(Moniteur belge n°318, du 14 novembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la précédente séance, dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Jacques-Jean Willem, receveur titulaire des douanes au pont de Maldeghem, né au Sas-de-Gand, demande la naturalisation. »
« Neuf habitants de Bruxelles demandent que la chambre discute, aussitôt qu’elle le pourra, le projet de loi portant des modifications à la loi sur le notariat. »
« Le sieur L.-J. Deprez, instituteur de la commune de Pont-de-Loup (Charleroy), signale le sieur Félix Hermant, de Châtelet, comme cumulant un grand nombre de places. »
« Le sieur Davreux aîné, fabricant de tulles à Bouillon, demande : l° de porter à 15 p. c. les droits sur les tulles blanchis à l’étranger ; 2°, à 30 p. c. celui sur les tulles ouvragés : celui sur les écrus resterait à 10 p. c. »
« Plusieurs jardiniers fleuristes de Bruxelles et des environs demandent que la société d’horticulture de Bruxelles soit empêchée de vendre par parties, ou en plus petit détail, les fleurs et arbustes provenant de son jardin, si le subside de 25,000 fr. qu’elle reçoit du gouvernement et de la régence de Bruxelles continue à lui être accordé. »
M. Lejeune. - La chambre est déjà saisie de beaucoup de demandes en naturalisation. Je pense qu’il y aurait lieu de nommer la commission instituée en vertu de l’article 7 de la loi que nous avons votée à la session dernière, et de renvoyer ces pétitions à cette commission.
M. Fallon. - Avant de statuer sur la proposition de l’honorable préopinant, il est bon de se rappeler que la chambre a renvoyé toutes les demandes en naturalisation à M. le ministre de la justice, afin d’être instruites dans son département. Il faudrait demander d’abord à M. le ministre de la justice la remise de toutes les pièces qui lui ont été communiquées. Ce n’est que lorsque ces pièces seront renvoyées au greffe qu’il y aura lieu de demander un rapport.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je reçois tous les jours des rapports des autorités judiciaires et administratives sur les demandes en naturalisation que la chambre a renvoyées à mon département pour être instruites ; j’attends encore des renseignements sur quelques-unes de ces demandes ; cependant mon intention était de remettre à la chambre les requêtes dont l’instruction est complète : je satisferai donc bien volontiers au désir de l’honorable préopinant.
M. Lejeune. - Je ferai remarquer qu’au mois de septembre, les demandes en naturalisation ont été renvoyées à la commission des pétitions, quoique j’en eusse demandé le renvoi à M. le ministre de la justice, qui paraît cependant avoir été effectué. Il en résulterait donc que la commission des pétitions n’a pas statué sur cet objet.
M. Fallon. - Les demandes en naturalisation avaient été d’abord renvoyées à la commission des pétitions. Mais, après l’adoption du projet de loi sur les naturalisations, le bibliothécaire a été chargé de recueillir toutes les demandes de cette nature déposées à la commission des pétitions et de les transmettre à M. le ministre de la justice. M. le ministre venant d’en promettre la restitution, il me semble qu’il y a lieu de nommer une commission des naturalisations qui pourrait présenter les conclusions.
En attendant, je demande le renvoi de la pétition dont il s’agit à M. le ministre de la justice.
M. Dumortier. - Je ne comprends pas le but du renvoi proposé par l’honorable M. Fallon. Je concevais bien le renvoi des demandes en naturalisation à M. le ministre de la justice, lorsqu'il n’y avait pas de commission. Mais maintenant que la loi en a institué une, le renvoi à M. le ministre de la justice me paraît sans objet. Il me semble que c’est la commission qui devra être saisie de ces pétitions, lorsqu’elle aura été nommée par la chambre. Ensuite elle pourra demander le renvoi à M. le ministre de la justice si elle le juge nécessaire.
M. Fallon. - La mesure prise par la chambre de renvoyer directement à M. le ministre de la justice les demandes en naturalisation était favorable aux pétitionnaires. C’était pour hâter le travail de la commission, qui se trouvait ainsi simplifié, puisque celle-ci recevait les pièces toutes instruites. L’on avait fait observer judicieusement que le ministre de la justice était beaucoup mieux que la commission en position d’obtenir, sur les pétitionnaires, les renseignements nécessaires pour juger de la validité de leur demande. Rien n’empêchera d’ailleurs qu’après l’instruction faite, la commission de naturalisation ne demande de nouveaux renseignements, si elle le juge convenable.
- Le renvoi de la pétition au ministre de la justice est mis aux voix et adopté.
M. A. Rodenbach (pour une motion d’ordre). - Nous avons été convoqués pour midi. Il est déjà deux heures, et la séance vient à peine de commencer. Ceux qui sont exacts à leur poste perdent leur temps. Il est urgent de prendre une mesure pour assurer la continuité de nos séances.
Il me semble qu’il conviendrait de consacrer deux ou trois jours par semaine au travail des commissions. Souvent un même membre fait à la fois partie de trois commissions pour lesquelles il reçoit en même temps des convocations. Si l’on consacrait quelques jours dans la semaine au travail des sections, cet inconvénient serait moins grave.
Il est à remarquer également que tous les députés ne se rendent pas dans les sections ; c’est sur les travailleurs que retombe tout le fardeau de l’examen des projets de loi. Cependant les représentants de la nation devraient sentir que cela est fatigant pour ceux qui sont exacts.
Si l’on adoptait la mesure que je propose, tout le monde se rendrait aux travaux, et la besogne n’en irait que plus vite. C’est le seul moyen de l’accélérer. Nos travaux ne marchent pas. Il n’y a qu’une voix dans le pays pour demander que nous y mettions un peu plus de célérité.
M. de Behr. - J’avais l’intention de faire la même motion d’ordre que l’honorable préopinant. Je voulais proposer à la chambre de réserver pour le travail des sections le mardi, le jeudi et le vendredi de chaque semaine. De cette manière je crois que MM. les députés auront le loisir de se rendre dans les sections. Il est urgent de terminer promptement le travail des budgets si nous voulons déterminer la base de dépenses avant de régler les voies et moyens. L’on ne saurait mettre trop d’empressement dans le travail des sections. (Appuyé.)
M. Gendebien. - Sans contredit, il faut que nous trouvions un moyen de réunir le plus de députés possible
Il est fâcheux que dés le premier jour de notre réunion nous ayons eu de la peine à nous trouver en nombre. Mais je doute fort que le moyen proposé par l’honorable préopinant soit de nature à retenir les députés à Bruxelles. Il aura l’effet contraire : lorsque l’on connaîtra les jours affectés aux séances publiques, les députés des localités les plus rapprochées de Bruxelles s’absenteront pendant les jours de sections, et elles se trouveront moins fréquentées qu’elles ne le sont maintenant.
Il vaut mieux laisser les députés dans l’incertitude des jours destinés aux séances publiques. Il me paraît donc inutile de prendre la disposition réglementaire que l’on nous propose. Il vaudra mieux laisser les choses dans l’état où elles sont, sauf à indiquer au fur et à mesure les jours que la chambre croira devoir consacrer au travail des sections.
M. Fallon. - Je pense que nous ne devons pas prendre de mesure générale. Il vaut mieux que nous marchions suivant les circonstances.
Nous sommes occupés en ce moment de l’important travail de budgets. Si l’on veut qu’il avance, il est évident qu’il faut donner aux sections le temps d’examiner les budgets. L’on sait que le temps que les membres consacrent en sections avant la séance publique ne se passe guère qu’en colloques. Il est donc important d’affecter une partie de la semaine au travail des sections. Mais pour éviter l’inconvénient signalé par M. Gendebien, je demanderai que l’on alterne les séances publiques et les séances des sections. Cette combinaison me paraît éviter tous les inconvénients.
M. de Behr. - C’est pour prévenir l’inconvénient signalé par l’honorable M. Gendebien que j’ai demandé que les mardi, jeudi et vendredi de chaque semaine fussent consacrés aux travaux des sections. Ces jours sont éloignés du dimanche, et ainsi les membres ne seront pas disposés a s’absenter.
Au surplus, mon intention n’a pas été de proposer une mesure générale, je n’ai eu en vue dans ma motion d’ordre que de hâter l’examen des budgets qu’il serait désirable d’achever dans le plus court délai possible, si l’on veut ne pas être obligé, comme dans les années précédentes, de voter le budget des voies et moyens avant celui des dépenses. Je persiste dans ma proposition.
