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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 février 1835

(Moniteur belge n°36, du 5 février 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal.

M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.

« Les officiers de la garde civique mobilisée de Bruxelles demandent de nouveau que la chambre intervienne pour qu’ils soient affranchis du service, ou pour qu’ils reçoivent le traitement de demi-solde de leur grade. »

« Quatre raffineurs de sel de Courtray adressent des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »

- Ces mémoires sont renvoyé à la commission des pétitions.


M. Dechamps écrit pour demander un congé.

- Le congé est accordé.


Le sénat annonce par un message qu’il a adopté le budget du département de la justice pour l’exercice 1835.

Démission d'office d'un membre de la chambre

La lettre suivante a été adressée à M. le président :

« Monsieur le président,

« J’ai l’honneur de vous informer qu’ayant accepté les fonctions de directeur des cultes, lettres, sciences et arts, j’ai, aux termes de la constitution, cesse de faire partie de la chambre des représentants.

« Veuillez, monsieur, agréer l’assurance de la considération distinguée, etc.

« H. Dellafaille. »

Proposition de loi portant abolition de la peine de mort

Lecture, développements et prise en considération

M. de Brouckere monte à la tribune et lit le projet de loi suivant pour l’abolition de la peine de mort.

« Considérant que, dans l’impossibilité de procéder dans un bref délai à la révision de la législation pénale, il est urgent d’en faire disparaître les peines qui ont cessé d’être en harmonie avec nos mœurs, qui sont contraires à l’humanité et à la justice, ou dont l’exécution est devenu impossible ;

« Considérant qu’il importe cependant de laisser subsister dans les peines une gradation qui permette de punir chaque crime selon sa gravité ;

« Nous avons, de commun accord, etc.

« Art. 1er. La peine de mort, celle de la déportation, la flétrissure et la mutilation, mentionnées dans l’article 13 du code pénal, sont abrogées. »

« Art. 2. La peine de mort est remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité. »

« Art. 3. Dans tous les cas où les lois actuellement en vigueur prononcent cette dernière peine, elle est remplacée par celle des travaux forcés pour un temps qui ne pourra excéder trente années, ni être moindre de quinze. »

« Art. 4. Dans tous les cas où les lois prononcent la déportation ou les travaux forcés à temps, cette dernière peine est appliquée pour un temps qui ne pourra excéder quinze années ni être moindre de cinq. »

« Art. 5. L’arrêté-loi du 20 janvier 1815 (publiée le 31 juillet suivant) reste en vigueur, mais seulement pour les cas prévus par l’article précédent. »

« Art. 6. Sont et demeurent abrogées les dispositions de l’article … de la loi monétaire du … modifiant les articles 132, 133 et 134 du code pénal, auxquels s’appliquera la présente loi. »

« Art. 7. La présente loi n’est point applicable aux crimes militaires, en temps de guerre. »

Messieurs, ajoute l’honorable membre, la première fois que j’ai eu l’honneur de présenter ma proposition, je l’ai fait suivre de quelques développements imprimés qui ont été distribués aux membres de la chambre. Si l’assemblée pouvait être d’avis de prendre la proposition en considération sans qu’une nouvelle discussion s’élevât, je me bornerais à demander la réimpression des développements déjà donnés. Si elle veut au contraire qu’une nouvelle discussion s’élève, je demanderai qu’on la remette à un autre jour, où je donnerai les développements nécessaires. Je demande à la chambre de développer ma proposition d’aujourd’hui en trois semaines. (Appuyé ! appuyé !)

M. Devaux. - Je prends la parole pour demander à M. le ministre de la justice s’il ne lui serait pas possible de communiquer à la chambre des documents statistiques nécessaires dans la question importante qui nous occupe aujourd’hui. Ma demande a pour but de savoir si réellement les crimes augmentent en Belgique.

