est consacrée par la loi de finances, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’elle figure dans la loi nouvelle.
M. Gendebien. - Il me semble que j’ai donné des motifs suffisants pour ordonner la suppression d’un mot au moins inconvenant. Ce mot, comme je l’ai dit, est plus injurieux à la Belgique elle-même qu’aux légionnaires. Quand cette expression serait dans le budget, est-ce une raison suffisante pour la conserver dans les autres lois ? Il ne faut pas parler d’une manière inconvenante d’hommes qui ont versé leur sang pour le pays.
M. Fallon. - Je crois que nous ne pouvons pas retrancher un mot qui se trouve dans le budget, la chambre a décidé dans la loi du budget qu’il ne serait accordé de secours qu’aux légionnaires nécessiteux ; elle n’a pas voulu que la munificence nationale allât au-delà. Je crois que nous devons nous conformer à ce qui a été décidé dans le budget.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que le mot nécessiteux est inutile. En supprimant ce mot, alors même qu’il est dans le budget, on ne changera rien à l’affectation de la somme. Car par ce crédit supplémentaire vous ne faites qu’ajouter un supplément à un crédit dont vous avez dans le budget réglé la destination.
- La suppression du mot « nécessiteux » proposée par M. Gendebien est mise aux voix et adoptée.
Le littera J de l’article 2 est adopté en ces termes : « Supplément de crédit pour secourir les légionnaires, 13,250 fr. »
Littera A
« Litt. A. Frais d’équipements de la garde civique : fr. 313,500. »
- Adopté.
Littera B
« Litt. B. Acquisition de l’amphithéâtre et des estrades élevés en 1834 dans le local des Augustins : fr. 13,380. »
M. Dubus. - Il s’agit ici d’une dépense à faire. Je ne sais pas par quels motifs d’urgence elle est comprise dans la loi qui nous occupe ; car puisque nous allons nous occuper du budget de l’intérieur, on aurait pu y comprendre cet article de dépense, qui ainsi eût été examiné avec maturité.
Le résultat du vote sur la somme demandée serait de consacrer à perpétuité un édifice de cette ville à des concerts-monstres ou autres cérémonies de cette nature. Cela peut présenter une utilité pour la ville de Bruxelles. Mais il me semble que vous ne devez voter cette dépense qu’après avoir examiné s’il y a nécessité de la faire, ou si elle peut être utile à l’Etat.
Une autre observation, c’est que l’édifice dont il s’agit est une église qui doit être rendue à son ancienne destination, dès que cela peut être nécessaire pour l’exercice du culte catholique. Or, il est incontestable que le nombre des églises de Bruxelles n’est pas en rapport avec sa population. Car cette ville qui a intra muros une population de plus de cent mille habitants, n’a pas plus d’églises que telle ville de 50 mille âmes que je pourrais citer.
Il m’a été dit que cette église avait été réclamée par le culte. Je crois que s’il en est ainsi, s’il y a eu des réclamations à cet égard, cette église doit être rendue à l’exercice du culte catholique, et dès lors nous ne devons pas la consacrer à perpétuité à une autre destination. Les lois sont formelles sur ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’aurai l’honneur de donner des explications à cet égard. L’édifice dont il s’agit a été consacré, pendant quelque temps, à l’exercice du culte catholique ; il a servi ensuite au culte protestant. Depuis 1830 il n’avait plus de destination ; on a trouvé qu’il pouvait, dans certaines circonstances, être utile pour des réunions publiques. Ainsi, à différentes reprises on y a fait une distribution de prix.
Il est vrai de dire que cette église fut réclamée, il y a deux ans, pour l’exercice du culte catholique ; on consulta le conseil de régence sur le besoin qu’il pouvait y avoir d’affecter à cet édifice au culte. Le conseil de régence fut d’avis qu’il n’était pas actuellement nécessaire de le rendre à cette destination, attendu qu’il était placé à côté d’une autre église, considérée comme suffisante au moins pour le moment.
Mais de ce qu’on ferait aujourd’hui l’acquisition de cet édifice, il ne résulte pas que jamais il ne serait restitué à l’exercice du culte catholique. Rien n’empêcherait qu’il en fût ainsi, si le besoin s’en faisait sentir.