M. Gendebien. - Je ne comprends pas l’utilité de la motion d’ordre de l’honorable M. de Behr.
Quel en est le but ? C’est de faciliter le travail des sections. Mais c’est le but contraire que l’on atteindra par la mesure proposée. Il peut arriver que, les jours fixés pour les séances publiques, il n’y ait pas de travail préparé. Restons donc dans les termes du règlement et ne fixons pas d’avance les jours qu’il y aura séance publique. Laissons les représentants sur le qui-vive, si je puis m’exprimer ainsi, afin qu’ils ne s’éloignent pas de la capitale pour ne revenir que le jour fixé pour la séance publique. Je comprends l’utilité de la motion des honorables préopinants ; tout ce que je demande, c’est que l’on ne déroge pas sans nécessité au règlement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il me semble que l’on concilierait les opinions en laissant la fixation du jour consacré aux travaux des sections au choix du bureau. On éviterait ainsi le renouvellement des discussions sur la question de savoir s’il y aura séance publique ou non le lendemain.
M. Gendebien. - La proposition de M. le ministre de l’intérieur est d’autant plus admissible que le bureau est seul à même de savoir s’il y a du travail pour la séance publique. Abandonnons au bureau le soin de nous indiquer s’il y a lieu ou non de travailler en sections.
M. Fallon. - Je me rallie à la proposition de M. le ministre de l’intérieur.
M. Dumortier. - Je conçois qu’il soit nécessaire de consacrer certains jours de la semaine à des budgets dans les sections. Cependant il ne faut pas perdre de vue que l’on a exprimé le vœu que la chambre s’occupât de la discussion de la loi communale. Pour une loi de cette importance, il ne serait pas convenable qu’il fût loisible au bureau d’en fixer la discussion du jour au lendemain.
- Plusieurs voix. - C’est tout simple. Nous sommes d’accord.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis de l’avis de l’honorable M. Dumortier. C’est pour prévenir l’inconvénient qu’il signale que je me proposais de demander que la chambre fixât l’examen de la loi communale à mercredi prochain. La distribution du rapport qui sera faite demain ou après-demain permettra à MM. les membres d’en prendre connaissance.
M. A. Rodenbach. - Je ferai remarquer que le rapport n’est pas encore imprimé. Il pourrait n’être distribué que mardi, il nous resterait alors tout au plus 24 heures pour l’examiner. Je prierai M. Dumortier de vouloir bien nous dire quand il croit que son rapport sera imprimé. Je crois qu’on pourrait fixer la discussion de la loi communale à vendredi.
M. Dumortier, rapporteur. - L’honorable préopinant prend à tâche de me talonner au sujet de la loi communale ; pourtant il sait aussi bien que moi où en sont les choses puisqu’il faisait partie de la réunion de la section centrale, où nous avons été convoqués pour décider une question sur laquelle il n’y avait pas eu de solution.
Je me félicite d’avoir à donner ces détails à l’assemblée. Ils prouvent que les réflexions que j’ai faites dans la première séance étaient justes. En attendant que la question qui nous a tenus en haleine pendant deux réunions de la section centrale soit résolue, on compose le rapport, et c’est sur épreuves que les rectifications se feront. Pour ce qui est du fait même de l’impression, c’est aux questeurs à s’en informer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - M. le rapporteur de la section centrale vient de dire que le rapport sur la loi communale est à l’impression. Aussi il pourra être imprimé et distribue d’ici à dimanche. MM. les membres auront trois jours pour l’examiner. Le délai sera suffisant pour examiner une loi qui a déjà été l’objet de si longues discussions.
M. Raikem. - Un des préopinants vient de dire qu’une des questions que soulève l’examen de la loi communale avait été soumise de nouveau à la section centrale, et qu’elle n’avait pas encore été décidée. Je crois, messieurs, devoir faire une observation, non pas en ce qui me regarde personnellement, mais comme président de la section centrale.
J’ai compris par les paroles de l’honorable préopinant qu’il aurait entendu annoncer que le fait tel que je l’ai exprimé dernièrement aurait été inexact. Il est bien loin de ma pensée de croire qu’il me l’attribue à mauvaise intention. Mais je crois devoir dire comment les choses se sont passées à la section centrale.
Nous nous y sommes occupés constamment du projet, et notre attention s’est principalement portée sur les questions les plus importantes de l’organisation communale. Toutes les questions relatives au premier projet ont été décidées. J’ai déjà fait observer que sur certaines questions il y avait eu partage égal de voix, 3 contre 3.
Lorsque nous eûmes terminé notre travail, les notes que j’avais recueillies furent remises à M. le rapporteur qui s’est chargé de faire le rapport. Il devait me l’envoyer dans l’intervalle de la session, aussitôt qu’il l’aurait terminé, afin que je pusse l’examiner. En remettant mes notes à M. le rapporteur, j’ai cru que j’y avais compris toutes les décisions prises par la section centrale. Si j’avais cru qu’une question était restée sans solution, mon premier soin aurait été d’appeler l’attention de la section centrale sur cet objet.
Avant-hier, en examinant les notes assez volumineuses que j’avais rédigées, j’ai découvert qu’une question était restée sans solution, que j’avais oublié de la comprendre dans celles soumises à la section centrale.
Je pense qu’il résulte assez clairement de tout ce que je viens de dire, que quand j’avais remis mes notes, je croyais que toutes les questions avaient été décidées. Il n’est pas sans exemple qu’une pareille omission ait lieu ; que l’on oublie à la fin d’une discussion une question qui a été soumise plusieurs jours auparavant. Les procès-verbaux du conseil d’Etat nous en offrent des exemples. J’ai cru devoir donner ces éclaircissements afin que la chambre soit bien assurée que c’est de conviction que j’ai donné des explications sur les travaux de la section centrale dans une dernière séance.
M. Dumortier, rapporteur. - C’est une chose étrange que l’on revienne sans cesse sur le rapport de la section centrale. Il est positif qu’il y avait une question sur laquelle il n’y avait pas de solution ni même de partage de voix. C’est une des questions les plus graves de toute la loi.
Depuis que nous nous sommes réunis nous n’avons pas encore pu rien résoudre à l’égard de cette question.
L’on vous a dit qu’il y avait des questions sur la solution desquelles les voix se sont partagées. L’on a voulu jeter un blâme sur ce que je n’avais pas remis mon rapport avant la reprise de nos travaux législatifs ; je n’ai fait en cela que mon devoir. A qui pouvais-je remettre légalement mon travail pendant l’intervalle des sessions ?
Puisque M. le président est descendu du fauteuil pour parler sur cette affaire je lui rappellerai l’article 55 du règlement qui montre que j’étais parfaitement dans mon droit en agissant comme je l’ai fait.
« Ce rapport contient, outre l’analyse des délibérations des sections et de la section centrale, des conclusions motivées.
« Il sera imprimé et distribué au moins deux jours avant la discussion générale, sauf les cas où la chambre en décide autrement. »
Pouvais-je composer mon rapport sur des questions où il y avait eu partage de voix et où, par conséquent, il n’y avait pas eu de décision ? Un rapport ne peut présenter deux opinions. Je défie que l’on me cite un seul exemple où l’on a présenté deux textes de loi. L’on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir fait ce que, comme rapporteur, il ne m’était pas possible. L’on aurait été fondé à m’adresser des reproches si je m’étais écarté du règlement. Je trouve fort inconvenant que l’on vienne ainsi accuser un rapporteur, lorsqu’il n’a fait que son devoir. Faites désormais vos rapports vous-mêmes ; quant à moi, je ne m’en charge plus.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme la loi communale est une des lois les plus importantes qui aient été soumises à la législature, et que le pays en attend l’adoption avec une légitime et vive impatience, il était naturel que les ministres s’informassent de l’état de maturité de l’examen de cette loi dans les sections et de l’époque à laquelle le rapport de la section centrale serait terminé.
Il est résulté pour moi, de renseignements puisés à une source certaine, que le rapport devait être terminé le 15 octobre dernier, puis envoyé au président pour être vu par lui, et ensuite imprimé assez à temps pour être distribué à la reprise de la session. Cela est si vrai que je crois me rappeler que la chambre avait même décidé anticipativement, avant sa séparation, que le rapport serait imprimé pendant l’intervalle de la session.
Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Dumortier sur l’impossibilité de faire un rapport sur des questions où il y a partage de voix, je pourrais citer beaucoup d’exemples qui prouveraient combien son assertion est erronée. Il est évident que quand un membre de la section centrale absent pour une cause quelconque ne peut venir décider par son vote une question où il y a partage égal d’opinion, il faut bien consigner ce fait dans le rapport afin que la chambre délibère sur cette question comme sur les autres.
Vous voyez donc qu’alors que semblable marche n’eût pas encore été suivie, elle devait être adoptée dans la circonstance actuelle.
Je suis loin de vouloir récriminer sur le passé, mes observations n’ont d’autre but que de rétablir les choses dans leur vérité, afin qu’elle n’échappe à personne ; au-delà je ne désire rien d’autre que de voir la discussion de la loi communale commencer le plus tôt possible.
J’appuierai en conséquence la proposition faite par mon honorable collègue le ministre de l’intérieur, de fixer cette discussion à mercredi prochain.
