(Moniteur belge n°42, du 11 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure moins un quart.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
L’honorable membre lit le procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
Il donne ensuite lecture des pétitions suivantes adressés à la chambre.
« Les fabricants de cotonnades et d’indiennes de Bruxelles et des environs prient la chambre de prendre des mesures eu faveur de leur industrie. »
« Le sieur Cousin Duchâteau demande que le bois scié du nord soient frappés d’un droit tel qu’ils ne puissent plus nuire aux scieries indigènes. »
« Les régences de Nivelles et Genappe et des communes composant les cantons et de Nivelles et Genappe s’opposent à la réclamation faite par les communes des cantons de Jodoigne, Perwez et Wavre, à l’effet d’obtenir la translation du tribunal de Nivelles dans la ville de Wavre. »
« Un grand nombre d’habitants du canton de Wavre et les conseils des communes de Riensart et Ohain demandent que le tribunal de Nivelles soit transféré à Wavre. »
« Même réclamation des administrations communales des cantons de Jodoigne et de Perwez. »
« Le sieur J.-T. Louvre, ancien receveur à titre onéreux des taxes municipales de Liége, renouvelle sa demande d’être admis à la pension de retraite. »
M. de Brouckere. - Parmi les pétitions dont il vient d’être donné connaissance à la chambre, il s’en trouve une qui vous est adressée par les fabricants de cotonnettes et d’indiennes de Bruxelles et des environs. Les pétitionnaires prient la chambre de vouloir bien prendre des mesures en faveur de leur industrie.
Cette pétition se rattachant a la proposition faite dernièrement par plusieurs membres de la chambre et développée par l’honorable M. Desmaisières, je prie la chambre de vouloir bien inviter la commission des pétitions à faire son rapport avant l’époque où l’on discutera la prise en considération de la proposition de M. Desmaisières.
M. de Foere. - Je prierai la chambre d’ordonner l’impression de la pétition si cette pétition est motivée : comme la question est très importante, la chambre doit réunir tous les documents propres à l’éclairer.
M. de Brouckere. - Messieurs, c’est moi qui ai déposé la pétition ; j’en ai pris connaissance, et je dois dire qu’elle ne contient pas de développements de nature à jeter des lumières sur la question. Seulement les pétitionnaires insistent sur la nécessité de prendre immédiatement des mesures pour protéger leur industrie ; ils démontrent qu’elle est menacée de mort, si la législature ne s’en occupe dans le plus bref délai. Cependant, je crois devoir appuyer la motion de l’honorable préopinant, parce que la pétition n’est pas sans intérêt.
Je ferai remarquer que la chambre a ordonné l’impression d’une pétition se rattachant au même objet, qui a été présentée par la régence de Gand. La pétition n’est pas longue, l’impression sera peu coûteuse ; d’ailleurs on peut l’imprimer dans le Moniteur.
M. Lardinois. - Je ne m’oppose pas à la proposition de l’honorable M. de Brouckere, et je désire comme lui que l’on donne toute la publicité possible à la pétition dont il s’agit.
Je vous ferai observer qu’il existe d’autres pétitions qui ont été déposées antérieurement sur le bureau et qui toutes sont relatives à l’industrie cotonnière. Je demande donc qu’il soit fait également rapport de ces pétitions avant que la prise en considération de la proposition de M. Desmaisières soit mise en discussion. Une de ces pétitions présente le plus grand intérêt, c’est celle d’un grand nombre de négociants en indiennes.
- La chambre décide que la commission des pétitions sera invitée à faire son rapport sur les pétitions indiquées par MM. de Brouckere et Lardinois, avant l’époque où on discutera la prise en considération de la proposition de M. Desmaisières.
La chambre ordonne en outre que la pétition désignée par M. de Brouckere soit imprimée au Moniteur.
M. Legrelle. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appeler l’attention de la chambre sur une pétition dont on vient de vous faire l’analyse. Cette pétition est signée par un grand nombre de pêcheurs d’Anvers qui vous dénoncent une décision ministérielle du 2 février, par laquelle le ministre des finances s’est permis d’interdire la pêche aux habitants d’Anvers, et a mis ainsi une population entière hors de la loi commune. Je prie la chambre de remarquer que cette décision ministérielle n’a jamais reçu la moindre publicité. Fabriquée dans l’ombre, elle n’a été portée à la connaissance des pêcheurs d’Anvers que par la bouche des douaniers, qui agissent ainsi en vertu d’une décision qu’eux seuls connaissent.
Il est inutile de vous démontrer tout ce qu’a d’odieux une pareille conduite. La chambre est trop éclairée pour ne pas faire justice de cette mesure exceptionnelle qui, si elle existe comme les pétitionnaires le prétendent, est une violation de la constitution.
Je ne prétends pas que les faits énoncés dans la pétition soient tous exacts. Mais je désire que, vu l’urgence, le ministre des finances soit invité à donner des explications le plus promptement possible.
S’il faut en croire les pétitionnaires, les droits du port d’Anvers et libre navigation de l’Escaut seraient entièrement illusoires. Les instructions du ministre des finances feraient force de loi et violeraient et la constitution et les lois existantes. La décision aurait été prise pour empêcher la pêche dans tel port pour favoriser d’autres ports.
En un mot, la pêche serait interdite à Anvers par les hauts droits qu’on exige sur tout le poisson qui arrive en ce port, qu’il soit le produit de la pêche nationale, ou le produit de la pêche hollandaise. On ne fait aucune distinction. Et cela en vertu d’un arrêté ministériel, dont je doute qu’aucun de vous ait connaissance, ait même jamais entendu parler.
Il me semble que la douane aurait dû au moins faire connaître aux ayants droit les prétentions sur lesquelles le ministre se fondait pour prendre sa décision. Mais aucune décision motivée n’a été portée à leur connaissance. On leur a dit : Nous avons des instructions qui nous prescrivent de faire telle chose, et le droit du plus fort l’emporte.
D’après ce qu’on me mande ce jour, le 7 du courant, six pêcheurs ont comme à l’ordinaire descendu la rivière ayant à bord un huissier. Arrivés à la dernière patache, l’officier leur a refusé la déclaration d’aller à la pêche, alléguant avoir reçu ses ordres ; contre quoi ils ont protesté laissant les exploits à bord de la patache. Un des six pêcheurs cependant a continué sa route pour la mer ; les autres cinq sont retournés dans le port attendant que justice leur soit faite.
J’espère qu’il ne sera pas nécessaire de recourir aux tribunaux ; que le ministre, dont je me plais à reconnaître l’esprit de justice, verra après nouvel examen que sa religion a été surprise et reviendra sur une mesure que je considère comme arbitraire, et même comme clandestine, car elle n’a pas reçu la publicité convenable.
Je demande que le ministre veuille bien nous donner des explications sur la décision dont se plaignent les pêcheurs d’Anvers.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je déclare que l’administration des finances n’a aucunement entravé la navigation de l’Escaut. Mais l’administration, convaincue qu’il ne se fait pas à Anvers de pêche nationale en mer, a simplement exigé le paiement des droits sur le poisson qui entrait à Anvers, comme étant le produit de la pêche étrangère. Le poisson provenant de la pêche nationale est seul exempt de droits. S’il est constant que le poisson introduit à Anvers n’est pas le produit de la pêche nationale, il doit payer les droits.
L’honorable préopinant, qui se récrie si fort contre la décision prise par l’administration des finances, ignore peut-être que la question est portée devant les tribunaux. Elle est en ce moment pendante devant la cour d’appel, et l’administration attend avec confiance l’arrêt de la cour. Il résulte de l’examen des anciens édits et des dépositions des témoins qui ont été entendus, la preuve constante que jamais il n’y a eu de pêche nationale à Anvers, il n’y a de pêche que dans le bas Escaut, qui consiste en églefins, crevettes. Mais ce poisson ne paie pas de droits, l’administration n’exige aucune espèce de droit sur ce genre de pêche.
Je viens de déclarer que le procès était pendant devant la cour d’appel. Par son arrêt, tout le monde sera satisfait. Si la cour déclare que le poisson introduit à Anvers est pris près du fort de Bath et n’est pas le produit de la pêche nationale, l’administration continuera définitivement à percevoir les droits. En attendant que l’arrêt soit rendu, l’administration continuera à le faire parce qu’elle est convaincue qu’il n’y a pas de pêche nationale à Anvers.
Il est à remarquer qu’il ne s’agit pas de peu de chose, le poisson qu’on introduit à Anvers doit produire plus de cent mille francs. Cela vaut la peine de fixer l’attention de l’administration. Si l’administration avait faibli dans cette circonstance, il en serait résulté le plus grand préjudice pour la pêche véritablement nationale, celle qui se fait à Blankerbergh, Ostende et Nieuport.
Les pêcheurs de ces trois ports n’auraient pas pu continuer leur pêche, parce qu’ils n’auraient pas pu soutenir la concurrence avec les Hollandais qui par leur position topographique ont de grands avantages sur les pêcheurs d’Ostende, de Blankenbergh et Nieuport. Cependant je déclare que je m’en rapporterai au jugement de la cour d’appel, et que si elle déclare qu’il y a une pêche nationale à Anvers, l’administration cessera la perception des droits et remboursera les droits indûment perçus.
Vous voyez qu’il n’y a pas de déni de justice.
M. de Brouckere. - La question soulevée par l’honorable M. Legrelle est très délicate. Il est impossible de prendre en ce moment une décision sur cette pétition, parce qu’il s’agit ici en quelque sorte d’une question de fait. Je n’ai rien à dire à la décision prise par le ministre des finances, en ce qui concerne le droit que l’on doit prélever sur le poisson que l’on considère comme produit de la pêche étrangère. Mais il est un autre fait que l’honorable M. Legrelle a signalé, c’est qu’on ne laisse pas descendre les pêcheurs anversois avec leurs barques vers la mer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déjà répondu à cela.
M. de Brouckere. - Si ce fait n’est pas exact, je n’ai plus rien à dire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déclaré en commençant que l’administration n’avait en rien entravé la navigation de l’Escaut, qu’elle n’exige aucun droit sur le petit poisson pêché dans le bas Escaut, mais qu’elle avait cru devoir percevoir les droits sur le poisson pêché en mer, parce qu’il était résulté de quantités de procès-verbaux que tout le poisson de cette espèce qui arrivait à Anvers était le produit de la pêche étrangère. Ces procès-verbaux constataient qu’on avait vu près du port de Bath, et même du fort Lillo, transborder les produits de la pêche hollandaise dans les bateaux des Anversois qui allaient le chercher en quelques heures et les apportaient à Anvers, prétendant que c’était le produit de la pêche nationale.
M. Smits. - Lorsque dans une précédente séance on souleva la question agitée en ce moment, on plaidait le même jour une cause entre l’administration des finances et les pêcheurs d’Anvers sur ce sujet. J’engageai la chambre à suspendre la discussion afin d’éviter que des observations faites dans la discussion n’exercent de l’influence sur la décision de la justice.
Actuellement je crois devoir dire comme l’honorable M. Legrelle que la religion du ministre des finances me paraît avoir été réellement surprise. Et à cette occasion je répondrai à l’interpellation que m’adressa M. A. Rodenbach. Je lui dirai qu’il existe à Anvers des pêcheurs qui ont des inventaires aussi complets qu’aucun pêcheur ou d’Ostende de Blankenberg. J’ajouterai que des pêcheurs d’Anvers ont maintes fois fait la proposition de prendre à bord des employés des douanes, de les salarier à leurs frais, pour constater que la pêche a été faite par eux. C’est ici une question de fait sur laquelle j’appelle l’attention de M. le ministre des finances et que je le prie de faire constater.
Il pourra aussi s’assurer que des capitaux assez considérables ont été employés à monter des bateaux de pêche, et que ces fortunes sont compromises par une décision qui, je le répète, me paraît avoir été surprise à la religion du ministre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ma religion n’a aucunement été surprise. Il est résulté d’une enquête et de la recherche des anciens édits, que jamais il n’avait existé de pêche nationale à Anvers. D’ailleurs, les Hollandais ne permettraient pas aux Anversois d’aller pêcher du poisson en mer ; ils trouvent plus d’avantage à leur en vendre. Si les pêcheurs anversois allaient dans les eaux de la Hollande, les Hollandais ne manqueraient pas de les en repousser.