Je désire apprendre s’il ne serait pas possible, aujourd’hui qu’on va prendre la proposition de l’honorable M. de Brouckere en considération, d’avoir les communications que je demande sous le plus bref délai. Ces renseignements statistiques seront très faciles à recueillir, car je pose en fait qu’en vingt-quatre heures on peut avoir ce relevé dans toutes les provinces, d’autant plus que des tableaux sur ce sujet ont déjà été faits par MM. les gouverneurs des provinces, et j’ai vu, par les états statistiques des provinces de Namur et de la Flandre occidentale que le nombre des crimes, au lieu d’avoir augmenté, a considérablement diminué. J’insiste donc pour que M. le ministre de la justice veuille bien faire en sorte que les renseignements que je réclame soient promptement communiqués à la chambre.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne puis dire exactement à quelle époque il me sera permis de fournir les renseignements que demande l’honorable préopinant ; ce que je puis promettre, c’est de faire tout ce qui dépendra de moi pour les communiquer à la chambre le plus tôt possible.

Quant à ce que vient de dire l’honorable membre relativement à l’augmentation des crimes en Belgique, s’il a voulu parler des crimes et délits, je ne pourrai lui donner une solution satisfaisante ; s’il veut parler des crimes qui entraînent des peines capitales, je dois dire qu’en 1834 le nombre en a été beaucoup plus grand que dans les années précédentes. Il y a eu 23 ou 24 condamnations capitales prononcées par les cours d’assises : si on ajoute à ces condamnations trois ou quatre jugements rendus par les conseils de guerre, le nombre des peines capitales montera pour cette année à 27 ou 28. Ces renseignements, j’ai pu les recueillir, ayant les tableaux de grâce dans mon ministère. Si l’on compare l’année 1834 aux années précédentes, on verra que le nombre des condamnations capitales s’est accru d’une manière frappante.

M. Devaux. - Je ne veux pas contester l’assertion de M. le ministre de la justice, mais je ferai remarquer que dans un pays comme le nôtre, où on compte 24 peines capitales dans l’année 1834, un seul crime peut changer le nombre de ces condamnations, si ce crime, par exemple, est commis par toute une bande, comme cela a eu lieu. Le fait auquel je fais allusion a été commis il y a deux ans. Dans cette circonstance, on ne peut inférer que le nombre des crimes se soit accru considérablement.

M. Dumortier. - Il me semble que le désir de l’honorable préopinant sera satisfait, si M. le ministre de la justice prend l’engagement de faire un tableau comparatif des crime commis avant la révolution, et postérieurement à la révolution.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Ce rapport serait du plus grand intérêt, mais je ne puis promettre de le faire dans un court délai. Ce rapport suppose une connaissance statistique de tous les crimes commis avant et après la révolution, et nécessite des recherches qui demanderont un temps que je ne puis limiter.

- Le renvoi en sections du projet de loi est ordonné, pour être imprimé et distribué avec les développements aux membres de la chambre.

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l'exercice 1835

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Rémunérations

Article 4

M. le président. - Le chiffre de 200,000 proposé par M. le ministre des finances, n’ayant pas été adopté, la chambre veut-elle passer à la discussion de l’amendement proposé par l’honorable M. Trentesaux ?

M. Legrelle. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je crois qu’il sera plus parlementaire de ne pas rouvrir la discussion : elle a été close hier. On a voté le premier chiffre, reste à voter le second. Il me semble que nous ne pouvons pas rouvrir la discussion, et puisqu’il y a un second vote, alors nous pourrons discuter sur l’amendement en question. Mais j’insiste pour ne pas établir un mauvais antécédent, et je demande qu’on vote sur le chiffre de la section centrale.

- La motion d’ordre de M. Legrelle est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - M. Jadot est libre de demander l’impression des développements de son amendement au Moniteur.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’engage M. Jadot à déposer dès aujourd’hui son amendement sur le bureau. On l’imprimerait immédiatement et l’on en ferait la distribution à domicile.

De cette manière chaque membre l’aurait sous les yeux et serait prêt à en soutenir la discussion lors du deuxième vote.