L’honorable préopinant a demandé pourquoi l’on n’avait pas attendu la discussion du budget de l’intérieur pour soumettre cette dépense à la chambre. Je répondrai que c’est parce que le propriétaire a réclamé une prompte décision de la part du gouvernement ; c’est là ce qui m’a décidé à comprendre cette proposition de dépense dans la loi qui vous est soumise. Au surplus cette proposition a été examinée par une commission. Ce qui suffit aux termes du règlement.
M. Desmet. - J’appuie les observations de l’honorable M. Dubus.
M. le ministre de l’intérieur dit que l’église des Augustins pourra être rendue au culte catholique. Cependant on a abandonné les stalles de cette église à celle de Molenbeek ; ce qui ne prouve pas qu’on veuille la rendre à l’exercice du culte.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ceci est facile à expliquer, On n’a abandonné ce mobilier à l’église de Molenbeek qu’à la condition qu’il serait restitué à celle des Augustins si ultérieurement cet édifice était rendu à l’exercice du culte catholique.
M. Dubus. - Il est manifeste que la véritable question à décider n’a pas été examinée par la commission. Pouvons-nous décider une aussi grave question sans qu’elle ait été préalablement examinée comme elle aurait dû l’être ? Car il est certain que ni le rapport de la commission, ni l’exposé des motifs du ministre, n’ont soulevé la question.
Il résulte des explications de M. le ministre de l’intérieur que j’étais bien informé, et qu’il y a deux ans cette église a été réclamée pour le culte catholique. C’est là un point qui mérite d’être examiné par la commission ; car en votant la somme de 13,380 fr., demandée pour l’appropriation de cette église à des usages profanes, vous tranchez la question, vous enlevez cette église à l’exercice du culte catholique. Le roi Guillaume l’avait enlevée à cette destination pour la consacrer à l’exercice du culte protestant. Aujourd’hui on l’élève au culte pour célébrer ce qu’on appelle des fêtes nationales.
Il résulte des lois en vigueur que les anciennes églises doivent demeurer consacrées au culte catholique, jusqu’à la limite des besoins. Ainsi on ne peut refuser à l’exercice du culte catholique l’église des Augustins, réclamée pour cet usage.
Je demande donc que l’article soit renvoyé à la commission qui examinera la question et présentera des conclusions. S’il y a des motifs d’urgence, on fera une loi spéciale pour cet article-là.
M. Lejeune, rapporteur. - Je désire autant que l’honorable préopinant que l’église des Augustins soit rendue à l’exercice du culte. Mais je crois que le renvoi à la commission, qu’il a proposé, sera jugé inutile d’après les explications que je suis à même de lui donner.
La commission a proposé l’allocation du crédit demandé pour acquisition de l’amphithéâtre et des estrades élevés en 1834 dans le local des Augustins, parce qu’il s’agit d’une dépense qu’on ne peut se refuser à admettre puisqu’elle est déjà faite.
Si vous refusez le crédit demandé, le gouvernement sera obligé de demander un autre crédit pour frais de construction des estrades et pour le loyer du bois. Tout ce qu’il y a de plus dans la somme que la commission vous propose d’admettre, c’est le prix du bois. De sorte que si ce chiffre était admis par la chambre et que dans quelque temps cette église pût être rendue à l’exercice du culte, le gouvernement vendrait le bois, et la différence serait couverte par le prix de la vente.
M. Dubus. - L’honorable rapporteur n’a pas compris le but du renvoi à la commission que j’ai demandé ; et les explications qu’il a données ne sont nullement satisfaisantes. Je crois qu’il est dans l’erreur lorsqu’il pense que si le gouvernement n’achetait pas le bois, il devrait payer une indemnité à l’entrepreneur pour l’appropriation du local. Je pense que l’appropriation du local a eu lieu aux frais d’une société particulière, qui a indemnisé l’entrepreneur. Maintenant l’entrepreneur veut disposer du bois qui doit lui revenir. Mais on demande auparavant que le gouvernement ait donné une destination fixe à l’édifice. C’est une question de nature à être examinée. Il est possible que la chambre alloue le crédit demandé ; mais elle ne doit l’allouer qu’après examen. Or, la question de la destination de l’édifice n’a pas été examinée par la commission, qui ignorait qu’il eût été réclamé pour le culte. Ainsi les motifs du renvoi à la commission subsistent, malgré les observations de l’honorable rapporteur.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai déjà en l’honneur de donner des explications sur la demande de restitution du local des Augustins à l’exercice du culte catholique. Cette demande a eu lieu ; mais en suite des observations du conseil de régence et, je crois, de la députation des états, il fut décidé que la nécessité de cette restitution n’était pas démontrée. De telle manière qu’on a cru pouvoir se servir de cet édifice dans diverses circonstances solennelles, notamment pour des distributions de prix.
