(Moniteur belge n°64, du 5 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Brixhe fait l’appel nominal à une heure.
M. Dechamps donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.
M. Brixhe fait connaître l’analyse de la pièce suivante envoyée à la chambre.
« Le sieur F. Verruyssen adresse des observations sur les mesures à adopter à l’égard des condamnés libérés dont le terme est expiré. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le président. - Chapitre premier, article 6 nouveau relatif à la transformation des cents et demi-cents en pièces de 1 et 2 centimes, jusqu’à concurrence de 600,000 francs.
- Définitivement adopté.
L’article 8 est également définitivement adopté.
M. le président. - Chapitre II, divisé en deux articles : 1° Traitement des directeurs, 74,100 fr., et 2° supplément aux anciens receveurs-généraux, 5,400 fr.
- Ces deux articles sont définitivement adoptés.
M. le président. - Chapitre III, article 3. Augmentation du personnel des douanes. 350,000 fr. ; il a été ajouté à cet article la faculté de pouvoir transférer 20,000 fr. à l’article premier.
- Cet article est définitivement adopté.
M. le président. - Art. 10. La réserve de la section centrale faite à cet article est conçue en ces termes : « Il n’en sera pas fait usage pour payer les locaux de la garantie aussi longtemps que l’article 44 de la loi du 19 brumaire an VI restera en vigueur. »
M. le président. - Chapitre IV, article premier. Traitement des employés de l’enregistrement : fr. 346,890. »
- Adopté définitivement.
M. le président. - L’article 4, traitement des agents forestiers, 270,530 fr. n’a pas été adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans une séance précédente, j’ai annoncé à la chambre qu’il pourrait s’opérer encore quelque réduction sur le chiffre demandé pour l’administration forestière. La chambre a rejeté la somme totale de ce crédit et a voulu que les réductions fussent indiquées dès à présent.
J’ai examiné le contrôle du personnel de l’administration forestière et je crois qu’il serait possible, mais en se gênant beaucoup, d’opérer encore une réduction de 5,530 fr., ce qui réduirait le chiffre à la somme de 271,000 fr.
C’est pour satisfaire an désir formel de la chambre que j’ai recherché toutes les économies jugées praticables ; je n’ai trouvé à faire que la réduction dont je viens de parler plus haut et je le répète, c’est en se gênant beaucoup qu’elle m’a semblé pouvoir être effectuée. Je propose donc que le chiffre soit fixé 271,000 francs
M. Gendebien. - Ce n’est pas seulement une réduction sur le chiffre demandé.par M. le ministre que la chambre désire, c’est une allocation telle qu’il soit forcé d’aviser au moyen de diminuer dès à présent le personnel de l’administration des eaux et forêts. C’est le moment d’y songer, puisqu’on va augmenter le personnel des douanes jusqu’à concurrence d’une somme de 360,000 fr. ; il y aurait moyen de faire entrer dans les douanes une grande partie des employés des eaux et forêts. Il y a entre ces deux administrations une analogie qu’on ne rencontre dans aucune autre branche des finances. Si M. le ministre ne prend pas ce parti, il est constant que lorsqu’on sera convaincu de l’inutilité de l’administration forestière, ce qui arrivera bientôt, on sera obligé d’en mettre les fonctionnaires à la retraite, parce qu’il ne sera pas possible de les renvoyer les mains vides.
Quant à la réduction de 5,530 fr. sur 276,530 proposée par M. le ministre, je le demande, y a-t-il du rapport entre ces deux sommes ? La chambre peut-elle s’en trouver satisfaite ? Pour bien juger si M. le ministre a proposé une réduction au hasard, ou avec connaissance de cause, je le prie de me dire combien il reste d’hectares de bois domaniaux appartenant au gouvernement par province ? Qui est-ce qui paie la surveillance des bois vendus par le gouvernement ? Combien de bonniers ont été défrichés depuis la vente du gouvernement ? Enfin, combien il y a d’inspecteurs forestiers, de sous-inspecteurs, de gardes-généraux, de gardes-surveillants ordinaires ? Quand M. le ministre nous aura donné ces explications, peut-être pourrons-nous indiquer un moyen de réduction plus grand. J’attendrai sa réponse aux questions que je viens de faire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai d’abord à l’honorable préopinant que, puisque toutes les explications qu’il réclame se trouvent inscrites au budget, je vais réitérer ces explications, surtout pour les bois appartenant encore au domaine, avec détail et par province.
Je dirai d’abord que, dans les provinces du Brabant et d’Anvers, le gouvernement ne possède plus de bois domaniaux. Mais il y a encore 798 bonniers de bois vendus soumis à la surveillance des agents forestiers, ainsi que 2,830 bonniers appartenant à des établissements publics et à des communes.
Dans la Flandre orientale, il en possède 987 bonniers ; dans la Flandre occidentale 210 bonniers. Il y a en outre dans ces deux provinces 436 bonniers vendus et non affranchis, et 1,560 bonniers de bois communaux à surveiller. Pour ces deux provinces il existe un sous-inspecteur forestier, tenu à des courses très longues et dont les émoluments sont de 2,900 francs.
Dans le Hainaut, l’Etat possède 26 bonniers, mais il y en a 547 qui ont été vendus et qui ne sont pas encore affranchis de la surveillance forestière qu’impose l’administration aux acquéreurs qui ne sont point entièrement libérés envers le trésor. Mais le remboursement des frais de cette surveillance figure au budget des voies et moyens. Les administrations de bienfaisance et les communes en possèdent 13,030 bonniers, dont les frais de surveillance sont également dans le crédit demandé.
Pour la province de Liége et du Limbourg, il y a un inspecteur forestier et deux sous-inspecteurs. La contenance de forêts appartenant à l’Etat est de 9,263 bonniers ; 15,430 bonniers appartiennent aux communes et aux établissements publics ; de plus il y a 240 bonniers vendus dont l’administration paie la surveillance en se faisant rembourser par les propriétaires des bois.
Dans la province de Luxembourg il y a quatre inspecteurs et quatre sous-inspecteurs ; la contenance des forêts domaniales est de 18,020 bonniers ; de plus 2,057 bonniers vendus ne sont pas encore affranchis de la surveillance, et 86,000 appartiennent aux communes et établissements de bienfaisance : cela fait en tout 106,077 bonniers.
Dans la province de Namur, il y a deux inspecteurs ; la contenance des bois appartenant à l’Etat est de 2,337 bonniers ; 1,534 sont vendus et soumis à la surveillance dont j’ai déjà parlé. Enfin les bois appartenant aux communes s’élèvent à 41,500 bonniers. Ce qui fait en totalité pour la province de Namur 45,361 bonniers.
Ainsi, en rassemblant tous ces chiffres on trouve que l’Etat possède 30,848 bonniers ; qu’il reste de vendus et non affranchis 5,602 bonniers ; que les communes et établissements de charité possèdent 157,550 bonniers. En tout, 194,000 bonniers
Comme je l’avais indiqué dans une séance précédente, j’ai dit dans cette séance que la somme remboursée par les communes et les établissements publics s’élevait à une moyenne de 1 fr. 05 par bonnier. Toutes les personnes qui ont des connaissances en matière forestière trouveront que ce prix est fort bas, et qu’il serait impossible que les propriétaires fissent garder leurs bois à ce prix, surtout quand les frais de poursuite s’y trouvent compris.
On a dit que l’administration forestière était plus onéreuse qu’utile. Examinez, je vous prie, les produits des bois domaniaux et quelles sommes l’Etat paie pour ces produits.
En 1834 ils se sont élevés à 367,500 fr. En 1835, d’après les adjudications déjà faites, ils monteront à 340,000 fr. De plus nous avons 160 bonniers de coupes qui n’ont pas pu être vendus, parce que le bois est tombé à si bas prix qu’on ne trouve pas même à s’en défaire. Les agents forestiers ont évalué ces bois à 49,000 fr. Il faut donc ajouter cette somme aux 343,000 dont je viens je parler. En outre, des forêts sont grevées de droits d’usage en faveur de communes. On est obligé de prélever un tantième du produit des coupes, lequel est évalué à 88,000 fr.
Cela donne donc en définitive un produit total de 480,000 fr., dont l’administration ne coûte que 92,529 fr. à l’Etat. Cela est exact, quoique un honorable membre paraisse en douter ; je citerai les chiffres et j’indiquerai les éléments de la somme.
L’Etat supporte fr. 92,529.
Le remboursement par les propriétaires pour les bois non affranchis est de fr. 16,806.
Celui des communes et des établissements publics, de fr. 167,195.
Somme égale à celle en discussion fr. 276,500.
Eh bien, messieurs, l’Etat n’a donc à payer réellement qu’une somme de 92,529 fr. pour tout ce que coûte l’administration forestière. Vous remarquerez que pour les communes et établissements de bienfaisance, la moyenne de la dépense est de 1 fr. 5 c. par bonnier et qu’elle approche de 3 fr. pour l’Etat ; mais veuillez faire attention que l’administration générale est comprise dans cela, et que cette administration est chargée d’intérêts qui importent à la Belgique entière ; la conservation des bois se lie à la prospérité future du pays, et, sous ce rapport, il n’y a pas lieu à regretter une dépense aussi utile et qui est d’ailleurs si faible.
J’ai dit que dans les développements du budget on avait indiqué le personnel de l’administration forestière : Les voici.
Il y a 9 inspecteurs forestiers dont le traitement varie de 3,150 à 4,200 fr. (Remarquez que ce traitement n’est pas trop fort pour un inspecteur forestier, qui est un des premiers fonctionnaires de la province) ; 11 sous-inspecteurs aux appointements de 2,000 à 2,900 fr, ; 25 gardes-généraux à 1,590 fr. (ce n’est certes pas trop, car un garde général a un certain rang à tenir, il est en contact continuel avec les autorités de la province et de la commune) ; 550 gardes dont le traitement est extrêmement bas puisque, récapitulation faite, la moyenne du traitement de tous les agents forestiers est de 466 fr.
Je pense que ces explications satisferont l’assemblée ainsi que l’honorable préopinant. Je chercherai à introduire toutes les économies possibles ; mais j’engage la chambre à peser toutes les observations que j’ai eu l’honneur de lui faire, et à ne pas consacrer des réductions incompatibles avec les vrais intérêts du pays.
Avant de terminer, je dirai que, dans l’administration forestière, les agents supérieurs sont chargés de la poursuite des contraventions et de soutenir les causes devant les tribunaux. D’où il résulte que l’on ne voit figurer dans le budget aucun chiffre spécial pour frais de ces poursuites.
M. Gendebien. - Il ne s’agit pas d’évaluer individuellement les traitements des employés forestiers, encore moins de les diminuer. Plusieurs membres et moi tout le premier, nous nous sommes plaints de ce qu’on maintenait un personnel trop fort pour une administration nulle en certaines provinces, nulle en raison de l’absence de tout objet à surveiller. La section centrale vous a dit qu’il y avait un arrondissement où il ne se trouvait que 2 hectares à l’Etat et 2,000 hectares aux communes. Est-il permis de laisser subsister l’administration forestière dans un pareil arrondissement ? Augmentez, si vous voulez, les traitements de ceux qui sont nécessaires, j’accorderai volontiers la somme. Mais je ne puis souffrir qu’on maintienne en activité des employés pour deux hectares de bois.
Placez ces employés dans les douanes, si vous le voulez. Vous en avez l’occasion. On vient de vous faire l’énumération du personnel de l’administration forestière. Veuillez comparer le personnel d’aujourd’hui avec celui de 1831.