M. Jadot. - Je dépose mon amendement sur le bureau.

- Le chiffre de 50,000 proposé par la section centrale pour subside extraordinaire à la caisse de retraite est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Fonds de dépôts

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Intérêts des consignations dont les fonds sont en Hollande : fr. 160,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Intérêts des cautionnements des comptables inscrits au grand-livre de la dette active d’Amsterdam : fr. 100,000 »

- Adopté.


« Art. 3. Arriérés de ces intérêts (exercices 1832, 1833, 1834) : fr. 8,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Intérêts des cautionnements versés en numéraire depuis la révolution : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Intérêts des remboursements des consignations dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 50,000. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Quel jour la chambre désire-t-elle fixer pour le second vote du budget de la dette publique ?

M. Dumortier. - Je demande que ce jour soit fixé à demain ; les vingt-quatre heures d’intervalle exigées par le règlement se seront écoulées lorsque nous en viendrons à la discussion de l’article sur la caisse de retraite. Il faut rappeler qu’après-demain nous discuterons le rapport des pétitions.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Rien n’empêche que l’on ne procède après-demain au second vote au commencement de la séance, avant la discussion des rapports de pétitions.

M. Verdussen. - Pour concilier les opinions, l’on pourrait fixer à demain le rapport des pétitions, et à après-demain la discussion du deuxième vote du budget de la dette publique.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la proposition de l’honorable préopinant. Si j’insiste pour que le règlement soit observé, et que le deuxième vote soit fixé à après-demain, c’est que je ne vois pas qu’il y ait urgence de déroger au règlement, tandis que les membres pourront pendant l’intervalle examiner la question, telle que M. Jadot l’a présentée, et procéder en connaissance de cause au deuxième vote.

- Le second vote du budget de la dette publique est fixé à vendredi.

M. Dumortier. - Les feuilletons des pétitions ne sont pas distribués en totalité. Je demande que la discussion du rapport des pétitions soit fixée à samedi. Il serait impossible de s’en occuper demain

- La proposition de M. Dumortier est adoptée.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre IV. Des actions judiciaires.

Chapitre II. Des délimitations
Article 149 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 149 (du projet de la section centrale). Lorsqu’une fraction de commune aura été érigée en commune, un arrêté royal ordonnera une convocation immédiate des électeurs de la fraction qui se sépare, réglera tout ce qui est relatif à la première élection, et fixera la première sortie périodique en concordance avec les sorties générales prescrites par la présente loi.

« L’ancienne et la nouvelle commune nommeront chacune trois commissaires pour déterminer les limites, régler tout ce qui est relatif aux questions financières, au partage des archives, et en un mot pour procéder à la séparation de la communauté, de manière à ce que les communes ou fractions de communes conservent leurs biens, leurs droits et usages ; en cas de contestation, la députation provinciale statuera, sauf recours au Roi. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me rallie à la première partie de cet article, et j’ai l’honneur de proposer sur la seconde l’amendement suivant :

« Les conseils communaux règlent de commun accord le partage des biens communaux entre les habitants des territoires séparés, en prenant pour base le nombre des feux, c’est-à-dire des chefs de famille ayant domicile dans ces territoires. Ils règlent également ce qui concerne les dettes et les archives.

« Les délibérations relatives à ces objets sont soumises à l’approbation de la députation provinciale.

« En cas de dissentiment entre les conseils communaux, la députation provinciale décide, sauf recours au Roi.

« S’il s’élève des contestations relatives aux droits résultant de titres ou de la possession, les communes seront envoyées devant les tribunaux. »

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne comprends pas bien cet article nouveau ; je crois qu’il y a dans la loi des dispositions qui prévoient ces cas, auxquels l’amendement est relatif.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La première partie de l’article de la section centrale ne présente aucune difficulté. Quant à la deuxième partie, qui a pour but de régler les intérêts d’une commune qui se fractionne, par suite d’une division nouvelle du territoire, les réglés ne me paraissent pas bien conçues.