Ce local a également été réclamé pour qu’on pût y instituer une école dominicale. Mais cette destination est compatible avec celle qu’il a maintenant. Ainsi, rien n’empêche de voter le crédit demandé.
M. Lejeune, rapporteur. - Je me serai mal expliqué, ou l’honorable M. Dubus ne m’aura pas bien compris. J’ai voulu faire entendre qu’il ne serait rien préjugé par le vote de la chambre sur la destination de l’église des Augustins. Les estrades élevées dans cette église l’ont été pour les fêtes de septembre 1834. On a fait alors un accord avec un charpentier pour la construction des estrades et le loyer du bois. Voilà deux objets à payer. Maintenant le crédit demandé est pour ces deux objets, plus le prix de la vente du bois. J’ai seulement fait observer que le gouvernement pouvait acquérir les estrades ; les laisser pendant 2 ou 3 mois et les détruire sans rien perdre, vous ne préjugez rien sur la destination à donner à l’église des Augustins, puisqu’on pourra utiliser le bois acheté ou le vendre.
M. Gendebien. - D’honorables membres désirent que l’on examine, avant de voter la somme demandée, la question de la destination à donner au temple des Augustins. Pourquoi donc alors cette obstination du ministre pour enlever son crédit, alors surtout que, dans huit ou dix jours, nous devons nous occuper du budget de l’intérieur dans lequel il pourrait très bien comprendre cette dépense ? Pour moi, je pense que nous devons ajourner cette discussion au vote du budget de l’intérieur.
J’ai cependant un mot à dire au sujet du mobilier cédé à l’église de Molenbeek. M. le ministre a dit qu’il avait été cédé à condition de rétrocession, dans le cas où le temple des Augustins serait rendu à sa destination première. Mais songez que ce mobilier est un vieux bois orné de moulures fragiles. Je vous garantis qu’au deuxième déplacement il n’en restera plus rien. Je prévois que si l’on rend le local des Augustins à l’exercice du culte catholique, la ville ou les paroissiens de cette nouvelle paroisse seront condamnés à faire de nouveaux fonds pour remplacer le mobilier en déconfiture. On ne déplace pas un orgue sans de grandes dépenses. Je suis convaincu que si le mobilier doit être ainsi déplacé, ces déplacements coûteront autant qu’aurait coûté un mobilier nouveau.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Evidemment, si on avait prévu que l’on dût restituer immédiatement au culte le local des Augustins, on n’aurait pas cédé le mobilier de cette église à celle de Molenbeek ; on l’a cédé, parce que l’on a pensé qu’il n’y avait pas nécessité à cette restitution immédiate.
Quant au déplacement du mobilier, je pense qu’il a pu se faire sans dommages et sans de grands frais.
A l’égard de l’ajournement demandé par l’honorable préopinant, je déclare ne pas m’y opposer. Mais je demande que la section centrale se considère comme saisie de ma demande. (Adhésion.)
J’avais demandé ce crédit, il y a quatre mois. Alors il y avait plus de motifs pour ne pas attendre la discussion du budget de mon département. Mais aujourd’hui que cette discussion est prochaine, je n’ai pas de motifs pour m’opposer à l’ajournement demandé.
- L’ajournement proposé par M. Gendebien, auquel consent M. le ministre de l’intérieur et auquel se rallie M. Dubus, est adopté par la chambre.