M. de Brouckere. - Je voudrais entendre de la bouche de M. Legrelle la répétition du fait qu’il a avancé, que l’on aurait empêché des pêcheurs anversois de descendre l’Escaut pour aller jusqu’à la mer. Le ministre des finances assure que le fait n’est pas exact. Je voudrais que M. Legrelle nous dît quelles preuves il a de ce fait, ou qu’il reconnût qu’il a été induit en erreur.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai la lecture de la pétition. Quelqu’un qui a lu cette pétition prétend que les pétitionnaires se contredisent eux-mêmes, qu’ils ne demandent pas à aller en mer, mais seulement à ce qu’on ne perçoive pas de droits sur le poisson qu’ils introduisent. C’est un fait, messieurs, et un fait avéré, que plusieurs négociants respectables d’Anvers ont déclaré qu’il n’y avait pas dans ce port d’armateurs s’occupant de la pêche. Le ministre des finances a énoncé une grande vérité en disant qu’il n’y avait pas de pêche nationale à Anvers, et que les droits que le trésor devait percevoir sur le poisson qu’on y apportait, ne s’élevaient pas à moins de 100,000 fr. par an. Depuis quatre ans, ce demi-million dont ces soi-disant pêcheurs ont profité, je n’ose pas dire le mot, serait entré dans les caisses de l’Etat, si les lois avaient été exécutées.
Le ministre a bien fait de les faire exécuter. Il ne faut pas qu’il y ait deux poids et deux mesures. Il faut justice pour tous. Les lois doivent être exécutées aussi bien à Anvers qu’à Ostende.
Il s’agit d’un don d’un demi-million dont le trésor a été spolié.
Je demande qu’il soit donné lecture de la pétition.
- La chambre consultée ordonne la lecture de la pétition des pêcheurs anversois. (Note du webmaster : le texte de cette loi, insérée dans le Moniteur, n’est pas repris dans la présente version numérisée).
M. Jullien. - Il me paraîtrait nécessaire, pour éclairer la discussion, de donner lecture de l’arrêté dont se plaignent les pétitionnaires. Ils réclament contre une décision illégale et inconstitutionnelle. Par la lecture de l’arrêté, nous pourrons juger si les plaintes sont fondées. Je demanderai donc qu’avant d’aborder la discussion, il plaise au ministre des finances de donner lecture des arrêté et décision contre lesquels les pétitionnaires se plaignent.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai n’ai aucun motif pour m’opposer à la lecture demandée par l’honorable préopinant, mais je ne sais si la chambre voudra se constituer juge d’une question dont la cour d’appel est saisie. Je répète ce que déjà j’ai eu l’honneur de dire deux fois, l’administration n’a pas entravé la navigation, elle s’est bornée à exiger que le poisson qu’on introduisait à Anvers fût soumis aux droits.
M. Cornet de Grez. - Messieurs, j’ai demandé la parole uniquement pour faire remarquer à la chambre combien sont habiles les pêcheurs d’Anvers, car il est prouvé qu’ils peuvent prendre du poisson sans filets et même sans aller en mer. Ils sortent le matin et rentrent le soir chargés de poisson. Il est même à remarquer qu’il n’y a pas de réservoirs dans leur bateau.
M. Legrelle. - J’appuie la proposition faite par l’honorable M. Jullien, ce n’est qu’après avoir entendu la lecture de cet arrêté du 2 février, qui n’a été porté à la connaissance des intéressés que par la bouche des douaniers, qu’il nous sera permis de prononcer en connaissance de cause.
Mais M. le ministre des finances, à mon grand étonnement, s’oppose à cette lecture, parce que la cour d’appel est saisie de l’affaire. Mais, messieurs, la question dont elle saisie la cour d’appel n’a rien de commun avec cet arrêté. La cour d’appel est saisie d’une affaire ancienne, et le ministre des finances n’a pas cru devoir attendre la décision de la justice, il a par un coup de sabre tranché le nœud gordien. C’est lui qui par un arrêté du 2 février met tous les pêcheurs hors la loi. Je serais très curieux d’entendre cet arrêté dont l’exécution a soulevé les plaintes des pêcheurs. Je suis persuadé qu’il n’est pas tel que l’ont interprété les douaniers. C’est autant dans l’intérêt de la justification du ministre que dans l’intérêt des pétitionnaires que j’insiste pour que cet arrêté soit lu. Je ferai remarquer qu’il n’a pas huit jours de date. Il est encore tout chaud. (On rit.)
Rien n’est plus facile au ministre que de le produire.
Je demande donc que l’article soit lu, et je demande en outre que la parole me soit maintenue quand la chambre aura prononcé sur cet incident.
M. Liedts. - Si le ministre ne s’oppose pas à la lecture de l’arrêté, je demande qu’on suspende toute discussion jusqu’après cette lecture. Ce serait vouloir perdre du temps que de continuer la discussion de la question de savoir si on a interdit la pêche à Anvers. Je demande donc que conformément à la demande de MM. Jullien et Legrelle, M. le ministre soit invité à nous donner connaissance de l’arrêté dont on se plaint. Je ferai observer que l’objection qu’il a faite n’est pas fondée. Car nous n’examinons pas la question de fait pendante devant la cour d’appel.
La cour d’appel ne peut être saisie que d’une question spéciale de fait, par exemple, de la question de savoir si dans tel cas particulier le poisson sur lequel tel droit a été perçu provenait de la pêche étrangère ou de la pêche nationale. Nous, nous avons à examiner la question de légalité, celle de savoir si le ministre a pris une décision interdisant toute pêche à Anvers.
Je demande donc que cesse toute discussion jusqu’à ce que communication de la décision ait été donnée conformément à la demande de MM. Jullien et Legrelle.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déclaré que je n’avais aucune raison personnelle pour m’opposer à la communication de cette décision ; mais j’ai donné une raison assez grave qui est celle-ci : peut-on communiquer une décision qui doit figurer dans le procès dont est saisie la cour d’appel ? Je demande que la chambre statue sur cette question, et si elle l’ordonne, je déposerai demain cette pétition sur le bureau.
- La communication de la décision est ordonnée.
M. de Longrée (pour une motion d’ordre). - Messieurs, parmi les pétitions sur lesquelles M. Pollénus vous a fait le rapport à la séance d’hier, il s’en trouve une à laquelle j’attache le plus haut intérêt, et qui cependant, je l’avoue, m’est passée presque inaperçue par la rapidité avec laquelle les conclusions de la commission ont été données, et que d’un autre côté je n’étais pas muni du feuilleton n°8, sur lequel elle figure ; je veux parler, messieurs, de celle qui a été adressée à cette chambre par M. le baron Scherpenzeel-Hensch, colonel de la garde civique cantonale de Ruremonde, sous la date du 3 juin 1834, tendant à obtenir la grande naturalisation belge.
L’honorable pétitionnaire que je viens de nommer, est né en Hollande, et se trouve dans une position vraiment critique pour avoir pris une part active à notre révolution et en être un de ses plus chauds partisans.
Je viens donc demander à la chambre de vouloir bien engager la commission chargée de l’examen du projet de loi sur les naturalisations, projet dont la chambre est nantie depuis le 27 novembre 1833, à nous faire son rapport le plus promptement possible, pour que cette loi puisse encore être votée pendant notre session actuelle.
M. Fallon. - Je pense qu’il n’existe pas de commission de naturalisation.
M. de Longrée. - On m’a assuré hier qu’il en existait une, et même on m’a nommé les membres qui en faisaient partie ; l’honorable M. Fallon lui-même se trouvait parmi eux.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - La section centrale est saisie d’un projet de loi sur la naturalisation. Je suppose que c’est à cela que l’honorable préopinant a voulu faire allusion. Elle a déjà commencé l’examen du projet, mais le rapporteur n’a pas encore été nommé.
M. de Roo. - Il existe une commission de naturalisation. Je me rappelle très bien que M. Destouvelles en était président.
M. Fallon. - Il existait, en effet, une commission de naturalisation dont je faisais partie, mais avant la dissolution de la chambre. Cette commission est morte de sa belle mort.
M. de Longrée. - Dans ce cas, j’insiste pour que la section centrale fasse connaître son projet le plus promptement possible.
M. Dewitte. - Il a été question de cette pétition hier, et la conclusion de la commission des pétitions tend au renvoi à la commission future ; par conséquent, elle n’existe pas. (On rit.)
M. Raikem. - La section centrale chargée du projet de loi de naturalisation en a été saisie l’année dernière et s’en est occupée pendant plusieurs séances ; le travail n’a pu être terminé avant la fin de la session, et depuis cette nouvelle session la section centrale a été tellement occupée de projets de loi tant sur les budgets que sur d’autres questions de la plus haute gravité qu’elle n’a pu reprendre ses travaux relatifs à la loi de naturalisation. La section centrale s’assemble tous les jours, quelquefois même le soir et jusqu’à 10 heures. Dès que la chose sera possible, elle s’occupera de la loi dont il est question en ce moment.
M. Pollénus. - Je ferai observer à la chambre qu’il me reste encore à faire le rapport de deux ou trois pétitions ; je pense qu’il est convenable de terminer le feuilleton avant de passer à la motion d’ordre de l’honorable M. Desmanet de Biesme, imprimée ce matin au Moniteur, et dont, selon la décision de la chambre, on doit s’occuper aujourd’hui.
M. de Brouckere. - Je demande que la chambre s’occupe des pétitions, jusqu’à ce que tous les feuilletons soient épuisés. Il y a assez longtemps que ces pétitions attendent ; je crois qu’il serait convenable de leur consacrer quelques séances. Tous les organes de la presse se sont plaints de la négligence que l’on apportait dans la chambre à ce sujet et la presse a eu raison, parce que le droit de pétition est, par ce fait, devenu entièrement nul.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le droit de pétition est accordé par la constitution, c’est un droit sacré, personne ne le conteste. Mais la constitution impose aussi des devoirs non moins sacrés ; c’est de pourvoir dans le plus bref délai aux lois d’organisation intérieure. Je demande qu’on donne la priorité aux intérêts les plus généraux, et quant aux pétitions, je demande qu’on se conforme au règlement qui admet un jour par semaine pour cet objet. La motion d’ordre de l’honorable membre a été mise hier à l’ordre du jour, elle doit avoir la priorité.
M. Desmanet de Biesme. - Il me paraît qu’il serait tout à fait convenable d’achever le feuilleton des pétitions.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas à ce qu’on fasse le rapport des deux ou trois pétitions restant au feuilleton d’hier.
M. le président. - Après ce rapport, l’intention de la chambre est-elle de s’occuper de la motion d’ordre de l’honorable M. Desmanet de Biesme ou de passer à la loi communale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande le maintien de l’ordre du jour adopté hier par la chambre, et que les feuilletons des pétitions soient remis à vendredi prochain.
M. de Brouckere. - Je ne m’oppose pas à ce que cela soit pour vendredi prochain.
M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition en date du 30 mai 1834, le sieur d’Henry, avocat à Furnes, adresse des observations sur la nécessité d’établir une garnison dans la ville de Nieuport. »
Conclusion : renvoi au ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition datée de Liége, plusieurs habitants de la Boverie, Froidmont et Vennes, commune de Liége, demandent que la chambre discute le plus tôt possible la proposition relative aux réparations des rives de la Meuse.»
Cette pétition est devenue sans objet.
M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition en date du 13 mai, le sieur C. Coune, docteur en médecine et en chirurgie, demande que dans la nouvelle loi sur la garde civique, il soit introduit une disposition qui exempte du service les docteurs en médecine et en chirurgie. »
Conclusion : Dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition en date du 14 mai l834, le sieur R. Voordecker, à Bruxelles, réclame en faveur de la pension à continuer à son fils comme blessé de septembre. »
Les conclusions de la commission tendent au renvoi à la section centrale pour le projet relatif aux pensions civiques.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition du 5 mai 1834, un grand nombre de propriétaires et cultivateurs du canton de Herve demandent comme modification à la loi sur les sels, que le droit dont sont frappés à la sortie leur beurre et leur fromage, soit supprimé. »
La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances et au dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. A. Rodenbach. - Je demande que la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme soit renvoyée à une commission, pour être examinée. En ce moment, les sections sont fort occupées de projets de loi ; il me semble qu’il serait bien de renvoyer la motion à une commission nommée par le bureau.