M. Dumortier, rapporteur. - On ne sait pas bien à quoi se rapporte l’amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est à l’article 149.

M. Dumortier, rapporteur. - Il est relatif au partage des biens de la commune ; cela n’a rien de commun avec la délimitation de la commune ; c’est une affaité qui entre dans les attributions des conseils.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’exposerai en peu de mots les motifs de mon amendement.

Vous avez sous les yeux la première disposition de l’article 149 ; elle ne présente aucune difficulté. Mais dans le projet de la section centrale, il y a une seconde disposition qui a pour objet de régler les intérêts financiers entre les communes qui viennent d’être séparées ; c’est cette disposition que je propose de remplacer par mon amendement.

En effet, je ne conçois pas pourquoi la nomination de trois commissaires aurait lieu ; les conseils communaux sont les autorités compétentes pour délibérer sur ces questions, et l’intervention des commissaires doit être écartée.

Je vois dans la proposition de la section centrale qu’il s’agit de déterminer les limites des communes ; mais lorsqu’une commune est séparée par la loi, la délimitation est faite par elle et rien n’est à régler.

Lorsqu’il s’agit de la liquidation entre des communes, ce ne sont pas des commissaires qui doivent liquider, ce sont les conseils communaux qui doivent alors délibérer.

Lorsqu’une portion d’une commune vient d’en être détachée pour former une commune nouvelle, celle-ci se trouve ouvrir à l’ancienne des droits en participation, des obligations communes ; quelles sont donc les règles à suivre dans ce cas ? Ce sont celles que la loi a tracées.

Ces règles se trouvent dans l’avis du conseil d’Etat du 20 juillet 1807, qui décide qu’en cas de séparation, le partage doit se faire par feux ; c’est-à-dire d’après le nombre des chefs de famille ayant domicile dans les communes intéressées. Un autre avis du conseil d’Etat, du 26 avril 1808, applique cette règle aux bois communaux.

Enfin le décret du 28 novembre 1809 renvoie les communes devant les tribunaux lorsque les difficultés ne sont pas seulement relatives au mode de partage, mais lorsque les questions qui s’élèvent sont relatives à des titres de propriété, ou à des possessions équivalentes à des titres.

Ce sont ces trois dispositions que j’ai rassemblées dans mon amendement, Il est ainsi conçu :

« Les conseils communaux règlent de commun accord le partage des biens communaux entre les habitants des territoires séparés, en prenant pour base le nombre des feux, c’est-à-dire des chefs de famille ayant domicile dans ces territoires. Ils règlent également ce qui concerne les dettes et les archives.

« Les délibérations relatives à ces objets sont soumises à l’approbation de la députation provinciale.

« En cas de dissentiment entre les conseils communaux, la députation provinciale décide, sauf recours au Roi.

« S’il s’élève des contestations relatives aux droits résultant de titres ou de la possession, les communes seront envoyées devant les tribunaux. »

Ces dispositions ne sont, comme on voit, que le résumé exact des dispositions sur la matière, et elles lèvent toutes les difficultés.

- La première partie de l’article 149 mise aux voix est adoptée.

M. le président. - La seconde partie que M. le ministre de l’intérieur propose de remplacer par son amendement est mise est délibération.

M. Dumortier, rapporteur. - Le ministre substitue l’intervention des conseils communaux à celle des commissaires ; cette disposition me paraît inexécutable.

Quand des communes se divisent, on doit comprendre que les conseils communaux ne sont pas disposés à s’entendre ; c’est pour cela que nous avons pris une disposition tirée de la loi française, par laquelle on nomme des arbitres ou des commissaires qui arrangeront bien mieux les choses.

Quant à la seconde partie de l’amendement qui a pour but de prendre le nombre des feux pour base, on nous dit qu’elle est puisée dans un avis du conseil d’Etat ; mais je ne pense pas qu’elle puisse être maintenue aujourd’hui. Le nombre des feux peut être très différent entre les communes, et par là il pourrait se faire que l’ancienne commune fût sacrifiée à la nouvelle. La chambre française qui a traité avant nous cette matière, a cru devoir déroger à la règle ; et le système que nous avons adopté est emprunté de la loi sur les attributions communales de France.