Littera C
« C. Solde des constructions faites en 1834, sur l’emplacement de l’ancien hôtel du ministère de la justice : fr. 13,011 16 c. »
M. Dumortier. - Dans ma carrière parlementaire, j’ai souvent eu l’occasion d’attaquer le ministère ; mais j’ai toujours pensé que quand un ministère était tombé, il était plus loyal de ne pas s’occuper de lui. Toutefois il s’agit aujourd’hui d’une question tellement grave que, quoiqu’il m’en coûte de parler, je ne crois pas pouvoir garder le silence.
Lors de la discussion du budget de 1834, M. le ministre de l’intérieur demanda à la chambre une allocation pour construire sur l’emplacement de l’hôtel du ministre van Maanen un palais pour les archives, un hôtel enfin ; car la destination importe peu. La chambre refusa d’allouer cette dépense. La dépense n’ayant pas été allouée, vous croyez sans doute qu’elle ne fut pas faite.
Mais ce fut tout le contraire. M. le ministre de l’intérieur d’alors se décida à construire un palais qu’il destinait à la célébration des fêtes de septembre. Mais remarquez que dès lors il a violé les articles 115 et 116 de la constitution ; en effet l’article 116 porte : « Chaque année, les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le budget. Toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent être portées au budget et dans les comptes. » Or ici le ministre a ordonnancé une dépense qui ne se trouvait pas au budget, puisqu’elle avait été rejetée par la législature ; il a donc évidemment violé l’article 115 de la constitution.
Lorsque M. le ministre de l’intérieur actuel arriva aux affaires, il eut la sagesse de faire stater ces travaux entrepris contrairement à la constitution. On envoya à la cour des comptes une demande de paiement ; la cour des comptes refusa positivement son visa ; elle déclara qu’elle était investie par l’article 116 de la constitution du devoir de faire exécuter les votes de la chambre des représentants dont elle émane, et qu’elle ne pouvait allouer une dépense faite sans l’autorisation de la législature ; en effet, l’article 116 de la constitution impose à la cour des comtes le devoir de veiller « à ce qu’aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé, et qu’aucun transfert n’ait lieu. » C’est là une des dispositions les plus salutaires de la constitution ; car s’il était permis de ne pas avoir égard à la spécialité des dépenses du budget, on verrait des allocations manifestement détournées de leur objet. C’est ainsi qu’avec le produit d’un régiment on pourrait créer une école.
Eh bien, messieurs, ce que la cour des comptes a fait, nous devons lui en savoir gré. Elle a refusé la liquidation, et c’est pour cela qu’on vous demande aujourd’hui un supplément de crédit.
Si l’honorable député qui était ministre alors était encore aujourd’hui au ministère, nous aurions un devoir à remplir vis à vis du pays ; je croirais que mon mandat de représentant m’oblige de m’opposer à ce qu’on passe en compte la somme demandée aujourd’hui. C’est ainsi que la chambre des députés de France a compris son mandat quand M. de Peyronnet ayant fait une dépense pour laquelle on lui avait refusé un crédit, elle refusa de lui en tenir compte et l’obligea de payer de ses propres deniers.
C’est ainsi que nous devrions agir pour faire respecter le vote de la chambre ; nous devrions refuser d’allouer des dépenses faites indûment. Dans les circonstances actuelles, je ne crois pas devoir faire une semblable proposition, mais je crois que nous devons faire quelque chose pour mettre à couvert la dignité de représentant et les prérogatives de la chambre.
Je demande donc que la chambre, dans son procès-verbal déclare qu’accordant un bill d’indemnité pour la dépense, elle alloue le crédit demandé.
Voilà la proposition que je fais ; c’est une simple insertion au procès- verbal.
Dans la circonstance actuelle j’alloue le crédit ; mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, dans une autre circonstance je n’aurais pas cru pouvoir le faire.
M. le président consulte la chambre sur la question de savoir si la proposition de M. Dumortier est appuyée.
- Elle est appuyée.
M. Rogier. - Messieurs, je commence par déclarer que la grâce que veut m’accorder M. Dumortier, je n’en veux pas ; que le bill d’indemnité qu’il propose, je n’en veux pas non plus. Je le remercie de la bienveillance qu’il montre pour les ministres tombés ; mais je le prie de croire que les ministres tombés ont encore assez de dignité pour refuser les grâces qu’ils ne croient pas avoir méritées.