M. Pollénus. - Je me propose de soumettre à la chambre quelques réflexions relatives à la motion d’ordre de l’honorable M. Desmanet de Biesme et d’abord je dois dire que je me fais un devoir d’appuyer la proposition de M. Rodenbach.
Bien certainement, messieurs, quelques dispositions de la motion d’ordre de M. Desmanet de Biesme ne sont pas sans une haute importance ; elles ont même une portée beaucoup plus grave qu’il ne semblerait au premier abord. Quand il s’agit d’apporter ou un changement ou une addition au règlement, il me semble qu’on ne saurait agir avec trop de précaution et de réserve. Je crois qu’il est utile d’appeler les lumières d’une commission sur la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme, d’autant plus qu’elle renferme une lacune, ainsi que l’a signalé l’honorable M. Rodenbach.
Il ne faut pas se le dissimuler, messieurs, cette proposition est de nature à vous faire dépasser le but, au lieu de l’atteindre.
Je me rappelle à cet égard la résolution qui fut prise par un de nos anciens collègues que nous regrettons tous et qui est M. Angillis. Je crois me souvenir qu’il a cessé de faire partie de cette chambre, parce qu’on le signalait souvent comme absent. Il est des membres dans cette assemblée qui sans se rendre constamment à la chambre, y rendent néanmoins de très grands services ; et quand j’ai cité M. Angillis, j’ai cru n’être désavoué par personne. L’honorable M. de Foere n’assiste pas à toutes nos séances, ne rend-il pas d’éminents services à la chambre ?
Je doute, messieurs, que la dignité de la chambre soit bien servie par la mesure qui vous est présentée. Que dira-t on à l’étranger quand on verra que le Moniteur signale chaque jour le nombre des membres absents ? Que dira-t-on quand on saura que cette motion a été faite à l’occasion du rapport des pétitions quand il ne manquait qu’un seul membre ?
Si je m’en rapporte à ce qui m’a été dit relativement à ce qui se pratique en France, dans des séances où il ne s’agit que du rapport des pétitions, on ne se montre pas si exigeant sur l’exactitude du nombre voulu. On a cité l’Angleterre ; mais quand à Londres les questions ne sont pas d’une véritable importance, on est loin de se montrer aussi sévère...
M. le président. - Je ferai observer à l’honorable orateur que la discussion a pour objet le renvoi à une commission.
M. Pollénus. - Je ne puis prouver l’utilité de cette proposition que je partage et que j’appuie, sans m’étendre quelque peu sur la motion d’ordre elle-même. On a cité le zèle que l’on montrait aux états-généraux ; cependant alors on n’avait pas eu recours à un remède aussi sévère qui, employé tous les jours, produira de nuisibles effets. Si mes souvenirs sont fidèles, la gazette se bornait à mettre en tête le nombre des membres présents, et il n’y avait rien de pénible dans cette mesure.
Je désire que la commission à laquelle sera renvoyée la motion d’ordre puisse tenir compte de quelques-unes des observations que j’ai cru devoir soumettre à la chambre.
M. Desmanet de Biesme. - Chaque fois que j’ai l’honneur de faire une proposition, loin de m’opposer à ce que la chambre puisse s’éclairer, je fais toujours tous mes efforts pour que cela ait lieu. J’appuie donc le renvoi à une commission. Je répondrai à l’honorable M. Pollénus qu’il me semble surprenant qu’on attache tant d’importance à vouloir ne pas mettre les noms des absents au Moniteur. Cela se faisait l’an dernier à la fin de ce journal. La différence c’est que je demande aujourd’hui qu’on mette en tête ce qu’on mettait à la queue. (On rit.)
M. Jullien. - Il est de principe que toute motion d’ordre ne peut avoir pour objet qu’une mesure temporaire, mais la proposition dont il s’agit est une mesure de durée. Non seulement elle aura lieu aujourd’hui, mais demain, mais toujours, puisque l’honorable M. Desmanet de Biesme veut qu’au bout de l’année on fasse la récapitulation des membres qui ont manqué pendant le cours de la session. C’est un appendice à notre règlement, et je pense qu’il doit être sérieusement médité. Je me bornerai donc à appuyer le renvoi à une commission.
M. de Foere. - Nous connaissons la portée des dispositions de la motion d’ordre dont il s’agit. Je ne pense pas qu’une commission puisse éclairer la chambre ; c’est une question parfaitement connue ; je désire donc qu’on la discute aujourd’hui.
- La proposition de M. A. Rodenbach, qui demande le renvoi à une commission, est mise aux voix et adoptée.
La commission sera nommée par le bureau.
M. le président. - Plusieurs rapports ont été présentés par la section centrale sur différents objets, concernant la loi communale ; je dois consulter l’assemblée pour savoir par quel rapport on commencera. Dans la séance du 5 février, on a présenté un rapport sur les bois communaux ; veut-on commencer par celui-là ? (Adhésion générale.)
La section centrale propose un article ainsi conçu :
« Les conseils communaux ont l’administration de leurs bois et forêts, sous la surveillance de l’autorité supérieure, de la manière qui sera ultérieurement réglée.
« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, les lois, arrêtés, décrets, règlements actuellement en vigueur, continueront d’être exécutés en ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes. »
M. Desmanet de Biesme. - M. le président lit l’article de la section centrale, mais il y a des amendements ; le projet de la section centrale ne détruit pas les amendements, et il faut aussi donner lecture de ceux-ci.
M. de Brouckere. - Je veux faire remarquer à l’assemblée que si on se livrait à une longue discussion sur la proposition de la section centrale, le temps que l’on y emploierait serait absolument perdu. Vous voyez que la section centrale vous propose de trancher une question de principe, c’est-à-dire de décider que les conseils communaux auront l’administration de leurs bois et de leurs forêts ; mais immédiatement après elle recule devant les conséquences de ce principe, et elle renvoie à d’autres lois, que l’on portera plus tard, à régler la surveillance sur l’action des conseils communaux.
Je voudrais que l’on mît simplement dans la loi communale le second paragraphe proposé par la section centrale, et qu’on supprimât le premier. Il est en effet bien inutile de dire que les conseils communaux ont l’administration de leurs bois et forêts sous la surveillance d’administrations supérieures, puis d’ajouter que la manière dont cette surveillance s’opérera sera réglée ultérieurement, et que jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par des lois et arrêtés à cet objet, les choses resteront comme elles sont ; il vaut mieux se borner à dire cela que de poser un principe dont la discussion devra être renouvelée quand il s’agira de la mettre en action. Je demanderai donc formellement que l’on insère seulement dans la loi communale le deuxième paragraphe de la proposition de la section centrale et que l’on écarte le premier.
M. le président. - La division de la proposition faite par la section centrale étant de droit, on délibérera conformément à la demande de M. de Brouckere.
M. Fallon. - Plusieurs des amendements renvoyés à la section centrale n’ont pas été développés ; je crois que nous devons commencer par entendre les auteurs de des amendements.
M. le président. - La proposition de M. Desmanet de Biesme a été développée. Elle est ainsi conçue :
« Les délibérations relatives à la jouissance des bois communaux et à leur surveillance. »
M. Berger a proposé la rédaction suivante :
« Les règlements relatifs à l’administration des bois communaux. »
M. Fallon a proposé l’amendement suivant :
« Les délibérations relatives à l’administration et au mode de jouissance des bois communaux. »
M. Fallon. - L’article 108 de la constitution exige que la loi que nous discutons attribue au conseil communal tout ce qui est d’intérêt communal.
En présence d’une disposition aussi précise, il est une première vérité qu’il faut reconnaître, c’est qu’il y a pour nous obligation de placer l’administration des bois communaux dans les attributions du conseil municipal.
Rien ne ressort plus directement de l’intérêt communal qu’un immeuble dont la propriété appartient exclusivement à la commune, et les bois communaux sont bien incontestablement des propriétés communales.
L’administration de ces propriétés, comme de toute autre propriété communale, doit donc être attribuée aux conseils communaux.
Tout ce qui est d’intérêt communal, dit la constitution, sera attribué au conseil communal, et qui dit tout n’excepte rien.
Nous ne pouvons donc, quant à l’administration des bois communaux, admettre une exception que la constitution repousse en termes formels.
Veuillez remarquer, messieurs, que je ne parle que de l’administration de ces sortes de biens, et non de leur surveillance, du mode de jouissance, ni des moyens de conservation.
Je sais que le droit d’administrer n’est pas et ne peut être celui d’user et d’abuser. Le droit d’administrer doit être subordonné dans son exercice aux règles d’administration que la loi établit, soit dans l’intérêt général, soit dans l’intérêt même du propriétaire.
Aussi, je ne pousse pas les conséquences du principe, dont je réclame l’insertion dans la loi, jusqu’au point de prétendre que le décret du 15 septembre 1791 et l’arrêté du 19 ventôse an X doivent être considérés comme entièrement abrogés pour cause d’incompatibilité avec la disposition de l’article 108 de la constitution.
Si ces loi et arrêté n’avaient attribué à l’administration forestière que la surveillance et l’exécution des règles de conservation des bois communaux, je ne pense pas que la constitution y eût aucunement dérogé.
Je suis d’avis que ces dispositions antérieures devraient rester debout jusqu’à ce qu’elles aient été remplacées par une nouvelle loi spéciale sur la matière.
Mais la loi du 15 septembre 1791 et l’arrêté du 19 ventôse an X ne se sont pas bornés là : outre la surveillance et la conservation, ils ont attribué à l’administration forestière l’administration même des bois communaux, et c’est en ce point que je prétends qu’il y a abrogation formelle, puisque la constitution veut que tout ce qui est d’intérêt communal soit attribué au conseil communal.
J’insiste donc pour que l’on se soumette à la constitution, pour que l’on consigne, dans la loi communale, le principe que l’administration des bois communaux appartient aux conseils communaux.
Je ne demande pas toutefois que cette attribution leur soit conférée sans limites aucunes.
Je viens de déclarer que je reconnaissais que cette administration, dans son exercice, devait être subordonnée à des règles de surveillance et de conservation.
Sans doute ces règles ne doivent pas être telles qu’elles rendraient tout à fait illusoire le droit d’administrer. Ce serait là une véritable dérision.
Mais ces règles doivent être concises, de manière à prévenir tout au moins les abus.
Nous avons déjà usé de ces précautions dans la loi que nous discutons.
Nous avons astreint à des règles que les administrations communales ne peuvent franchir l’administration de certaines propriétés communales.
Si ces règles pouvaient également suffire à ce que l’intérêt général et l’intérêt même de la commune, réclament pour un non-aménagement des droits communaux, le premier paragraphe de l’amendement formulé par la section centrale satisferait à toutes les exigences ; le deuxième paragraphe deviendrait parfaitement inutile, et l’émancipation actuelle de la curatelle de l’administration forestière serait possible.
Mais il existe entre ces sortes de propriétés communales une différence qu’on ne peut méconnaître.
L’abus n’est pas à craindre pour les propriétés communales autres que les forêts, il est à redouter pour les propriétés boisées. Une mauvaise administration, un pâturage loteré avant que le bois ne soit réellement défensable, la coupe des herbes au moment où le bois est en recroissance, une exploitation anticipée, un défrichement dans une localité qui n’est propre ni à la culture, ni au pâturage, enfin un défaut de surveillance, peuvent occasionner à la commune des préjudices irréparables, peuvent ruiner son avenir.
Il faut donc que l’administration des bois communaux soit subordonnée à une surveillance plus sévère, à des règles d’administration plus rigoureuses.
Ce régime de surveillance, ces règles sur le mode de jouissance des bois communaux, existent aujourd’hui dans les lois forestières dont l’exécution est confiée à une administration spéciale, à l’administration des forêts de l’Etat.
Convient-il de conserver ce régime ? Faut-il se borner à y introduire des modifications pour l’approprier à l’esprit de nos nouvelles institutions ? Faut-il enfin placer les bois communaux sur la même ligne que les bois des particuliers et se débarrasser de l’intervention de l’administration forestière ?
Ce sont là des questions pour la solution desquelles je ne me crois pas suffisamment éclairé. Ce sont là des questions dont il faut forcément ajourner la discussion, parce que nous n’avons pas actuellement les éléments propres à asseoir notre jugement.
Il n’est pas douteux toutefois que nous ne pourrons nous dispenser de nous occuper plus tard de l’examen de ces questions. Depuis trop longtemps les communes réclament contre ce qu’elles appellent le despotisme de l’administration forestière, contre les entraves que cette administration apporte à l’action municipale. Les plaintes sont par trop nombreuses pour que nous puissions nous refuser à leur donner, en ce moment, l’assurance qu’elles seront tout au moins écoutées et examinées.