Je ne prévois aucune objection raisonnable à faire contre cette manière de procéder. D’après ce que vient de dire M. le rapporteur, l’imprimeur tient le manuscrit du rapport, et ce rapport n’est pas très long ; il pourra donc être imprimé demain et distribué dimanche. On aura deux journées pleines pour l’examiner, et cela suffit : car ce n’est pas une matière neuve, toutes les questions qu’elle soulève ont déjà été agitées plus d’une fois dans cette chambre. Personne ne sera donc pris à l’improviste si on fixe à mercredi prochain la discussion de la loi communale.
- La chambre consultée fixe à mercredi prochain la discussion de la loi communale.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Puisqu’on fait le procès aux irrégularités, je vais en signaler une de la plus haute gravité.
La constitution dit que l’initiative des lois appartient aux trois branches du pouvoir législatif, et le règlement porte que chaque député a le droit de faire des propositions, en suivant la filière qu’elle prescrit, en déposant la proposition sur le bureau, qui la renvoie aux sections pour savoir si la lecture en sera autorisée, et en la soumettant ensuite à la prise en considération avant à la discussion.
Messieurs, lorsque la constitution dit que l’initiative des lois appartient aux trois branches du pouvoir législatif, elle a grand soin de dire quelles sont ces trois branches du pouvoir législatif. Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi, la chambre des représentants et le sénat, porte l’article 26 de la constitution.
Je m’attendais, messieurs qu’à l’ouverture de cette session on aurait soumis à la chambre un projet de loi sur les budgets. Quand M. le ministre des finances a prononcé son discours sur les budgets de 1836, j’ai cru qu’il présenterait à la suite ce projet de loi.
Si je ne l’ai pas demandé alors, c’est que je n’ai pas supposé que son discours pût être une mystification, et que j’ai pensé que le projet de loi se trouverait avec la distribution de l’exposé de motifs. Mais j’ai été très étonné de ne pas le voir.
Il en résulte que la présentation des budgets est l’œuvre d’un député ; car les ministres n’ont qu’une prérogative, celle d’être entendus quand ils le demandent. La prérogative de proposer des lois appartient au Roi. Un ministre qui présente une loi ne peut le faire qu’en sa qualité de député, et un ministre qui ne serait pas député n’aurait pas le pouvoir de proposer un projet de loi, si ce n’est avec la signature du Roi.
Je demande pourquoi la chambre n’est pas saisie d’un projet de loi sur les budgets au nom du Roi, et pourquoi le ministre a présenté comme acte du gouvernement ce qui n’est que l’acte d’un député. Je conçois que la chambre étant occupée à examiner les budgets, et ce travail étant très long, elle ne l’interrompe pas ; mais à la rigueur, c’est ce qu’elle devrait faire jusqu’à ce qu’un projet de loi soit présenté car, quand on voit que les formalités prescrites n’ont pas été remplies, on doit surseoir jusqu’à ce qu’on l’ait fait.
Quoi qu’il en soit, je demande des explications sur le fait que je viens de signaler.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, les budgets avaient été distribués à domicile à chacun des membres, une dizaine de jours avant la reprise de la session, et lors de votre réunion, j’ai perdu de vue que pour régulariser la présentation du budget, je devais présenter un projet de loi.
Quand j’ai prononcé mon discours, mardi dernier, à l’appui des budgets, cette chose m’a encore échappé ; comme on vient de me faire apercevoir cet oubli, j’ai envoyé à l’instant même au ministère des finances pour chercher le projet dont s’agit. Vous remarquerez au surplus, par la date même du projet, que si je ne l’ai pas déposé plus tôt, c’est sans intention, mais par un oubli involontaire.
J’espère que la chambre sera persuadée que je n’ai voulu commettre aucune espèce d’inconvenance comme l’a prétendu l’honorable préopinant.
- Plusieurs membres. - Non ! non !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Voici le projet de loi. Je demande la parole pour le présenter :
« Sur la proposition de notre ministre des finances et de l’avis de notre conseil ces ministres,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté en notre nom à la chambre des représentants par notre ministre des finances :
« Article unique. Les budgets de la dette publique, des dotations, des services généraux des ministères et des non-valeurs et remboursements, pour l’exercice de 1836, sont fixés à la sommes de quatre-vingt-quatre millions trois cent soixante-dix-neuf mille huit cent quarante-neuf francs soixante-neuf centimes (84,379,849 fr. 69 c.), et les dépenses pour ordre à la somme de deux cent cinquante-quatre mille francs (254,000 fr.), le tout conformément à l’état ci-annexé.
« Le 18 octobre 1835.
« Signé, Léopold. »
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation du projet de loi concernant le budget.
Maintenant, s’il n’y a pas d’opposition, je déclarerai adoptée la proposition de MM. les ministres des finances et de l’intérieur, de laisser au bureau le soin de fixer les jours où il devra y avoir séance publique.
Nous passons à l’objet de l’ordre du jour.
M. le président. - M. Liedts, rapporteur, a la parole.
M. Liedts, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé hier à la section centrale l’article 4 du projet de loi qui vous occupe en ce moment, et les amendements présentés par M. Verdussen d’une part et par M. le ministre des finances de l’autre.
Avant d’arriver au texte même de l’article et aux changements dont la section centrale l’a cru susceptible, je ferai observer que la section centrale s’est aperçue que cette disposition n’occupait pas dans la loi la place que logiquement elle devait avoir.
Elle a remarqué que les articles 1, 2, 3, 5, 6 et 7 s’occupaient du transport des lettres à l’intérieur, et elle a pensé qu’il était plus logique que ces articles se suivissent et que la disposition portée sous le n°4 prît le n°7. En conséquence, la section centrale, de commun accord avec M. le ministre des finances qui assistait a ses délibérations, a l’honneur de vous proposer de placer l’article 4 entre les articles 7 et 8.
Il est une autre observation qui ne se rattache pas aux amendements qui lui ont été renvoyés, c’est que l’article 4 renferme deux dispositions distinctes.
Le paragraphe premier de l’article 4 s’occupe du transport des lettres par l’intermédiaire d’offices étrangers autre que celui des lettres venant d’outre-mer, tandis que le paragraphe 2 ne s’occupe que des lettres venant d’outre-mer. Comme ce sont deux catégories de dépêches, il a paru à la section centrale qu’il valait mieux diviser cet article et faire un article séparé de chaque paragraphe.
J’arrive maintenant aux amendement proposes sur le deuxième paragraphe de l’article 4.
Vous savez, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire hier, que ce paragraphe se partage lui-même en deux parties très distinctes, qu’il ne faut pas confondre, pour bien comprendre les amendements proposés.
Dans cette disposition, il s’agit de régler, pour les lettres venant d’outre-mer, la taxe dont elles seront frappées d’abord pour le parcours intérieur et ensuite pour le parcours en mer, jusqu’au moment où elles sont mises à la poste lors de l’arrivée du bâtiment. Voilà donc deux taxes, l’une pour le parcours sur mer et l’autre pour le parcours sur terre.
M. Verdussen avait d’abord présenté un amendement qui avait pour but d’introduire un changement dans l’article, pour ce qui concerne le transport par terre des lettres venant d’outre-mer.
Je vous ai fait observer hier, et la section centrale a partage mon opinion, qu’il n’y avait aucun motif pour établir une différence entre les lettres venant d’outre-mer et les lettres mises à la poste dans le pays, que la taxe pour le parcours intérieur devait être la même pour les unes comme pour les autres. Par conséquent, cette partie de l’amendement de M. Verdussen n’a pas obtenu l’assentiment de la section centrale. Elle vous en propose le rejet.
Je viens à la partie de la disposition qui a rapport au transport de lettres par mer.
La section centrale, par sa rédaction primitive, avait voulu établir en règle générale que toute lettre venant d’outre-mer ne paierait pour ce transport par mer qu’une taxe progressive de 5 centimes, sans que jamais cette taxe puisse excéder 2 fr. Soit que cette lettre contînt d’autres lettres ou des pièces relatives au commerce, telles que contrats d’assurances, règlement de comptes, règlements d’avaries ou procurations, jamais la taxe supplémentaire pour le transport par mer ne pouvait excéder la somme de 2 fr.
M. le ministre des finances a fait observer à la section centrale que si cette disposition était adoptée, il en résulterait cette absurdité que les lettres d’outre-mer transportées isolément paieraient beaucoup plus que si elles étaient expédiées réunies plusieurs sous le même couvert, et que, pour éviter cette fraude, il fallait faire une distinction entre les lettres missives et le transport des pièces de commerce et autres pour lesquelles il concevait fort bien qu’on fixât un maximum, tandis que pour les lettres missives il ne voyait pas de motif pour limiter la taxe progressive.
