(Moniteur belge n°218, du 5 août 1835)
(Présidence de M. Pirson, doyen d’âge.)
A midi et demi, M. Pirson monte au fauteuil. - L’année dernière, dit-il, j’étais votre doyen d’âge, et je vous ai présidés à ce titre ; par suite des élections qui ont eu lieu, de nouveaux membres ont été envoyés dans cette enceinte, et je ne sais si j’ai encore le droit de vous présider provisoirement. (Oui ! oui !) En ce cas, j’appellerai au bureau deux des membres les moins âgés pour remplir provisoirement aussi les fonctions de secrétaires.
- M. Nothomb et M. Liedts sont désignés pour remplir provisoirement les fonctions de secrétaires.
M. Liedts procède à l’appel nominal.
M. Pirson. Messieurs, je viens de recevoir, comme doyen d’âge et comme président de l’assemblée à ce titre, une lettre de M. le ministre de l’intérieur, laquelle accompagne l’envoi d’un arrêté du Roi que l’un de MM. les secrétaires va vous lire.
M. Nothomb. fait cette lecture. La lettre est conçue dans les termes suivants :
« Bruxelles, le 4 août 1835.
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous adresser une expédition de l’arrêté du Roi par lequel les chambres sont convoquées pour ce jour ; vous priant d’en donner communication à la chambre.
« Le ministre de l’intérieur, de Theux.
«A M. le doyen d’âge de la chambre des représentants, remplissant les fonctions de président. »
Voici l’arrêté :
« Léopold, roi des Belges.
« A tous présents et à venir, salut.
« Vu l’article 70 de la constitution ; de l’avis de notre conseil des ministres,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Art. 1er. Le sénat et la chambre des représentants sont convoqués pour le 4 août prochain.
« Art. 2. Notre ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin officiel.
« Donné à Bruxelles, le 17 juin 1835.
« Léopold.
« Par le Roi : le ministre de l’intérieur, de Theux.
« Pour copie conforme : Le secrétaire-général du ministère de l’intérieur, Dugniolle. »
M. Pirson, président d'âge. - Je demanderai à l’assemblée la permission de lui adresser la parole.
M. Dumortier. - Je demande à faire une motion d’ordre.
M. Liedts. - Il me semble que la parole doit d’abord appartenir à M. le président.
M. Pirson, doyen d’âge. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de présider, comme doyen d’âge, à l’ouverture de quatre sessions. Dans l’intervalle de l’une à l’autre, toujours il est arrivé des circonstances qui ont exposé le ministère à des reproches sévères.
Cette fois-ci encore, il doit s’attendre à de vives attaques plus ou moins fondées ; mais je ne me permettrai point de les soulever, quoique je n’aie pas craint de le faire lors des sessions antérieures. Ce n’est pas que je rougisse d’appartenir comme j’appartiendrai toujours à l’opposition, je n’ai pas besoin d’expliquer à quel genre d’opposition : on sait bien que ce n’est point à celle qui tend systématiquement à la destruction de tout pouvoir ; mais bien à cette opposition prévoyante qui n’a d’autre but que de le maintenir dans la voie constitutionnelle, hors laquelle il est poussé par les émanations empoisonnées du despotisme et de l’arbitraire qui le pressent et l’obsèdent de toutes parts. Je ne m’écrierai donc point avec certains orateurs : Le pouvoir s’en va ; mais je dirai : il n’a pas encore su prendre une pose toute constitutionnelle.
Oui, messieurs j’ai toujours appartenu à l’opposition. Philosophe et républicain par principe dans ces temps déjà éloignés de la plus haute exaltation, j’ai caché et sauvé grand nombre de prêtres, poursuivis par le fanatisme philosophique. J’ai arraché des mains de Robespierre les aristocrates les plus prononcés du pays de Bouillon, ma patrie. Quelques-uns d’entre eux m’avaient cependant décrété de prise de corps dans les premiers jours de la révolution ; il y avait alors du courage et plus de danger qu’aujourd’hui à faire de l’opposition.
J ai été de l’opposition avant l’horrible attentat du 28 juillet dernier. J’en serais encore après, si le gouvernement s’avisait de profiter de l’horreur qu’il inspire pour suspendre l’exercice de quelques-unes de nos libertés.
Si je parle tant de l’opposition, messieurs, c’est que depuis la clôture de la session dernière, les organes du ministère ou plutôt les faux amis du ministère (car je suis persuadé que celui-ci les désavouerait au besoin ; car il en est parmi eux qui voudraient le morceler, d’autres qui voudraient le renverser tout entier) ; je dis donc que les faux amis du ministère ont cherché à traîner dans la boue tout ce qui s’appelle l’opposition sans aucune distinction ; ils comprennent même sous cette dénomination la majorité de la chambre, qui sur certains points a voté dans un sens opposé aux propositions des ministres.
D’un autre côté ceux qui écrivent au nom de nos libertés ont jeté aussi des semences de division et de haine dans un autre sens. Hé ! ne voient-ils pas tous qu’ils rompent cette union qui fait notre force et dont l’absence au moment du danger compromettrait notre nationalité, nos personnes et nos biens !
De part et d’autre il y a de grands torts, je dirai plus il y en a de la part des ministres et des chambres ; en effet, n’ai-je pas entendu ergoter sur le texte de la constitution comme en fait de théologie ? On l’interprète et on l’affuble de telle manière que bientôt elle serait aussi méconnaissable que le vrai Dieu auquel tout sectaire attribue ses passions et ses caprices.
Il est temps de revenir à notre point de départ. Nos étions tous d’accord au moment de notre révolution de septembre, comme les Français l’étaient en juillet. Mais bientôt deux systèmes opposés ont agi et réagi l’un contre l’autre, et ont enfanté des partis exaspérés, je parle des systèmes, dits du mouvement et de la résistance. Celui-ci a prévalu jusqu’à présent ; mais je crains que ses partisans ne soient obligés un jour de l’abandonner.
Ils pensaient, du moins c’est ce qu’ils disent, que le gouvernement constitutionnel ne pouvait s’établir solidement que par un temps de paix, de calme et de modération ; que ce serait agir contre le droit des gens d’aller troubler les gouvernements voisins ; qu’il fallait laisser les peuples et les rois agir dans leur sphère respective, selon leurs droits et leurs tolérances. Rien de plus loyal ; a-t-on répondu à cette loyauté ? Les hommes du mouvement disaient au contraire : Jamais les rois absolus et vos voisins ne permettront que vous établissiez tranquillement votre gouvernement constitutionnel. Si vous résistez à leurs suggestions et si vous vous refusez à vous rapprocher de leur essence (on avait l’exemple des deux restaurations), ils vous susciteront tous les embarras possibles, ils sèmeront la division et les haines, et si la guerre civile éclate parmi vous, ils solderont et exciteront tour à tout tous les partis, républicains, jacobins ou légitimistes. Voulez-vous mettre leur politique expectante en défaut ? Lancez sur eux tous vos éléments révolutionnaires dont vous vous débarrassez ainsi, et avec les hommes calmes, tranquilles qui vous resteront, vous établirez le gouvernement modèle qui sera adopté par les peuples et fera leur bonheur.
Comment se fait-il que des Français expérimentés, connaissant le caractère impérieux de leur nation, les éléments de fermentation qui travaillaient toutes les têtes d’une jeunesse active, bouillante et nombreuse, n’aient pas senti la nécessité d’une diversion par la guerre !
Çà été mon opinion jusqu’en 1833. Mais, depuis lors, les haines et les exigences des partis violents qui ont surgi me font craindre une anarchie complète ou l’établissement d’un gouvernement de sang qui couvrirait l’Europe d’un voile funèbre.
Tout à l’heure, quand j’ai dit : Revenons à notre point de départ, ce n’est donc pas pour commencer la guerre et révolutionner les pays voisins, mais pour rétablir l’union parmi tous ceux qui veulent la réforme des anciens abus et un gouvernement franchement et loyalement constitutionnel. Qu’un grand acte de générosité réciproque produise cet effet. Plus de récriminations pour tout ce qui est passé, que tout soit oublié ; mais justice et vengeance légale contre les assassins et les pillards. Parlons haut à l’absolutisme intérieur et extérieur par les moyens légaux, et réprimons toutes provocations directes au désordre et au renversement du gouvernement établi.
J’en reviens à l’événement du 28 juillet dernier. Que serait-il arrivé si la dynastie régnant en France avait été abattue d’un seul coup, à l’exception peut-être d’un jeune prince ? Guerre civile acharnée entre deux dynasties, l’ancienne et la nouvelle ; puis les républicains en tiers parti. Pendant ces débats, arrivée des Prussiens, des Russes et des Hollandais en Belgique, qui se seraient emparés de nos villes fortes pour surveiller la France et épier le moment d’y entrer et de se la partager.
Pourquoi ce rassemblement des troupes du nord ! quelle coïncidence ! Loin de moi la pensée qu’aucun souverain ait trempé le moins du monde et même tout à fait indirectement dans un acte dont on croit à peine coupable un rebut de nature et de civilisation. Mais plusieurs comptent, on ne peut en douter, sur de nouveaux troubles en France, et d’une nature plus grave que tout ce qui s’y est passé.
Resserrons le faisceau sacre et hâtons-nous de porter nos félicitations au Roi, tout en nous félicitant nous-mêmes de la non-réussite de la partie la plus désastreuse d’un attentat qui nous a fait courir des chances si extraordinaires et si inattendues.
Cependant vous devez vous constituer avant tout : ne perdons aucun instant, soyons actifs et prudents ; plus de redites inutiles lorsqu’une question a été clairement posée et controversée. Je vais vous donner lecture des articles du règlement applicables à nos premières opérations.