En vous parlant de ces plaintes, je n’exagère pas. J’ignore ce qui se passe dans les autres provinces, mais je prouve qu’en ce qui regarde la province de Namur, depuis longtemps des griefs sont articulés.
Je tiens en main un document officiel. C’est le cahier d’observations des états de Namur sur le projet d’organisation communale tel qu’il a été adressé au ministère.
Voici ce que j’y lis à l’article 61 :
« Il faut ajouter aux attributions du conseil la faculté de délibérer sur le mode de jouissance des bois communaux sous l’approbation de la commission permanente du conseil provincial ; il est temps que les communes soient affranchies de l’arbitraire de l’administration forestière, non pas que l’on veuille prétendre qu’il faut leur abandonner totalement les bois, mais il convient que la haute administration à cet égard soit confiée au conseil provincial qui saura concilier, après avoir entendu les agents forestiers, les intérêts du bois avec les besoins de la commune et de ses habitants, sans y apporter les entraves contre lesquelles des plaintes générales se sont élevées depuis plusieurs années. »
Vous avez remarqué, messieurs, dans le tableau joint au rapport de la section centrale, que toutes les provinces n’ont pas le même intérêt à la discussion de ces questions. Il existe d’ailleurs d’une province à l’autre des distinctions dont il faut tenir compte. Là il existe des usages qui exigent un mode tout spécial d’aménagement ; ailleurs les localités demandent un autre mode d’exploitation ; ailleurs, enfin, les bois communaux se trouvent affectés de servitudes, soit envers les habitants individuellement, soit envers des tiers, qui demandent un tout autre régime.
Quel est le mode de jouissance qui conviendra le mieux dans chaque localité, dans chaque province, en rapport avec ces divers intérêts et avec la conservation de la forêt ?
C’est là une question qu’il est impossible de discuter actuellement. Il faudra la soumettre aux nouveaux conseils provinciaux, et ce n’est qu’après avoir recueilli leurs observations que la chambre pourra décider, en connaissance de cause, s’il convient de conserver une administration centrale, pour tout le royaume, ou s’il ne conviendra pas mieux de soumettre le mode de surveillance et de jouissance à un régime provincial, suivant les besoins de chaque province.
En attendant, force est bien de conserver provisoirement le régime existant.
On ne pourrait le renverser sans lui en substituer immédiatement un autre.
Or, nous ne pouvons nous occuper actuellement nous-mêmes de cette substitution. Comme je l’ai déjà fait observer, nous n’avons pas les éléments nécessaires pour prévenir tous les inconvénients possibles d’une transition aussi brusque.
Nous ne pourrions en charger les administrations provinciales actuelles, puisqu’elles ne sont pas constitutionnelles. Nous ne pouvons pas non plus déclarer, dès maintenant, que les nouveaux conseils provinciaux seront chargés de remplacer l’administration centrale par une administration provinciale, puisqu’il pourrait se faire que, soit par mesure d’économie, soit par toute autre considération, les provinces donneraient la préférence au régime actuellement existant moyennant certaines modifications.
J’appuie donc l’amendement proposé par la section centrale. Je m’y rallie avec d’autant plus d’empressement que cet amendement ne préjuge rien, et nous permet d’attendre que nous soyons éclairés par les nouveaux conseils provinciaux sur ces graves questions que nous ne pouvons discuter en ce moment en pleine connaissance de cause.
M. Zoude. - (Le discours de cet honorable membre ne nous a pas été communiqué.)
M. Seron. - Messieurs, les bois communaux appartiennent en très grande partie aux contrées les moins importantes du pays, sous le rapport de la fertilité, des richesses, des contributions et de la population. En effet, dans la masse d’environ 177 mille hectares dont ils se composent, la seule province de Luxembourg en renferme près de 100 mille et la province de Namur 45 mille au moins ; tandis qu’Anvers, le Brabant et les deux Flandres réunis, en ont à peine 3,500.
Cependant, comme vous représentez ici non pas telle ou telle province, mais la Belgique tout entière, les questions auxquelles donne lieu cette propriété n’en sont pas moins dignes de votre attention, à cause de l’influence que votre solution doit avoir sur le bien-être d’un grand nombre de communes et sur la prospérité de différentes tranches d’industrie et de commerce. Ces motifs m’ont porté à examiner les conséquences des dispositions que, sous le nom d’amendements, on vous propose d’ajouter à l’article 75 de la loi communale, et je viens vous soumettre mes réflexions.
Si elles s’accordent en quelques points avec les idées du ministère, ce n’est pas que j’aie voulu lui faire ma cour, Dieu m’en garde ! j’espère que, dans toute ma carrière parlementaire, je ne ferai jamais ma cour qu’à la vérité. Je vous demande pardon de vous avoir parlé de moi.
La convention nationale, afin d’attacher les masses à la révolution, ordonna le partage par tête des biens des communes, entre tous les habitants de tout âge et de tout sexe. Mais, malgré ses principes largement populaires et les immenses avantages résultant de la division de la propriété, elle recula devant l’idée de soumettre les bois à cette mesure ; elle en comprit les inconvénients ; elle craignit d’ajouter de nouvelles friches aux landes déjà trop étendues dont était couvert le territoire de la France ; ils demeurèrent indivis aux termes de la loi du 10 juin 1793. On continua donc de les regarder comme appartenant à la commune prise dans son ensemble : en sorte qu’aujourd’hui encore les habitants n’en ont que l’usage ou que, placés sous la perpétuelle tutelle de l’État, ils ne peuvent les aliéner qu’avec son autorisation, qu’il leur est permis d’en user et défendu d’en abuser ; qu’enfin, de même que les membres des corporations religieuses, ils ont des successeurs et n’ont pas d’héritiers.
Autrefois, dans la plupart des villages, du moins, ce droit d’usage ou n’appartenait ni aux simples domiciliés, ni même aux natifs ; il était exclusivement réservé aux bourgeois, et l’on nommait ainsi les habitants originaires de la commune. Pour en jouir aujourd’hui, il suffit de l’avoir habitée pendant un an et un jour, mais on le perd par un an et un jour d’absence.
Un droit que, par votre décès, vous ne transmettez pas à votre famille, mais qui finit avec vous ou qu’un changement de domicile fait cesser, est peu propre à vous intéresser à la conservation et à l’amélioration des biens dont il vous confère la jouissance. Tout ce que vous désirez c’est de tirer actuellement de ces biens le plus de revenu possible. Il vous importe peu qu’une sage administration en augmente la valeur et les produits pour l’avenir, puisque rien ne vous donne la certitude que votre postérité en profitera. C’est à cette manière de voir, bien différente de celle que nous inspire la propriété individuelle, qu’il faut attribuer le mauvais usage que les communes ont généralement fait de leurs biens dans toutes les occasions où elles ont été abandonnées à elles-mêmes. Mais malheureusement cette manière de voir a sa source dans la nature même des choses et dans les penchants du cœur humain.
Grâce au régime auquel ils sont demeurés soumis jusqu’à ce jour, et dont, pour être juste, il faut noter les avantages aussi bien que les inconvénients ; grâce à ce régime, les bois communaux en général se trouvent, à l’heure qu’il est, dans un état satisfaisant et offrent encore de grandes ressources. Dans plusieurs localités ils alimentent une quantité de forges, de fourneaux et de fabriques ; ils donnent des écorces que nous employons dans nos tanneries ou que nous vendons à l’étranger. Ailleurs, ils nous procurent des arbres d’usine, des bois de charpente, de menuiserie, de charronnage, de tonnellerie, et des perches pour les houblonnières, les houillères et les minières. Partout ils sont employés au chauffage des populations et à une foule d’autres usages ; ils occupent un grand nombre de bras. Lorsque les tailles sont devenues défensables, elles offrent un pâturage abondant et de bonne qualité.
Par là, telle commune, dont le territoire arable se trouve circonscrit dans d’étroites limites et ne produit qu’une petite quantité de fourrage, peut cependant élever beaucoup de chevaux et de bêtes à cornes et donner à ses prolétaires les moyens de tenir une vache et de nourrir leur famille.
Abandonnez aux communes l’administration de leurs bois ; permettez-leur d’en régler à leur manière le mode de jouissance ; laissez-les nommer et révoquer elles-mêmes les gardes à volonté ; affranchissez ceux-ci de la surveillance de l’agence forestière et bientôt vous verrez les choses changer de face ; bientôt se manifesteront les effets désastreux de l’égoïsme individuel dont vous aurez rompu le frein. Ici, broutées impunément dans les premières années de croissance par l’incurie coupable d’un garde qui oubliera ses devoirs de peur d’encourir la disgrâce des magistrats délinquants et de perdre sa place, les cépées se rabougriront ou périront même sous la dent des bestiaux au lieu de s’élever et de s’étendre. Là, sous des coupes extraordinaires et anticipées auxquelles des besoins pressants serviront de prétexte, disparaîtra une futaie précieuse dont, si on l’eût laissée croître, le prix eût augmenté de jour en jour dans une étonnante proportion ; car il faudra toujours des bois de construction, et le dépeuplement des forêts particulières, suite de l’empressement de jouir, les a rendus extrêmement rares sur plusieurs points du royaume où ils abondaient autrefois.
On ne se bornera pas à abattre les arbres malvenants, dépérissants, couronnés et de mauvaise essence ; la hache meurtrière atteindra aussi les arbres en plein rapport, de la plus grande espérance et de la plus belle venue. J’omets une foule d’abus plus honteux. Dans d’autres communes enfin, on anéantira et le taillis et la futaie par des défrichements désordonnés, sous couleur de procurer aux plus nécessiteux d’entre les habitants du travail et un petit champ pour y planter leurs pommes de terre.
Sans doute il est des parties de bois susceptibles de culture, auxquelles on pourrait même sans inconvénient donner cette destination. Mais on doit l’avouer, elles sont extrêmement rares et de petite étendue, particulièrement dans le Luxembourg et dans la province de Namur. En général, les terrains boisés sont pauvres ; la plupart en pente rapide, à fonds schisteux et froid, couvert d’une couche végétale extrêmement mince, paraissent, dans l’intérêt bien entendu de la société et des localités où ils existent, ne devoir être livrés à la bêche ou à la charrue que dans un temps éloigné, c’est-à-dire, quand l’accroissement de la population aura rendu cette mesure nécessaire et praticable. Défrichez-les dès à présent, ou, ce qui est la même chose, tolérez-y sans réserve et sans relâche l’essartage à feu couvert, le seul possible là où se trouve de la futaie, vous en tirerez deux ou trois récoltes au plus ; mais à ces faibles produits succédera une longue stérilité.
Le sol, désormais épuisé de sucs nourriciers, ne produira plus qu’une mousse blanchâtre ; les bestiaux y chercheront en vain un brin d’herbe ; en vain vous essaierez d’y replanter du bois, le bois n’y prendra plus racine.
Ainsi, de vastes terrains naguère productifs seront convertis en landes comparables aux plaines de la Champagne pouilleuse.
Ce tableau n’est pas fantastique ; la vérité en sera sentie et attestée par différentes communes de mon arrondissement auxquelles il est particulièrement applicable. Ces communes situées dans la Fagne, contrée qui, des environs de Chimay, s’étend vers la Meuse et dans les Ardennes, savent maintenant ce que leur coûtent la destruction de leur quart en réserve et le défrichement de leurs forêts, opérés dans un temps d’abandon et de désordre, c’est-à-dire en 1792 et 1793, un peu avant leur incorporation à la république française, et en 1814 et 1815, lors de l’occupation du pays par les cosaques et par les Prussiens.
La ruine des forêts communales ne serait pas, j’en conviens, un mal pour tout le monde ; elle profiterait nécessairement aux particuliers possesseurs de bois, c’est-à-dire aux ci-devant seigneurs et aux riches ; car moins il restera de bois communaux, plus le prix des leurs augmentera.
Serait-ce là, par hasard, le motif du tendre intérêt que plusieurs d’entre eux, conjointement avec leurs hommes d’affaires, bourgmestres, ont paru prendre aux pauvres communes dont les demandes en défrichement étaient mal accueillies par l’administration forestière ? Une pareille supposition se concilierait peu avec le désintéressement bien connu de ces messieurs. De plus, le soin assurément louable qu’ils prennent de convertir tous les jours en plantis les terrains vagues et incultes qui leur appartiennent est un mauvais argument en faveur du défrichement des forêts. Quoi qu’il en soit, la chambre ne pourrait entrer dans des vues d’intérêt particulier, elle dont la sollicitude n’a d’autre objet que l’utilité générale et la prospérité publique.