On a articulé deux faits que je crois dénués d’exactitude. Pour appuyer l’acte d’accusation a posteriori qui vient d’être lancé, on a dit qu’une dépense avait été proposée au budget de 1833 pour élever un hôtel sur l’emplacement de l’ancien ministère de la justice. Je crois que c’est une erreur ; je ne crois pas avoir proposé une dépense avec destination de construire un hôtel...
M. Dumortier. - Je vous demande pardon. Un crédit a été demandé au budget de 1834 pour construire un hôtel où on placerait les archives.
M. Rogier (après avoir consulté le budget de 1834). - Voici comment est conçu un littera du budget pour l’exercice 1834 : « Pour construction d’un bâtiment pour les archives de l’Etat, sur le terrain de l’ancien ministère de la justice : fr. 150,000 fr. »
Je ne crois pas que M. Dumortier ait parlé d’un bâtiment pour les archives.
M. Dumortier. - Je vous demande pardon.
M. Rogier. - Soit. Cette somme n’a pas été accordée, parce qu’on a trouvé préférable de transporter les archives à la porte de Hal. Au mois de juillet 1834, le gouvernement se trouvant dans la nécessité de procéder d’une manière convenable à la célébration des fêtes de septembre, il s’agissait de réunir dans un concert, qui se donnerait à Bruxelles, toutes les villes du royaume qui ont des sociétés musicales. On n’avait pas de local convenable. L’église des Augustins existait, mais le gouvernement éprouvait quelques scrupules à faire exécuter un concert dans ce lieu consacré à un autre usage. A cet égard les observations faites tout à l’heure par l’honorable ami de M. Dumortier lui feront comprendre les scrupules du ministère.
Ensuite, le gouvernement trouvait le local trop petit. Il voulait donner à ce concert le plus de publicité possible ; il voulait une salle qui pût contenir beaucoup plus de monde que l’église des Augustins. Je fis venir l’architecte Suys ; je lui demandai s’il pourrait, dans les deux mois qui nous restaient jusqu’aux fêtes de septembre, construire une salle provisoire pour la grande réunion que le gouvernement se proposait. M. Suys, dont le talent et l’activité vous sont connus, me répondit qu’il croyait pouvoir préparer les fondements d’une salle qui pourrait devenir définitive par la suite, mais qui pour cette année pourrait servir à la réunion projetée, au moyen d’une tente qui s’élèverait sur les fondements de cette salle.
L’idée d’avoir une grande salle destinée aux fêtes publiques fit venir une autre. Je me suis demandé si nous n’avions pas encore besoin d’une salle pour quelque autre destination que pour les fêtes publiques, et j’ai été frappé de la pénurie où se trouve le gouvernement quant aux locaux publics. Il faut savoir que le gouvernement n’a pas une place de six pieds carrés pour placer ses collections ou faire les expositions qu’il décrète.
En 1833, j’avais eu l’honneur de proposer au Roi une exposition périodique des objets d’art ; dans le même arrêté on établissait le principe d’une collection d’objets d’art à réunir dans Bruxelles. Je sais que postérieurement cet arrêté n’a pas été rappelé et qu’on a préféré remonter à un arrêté du roi Guillaume, quoique celui de 1833 existât. Cet arrêté, dis-je, consacrait le principe d’une exposition périodique et d’une collection, au musée national à établir à Bruxelles. Plus tard, un autre arrêté décréta une exposition d’objets d’industrie. Quelque temps auparavant, des offres avaient été faites au gouvernement pour un cabinet d’estampes que le propriétaire proposait à des conditions très avantageuses.
Tandis que je cherchais un local pour le placer, le propriétaire se dégoûta, et l’affaire manqua faute d’un local convenable. Pour le musée des arts, il a fallu supplier la régence de Bruxelles de vouloir bien accueillir nos collections dans un de ses bâtiments ; et on n’y est parvenu qu’après deux mois de correspondance. La baleine qui était venue échouer au port d’Ostende m’avait été également offerte à certaines conditions à débattre ; il fallut encore pendant très longtemps entretenir des correspondances avec la régence de Bruxelles pour obtenir une place pour mettre cette baleine. Je n’en finirais pas, si je voulais énumérer tous les embarras qui sont résultés de l’absence de tout local à Bruxelles à la disposition du gouvernement.