Nos bois n’ont pas augmenté depuis cette époque ; il y en a beaucoup de défrichés. Savez-vous ce qu’on vous demandait en 1831 ? pour le personnel 7 inspecteurs, aujourd’hui 9. Nous avions 7 sous-inspecteurs aujourd’hui nous en avons 11. Nous avions 28 gardes-généraux il ne vous en reste plus que 23. Les simples gardes étaient au nombre, de 573, vous n’en avez plus que 550. Ainsi dans cette administration comme dans toutes les autres, on a suivi la progression inverse de celle qui devrait avoir lieu.
Les intérêts de l’état-major ont été soignés ; ceux des employés moins heureux, négligés. On augmente le nombre des inspecteurs et, sous-inspecteurs, on diminue celui des gardes généraux, qui ont seuls la véritable surveillance supérieure ; ceux sur qui repose la surveillance elle-même tout entière, les gardes, on les diminue aussi. En 1831, pour la masse totale des inspecteurs, sous-inspecteurs et gardes-généraux, le chiffre était de 82,857 fr. 13 c. ; pour gardes et surveillance 198,940 fr. Eh bien, voici ce qui est arrivé.
En 1835 on nous demande pour les inspecteurs, sous-inspecteurs et gardes-généraux, 95,820 fr. au lieu de 82,857 que l’on a demandés en 1831 ; l’augmentation est par conséquent de 12,963 francs pour l’état-major. Il faut ajouter à cette augmentation une autre somme de 5,680 fr. prise sur la diminution du personnel des gardes-généraux pour la reporter aux inspecteurs et sous-inspecteurs, de manière qu’en définitive ces derniers recevront en 1835 une somme de 18,643 fr. de plus qu’en 1831. Voilà des chiffres.
Nos forêts sont-elles augmentées ? avons-nous fait des acquisitions de bois ? Vous le savez, nos forêts n’ont fait que diminuer depuis 1831 ; car on a défriché une immense quantité de celles qui ont été vendues, et qui ont cessé d’être surveillées par le gouvernement. Cette vente et ce défrichement devraient nécessiter une administration moindre.
Les gardes, les surveillants avaient en 1831 une somme de 198,940 fr. ; eh bien, ils n’ont plus, en 1835, que 187,710 fr. On rogne sur le malheureux pour enrichir ou multiplier l’état-major, et on paie 18,330 fr. de moins à ceux qui exercent la surveillance, à ceux qui travaillent, pour donner cette somme à ceux qui travaillent moins, en y ajoutant encore 400 fr.
En présence de tels faits peut-on allouer le chiffre demandé par le ministre ? Si les sept inspecteurs et sous-inspecteurs ont été suffisants en 1831, ils peuvent être suffisants aujourd’hui : vous pouvez donc espérer une réduction sur le nombre de ces agents.
On est venu de nouveau établir des calculs sur la dépense de l’administration des eaux et forêts et on a commencé par stipuler un revenu en cumulant un revenu positif avec un revenu négatif ; toutefois d’après ces calculs la surveillance coûte encore de 18 à 20 p. c. Je ne critique pas la hauteur des traitements ; mais je dis qu’il y a des arrondissements où il reste deux hectares de bois domaniaux seulement et pour lesquels vous payez autant que pour les provinces couvertes de 30 ou 40,000 bonniers de bois.
Je suis loin de demander la diminution des traitements des inspecteurs et sous-inspecteurs, et encore moins le traitement des gardes-généraux et des surveillants ; mais je demande que l’on supprime les agents inutiles ; je demande que l’on place ces employés dans la douane ou dans d’autres branches d’administration, avec des appointements plus forts, s’il le faut : l’Etat y gagnera. Je ne connais pas d’administration qui ait plus de rapport avec l’administration des douanes que celle des eaux et forêts.
Que la chambre adopte ou n’adopte pas le chiffre proposé par le ministre ; quant à moi je repousserai toute allocation pour cet objet, tant que le ministre n’aura pas opéré une réduction raisonnable sur le personne[ de l’administration.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant s’est appuyé sur les chiffres du budget de 1831, comparés à ceux du budget de 1835, pour critiquer la demande d’allocation que l’on discute en ce moment ; eh bien je me servirai aussi de ces chiffres pour justifier la proposition que nous avons faite.
En 1831 la dépense totale de l’administration forestière s’est élevée à 294,558 en y comprenant la dépense pour les bois communaux et pour les bois vendus et non affranchis, dépense qui est remboursée.
En 1835, nous demandons seulement 276,530 fr., c’est-à-dire 17,928 fr. de moins qu’en 1831.
On a reproché à l’administration d’avoir augmenté le nombre des employés supérieurs dans les eaux et forêts. Mais si elle agi ainsi, c’est qu’elle a pensé qu’il valait mieux, dans l’intérêt du service, avoir davantage d’inspecteurs et de sous-inspecteurs, et moins de gardes. Ce sont les employés supérieurs qui font sur le terrain les opérations relatives à l’aménagement, l’exploitation, l’amélioration, l’assainissement des forêts ; ce sont eux qui dirigent les poursuites devant les tribunaux. Si l’administration comprend qu’il faut distribuer de cette manière le crédit alloué, je ne vois pas quels reproches on peut lui adresser sur ce point, surtout lorsqu’on ne les appuie sur rien.
Aux 17,928 fr. d’économies obtenues depuis 1831, je propose d’ajouter 5,500 fr. ; c’est là tout ce qu’il est possible de faire : il sera même bien difficile de réaliser cette dernière réduction qui compense et au-delà la diminution de surveillance qui a pu résulter du défrichement de certains bois.
L’honorable préopinant a prétendu qu’en supputant tous les revenus des forêts, elles coûtaient 18 à 20 p. c. de frais d’administration : ceci n’est vrai que pour les bois du domaine mais pour les bois communaux la surveillance ne coûte, comme on sait, qu’un franc cinq centimes par bonnier, et personne ne dira que ce chiffre soit trop élevé.
J’ai expliqué comment il se fait que le gouvernement contribue dans une plus forte proportion que les communes. L’administration forestière veille à la conservation de tous les bois dans l’intérêt général du pays, et il est juste dès lors que la surveillance qu’il exerce pour le bien de l’Etat coûte plus que celle toute spéciale et isolée des communes qui n’ont qu’un intérêt particulier à assurer.
On paraît beaucoup trop préoccupé de ce qui se passe dans le Brabant, dans les deux Flandres, et dans la province d’Anvers, Pour ces quatre provinces, il existe, il est vrai, deux chefs forestiers chargés de l’administration d’une faible superficie de bois : c’est là peut-être un abus ; aussi est-ce un des points sur lesquels je fonde l’espoir d’obtenir en partie la réduction que je propose ; toutefois, en admettant même comme possible la suppression totale de la surveillance active supérieure, il n’en résulterait pas même une économie de 5,000 francs.
Que l’on cesse donc de considérer telle ou telle localité pour asseoir son opinion et qu’on ne voie que l’ensemble des choses, alors tomberont les uniques arguments de comparaison que l’on ait fait valoir pour prouver que l’administration forestière était trop dispendieuse.
On nous engage à placer dans la douane les agents forestiers qu’on voudrait supprimer. Mais auparavant il faudrait examiner si, dans l’intérêt du pays, il est convenable de supprimer ces agents. En outre, il ne faut pas perdre de vue qu’ils sont presque tous âgés et mariés, et que l’on ne pourrait exiger d’eux un service qui les éloignât de leur habitation, comme des douaniers qui sont ambulants. Il arriverait, en mettant les agents de l’administration forestière dans les douanes, que nos frontières seraient mal gardées, et que, par suite, le commerce et l’industrie intérieurs, ainsi que les produits de la douane, souffriraient considérablement d’économies mesquines que l’on aurait faites au budget des dépenses du département des finances.
M. Gendebien. - Le ministre des finances s’est trompé quand il a dit que de 1831 à 1835 il y avait eu diminution de 17,0000 fr., la diminution n’a été que de 5,267 fr. Toutefois en résultat il y a toujours augmentation pour les chefs d’environ 18,000 francs. Pourquoi cette augmentation ? Il faut bien le dire : On a trouvé à propos de faire avancer en grade tel ou tel à qui l’on voulait plaire. (Je ne parle pas de ce qui s’est fait sous le ministre actuel, le mal a été opéré avant sa présence dans l’administration,) M. tel avait un grade, il convenait à sa famille qu’il eût un grade plus élevé ; on espérait par là donner un peu de patriotisme ou plutôt de dévouement dynastique à telle personne, ou à telle famille. Il n’y avait pas nécessité de donner des grades à telle ou telle personne, car il n’y avait pas nécessité d’augmenter l’administration forestière ; et ce qui le prouve, c’est qu’on n’a augmenté que les sommités.
Mais, dit-on, l’administration est libre d’augmenter le personnel des surveillants ou le personnel des administrateurs supérieurs ; soit : toutefois on nous doit compte des raisons qui ont déterminé à transformer un garde-général en sous-inspecteur, et un sous-inspecteur en inspecteur : il faut que l’administration prouve la nécessité de ces changements. Lorsqu’ils produisent en définitive une augmentation de personnel, qu’importe que ce soit le Brabant, les Flandres, ou la province d’Anvers qui nous préoccupent ; il n’en est pas moins vrai que dans certaines localités on peut supprimer l’administration forestière qui y est établie inutilement, ou du moins la réduire au strict nécessaire.
Quatre sections de la chambre ont fait avant moi les mêmes réflexions ; la section centrale les a trouvés fondées quoiqu’elle ait conclu seulement en exprimant le vœu de voir disparaître les abus. Cette année il faut plus qu’émettre un vœu ; il faut opérer une réduction, et l’opérer de manière que le ministre puisse dire à ses subordonnés : C’est la chambre qui a voulu des réductions, c’est la chambre qui veut que je profite de l’augmentation du personnel des douanes pour vous y placer.
Ce ne sont pas les traitements que j’attaque ; je désire que l’on donne l’équivalent dans les douanes aux agents forestiers qui seront supprimés. On prétend que ces agents sont tous âgés, qu’ils ne pourraient rendre de services dans les douanes ; mais s’ils sont âgés, quels services peuvent-ils rendre dans les eaux et forêts ? Pour les eaux et forêts, il faut une surveillance de tous les jours, de toutes les heures, au milieu des forêts, afin de constater les délits, tandis que les douaniers peuvent souvent attendre, bien abrités, l’heure d’une expédition. Si les agents forestiers sont âgés, il faut leur donner la pension. En un mot comme en cent, je demande que l’on fasse disparaître l’administration forestière là où elle est évidemment et ridiculement inutile, et sans porter préjudice à aucun employé.
- Le chiffre proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.
Les autres chiffres du budget des finances ne donnent lieu à aucun débat.
M. le président. - Par un article additionnel introduit dans ce budget, il est dit que la somme de 600,000 fr. provenant des bénéfices de la fabrication de la monnaie a été portée au budget des recettes, et cet article a donné lieu aux explications suivantes.