La section centrale a admis ces motifs et a en conséquence changé la rédaction du paragraphe pour ce qui concerne le transport par mer. Elle vous propose donc, de commun accord avec M. le ministre des finances, de diviser la disposition en deux paragraphes, et de rédiger le premier de la manière suivante :
« La taxe des lettres de et pour les pays d’outre-mer, transportées par d’autres voies que celles réglées par des conventions postales, sera formée de celle due pour le parcours intérieur, et d’une taxe supplémentaire et progressive, en raison du poids, de cinq décimes par lettre simple. »
Voilà pour ce qui regarde le transport des lettres missives.
Ce qui regarde le transport des pièces de commerce ou de navigation formerait un deuxième paragraphe ainsi conçu :
« Tout paquet, autre que les lettres missives, paiera, outre la taxe pour le parcours intérieur (car pour ce parcours, comme je l’ai déjà dit, il n’y a aucun motif pour établir une différence entre les paquets qui viennent d’outre-mer et ceux qui sont mis à la poste par les habitants du pays), la même taxe supplémentaire et progressive, sans que cependant celle-ci puisse dans aucun cas excéder deux francs, quel que soit le parcours extérieur on le poids du paquet. »
Vous voyez que la partie de l’amendement de M. Verdussen qui voulait que le maximum de la taxe pour le parcours en mer fût fixé à 2 fr., quel que soit le parcours extérieur ou le poids de la lettre, est adoptée en partie et rejeté en partie. On l’a rejetée pour ce qui concernait les lettres, messieurs, et je vous en ai expose les motifs.
Je crois avoir expliqué aussi clairement que possible les motifs qui ont déterminé la section centrale à prendre les conclusions qu’elle a l’honneur de vous proposer.
Il me reste à faire une dernière observation qui nous a été suggérée par la lecture de l’article 10 comparé avec l’article 6.
Vous vous rappelez qu’hier à la fin de la séance l’article 10 fut mis aux voix et même adopté. Mais il existe une erreur matérielle.
Cet article portait : « Les taxes fixées par les articles 7 et 9 continueront à être perçues d’avance. »
Le ministre avait fait observer qu’il fallait mettre les articles 6 et 9 au lieu de 7 et 9. Mais l’article 6 dit déjà que les lettres dont il y est question doivent être affranchies. Par conséquent, ce que cet article porte n’a pas besoin rappelé dans l’article 10. L’article 10 doit donc se borner à dire : « Les taxes fixées par l’article 9 continueront à être perçues d’avance. »
Cet article étant ainsi réduit, la section centrale a pensé qu’il serait mieux de supprimer l’article 10 et de faire de cette disposition un dernier paragraphe de l’article 9, qui serait ainsi conçu :
« Les taxes fixées par le présent article continueront à être perçues d’avance. »
M. le président. - Je viens de recevoir de M. le ministre de la justice la lettre suivante :
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous transmettre, pour être communiquées à MM. les membres de la chambre, les notes et explications à l’appui des articles 2 et 3, chapitre V et 2, chapitre IX, du budget de mon département pour l’exercice 1836.
« Le ministre de la justice, Ernst. »
- Plusieurs membres. - L’impression ! l’impression l
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’impression au Moniteur suffirait.
M. Legrelle. - Nous ne connaissons pas le contenu de ces notes ; il est très difficile d’émettre une opinion, mais si, comme je le suppose, elles doivent être annexées au budget, il faut les imprimer séparément, de manière à être jointes aux autres distributions qui nous ont été faites relativement au budget.
- L’impression séparée est mise aux voix et ordonnée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de supprimer l’article 10 et d’en faire une disposition de l’article 9 ainsi conçue :
« Les taxes fixées par le présent article continueront à être perçues d’avance. »
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Nous allons nous occuper des amendements proposés à l’article 4 sur lequel il vient d’être fait un rapport.
La section centrale propose d’abord un autre classement et la division des deux paragraphes en deux articles.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - En conséquence l’article 5 devient l’article 4, l’article 6 devient article 5 et l’article 7 devient article 6.
Le premier paragraphe de l’article 4 devient article 7. Il est ainsi conçu :
« La taxe des lettres transmises par des offices de poste étrangers, se composera du port dû pour le parcours en Belgique et de celui à payer à ces offices. »
- Cet article est adopté.
M. le président. - La deuxième partie de l’article 4 formera l’article 8.
La section centrale propose de le rédiger de la manière suivante :
« La taxe des lettres de et pour les pays d’outre-mer, transportées par d’autres voies que celles réglées par des conventions postales, sera formée de celle due pour le parcours intérieur, et d’une taxe supplémentaire et progressive, en raison du poids, de 5 décimes par lettre simple.
« Tout paquet autre que les lettres missives paiera, outre la taxe pour le parcours intérieur, la même taxe supplémentaire et progressive, sans que cependant celle-ci puisse dans aucun cas excéder deux francs, quel que soit le parcours extérieur ou le poids du paquet. »
M. Gendebien. - J’ai un éclaircissement à demander. Entend-on taxer une lettre, arrivant de l’étranger, pour le parcours intérieur, autant de fois cinq décimes qu’elle pèse le poids de la lettre simple ? et en rapprochant cet article des articles 1, 2 et 3, une lettre simple arrivant de l’étranger paiera-t-elle, au lieu de 2 décimes par 30 kilomètres, en paiera-t-elle 5 ? Une lettre venant de l’étranger, pesant deux fois une lettre simple, paiera- t-elle 10 décimes par 30 kilomètres de parcours dans l’intérieur du pays, ou bien 4 ?
M. Liedts, rapporteur. - Je crois qu’il sera facile de satisfaire préopinant.
L’article, tel qu’on vient de le lire, stipule que, quand une lettre arrive d’outre-mer, elle paie, pour le parcours par terre, le même droit qu’une lettre ordinaire, et il stipule ensuite que, quant au parcours sur mer, la lettre paiera une taxe supplémentaire et progressive, en raison du poids, de cinq décimes par lettre simple ; de telle manière que si cette lettre pèse deux lettres simples, comme le suppose l’honorable préopinant, elle paiera, en taxe supplémentaire pour le parcours en mer, 10 décimes ; mais, comme vous venez de le voir, la progression n’a lieu que pour le poids et non pour la distance. Qu’elle vienne de Londres, de Philadelphie, peu importe. C’était pour atteindre ce but que M. Verdussen avait demandé qu’on ajoutât ces mots : « progressive en raison du poids. » La section centrale a adopté cette partie de la proposition de l’honorable membre.
M. Gendebien. - Je demanderai une seconde lecture, afin de m’assurer si l’article dit en effet ce qu’on veut lui faire dire.
M. le président. - Dans le paragraphe relatif aux lettres venant de l’étranger, il est dit : « La taxe des lettres venant de l’étranger sera formée de celle due pour le parcours à l’intérieur, et d’une taxe supplémentaire et progressive, en raison du poids, de cinq décimes par lettre simple. »
M. Liedts, rapporteur. - L’honorable préopinant pense qu’il conviendrait de déclarer que la taxe supplémentaire n’est que pour le parcours à l’extérieur ; mais la rédaction du paragraphe ne laisse aucun doute, puisqu’il n’est relatif qu’aux lettres venant de l’extérieur. Si cependant il pouvait y avoir le moindre doute à ce sujet, nous ne verrions pas d’inconvénient à mettre : « d’une taxe supplémentaire pour le parcours à l’extérieur, et progressive, en raison du poids, de cinq décimes par lettre simple. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai coopéré à la rédaction proposée par la section centrale ; elle m’a paru claire. Je l’ai adoptée. Cependant si l’on supprimait le mot : « supplémentaire, » et si on disait : « pour le parcours en mer, » cela me semblerait plus clair encore.
M. Gendebien. - Oui, cela serait en effet plus clair, si l’on mettait : « pour le parcours par mer, d’une taxe progressive... »
M. Coghen - Je crois aussi qu’il faut mettre : « le parcours par mer, » puisque « le parcours à l’extérieur » pourrait induire en erreur ; les lettres venant du nord passent quelquefois par terre. Il faut éviter toute équivoque.
M. Gendebien. - Dans le dernier paragraphe, ou dans le paragraphe qui suit celui dont il s’agit, on peut laisser : « parcours à l’extérieur, » puisque la dernière partie de l’article est subordonnée à la première. L’observation faite par M. Coghen est parfaitement juste, car il faut dire, dans la première disposition relative aux lettres venant de l’étranger, de quel parcours il s’agit ; mais en adoptant l’expression : parcours « par mer, » elle est inutile dans la seconde disposition de l’article, puisqu’elle n’est qu’un corollaire de la première.
M. Verdussen. - Il faut, dans le second paragraphe, mettre, comme dans le premier, les mots « parcours par mer ; » il est possible que le parcours d’une lettre se compose de trois parties : le parcours par mer, le parcours à l’étranger par terre, et le parcours en Belgique. Or, la partie du parcours par terre, à l’étranger, est réglée, et il ne faut pas revenir là-dessus. J’aime mieux une répétition de mots qu’une obscurité dans la loi. Ainsi j’appuie la rectification dans le second alinéa, comme dans le premier.