Je ne prétends pas, notez ceci, qu’il faille regarder les bois communaux comme une propriété nationale, ni que l’administration doive en demeurer entièrement étrangère aux communes qui en jouissent, ni que le régime auquel ils sont soumis ne présente aucune imperfection, aucun vice, et ne soit pas susceptible de grandes modifications et de grands changements. Mais, prenant les hommes tels qu’ils sont, je dis qu’il serait imprudent, dangereux, nuisible aux véritables intérêts des communes, de donner une plus grande extension, dans ce moment, aux droits que les lois leur ont jusqu’ici laissés, et de les affranchir de l’action et de la surveillance de l’agence forestière, même en soumettant tous leurs actes, lorsqu’ils ont les bois pour objet, à l’approbation de la députation provinciale. Telle est mon opinion, que si vous voulez empêcher la dégradation et la destruction de cette importante propriété, il faut de nécessité tenir les communes en bride par une administration non seulement indépendante d’elles, mais intéressée à la répression de toute espèce de délits, chargée d’en poursuivre la réparation, capable, par les connaissances spéciales de ses employés, d’aménager les coupes, d’en opérer le balivage et le martelage, de fixer les époques où elles peuvent être pâturées et de juger si elles sont susceptibles d’être essartées et défrichées en tout ou en partie. Mais sans doute aussi il faut que cette administration ne soit ni fiscale ni vexatoire, qu’elle soit impartiale et juste, incapable de se laisser influencer ou corrompre, et conservatrice soigneuse des droits communaux.
Ainsi, elle doit s’opposer constamment aux empiétements, aux usurpations ; ainsi quand des forêts particulières sont grevées de droits d’usage au profit des communes, elle doit, quel que soit le propriétaire de ces forêts, avoir le courage de les déclarer défensables au moment où elles le sont devenues effectivement, et de les délivrer incontinent aux usagers, au lieu de se moquer d’eux, comme on l’a fait trop souvent, par l’abandon tardif d’un pâturage que l’âge du taillis rendait impossible et illusoire. Enfin, elle doit donner ses soins à la suppression des chemins inutiles et au repeuplement des coupes dégradées ou ruinées.
Cette administration, à la vérité, ne peut être gratuite ; elle coûte même, elle coûtera toujours beaucoup aux communes. Mais ce n’est pas une raison pour la supprimer si, d’ailleurs, elle est nécessaire comme je le crois. Du reste, elle paraît moins dispendieuse aujourd’hui qu’elle ne l’était sous le gouvernement impérial. Alors les frais d’assiette, de balivage, de martelage et de récolement s’élevaient à 10 fr. 30 c. par arpent, c’est-à dire à 21 fr. par hectare des coupes partagées, et à 10 p. c. du prix des coupes vendues. Maintenant les frais de conservation n’excèdent peut-être pas le terme moyen de 95 centimes par hectare et par année sur la totalité des coupes. Peut-être est-ce encore trop. Une chose certaine c’est que la répartition en est mal faite, parce qu’elle a pour base non les produits, mais l’étendue superficielle des coupes.
Il est écrit, je le sais, dans l’article 31 de votre constitution, que « les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la constitution elle-même. » Mais par l’étendue et l’importance des bois de communes, par la nature des droits de celles-ci et les restrictions qui en dérivent nécessairement, il est facile de concevoir que les intérêts dont vous vous occupez en ce moment ne sont pas exclusivement communaux. Les principes de votre loi fondamentale ne peuvent donc faire obstacle à ce que ces bois soient placés sous une surveillance spéciale. Ce que le législateur a dû vouloir surtout, c’est qu’ils fussent convenablement régis et conservés.
De ces observations je conclus qu’il est nécessaire, non de laisser subsister éternellement ce qui existe, mais d’ajourner au temps où la chambre s’occupera de la rédaction d’un code forestier la question de savoir jusqu’où doit aller l’émancipation des communes relativement à leurs bois. Alors vous aurez eu le temps d’approfondir une question importante, et vous pourrez mieux juger quelle garantie est nécessaire et quelles précautions sont à prendre pour confier sans danger, aux communes, des attributions qu’elles réclament prématurément, à mon avis. Alors vous ferez disparaître de la législation forestière des dispositions minutieuses, inutiles, barbares ; des peines excessives, conformes à l’esprit despotique du gouvernement de Louis XIV, mais qui jurent avec nos mœurs et notre civilisation. En attendant, je voterai le rejet des amendements qui vous sont présentés. Aussi bien ne sont-ils que l’énonciation d’un principe, c’est-à-dire une disposition qui, si vous jugiez à propos de l’adopter, devrait demeurer sans effet jusqu’à ce qu’une loi organique et de détail en procurât l’exécution, mais qui, par l’abus qu’on pourrait en faire, aurait de fâcheuses conséquences.
Au surplus, et peut-être il n’est pas inutile de le dire en finissant, s’il est nécessaire d’opposer une digue à l’égoïsme individuel relativement aux biens dont une fraction de la société jouit en commun comme simple usufruitière, et de la tenir à cet égard dans une sorte de tutelle, il ne s’ensuit pas que des précautions analogues doivent être prises envers la commune relativement à la nomination de ses magistrats. Car cet égoïsme individuel n’empêche pas les hommes de voir très clair en matière d’élection et de comprendre qu’ils sont tous intéressés à faire de bons choix. Je ne suis donc pas, dans la question qui nous occupe, en contradiction avec l’opinion par moi émise précédemment, que les bourgmestres, les échevins et les membres des conseils municipaux doivent être élus directement par le peuple.
M. Legrelle. - Je demande la parole pour appuyer la proposition qui a été faite par M. de Brouckere. Ce n’est pas à l’occasion de la loi communale que nous devons discuter le principe de la question des bois communaux. La section centrale en convient elle-même, puisque par son second paragraphe elle annule le premier. Il faut en effet laisser les choses sur le pied où elles sont, jusqu’à ce qu’un projet de loi soit présenté sur les forêts.
M. Desmanet de Biesme. - Discutons-nous sur la motion d’ordre faite par M. de Brouckere ou sur le fond ? Les orateurs que l’on vient d’entendre ont traité la question fondamentale ; ils ont discuté le principe relatif à la gestion des bois communaux ; la loi communale est une loi de principe ; il faut donc que celui dont il s’agit y soit inséré. Je voudrais savoir sur quoi nous discutons.
M. de Brouckere. - Ma motion d’ordre consistait en ceci, que nous ne discuterions pas actuellement la question de principe, et que l’on se contenterait de dire dans la loi communale que les choses resteraient en l’état où elles sont. Ce n’était pas là demander simplement la division de la proposition faite par la section centrale, comme l’a dit M. le président ; car il m’a semblé inutile de discuter un principe dont l’examen reviendrait inévitablement à l’occasion d’une autre loi. Ma motion d’ordre équivalait enfin à une demande d’ajournement de la discussion du principe relatif à la gestion des bois communaux.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît qu’il y a d’autant plus lieu d’adopter la motion d’ordre que l’on a faite, que quand on portera une loi nouvelle relativement à l’administration des bois communaux, on ne sera pas lié par la décision que prendra aujourd’hui la chambre. Si on reconnaissait, en effet, que le principe es une erreur, la législature reviendrait sur ses pas. Vous ne gagnerez donc rien en discutant le principe maintenant, à moins de voter un code forestier complet. Il faut maintenir les lois forestières existantes ; et comme vous êtes dans cette stricte nécessité de les maintenir, la discussion de principe dont il s’agit ne conduirait à rien, sinon à faire perdre beaucoup de temps.
M. de Brouckere. - Ce que dit M. le ministre des finances est très juste. Vous avez beau poser un principe, la chambre ne sera pas liée ; car elle pourrait le modifier dans la discussion d’une autre loi, je ne recule pas devant la discussion du principe, je le montrerai plus tard ; mais je le répète, cette discussion est inutile maintenant.
M. Desmanet de Biesme. - Il me semble qu’il faut statuer sur les amendements. Je ne me suis pas réuni à l’avis de la section centrale.
M. Dumortier, rapporteur. - La motion d’ordre, c’est le rejet des amendements déposés sur le bureau. Pouvez-vous ainsi rejeter trois ou quatre amendements ? Cela pas admissible. Laissez développer les motifs des amendements, et quand vous serez éclairés, rejetez-les si vous voulez. Vous ne pouvez pas, à prétexte d’une motion d’ordre, écarter des propositions déposées sur le bureau, renvoyées à la section centrale, et qui ont subi la filière des épreuves parlementaires. J’ai cru la motion d’ordre abandonnée par son auteur, et c’est avec étonnement que je l’ai vu reprendre par M. Legrelle qui, pourtant, a assisté aux discussions qui ont eu lieu dans le sein de la section centrale.
Quand une proposition a passé par la filière prescrite par le règlement, il faut que le débat s’ouvre ; vous ne pouvez l’écarter par une motion d’ordre. Je demande que la discussion au fond continue.
M. Dubus. - Je commencerai par dire que je n’avais pas apprécié d’abord la portée de la motion d’ordre. On demandait la suppression du premier paragraphe de l’article de la section centrale ; il me semblait que ce but serait rempli en mettant aux voix séparément les paragraphes, puisque ceux qui voudraient le rejet de ce premier paragraphe voteraient contre ; et voilà pourquoi j’ai dit, lorsque j’occupais momentanément le fauteuil, que la division était de droit. Mais je vois que par la motion d’ordre on veut étouffer la discussion, et obtenir par ce moyen ce qu’on n’obtiendrait pas après un débat.
Dans la proposition de la section centrale, il y a des principes et des conséquences ; et je ne voyais pas comment on les accorderait ; il me semblait que la proposition de la section centrale rencontrerait les plus grandes difficultés dans l’exécution. En y regardant de plus près, je vois qu’il y a une immense différence à maintenir simplement ce qui est, à établir simplement la surveillance du gouvernement sur les administrations des bois, faite par les communes.
Les lois et arrêtés en vigueur donnent-ils au gouvernement un simple droit de surveillance ? La section centrale vous dit que non ; elle vous dit que, excepté l’administration des bois épars, et d’une petite étendue, qui est laissée aux communes, les autres bois appartenant aux communes sont administrés par le gouvernement. Pouvez-vous maintenir cet état de choses ? Vous ne le pouvez pas sans violer la constitution. Ajourner la question de principe, c’est comme si vous disiez : ajournons la mise en action du principe constitutionnel.
La constitution veut que vous mettiez dans les attributions des conseils communaux et provinciaux tout ce qui est d’intérêt communal et provincial : pouvez-vous, encore un coup, ajourner l’exécution de la constitution ? Non ; car vous manqueriez à la loi qui vous est faite par la constitution, loi que vous devez suivre comme tous les autres Belges, et sur laquelle vous n’avez aucun empire. Vous devez donc attribuer aux conseils communaux tout ce qui est d’administration communale, sauf à soumettre les décisions des conseils des communes à l’autorité supérieure.
Vous pourrez par la suite organiser une surveillance plus rigoureuse sur l’administration communale mais toujours faut-il que ce soit la commune qui administre ses biens.
La section centrale donne un exposé de la législation en vigueur ; elle fait une satire amère de cet état de choses ; et cependant on propose de maintenir les abus qu’elle signale. Comment peut-on, à la fois, censurer l’administration du roi Guillaume et vous proposer de continuer à administrer comme lui ! Je ne comprends pas cette logique singulière.
L’honorable M. Legrelle a pris part aux délibérations de la section centrale ; comme elle, il a censuré les abus de l’ancienne administration, et cependant il propose d’écarter le premier paragraphe de l’article de la section centrale ; et il veut que l’on continue ce qui est contraire à la constitution !
Je bornerai là les observations que l’on peut présenter sur les opinions des adversaires de l’article de la section centrale ; car il faut vider ce qui est relatif à la motion d’ordre.