M. A. Rodenbach. - Lors de la discussion sur la fabrication de la monnaie, M. le ministre nous a dit que les métaux étaient diminués de valeur. Depuis j’ai appris que, par un arrêté royal, on avait, en France, réduit la fabrication de l’or d’un tiers. Il y avait 9 fr. pour fabriquer un kilogramme d’or ; l’arrêté royal n’accorde maintenant que 6 fr. par suite de la baisse des lingots. Il y a également réduction d’un tiers pour la fabrication des pièces d’argent. On donnait 3 fr. par kilog. pour cette fabrication, on n’accorde plus que 2 fr. Je prierai M. le ministre d’examiner cet arrêté royal ; il pourra en conclure des moyens d’opérer des économies chez nous ; et nous en avons besoin.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - S’il est possible de ne rien dépenser de la somme de 20,000 francs accordée pour la fabrication de la petite monnaie, nous le ferons. Nous ferons observer que la fabrication de la petite monnaie coûte plus cher que la fabrication des pièces de 5 francs. C’est pour avoir des pièces de un franc, un demi-franc et de 25 centimes que l’on stimule le directeur de la monnaie afin de multiplier le nombre de ces petites pièces ; quant aux pièces de 5 francs il n’a pas besoin de la prime ; aussi en fabrique-t-on journellement à Bruxelles. Je n’ai pas attendu les réflexions du préopinant pour supposer qu’il y aurait des économies sur le crédit dont il s’agit : le chiffre posé primitivement au budget était 30,000 francs ; j’ai propose de le réduire à 20,000 francs, quoique la section centrale ait conclu à l’adoption de la somme de 30,000 francs.
- L’article relatif aux 600,000 francs qui devront être portés au budget des recettes est mis aux voix et adopté.
L’ensemble du budget des finances est soumis à l’épreuve du vote par appel nominal.
66 membres sont présents.
65 en votent l’adoption.
1 seul, M. Seron, en vote le rejet.
2 membres, MM. de Stembier et Thienpont s’abstiennent de voter, parce qu’ils n’ont pas assisté à la discussion de cette loi de finances.
M. Morel-Danheel, rapporteur, est appelé à la tribune. - « Par pétition du 2 août 1834, un grand nombre de cultivateurs de la commune de Vlaemertinghe (Flandre occidentale) demandent qu’il soit frappé des droits sur les huiles de poisson et autres huiles étrangères, à leur entrée en Belgique. »
- Renvoi au ministre des finances et au bureau des renseignements, ainsi qu’au ministre de l’intérieur sur la demande de M. Rogier.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 10 novembre 1834, les bourgmestre, secrétaire et ordonnateur du bureau de bienfaisance de la commune de Staden (Flandre occidentale), suspendus de leurs fonctions par M. le gouverneur de la province, et réintégrés par un arrêté du même gouverneur, après que le tribunal d’Ypres eût déclaré qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre, se plaignent d’éprouver de nouvelles vexations. »
- Renvoyé au ministre de l’intérieur.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition en date du 23 juin 1834, le conseil communal et les habitants notables de Tourpes (Hainaut) demandent la réunion de cette commune au canton de Leuze. »
- Dépôt au bureau des renseignements, sur la demande de M. Dubus.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 14 novembre 1834, l’administration communale de Lichtervelde (Flandre occidentale) demande que cette commune soit érigée en chef-lieu de canton séparé. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 22 octobre 1834, le conseil communal et les habitants notables de la commune de Leke (Flandre occidentale) demandent à faire partie du canton de Dixmude. »
Dépôt au bureau des renseignements.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 10 novembre 1834, le sieur C.-J. Van Peene, notaire à Oostwinkel (Flandre orientale), dénonce les vexations auxquelles il est en butte de la part de quelques habitants de la commune. »
Ordre du jour, attendu que la chambre ne peut s’occuper des plaintes faites par le pétitionnaire.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 1er octobre 1834, plusieurs pharmaciens de Verviers et de Liége demandent des modifications à la loi du 12 mars 1818, en abrogeant l’article 11, qui permet aux médecins et aux chirurgiens de fournir des médicaments à leurs malades, dans toutes les villes et communes où il n’existe pas une commission médicale provinciale.
- Renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 14 novembre 1834, les administrations communales et les habitants notables des communes de Bovesse et Rhisme demandent à faire partie du canton de Namur. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 29 novembre 1834, le sieur B.-J. Hebbelinck, révoqué de ses fonctions de juge de paix de Nazareth (Flandre orientale), demande d’être admis à une pension.
La commission propose le renvoi au ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne sais pas quel est le but de la commission en proposant le renvoi au ministre de la justice. Le pétitionnaire a été révoqué de ses fonctions, non de juge de paix, mais de secrétaire de la justice de paix. Cette révocation a eu lieu pour des motifs graves. Depuis il a demandé un nouvel emploi, et on n’a pas cru devoir le lui accorder. Il a ensuite demandé une pension qui lui a également été refusée. Ces faits se sont passés avant mon entrée à l’administration. J’ai examiné ce qui concernait cette affaire ; et je déclare que je ne puis que partager l’avis de mon prédécesseur. Je ne puis vouloir donner un emploi ou une pension à un citoyen révoqué de ses fonctions pour de graves motifs. Je pense que, par ces considérations, la chambre passera à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Je voudrais savoir sur quoi le pétitionnaire appuie sa demande. Le ministre n’a peut-être pas eu connaissance de la pétition.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’aurais pu entrer dans d’autres détails que ceux que je viens de présenter ; si je ne l’ai pas fait, c’est dans l’intérêt du pétitionnaire.
M. Fleussu. - Puisque la commission des pétitions a conclu au renvoi au ministre de la justice, c’est que sans doute elle aura reconnu une injustice ou quelque acte arbitraire. Je voudrais que M. le rapporteur fît connaître les motifs sur lesquels sont fondées les conclusions de la commission.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - La commission a pensé que le pétitionnaire qui prétend ne pas connaître le sujet de la destitution avait quelques raisons fondées pour réclamer.
M. de Brouckere. - Mais encore quelles raisons…
M. Gendebien. - Quelles raisons ont déterminé les conclusions de la commission ?
M. Morel-Danheel, rapporteur. - La commission n’en a pas eu d’autres que celles que je viens d’indiquer.
- L’ordre du jour est prononcé sur la pétition du sieur B.-J. Hebbelinck.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 25 novembre dernier, le sieur Chotteau, né à St-Amand (France), demande la naturalisation. »
La commission propose le renvoi au ministre de la justice.
- Adopté.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 1er décembre 1834 le sieur E. Petit, ex-portier de l’hôpital militaire, se plaint de sa destitution et dénonce de prétendus abus que commet le directeur de cet établissement. »
La commission propose le renvoi au ministre de la guerre.
M. Rogier. - Si M. le ministre de la guerre était ici, il pourrait entrer dans des explications qui motiveraient peut-être l’ordre du jour, comme il vient d’arriver au sujet d’une pétition dont on avait proposé le renvoi au ministre de la justice.
Il me semble que de tels renvois doivent être motivés : le pétitionnaire dénonce de prétendus abus ; renvoyer la pétition au ministre de la guerre, ce serait jusqu’à un certain point reconnaître ces abus et demander qu’on les fît disparaître. Je crois qu’il serait utile d’entendre M. le ministre de la guerre avant d’adopter le renvoi proposé. Je demande donc que l’on passe à un autre numéro. (Non ! non !) Alors je propose l’ordre du jour sur la pétition.
M. Gendebien. - Que M. le rapporteur veuille bien dire si la commission a reconnu qui il y avait des abus sur lesquels on dût attirer l’attention de M. le ministre de la guerre.
M. Legrelle. - Si les abus sont démontrés, qu’on renvoie la pétition au ministre de la guerre ; sinon j’appuie, par les motifs énoncés par M. Rogier, la proposition qu’il a faite de passer à l’ordre du jour.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - Le pétitionnaire ne désigne pas les abus ; il se réfère à une pétition adressée au Roi et au ministre de la guerre.
M. Legrelle. - Alors l’ordre du jour !
M. Gendebien. - Chacun de nous reconnaît que si le pétitionnaire signale des abus, il faut renvoyer sa pétition au ministre de la guerre. M. le rapporteur dit qu’il ne dénonce pas d’abus, mais qu’il se réfère à une pétition adressée au Roi et au ministre de la guerre. Je ne vois pas le mal qu’il y aurait à renvoyer la pétition au ministre de la guerre. Le ministre de la guerre saura que le pétitionnaire s’est adressé à la chambre, qu’il a cru l’affaire assez importante pour éveiller l’attention de la chambre, comme il avait précédemment éveillé celle du Roi et du ministre de la guerre.
Si le pétitionnaire se plaint de ce qu’il n’est plus portier, on pourra fort bien passer à l’ordre du jour ; la chambre ne doit pas s’immiscer dans ces détails, à moins qui cet ex-portier ne soit victime de l’arbitraire ; ce qui peut arriver. Mais si le pétitionnaire signale des abus, comme notre mission est de les faire disparaître, nous devons renvoyer la pétition au ministre.
M. F. de Mérode. - Je partagerais l’avis de l’honorable préopinant, s’il n’y avait pas d’inconvénients à renvoyer trop facilement les pétitions aux ministres.
M. Fleussu. - C’est cela !
M. F. de Mérode. - Ces renvois multipliés sont cause que les ministres ne font plus attention aux pétitions qui leur sont renvoyées
Puisque le pétitionnaire ne donne pas de détails sur les abus dont il se plaint et qu’il se réfère à des pétitions adressées à S. M. et à M. le ministre de la guerre, il me semble que ce procédé doit suffire pour motiver l’ordre du jour. La chambre ne peut pas recourir à des pétitions adressées au Roi et au ministre de la guerre. Le pétitionnaire devait au moins se donner la peine de transcrire sa pétition première, et de faire connaître les motifs sur lesquels se fonde sa réclamation. Il me semble que dans l’état des choses, ce que nous pouvons faire de mieux c’est de passer à l’ordre du jour sur la pétition. (Appuyé ! appuyé !)
- La chambre passe à du jour sur la pétition du sieur Petit.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 17 novembre 1834, plusieurs fermiers de la commune de Wervicq (Flandre occidentale) demandent la suppression du droit d’entrée sur les tourteaux de graine grasse.
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. Rogier. - Je demande en outre le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
- La pétition est renvoyée à MM. les ministres des finances et de l’intérieur.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 29 septembre 1834, le sieur Maes, de Ghistelles (Flandre occidentale), demande le paiement des intérêts des cautionnement qu’il a fournis en qualité de receveur des contributions. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 28 février 1834, les secrétaires des communes du district d’Ypres demandent que leur traitement soit augmenté. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Fleussu. - Je remarque que le gouvernement n’a rien à faire ici ; ce sont les communes qui paient ; je ne vois pas quel serait l’effet du renvoi au ministre de l’intérieur.
Je demande l’ordre du jour, ou, si l’on veut, le dépôt au bureau des renseignements.
- La chambre ordonne le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 26 juillet 1834, un grand nombre de fabricants et marchands d’huile végétale, de la Flandre occidentale, demandent que l’huile de baleine soit frappée d’un droit de 25 fr. par hectolitre. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances et au ministre de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Morel-Danheel, rapporteur. - « Par pétition du 31 juillet 1834, le sieur van Ousselen, de Poperinghe (Flandre occidentale), signale un abus résultant de l’imposition du droit illégal, dit Slissingrecht, pour la tenue de ses écritures. »
- La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
Les conclusions de la commission sont adoptées
M. Doignon, rapporteur, monte à la tribune. - « Par pétition du 29 novembre 1834, les héritiers de M. François Beys, belge de naissance, décédé à Bruxelles, le 1er mars 1831, et y domicilié, demandent que la législature déclare l’article 11, littera A de la loi du 27 décembre 1817, sur les droits de succession, applicable aux biens situes sur le territoire hollandais, et acquis par les Belges, pendant la réunion de la Belgique avec la Hollande, et qu’il soit fait application de cette disposition aux successions ouvertes en Belgique depuis la séparation des deux pays. »
Renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je prierai M. le rapporteur de vouloir bien me dire pourquoi la commission des pétitions demande des explications à M. le ministre des finances. Je comprends que l’on appelle son attention sur la question de législation soulevée par la pétition. Mais je ne comprends pas bien les motifs de la demande d’explications.