M. Dumortier. - Il se passe dans cette circonstance quelque chose de fort insolite. Le trône qui, en pareil cas, était toujours dressé dans cette enceinte pour recevoir le souverain au milieu des élus de la grande famille, a disparu pour faire place au bureau de votre président. Il a disparu, paraît-il, d’après les ordres du gouvernement lui-même, et un simple arrêté ouvre la session. Alors chacun de nous à droit de se demander pourquoi nous sommes convoqués contrairement aux usages antiques et solennels que l’on a toujours suivis, pourquoi les voûtes de cette salle ne retentiront point aujourd’hui des cris que nous fait pousser le plaisir que nous éprouvons lorsque nous voyons le chef de l’Etat au milieu de nous. Chacun de nous peut se demander quelle peut être la cause d’un aussi grand changement ; chacun de nous est en droit de se demander pourquoi le gouvernement a cru devoir se permettre de s’écarter des usages constitutionnels. Ce n’est pas, en effet, une simple formalité que l’ouverture d’une session par le souverain.
Le discours qu’il prononce, le discours du trône, expose la marche du gouvernement : il fait connaître à la nation les motifs pour lesquels ses députés sont assemblés ; quels sont les besoins du gouvernement ou de l’Etat ; les moyens d’y pourvoir… Si on nous laisse dans l’ignorance où nous sommes aujourd’hui, ne pouvons-nous nous demander si quelque convulsion menace de bouleverser le pays ; si nos relations politiques sont dans un état plus fâcheux qu’elles n’étaient l’année dernière, si le gouvernement a besoin de subsides ; si l’armée a besoin d’être augmentée ? Voilà ce que chacun de nous, ce que le pays peut se demander.
Quant à moi, je suis étonné d’une telle conduite. A mon avis, elle n’a pas d’exemple dans les annales des gouvernements représentatifs. Lorsqu’en France, lorsqu’en Angleterre, le chef de l’Etat ne peut assister à l’ouverture d’une session extraordinaire, un membre du cabinet vient lire le discours du trône, et dire pourquoi les mandataires de la nation sont assemblés. Je demanderai donc si l’un des ministres est chargé de nous faire les communications qui ordinairement descendent du trône ; dans le cas contraire, je demanderai pour quels motifs on s’est écarté des usages consacrés en pareil cas.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable membre désire connaître les motifs pour lesquels le gouvernement a convoqué les chambres ; s’il eût été moins empressé, il les connaîtrait déjà, car nous nous proposions de demander la parole pour cet objet.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le gouvernement a des communications très importantes à faire aux chambres ; et quoique la chambre des représentants ne soit pas régulièrement organisée, nous croyons devoir les lui faire dès aujourd’hui si elle veut nous entendre. C’est à elle à voir s’il faut ajourner des communications tout entières dans l’intérêt du pays. En nous entendant actuellement, nous pensons de plus qu’elle économisera beaucoup de temps.
M. de Brouckere. - J’ai écouté avec attention le discours de M. le doyen d’âge, et celui de M. Dumortier ; je crois toutefois qu’il aurait été dans l’ordre de commencer par vérifier les pouvoirs des nouveaux élus, et de constituer ou d’organiser définitivement la chambre. Jusqu’à ce que ces opérations soient faites, il n’y a pas à proprement parler de chambre ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’assemblée apte à prendre une décision quelconque. Je pense que nous devons aujourd’hui nommer la commission qui sera chargée de la vérification préalable des pouvoirs.
Avant tout nous devons organiser le bureau de la chambre, ou constituer la chambre ; alors nous pourrons entendre les communications que le gouvernement se propose de nous faire. Si cependant la chambre consentait à entendre les ministres dès aujourd’hui, libre à elle ; mais elle suivrait une marche irrégulière. Je pense que les ministres devraient prendre la voie de la presse pour nous faire connaître les objets sur lesquels ils paraissaient empressés d’attirer notre attention.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous voyez, messieurs, dans quelle situation le gouvernement se trouve : l’honorable M. Dumortier lui reproche de ne pas faire connaître ses vues ; un autre membre s’oppose à ce que nous fassions, dès aujourd’hui, aucune communication Cependant nous sommes disposés à parler, et les communications que nous avons à faire, je l’ai déjà dit, intéressent le pays. Je demande que la parole me soit maintenue, afin que je vous fasse connaître le but de votre convocation extraordinaire, l’objet de vos travaux.
- Quelques membres. - Il n’y a pas de chambre ! La chambre n’est pas constituée !
M. A. Rodenbach. - Déclarez seulement que la session est ouverte !
M. de Brouckere. - M. le ministre dit que le gouvernement est dans l’embarras, parce que deux membres ne sont pas du même avis, sur l’opportunité d’entendre aujourd’hui des communications du cabinet ; mais cet embarras se présente dans toutes les discussions, puisque toutes les propositions sont controversées. Quoi qu’il en soit, je crois que si l’on veut entendre les ministres, il faut d’abord consulter l’assemblée, ou mettre aux voix la question de savoir si la parole leur sera accordée aujourd’hui.
M. Dumortier. - Je pense que l’opinion de l’honorable préopinant et la mienne peuvent très bien se concilier et n’ont rien d’opposé. Qu’est-ce que j’ai demandé ? J’ai demandé si le gouvernement avait à nous lire un discours émanant du trône. Qu’a soutenu l’honorable M. de Brouckere ? Que le ministère ne pouvait, aujourd’hui, présenter aucun projet de loi, puisque la chambre n’est pas constituée.
Pourquoi ai-je demandé qu’on lût un discours émanant du trône ? C’est afin que dans la discussion de la réponse à y faire, on examinât si le ministère méritait ou non la confiance de la nation.
je partage l’avis de M. de Brouckere : aujourd’hui vous ne pouvez entendre la lecture d’aucun projet de loi : à quoi vous servirait cette lecture ? Vous n’avez pas encore le droit d’ordonner l’impression de semblables projets. En vertu de l’article 8 de votre règlement, il faut, avant tout, vous constituer ; et quand vous serez constitués, vous en donnerez avis au sénat et au Roi. Jusque là, vous ne pouvez prendre valablement aucune résolution. Vous le voyez on peut concilier ma motion avec celle de l’honorable M. de Brouckere.
Le ministre n’a-t-il que des projets de loi à nous communiquer, qu’il nous le dise ; mais a-t-il à nous présenter le programme de nos travaux, le tableau des besoins de l’Etat, la situation politique du pays, qu’il dépose ce document sur le bureau de la chambre, et alors nous l’examinerons et nous y répondrons.
M. le président. - On a dit tout à l’heure que la mise aux voix même serait une irrégularité. Je ne me permettrai pas, comme président, de résoudre si cette mesure est régulière ou non ; vous le déciderez. Je vais donc mettre aux voix si M. le ministre des finances continuera à être entendu ou non, et s’il sera autorisé ou non à faire la communication demandée.
- Plusieurs membres. - Il n’y a pas de chambre.
M. Dumortier. - Est-ce un projet de loi, ou le discours du trône ?
M. Jadot. - Ceux qui croient qu’il n’y a pas de chambre ne peuvent voter.
- La question est mise aux voix : un assez grand nombre de membres se lèvent pour ; aucun ne se levant contre, il est décidé que M. le ministre continuera à être entendu.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, lors de l’ouverture de la dernière session, le gouvernement avait conçu l’espoir de pouvoir alléger par un dégrèvement la position des contribuables.
Cette espérance, si chère au cœur du monarque, le discours du trône la fit partager à la nation, et elle fut formulée dans le projet de loi des voies et moyens. Mais avant la discussion de ce projet, des événements politiques entièrement imprévus firent naître des appréhensions de guerre.
Bien que confiant dans les traités qui garantissent l’état de paix, le gouvernement jugea prudent de se préparer aux complications qui pouvaient surgir de cette position nouvelle, et vous proposa de décréter une subvention de dix centimes par franc sur tous les impôts, afin de former un fonds de réserve à appliquer éventuellement aux premiers besoins de la défense du pays.
Une imposante majorité dans les deux chambres accueillit cette demande : le vote mémorable auquel elle donna lieu, témoigne de la sage prévoyance et de l’énergique patriotisme de la législature, qui, dans toutes les circonstances où il s’est agi de l’indépendance et de la dignité de la patrie, s’est toujours montrée unanime et prête à tous les sacrifices.
Ce vote ne contribua peut-être pas peu au maintien de la paix. Il étouffa du moins d’hostiles espérances, et fit voir à ceux qui les nourrissaient, que s’il avait été possible de nous surprendre naguère, à l’avenir la victoire ne serait plus facile.
Le fond de la question reçut donc une éclatante approbation ; la forme seule fit l’objet d’une controverse parlementaire. Je ne rappellerai point ici les différentes manières de voir à ce sujet, cette digression devient inutile devant la mesure que je vais avoir l’honneur de vous proposer.
Cette mesure, messieurs, qui est l’abolition de la subvention de guerre, est due moins au désir bien naturel sans doute de celui qui paie, qu’à l’éloignement probable du danger qui avait motivé cette imposition extraordinaire. Elle est la réalisation d’une promesse que le gouvernement ne pouvait accomplir plus tôt sans imprudence, mais qui ne fut pas l’une des moindres considérations qui le déterminèrent à convoquer les chambres, soit pour leur demander l’abrogation de la subvention, soit pour leur confier les motifs de sa conservation.
Le gouvernement, messieurs, connaît trop l’étendue de ses devoirs, il a une trop juste idée de la responsabilité morale qui pèse sur lui, pour ne pas garantir autant qu’il le peut, autant qu’il le doit, le royaume des calamités de la guerre ; mais lorsque les sacrifices deviendront sans objet, il sera toujours le premier à y mettre un terme.
Nous venons donc, messieurs, par ordre du Roi, vous proposer d’abolir les dix centimes de subvention de guerre sur les impôts indirects à partir du 1er du mois prochain, et sur les contributions directes pour le dernier trimestre de l’année.
Nous ne pouvons nous dissimuler, messieurs, que la proposition que j’ai l’honneur de vous soumettre atténuera, dès ce moment jusqu’à celui de son abrogation, les produits de cette subvention sur les impôts indirects. Chacun cherchera nécessairement à se soustraire à l’application de cette taxe temporaire, en retardant ses transactions de quelques jours. J’insiste sur cette remarque, afin qu’il soit à l’avance bien reconnu que les évaluations de 10 p. c. sur ces impôts, faites au budget, doivent être réduites non seulement de 4/12, mais proportionnellement au temps que la perception aura été réellement effectuée.