- Les deux paragraphes, ainsi amendés, sont mis aux voix et adoptés.
M. Gendebien. - L’honorable M. Liedts a fait une observation judicieuse, en nous faisant remarquer que l’article n’était pas bien placé là où on l’a mis. Mais je ferai observer que d’autres articles aussi sont assez mal placés, par exemple, l’article 12, qui traite encore de nos relations à l’étranger par la poste.
Il vaudrait mieux rejeter à la fin de la loi toutes les dispositions qui portent sur ces relations, et les mettre dans un même chapitre.
Quand on consulte une loi, on est fort embarrassé de ne pas trouver toutes les dispositions que l’on cherche dans un même endroit : ainsi il faudra découvrir au milieu de votre loi un article concernant vos relations à l’étranger, et plus loin on trouvera un article concernant le même objet : cela n’est pas très commode.
M. Liedts, rapporteur. - Je suis de l’avis de l’honorable préopinant. On ne saurait mettre trop de clarté et d’ordre dans la rédaction des lois ; mais une simple observation fera voir que l’article dont il s’agit ne peut pas occuper d’autre place que cette qu’on lui donne.
A l’article 8, on s’occupe des lettres. L’article 9 et les suivants se rapportent aux journaux, livres et ouvrages ; actuellement il s’agit de lettres venant par mer et de l’étranger. Il me semble qu’après avoir parlé des lettres de l’intérieur, il était logique de parler des lettres de l’étranger. Indépendamment de ce motif, il faut encore considérer l’article relatif aux fractions de décime, article qui ne s’applique qu’aux lettres, et point aux journaux ; et à cause de cette application spéciale, on ne peut permuter ces articles.
Si on changeait de place celui que nous discutons, il faudrait, d’après l’économie de la loi, tout changer ou faire des répétitions.
M. Gendebien. - Il n’en est pas moins vrai que lorsqu’on comminera la loi, il faudra la lire tout entière pour trouver ce que l’on cherchera ; à peu près aux deux cinquièmes de cette loi, vous trouverez les dispositions relatives aux lettres ; plus loin vous trouverez ce qui regarde les journaux venant de l’étranger ; et rien de ce qui concerne un même objet ne sera réuni.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La loi n’est pas longue.
M. Gendebien. - Si l’article relatif aux fractions de décime ne s’applique pas aux journaux, on peut le placer ailleurs.
M. Liedts, rapporteur. - Je ferai remarquer à l’assemblée que, dût-on être forcé de lire toute la loi pour savoir où se trouve ce qui concerne les lettres et paquets venant de l’étranger, travail qui ne serait pas bien grand, puisque la loi n’a que 10 articles, il ne faut pas changer l’ordre de ses dispositions. Ce qu’il conviendrait de faire peut-être, ce serait de diviser la loi en 3 chapitres : l’un que l’on consacrerait au transport des lettres de l’intérieur ; un autre, pour le transport en mer ; et le dernier, pour la poste rurale.
M. Gendebien. - Je n’insiste pas.
M. le président. - Voici l’article 11, proposé par la section centrale :
« Art. 11. Pour jouir du bénéfice de l’article précédent, les imprimés devront être distribués sous bande et les bandes ne pourront couvrir plus du tiers de la surface du paquet.
« Ces imprimés, à l’exception des épreuves, ne contiendront ni chiffre, ni aucune espèce d’écriture, si ce n’est la date ou la signature. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’admets cette rédaction de la section centrale.
- L’article 11 est adopté sans discussion.
« Art. 12. Le port des journaux, ouvrages périodiques, livres, papiers de musique, prospectus, annonces et imprimés de toute nature, venant de l’étranger, est fixé à un décime par feuille quelle qu’en soit la dimension, et quelle que soit la distance parcourue dans le royaume. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cette rédaction est celle proposée par la section centrale. Je désirerais qu’on mît après les mots : « venant de l’étranger, » ceux-ci : « non affranchis. »
M. Liedts, rapporteur : C’est de l’étranger qu’il s’agit.
M. Dumortier. - Je pense que le ministre n’a pas bien compris le sens de l’article. Il est impossible de ne pas accorder aux étrangers la même faveur qu’aux Belges. Un étranger ne peut venir de Paris à la frontière, par exemple, pour affranchir un journal.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mais, si l’on envoyait un journal non affranchi, il est sous le coup de l’article 12...
M. Gendebien. - Ou il y a une convention faite avec l’Etat voisin, ou il n’y en a pas ; s’il n’y a pas de convention, le journal sera affranchi jusqu’à la frontière, et alors l’ouvrage paiera le parcours en Belgique depuis cette frontière.
M. Coghen - Ce que vient de dire le préopinant est ce que je voulais dire. Je voudrais avoir des éclaircissements sur un autre point : dans l’article de la section centrale il n’est pas fait mention de la dimension des feuilles qui nous viennent de l’étranger. Je demanderai si M. le ministre des finances consent à libeller l’article de cette manière ; il est impossible que les feuilles étrangères soient soumises à avoir des dimensions exactes, c’est pour ce motif-là qu’on a même forcé le droit à un décime.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai admis la rédaction proposée par la section centrale, et je ne demande pas qu’on mette une disposition relative à la mesure des feuilles. Je n’insiste pas.
M. A. Rodenbach. - Nous arrivons à l’article 13, dans lequel il est question de la poste rurale : il me semble qu’avant de passer à cet objet, on pourrait améliorer encore le service des postes ; par exemple, le transport de l’argent par cette administration coûte 5 p. c.
Il y a, il est vrai, quelques exceptions en faveur des pauvres, et pour des sommes excessivement faibles ; je serais d’avis que, généralement, l’argent fût réduit à 1 p. c. On y gagnerait beaucoup ; car tout le monde ferait les envois par la poste.
Maintenant, qui fait les envois de cette manière ? Le malheureux l’homme aisé fait ses envois par les diligences. Ne vaudrait-il pas mieux établir les choses de façon que l’on préférât effectuer tous les transports d’argent par un service public ? Vous voyez que ma demande a pour but d’être utile au trésor en même temps qu’aux particuliers.
Il me semble que ce bénéfice de 5 p. c. est usuraire ; et c’est une usure qui ne profite à personne. Je serais donc porté à proposer un amendement tendant à substituer un droit de 1 p. c. à celui de 5 p. c. existant pour le transport de l’argent. Mais avant de déposer cet amendement, j’écouterai les observations auxquelles il donnera lieu de la part de mes collègues.
M. Coghen - L’observation de l’honorable préopinant est parfaitement juste, quant à la taxe actuellement existante sur le transport des espèces par la poste. Mais il serait dangereux d’abaisser autant qu’il le propose le taux du transport des espèces, parce qu’il est tels endroits où cette diminution pourrait, avec l’organisation actuelle des postes, ne pas offrir toutes les garanties désirables pour le gouvernement.
Dès l’instant où vous confierez de fortes sommes à tous les directeurs des postes, il faudra exiger d’eux de forts cautionnements. C’est uniquement pour borner les sommes que l’on enverra par la poste aux particuliers, et surtout aux militaires, que l’on a fixé une forte remise. Si vous établissez une remise très faible, des fonds seront confiés à tous les directeurs des postes, et il faudra, je le répète, exiger de forts cautionnements de ceux mêmes qui n’ont que quelques centaines de francs d’appointement. Autrement l’Etat serait exposé à subir des pertes, par suite de la violation des dépôts confiés à ses agents.
M. Liedts, rapporteur. - Outre le motif que vient d’exposer l’honorable préopinant et qui a été apprécié par la section centrale, nous avons reconnu que cette matière, comme tout ce qui concerne le service de la poste aux lettres, a besoin d’une révision générale : et la section centrale a pensé que ce n’était pas maintenant le moment de s’occuper de la révision générale de tout ce qui est relatif à la poste aux lettres ; aussi n’avons-nous fait que mentionner la question du taux du transport des espèces, parce que nous nous sommes aperçus qu’un amendement en amenait un autre et que nous finirions par faire une loi d’une centaine d’articles.
Il existe sans contredit une lacune, quant au transport de l’argent par la poste. Mais je doute que l’amendement de l’honorable M. Rodenbach atteignît le but et formât un système. Il propose de fixer à 1 p. c. le prix du transport. Mais il avouera que 1 p. c. serait trop pour des sommes considérables et pas assez peut-être pour des sommes minimes.
Je crois que lorsqu’il s’agira de réviser la législation sur ce point, il n’y aura qu’un seul moyen à employer : ce sera d’établir de ville en ville des espèces de banques. Ainsi l’on transportera l’argent, sans confier à la poste le transport matériel des espèces. Autrement il sera difficile de trouver un moyen de transport régulier et qui inspire la confiance au commerce.