M. Doignon, rapporteur. - L’article 11 de la loi de 1817 sur le droit de succession est ainsi conçu : « Les biens situés en pays étranger, qui avant 1814 ont fait partie du territoire du ci-devant empire français et acquis avant le 1er janvier 1817, ne seront portés dans la déclaration de succession que pour la moitié de leur valeur. »
Les héritiers Beys ont d’abord adressé à M. le ministre des finances une réclamation tendant à obtenir, d’après cet article, l’exemption de la moitié du droit sur les biens acquis en Hollande durant la réunion. M. le ministre n’a pas accueilli cette demande.
Les héritiers se sont alors pourvus en opposition devant le tribunal civil de Bruxelles qui, tout en déclarant ne pouvoir faire droit à cette réclamation, s’exprime en ces termes dans l’un des considérants : « Attendu que cette disposition n’est pas applicable à l’espèce ; que bien qu’il y ait parité de motifs pour faire jouir du bénéfice de cette disposition les immeubles de la succession Beys situés en Hollande, il n’appartient pas néanmoins aux tribunaux d’étendre l’article 11 précité à un ordre de choses pour lequel il n’a pas été établi ; que si cet état de choses blesse l’équité, c’est au législateur seul qu’est déféré le pouvoir d’y porter remède pour l’avenir. »
La commission pense, avec le tribunal de Bruxelles, qu’il y a lieu de porter une loi qui rende l’article dont s’agit, de la loi de 1817, applicable aux biens acquis en Hollande par des Belges avant l’époque de notre séparation : il y a en effet identité de raisons, et il répugne autant à l’équité de faire supporter l’intégralité du droit sur cette espèce de biens que de l’exiger sur les biens aussi acquis en France par des Belges avant notre séparation de ce dernier royaume. Dans l’un et l’autre cas les Belges acquéreurs ont été de bonne foi et ne doivent pas souffrir d’un événement politique tout à fait imprévu. Peut-être est ce déjà trop de leur faire payer la moitié du droit, lorsque déjà ils sont tenus d’acquitter le même impôt en totalité dans ce pays étranger.
Le droit de succession, comme celui de mutation, étant un impôt purement réel et non personnel, on ne peut même d’après les principes du droit des gens, percevoir aucun impôt de cette nature sur le territoire d’une puissance étrangère. La commission est aussi d’avis qu’on doit déclarer cette disposition applicable aux successions ouvertes en Belgique depuis notre séparation de la Hollande. Des considérations d’équité militent ici en faveur de la même réduction du droit.
Les propriétés belges, situées en Zélande, ont considérablement souffert des inondations et des vexations de l’ennemi. Ces propriétés ont, depuis lors, beaucoup perdu de leur valeur pour les Belges qui en sont propriétaires ; ils éprouvent tant d’embarras et de difficultés pour les administrer, qu’ils cherchent même à s’en défaire. La loi ne pourrait en cela être accusée de rétroactivité. Car l’Etat, en renonçant lui-même à percevoir un droit d’ailleurs inique et exorbitant, n’enlève à personne aucun droit acquis : il ne fera qu’un acte de réparation et de justice.
Un grand nombre de propriétés situées en Hollande et notamment en Zélande appartiennent à des Belges dont les successions peuvent s’ouvrir d’un moment à l’autre. Il est donc urgent de proposer une loi qui remplisse la lacune dont se plaignent les pétitionnaires : il convient que le gouvernement lui-même prenne l’initiative : c’est pourquoi l’on a conclu au renvoi à M. le ministre des finances avec demande d’explications.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Les développements donnés par l’honorable rapporteur prouvent que la chambre ne peut pas demander des explications à M. le ministre des finances par suite de la réclamation adressée à M. le ministre par les intéressés. M. le ministre des finances a interprété la loi de 1817 comme il a cru devoir l’interpréter. Il semble en outre que cette interprétation soit légale puisqu’elle a été confirmée par le tribunal de première instance et que les pétitionnaires n’ont pas cru devoir se pourvoir ultérieurement.
Que la réclamation adressée en ce moment à l’assemblée, ait pour effet d’engager M. le ministre des finances ou l’un des membres de cette assemblée à prendre l’initiative sur l’extension de la loi dont il s’agit, c’est une question sur laquelle je ne m’expliquerai pas.
Je ferai remarquer seulement que le législateur de la loi de 1817, en faisant une différence entre les immeubles situés à l’étranger et ceux qui sont en Belgique, avait limité l’application de cette différence à un temps déterminé. Ce n’était que jusqu’au 31 décembre 1836 que cette distinction devait subsister.
Dans cet état de choses, quelles explications voulez-vous demander à M. le ministre des finances ? Elles ne peuvent consister à demander pourquoi il a interprété la loi de telle manière plutôt que de telle autre. Le gouvernement est dans son droit en interprétant les lois. Les intéressés d’ailleurs ont une voie ouverte, c’est celle des tribunaux. Ont-ils à se plaindre de la décision de M. le ministre des finances ? Non. Ont-ils à se plaindre des jugements des tribunaux ? Ce n’est pas ici que leur réclamation doit être adressée.
Demander des explications à M. le ministre des finances sur la pétition dont il s’agit, serait en quelque sorte légitimer un grief qui n’existe pas.
M. de Brouckere. - Je crois également qu’il est inutile de demander à M. le ministre des finances des explications sur la pétition dont il s’agit.
Je pense que la chambre peut se borner au renvoi à M. le ministre, mais je demanderai en même temps le dépôt au bureau des renseignements. Si M. le ministre des finances ne se disposait pas à présenter un projet de loi sur la question soulevée par la pétition, il est plus que probable qu’un membre de cette assemblée prendrait l’initiative à cet égard. Vous avez entendu les développements de l’honorable rapporteur. Ils prouvent qu’il est à désirer que la législature s’occupe de cette matière.
J’insiste d’autant plus sur le dépôt au bureau des renseignements, que je compte examiner la pétition et les motifs qui y sont développés. Je verrai s’il n’est pas nécessaire que je présente moi-même un projet de loi à cet égard.
M. Doignon, rapporteur. - D’après les développements que je viens de donner, vous avez vu que ce n’est pas parce que M. le ministre des finances aurait interprété la loi de 1817 que nous avons proposé le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances avec demande d’explications. La commission a pensé qu’il existait une lacune dans la loi sur les successions. Elle a pensé dès lors qu’il était utile de demander des explications à M. le ministre, à l’effet de savoir s’il a l’intention de prendre l’initiative à cet égard.
A défaut par lui de le faire, il sera libre à celui des membres de cette assemblée qui le croira convenable, de déposer un projet sur le bureau. Du reste, je ne m’oppose pas à la motion de l’honorable M. de Brouckere.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il était dans l’esprit de mes observations de demander en même temps le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.
Il serait insolite de demander des explications à un ministre sur la question de savoir s’il prendra l’initiative à l’égard d’un point de législation.
M. de Brouckere. - Je voulais faire la même observation que M. le ministre de la justice.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances est ordonné.
La demande d’explications n’est pas admise.
La proposition de dépôt au bureau des renseignements est adoptée.
M. Doignon, rapporteur. - « Par pétition du 25 novembre 1834, les héritiers de M. Duwelz réclament une indemnité, ou au moins un secours provisoire à cause de l’incendie de leur maison, sise à Bruxelles, brûlée dans les journées de septembre. »
La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur avec demande d’explications.
La commission appelle l’attention particulière de M. le ministre sur cette pétition : il parait que ces pétitionnaires sont malheureux et dans le besoin. Les pétitionnaires sont les filles d’un ancien magistrat qui a rempli ses fonctions avec distinction et intégrité, et qui leur a laissé pour toute fortune la maison dont il s’agit, située à Bruxelles, près du Manége, et incendiés avec celui-ci par les Hollandais dans les journées de septembre ; la perte fut évaluée à 17 mille fr.
Il paraît que le gouvernement a dans le temps reconnu lui-même l’urgence de venir au secours des pétitionnaires ; la commission pense qu’il y a lieu de les faire au moins participer au secours de 300,000 fr. alloué récemment au budget de l’intérieur.
M. Legrelle. - Je ne saurais adopter les conclusions de la commission tendant au renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, avec demande d’explications. On ne peut demander des explications alors que M. le ministre n’a pas eu encore à statuer sur l’objet de la pétition. Je suppose que les héritiers d’une personne qui a droit à l’indemnité de 300 mille francs accordée récemment par la chambre aient droit à prétendre à ce secours, par suite de leur état nécessiteux. Ils n’auront qu’à s’adresser à M. le ministre de l’intérieur. Une demande d’explications actuellement serait intempestive. Je ferai remarquer en outre que si la chambre adoptait à cet égard les conclusions de la commission, nous serions assaillis d’une foule de pétitions de la même nature.
Et ce que nous aurions fait pour l’une, nous serions obligés de le faire pour toutes. Je demande la division des conclusions de la commission.
Je ne terminerai pas sans rappeler à la chambre qu’il est nécessaire que la commission nommée à l’effet d’examiner la question des indemnités dues aux victimes de la guerre et de l’invasion hollandaise, fasse promptement son rapport. Je ferai remarquer que l’honorable M. de Brouckere, en votant la somme de 300,000 fr., accordée au budget de l’intérieur aux victimes les plus nécessiteuses, a ajouté, comme réserve à son vote, qu’il entendait que la commission des indemnités décidât promptement la question. J’ai partagé cette opinion et j’en renouvelle l’expression à la chambre.
M. Pollénus. - Je ne puis partager l’opinion de l’honorable M. Legrelle. Je dirai quelques mots pour motiver celle de la commission.
L’honorable M. Legrelle pense qu’il est impossible de demander des explications à M. le ministre de l’intérieur attendu qu’il n’a pas pu connaître l’objet de la réclamation. Si j’ai bien compris l’analyse de la pétition, il en résulterait que la demande dont il s’agit a été adressée à plusieurs reprises à M. le ministre de l’intérieur, de sorte qu’il n’est pas exact de dire que M. le ministre n’en a pas eu connaissance.
M. Legrelle. - Je demande la parole.
M. Pollénus. - Dans cet état de choses, je crois qu’il est convenable d’inviter M. le ministre de l’intérieur à donner des explications sur la pétition.
Je crois qu’il ne peut pas être inutile de demander ces explications, afin que la chambre connaisse d’après quelle base le gouvernement entend procéder dans la répartition du secours de 300,000 fr. Le gouvernement, si je suis bien informé, se contente d’adresser une somme aux autorités provinciales qui en confient la distribution aux autorités locales. Ce mode de distribution n’a pas eu l’approbation de tout le monde. Je pourrais même citer des cas où elle a été qualifiée d’injuste.
Je m’en abstiendrai parce que, dans les discussions d’intérêt général, je n’aime pas à entretenir la chambre de détails. J’appuie donc la demande d’explications. Ignorant les bases sur lesquelles le gouvernement établira la répartition du fonds de 300,000 alloué par la législature, j’espère que cette demande d’explications aura pour résultat de nous les faire connaître.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je prierai de nouveau M. le rapporteur de vouloir bien me dire les motifs qui ont engagé la commission à demander des explications à M. le ministre de l’intérieur.
M. Doignon, rapporteur. - La commission a pensé que les pétitionnaires devaient être compris dans la répartition du fonds de secours. Elle a voulu savoir les motifs qui ont déterminé M. le ministre de l’intérieur à adopter une autre manière de voir.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Cette pétition est du 25 novembre 1834. S’il y a eu des réclamations adressées à M. le ministre de l’intérieur antérieurement à cette date, elles reculent le moment où le gouvernement a pu s’en occuper à une époque où il n’avait pas à sa disposition les sommes dont tout récemment la chambre a ordonné la distribution à titre de secours entre les personnes nécessiteuses qui ont souffert le plus par suite des ravages de la guerre et de l’invasion hollandaise. Je ne sais même pas si le travail de répartition, qui ne pouvait être fait à cette époque, est commencé à l’heure qu’il est.