M. de Brouckere. - M. Dumortier s’est étonné de la motion d’ordre que j’ai faite ; puis il s’est étonné de ce que je l’avais abandonnée et qu’un autre l’eût reprise ; mais ma motion n’a rien d’étonnant et je n’ai jamais pensé à l’abandonner. Je l’ai faite, et il n’a pas dépendu de moi de faire parler les orateurs sur cette motion seulement. Non, la proposition que je vous ai soumise n’a pas pour but d’ajourner la constitution ; non, je ne veux pas empêcher que l’on se conforme a la constitution et que l’on pose un principe constitutionnel ; mais ma proposition a pour but d’empêcher la perte du temps.
Remarquez bien que s’il y a inconstitutionnalité dans l’état de choses actuel, cette inconstitutionnalité existe depuis quatre ans. Au surplus je soutiens qu’il n’y a pas la moindre inconstitutionnalité dans ce qui existe : en effet, l’administration des forêts communales n’est pas seulement un objet d’intérêt communal c’est un objet d’intérêt général ; et quand nous en viendrons à la discussion au fond, je me chargerai de le prouver. Au reste vous serez-vous montrés bien fidèles observateurs de la constitution quand vous aurez mis un principe constitutionnel dans la loi et que vous en aurez éloigné l’application a une époque que vous ne pouvez pas fixer vous-mêmes ?
Que vous a-t-on dit ? la loi communale est une loi de principe ; quant aux conséquences on les établira plus tard. La loi communale est une loi de principe comme toutes les lois, et je voudrais bien que l’honorable M. Fallon qui a développé cette doctrine, c’est une loi de principe où l’on ait ajouté : « Néanmoins les choses resteront comme elles existent actuellement, jusqu’à ce qu’une autre loi y ait pourvu. » Je prie l’honorable M. Fallon de me citer un seul exemple de cette nature en législation.
Je conçois que la loi communale soit une loi de principe en ce sens que plusieurs dispositions de la loi seront organisées par des arrêtés ou par des règlements. Mais dire que le principe sera organisé par une autre loi, je ne crois pas qu’il existe de précédent à cet égard. Car la loi qui organiserait ce principe pourrait déroger au principe posé dans la première, parce qu’une loi déroge toujours à une autre loi.
Le seul but que je me suis proposé, c’est de prévenir une perte de temps. J’ai demandé que l’on ne discutât pas le principe, puisque l’on reconnaît que le principe ne peut être discuté. C’est un véritable ajournement de la question de principe. Je déclare persister dans ma motion d’ordre.
M. Legrelle. - L’honorable M. Dubus a voulu conclure de ce que je fais partie de la section centrale et de ce que j’ai parlé en faveur de la motion d’ordre de l’honorable M. de Brouckere, que j’ai changé d’opinion. Des pertes récentes que j’ai faites dans ma famille, m’ont empêché d’assister aux délibérations de la section centrale. N’ayant pas pris part à ses travaux, je ne me trouve donc lié en aucune manière par le rapport.
M. Milcamps. - L’honorable M. Dubus a trouvé dans les dispositions de la section centrale une conséquence du principe posé dans le rapport, et il a raison dans ce sens. Les observations de l’honorable préopinant sont très justes. En effet nous voyons d’après les prémisses du rapport que l’administration des bois communaux appartenait, d’après les lois indiquées au rapport, à l’administration forestière et non pas à la commune. C’est précisément ce qui n’existe pas puisque les lois indiquées dans le rapport ont été modifiées par des dispositions ultérieures.
En fait, ce sont les communes qui ordonnent actuellement les coupes réglées, qui perçoivent le produit des ventes, de manière qu’elles ont réellement l’administration de leurs bois.
Cependant c’est une administration limitée, bornée. L’on en a conclu, puisque de fait les communes ont l’administration de leurs bois, en présence de la disposition constitutionnelle, qu’il était du devoir de la législature de poser le principe que les communes administrent leurs bois, principe déjà mis à exécution conformément aux lois actuelles. Il en résulte un fait, c’est que les lois indiquées dans le rapport ne sont plus en vigueur dans leur entier et qu’elles ont été modifiées par des dispositions ultérieures indiquées dans le rapport.
M. Fallon. - Il est évident que le motif de la motion d’ordre de l’honorable M. de Brouckere n’est qu’une véritable confusion d’idées, de choses qui ne se ressemblent en aucune manière. L’honorable M. de Brouckere confond continuellement et l’administration des bois communaux et le mode de jouissance et la surveillance de ces bois.
C’est pour cela que l’honorable membre trouve étrange que nous insistions sur la nécessité d’insérer dans la loi communale un principe constitutionnel qui veut que nous attribuions aux communes l’administration de tous les biens communaux. Il faut adopter ce principe que l’administration des bois communaux appartient au conseil communal.
Reste à savoir si cette administration sera confiée aux conseils communaux sans contrôle. Nous entrons dès lors dans la question de savoir quels sont les moyens à employer pour s’assurer que les communes n’abuseront pas des bois : j’ai fait observer que nous n’étions pas actuellement suffisamment éclairés à cet égard. Je consentirais à l’ajournement de la discussion sur le mode de surveillance et de conservation des bois communaux. Mais je ne sais pas pourquoi il est indispensable d’ajourner la question de savoir si l’administration des bois sera conférée aux communes.
M. Jullien. - L’administration des bois communaux est-elle d’intérêt général ou seulement d’intérêt communal ? C’est dans la solution de cette question que gît la difficulté. Si l’administration des bois communaux est d’intérêt général, vous ne violez pas la constitution en donnant cette administration au gouvernement, en la réglant par des lois générales ou particulières. S’il était vrai que l’administration des bois communaux fût communal, il faudrait la conférer au conseil communal.
Je crois que l’on pourrait soutenir avec avantage que l’administration des bois communaux concerne tout au moins l’intérêt général que l’intérêt communal. On l’envisageait tellement sous ce point de vue, sous le gouvernement français (et si je vous cite ce fait, ce n’est pas pour l’approuver, mais parce qu’il vient à l’appui de mon opinion), on l’envisageait tellement sous ce point de vue, que même pour les propriétés particulières il était défendu aux propriétaires de toucher aux arbres, de quelque âge et de quelque grandeur qu’ils fussent, sans autorisation préalable de l’administration des forêts.
Quel était le motif de cette singulière restriction des droits de la propriété ? L’intérêt général. Lorsqu’il y avait dans les propriétés particulières des arbres dont le bois pouvait être propre aux constructions maritimes, être nécessaire au service de l’Etat, ils étaient réservés pour le gouvernement et payés au propriétaire pour cause d’utilité publique. Cependant cette disposition prise par la loi française était une véritable atteinte aux droits de la propriété, qui est, pour les particuliers, d’user et d’abuser de leurs biens.
Il faut laisser aux propriétaires, aux particuliers s’entend, la plus grande marge possible. C’est à eux à savoir quels sont les moyens de faire rendre à leurs biens le plus grand rapport possible. Aussi des réclamations s’élevèrent de toutes parts contre cet abus de pouvoir que je viens de rappeler, et avant la chute de l’empire français le gouvernement lui-même y avait fait droit en rapportant cette disposition.
Pour ce qui est des communes, messieurs, elles ne sont pas propriétaires, elles sont mineures ; elles n’ont que l’administration de leurs biens sous la surveillance de l’autorité supérieure. Leurs biens intéressent non seulement la localité, mais aussi la généralité. Il est donc bon que l’administration en soit soumise à des formes et à des règles particulières.
Je ne vois pas qu’il y ait nécessité de poser le principe que les autorités communales auront l'administration de leurs biens. Si vous posez le principe, faites attention que vous ne pourrez plus toucher, plus tard, à l’administration des bois communaux. L’on vous répondra, lorsque vous tenterez de modifier les conséquences du principe : L’administration de mon bien m’appartient, je suis donc propriétaire ; vous ne pouvez modifier en rien mon droit de propriété. Vous aurez une difficulté sérieuse sur la question de savoir jusqu’à quel point vous pouvez étendre ou restreindre ce droit d’administration.
N’est-il pas plus sage de faire marcher ensemble la discussion sur l’administration et sur le mode d’administration ? Je n’y vois aucune espèce d’inconvénient, tandis que si vous posez le principe de l’administration des bois par les communes, vous supposez le droit d’administration ordinaire des autres propriétés de la commune.
Sous ce rapport, j’appuierai la motion d’ordre tendant à ce que la discussion du principe soit ajournée jusqu’à ce que l’on pose les règes d’administration et de surveillance des bois communaux.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il est indispensable de discuter la proposition de la section centrale, non pas que je l’adopte entièrement, car j’y introduirais, si je le puis, beaucoup de changements, mais parce que je crois que c’est un devoir que nous ne pouvons mettre en question, celui de consacrer dans la loi communale l’administration des intérêts communaux par la commune.
Il est une question que je dois me faire, puisqu’on révoque en doute les premiers éléments. Les communes sont-elles propriétaires de leurs bois ? Les uns répondent oui, et raisonnent comme si elles ne l’étaient pas ; les autres non. Les communes sont, selon moi, propriétaires de leurs bois. Je n’ai ouï aucune raison plausible qui prouve le contraire. On a dit que les communes sont mineures. Mais les mineurs ne sont-ils pas propriétaires ? Seulement en raison de la faiblesse de leurs capacités, la loi leur donne un tuteur.
C’est là une condition attachée à la minorité. Mais la constitution, par les articles 31 et 108, a voulu positivement que les communes eussent l’administration de leurs bois. Maintenant appelez-les, si vous le voulez, des mineurs. Je dis que la constitution, qui est plus forte que tous les raisonnements, a voulu que ces mineurs administrassent leurs biens. Dès lors, que reste-t-il à faire, quand nous nous occupons de régler les droits et l’administration des communes ? Il nous reste le devoir impérieux de nous conformer à la constitution pour les bois comme en toute autre matière, sauf les développements à donner ensuite au principe ; sauf les restrictions, ainsi que nous l’avons fait pour une infinité d’autres attributions.
Mais, dit-on pour éluder les articles que je viens de citer, il ne s’agit pas seulement d’un intérêt communal, il s’agit d’un intérêt général. La généralité est intéressée à la conservation des bois.
Avec de pareils raisonnements vous allez faire revivre tous les abus du gouvernement français. Il avait mis la main sur l’administration de tous les bois. Il prétendait administrer les bois des particuliers comme les bois des communes, à prétexte d’intérêt général. Il mettait des entraves dans l’administration des bois particuliers. En adoptant cette manière de voir, il faut faire surveiller non seulement les bois des communes, les bois des propriétaires, mais même les cultivateurs. Un homme qui laboure son champ travaille, non seulement dans son intérêt privé, mais dans l’intérêt de la généralité. Car si tous les cultivateurs du royaume cessaient à la fois leurs travaux, la nation mourrait de faim. Il n’y a plus de bornes dès lors. Je ne sais plus où l’on s’arrêterait.
Il n’y a pas de doute que la conservation des bois communaux, comme de toute autre propriété, tient à l’intérêt général ; mais il faut aussi un peu s’en rapporter à l’intérêt particulier pour le soin de la conservation des intérêts généraux. Il n’y a pas d’intérêt plus actif que l’intérêt privé ; on peut donc lui abandonner le soin de faire valoir l’intérêt général. Pourquoi supposer gratuitement que les communes iront de gaîté de cœur ruiner leurs propriétés ?
Je sais que les communes sont plutôt usufruitières que propriétaires. Elles ont plutôt la jouissance de la propriété que la propriété même, en ce sens qu’elles n’ont pas à la conservation le même intérêt qu’un père de famille. Que faut-il faire dans ce cas ? Il faut soumettre l’administration des bois communaux à une autorité supérieure à la commune, qui sera guidée non seulement par l’intérêt ou le caprice du moment, mais aussi par l’intérêt de l’avenir. Il faut faire pour l’administration des bois communaux ce que l’on fait pour beaucoup d’autres actes de l’autorité communale soumis à l’approbation de l’autorité supérieure, qui sera tout naturellement la députation provinciale. Je ne conçois pas pourquoi l’administration provinciale ne pourrait suffire à la surveillance des bois communaux. Il me semble au contraire que nulle autre autorité ne présente ni plus de garantie ni plus d’opportunité.
L’on a dit que s’il y a inconstitutionnalité à se refuser à poser le principe dans la loi, cette inconstitutionnalité a existé depuis 4 ans et qu’il n’y a pas grand mal à la prolonger encore. Mais pendant quatre ans nous n’avons jamais été mis en demeure de poser ce principe général.