Je crois donc qu’il faut renvoyer cette matière, comme ce qui concerne le contreseing, le chargement, etc., à l’époque où nous nous occuperons de la révision générale des lois postales.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne pourrais non plus admettre l’amendement de l’honorable M. A. Rodenbach par presque toutes les mêmes considérations qu’ont fait valoir les deux honorables préopinants.
Je signalerai un nouveau danger dans la proposition de M. Rodenbach : c’est que s’il était connu que la poste transporte régulièrement des sommes considérables, les dépêches, dans leur transport de nuit, pourraient être fort exposées.
Je pense que cette seule considération mérite toute votre attention et suffirait pour vous déterminer à ne pas adopter la disposition proposée.
L’honorable M. Liedts a indiqué un moyen, que l’on pourrait employer, a-t-il dit, pour le transport de l’argent par la poste lors de la révision générale des lois postales ; il consisterait à établir dans certaines villes, des villes, je pense, d’une certaine importance, des espèces de bureaux de banque, où l’on déposerait les fonds contre l’échange de billets, qui seraient payés dans la ville voisine.
Je crois que quand on examinera ce moyen, on reconnaîtra qu’il n’est pas non plus sans inconvénients et sans dangers. Car, dans la ville où se fera le dépôt des fonds, les agents de la poste seront obligés de négocier les valeurs qu’ils donneront avec la banque de la ville où ces valeurs devront être payées.
Je pense donc qu’il vaut mieux abandonner ces opérations aux relations établies par le commerce. On sait d’ailleurs que, par le moyen des agents de la société générale, le transport des espèces est très facile et le chargement à la poste de billets de banque, de somme si considérable qu’ils soient, offre toute la sécurité désirable.
J’engage donc l’honorable M. A. Rodenbach à ne pas insister sur sa proposition.
M. A. Rodenbach. - J’ai seulement voulu soulever la question dans l’intérêt public. Je désirais être éclairé sur cette matière. Les observations judicieuses qui viennent d’être faites me déterminent à ajourner ma proposition, qui n’était pas encore déposée, à l’époque de la révision générale des lois postales.
M. Desmet. - Vous savez, messieurs, que pour le transport des petites sommes d’argent, la rétribution de 5 p. c. que perçoit la poste ne laisse pas que d’être considérable. Je demanderai s’il y a à cet égard une exemption en faveur des militaires et des détenus, ainsi que, ce me semble, cela devrait être.
M. Liedts, rapporteur. - Je n’ose pas affirmer que dans les lois sur la matière il y ait une exception spéciale en faveur des militaires et des détenus. La seule exception qu’il y ait en leur faveur est, je crois, l’exemption de la quittance timbrée jusqu’à la somme de 20 fr, ou quelque chose comme cela. C’est la seule disposition qui soit à ma connaissance. Dans tous les cas, cette matière a moins d’intérêt qu’on ne le croit ; car le transport des fonds se fait avec une grande facilité par les messageries qui parcourent le pays dans toutes les directions.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’observation de l’honorable M. Desmet paraissant s’adresser aussi au ministre des finances, je m’empresse d’y répondre. Il est exact de dire qu’il n’y a pas, quant au transport des petites sommes adressées à des militaires ou détenus, une exception dans le sens qu’il désire. La seule exception est, comme l’a dit l’honorable rapporteur, la dispense de la quittance timbrée.
Si d’un côté il serait désirable de voir diminuer les frais de transport d’argent adressé aux personnes dont il a parlé, il faut considérer d’un autre côté que ces frais sont extrêmement minimes pour les sommes très minimes ; et si minimes que soient les sommes confiées à la poste, puisqu’elle en est responsable, elle doit percevoir une rétribution. Je ne pense pas qu’il convienne de réduire la taxe actuellement existante.
M. Desmet. - L’exemption du timbre de la quittance pour les petites sommes existe pour toutes personnes aussi bien que pour les militaires et les détenus.
Comme l’a dit M. le ministre des finances, la rétribution est faible pour les petites sommes mais cette rétribution est considérable pour les personnes peu aisées qui la supportent. Je pense qu’il conviendrait de la fixer à 1 p. c. au lieu de 5 p. c. Je vais rédiger un amendement dans ce sens.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comment obviera-t-on à la fraude ? Ne pourra-t-on pas envoyer à des militaires des sommes quelconques destinées à d’autres personnes ? Il faudrait au moins que le préopinant limitât la somme, par exemple à 20 fr. Autrement, sa proposition pourra peut-être entraîner des abus.
M. Verdussen. - Il ne me paraît pas qu’en bornant la disposition aux sommes de 20 fr., on obvie à ses inconvénients ; car on pourra répéter cette somme de 20 fr. autant de fois que l’on voudra.
D’ailleurs est-ce dans la loi qui nous occupe qu’il convient de changer le taux du transport des espèces par la poste ? Cette loi n’est relative qu’à la taxe des lettres. Plus tard, comme l’a dit l’honorable rapporteur, nous nous occuperons du contreseing, du chargement, enfin de la révision générale des lois postales .Ce n’est qu’alors, je pense, que nous devrons nous occuper du prix du transport des espèces par la poste.
M. Desmet. - D’après l’observation de l’honorable préopinant, et reconnaissant avec lui que la loi dont nous nous occupons ne concerne que la taxe des lettres, je retire ma proposition.
M. le président. - Il n’y a pas d’amendement déposé.
M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 13. Il est ainsi conçu dans le projet de la section centrale :
« Art. 13. A partir du 1er septembre 1835, l’administration des postes fera transporter, distribuer à domicile et recueillir tous les jours, dans les communes du royaume, les correspondances administratives et particulières, ainsi que les journaux et autres imprimés dont le transport lui est attribué.
« Néanmoins l’établissement dans ces communes, soit d’un service journalier, soit d’un service à un ou plusieurs jours d’intervalle, n’aura lieu que successivement et en raison des besoins des localités.
« Toute lettre provenant ou à destination d’un lieu où il n’existe pas d’établissement de poste aux lettres, paiera, en sus de la taxe progressive fixée par les articles précédents, un droit fixe d’un décime lorsque le lieu d’origine et celui de destination ne sont pas desservis par la même direction. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la proposition de la section centrale en ce qui concerne la rédaction et la nouvelle division de l’article. Je pense cependant que, pour qu’il n’y ait pas de contradiction dans cet article, il faudrait supprimer dans le premier paragraphe les mots « tous les jours, » puisqu’on dit dans le deuxième paragraphe : « soit d’un service à un ou plusieurs jours d’intervalle. » Lorsqu’un service journalier ne paraîtra pas nécessaire à l’administration, elle ne sera pas obligée de l’établir. Il faut donc supprimer lesles mots « tous les jours. » (Adhésion.)
M. Dumortier. - L’article maintenant en discussion soulève la question la plus grave de la loi. Il s’agit d’une organisation toute nouvelle pour la Belgique.
J’ai vu avec regret qu’on ne nous ait fourni aucun document propre à former sur ce point notre conviction. Avant d’entrer dans la discussion, je demanderai à M. le rapporteur quels sont les revenus et les dépenses probables de l’établissement de la poste rurale, quels sont les moyens d’exécution, quels seront les résultats de cette organisation. Car si nous n’avons des données sur ces différents points, il nous est impossible de discuter l’article 13.
M. Liedts, rapporteur. - Il m’est assez difficile, aussi bien qu’à qui que ce soit, de savoir combien de lettres on écrira dans chacune des communes rurales du pays. Mais approximativement il a paru au ministère (et la majorité de la section centrale a été de son avis) qu’en ajoutant au budget de l’Etat où figure déjà une allocation de 200,000 fr. les sommes portées aux budgets communaux et provinciaux pour le transport si irrégulier des dépêches, on parviendrait à couvrir la dépense la première année.
Il est certain que dans cette institution, comme dans beaucoup d’autres, il est impossible de déterminer les résultats que l’on obtiendra. Mais, d’après ce qui se fait en France et ce qui se passe sous nos yeux, il nous est permis d’espérer qu’au bout d’un an ou deux la poste rurale ne sera pas une charge pour le pays et que ses produits dépasseront ses dépenses.
Les sommes portées aux budgets provinciaux et communaux s’élèvent à peu près à 80,000 fr. ; cela entrera en déduction des frais d’établissement.
Si ces explications peuvent satisfaire l’honorable M. Dumortier, je n’en donnerai pas d’autres.
M. Dumortier. - Je n’ai pas demandé combien de lettres on écrirait dans les communes rurales. Je sais fort bien que M. le rapporteur, non plus que personne, ne peut le savoir. J’ai demandé quels étaient les résultats probables de l’établissement du service de la poste rurale. Quant à la dépense on doit avoir des données positives ; car le ministère doit savoir combien de bureaux de distribution il lui faudra établir. Quant à la recette, on a d’autres données.