La différence, messieurs, dans l’époque de l’abrogation des effets de l’article 2 de la loi du 28 décembre 1834, entre les deux natures de contributions, est nécessitée par les difficultés immenses qu’il y aurait à supprimer, sur les contributions directes, la subvention avant le 1er octobre prochain, attendu que bon nombre de contribuables ont déjà payé leur cotisation jusqu’à cette époque, et que les restitutions d’un douzième de la subvention, restitutions si minimes pour le contribuable, seraient à l’exécution tellement pénibles à l’administration, en même temps qu’onéreuses au trésor, que nous avons cru devoir maintenir cette imposition jusqu’à la fin du trimestre actuel. Dans ce cas il y aura même encore à rembourser, mais en moindre nombre, des paiements faits par anticipation pour l’année entière, et c’est afin d’éviter aux contribuables qui sont dans ce cas, de longues et fastidieuses formalités, et à la cour des comptes, comme à l’administration, de nombreuses écritures, que nous avons proposé dans la loi d’opérer ces remboursements par déduction des recettes.
L’article 2 du projet consacre explicitement le principe déjà renfermé implicitement dans l’article premier, du maintien de la perception des dix centimes sur les droits ouverts durant la période pendant laquelle la subvention aura existé. Il y aurait, messieurs, inégalité dans le paiement des charges, et privilège en faveur de ceux qui jouissent déjà de crédits, ou de délais accordés par des dispositions favorables des lois, ou enfin qui n’auraient pas acquitté l’impôt par une cause quelconque, s’ils étaient affranchis du paiement de la subvention par cela seul qu’elle se trouve supprimée à partir d’une époque déterminée.
D’ailleurs, messieurs, le même principe a présidé à la perception des droits ouverts et acquis au trésor avant le 1er janvier dernier, mais seulement soldés depuis. Ils n’ont point été assujettis à la subvention, parce qu’au moment où le contribuable s’est trouvé engagé envers le trésor, la loi n’avait pas d’empire, et que c’eût été lui donner en quelque sorte un effet rétroactif que de la faire peser sur des opérations commerciales et des transactions faites ou consenties sous une législation moins onéreuse.
Par une équitable réciprocité, et surtout pour ne point établir de différence entre celui qui a payé comptant et celui qui doit au trésor le montant de droits ayant pris naissance à une même époque et sous une même législation, il est rationnel et juste de les maintenir passibles des mêmes rétributions accessoires.
Le nouveau droit d’accise sur les eaux-de-vie indigènes a été l’objet de maintes critiques immédiatement après la mise à exécution de la loi du 18 juillet 1833, dont les effets ont fait perdre au trésor des sommes notables, sans profit bien constaté pour l’agriculture.
L’expérience semble avoir démontré maintenant que le résultat principal obtenu par l’exiguïté du droit est le bas prix des liqueurs fortes, si dangereux pour la morale publique. Elle a prouvé aussi par l’application de la subvention de guerre, qu’une augmentation modérée du taux de l’impôt ne détruisait en rien l’économie des dispositions de la loi, et qu’il est praticable, sinon de le majorer encore, du moins de conserver la surtaxe de 10 p. c , qui le grève actuellement, sans nuire aux produits et sans exciter davantage à la fraude, ou du moins sans détruire l’équilibre des moyens de répression. Cette conviction qui sera, j’en suis assuré à l’avance, partagée par la majorité dans les chambres, a déterminé le gouvernement à conserver sur cet impôt une perception additionnelle de 10 c par franc au profit du trésor.
Messieurs, bien des commentaires ont eu lieu en dehors de cette enceinte, à l’occasion de la subvention des dix centimes.
On lui a attribué une influence fâcheuse sur les intérêts commerciaux et par suite sur les revenus de l’Etat ; on a exagéré les effets qui doivent ressortir de tout impôt temporaire auquel chacun cherche à échapper. Ces effets, messieurs, nous les connaissions tous ; nous ne différions que sur leur étendue, sur leur portée. Je me trouve heureux de ne m’être point abusé à cet égard ; car si, comme l’avaient dit quelques orateurs de cette chambre, opposés non à la subvention en elle-même, mais au mode de son application, on s’est hâté de soustraire, par leur mise immédiate en consommation, des marchandises qui auraient sans cela été assujetties aux dix centimes ; si dans les mêmes intentions on s’est approvisionné de timbres, ou si on a soumis plus tôt quelques actes à la formalité de l’enregistrement, du moins ces opérations anticipées n’ont point dépassé les bornes que je leur assignais dans ma pensée, et un million d’impôts qui probablement ne seraient rentrés que dans les premiers mois de 1835, ont été acquittés en décembre 1834.
Il est également probable que la fin de ce mois sera peu productive d’impôts indirects, par suite de l’intérêt qu’aura le contribuable à les soustraire à la surtaxe des 10 p. c. ; mais, je le répète, ce sont là des résultats qui accompagnent toute contribution temporaire, et plus sa durée est courte, plus ces résultats sont sensibles.
Ne croyez pas cependant, messieurs, qu’il y aura déficit dans les revenus généraux du trésor. Les évaluations me paraissent devoir être atteintes ; mais ce ne peut être qu’après la fin de l’année qu’il sera possible d’en avoir l’assurance, parce que ce n’est que par son ensemble et non par ses subdivisions qu’on peut établir un jugement fondé à cet égard.
Messieurs, avant de terminer, je ne dois pas omettre de vous faire connaître qu’un autre engagement pris par le gouvernement à l’occasion de la même subvention, a été religieusement rempli par lui : c’est celui de conserver intacts et en réserve les fonds qui en proviennent et dont l’application est déférée à votre sagesse. Déjà vous avez disposé sur ces fonds d’une somme de un million 560,000 fr. en faveur du département de la guerre par la loi du 15 avril dernier.
Ce qui a été perçu au-delà de cette somme, et tout ce qui se percevra encore, formera un capital de réserve qui ne recevra d’autre destination que celle que la législature lui assignera.
Je vais avoir l’honneur, messieurs, de vous donner lecture du projet de loi. (Note du webmaster : suit, dans le Moniteur, le texte de ce projet, qui n’est pas repris dans la présente version numérisée).
(Moniteur belge n°229, des 16-17 août 1835) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, l’établissement de la contribution foncière fut décidé en 1790 par l’assemblée constituante, en remplacement de la dîme et autres taxes qui auparavant en tenaient lieu.
La répartition égale de ce nouvel impôt offrait de grandes difficultés qu’il fallait indispensablement chercher à vaincre: l’assemblée constituante s’occupa des moyens propres à les surmonter. Plusieurs projets ayant été présentés et discutés, on adopta celui qui parut le plus simple et qui assujettissait les propriétaires a faire une déclaration de la nature et de la contenance de leurs propriétés; mais les réclamations nombreuses qui s’élevèrent de toutes parts au sujet de l’inégalité résultant de cette première base de répartition, démontrèrent bientôt l’insuffisance de ce moyen.
Ce fut alors que la législature décréta la confection d’un cadastre général, travail dont les circonstances politiques ne permirent pas de s’occuper de suite et qui ne put être entrepris que plusieurs années après.
Durant cet intervalle, diverses mesures furent ordonnées dans le but de parvenir à améliorer autant que possible la répartition de la contribution foncière, tant entre les départements qu’entre les communes et les propriétaires ; répartition dont l’inégalité continuait à exciter des réclamations générales en même temps qu’elle exerçait la plus fâcheuse influence sur la marche des recouvrements.
Après bien des essais dont on n’obtint que des résultats incomplets et peu satisfaisants, l’expérience fit unanimement considérer la rectification de l’idée de l’assemblée constituante comme le seul moyen d’atteindre le but désiré. Un projet de règlement pour l’exécution du cadastre parcellaire fut dès lors soumis à l’empereur, qui en approuva les bases par décision du 27 janvier 1808, et c’est de cette époque que datent les premières opérations de cette grande entreprise, tant en France qu’en Belgique.
D’après la marche adoptée pour ce nouveau travail, le directeur des contributions directes désignait chaque année les contrôleurs chargés de concourir avec les experts aux travaux d’expertise des communes à cadastrer.
Le contrôleur et l’expert réunis sur les lieux, et munis des pièces diverses qui leur avaient été remises à cet effet par les besoins du directeur, s’occupaient ensuite des détails de l’expertise. Mais plusieurs inconvénients s’opposaient à ce que cette opération pût acquérir le degré de perfection et d’uniformité que réclamait le but important auquel elle était destinée.
Premièrement, le contrôleur n’était chargé qu’accessoirement des opérations cadastrales ; il ne pouvait s’y livrer que par intervalles, à mesure que le permettaient ses autres occupations : de là résultait naturellement la précipitation et le défaut de soins. En second lieu, les agents chargés de l’expertise des diverses communes composant un canton, travaillant isolément et sans se concerter entre eux pour établir l’harmonie convenable dans leurs opérations respectives, il en résultait ordinairement les disproportions les plus choquantes, tant sous le rapport de la classification et du classement des propriétés, que sous celui des évaluations.
Enfin la ventilation des baux, objet si important pour bien constater la valeur locative moyenne, et servir à corroborer les évaluations établies d’après le calcul des produits, était abandonnée au caprice du contrôleur et de l’expert. Ces agents consultaient isolément les baux de chaque commune ; ils avaient la faculté de n’admettre que ceux de ces actes qui leur paraissaient propres à servir d’appui à leur travail. De sorte qu’un bail quelconque admis dans une commune comme élément régulier, aurait pu être rejeté dans la commune voisine, si telle eût été la volonté des agents chargés de l’expertise.
Un tel mode d’opérer laissant trop de latitude à l’arbitraire, on ne pouvait en attendre que des résultats vicieux.
Il est vrai que l’inspecteur des contributions directes était chargé par le directeur d’examiner les expertises de chaque canton terminé et devait porter principalement son investigation sur la proportion des communes entre elles ; mais l’inspecteur n’ayant pu acquérir dans le cours de ses tournées qu’une connaissance insuffisante des lieux, il lui était impossible d’établir des comparaisons assez exactes entre des travaux de l’espèce, pour en faire une juste appréciation : il eût fallu pour rendre efficace sa vérification, que ce fonctionnaire possédât une connaissance bien approfondie de chaque localité, étude à laquelle ses autres attributions ne lui laissaient pas le temps de se livrer.