Je vis donc une grande utilité à la construction d’une telle salle. Voilà l’arrêté qui fut pris. J’appelle l’attention de la chambre sur ses dispositions.
« Attendu que l’Etat ne possède dans la capitale aucun local propre à la célébration des fêtes et des solennités nationales, et dans lequel puissent avoir lieu les expositions des produits de l’industrie nationale, d’objets d’art ou de tous autres, ainsi que le dépôt des collections appartenant à l’Etat ;
« Attendu que le manque d’un emplacement convenable paralyse la prompte organisation du conservatoire royal de musique Bruxelles ;
« Considérant que le besoin d’un local réunissant ces conditions se fait vivement sentir, et qu’il est nécessaire de prévenir, pour l’avenir, le retour de difficultés que l’administration n’est parvenue qu’imparfaitement à vaincre ;
« Arrête :
« Art. 1er. Il sera construit, aux frais de l’Etat, sur le terrain de l’ancien hôtel du ministère de la justice, place du Petit-Sablon, un local pour la célébration des fêtes et solennités nationales, pour les expositions que le gouvernement jugera utile d’instituer et pour le dépôt des collections appartenant à l’Etat. Ce local devra contenir, en outre, une salle d’exercices pour le conservatoire royal de musique.
« Art. 2. M. Suys, architecte des palais et bâtiments royaux, est chargé de la construction de ce local et de la direction des travaux, conformément aux plans qu’il en a dressés, et qui seront revêtus de notre approbation.
« Art. 3. Les frais d’acquisition de terrains qui pourraient être nécessaires et ceux de la construction seront imputes pour l’exercice 1834, et pour les exercices subséquents sur les fonds alloués au département de l’intérieur, pour les diverses branches de service auxquelles le local à construire sera utile.
« Art. 4. Le présent arrêté sera communiqué, pour leur information, à la cour des comptes, au ministre des finances et aux diverses autorités qu’il concerne.
« Bruxelles, le 15 juillet 1834. Ch. Rogier. »
Voilà donc ce que je demandais, d’appliquer les dépenses dont il s’agissait sur chacun des chapitres auxquels cette salle pouvait être utile. Ainsi 10,000 francs chaque année sur le crédit alloué pour les fêtes nationales ; 2 ou 3,000 francs sur la conservation des objets d’art, 10.000 francs sur la somme allouée pour l’industrie, enfin, sur chaque objet chaque année une somme proportionnée à l’utilité qu’il retirait de la construction de cette salle.
D’après le plan précédemment fourni par l’architecte, les dépenses devaient s’élever à 100,000 fr.
Je sais que depuis les dépenses ont été évaluées beaucoup plus haut ; mais d’après la lettre que j’ai reçu de l’architecte, ces dépenses devaient aller à deux cent mille francs. Voilà quel était l’état des choses, quant j’ai quitté le ministère, au commencement 1834. L’arrêté fut communiqué à la cour des comptes ; elle ne rejeta pas d’une manière si absolue l’allocation que je demandais ; elle émit des doutes. En outre tout en ne croyant pas pouvoir liquider les dépenses de la manière que je l’attendais, elle reconnaissait au gouvernement le droit d’imputer les dépenses sur des chapitres particuliers, et notamment sur le chapitre des fêtes nationales. Et, en effet, le tiers des dépenses fut imputée sur le crédit des fêtes. Les constructions avaient en pour origine l’érection d’une salle qui eût servi pour nos fêtes ; on pouvait imputer le restant des dépenses sur le chapitre des fêtes ; mais il paraît que le fonds a été épuisé, et qu’on n’a pas pu continuer à solder sur ce fonds. Si mon successeur trouvait sur ce chapitre de quoi payer, la cour des comptes n’hésiterait pas à autoriser le paiement.
La cour des comptes en liquidant la somme demandée sur le fonds des fêtes nationales a reconnu la régularité de l’arrêté.