Si nous demandons des explications à M. le ministre de l’intérieur, il semblera que la chambre admet plus ou moins le fondement des réclamations qui lui ont été adressées. Que l’on renvoie la pétition à M. le ministre de l’intérieur, je le comprends. Mais une demande d’explications a quelque chose de grave. Il faut en réserver l’application pour le cas où la chambre croirait que le pétitionnaire aurait à se plaindre d’une décision du gouvernement.
M. Legrelle. - L’honorable M. Pollénus a argumenté sur un fondement peu solide. J’ai dit que M. le ministre de l’intérieur n’avait pas eu à statuer sur l’objet de la pétition, attendu que le fonds de 300,000 fr. venait d’être alloué.
Si les héritiers pétitionnaires sont réellement dans le besoin, ils seront portés sur la liste des personnes admises à participer au fonds de secours. Seulement je ferai observer qu’il y a une différence entre les héritiers d’une personne victime de la guerre et la personne elle-même. Il s’agit de savoir s’ils sont devenus pauvres par l’effet de l’invasion ou du bombardement. Ce ne sont pas eux qui ont directement souffert, mais l’individu dont ils ont hérité. Il y a donc un motif de plus pour rejeter la demande d’explications.
Si je la repousse, c’est qu’elle doit être basée sur un grief et qu’ici il y a impossibilité qu’il y en ait puisque, je le répète, M. le ministre de l’intérieur n’a pas encore distribué le fonds de secours.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je n’ajouterai que quelques mots. La demande d’explications est d’autant moins admissible qu’il n’est pas certain, de l’aveu même de M. le rapporteur, que des réclamations aient été faites à M. le ministre de l’intérieur pour que la demande d’explications fût fondée. Il faudrait que l’on fût sûr que des réclamations out été adressées et n’ont pas été écoutées.
M. Rogier. - Je crois aussi qu’il est inopportun de demander à M. le ministre de l’intérieur des explications sur des faits qui ne sont pas à sa connaissance.
J’ai demandé la parole pour réfuter, en ce qui concerne l’ancienne administration, ce qu’a dit un honorable préopinant au sujet de l’injustice avec laquelle on aurait procédé à la répartition du fonds de secours pour les victimes de la guerre.
Quant à moi, je dois déclarer que cette répartition a été faite avec une attention scrupuleuse de la part du gouvernement, même pour des sommes de 25 et 30 francs. Le gouvernement s’est entouré de toutes les lumières auxquelles il a pu recourir. Il peut y avoir eu des erreurs. Mais il n’y a pas eu une seule injustice véritable dans la répartition des faibles sommes mises à la disposition du gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Rien n’est plus vrai.
M. Rogier. - Malgré la répugnance de M. Pollénus à entretenir la chambre de détails personnels, je provoquerai avec plaisir de la part de cet honorable membre des explications sur les injustices qui auraient été commises par le gouvernement. Je suis persuadé que la marche suivie par la précédente administration a été maintenue par la nouvelle.
Je me rallie au rappel fait par l’honorable M. Legrelle, du projet de loi sur les indemnités. Je rappellerai également une loi sur les pensions civiques. Il serait temps que l’on prît une décision à cet égard. J’engage M. le président à presser le rapport de ces deux lois.
M. le président. - Chaque jour la section centrale se réunit à 10 heures, 10 heures et demie du matin, et examine jusqu’à l’ouverture de la séance le travail des sections. Il n’y a donc pas de reproches à faire à la section centrale. Elle fait tout ce qu’il est possible de faire.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur est adopté.
La demande d’explications n’est pas admise.
M. Doignon, rapporteur. - « Par pétition en date du 8 décembre 1834, le sieur de Roy, ex-sous-lieutenant au 6ème régiment, né à Amsterdam, demande la naturalisation. »
« Par pétition du 9 décembre 1834, M. Verdhurt, commis de deuxième classe des accises, à Beveren, né Français, demande la naturalisation. »
« Par pétition du 24 janvier 1835, le sieur Maurice Oppenheim, négociant, né à Francfort, demande la naturalisation. »
« Par pétition du 23 décembre 1834, le sieur Castinel, né Français, domicilié à Bruxelles, demande la naturalisation. »
Renvoi au ministre de la justice de ces quatre pétitions.
La législature peut seule accorder la naturalisation mais en attendait que la loi en projet soit adoptée par les chambres, la commission pense qu’il y a lieu de renvoyer au ministre de la justice les pétitions de cette catégorie, afin de les instruire pour les soumettre, s’il y a lieu, à la législature après l’adoption de cette loi.
M. Verdussen. - Je crois qu’un grand nombre de pétitions ayant pour objet de demander la naturalisation ont été déposées au bureau des renseignements jusqu’à ce qu’on ait nommé une commission pour faire un travail général sur cette matière. Je demanderai que les pétitions dont on vient de faire le rapport y soient également déposées, pour qu’on ne suive qu’une seule marche pour des choses absolument identiques.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je pense que le dépôt n’aurait aucun effet utile. Le renvoi a cet avantage que le ministre instruit les demandes. De cette manière, quand la chambre aura à s’occuper de cet objet, le travail sera tout préparé.
Je saisis cette occasion pour faire connaître à ceux qui adressent des demandes de naturalisation au ministre de la justice, que ce n’est pas au gouvernement qu’il appartient de les accorder. J’ai cru devoir faire cette déclaration, parce qu’à chaque instant on revient à la charge comme s’il dépendait du ministre de la justice d’accorder des lettres de naturalisation.
M. Verdussen. - Si M. le ministre de la justice veut instruire les demandes de naturalisation, je l’engagerai à demander qu’on lui donne connaissance de celles dont le dépôt au bureau des renseignements a été ordonné ; sans cela son travail serait incomplet.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Ce n’est pas dans un intérêt de curiosité ni par un motif personnel que j’ai présenté mon observation, mais dans l’intérêt des pétitionnaires. Le travail sera plus avancé, et il pourra plus tôt être satisfait à leur demande. Si la chambre ordonnait le renvoi au ministre des demandes de naturalisation dont le dépôt au bureau des renseignements a été antérieurement adopté, je ne m’y opposerais pas ; mais je ne les réclamerais pas, car ce serait me créer un travail de plus.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
Le dépôt au bureau des renseignements n’est pas adopté.
M. Smits. - Je demande par motion d’ordre que toutes les pièces relatives à l’obtention de lettres de naturalisation déposées au bureau des renseignements soient renvoyées au ministre de la justice, pour qu’il les fasse instruire.
M. Gendebien. - Je ne sais pas trop si on peut renvoyer au ministre de la justice les demandes, c’est à la chambre qu’il appartient de délivrer les lettres de naturalisation.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Ce n’est que pour instruire ces demandes afin de préparer les travaux de la chambre.
M. Gendebien. - Si ce renvoi ne préjuge rien, nous sommes d’accord.
- La proposition de M. Smits est mise aux voix et adoptée.
M. Doignon, rapporteur. - « Le sieur Leroux, ancien docteur en droit et magistrat, adresse à la chambre un premier cahier d’observations sur le projet de révision du code pénal. »
« Par pétition du même, en date du 17 décembre 1834, il adresse à la chambre un deuxième cahier d’observations sur le même projet. »
La commission propose le renvoi au ministre de la justice et au bureau des renseignements.
Les deux cahiers d’observations de M. Leroux sur la révision du code pénal ont paru à la commission contenir des vues et des réflexions utiles, qui méritent de fixer l’attention du législateur.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Doignon, rapporteur. - « Par pétition du 16 juillet 1834, plusieurs bateliers de Tournay proposent un nouveau mode de perception du droit de patente sur les bateaux. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances et au bureau des renseignements.
Il a été fait droit en partie sur la pétition de ces bateliers par la disposition insérée dans la loi des voies et moyens qui accorde une réduction sur le droit de patente par chaque fois 30 jours pendant lesquels les bateaux demeureront inactifs : comme la pétition renferme quelques vues utiles, on a proposé le renvoi au ministre.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Doignon, rapporteur. - « Par pétition non datée, le sieur Dufetel, batelier, marchand de charbon à Maubray (Hainaut), demande que la chambre autorise la vente publique d’un terrain situé près du pont de Marly (canal d’Antoing),et qu’il soit divisé en deux lots égaux. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances.
Il paraît que ce terrain est sans utilité pour l’Etat et qu’il en obtiendrait un grand prix.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Doignon, rapporteur. - « Par pétition du 20 novembre 1834, le sieur Elskens, dit Borremans, ex-colonel au 1er régiment de chasseurs à pied, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir sa réhabilitation ou au moins déclarer par voie d’interprétation ou autrement, que les arrêts de la haute cour militaire soient soumis au recours en cassation. »
Conclusion : renvoi aux ministres de la guerre et de la justice et au bureau des renseignements.
La réclamation du sieur Borremans a deux objets distincts.
D’abord il demande la révision de son procès, et qu’au besoin on porte une loi pour ouvrir ce recours en cassation contre les arrêts de la haute cour militaire.
« L’esprit de nos institutions, dit-il, s’oppose à ce que l’innocent reste accablé sous le poids d’une injuste sentence. Les dispositions constitutives de la haute cour militaire ne peuvent survivre au texte et à l’esprit de la constitution en ce qui concerne les moyens de rectifier les erreurs de la justice ; la voie de la cassation est ouverte pour toutes les juridictions, pourquoi n’en serait-il pas de même pour la juridiction militaire ?
Le recours en cassation contre un arrêt de la haute cour militaire est devenu d’autant plus indispensable, qu’aux termes de la dépêche adressée au président de la haute cour militaire, en date du 28 avril 1831, le régent a reconnu et proclamé que la constitution ne permettait plus au pouvoir exécutif de modifier, et en quelque façon de réviser les arrêts de la haute cour. Cependant, aux termes de l’article 77 du règlement de la haute cour militaire, l’approbation royale tenait lieu de la juridiction de la cassation qui manquait au code de procédure militaire. »
Il semblerait donc qu’il y a aujourd’hui une lacune à l’égard des violations ou fausses interprétations de la loi qui seraient commises par la haute cour elle-même. Précédemment le pouvoir royal offrait à cet égard quelque garantie dans la sanction qu’il devait donner aux arrêts de la haute cour. Mais, sous le régime actuel, le gouvernement, paraît-il, n’a plus ce droit, puisque le Roi n’a d’autre pouvoir que celui que lui donne la constitution ou les lois faites en conséquence.
En second lieu, le sieur Borremans soutient que c’est injustement qu’on l’a rayé des contrôles de l’armée et privé de son grade. Sur ce point, M. le ministre de la guerre a adressé à la chambre des explications dont il importe de lui donner connaissance, afin qu’elle puisse apprécier l’arrêté du régent du 3 mai 1831 qui lui a ôté son grade et son traitement.
« Explications données par M. le ministre directeur de la guerre, sur la pétition de l’ex-colonel Elskens, dit Borremans, du chef de l’arrêté qui le prive de son grade et de son traitement.
« La pétition de l’ex-colonel Borremans, sous le n°245, m’a été renvoyée, en date du 5 mai, avec demande d’explications.
« Je soumets à la chambre les développements suivants pour lui faire connaître la manière dont cette question a été envisagée par le gouvernement.