Le directeur des contributions était ensuite appelé lui-même à faire un examen ultérieur des expertises. Ce qui vient d’être dit à l’égard de l’impossibilité ou se trouvait l’inspecteur de bien apprécier les détails de ce travail est d’autant plus applicable au directeur que les attributions de ce dernier étant plus étendues encore, elles lui laissaient moins de loisir pour s’occuper du cadastre.
Une telle marche devait inévitablement avoir pour résultat un désaccord entre les opérations des diverses communes composant un canton ; aussi, la plupart des assemblées cantonales qui ont eu lieu avant 1826 ont-elles amené à ce sujet des discussions plus ou moins orageuses.
Le besoin de remédier aux inconvénients dont il vient d’être parlé se faisant de plus en plus sentir, on reconnut enfin la nécessité de créer un personnel spécial pour les opérations du cadastre : dès 1823 un inspecteur et des contrôleurs furent désignés dans chaque province pour s’occuper exclusivement de cette branche d’administration. Mais rien n’étant changé du reste dans le mode jusqu’alors suivi pour les expertises, plusieurs des défauts marquants signalés ci-dessus continuèrent à les rendre vicieuses, jusqu’au moment où des améliorations notables dont il sera fait mention plus loin, furent introduites dans les règlements sur la matière.
Lors de la séparation de la Belgique d’avec la France, en 1814, les expertises de quelque cantons, terminées dans chaque province d’après la manière d’opérer qui vient d’être indiquée, avaient néanmoins déjà produit pour ces cantons un bienfait sensible en établissant dans une proportion moins inégale la répartition de l’impôt foncier entre les propriétaires et les commune de ces cantons ; mais, outre que le défait d’égalité de répartition continuait à subsister partout ailleurs, tant entre les propriétaires qu’entre les communes et cantons, il offrait des disproportions frappantes entre les divers provinces du royaume.
Les événements de 1814 avaient fait suspendre momentanément les opérations cadastrales : on s’occupa d’en reprendre le cours vers la fin de la même année.
Les moyens d’exécution employés alors pour la confection du cadastre ne permettant d’entrevoir que de bien loin encore l’époque de son achèvement, une commission d’Etat fut nommée en 1816 pour aviser entre-temps à remédier aux disproportions les plus choquantes que présentait la répartition de l’impôt foncier. Après dix-huit mois de recherches laborieuses et de combinaisons approfondies, la commission susdite proposa au Roi l’achèvement du cadastre comme l’unique moyen qu’il fût possible d’employer pour mettre un terme aux vices de la répartition.
Cependant des plaintes sur ces inégalités se reproduisant chaque session dans le sein de états-généraux, le gouvernement résolut de les faire cesser : il prit en 1826 les mesures nécessaires pour le prompt achèvement des opérations cadastrales sur tous les points du royaume. Des fonds extraordinaires furent accordés à cet effet.
Pour détruire les disproportions dont il s’agit, il ne suffisait pas toutefois de terminer les travaux commencés : il était encore indispensable d’établir entre les expertises déjà faites et celles restant à faire, l’harmonie la plus complète. De là résultait la nécessité de puiser les base du revenu net des propriétés dans une nouvelle série d’années, uniformément applicable à tout le royaume, dont peu auparavant les diverses provinces se trouvaient respectivement sous l’influence d’une situation politique différente.
D’un autre côté, la période de 1797 à 1809, prise pour base des opérations antérieure, se trouvait pour lors déjà si éloignée de nous, qu’il devenait fort difficile, et même presque impossible, de recueillir des renseignements certains sur les prix communs de fermages de l’époque. La plupart des parcelles de terrain comprise dans les baux et actes de ventes de produits avaient changé de nature ou de contenance superficielle; beaucoup de ces biens avaient, depuis l’époque de leur mise en location, passé successivement à différents propriétaires; souvent même les parties contractantes mentionnées dans les actes n’existaient plus, ou, ayant quitté la commune, personne ne pouvait donner l’indication positive des propriétés affermées.
Une autre circonstance qui rendit indispensable l’adoption d’une nouvelle période, est que, comme il n’avait pas existé d’enregistrement dans les provinces septentrionales pendant les années 1797 à 1809, les baux à ferme ou à loyer passés dans ces provinces pendant ces douze années, n’eussent présenté aucune date certaine, et qu’il eût été impossible d’en vérifier l’exactitude avant d’en faire l’usage prescrit par les instructions.
Il fallait donc de toute nécessité, pour l’uniformité des opérations, ainsi que pour leur exactitude, recourir à une nouvelle période qui, outre l’avantage de représenter un laps de temps durant lequel les relations des diverses parties du royaume avaient peu différé, offrît encore celui de représenter une époque beaucoup moins éloignée de nous que l’ancienne, et fut conséquemment mieux approprié à des évaluations qui doivent servir de base à la répartition d’une contribution imposable pour le présent et pour l’avenir.
La série d’années de 1812 à 1826, réunissant ces deux conditions essentielles, fut dès lors désignée pour remplacer l’ancienne période de 1797 à 1809.
Les expertises opérées avant 1826 durent en conséquence être révisées successivement pour ramener les cantons déjà cadastrés à l’égalité proportionnelle avec ceux dont les expertises s’opéraient en même temps d’après les nouvelles bases adoptées. Rien n’a été négligé pour donner à ce travail le plus haut degré de perfection possible, en établissant entre toutes ses parties une harmonie et une liaison que les anciennes opérations laissaient à désirer ; ce résultat, que l’on est enfin parvenu à réaliser, n’a pu s’obtenir que par l’adoption de quelques nouvelles mesures indiquées ci-après, et dont une longue expérience avait fait reconnaître l’urgente nécessité.
Parmi les améliorations résultant des changements adoptés dans le nouveau système établi en 1826, une des plus importantes fut celle de ne plus laisser opérer par le seul contrôleur et le seul expert, spécialement désignés pour l’expertise d’un ou de plusieurs communes d’un même canton, la classification des propriétés de ces communes ; mais de faire faire cette classification dans les différentes communes composant le même canton, par tous les contrôleurs et experts désignés pour les expertises de ce canton. Ces agents ont donc eu à parcourir ensemble toutes les communes, pour y poser de commun accord les bases de la classification des diverses propriétés foncières, et y choisir de même les types des différentes classes de chaque nature de propriété, destinés à servir de point de comparaison et de rattachement au contrôleur et à l’expert chargés d’effectuer ensuite le classement parcellaire dans les communes qui leur étaient assignées.
De cette nouvelle manière de procéder à la classification des propriétés, il est résulté, d’une part, plus d’ensemble et d’uniformité dans cette opération qui sert de base au classement parcellaire, et, d’autre part, plus d’exactitude dans les taux proportionnels des évaluations de toutes les classes des différentes natures de propriétés dans les diverses localités du canton.
L’opération du classement parcellaire terminée, les contrôleurs et experts, ayant effectué ce classement dans des communes contiguës, ont parcouru ensemble les périmètres limitrophes de ces communes, afin de s’assurer qu’il existait entre elles la liaison nécessaire sur toutes les parties de leur territoire et que, conséquemment, le travail du canton présentait dans son ensemble toute l’exactitude désirable.
De semblables vérifications périmétriques ont été faites de canton à canton dans l’intérieur de la province, par l’inspecteur provincial ou un contrôleur principal, assisté des contrôleurs et experts, qui avaient opéré le classement dans les communes limitrophes entre elles de canton à canton.
Pour avoir la certitude que l’accord nécessaire ne régnerait pas seulement dans les communes et cantons d’une même province, mais aussi de province à province, les inspecteurs, contrôleurs et experts des provinces voisines, se sont réunis et ont parcouru ensemble les communes et périmètres des cantons limitrophes entre eux, pour fixer, de concert, les taux proportionnels des évaluations et s’assurer si la classification et le classement des propriétés étaient exactement établis de part et d’autre ; par conséquent, l’harmonie nécessaire existait dans l’ensemble de ces opérations.
Les procès-verbaux détaillés des vérifications faites sur les lieux constatent que l’exécution de ces mesures, surveillée par les inspecteurs principaux du cadastre, a eu lieu partout avec les soins que réclamait leur importance, et que tout l’accord désirable existe entre les expertises des cantons et commune limitrophes de province à province.
Une autre amélioration non moins importante fut celle d’appliquer par canton, au lieu de le faire par commune comme cela avait eu lieu, jusqu’alors, les résultats de la ventilation des baux. Par ce moyen, on a évité l’inconvénient des locations faibles ou exagérées, passées dans certaines localités sous l’influence de circonstances étrangères à la valeur du sol. On doit en effet reconnaître que la réunion des baux de toutes les communes d’un canton, représente d’une manière bien plus certaine la valeur locative moyenne, puisque les diverses influences y sont reproduites et compensées les unes par les autres.
Le travail relatif à la ventilation générale des baux étant terminé, et les résultats de cette ventilation connus, l’inspecteur, les contrôleurs et les experts se sont réunis pour en faire l’examen et la comparaison avec les produits des estimations fixées antérieurement par eux. Dans cet examen, ils ont pris égard aux diverses influences résultant de chaque espèce de baux compris dans la ventilation, et lorsqu’ils ont trouvé que le prix total des baux, toutes déductions faites, était trop élevé ou trop faible pour représenter convenablement la valeur locative moyenne, ils ont déduit les motifs de cette opinion dans une pièce cantonale de l’expertise ; et, par suite, ils ont réduit ou majoré les évaluations dans la proportion qui leur a paru équitable.
Après l’admission provisoire des expertises d’un canton, le dossier contenant les pièces de ces expertises a été transmis à l’administration centrale, qui après une première vérification de ces pièces, les a soumises à l’examen d’un conseil de révision composé des agents principaux qui avaient coopéré à l’exécution et à la surveillance des travaux. Dans ce conseil tous les résultats des expertises ont été de nouveau comparés, et avec d’autant plus de connaissance de cause, que toutes les parties territoriales que ces résultats concernent, sont connues des fonctionnaires qui ont été appelés à les apprécier.