J’ai été attaqué à deux reprise, par le préopinant d’une manière assez violente pour que vous me permettiez de me défendre. On vient de s’élever contre l’abus des dépenses pour des objets, qui se détruisent promptement : eh bien ! chaque année, pour les fêtes nationales on exécute à grands frais des travaux ; on élève des estrades, qui bientôt sont hors d’usage ; je dis que l’esprit de prévoyance et d’économie exigeait que l’on construisît une salle propre à servir tous les ans. Si, au lieu de faire une salle en pierres, j’en avais fait une en bois, et l’idée nous en était venue, la chambre et la cour des comptes n’auraient, peut-être, pas dit un seul mot ; cependant j’aurais dépensé des fonds en pure perte, puisque la salle eût été détruite quelques jours après. Messieurs, il m’est vraiment pénible d’avoir à me défendre de nouveau dans cette enceinte contre une accusation qui, j’aime à le croire pourtant, n’y aura pas d’écho ; il s’agit d’une dépense utile, la cour des comptes, elle-même, a rendu hommage aux intentions qui l’ont créée ; que la chambre suive son exemple, et qu’elle impute, si elle ne veut autrement, sur le chapitre des fêtes nationales la dette dont il est question.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas d’accuser le ministre ; l’affaire est consommée. Je crois qu’il faut allouer la somme ; mais c’est pour l’honneur des principes qu’il faut examiner la question ; c’est sous ce point de vue que M. Dumortier l’a considérée ; je ne puis toutefois admettre les raisons alléguées par l’ancien ministre de l’intérieur : elles ne justifient pas tous les actes qu’il s’est permis par irréflexion ; car je suis complètement de son avis quand il dit qu’il l’a fait consciencieusement et de bonne foi.
L’objet est sans doute utile ; cependant il ne suffit pas qu’un objet soit utile pour que M. le ministre en fasse la dépense ; il faut encore que cette dépense soit inscrite au budget. Je ne puis pas non plus admettre qu’en deux mois on puisse élever un édifice. Quoiqu’il en soit nous avons une précaution à prendre pour l’avenir. Il ne faut pas que les ministres actuels se croient autorisés à continuer la construction commencée ; et c’est dans ce sens que je vais proposer un amendement.
La demande du paragraphe en discussion est ainsi conçue : « Solde des constructions faites en 1834 sur l’ancien emplacement du ministre de la justice : fr. 13,000. »
Voici mon amendement :
« Il est bien entendu que l’allocation n’autorise pas le ministre à continuer la construction commencée sans le consentement ultérieur des chambres. »
Cet amendement ne blessera personne et il est de nature à faire rentrer le ministère dans les règles d’une bonne comptabilité.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’en votant le crédit demandé pour solder une dépense de 1834, vous engagiez le gouvernement à continuer le bâtiment. J’ai reconnu fondées les observations de la cour des comptes, et j’ai pensé qu’il y avait lieu de stater les travaux commencés. Je pense que pour faire le bâtiment, il faudrait demander un crédit spécial à la chambre ; je crois donc que l’amendement proposé est inutile.
M. Dumortier. - Je dois répondre quelques mots à l’ex-ministre de l’intérieur. Dans l’observation que j’ai faite, j’ai cherché à parler sans acrimonie, à son égard, quoi qu’il ait pu dire ; et s’il lui a été pénible d’avoir à répondre à l’accusation que j’avais le droit et qu’il était de mon devoir de porter contre lui, soyez assurés qu’il ne m’a pas été moins pénible de porter cette accusation. Mais, comme l’a dit l’honorable M. Gendebien, il y a un principe qui est au-dessus de toutes les considérations personnelles ; ce principe c’est que nous ne devons pas tolérer qu’un ministre prenne un arrêté inconstitutionnel.