« Un jugement de la haute cour militaire, en date du 25 avril 1831, condamna à cinq ans d’emprisonnement le colonel Borremans, commandant le premier régiment de chasseurs à pied, comme coupable de n’avoir point révélé, dans le délai voulu par la loi, un complot tendant à renverser le gouvernement alors établi en Belgique, et d’avoir accepté une somme d’argent, à lui offerte pour participer à ce complot.
« Le jour du prononcé du jugement, le 3 mai suivant, le gouvernement du régent prit un arrêté motivé, pour faire rayer des contrôles de l’armée le sieur Elskens, dit Borremans.
« Comme l’a déclaré votre honorable rapporteur, il n’y a point ici à apprécier le jugement en lui-même : il a été rendu en dernier ressort, c’est un fait accompli, et respect est dû à la chose jugée.
« Ce dont il s’agit est seulement de savoir si, le jugement rendu, le gouvernement avait le droit de rayer des contrôles de l’armée le colonel Borremans, condamné à cinq ans d’emprisonnement et à deux années de détention en sus.
« Nous allons examiner cette question sous deux rapports : celui de la légalité et celui des devoirs qu’imposaient au gouvernement les circonstances où se trouvait le pays.
« Nous déclarons d’abord que, dans notre pensée, le gouvernement en cela n’a point outrepassé ses pouvoirs, et nous allons chercher à l’établir.
« Nous répondrons d’abord à une objection qui a été faite par le pétitionnaire et qui nous paraît en dehors du vrai point de la difficulté, que, le jugement n’ayant point prononcé la déchéance du rang militaire, le gouvernement, par cela même, ne pouvait la prononcer et réviser ainsi le jugement pour en accroître la sévérité.
« Le code pénal civil et le code pénal militaire établissent que le militaire qui a encouru des peines infamantes doit encourir en outre la dégradation.
« Mais la peine de l’emprisonnement prononcée contre le colonel Borremans n’étant point réputée infamante, la déchéance n’avait pas lieu de plein droit.
« Le code pénal militaire contient en outre un article 21, qui établit qu’il y aura encore dégradation prononcée contre le militaire qui aura encouru une peine qui, d’après les principes militaires, le rendrait inhabile à rester au service.
« Or, la haute cour militaire d’Utrecht avait posé, par sa jurisprudence, qu’en vertu de cet article, la déchéance du rang militaire pouvait être prononcée par un délit non puni d’une peine infamante. Toutefois cette interprétation n’ayant pas été admise par la haute cour militaire belge, elle ne fit point usage de cet article 21 contre l’ex-colonel Borremans, et ne prononça point sa déchéance.
« Mais de ce que la haute cour crut ne pouvoir infliger cette peine, en résulte-t-il que le gouvernement dût se croire dans la même impuissance ? C’est ce que nous ne pensons pas.
« En effet, l’article 124 de la constitution porte : « Les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi. »
« Quand la loi indiquée par la constitution sera faite, bien certainement elle autorisera la privation du grade pour des actes de la vie militaire qui ne sauraient être soumis à l’appréciation des tribunaux existants : cette peine pourra donc être prononcée sans l’intervention, ou même après l’intervention de ces tribunaux, qui ne jugent les faits que comme atteinte à l’ordre public et non comme atteinte à l’honneur militaire.
« Ainsi le code pénal civil et le code pénal militaire règlent bien en quels cas les tribunaux sont obligés de prononcer la dégradation comme supplément à leur sentence, mais n’établissent pas que, dans ces cas seulement, la révocation pourra être reconnue ; et la preuve en est que ces codes coexistaient sous l’ancien gouvernement avec la loi fondamentale qui laissait au Roi la faculté illimitée de rayer les officiers des contrôles de l’armée.
« La question se réduit donc réellement à celle de savoir si le gouvernement avait le droit de prononcer la révocation d’un officier, depuis la promulgation de la constitution.
« Examinons quel est le but de l’article 124 de la constitution que nous avons cité plus haut :
« Empêcher que l’arbitraire ne disposât de l’existence des officiers et que, pour des actes répréhensibles aux yeux du pouvoir seul, ils ne fussent plus exposés à perdre le fruit de leurs travaux ;
« Par conséquent faire établir par la loi les règles à suivre pour arriver à priver un officier de son état, règles qui n’existaient point.
« Le sens de l’article de la constitution n’est point que la privation de grade ne pourra avoir lieu que dans les cas prévus par les deux codes cités, mais bien au contraire qu’elle devra être régularisée dans sa forme pour les cas non prévus par ces codes.
« La constitution signale donc une loi à intervenir.
« Cette loi, le gouvernement l’a préparée, et vos nombreux travaux l’ont seuls empêché de la soumettre jusqu’ici à votre discussion.
« Cette loi remplira le vide signalé par la constitution dans la législation militaire ; elle sera un bienfait pour l’armée dont elle assurera les droits, et pour le gouvernement qu’elle mettra à l’abri d’être accusé d’arbitraire dans les actes de cette nature.
« Mais le gouvernement du régent avait-il le droit de priver un officier de son grade, depuis la promulgation de la constitution et avant celle de la loi du 21 septembre qui spécifie les cas où ce pouvoir était laissé an gouvernement ? C’est ce que l’on croit pouvoir soutenir.
« Déjà en plusieurs circonstances les chambres et les tribunaux ont confirmé cette opinion que les principes posés par la constitution n’anéantissaient la législation antérieure que lorsqu’elle était en opposition directe, manifeste, avec les principes ; que dans les autres cas, ils imposaient seulement le devoir de modifier, dans le plus bref délai possible, cette législation, qui conserve son action jusqu’à l’époque où les nouvelles règles sont formulées en lois.
« Ce système nous paraît le seul propre à ne pas entraver la marche du gouvernement, et il a été adopté par la chambre, lors de l’organisation judiciaire, nonobstant le texte de l’article 100 de la constitution.
« Ainsi, dans la circonstance qui nous occupe, la loi fondamentale donnant au Roi la collation des grades militaires et le commandement de l’armée, l’acte du régent n’a été que la conséquence de ces principes.
« Ce pouvoir illimité laissé au chef du gouvernement, pouvant donner naissance à des abus, la constitution a sagement établi qu’il devrait être restreint.
« Mais un abus non moins grand serait que le pouvoir exécutif n’eût point une action prompte, étendue, énergique sur l’armée. Cependant c’est ce qui arriverait si l’action du gouvernement était suspendue jusqu’à la promulgation de la loi à intervenir.
« Les mêmes inconvénients ne sauraient résulter de ce que le gouverneraient soit reconnu, comme le gouvernement précédent en possession du droit de révocation ; car, avec la liberté de la presse et le contrôle des chambres, l’arbitraire ne saurait se produire impunément.
« Une seule objection paraît fondée au premier abord contre ce système, c’est la présentation de la loi du 22 septembre 1831, puisque, dit-on, le gouvernement a demandé l’autorisation de pouvoir priver des officiers de leur état, en certains cas déterminés, il ne se regardait donc point en possession de ce pouvoir.
« L’objection en réalité ne fait que venir à l’appui du système développé ci-dessus : il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter au considérant de la loi présentée, dans lequel il est dit que, les indications des règlements pour la privation du grade étant trop vagues, le gouvernement désire les voir préciser par une loi.
« Cet énoncé prouve donc clairement que le gouvernement se considérait comme autorisé à appliquer les règlements anciens et qu’ayant de nombreuses applications à faire, précisément pour des faits d’honneur militaire, dont l’appréciation est la plus délicate, il voulait être armé d’une loi nouvelle pour que l’effet des mesures qu’il allait prendre ne fût pas détruit en partie par les réclamations, contre l’arbitraire de sa conduite, qui n’auraient pas manqué de s’élever dans le cas contraire.
« Nous croyons donc que l’esprit de nos lois, comme les précédents en d’autres matières, autorisent à considérer l’arrêté du régent, en date du 3 mai 1831, comme légal et non susceptible d’être rapporté.
« Si nous envisageons maintenant la question sous le rapport des devoirs qu’imposaient au gouvernement les circonstances graves où se trouvait le pays, nous y puiserons de nouvelles considérations à l’appui de l’acte contre lequel on réclame.
« Le gouvernement pouvait-il, d’après le texte du jugement et la nature des faits qui le motivent, garder au service et solder aux frais du pays un officier revêtu d’un haut grade dans l’armée, et qui, appelé à défendre la patrie, ne révèle pas, c’est-à-dire, laissa s’organiser un complot dont le but est le renversement du gouvernement établi par le voeu du pays ou devait-il recourir à une mesure que les anciens règlements lui permettaient d’appliquer ? Dans cette alternative, pouvait-il hésiter écarter des rangs de l’armée un chef qui ne pouvait plus inspirer de confiance, dont la présence pouvait devenir un sujet de troubles et de réactions, et qui avait encouru au plus haut degré la réprobation de l’armée et du pays ?
« Il y avait opportunité, nous dirons même nécessité, de donner un exempte que réclamaient impérieusement l’honneur de l’armée et le maintien de l’ordre et de la discipline. En se reportant pour un instant aux temps difficiles où cette mesure fut prise, on sent que le pouvoir ne pouvait, sous peine de se voir déborder par l’exaspération des masses ou d’encourager de nouvelles trames par une coupable indulgence, conserver au colonel Borremans son rang dans l’armée, pendant et après la détention à laquelle il avait été condamné.
« Il fallut donc, par l’absence de la loi prévue et annoncée par la constitution, recourir aux précédents de l’ancienne législation et reconnaître que le gouvernement restait investi de tous les pouvoirs que les règlements accordaient aux gouvernements qui l’avaient précédé, jusqu’à ce qu’une loi nouvelle, remplaçant celles que la constitution voulait détruire, eût fixé d’une manière immuable et les attributions du pouvoir et les droits des officiers.
« C’est en se basant sur ces principes, qui acquièrent une force nouvelle, et des circonstances de l’époque, et du caractère de chef militaire dont était revêtu le colonel Borremans, caractère dont l’honneur et la considération doivent être inséparables, que le gouvernement du régent n’a pas hésité à prononcer sa radiation des cadres de l’armée, comme ayant forfait au premier de ses devoirs : obéissant en cela à ce que commandaient l’honneur national, la discipline militaire et l’opinion publique fortement prononcée.
« Le projet de loi qui va vous être soumis, décide le cas dont il est question et la manière dont il doit être jugé.
« Le gouvernement pense que les choses doivent rester en l’état où elles sont jusqu’à l’adoption de ce projet. Ce sera seulement alors qu’il sera possible d’assigner une position définitive au sieur Borremans, et de liquider, s’il y a lieu, ses droits à un traitement de réforme.
« Bruxelles, le 6 juin 1834.
« Le ministre directeur de la guerre, baron Evain. »
Il résulte des explications de M. le ministre que le régent, en ordonnant de rayer le sieur Borremans des contrôles de l’armée, aurait usé du droit illimité que l’ancienne loi fondamentale conférait au gouvernement de révoquer et de dégrader un officier de l’armée ; mais il est difficile de croire que ce droit illimité ait continué de subsister en présence de notre nouvelle constitution qui, tout en abolissant formellement la loi fondamentale des Pays-Bas, statue en cette matière que les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions, que de la manière déterminée par la loi, et que nulle peine ne peut être établie qu’en vertu de la loi.
Il me semble qu’aux termes mêmes du code pénal militaire, la déchéance de tout grade n’aurait pu être prononcée que par le même arrêt de la haute cour qui a condamné le sieur Borremans. Or, cette cour elle-même n’a pas cru qu’elle pouvait appliquer semblable peine.
L’arrêté du régent du 3 mai ne fait aucune mention de la loi ou de l’arrêté qui l’aurait autorisé à porter cette peine.
La loi du 22 septembre 1831, postérieure au délit, ne pouvait recevoir son application au cas actuel.