C’est en procédant de cette manière que l’on est parvenu à donner aux travaux d’expertise toute l’uniformité et la régularité possibles. Que l’on compare ce mode d’opérer avec celui précédemment suivi, et l’on reconnaîtra aisément toute l’importance des améliorations introduites par le nouveau système adopté en 1826, pour les opérations cadastrales.
Pour s’en convaincre davantage encore, il suffit de comparer les résultats des assemblées cantonales tenues avant 1826, avec ceux de ces assemblées qui ont eu lieu depuis lors. On voit que, dans les premières, la difficulté de se mettre d’accord sur des proportions de commune à commune, inexactement établies, a constamment excité des discussions interminables et parfois très orageuses. Dans les dernières, au contraire, à très peu d’exceptions près, les délibérations ont été généralement calmes ; un grand nombre de ces assemblées ont été terminées en un seul jour ; la plupart n’ont fait que fort peu de propositions de changements aux proportions établies entre les évaluations; plusieurs même, après la plus sévère investigation, n’ont pas jugé devoir proposer la moindre modification à ces proportions.
Les travaux du cadastre entièrement terminés en 1833, dans les provinces de Liége et de Namur, ont procuré à ces provinces l’avantage de pouvoir déjà pour 1834 faire cesser les inégalités de la répartition de leur contingent respectif entre les propriétaires, en permettant d’imposer chaque propriété dans une égale proportion de son revenu.
Les mêmes travaux terminés en 1834 dans les provinces d’Anvers, de Brabant, de la Flandre occidentale et de Hainaut, ont mis à même d’établir pour ces provinces une nouvelle répartition de leur contingent respectif pour 1835, qui a également eu pour résultat que chaque propriété est aujourd’hui imposée dans une égale proportion de son revenu.
Dans la Flandre orientale, où les travaux n’étaient pas achevés à l’époque de la répartition du contingent de 1833 entre les communes de la province, on a dû se borner à établir cette répartition d’après la loi du 15 septembre 1807, c’est-à-dire entre les communes de chaque canton séparément. Il en est résulté que les inégalités entre les communes et les propriétaires d’un même canton ont cessé d’exister, mais que celles entre les cantons subsistent encore. Ces dernières disparaîtront à partir de 1836.
Les provinces de Limbourg et de Luxembourg sont les seules dans lesquelles les opérations n’ont pu être continuées depuis la révolution, parce que les pièces cadastrales sont retenues dans les forteresses de Maestricht et de Luxembourg. Des négociations tendantes à obtenir la remise de ces pièces ont été entamées ; il serait à désirer que leur issue favorable permît bientôt d’entreprendre dans les deux susdites provinces, l’achèvement des pièces cadastrales, pour les mettre de niveau sous ce rapport avec les autres localités du royaume.
En attendant le moment où les deux provinces de Limbourg et de Luxembourg puissent aussi jouir des bienfaits du cadastre, rien ne s’oppose à ce que, prenant pour base les résultats de ce travail dans chacune des sept provinces cadastrées, une nouvelle péréquation du contingent respectif de la contribution foncière de ces sept provinces, soit établie entre elles de manière à mettre le plus tôt possible un terme aux réclamations fondées contre l’inégalité de répartition qui existe depuis un grand nombre d’années.
Pour rendre moins sensible la transition de la répartition actuelle a cette nouvelle péréquation, on a pensé devoir proposer de ne l’établir que partiellement et progressivement dans l’espace de trois ans, à partir de 1836 ; c’est-à-dire que les augmentations ou les diminutions de contingent qui doivent en résulter seraient effectuées pour un tiers en 1836, pour deux tiers en 1837 et en totalité pour 1838. L’adoption de ce moyen qui tend à concilier autant que possible l’exécution d’une mesure d’équité avec des intérêts de localité si opposés, fournirait au propriétaires dans les provinces surchargées l’assurance que la surtaxe qui pèse sur ces provinces diminuerait progressivement d’une année à l’autre, et la satisfaction qu’il aurait enfin été fait une entière justice à leurs réclamations dans un temps peu éloigné.
Cependant si la législature reconnaissait qu’il fût plus équitable et plus conforme à l’esprit de la constitution de faire cesser totalement dès 1836 les inégalités qui existent dans la répartition actuelle, le gouvernement ne verrait pas grande difficulté de se rallier à l’intention qu’elle manifesterait à cet effet.
Une circonstance qui avait puissamment contribué à rendre vicieuse l’ancienne répartition, c’est que, assez généralement, les bases en avaient été puisées dans les déclarations faites de l’étendue des terrains, par les autorités communales plus ou moins intéressées à s’écarter de la vérité ; il en est résulté que dans certaines communes on a fait connaître très approximativement les contenances réelle, tandis que dans d’autres, on n’en a déclaré que les trois quarts, les deux tiers, ou quelquefois même moins de la moitié.
C’est de cette manière qu’un grand nombre de propriétaires ont échappé jusqu’en 1835 à l’impôt foncier dans chaque province.
Des éléments aussi erronés ont été abandonnés pour faire place à ceux qu’a fournis l’achèvement du cadastre. La nouvelle répartition sur ces dernières bases étant obligatoire, d’après l’article 14 de la loi du 20 mars 1815, entre les cantons, communes et propriétaires de chacune des sept provinces cadastrées, elle y a été opérée, sauf pour la Flandre orientale où la répartition n’a pu être faite qu’entre les communes de chaque canton conformément à l’article 33 de la loi du 15 septembre 1807, ainsi qu’il a été dit plus haut. L’on ne pourrait se refuser à étendre le plus tôt possible ce nivellement aux mêmes provinces entre elles sans s’écarter du principe de justice sur lequel sont fondées les dispositions de l’article précité de la loi du 20 mars 1813.
Le revenu net imposable de toutes les propriétés, tant bâties que non bâties, des sept province cadastrées étant définitivement fixé à 142,650,421 fr. 52 c., et le contingent total de la contribution foncière en principal des mêmes provinces pour 1833 étant de 14,079,522 fr., la proportion du contingent au revenu est de 0,09,8713332 pour franc.
L’application de cette proportion au revenu net de chaque propriété, présente pour les sept provinces, le contingent respectif indiqué par le tableau ci-après :
A. Ancien contingent (indiqué ici pour renseignement) :
Anvers, 1,464,790 fr.
Brabant, 2,421,520 fr.
Flandre occidentale, 2,862,387 fr.
Flandre orientale, 3,405,369 fr.
Hainaut, 1,961,896 fr.
Liége, 1,159,515 fr.
Namur, 804,045 fr.
Total : 14,079,522 fr.
Limbourg, 992,127 fr.
Luxembourg, 807,678 fr.
Total général : 15,879,327 fr.
B. Nouveau contingent
Anvers : revenu net imposable : 13,345,286 fr. 94 c. ; contingent en principal de la contribution foncière : 1,317,357 fr.
Brabant : revenu net imposable : 28,083,633 fr. 26 c. ; contingent en principal de la contribution foncière : 2,772,229 fr.
Flandre occidentale : revenu net imposable : 23,749,702 fr. 64 c. ; contingent en principal de la contribution foncière : 2,344,412 fr.
Flandre orientale : revenu net imposable : 26,100,501 fr. 61 c. ; contingent en principal de la contribution foncière : 2,576,467 fr.
Hainaut : revenu net imposable : 26,508,017 fr. 49 c.; contingent en principal de la contribution foncière : 2,616,694 fr.
Liége : revenu net imposable : 15,071,500 fr. 14 c.; contingent en principal de la contribution foncière : 1,487,758 fr.
Namur : revenu net imposable : 9,771,782 fr. 44 c.; contingent en principal de la contribution foncière : 964,605 fr.
Total : revenu net imposable : 142,630,421 fr. 52 c. c.; contingent en principal de la contribution foncière : 14,079,522 fr.
Il résulte de cette nouvelle répartition de la contribution foncière entre les provinces susnommées, que celles d’Anvers et des deux Flandres obtiendront une diminution sur leur contingent actuel, tandis que celui des provinces de Brabant, Hainaut, Liège et Namur, aura une augmentation à supporter.
Cette augmentation sera moins sensible qu’on pourrait d’abord se l’imaginer, parce qu’elle résulte en partie d’un accroissement assez considérable de revenu imposable provenant de ce que les matrices cadastrales de chacune des quatre dernières provinces précitées comprennent aujourd’hui une infinité de parcelles de biens qui avaient été jusqu’à présent soustraites à l’impôt; en outre parce que des propriétés aliénées par le domaine depuis que les contingents n’ont plus varié, sont devenues passibles de la contribution ; et enfin parce que de nouvelles propriétés bâties construites depuis un certain nombre d’années ont ajouté au revenu imposable. C’est ainsi que pour ce qui concerne spécialement le Brabant, l’augmentation que le contingent de cette province doit recevoir, n’aura presqu’aucune influence, puisqu’elle résulte principalement d’une augmentation à peu près équivalente dans le revenu imposable que les nouvelles propriétés bâties construites tant à Bruxelles que dans les communes environnantes et autres localités, ont majoré assez notablement, et dans les revenus provenant des deux circonstances prémentionnées.
Il ne s’ensuit pas d’ailleurs de l’augmentation de contingent dans chacune des quatre provinces de Brabant, Hainaut, Liège et Namur, que chaque propriété, commune ou canton doivent subir une augmentation proportionnelle dans leur quote-part de l’impôt foncier suivant l’ancienne répartition ; on verra, au contraire, par le tableau suivant, que même dans lesdites provinces, des cantons et communes se trouveront imposés dans une proportion moins forte que celle dans laquelle il l’étaient précédemment.
(Note du webmaster : la suite de cet exposé des motifs n’a pas été reprise dans cette version numérisée. Elle porte sur la mise en œuvre détaillée, par cantons, de la péréquation cadastrale.)