On a cité l’exemple de la France. Je dirai que cet exemple donne beaucoup à penser. En France, on n’a pas commencé par établir la poste rurale dans tout le royaume ; on ne l’a établie d’abord que dans quelques départements, afin de savoir quels seraient pour le trésor public les résultats de cette institution. Nous avons vu chaque année demander à la chambre des députés l’abolition des postes rurales, attendu qu’elles étaient très onéreuses au trésor public.
Il me semble que quand on présente un système, il faudrait présenter des données sur ses résultats ; car ce n’est pas avec des mots, avec des phrases qu’on formera l’opinion de la législature.
Maintenant je dirai que, quant à moi, je suis contraire à l’établissement de la poste rurale, d’abord parce qu’il sera onéreux au trésor public, ensuite parce que je ne pense pas qu’il ait les résultats qu’on en attend ; en troisième lieu, parce que je considère cette institution comme inconstitutionnelle ; en quatrième lieu, parce que je suis convaincu qu’elle conduira au renouvellement de toutes les vexations que nous avons supportées sous le roi Guillaume, et que nous voyons exister dans un pays voisin.
Je puis me tromper, mais voilà quelle est ma conviction. J’en déduirai les motifs.
J’ai dit que la poste rurale serait onéreuse au trésor public. En effet l’exemple d’un pays voisin doit à cet égard nous servir de leçon.
Dans l’état actuel des choses, c’est-à-dire avec notre système de transport de la correspondance rurale par la libre concurrence, le gouvernement ferme les yeux sur le transport des journaux et des lettres par les diligences, et il fait bien ; car c’est le moyen de ne pas vexer les citoyens, et nous ne devons pas faire des lois conduisant à un tel résultat. La Belgique est sillonnée de routes et de diligences. Il n’y a pas de direction dans laquelle le pays ne soit traversé par 3, 4 ou 5 diligences, quelquefois plus.
Qu’arrivera-t-il maintenant ? C’est que les personnes qui voudront que leur correspondance parvienne promptement, l’expédieront par la diligence. On sait bien que les diligences n’offrent pas les mêmes garanties que la poste, mais on se contentera de la garantie qu’offrent les diligences, et l’on devra encore laisser faire les citoyens.
Si vous établissez les postes rurales, il vous faudra supprimer tous les messagers qui portent les lettres de village à village, ou il faudra vous les approprier.
Si vous vous les appropriez, ce sera une dépense énorme et vous n’aurez pas de garantie qu’ils ne transporteront pas les dépêches pour leur propre compte. Si vous ne vous les appropriez pas, comment ferez-vous pour les empêcher de continuer de transporter les dépêches ? Vous retomberez dans le système vexatoire suivi sous le roi Guillaume, où l’on fouillait les citoyens à la porte des villes pour vérifier s’ils ne portaient pas des lettres, et où l’on était mis à une amende de 600 francs pour transport d une lettre ou d’une gazette. A moins de pareilles mesures, vous n’arriverez jamais à un résultat.
Je vais plus loin. Je dis que l’établissement de la poste rurale engendrera nécessairement des vexations. Car une administration considérable qui devra le jour à ce nouveau système sentira le besoin de se maintenir ; pour cela elle se donnera de l’importance par des mesures vexatoires tendant à l’augmentation des recettes.
Quant aux journaux, comment les choses se passeront-elles ? Les journaux se transportent maintenant plus généralement par les diligences que par la poste. Je suppose un journal de Bruxelles, soit du soir, soit du matin, expédié à Tournay, la ville que j’habite. Si c’est un journal du soir, une diligence du soir le transporte, et on le recevra à Tournay en même temps qu’on le distribue à Bruxelles ; si c’est un journal du matin, il partira par la diligence de midi et sera distribué quelques heures après qu’il a été distribué à Bruxelles ; tandis que si la poste transporte les journaux, nous ne les recevrons plus aux heures les plus commodes pour la publicité.
Il y a plus, messieurs, les conducteurs de voitures publiques remettent sur leur passage des paquets de journaux pour les villages situés le long de la route qu’ils parcourent. Il faudra, d’après le nouveau système, que les journaux soient envoyés à la direction des postes pour rebrousser chemin ensuite et passer par la filière de l’organisation postale. Cette opération prendra beaucoup de temps, et les journaux ne seront lus que fort tard après leur date. L’intérêt de la presse politique est donc plus défavorable que favorable à l’établissement de la poste rurale.
Mais ce que je crains le plus, ce sont les vexations qui seront introduites par le nouveau système. On n’a pas manqué de le dire déjà. Lorsque les postes rurales seront établies, nous ne permettrons plus qu’une seule lettre soit transportée par une autre voie que la nôtre. Il vous reste à savoir, messieurs, si vous voulez admettre des mesures vexatoires qui ne manqueront pas de faire détester la révolution.
Quant aux moyens que l’on propose pour subvenir au service de la poste rurale, je les regarde comme inconstitutionnels. On veut forcer les communes à payer au trésor public les sommes qu’elles donnent pour le transport des dépêches.
C’est là une mesure qui serait manifestement en opposition directe avec l’article 110 de la constitution qui prescrit qu’aucune charge communale ne peut être établie que du consentement des communes.
J’entends dire que l’on a imposé aux communes la nécessité de subvenir à l’entretien de leurs mendiants et de leurs enfants trouvés. Mais la question est différente. Car il s’agit dans ce cas d’une dépense exclusivement communale, tandis qu’aujourd’hui l’on veut forcer les communes à verser dans le trésor public une somme affectée jusqu’à ce jour à des dépenses communales. Il n’y a donc aucune analogie entre cet exemple et celui que je viens de citer.
J’entends dire également que l’on a bien forcé les communes à subvenir aux frais d’entretien des bâtiments affectés aux universités. C’est encore un exemple que l’on ne peut invoquer.
Si l’Etat refuse de se charger de l’entretien de ces locaux, c’est qu’ils appartiennent aux villes. L’Etat ne peut intervenir en rien dans une dépense qui tournerait au profit des communes. C’est ainsi qu’à Liége le local de l’université, qui appartenait autrefois aux Jésuites et qui a été donné à la ville par Marie-Thérèse, doit être entretenu aux frais de la commune qui jouit des bienfaits de la donation. Si les villes où sont les universités ne veulent pas souscrire à cette clause de la loi d’instruction publique, libre à elles ; assez d’autres villes se chargeront volontiers de fournir des bâtiments à l’Etat pour ses universités. Tournay et Bruges ne demandent pas mieux.
Aujourd’hui c’est la question renverse. Ce n’est plus l’Etat qui ne veut pas faire une dépense qui profite à la commune seule, c’est l’Etat qui veut verser dans le trésor public une somme destinée à une dépense purement communale. Je soutiens que c’est une proposition inconstitutionnelle que l’on ne saurait justifier.
Je ne m’oppose pas à ce que l’on améliore le service actuel des transports des dépêches ; mais je ne consentirai jamais à ce que l’on grève le trésor public et à ce que l’on spolie les communes au profit de quelques propriétaires de châteaux. Car c’est en définitive pour eux que le service des postes rurales sera organisé.
Je demande que l’on établisse des bureaux de distribution dans chaque chef-lieu de canton. De cette manière vous satisferez à toutes les exigences du moment, et vous n’aurez pas grevé le trésor de la somme énorme qu’il faudra dépenser lorsque vous aurez admis le principe.
M. d'Hoffschmidt. - Je pensais que personne ne mettrait en doute l’utilité des postes rurales, surtout après le rapport que l’honorable M. Liedts a fait sur le projet de loi.
L’honorable préopinant vient de dire que ce service serait non seulement onéreux au trésor public, mais encore qu’il serait nuisible à la presse.
Quant à la question de savoir si ce service sera onéreux au trésor public, l’expérience seule pourra démontrer la vérité de cette assertion.
Cependant M. le rapporteur vient de se livrer à des calculs qui me paraissent devoir rassurer la chambre à cet égard. La taxe d’un décime dont seront chargées les lettres destinées aux campagnes défrayera suffisamment le gouverneraient des frais de transport.
L’honorable préopinant est dans l’erreur lorsqu’il dit que le service des postes rurales sera nuisible à la presse. C’est tout le contraire qui arrivera. Il est vrai que les diligences portent les feuilles publiques, dans les villes. Mais dans les campagnes on est privé de ce moyen de transport. Les diligences ne parcourent que les centres de population.
Ce moyen de transport peut paraître suffisant à certaines personnes qui ne veulent pas voir pénétrer les journaux dans les campagnes, parce qu’elles savent qu’ils éclairent le peuple. Moi, au contraire, je voudrais que les habitants des campagnes lussent les journaux et qu’ils fussent au courant de ce qui se passe dans les chambres. Si la voie des diligences est favorable pour les villes, conservez-la ; mais n’empêchez pas qu’on en introduise une nouvelle pour les campagnes.