La commission a donc considéré comme très grave la question de légalité. Elle a donc cru devoir se borner à rapporter sous les yeux de la chambre les raisons pour et contre sans prendre elle-même aucune décision sur cette question. Toutefois, elle exprime le regret de ce qu’il n’existait dans la législation aucune disposition claire et précise pour priver de tout grade et traitement un militaire qui s’est rendu coupable d’un crime tel que celui pour lequel le sieur Borremans a été condamné. L’honneur de l’armée et la discipline militaire ne permettent évidemment pas qu’on puisse tolérer dans ses rangs la présence d’un militaire ainsi flétri par un arrêt de condamnation qui est passé en force de chose jugée. Le sieur Borremans se plaint amèrement de ce que la justice aurait épargné dans cette circonstance les plus grands coupables. Mais l’indulgence qu'on aurait eue pour ces derniers ne change rien à sa position actuelle.
M. Gendebien. - Messieurs, je crois qu’il m’appartient surtout de prendre ici la défense de Borremans, puisque je n’ai pas peu contribué à le faire arrêter dans le temps. Oui, messieurs, je suis un des principaux auteurs de l’arrestation de Borremans. Si tous les coupables du mois de mars 1831 avaient été arrêtés comme lui, jugés et condamnés comme lui, il y a bien des hommes de tout grade et de toute distinction, et à la cour et à la ville, qui seraient aujourd’hui flétris par le même arrêt.
Mon intention n’est pas de faire ici des révélations. Elles seront livrées au grand jour quand le moment sera venu ; mais je le déclare hautement, j’ai toujours dit la vérité, je n’ai jamais reculé devant une vérité, Borremans a été la victime de la rouerie diplomatique qui a perdu la Belgique, en déshonorant la révolution.
Oui, messieurs, Borremans n’a été qu’un jouet dont la diplomatie s’est servie, dont les hommes de distinction, ceux qui reçoivent aujourd’hui les plus gros traitements, les dignités les plus élevées, se sont servis, et ils se sont servis de lui de préférence, parce qu’il était moins capable de juger la portée des démarches qu’on lui faisait faire. Cependant, il est moins coupable que tous, car il a répondu à des hommes haut placés ; à des hommes qui commandaient en chef des forces supérieures, il a déclaré que jamais il ne tirerait sur le peuple, que si le peuple voulait une restauration ou une demi-restauration, il le laisserait faire.
Il a déclaré que si, comme on le lui disait, il était vrai que la garde civique voulait le prince d’Orange, il ne tirerait pas sur la garde civique et la laisserait faire. Voilà ce qu’a dit Borremans ; il s’est engagé à ne tirer ni sur la garde civique ni sur le peuple, voilà sa seule coopération, voilà son seul crime. Je sais pertinemment les faits et je les ferai imprimer un jour : il fallait une victime, ce fut Borremans qui fut choisi ; mille promesses lui furent faites pour l’engager au silence, et ceux qui avaient fait ces promesses l’ont lâchement abandonné ; il a été condamné pour eux, et il aurait pu les faire condamner tous et se faire absoudre probablement.
Borremans a été condamné à cinq ans d’emprisonnement ; mais la haute cour n’a pas prononcé la déchéance du grade, et d’après un article du code dont je ne pourrai citer les expressions exactes parce que je ne m’attendais pas à ce qu’on s’occupât de cette pétition aujourd’hui ; d’après un article du code, dis-je, il est dit que la déchéance doit être prononcée par la haute cour et dans le même arrêt qui prononce la condamnation. Le texte de cet article est très formel.
La haute cour n’a pas prononcé la déchéance, et le régent a cru pouvoir faire ce que la haute cour n’avait pas fait.
Vous savez que d’après l’ancien code militaire, il y avait une révision appartenant au Roi pour tous les arrêts de la haute cour, dans le but de remplacer le pourvoi en cassation. Le Roi ne pouvait jamais aggraver la peine, il avait le droit de la diminuer et même de l’abolir. Le régent ne crut pouvoir user de cette prérogative parce qu’il considéra l’ordre judiciaire comme indépendant du pouvoir exécutif ; et en cela-il avait raison. Mais cependant puisqu’aucune loi n’avait remplacé la révision ou la cassation, cette faculté devait subsister en faveur du condamné, d’autant plus que le délit de Borremans était antérieur à la promulgation de la constitution ; car ce n’est pas pour la conspiration du mois de mars qu’il fut mis en accusation, mais pour l’affaire de Grégoire ; ce n’est qu’à l’occasion des désordres du mois de mars qu’il fut arrêté.
On n’a pas osé parler de la conspiration du mois de mars, parce que certaines personnes haut placées se seraient trouvées compromises. On a préféré rapporter son arrestation du 25 mars aux événements du 2 février 1831. Le fait était donc antérieur à la constitution qui fut promulguée le 24 février. La révision au Roi était donc toute favorable à Borremans, et il était possible que le régent pût en connaître : dans tous les cas, le régent ne pouvait aggraver la peine.
Je ne comprends pas comment le régent, usant d’un droit aboli par la constitution, a pu prendre sur lui d’aggraver la peine portée contre Borremans, alors qu’il déclare qu’il ne peut user de la révision en raison de cette même constitution. Je ne sais comment le régent et ses ministres n’ont pas vu dans ce fait une contradiction flagrante.
Borremans se présente de nouveau devant vous. Je crois que, dans l’état de choses actuel, il est bien difficile que la législature puisse connaître efficacement de sa réclamation et lui rendre pleine justice, puisqu’il demande un degré de juridiction que vous ne pouvez établir qu’en vertu d’une loi qui ne peut pas être appliquée sans rétroactivité, si ce n’est par forme d’interprétation. Mais il nous reste à examiner jusqu’à quel point est légal l’arrêté du régent qui a privé Borremans de son grade. Je suis convaincu, quant à moi, de son illégalité, et j’ai la persuasion que, devant les tribunaux, Borremans aurait gain de cause, s’il attaquait le ministre de la guerre pour paiement de sa solde arriérée, il gagnerait à coup sûr. Voilà ce que je conseillerais de faire à Borremans.
Maintenant voulez-vous éviter un scandale, renvoyez la pétition au ministre et qu’il ordonnance un paiement sur le pied que la loi autorise ; on évitera ainsi un scandale public, car sans cela il est certain que Borremans saisira toutes les occasions de se justifier et s’empressera de prouver qu’il y a des coupables plus haut que lui placés, sous l’influence desquels il a agi et dont il ferait connaître les noms. Je demande pardon à la chambre d’avoir été diffus dans cette question qui n’était pas à l’ordre du jour. En résumé, je pense que l’arrêté du régent doit être considéré comme nul et illégal. Je pense que Borremans est en droit de se pourvoir devant les tribunaux et qu’il obtiendrait gain de cause.
Que les ministres fassent donc ce que feraient les tribunaux.
Quant à la révision, il est certain que nous sommes sous l’empire d’une loi qui n’admet pas de cassation. Je crois qu’il serait bien dans l’intérêt général que la chambre décidât qu’il n’y a pas d’inconvénients à ouvrir par voie d’interprétation un recours en cassation. Veuillez remarquer qu’un militaire au-dessous du grade de capitaine a deux degrés de juridiction, tandis qu’au-dessus il n’en a plus qu’un. Je crois donc qu’il y a lieu de méditer sérieusement sur la pétition qui vous est soumise en ce moment.
Je dois déclarer, itérativement que je regarde Borremans comme victime de la rouerie diplomatique, et qu’il à endurer une condamnation pour un fait auquel ont pris part des hommes très honorés, très recherchés aujourd’hui à la cour. Je m’abstiendrai d’en dire davantage, car je craindrais d’aller trop loin.
M. de Brouckere. - La pétition dont il s’agit est très importante, et je crois qu’on devrait prier M. le ministre de la guerre d’être présent à cette discussion.
M. F. de Mérode. - Il ne dirait pas autre chose que ce qu’on vient de lire.
M. de Brouckere. - M. le ministre de la guerre a donné des explications, mais qui ne justifient en rien l’arrêté du régent qui, selon moi, est entaché de la plus palpable inconstitutionnalité, et je mets en fait que mon opinion est partagée non seulement par des jurisconsultes, mais par tous les hommes qui se sont quelque peu occupés de l’étude des lois.
Le ministre a employé beaucoup de phrases pour défendre cet arrêté. Je suppose que c’est un acte de courtoisie pour ceux qui l’ont fait rendre. Si les circonstances d’alors ont forcé le gouvernement à des mesures extralégales, aujourd’hui que ces circonstances n’existent plus, on pourrait, ce me semble, réparer ce qu’elles ont causé. Faut-il rendre à Borremans son grade ? faut-il le réintégrer dans les cadres de l’armée ? Ce sont des questions que je ne voudrais pas voir examiner aujourd’hui par la chambre.
Car Borremans a été victime. Qu’il ait commis des fautes, qu’il soit reprochable sous certains rapports, cela est possible ; mais on a été injuste envers lui ; il y a une inconstitutionnalité à sa charge.
On dit : « Mais que voulez-vous que fasse le ministre ? Il ne pourra que reproduire ce qui se trouve déjà dans son rapport. » Je demande alors à quoi aboutira le renvoi au ministre de la guerre ; le ministre persistera dans le rapport qu’il a fait ; et Borremans en sera pour sa pétition qui ne l’aura conduit à rien.
Ce que je voudrais, c’est que l’on prévînt des poursuites devant les tribunaux, des publications dont tout le monde ne se trouverait pas bien.
Je voudrais qu’un ministre quel qu’il fût se levât, et promît que l’affaire de Borremans sera l’objet d’un examen spécial.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est facile de comprendre que la question est très délicate ; je ne dirai que deux mots pour le prouver, c’est que si l’on admettait la demande des pétitionnaires, une infinité de demandes analogues surgiraient à l’instant. Par exemple, Ernest Grégoire, quand il lui plairait de revenir en Belgique, aurait droit de réclamer l’arriéré de son traitement ; il a été acquitté, lui, par la cour de Bruxelles ; si donc vous reconnaissez les droits de Borremans, a fortiori faudrait-il reconnaître ceux d’Ernest Grégoire.
Il est peut-être à regretter en ce moment qu’il semble y avoir lacune, soit dans l’arrêt contre le sieur Borremans, soit dans la loi militaire, en ce que traitements, grades et honneurs ne sont pas nettement enlevés au pétitionnaire : voilà la difficulté. Aussi je trouve que la question est très délicate, et je suis loin de dire qu’il n’y a pas lieu de l’examiner de nouveau. Il est possible que M. le ministre de la guerre veuille bien revoir l’affaire, mais soyez certains qu’il ne fera que ce qu’il convient de faire dans l’intérêt politique du pays.
M. de Brouckere. - Je ferai remarquer que je n’ai nullement parlé des droits qu’aurait Borremans à exiger l’arriéré de sa solde. Ainsi ce n’est pas à moi que M. le ministre a répondu, quand il a parlé de Grégoire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondais à M. Gendebien.
M. Gendebien. - Je demande la parole.
M. de Brouckere. - L’honorable M. Gendebien répondra sur ce point. Quant à moi j’ai dit seulement que l’arrêté du 3 mars 1831 était inconstitutionnel, qu’il est impossible de le justifier sinon en alléguant les circonstances extraordinaires où l’on se trouvait au moment de l’arrêté, circonstances qui n’existent plus. En ai-je tiré la conséquence qu’il faudrait revenir sur cet arrêté ? : Non ; je n’ai indiqué aucun moyen ; J’ai demandé seulement qu’un ministre se lève et promette que la pétition sera examinée par le gouvernement, que le gouvernement en fera l’objet d’un sérieux examen. Est-ce donc demander beaucoup ?