(Moniteur belge n°218, du 5 août 1835) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le projet de loi sur l’organisation communale, qui vous fut présente dans votre session de 1833, reposait sur deux principes corrélatifs, la communauté d’attributions des échevins et du bourgmestre, l’émanation de leur mandat d’une même source.
Nous n’avons pas besoin de vous retracer les discussions auxquelles ce projet a a donné lieu. Il nous suffit de rappeler que la chambre, après l’avoir adopté lors de son premier vote, a voulu ensuite y introduire un principe nouveau en ce qui concerne la nomination des échevins qui, s’il eût été définitivement adopté, eût demandé un changement fondamental dans leurs attributions.
Au milieu des opinions divergentes qui ont été énoncées dans ces importantes discussions, l’on a été généralement d’accord que le gouvernement doit être représenté dans chaque commune. L’on n’a différé que sur le mode d’assurer les intérêts généraux, en même temps que les intérêts particuliers des communes.
Le temps qui s’est écoulé depuis votre dernière session, nous a permis de méditer de nouveau l’organisation communale dans son ensemble et dans ses détails, et nous nous sommes convaincus que le système admis dans le projet de loi sur l’organisation provinciale pouvait être également adopté pour les communes, sauf quelques modifications.
Dans ce système, le bourgmestre est nommé par le Roi ; il ne peut être en même temps membre du conseil, mais il en est de droit président avec voix consultative. Il est chargé seul, et à l’exclusion des échevins de l’exécution des lois, des règlements d’administration générale et de tout ce qui concerne la police et la sûreté publique.
Il peut déléguer aux échevins une partie de ces attributions, et spécialement ce qui concerne l’état-civil.
Les échevins forment un collège dont le bourgmestre est de droit membre et président. Ce collège est chargé de la gestion des intérêts de la commune et de tout ce qui concerne les établissements communaux.
Les échevins sont élus directement de même que les conseillers municipaux.
En séparant les attributions communales des attributions générales, il a été permis de laisser tant au gouvernement qu’à la commune le libre choix de leurs représentants, et de faire cesser les difficultés auxquelles donnait lieu la nomination d’un collège de magistrats chargés de représenter simultanément l’intérêt général et l’intérêt communal.
Le gouvernement n’a qu’un seul intérêt, mais aussi il ne peut s’en départir sans blesser les intérêts généraux, sans s’écarter de l’esprit même de la constitution : c’est que les fonctionnaires qui le représentent, soit individuellement, soit collectivement, tiennent leur nomination de lui.
S il a primitivement réclamé la nomination des échevins, en restreignant cependant son choix parmi les conseillers municipaux, c’est qu’il consentait à leur intervention dans l’exécution des mesures d’intérêt général, conjointement avec le bourgmestre, c’est qu’il ne voulait point innover en proposant la suppression du collège administratif dont le maintien paraissait désiré.
Le système nouveau que nous proposons a pour lui l’avantage de concilier les deux opinions opposées, en laissant subsister le collège pour les affaires d’intérêt local, et en accordant au bourgmestre l’unité d’action dans les affaires d’intérêt général. Il a encore l’avantage de n’être en opposition avec aucun vote émis par l’une ou l’autre chambre.
Les modifications dont nous venons, messieurs, d’avoir l’honneur de vous entretenir, exigent le retrait du projet primitif. Cette mesure a d’autant moins d’inconvénients que plusieurs d’entre vous n’ont point assisté aux discussions précédentes.
Le projet primitif contenait toutes les dispositions relatives à l’organisation du personnel et aux attributions : l’expérience ayant prouvé que la discussion d’un projet aussi étendu présente des difficultés graves, nous avons cru devoir diviser l’organisation communale en deux projets de loi : l’un sur l’organisation du corps municipal, l’autre sur ses attributions.
En examinant ces projets, vous remarquerez, messieurs, que nous nous sommes attachés à conserver, sauf quelques exceptions peu importantes, les dispositions déjà votées par la chambre qui ne sont point en opposition avec le système dont nous vous avons exposé les bases. Nous avons donc lieu d’espérer que l’examen de ces projets n’exigera que peu de temps, et que nos communes seront bientôt dotées d’une organisation définitive, qui, en leur assurant une large part de liberté, assurera également les principes d’unité et la hiérarchie des pouvoirs, sans lesquels il n’y a pour les Etats, ni paix intérieure, ni prospérité, ni stabilité.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, nous avons souvent exprimé le désir de voir adopter pendant la présente année une loi sur le haut enseignement.
Ce désir était fondé sur l’urgence de réorganiser les universités aux frais de l’Etat, dont la conservation est proposée, et d’assurer par l’établissement des jurys d’examen toutes les garanties pour l’obtention des grades, qui sont réclamées dans l’intérêt de l’enseignement libre.
Nous avons fait remarquer encore que cette loi était réclamée dans l’intérêt des élèves et des professeurs, comme dans celui de nos principales villes, qui désirent un terme à l’état d’incertitude sur le siège des diverses universités.
La chambre, dans sa dernière session, avait également reconnu la nécessité de ne pas reculer davantage la discussion d’une loi aussi importante, et l’avait fixée après celle de la loi communale.
Le retrait de cette dernière loi vous permettra, messieurs, d’aborder immédiatement la discussion de celle sur l’enseignement.
Désirant faciliter cette discussion et éviter toute perte d’un temps précieux, nous avons cru devoir dès maintenant vous faire connaître quels sont les amendements proposés par la section centrale, auxquels nous nous rallions, et vous présenter les amendements dont un nouvel examen a fait reconnaître l’utilité.
Nous avons fait imprimer en regard du texte primitif et de celui de la section centrale, le projet tel qu’il résulterait des amendements auxquels nous consentons et de ceux que nous proposons ; néanmoins ce projet, de même que celui de la section centrale, ne doivent être envisagés que comme des amendements au projet primitif, qui demeure en discussion.
Toutes les dispositions concernant l’enseignement supérieur et les jurys d’examen étaient comprises dans le titre III du projet sur l’instruction publique ; ce titre était divisé en onze chapitres.
La résolution adoptée de faire de ce titre une loi spéciale, nous a conduits à vous proposer de subdiviser cette loi en quatre titres.
Le premier traite exclusivement des universités aux frais de l’Etat.
Le titre II a pour objet les encouragements généraux à accorder aux élèves.
Le titre III concerne les grades, les jurys d’examen et les droits attachés aux grades.
Le titre IV renferme les dispositions transitoires.
Après ces considérations sur l’ensemble de la loi, il nous reste à en présenter quelques-unes de détail, dans l’ordre du chaque titre, pour motiver les changements que nous proposons (note du webmaster : suit ce développement, non repris dans la présente version numérisée).
Persuadés que les chambres recevront avec intérêt la statistique des trois universités actuelles, depuis leur création, en 1817, jusqu’à la présente année, nous l’avons fait imprimer à la suite de ce rapport.
Il nous restera, messieurs, à vous demander, lorsque la chambre sera constituée, de donner la priorité à ce projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la loi du 1er mai 1834, sur le système des chemins de fer, dispose qu’il sera rendu un compte détaillé aux chambres des opérations relatives à cette entreprise.
Nous sommes heureux de pouvoir vous présenter le compte d’une manière satisfaisante les succès obtenus dans les commencements de cette entreprise sont un sûr garant des heureux résultats que le pays peut se promettre de son entier achèvement.
La section de Bruxelles à Malines a été commencée la première, elle avait donc à subir les chances défavorables qui s’attachent ordinairement aux premiers travaux d’une entreprise nouvelle ; cependant la réussite a été complète, les dépenses n’ont excédé que faiblement les prévisions des ingénieurs-directeurs, et encore cet excédant de dépense résulte-t-il d’améliorations apportées au plan, soit à raison d’une plus grande largeur de la route, soit à raison d’une plus grande solidité des rails.
Le désir d’avancer les travaux et de faire jouir le public d’une première section, n’ont pas permis d’apporter dans ces travaux une économie minutieuse.
L’on peut, en effet, se féliciter d’avoir vu achever en une année les travaux d’une section de quatre lieues dont le tracé n’était pas seulement arrêté à l’époque de la promulgation de la loi.
La dépense totale de cette section s’élève à 1,224,100 fr.
L’on peut également se féliciter qu’alors que dans un autre pays, et aux portes de l’une des plus grandes capitales de l’Europe, l’on accorde à une société concessionnaire de fortes sommes, la section de Bruxelles à Malines procure au gouvernement, qui l’a entrepris, des bénéfices considérables, tout en fixant cependant les prix des voyages au taux le plus bas, la recette s’élève à 106,802 fr., payés par 163,482 voyageurs qui ont parcouru le chemin depuis le 7 mai dernier jusqu’au 31 juillet.
L’entreprise n’a pas seulement réussi sous les rapports de la dépense et de la durée d’exécution, elle remplit encore toutes les conditions d’une bonne exécution, et l’on peut s’attendre avec confiance que les dépenses d’entretien seront aussi peu élevées qu’elles peuvent l’être pour des chemins de cette nature ; les dépenses qui ont eu lieu dans les premiers temps ne peuvent aller qu’en décroissant ; la bonté des rails ne semble rien laisser à désirer.
L’exploitation n’a pas été moins satisfaisante, nous n’avons à déplorer aucun des accidents graves qui auraient pu être redoutés dans les premiers temps du service.
L’enthousiasme qu’avait excité l’ouverture solennelle de cette section a amené successivement un concours immense de voyageurs, alors qu’il n’avait pas été possible d’établir à l’avance tout ce qui était nécessaire pour un service aussi considérable ; cependant les embarras inséparables d’un service nouveau aussi étendu ont successivement disparu.
La comptabilité de la recette est tenue avec toute la régularité désirable, et les versements s’opèrent journalièrement dans les caisses de l’Etat.
Les prix des voyages ont été fixés à un taux qui n’a excité aucune réclamation ; ils sont à la portée du peuple qui profite de ce grand bienfait à l’égal de ceux qui sont favorisés de la fortune. Aussi peut-on dire sans exagération que ce chemin est populaire.