Maintenant est venu pour nous le devoir de nous conformer aux articles 108 et 31 de la constitution. Aussi longtemps que nous ne nous étions pas occupés de la loi d’organisation communale, il n’y avait pas d’inconstitutionnalité ; mais aujourd’hui, si nous excluions le principe, nous violerions la constitution ; nous manquerions au devoir qu’elle nous a imposé impérieusement.
Mais poser un principe sans établir ses conséquences, ce n’est rien faire, nous dit-on : je ne suis pas de cet avis. Je ne sais pas d’abord pourquoi nous n’établirions pas des conséquences dès à présent ? Quel inconvénient si grand y aurait-il à ce que l’on organisât les conséquences du principe ? Mais quel inconvénient y aurait-il à établir le principe et à le développer par une loi spéciale ? Pour moi, j’ai le regret qu’en discutant les lois d’organisation provinciale et communale, nous ne nous soyons pas bornés à établir des principes généraux et à renvoyer aux lois spéciales et réglementaires tout ce qui concernait l’application de ces principes posés dans la loi générale.
C’est ainsi que l’on n’aurait pas dû toucher à des hospices, des bureaux de bienfaisance, dont il est impossible de régler convenablement l’administration dans une loi générale comme la loi communale. Quels inconvénients si graves y avait-il à ce que l’on n’insérât rien de ce qui était relatif à l’application des principes ? J’en ai vu de très graves à agir autrement. Au lieu de faire une loi communale, vous avez fait des règlements, puisque votre loi n’est plus que règlementaire.
Poser un principe dans une loi, dire qu’il sera organisé dans une autre loi, c’est ce que je n’ai jamais vu. Telles sont les paroles de l’honorable M. de Brouckere. C’est cependant ce qui se voit tous les jours. Chaque fois que l’on fait une loi générale, l’on pose des principes et l’on en omet les détails et les conséquences. Je ne vois aucune étrangeté, aucune absurdité dans cette manière d’agir, qui est, au contraire, la plus rationnelle, la plus logique et la plus législative.
L’on pourrait, d’ailleurs, a-t-on dit, déroger au principe posé dans la loi future d’organisation, a dit encore le même orateur. Non, messieurs, et cela par une raison toute simple ; c’est que le principe que nous demandons de poser dans la loi a été consacré par la constitution, et l’on ne pourrait pas plus y déroger lors de la loi sur des bois communaux, que nous ne pouvons déroger aujourd’hui à la constitution, en omettant de poser le principe qu’elle a décrété. Je crois donc, messieurs, que sauf à régler ultérieurement par une loi spéciale, que vous appellerez le code des forêts, si vous voulez, le mode d’administration, il est nécessaire de poser actuellement le principe. Ainsi vous pourrez dire dans la loi communale :
« Les conseils communaux ont l’administration de leurs bois et forêts, de la manière qui sera ultérieurement réglée. »
Si vous ne voulez pas aborder la question réglementaire, bien entendu.
Cette disposition consacre le principe et laisse entières les conséquences qui peuvent en découler. Au surplus ces conséquences sont-elles si nombreuses qu’on ne puisse les établir dès à présent ? Ne peut-on pas dire que les communes ont l’administration de leurs bois et de leurs forêts, et dire en même temps que l’aménagement des coupes, la fixation de l’époque du parcours, etc., seront réglés par un règlement provincial, et qu’en attendant, l’avis de la députation provinciale sera nécessaire sur tous les actes d’administration. Puisque l’on a déjà introduit dans la loi communale des dispositions réglementaires, on pourrait bien y joindre celle-ci.
Je ne sais si je me trompe, mais je ne vois aucune difficulté à prendre cette mesure dès à présent. Il est tout au moins nécessaire d’entrer dans la discussion du fond pour s’éclairer sur ce point-là comme sur tant d’autres. Je n’en dirai pas davantage.
En rapprochant les articles 31 et 108 de la constitution, il est impossible de méconnaître qu’il est de notre devoir de poser dès aujourd’hui le principe de l’administration par les communes, sauf à décider, s’il y a lieu, d’insérer en même temps les dispositions réglementaires ou d’en faire l’objet d’une loi séparée. Je voterai donc contre la motion d’ordre.
M. Jullien. - Je me suis bien gardé de dire que les communes n’étaient pas propriétaires de leurs bois. A cet égard, je suis bien de l’avis de l’honorable préopinant. Mais j’ai dit que les communes étaient mineures. Personne ne contestera cette vérité.
- Un membre. - Je la contesterai.
M. Jullien. - Vous allez la contester, c’est bien. Si l’on appliquait ce principe rigoureusement, les communes ne pourraient administrer, car si elles sont mineures, elles ne peuvent comme telles avoir l’administration d’aucune de leurs propriétés. Je veux donc bien les considérer comme émancipées par la loi communale.
Vous accordez que l’on ne laissera que jusqu’à un certain point aux communes l’administration de leurs bois ; que quant à la disposition des droits résultant de cette administration, ils seront réglés par une autre loi. Nos opinions ne sont donc pas très loin l’une de l’autre.
Les partisans de l’opinion contraire veulent que l’on pose dès à présent le principe dans la loi. Mais quand les communes auront l’administration de leurs bois, je demande à mes honorables adversaires comment ils entendent cette administration. L’administration d’un bois dans les mains du propriétaire, c’est le droit de régler les coupes, d’abattre, de planter, d’établir le parcours. Voila les droits que vous conférez aux propriétaires des bois ; et ces droits, quand vous les aurez donnés aux communes, vous les ferez disparaître en grande partie, parce qu’il n’est pas possible d’en laisser la jouissance au libre arbitre des autorités locales.
Ainsi, messieurs, les adversaires de l’opinion que je soutiens ont réellement combattu tacitement le principe qu’ils ont mis en avant. Si l’on admet que le gouvernement, comme tuteur des communes, aura le droit de diriger les coupes, l’époque des plantations, du parcours, il aura l’entière administration des bois. Je demande alors en quoi consiste cette administration que vous voulez conférer aux communes. Vous serez forcés, pour conserver les bois communaux qui sont d’un intérêt général, de réduire cette administration à presque rien. Ainsi, vous aurez posé le principe, et en même temps (puisque l’on demande la discussion immédiate des propositions réglementaires) vous l’aurez modifié tellement, qu’il n’aura pas d’effet.
Je ne m’oppose pas à ce que l’on discute immédiatement le principe et ses conséquences. Il faut aborder la question tout entière. Il faut discuter en même temps le principe et ses conséquences. Vous verrez à quoi cela se réduira.
M. Fallon. - Nous commençons à nous rapprocher quant au principe. L’honorable M. Jullien a dit qu’il fallait considérer les communes comme mineures. Cette assertion était erronée. Car s’il fallait assimiler les communes aux mineurs, comment pourraient-elles avoir l’administration de leurs biens ? Il en serait des autres propriétés comme des bois communaux.
L’honorable M. Jullien a dit en deuxième lieu que si les communes n’étaient pas mineures, on devait les considérer comme émancipées. Je prends acte de cette déclaration. Ce fait posé, accordez aux communes ce qu’on accorde aux mineurs émancipés. Ouvrez le code civil sur l’émancipation. Quelle est la première disposition ? Il est dit : « Le mineur émancipé a l’administration de ses biens. »
Voila ce que je demande ; que vous fassiez pour les communes si vous voulez les considérer comme émancipées ce que vous feriez pour un individu qui se trouverait dans ce cas, que vous commenciez par dire : les communes ont l’administration de leurs biens, comme le code civil dit que le mineur à l’administration de ses biens ; mais le code civil ajoute : le mineur émancipé pourrait encore à raison de la faiblesse de son âge abuser de l’administration qui lui est abandonnée, il faut le soumettre à un système de surveillance. Eh bien, la loi s’occuperait de régler de quelle manière la commune aurait l’administration de ses biens. On lui dirait : dans tel cas, vous serez soumise à telle formalité. Nous ne demandons pas autre chose que de déclarer que l’administration des bois communaux appartient à la commune, comme l’administration de ses biens appartient au mineur émancipé, sauf les exceptions que la loi établira dans certains cas.
Pour ce qui concerne la question constitutionnelle il est impossible de l’écarter. On nous a dit, forcé qu’on était de chercher à tourner la question, que les biens communaux sont aussi d’intérêt général.
Eh bien, dites la même chose des bois particuliers. Les bois des communes sont comme les biens des particuliers. Si les bois des communes sont d’un intérêt général, les bois des particuliers le sont également. Il suffit aux termes de l’article 108 de la constitution que le bois communal soit d’un intérêt communal pour que vous soyez forcés de consigner dans la loi d’organisation communale que l’administration lui en appartient. Vous aurez ensuite à régler le mode d’administration, pour que la commune ne puisse pas abuser de son droit d’administrer, mais c’est là une autre affaire que nous examinerons quand nous nous occuperons d’un règlement pour empêcher la commune d’abuser du droit qui lui est donné.
Mon avis est que nous devons conserver le mode de surveillance actuel, tant et si longtemps que nous ne jugerons pas qu’il y a lieu de le remplacer.
Mais, dit-on, que signifiera votre droit d’administration avec le régime forestier ? Ce droit d’administration se réduit à zéro. C’est précisément parce que maintenant cette administration se réduit à zéro, et que tout le monde ne pense pas qu’il doive en être ainsi, que nous voulons poser principe dans la loi communale. Plus tard, nous verrons si l’administration des biens communaux doit se réduire à zéro, et si en présence de la constitution, le régime actuel doit continuer à subsister.
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, je me renfermerai dans la motion d’ordre. Depuis deux heures et demie nous discutons sans savoir où nous allons et pour peu que nous continuions comme cela nous aurons employé toute une séance pour discuter une motion d’ordre.
C’est à propos d’une circonstance semblable, que dans une précédente séance j’ai dit qu’une motion d’ordre était souvent une motion de désordre. Cette observation pourrait encore fort bien trouver ici sa place. Car, depuis deux heures et demie, on discute à propos d’une motion d’ordre, tantôt le fonds, tantôt la forme de la question.
Je vous ferai observer que l’adoption de la motion d’ordre de M. de Brouckere serait le rejet de toutes les propositions déposées sur le bureau. Quel serait le résultat du rejet de toute proposition ? L honorable membre a déjà dit que le rejet de toute disposition serait censé le maintien de tout ce qui existe, et par conséquent, que ce rejet entraînerait le refus de rendre aux communes l’administration de leurs biens ; c’est la une manière d’envisager la question.
Je vous en présenterai une autre qui mérite aussi d’être prise en considération. Si vous allez rejeter toute disposition relative à l’administration des bois communaux, savez-vous ce qui arriverait ? c’est que les communes s’établiraient par le fait en possession de leurs forêts communales, et elles seraient dans leur droit. Voici comment j’établis mon avis.
La constitution déclare que les intérêts exclusivement communaux sont du ressort des administrations communales. Or, quoiqu’on vienne dire que l’intérêt général est pour quelque chose dans l’administration des bois communaux, personne ne peut contester que comme propriétaire la commune est la plus intéressée à la chose. Que diront les communes si aucune disposition n’est insérée dans la loi communale ? Elles diront qu’en vertu de la constitution l’administration des biens communaux appartient a la commune, qu’il n’est fait aucune exception pour les biens, que par conséquent elles ont l’administration pleine et entière des biens, et non seulement l’administration, mais encore toute la surveillance.
Comme l’a dit l’honorable M. Gendebien, jusqu’ici le régime actuel a pu être continué sans violer précisément la constitution, parce que ce n’est que lors de l’organisation communale, que l’article 108 doit ressortir ses effets, mais une fois la commune organisée, toutes les lois contraire à cette loi d’organisation venant à tomber d’elles-mêmes, les communes seraient fondées à revendiquer la surveillance et l’administration de leurs biens.
En effet, la constitution a-t-elle établi une différence entre les propriétés boisées et celles qui ne le sont pas ? La conservation des forêts, dit-on, est une chose d’intérêt général, mais les propriétés non boisées sont aussi d’un intérêt général, car si l’intérêt général exige qu’on ait du bois pour construire, l’intérêt général aussi exige qu’il y ait du grain pour manger. Dès lors l’intérêt général ne s’applique pas plus aux propriétés boisées qu’aux propriétés non boisées ; et comme la commune jouit en toute propriété de ses prairies et de ses champs, elle peut avec justice revendiquer le même droit sur les propriétés qui lui appartiennent.