M. le ministre des finances vient de dire que la question était très délicate et qu’il pensait que le ministre de la guerre l’examinerait. Mais il ne suffit pas que le ministre de la guerre l’examine ; il faudrait que cette question fût examinée par le conseil des ministres, s’il y a un conseil des ministres, ce dont je doute ; par le gouvernement, si nous avons un gouvernement, ce dont je doute encore, d’après ce qui se passe depuis 4 ans. Je vois bien quatre ou cinq administrateurs, quatre ou cinq hommes placés à la tête des diverses branches de l’administration ; mais le gouvernement, je ne le vois nulle part ; le conseil, je ne le connais pas.
S’il y a un conseil, s’il y a un gouvernement, il doit examiner cette affaire, parce qu’elle est très grave, comme l’a fait pressentir M. le ministre des finances.
Il est impossible que le gouvernement prenne une mesure générale : il aurait lieu de s’en repentir, parce qu’il en résulterait une foule de réclamations. Mais il faut, je le répète, examiner mûrement l’affaire, et après mûr examen, faire ce qui sera jugé convenable pour que justice soit rendue au pétitionnaire. Qu’un ministre prenne cet engagement, et je me déclarerai satisfait.
M. Gendebien. - Quand il s’agit d’un acte de justice, jamais on ne doit s’enquérir de ses conséquences. La justice est un devoir ; chacun doit l’accomplir, sans s’occuper de ce qui peut advenir. Ainsi ne vous effrayez pas des conséquences de l’acte de justice qu’on vous demande. De deux choses l’une : l’arrêté du régent est légal, ou il est illégal ; s’il est légal, c’est un acte de justice, c’est un devoir de le maintenir ; s’il est illégal, c’est un acte de justice, c’est un devoir d’en faire cesser les effets.
On vous a dit pour vous effrayer : « Voyez les conséquences de la réhabilitation de Borremans ; il en résultera que vous devrez aussi réhabiliter Ernest Grégoire. »
Je dis moi que la réhabilitation de Grégoire n’est pas une conséquence de celle de Borremans, parce que Grégoire doit être considéré comme déserteur, et est rayé des cadres de notre armée ; il a quitté le pays pour aller en Hollande ; qu’il soit ou non au service de la Hollande, peu importe ; ce qu’il faut considérer, c’est qu’il a quitté le pays.
Il en est de Grégoire comme de certains officiers qui ayant quitté la Belgique en mars devaient être considérés comme déserteurs ; ils sont revenus après les événements du mois d’août, et on les a replacés dans l’armée en leur donnant un grade supérieur à celui qu’ils avaient avant de quitter la Belgique. Voilà votre justice distributive ! Vous donnez des grades et de l’avancement aux hommes qui ont conspiré en mars. En général presque tous les officiers qui étaient dans ce cas ont été l’objet des faveurs et des cajoleries du gouvernement.
Au surplus, Grégoire n’a pas été acquitté, il a été absous ; la différence est grande. Il a été reconnu coupable en fait ; la chose était difficile à méconnaitre, puisqu’en plein jour il était entré à Gand , avec sa troupe armée, et qu’il y avait eu conflit.
Maintenant je ne sais pas par quelle aberration on a déclaré qu’il n’y avait pas de loi applicable, que le code pénal n’était pas applicable, parce qu’il n’y avait qu’un gouvernement provisoire.
Veuillez encore remarquer qu’il y a eu division sur la question d’absolution. Ceux qui ont voté pour l’absolution ont été récompensés depuis par le gouvernement ; ils ont été promus aux grades les plus élevés de la magistrature ; ceux qui ont reconnu l’applicabilité du code pénal n’ont pas reçu d’avancement ; (Erratum inséré au Moniteur belge n°65, du 6 mars 1835) ils ont reçu, eux, quelques centaines de francs de moins, parce que leurs traitements ont été diminués dans la nouvelle organisation judiciaire.
On s’est pourvu en cassation contre l’arrêt de la cour militaire ; je ne sais par quelle fatalité ce pourvoi a été en définitive réduit à un pourvoi dans l’intérêt de la loi. Le procureur-général s’est pourvu contre cet arrêt ; on ne pouvait plus selon moi changer ce pourvoi, et le borner à un pourvoi dans l’intérêt de la loi. Cette question pourrait être agitée longuement. Quant à moi tel est mon avis.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Les délais étaient expirés.
M. Gendebien. - Pardon, les délais n’étaient pas expirés ; le pourvoi a eu lieu dans les délais, et dans les formes ; au reste c’est là une autre affaire. Tant il y a que Grégoire s’est échappé, parce qu’on l’a bien voulu. Est-ce parce qu’il conspirait pour une royauté contre les libertés publiques ? Je serais tenté de le croire d’après ce que je vois depuis 4 ans.
Messieurs, je ne rentrerai pas dans la question, sinon pour dire un fait que j’avais oublié. Borremans avait été accusé comme complice de la conspiration de Grégoire, comme ayant reçu de l’argent. Eh bien, voici, à cet égard, ce que je sais :
Arrivant au gouvernement provisoire où nous nous réunissions tous les soirs, et y arrivant peut-être un peu plus tard que d’habitude, j’appris de deux membres du gouvernement provisoire que Borremans était venu révéler le complot de Grégoire et faire voir 6000 florins qu’il avait reçus pour tremper dans le complot. On lui dit : Mais qu’allez-vous faire de cet argent ? Je vais à Gand, répondit-il, la distribuer à ma troupe qui boira à la Belgique, à la révolution et à la liberté !,
Voilà ce qu’il dit et ce que deux ou trois de mes collègues du gouvernement provisoire m’ont dit avoir entendu. Lorsque j’arrivai, Borremans venait de sortir de l’hôtel du gouvernement provisoire. Voilà quelle est la culpabilité de Borremans.
Non, Borremans ne fut pas coupable ! Il ne fut que dupe de quelques personnes que je ne veux pas nommer, mais dont l’une demeurait à l’hôtel (Erratum inséré au Moniteur belge n°65, du 6 mars 1835) de Belle-Vue, l’autre au bas de la ville ; il y avait des intermédiaires en grand nombre ; car tout le monde conspirait en mars, excepté quelques bons patriotes qui ont sauvé la Belgique.
M. Desmet. - C’est très vrai !
M. Gendebien. - J’adjure le ministre d’examiner l’affaire. Je déclare que, s’il ne rend pas justice à Borremans, j’anticiperai la publication de mes mémoires à cet égard ; je déchirerai le voile que l’indulgence a maintenu trop longtemps sur tant d’infamies.
M. A. Rodenbach. - Je dois déclarer avec le préopinant que Borremans a été une dupe. Il n’a pas reçu seulement 6,000 fl. du prince d’Orange, il en a reçu 10,000. Il en a fait l’aveu au gouvernement provisoire ; et c’est pour avoir révélé ce qu’il savait qu’il a été nommé colonel ; il n’était que lieutenant-colonel. Plusieurs officiers compromis dans la conspiration de mars ont fui en France, puis sont revenus en Belgique où ils ont obtenu des grades supérieurs. Il est plusieurs officiers qui comme Borremans ont reçu de l’argent du prince d’Orange ; il en est qui ont reçu 30,000 fl., et qui depuis ont été nommés généraux.
On sait que Borremans a été le matin à l’hôtel de Belle-Vue voir un des meneurs ; qu’il a été de là au café de l’Amitié où se trouvaient réunis les conspirateurs ; il n’a pas révélé ces faits, et c’est un tort qu’on peut lui reprocher. Il serait difficile de réhabiliter cet homme devant l’armée puisque personne n’ignore ses relations avec les conspirateurs ; toutefois ou pourrait adoucir la rigueur de sa position, et c’est pour ce motif que j’appuie les conclusions prises par la commission.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°65, du 6 mars 1835. Remarque : le passage original est retranscrit ci-dessous en italique :) M. F. de Mérode. - Il est vrai que Borremans est venu au gouvernement provisoire faire connaître qu’il avait reçu de l’argent du prince d’Orange ; mais malheureusement pour lui ce n’était pas avant la tentative faite par Grégoire que ces aveux sortirent de sa bouche ; c’est après, car on en avait déjà reçu la nouvelle à Bruxelles, et on savait que le coup était manqué. Est-ce parce que les conspirateurs n’obtenaient aucun succès qu’il a déclaré avoir reçu de l’argent ? On ne peut le savoir. Toutefois, il a annoncé qu’il allait repartir et employer l’argent dans l’intérêt de la révolution. La troupe avait montre beaucoup de patriotisme et de zèle contre toutes les entreprises des contre-révolutionnaires, et c’est sans doute ce qui a déterminé alors Borremans à se prononcer pour d’autres intérêts que ceux du prince d’Orange. Voilà, sur les affaires de cette époque, ce que ma mémoire me rappelle.
Je ne dis pas que Borremans soit plus coupable que beaucoup d’autres : je ne veux entrer dans aucun détail sur ce point. On doit convenir qu’en ce moment l’état des choses était incertain, et que dans cette position beaucoup d’hésitations ont dû avoir lieu. Je ne veux point excuser ceux qui ont manqué de foi dans notre cause ; mais je crois qu’il ne convient pas de remuer le passé. Quoi qu’il en soit, si on peut alléger la situation du pétitionnaire, je ne pense pas qu’on puisse revenir sur l’arrêt qui l’a frappé ; Borremans a été plus malheureux que d’autres ; cependant, il n’y a pas injustice en ce qui le concerne. De ce que d’autres n’ont pas été atteints, ce n’est pas un motif pour revenir sur une affaire jugée.
(Il est vrai que Borremans est venu au gouvernement provisoire faire connaître qu’il avait reçu de l’argent du prince d’Orange ; mais malheureusement pour lui ce n’était pas avant la tentative faite par Grégoire que ces aveux sortirent de sa bouche ; c’est après, car on en avait déjà reçu la nouvelle à Bruxelles, et on savait que le coup était manqué. Est-ce parce que les conspirateurs n’obtenaient aucun succès qu’il a déclaré avoir reçu de l’argent ? On ne peut le savoir. Toutefois, il a annoncé qu’il allait repartir et employer l’argent dans l’intérêt de la révolution. La troupe avait montré beaucoup de patriotisme et de zèle contre toutes les entreprises des contre-révolutionnaires, et c’est sans doute ce qui a déterminé Borremans à servir d’autres intérêts que ceux du prince d’Orange. Voila, sur les affaires de cette époque, ce que ma mémoire me rappelle.
Je ne dis pas que Borremans soit plus coupable que beaucoup d’autres : je ne veux entrer dans aucun détail sur ce point ; il ne faut pas remuer ce qui s’est passé alors. On doit convenir qu’en ce moment l’état des choses était incertain, et que dans cette position beaucoup d’hésitations ont dû avoir lieu. Je ne veux pas blâmer ceux qui n’ont pas eu foi dans les événements ; je crois même qu’il convient de garder le silence à cet égard. Quoi qu’il en soit, ou peut alléger la situation du pétitionnaire : mais je ne crois pas qu’on puisse revenir sur l’arrêt qui l’a frappé ; Borremans a été plus malheureux que d’autres ; cependant, il n’y a pas injustice en ce qui le concerne. De ce que d’autres n’ont pas été atteints, ce n’est pas un motif pour revenir sur une affaire jugée).
Je ne m’oppose pas au renvoi proposé.
M. le président. - La commission a proposé le renvoi du mémoire au ministre de la guerre et au ministre de la justice, et en outre le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de Brouckere. - Il est quatre heures et demie.
- A ces mots, MM. les députés se lèvent et quittent leurs places.
La séance est levée.