Des tableaux détaillés des divers genres de dépenses, du mouvement des voyageurs et de la recette, comprennent tous les renseignements qu’il serait superflu de rappeler ici ; ces documents seront déposés sur le bureau de la chambre.
Jusqu’ici on a cru devoir s’abstenir d’organiser un service de transport des marchandises ; ce transport serait trop peu considérable entre Bruxelles et Malines pour compenser les dépenses auxquelles il donnerait lieu, et la complication qu’il eût amenée dans les premiers temps des services de la route.
Un rapport de MM. les ingénieurs fait connaître la situation des travaux sur les autres sections. Je ne puis que rendre justice à leur zèle pour l’avancement des travaux ; ils font tous leurs efforts pour répondre aux vœux du gouvernement et à l’empressement du pays.
Mais, messieurs, les premiers travaux d’une section sont ceux qui rencontrent le plus d’obstacles ; il faut arrêter tous les plans, et procéder aux adjudications, il faut s’assurer des propriétés et en obtenir la possession ; ce n’est que lorsque les travaux sont régulièrement et généralement établis qu’ils prennent un développement rapide ; c’est ce qui expliquera comment jusqu’ici les travaux sur les diverses sections n’on pas paru marcher assez vite au gré du public empressé d’en jouir. Mais je puis donner l’assurance à la chambre qu’aucun moyen de les amener promptement à bonne fin ne sera négligé.
Parmi les obstacles et les difficultés inséparables d’une aussi grande entreprise, je regrette de devoir signaler encore l’obtention des terrains. La loi du 17 avril dernier a rempli une lacune que l’on prétendait résulter par suite d’une disposition constitutionnelle, mais elle a laissé subsister encore des obstacles qui doivent être levés, surtout en ce qui concerne des travaux qui requièrent une grande activité.
Ces obstacles sont décrits dans un rapport que j’ai réclamé de l’avocat de l’administration, qui a été chargé de suivre les expropriations pour le chemin de fer.
Le gouvernement aura vraisemblablement à réclamer de nouveau le concours des chambres pour obtenir des dispositions qui complètent la loi que déjà elles se sont empressées de voter.
Cette matière fera l’objet d’un examen tout spécial pour lequel je compte sur les lumières d’honorables jurisconsultes qui ont déjà bien voulu me prêter leur secours. L’importance des difficultés qui concernent la mise en possession des terrains pourra être facilement appréciée, lorsqu on saura que sur une distance de quatre lieues on compte dans le Brabant 500 parcelles et dans la Flandre 1,000, et lorsqu’on fera attention que ces parcelles appartiennent souvent à plusieurs propriétaires en commun.
Je ne terminerai pas sans parler de l’embranchement dans le Hainaut. On s’occupe dans ce moment de projets d’exécution par voie de concession mais cette affaire n’est pas assez avancée pour que je puisse entrer dans aucun détail à cet égard. Il en est de même d’un projet formé pour la jonction de Gand à Lille. Le gouvernement n’a pas encore pris de détermination à cet égard.
Je livre, messieurs à votre examen, le compte que j’ai l’honneur de vous communiquer ; si quelques explications ultérieures étaient réclamées, je m’empresserai de les fournir.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs le Roi, dans sa vive sollicitude pour tout ce qui peut contribuer à la prospérité de l’industrie et du commerce nous a chargés, M. le ministre des finances et moi, de vous présenter le projet de loi générale sur le transit.
Ce projet qui tend à augmenter nos relations avec les peuples qui nous entourent, et à faciliter l’exportation des produits de notre sol et de nos manufactures, indique, en premier lieu, pour atteindre ce but, le remplacement des droits divers actuellement existants par des droits de balance uniformes réglés suivant le mode adopté pour la perception des droits d’entrée.
D’après ce projet, toutes les marchandises tarifées ad valorem ne paieront en transit que 15 centimes par 100 fr. de valeur, et celles tarifées au poids et à la mesure, 20 centimes par quintal et par hectolitre , avec faculté cependant de pouvoir se libérer toujours au moyen de 15 centimes par 100 francs de valeur.
Indépendamment de cet avantage accordé aux transactions internationales, ce projet de loi réserve au gouvernement la faculté de pouvoir encore réduire les droits susdits, soit en faveur de l’industrie nationale, soit en faveur de l’industrie d’une puissance voisine qui offrirait, sous ce rapport, à la Belgique, une entière et parfaite réciprocité.
Les avantages du transit ont été si souvent développés et appréciés dans les deux chambres, qu’il serait presque oiseux de rappeler toutes les considérations qui justifient l’utilité et l’urgence du nouveau projet de loi. Cependant comme le transit forme la base du système commercial de la Belgique, il ne sera peut-être pas inutile de présenter de nouveau quelques aperçus généraux sur les motifs qui ont guidé le gouvernement dans la rédaction du projet.
La Belgique, mieux en position que les nations voisines pour favoriser les échanges à l’occident de l’Europe ; plus riche qu’elles en communications faciles et économiques qui se développent encore tous les jours, la Belgique ne peut non seulement rester en arrière pour le commerce avec l’Allemagne, mais il lui importe de se placer, sous ce rapport, au premier rang, qui lui est assigné par la grande entreprise des chemins de fer.
Notre séparation d’avec la Hollande, notre rivalité d’intérêts avec cette puissance, la suspension de la navigation par les eaux intérieures, nous font un devoir de modifier notre système actuel de transit.
Personne de vous, messieurs, n’ignore que la Hollande tire aujourd’hui ses avantages commerciaux des relations étendues avec l’Allemagne, que nous exploitions autrefois en concurrence ave celle, et qui, en 1820 et 1830, étaient également le pivot de la prospérité matérielle de nos provinces.
Ces relations qui, on ne doit pas s’y tromper, étaient fondées sur le transit, ont dû nécessairement cesser pour nous, non seulement par la fermeture des eaux qui lient le Rhin à l’Escaut, mais encore par les réductions considérables que la Hollande a accordées sur les droits de transport qui s’effectuent par son territoire et ses canaux vers les provinces rhénanes ; de sorte que la Belgique ne pourra, même avec le chemin de fer, entrer en concurrence qu’en abaissant également ses droits, et en entourant son commerce de transit de la protection qu’accordent au leur la Hollande, la France et les villes anséatiques.
Lors de la mémorable discussion sur la loi du 1er mai 1834 dont la loi actuelle n’est que le corollaire, l’ancienne importance du mouvement de transit entre la Belgique et les provinces rhénanes a été établie par des calculs si positifs et si irrécusables, qu’on croit pouvoir se dispenser d’entrer à cet égard dans de nouveaux détails ; toutefois on rappellera ici qu’en évaluant ce mouvement qu’à 60 millions de kilogrammes, la Belgique a perdu, de ce chef seul, les bénéfices d’une navigation de 300 navires de 200 tonneaux chacun.
Et cette perte, messieurs, n’est point la seule ; car le transit doit procurer à la nation l’avantage de se constituer comme l’agent intermédiaire des transactions de l’étranger à l’étranger ; il doit lui assurer, outre les bénéfices majeurs de ces transactions, des avantages moraux et politiques non moins grands, non moins précieux, qui dérivent de la fusion et de la solidarité d’intérêts entre les peuples. Enfin, le transit doit être considéré encore comme spécialement avantageux à l’industrie nationale dont les transactions s’étendent successivement avec du commerce, sous la garantie d’une juste protection.
Tout est perte dans la privation du transit ; tout, au contraire, est bénéfice dans sa possession. Et par bénéfices on ne doit pas entendre seulement ceux qui résultent de la commission et du commerce maritime proprement dit ; mais ceux bien plus grands, bien plus considérables que procurent le chargement et déchargement des denrées, les transports et la navigation intérieurs, et l’augmentation de la consommation qui en est la suite, bénéfices qui, tous, se répartissent dans des proportions plus ou moins grandes, entre les habitants des différentes parties du territoire par lequel le transit s’opère.
Tous les pays ne sont point dans l’heure en position de pouvoir faire le prêt de leur territoire pour les échanges entre les nations étrangères ; mais ceux qui, comme la Belgique, se trouvent au centre des grandes communications et se lient, par tous les points de leur territoire, à des nations aussi commerçantes que le sont la France, l’Allemagne, l’Angleterre et la Hollande commettraient un véritable suicide, en abandonnant ou en négligeant un des premiers éléments de la richesse publique.
Nous disons de la richesse publique, parce que celle-ci réside dans l’agriculture, dans le commerce et l’industrie, dont la navigation est un des plus puissants auxiliaires.
Mais pour que cette navigation soit active, pour qu’elle concourre à la consommation intérieure, à l’absorption et à l’écoulement des produits industriels et agricoles, il lui importe d’avoir deux moyens à sa disposition ; le premier, de pouvoir concourir à la consommation du marché intérieur ; le second, de pouvoir user de la faculté d’un transit économique vers un pays étranger. Si l’un de ces moyens manque, la navigation s’arrête.
En effet si elle ne possède que le premier ou le second, les chances deviennent hasardeuses, parce qu’un marché peut être encombré et qu’alors ordinairement les prix des denrées fléchissent ; tandis que quand les deux moyens se présentent simultanément, alors, toujours, les cargaisons peuvent trouver un écoulement favorable, soit au-dedans, soit au-dehors, ou bien encore elles peuvent se diriger sur les entrepôts libres en attendant des occasions favorables.
Presqu’aucun pays, pas même la Belgique, malgré la diversité des branches d’industrie qu’elle exploite, ne produit à lui seul tous les articles dont d’autres pays, ceux de destination en retour des navires, ont besoin ; et comme d’un autre côté l’économie de la navigation réside le plus souvent dans des retours, à cargaisons complètes recueillies sur la même place, il en résulte qu’à défaut de transit qui, seul, agglomère sur un point les produits des différentes nations, nos ports sont délaissés pour ceux de la France, de l’Angleterre, de la Hollande, et des villes anséatiques ou cette agglomération existe.