Je ne vois à la loi qu’un défaut, c’est qu’elle établit un privilège en faveur des grandes communes. Le service, d’après le système de la section centrale, ne sera établi que dans les communes où il pourra rapporter quelque chose. Dans le Hainaut et dans les Flandres, par exemple. Les autres provinces en seront privées.
D’après ce qui se passe maintenant, il y a des messagers de cantons qui vont deux fois par semaine porter dans les communes les lettres adressées aux particuliers. Si le ministre supprime au profit du trésor les traitements des messagers et que le transport des lettres ne se fasse plus qu’à 13 ou 14 jours d’intervalle, certaines communes perdront au lieu de gagner à l’établissement des postes rurales.
Je demanderai donc à M. le ministre des finances si son intention est d’établir le nouveau service dans toute la Belgique. Dans ce cas, je verrais de l’utilité au projet en discussion, et les communes satisfaites de la régularité du service n’emploieraient pas d’autre voie pour le transport des lettres. Si, au contraire, il y avait des exceptions pour quelques communes, comme les particuliers ne les connaîtraient guère, ils hésiteraient à confier leurs lettres à la poste dans la crainte qu’elles ne fussent remises que deux ou trois jours après leur arrivée au bureau cantonal.
Je pense qu’il conviendrait d’établir dans la loi que les lettres ne pourraient être distribuées dans le royaume à plus de deux jours d’intervalle. Je rédigerais ainsi l’article 13 :
« A partir du 1er janvier 1836, l’administration des postes pourra transporter tous les jours ou à deux jours d’intervalle… »
Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien répondre à la question que je lui ai faite.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que quand bien même le gouvernement ne retirerait aucun avantage fiscal de l’établissement des postes rurales, il ne devrait pas hésiter à organiser ce service.
Il faut que les habitants des campagnes soient placés sur la même ligne que ceux des villes. Le seul moyen de combattre les désavantages de leur isolement, c’est de multiplier les communications entre eux. La justice distributive fait donc en quelque sorte une loi d’établir la poste dans les campagnes.
Messieurs, loin d’être onéreux au trésor, comme on l’a prétendu, je pense que ce service ne pourra que lui être avantageux.
L’on a demandé au gouvernement qu’il produisît des documents positifs pour préciser les dépenses et les produits de la poste rurale. Je vais, autant que possible, satisfaire à cette demande.
Déjà, messieurs, on vous a fait connaître qu’il était impossible d’établir un calcul précis à cet égard, et que l’on ne pouvait se fixer sur ce point que d’après l’expérience d’un pays voisin. Je parlerai tout à l’heure de ce qui s’est passé en France depuis 1827, époque à laquelle la poste rurale a été établie.
D’après des renseignements nombreux pris de toutes parts, l’administration des postes s’est convaincue qu’avec 280,000 fr. environ, le service rural pourrait être organisé et tenu en activité. On ne demande au budget des dépenses qu’une allocation de 200,000 fr., parce qu’en y ajoutant les 80,000 fr. que paient en ce moment les communes pour le service de leurs messagers, on aura la somme nécessaire pour le service des postes rurales.
Au surplus, je ne crains pas de prédire que cette dépense de 280,000 fr. nous permettra de majorer nos recettes de plus de 250,000 fr. dès 1837.
Je viens à l’exemple que j’ai annoncé.
L’honorable préopinant a cherché à faire croire que le service des postes rurales était plutôt onéreux qu’avantageux en France et qu’on paraissait disposé à l’abandonner.
Certes, messieurs, si on était disposé à demander en France le retrait de la loi relative à la poste rurale, ce ne serait pas parce qu’on la trouve onéreuse sous le rapport fiscal. Il suffit d’indiquer la progression du produit des postes en France depuis l’établissement du service rural pour vous convaincre que les craintes de l’honorable membre ne sont aucunement fondées.
En 1825, le produit des postes s’élevait à 24 millions ; en 1826, il s’élevait au même chiffre ; en 1827 encore : remarquez que ce n’est qu’en 1827 que la loi créant la poste rurale a été portée, et par conséquent que ce n’est qu’en 1828 que les effets ont pu se faire sentir. Eh bien, dès 1828, les produits des postes ordinaires augmentés de ceux des postes rurales ont rapporté 27 millions, trois millions de plus ; et la progression a été telle, ainsi que je l’ai dit hier, que les produits des postes en France se sont élevés à 36 millions en 1834, c’est-à-dire que l’introduction du service rural en France a procuré une moitié en sus des produits. Voila des enseignements de l’expérience qu’on ne peut pas mettre de côté et qui répondent victorieusement, ce me semble, aux objections qui ont été faites par M. Dumortier.
Il est donc prouvé que le service des postes rurales a rapporté considérablement en France.
L’établissement d’un service analogue en Belgique doit également rapporter beaucoup. Je dirai même qu’il doit rapporter davantage car la superficie de la Belgique, comparée à celle de la France, est 16 fois plus petite, tandis que la population n’est que huit fois moindre ; or, sur une superficie plus petite, les relations étant plus multipliées et les frais, par suite, moins considérables, les produits doivent être dans une proportion beaucoup plus forte.
On a déjà répondu à ce qu’a dit le préopinant que la poste rurale pourrait être nuisible à la presse, à la distribution prompte et régulière des journaux. Ceci pouvait se réfuter facilement, car aux diligences dont on a parlé viennent s’ajouter d’autres moyens de transporter les journaux dans les campagnes, et ainsi s’accroîtront les facilités de relations.
Le même orateur a parlé aussi de vexations qu’entraînerait l’établissement du service des postes rurales, et c’est sur cette objection qu’il a le plus insisté parce qu’elle ne peut guère être réfutée sans qu’il ne reste toujours un peu de vague ; et en effet on dit : Il arrivera des vexations ; et comment pourrait-on prouver qu’il n’en arrivera pas autrement qu’en protestant contre cette supposition !
Je trouve toutefois que rien dans les dispositions du projet n’y prête, car sous le rapport du monopole dont jouit l’administration des postes, de transporter les dépêches et les journaux, les choses restent dans le même état : il n’est établi aucune nouvelle mesure pour assurer ce monopole, les lois existantes continueront à subsister ; ainsi il n’y aura pas plus de vexations sous cette loi qui n’ajoute rien aux droits de l’administration des postes qu’il n’y en a aujourd’hui.
Un honorable préopinant a cru voir dans le paragraphe 2 de l’article en discussion, paragraphe auquel je me suis rallié, une raison de croire que le service rural n’aurait pas partout la même extension ; qu’on l’établirait dans les grandes communes, tandis que dans les communes peu populeuses, où la correspondance est moins active, le service ne se ferait qu’à de longs intervalles.
Je répondrai que l’intention de l’administration des postes est d’établir le service des postes rurales de la manière la plus large, et d’une manière plus expéditive que celui qui se fait par les messagers de district et de canton. C’est-à-dire que les communes qui aujourd’hui, par les messagers de district, n’ont que deux transports par semaine, en auront au moins trois. Je ne doute même pas que, comme en France, on aura intérêt à établir des transports presque quotidiens dans toutes les localités. Seulement je dois prévenir que cela ne pourra se faire que successivement. On commencera par établir le service de manière à ne pas restreindre les relations qui existent aujourd’hui, et ensuite on travaillera à les augmenter.
Je bornerai là pour le moment mes explications.
M. le président. - L’amendement de M. Dumortier est-il appuyé ?
- Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. le président. - Si personne ne demande la parole, je vais le mettre aux voix.
- Plusieurs membres. - A demain ! Nous ne sommes plus en nombre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si on renvoie le vote à demain, toute la discussion d’aujourd’hui sera perdue, on la recommencera, tandis qu’on pourrait facilement évacuer maintenant cet article ; il me semble que nous sommes encore en nombre.
- Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
- Des membres quittent leurs places.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quoiqu’on soit disposé à renvoyer la discussion à demain, je demanderai à faire une observation sur l’amendement de M. Dumortier.
Je ferai remarquer au premier aperçu qu’il va plus loin que l’administration des postes voudrait aller elle-même. Il impose l’obligation d’établir un bureau de distribution dans toutes les communes de plus de 2,500 âmes de population.
Je ferai observer qu’il y a beaucoup de communes en Flandres très rapprochées les une des autres, qui ont plus de 2,500 âmes de population et oui il serait inutile d’établir un bureau de distribution.
Quant à ce qui concerne les chefs-lieux de canton, c’est différent, il y aura un bureau de distribution au moins dans chacun.
Il me paraissait d’abord que l’honorable membre craignait beaucoup la multiplicité des bureaux de distribution, et maintenant il veut aller plus loin que l’administration.
- Un grand nombre de membres. - A demain ! à demain !
- L’assemblée se sépare à 4 heures et demie.