Vous voyez qu’il y a nécessité de stipuler quelque chose dans la loi communale. Vous voyez que l’adoption de la motion d’ordre de l’honorable M. de Brouckere aurait un résultat inverse de celui qu’il s'est proposé.
La constitution vous fait un devoir formel d’insérer dans la loi une disposition sur ce sujet. Voici comment est conçu l’article 139 de la constitution :
« Le congrès national déclare qu’il est nécessaire de pourvoir par des lois séparées et dans le plus court délai possible aux objets suivants :
« 1° La presse ; 2 l’organisation du jury ; 3° les finances ; 4° l’organisation provinciale et communale, etc. »
D’après quel principe doit-il être pourvu à l’organisation communale ? L’article 108 le dit : tout ce qui est d’intérêt communal doit appartenir à l’administration communale. Or, les biens communaux sont un objet d’intérêt communal, le congrès nous a fait un devoir de nous en occuper dans la loi d’organisation communale, vous ne pouvez admettre la motion d’ordre de M. de Brouckere sans manquer aux obligations que vous impose l’article 139 de la constitution.
Je demande donc que la motion d’ordre soit écartée, parce que son adoption entraînerait le rejet de toutes les propositions et qu’il en résulterait les plus graves difficultés.
Je dois dire cependant que je ne partage pas toutes les propositions de la section centrale.
M. Dubus. - Je ferai remarquer que la motion d’ordre a introduit dans la discussion une véritable confusion. Tout ceux qui l’ont soutenue n’ont pu le faire qu’en s’appuyant sur des moyens tirés du fond même de la question, et cependant on veut par cette motion d’ordre nous empêcher de parler du fond ; c’est du fond qu’on tire des arguments pour établir le moyen par lequel on veut nous interdire de discuter le fond de la question. Il y a inconséquence et injustice tout à la fois dans une semblable prétention.
D’abord, la section centrale dans son rapport se prononce à l’unanimité sur ce que l’honorable auteur de la motion d’ordre appelle la question de principe.
La section centrale, dit le rapporteur, admet à l’unanimité qu’en vertu des principes consacrés par la constitution, les communes doivent avoir l’administration de leurs bois et forêts.
Je pense que c’est là ce que l’honorable membre entend par la question de principe. Eh bien ! elle a été résolue à l’unanimité par la section centrale.
L’auteur de la motion d’ordre et ceux qui l’appuient ne présentent cette motion que parce qu’ils n’admettent pas ce principe, que les communes doivent avoir l’administration de leurs bois et forêts. L’honorable député de Bruges qui appuie la motion d’ordre s’est attaché à établir que, d’après la constitution et la nature des choses, les communes ne doivent pas avoir cette administration. Si cela est ainsi, qu’on le décide, mais avant qu’on l’examine. Que ceux qui veulent établir que les communes doivent avoir l’administration de leurs forêts, soient admis à développer leurs moyens. Mais il ne paraît pas qu’il est déraisonnable de se fonder sur la motion d’ordre pour établir que les communes ne doivent pas avoir cette administration et d’empêcher qu’on discute la question de savoir si elles doivent l’avoir.
La motion d’ordre tombe devant les moyens donnés pour l’appuyer, car ces raisons appellent l’examen de la question que la motion d’ordre tend à ajourner.
La constitution vous fait d’ailleurs un devoir d’écarter la motion. En effet, la constitution vous prescrit de faire une loi d’organisation communale et en vous prescrivant de faire cette loi, elle vous dit d’après quel principe vous devez la faire. Elle vous dit, article 108, que tout ce qui sera d’intérêt communal sera du ressort de l’administration communale. Or, si vous adoptez la motion d’ordre, vous déclarez que provisoirement la loi d’organisation communale ne sera faite d’après le principe posé dans la constitution, que vous en séparez un objet qui devait y être compris et que cet objet sera examiné ultérieurement.
C’est résister à la constitution, c’est violer son principe, car elle nous impose le devoir d’organiser la loi communale d’après ce principe que les intérêts communaux sont régis par la commune, et nous ne pouvons ni le suspendre ni le différer, le moment de le mettre à exécution est venu, c’est celui où nous nous occupons de la loi d’organisation communale.
Ici je dois répondre à une objection qui a été mise en avant ; l’inconstitutionnalité ne serait pas réelle, a-t on dit. Car s’il y avait inconstitutionnalité, elle existerait depuis quatre ans. Cela est complètement faux. La constitution a dit que lorsqu’on organiserait le pouvoir communal, ce serait sur telle ou telle base. Si vous organisez la loi communale en négligeant un des principes voulus par la constitution, c’est en cela qu’il y aura inconstitutionnalité : mais on ne peut pas taxer d’inconstitutionnel ce qui a été pratiqué provisoirement jusqu’à présent. Il est d’autant plus nécessaire de s’occuper du fond que, remarquez-le bien, on n’est d’accord ni sur les principes, ni sur les faits.
Je vois que les membres qui sont partisans de la motion d’ordre ne veulent pas que les communes aient l’administration de leurs bois, et la section centrale a décidé à l’unanimité qu’elles devaient l’avoir. J’ai même entendu dire par des membres qu’elles l’ont par le fait, de manière que si vous admettez la motion d’ordre, vous ne pouvez examiner ni le droit ni le fait, vous votez en aveugles. Il y a doute si les communes n’ont ou n’ont pas l’administration de leurs bois, et vous ne voulez pas examiner la question. Ainsi vous faites une loi sans vouloir vous éclairer sur la matière. Je ne conçois pas qu’on puisse appuyer une motion d’ordre si déraisonnable ; quant à moi, je la repousse de toutes mes forces.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’appuierai la motion d’ordre, parce que je dois conclure de ce tout ce qui a été dit que nous perdrons plusieurs jours à discuter divers amendements sans obtenir de résultat. Car je ne vois pas qu’on ait aujourd’hui envisagé rien de spécial, de manière que nous aurons voté un principe sans application, et que lors de l’application tout sera mis en discussion, car alors vous aurez à décider ce qui revient à l’administration communale, et ce qui revient à l’administration forestière. Véritablement les communes n’ont pas de sujets de plainte.
M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’appartient pas à l’honorable préopinant de demander un rappel au règlement, lui qui se met dans ce cas à tous propos.
M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole pour un fait personnel.
- Plusieurs membres. - Vous n’êtes pas dans la question.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis dans la question quand je dis qu’on doit adopter la motion d’ordre, parce qu’il n’y a pas urgence d’adopter la matière. Je pense que je puis prouver que cette urgence n’existe pas, en disant que d’abord les communes peuvent mettre leurs bois en coupes réglées par arrêté de 1829 ; en second lieu, les conseils communaux délibèrent à l’effet de savoir y a lieu de partager les coupes entre particuliers, ou de les mettre en vente publique. La députation provinciale est là pour décider.
Vous voyez donc que tout est garanti, dès lors je ne vois pas qu’il y ait lieu de perdre trois ou quatre jours pour établir un principe dont l’application ne pourra avoir lieu que dans un temps illimité. Conséquemment, j’appuie la motion d’ordre de l’honorable M. de Brouckere.
M. Dumortier, rapporteur. - J’ai pris deux fois la parole dans cette discussion, et je n’ai pas dit un seul mot sur le fond ; au contraire, tous les membres qui appuient la motion d’ordre sont entrés dans le fond et veulent nous clore la bouche, quand par hasard il nous arrive de les imiter.
Je ne répondrai pas à M. le ministre relativement à ce qu’il a dit lorsque j’ai demandé le rappel au règlement ; c’est là une singularité de M. le ministre de l'intérieur auquel il est bon que je dise qu’il n’est pas le censeur de la chambre. J’ai demandé le rappel au règlement, et je le maintiens parce que vous ne pouvez pas mettre aux voix la motion de M. de Brouckere.
Le règlement veut qu’on mette aux voix les propositions quand elles ont été présentées dans les formes voulues. Trois propositions ont été faites par les honorables MM. Desmanet de Biesme, Berger et Fallon ; elles ont été faites dans les formes voulues. Au moyen d’une motion d’ordre on ne doit pas entraver un amendement.
Voilà trois heures que nous discutons sur une motion d’ordre, et aucun de nous n’a pu parler sur le fond. Cela n’est pas loyal, et vous n’avez pas le droit d’adopter la motion d’ordre de l’honorable M. de Brouckere sans rejeter par là les amendements appuyés et déposés dans les formes voulues.
M. Dumont. - J’appuie la motion d’ordre. L’honorable M. Dumortier voit dans cette motion d’ordre le moyen de rejeter les amendements ; elle ne me paraît à moi qu’un moyen d’ajournement, elle me paraît d’ailleurs justifiée par la section centrale, car c'est parce que la section centrale ne se prononce pas sur un principe d’organisation qu’il y a lieu de s’éclairer. Quant à moi, il m’est très difficile de me prononcer sur un principe dont je ne connais pas l’organisation, c’est une chose trop vague à mes yeux. Ainsi, je crois qu’il faut ajourner la discussion jusqu’à ce qu’une proposition complète soit présentée à la chambre.
M. Fallon. - Je ferai observer que si on considère la motion d’ordre comme un ajournement, il faut que l’honorable M. de Brouckere fixe le terme de cet ajournement, comme le prescrit l’article 24 du règlement. « Art. 24. Les réclamations d’ordre du jour, de priorité et de rappel au règlement, ont la préférence sur la question principale et en suspendent toujours la discussion. La question préalable, c’est-à-dire celle qu’il n’y a pas lieu à délibérer, la question d’ajournement, c’est-à-dire celle qu’il y a lieu de suspendre la délibération ou le vote pendant un temps déterminé, et les amendements sont mis aux voix avant la proposition principale, les sous-amendements avant les amendements.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Jusqu’à la discussion du code forestier.
M. de Brouckere. - Je demande que l’on mette : jusqu’à la discussion d’une loi forestière nouvelle.
M. Fallon. - C’est un ajournement indéterminé.
M. Dumortier, rapporteur. - Ce n’est pas là déterminer un ajournement ainsi que le veut l’article 24 du règlement. Tout ce que l’on vous propose est contraire au règlement. Voyez les articles 41, 42 et 43 ; par le premier vous êtes obligés à discuter sur tous les articles des lois ; par le second les amendements doivent être rédigés ou déposés sur le bureau ; par le dernier on ne peut suspendre la délibération sur un amendement que quand il est renvoyé à la section centrale ou à une commission spéciale. On ne peut adopter la proposition faite par M. de Brouckere sans violer le règlement d’une manière flagrante, et cependant le règlement est la loi des minorités. Gagnerait-on quelque chose en adoptant la motion d’ordre ? Non, car, en écartant le premier paragraphe de l’article de la section centrale, restera la discussion sur le second paragraphe, laquelle sera aussi longue que la discussion sur le but. La motion d’ordre a donc été faite avec légèreté ; si elle avait été mûrie, elle n’eût pas été déposée sur le bureau. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je vous ferai remarquer qu’il y a peu de jours, relativement au canal de Zelzaete, on a prononcé un pareil ajournement à celui que l’on demande (Aux voix ! aux voix !)
- Plusieurs membres. - L’appel nominal !
- La motion d’ordre est soumise à l’appel nominal.
65 membres sont présents :
24 votent l’adoption de la motion faite par M. de Brouckere.
40 en votent le rejet.
1 membre s’abstient de voter.
En conséquence la motion n’est pas adoptée.
M. de Meeus s’est abstenu de prendre part à la délibération parce qu’il n’a entendu qu’une partie du débat.
- Ont voté l’adoption : MM. Verrue, Corbisier, Cornet de Grez, Dams, de Brouckere, F. de Mérode, de Muelenaere, de Theux, Dewitte, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Dumont, Ernst, Frison, Jadot, Jullien, Helias d’Huddeghem, Lardinois, Legrelle, Olislagers, Seron, Vandenhove, H. Vilain XIIII, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Bekaert, Berger, Cols, Dautrebande, de Behr, de Foere, de Longrée, de Meer de Moorsel, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, d’Hane, Dubus, Dumortier, Fallon, Gendebien, Hye-Hoys, Milcamps, Morel-Danheel, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Quirini, A. Rodenbach, Schaetzen, Smits, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden, Vergauwen, C. Vilain XIIII, Vuylsteke, Wallaert, Raikem.
- La séance est levée à quatre heures et demie.