Il doit résulter et il résulte effectivement de l’état actuel des choses, que les patrons des navires qui visitent la Belgique, sont souvent obligés de partir sur lest, pour aller prendre chargement entier, soit au Havre, soit à Londres, Rotterdam ou Hambourg ; tandis que si le transit existait dans la plénitude où le projet de loi tend à le porter, et que par là nos entrepôts publics pussent offrir tous les assortiments convenables, dont la navigation a besoin, bien rarement une voile nationale ou étrangère appareillerait de nos rivages, sans prendre, avec les produits étrangers, ceux que donnent notre sol et nos riches manufactures.
Les droits élevés qui grèvent le transit peuvent donc être considérés comme un obstacle au développement des intérêts maritimes et industriels de la Belgique ; et ici, on doit faire remarquer encore qu’il importe d’autant plus de le faire disparaître, que le défaut d’une grande navigation prive l’industrie de tous les assortiments de matières premières qu’elle peut désirer ; de sorte que, ne pouvant pas toujours faire les premiers et les meilleurs choix, ni se procurer les matières premières au plus bas taux possible, il doit lui être difficile parfois de lutter avec des industries rivales sur des marchés étrangers.
L’Angleterre n’a point de voie plus directe que la Belgique pour arriver sur le marché des provinces rhénanes, et celles-ci n’en ont point de plus immédiate non plus, pour arriver à la mer, qu’Anvers et Ostende. Cependant c’est par Hambourg et Rotterdam que l’Angleterre expédie ses immenses quantités de twist, de laines et autres marchandises dont elle approvisionne aujourd’hui l’Allemagne ; et c’est par Metz et Trèves que les manufactures de Creveld, d’Elberfehl et autres, après avoir contourné nos frontières, sont obligées d’aller chercher péniblement le Havre, pour écouler leurs riches produits, payant ainsi au pavillon français un tribut qu’elles n’eussent pas manqué de payer au nôtre si le transit eût existé.
On peut en être persuadé, messieurs : en abaissant ses droits de transit, la Belgique entrera bientôt en concurrence, non seulement pour les échanges dont nous venons de parler, mais aussi pour ceux de la Suisse, de l’Italie et d’une partie de la France même qui ne trouveront pas de voie plus courte, plus économique et plus rapide que celle qu’assigne le Rhin, qui, bientôt, se liera à nos ports par le chemin de fer.
Si, après avoir examiné le transit dans ses grandes généralités, on passe à l’examen des détails, on reconnaît tout d’abord qu’il s’opère bien rarement par passe-debout, c’est-à-dire par roulage ou navigation continues, sans interruption, d’un territoire étranger vers un territoire étranger ; le plus souvent, au contraire, il a lieu par points de relâche sur le territoire qu’il emprunte, et par entreposage dans les entrepôts où les marchandises attendent les meilleures occasions de vente et d’exportation.
C’est par ces motifs, messieurs, que le projet de loi a établi trois modes de transit bien distincts.
Le premier : le transit direct, comprenant les marchandises transportées de l’étranger à l’étranger, empruntant le territoire belge, sans dépôt ni entrepôt, ni emmagasinage intermédiaire ;
Le second : le transit par entrepôt ordinaire, comprenant, sauf les cas d’exclusion, les marchandises sortant d’entrepôt publics particuliers ou fictifs déclarés en exportation ;
Enfin le troisième : le transit par entrepôts libres, comprenant les marchandises sortant de ces entrepôts, également déclarées en exportation. Toutefois il importe de faire remarquer que les denrées sortant de ces entrepôts jouissent de l’entière franchise des droits en cas de réexportation par le lieu de l’importation, conformément à la loi du 31 mars 1828.
Cette dernière faveur avait également été accordée, sous le gouvernement précédent, aux marchandises importées par mer, en destination de pays étrangers et qui étaient conservées à bord jusqu’au moment du départ du navire importateur ; mais comme l’arrêté royal qui avait accorde cette faveur laissait des doutes sur sa légalité, l’administration des douanes crut ne pouvoir pas la tolérer, quoique reconnaissant les avantages qu’elle procurerait au commerce.
Le gouvernement a donc pensé devoir saisir l’occasion qui se présente pour la faire revivre et lui donner une sanction légale, en prescrivant en même temps les précautions nécessaires pour éviter tout abus.
Deux motifs puissants plaident d’ailleurs en faveur de cette mesure : le premier, son existence en Hollande et dans les villes anséatiques ; le second, la nécessité où nous sommes de maintenir au moins une égalité d’avantages commerciaux avec ces nations.
Une autre amélioration importante et qui, il faut l’espérer, sera accueillie avec une égale reconnaissance par l’industrie et le commerce, c’est la levée de la défense du transit des sucres en sacs, nattes et canastres, portée par le décret du congrès national du 4 février 1831, alors que la douane n’avait pu encore recevoir l’organisation complète qui lui a été donnée depuis.
Cette liberté, conséquence naturelle du système général de la loi nouvelle, mais que nous n’avons cru pouvoir proposer qu’en l’entourant de toutes les garanties convenables contre la fraude, aura, on ne peut en douter, pour effet immédiat de raviver nos relations avec l’Allemagne et de faciliter l’écoulement de nos produits industriels, en favorisant en même temps la navigation nationale.
On l’a déjà dit ; lorsqu’un marché n’offre que la ressource souvent restreinte de sa consommation intérieure, sans faculté de transit, les marchandises exclues de cette faculté cessent bientôt d’y arriver, parce que la consommation intérieure étant nécessairement limitée, la place d’importation ne saura toujours offrir des chances de débit favorables.
C’est par ces raisons que les arrivages sur nos ports, des sucres charges en sacs, nattes et canastres, ont beaucoup diminué et que les grands assortiments favorables à nos nombreuses raffineries, ont été beaucoup plus restreints qu’autrefois, quoique la masse des importations ait été plus considérable.
En levant la prohibition du transit pour ces denrées, le gouvernement, ainsi que nous l’avons fait pressentir, est parti encore d’une autre considération, celle de favoriser les exportations des produits industriels en facilitant aux navires des frets de sortie.
Pour apprécier cette considération, il est nécessaire de faire remarquer que, parmi les pays qui fournissent le sucre de canne, Rio, Bahia, Fernambouc, la Jamaïque, Cuba, Canton, Sourabaya et les îles sous le vent, expédient en caisses et barils, tandis que Manille, Syngapore, Java, le Bengale, Maurice, Bourbon et toute la province de Santos, expédient en sacs, nattes et canastres. Or, comme parmi ces parages il en est plusieurs où notre navigation cherche, dans ce moment même, à ouvrir des débouchés à nos produits industriels, et que ces débouchés ne s’opèrent que par échanges en produits de ces pays, parmi lesquels les sucres tiennent une place importante, on doit comprendre qu’il est indispensable d’ouvrir à ces derniers la voie du transit par notre territoire.
Enfin, un autre avantage encore que le projet de loi a cru devoir accorder au commerce, c’est une réduction graduée dans les droits de plombage qui ne seront plus perçus à raison de 25 centimes par plomb, mais seulement à raison de 25 centimes pour le premier plomb, de 40 centimes pour deux, et de 10 centimes pour chaque plomb en sus.
Mais, tout en accordant les facilités désirables au transit ; tout en reconnaissant qu’on ne peut s’en promettre des résultats efficaces que lorsqu’il est établi sur des bases larges, uniformes, et dégagé d’entraves et d’exceptions parasites, le gouvernement a reconnu qu’il fallait aussi établir toutes les dispositions nécessaires pour garantir l’intérêt du trésor et de l’industrie nationale contre l’abus immoral de la fraude, établir certaines exceptions que la loi a clairement définies.
Ainsi, messieurs, outre les formalités des acquits à caution, du plombage, des vérifications, de l’estampille dans certaines circonstances, le projet a cru devoir exclure de la faculté du transit les boissons distillées, la saumure et le sel brut raffiné, les armes et munitions de guerre, vers des pays en hostilité avec la Belgique ; les bestiaux, à l’exception des chevaux et mulets, les drilles et chiffons, le minerai de fer, ferraille ou vieux fer et mitraille de fer, les pierres à diguer, les pipes de terre, la poudre à tirer et les vinaigres de toutes espèces ; et d’un autre côté, il a assujetti à des droits de transit spéciaux les ardoises, le bois (merrains à panneaux), le charbon de terre, la chaux, les chevaux et les poulains, les draps, les livres et les mulets.
Cet ordre de classification nous a paru plus convenable que celui suivi dans d’autres pays, où les lois indiquent les objets autorisés au transit : en n’indiquant que les exceptions et les articles soumis à un régime spécial, nous avons cru que l’étude de la loi en serait d’autant plus facile.
Enfin, le projet a réuni dans un seul cadre toutes les dispositions éparses des lois antérieures, en modifiant celles que l’expérience a démontré être incomplètes ou défectueuses. De cette manière, la loi présentera un code complet qui permettra d’annuler toutes les lois antérieures.
En recommandant ce projet à votre sérieuse attention, le gouvernement nourrit l’espoir, messieurs, de le voir adopter dans un bref délai. Cette loi intéresse vivement le pays ; elle ne peut manquer d’exercer une influence immense sur la prospérité de l’industrie, du commerce et de la navigation.
On procède au tirage au sort pour la nomination des commissions.
Première commission. MM. Vandenhove, Lejeune, Dechamps, Trentesaux, Ernst.
Deuxième commission. MM. Quirini, Vanderbelen, Van den Wiele, Zoude, Dubois, Troye.
Troisième commission. MM. Const. Vuylsteke, d’Hoffschmidt, Frison, Verrue-Lafrancq, A. Rodenbach, F. de Mérode, W. de Mérode.
Quatrième commission. MM. Duvivier, d’Huart, de Sécus, Coghen, Polfvliet, Anciaux, Vandenbossche.
Cinquième commission. MM. Desmaisières, de Theux, Jadot, Rouppe, de Longrée, de Brouckere, Demonceau.
Sixième commission. MM. Bosquet, Wallaert, C. Rodenbach, Hye-Hoys, de Terbecq, Dams.
M. le président. - Les commissions seront convoquées demain à domicile. Leur réunion sera fixée à 9 heures. Je crois qu’en fixant la séance publique de demain à une heure, nous pourrons discuter les rapports qui seront prêts.
- La séance est levée à trois heures.