M. Rogier. - L’arrêté n’est pas inconstitutionnel.
M. Dumortier. - Il est inconstitutionnel, puisque c’est un acte fait sans le concours de la législature, là où le concours de la législature était indispensable. En effet, que porte l’arrêté ? Il porte (dans l’article premier) qu’il sera construit aux frais de l’Etat un bâtiment ayant telle destination. Or, je le demande, est-ce à un ministre seul qu’il appartient de décider qu’il sera fait aux frais de l’Etat une construction quelconque ? Le pouvoir législatif seul est compétent pour régler les dépenses de l’Etat. Quand vous décrétez des dépenses aux frais de l’Etat, vous empiétez sur le pouvoir de la législature, vous vous posez pouvoir législatif ; il y a confusion de pouvoirs. Que diriez-vous si nous, branche du pouvoir législatif, nous voulions nous constituer pouvoir exécutif ? Vous vous récrieriez. Eh bien de même que vous voulez qu’on respecte les prérogatives du pouvoir exécutif, (erratum inséré au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1835 :) de même vous devez respecter les prérogatives du pouvoir législatif. Vous ne pouvez manquer à ce respect, sans violer la constitution ; et j’en suis fâché pour M. Rogier, mais l’arrêté qu’il a pris est entaché d’une inconstitutionnalité manifeste.
Maintenant je crois avec l’honorable M. Gendebien que M. Rogier a agi de bonne foi ; mais les raisons qui l’ont porté à prendre cet arrêté, il devait les dire à la législature en demandant l’allocation de la somme nécessaire pour la construction dont il s’agit, construction qui du reste ne paraît guère avoir d’autre but que d’encourager l’architecture.
M. Rogier. - Je pense aussi qu’il faut l’encourager.
M. Dumortier. - Sans doute ; mais non pas lorsque le trésor public est en souffrance, lorsqu’il faut recourir à des émissions de bons du trésor et bientôt peut-être à des emprunts.
La construction dont il s’agit a été vivement combattue dans cette enceinte ; et je me rappelle que l’honorable député de Mons avait demandé que l’on vendît le terrain et que l’on y perçât des rues, que cette demande avait été appuyée et qu’en définitive la demande du ministre a été rejetée, malgré son insistance pour la faire admettre. Je le demande, pouvez-vous admettre qu’un ministre, quelque bien intentionné qu’il soit, après le rejet d’une dépense par vous, pourra faire cette dépense malgré vous ? Réfléchissez-y, avant de prononcer sur une question d’une telle importance.
Les journaux se sont plaints vivement et avec grande raison selon moi de la création par le ministre de la guerre d’une école de médecine à Louvain.
J’ai ouï dire que la plupart des sections avaient proposé le rejet du crédit demande à ce titre, et que la section centrale avait également conclu ce rejet. Eh bien, si vous passez sous silence le crédit demandé, si vous l’accordez sans faire voir que vous désirez empêcher que l’on viole les lois, votas aurez beau rejeter dans le budget la demande du ministre de la guerre pour établir une école de médecine à Louvain, le ministre de la guerre fera comme M. Rogier, Il imputera la dépense sur d’autres crédits ; alors vous serez réduits au rôle d’une machine à dire oui ou non, et l’on fera toutes les dépenses sans avoir besoin de votre assentiment. Sans doute, la chambre ne veut pas qu’il en soit ainsi.
Je ne propose pas de faire une grâce à M. Rogier ; je sais bien qu’il n’a pas besoin de grâce. Mais je demande que les principes soient saufs. Ma proposition tend à ce qu’ils ne soient pas sacrifiés.
Au reste, je m’aperçois que nous ne sommes plus en nombre. Je demande que la discussion soit continuée à demain.
- Plusieurs membres. - L’appel nominal !
- Un membre. - Mais il est plus de 5 heures !
- La chambre décide qu’il sera procédé à l’appel nominal pour constater le nombre des membres présents. L’appel nominal constate la présence de 41 membres.
Ont répondu à l’appel nominal : MM. Bekaert-Baeckelandt, Corbisier, Deschamps, de Nef, de Roo, Desmet, Dequesne, Demonceau, de Muelenaere, Lebeau, Milcamps, Hye-Hoys, Morel-Danheel, Nothomb, Lejeune, Manilius, Kervyn, Pirson, A. Rodenbach, Thienpont, Rogier, Smits, Scheyven, Schaetzen, Raikem, Quirini, Vandenhove, L. Vuylsteke, H. Vilain XIIII, Verdussen, Vandenbossche, Zoude, C. Vuylsteke, Vanderbelen, Dubois, Devaux, de Theux, B. Dubus, Dumortier, Frison, Gendebien.
- La séance est levée à cinq heures et un quart.