Je pense donc que jusqu’ici il n’y a pas de motifs pour adopter l’amendement de M. le ministre, et que celui de la section centrale est préférable.

Relativement aux contestations sur la propriété que le ministre renvoie devant les tribunaux, je conviens qu’il est peut-être plus sage de faire intervenir les magistrats dans cette circonstance, attendu que cela est conforme à la constitution. Je ne m’oppose pas à cette partie de l’amendement, mais je soutiens que les autres dispositions de la section centrale sont préférables.

M. Fallon monte au fauteuil de la présidence.

M. Raikem. - Il me semble que l’on peut présenter plusieurs réflexions sur la rédaction soumise par la section centrale et sur la rédaction soumise par M. le ministre de l'intérieur. Par ces réflexions, mon unique but est de parvenir à un meilleur libellé de l’article.

Je conçois bien que la députation provinciale puisse statuer sur les droits déclarés appartenir à telle ou telle commune, quand il ne s’élève aucune contradiction relativement à la possession de ces droits ; mais s’il y a contestation, il faut qu’elle soit soumise aux tribunaux, ainsi le veut la constitution.

Je demanderai à M. le ministre si sa rédaction s’applique au cas que je vais signaler : Deux parties de commune se trouvent séparées ; l’une d’elles a des droits particuliers sur certains biens, comment le partage par feux pourra-t-il s’appliquer ? On recourra aux tribunaux ; mais s’il n’y a pas lieu à contestation, si les titres sont précis, il faut bien conserver les droits à la fraction qui les possède ; il faut donc que la loi renferme une disposition pour ce cas où il n’y a pas lieu à contestation ; sans cela on inférerait de la loi que tous les biens doivent entrer en partage. La rédaction de l’article ne me semble pas complète.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis d’accord avec l’honorable préopinant. Il est évident que si une section de commune, séparée pour faire une commune à part, a des droits particuliers, il ne s’agit pas de partager ces droits avec les habitants qui n’en ont jamais eu la jouissance. Dans ce cas, la section séparée emporte avec elle les propriétés qui lui sont spéciales. Il n’y a rien à partager de ce chef, parce qu’il n’y a rien de commun.

Ainsi au fond nous sommes d’accord M. Raikem et moi ; et si la rédaction que j’ai présentée ne prévoit pas cette circonstance, c’est que j’ai cru que cela n’était pas nécessaire à prévoir, car c’était de droit. Toutefois si l’on pense qu’il peut s’élever quelque doute à cet égard, il faudrait retoucher ma rédaction et y ajouter une seule ligne.

M. Dumortier, rapporteur. - Dans l’article 149, il faut distinguer plusieurs objets essentiellement différents sur lesquels la commission proposée par la section centrale peut avoir à statuer.

La détermination des limites est un fait qui dérive de la loi ; ce n’est pas là une question de propriété. Si les commissaires ne sont pas d’accord sur ce point, le pouvoir administratif peut très bien trancher la question.

Il n’y a pas lieu de renvoyer les différends sur ce point aux tribunaux.

Les questions qui naissent de la propriété, par qui seront-elles résolues ? Ici, il faut bien le reconnaître, la rédaction de la section centrale ne peut être maintenue ; elle est en désaccord avec la constitution belge. Ces questions sont du ressort des tribunaux. Je pense qu’on peut adopter l’article proposé par la section centrale, mais en ajoutant ces mots : « En cas de contestation, la députation provinciale, sauf recours au Roi, décidera sur tous les objets qui ne sont pas relatifs à des questions de propriété. » Avec cette rédaction vous arrivez à une solution constitutionnelle de toutes les difficultés.

M. Legrelle. - Voilà, il me semble trois avis différents : celui de la section centrale, celui du ministre et celui de M. Raikem ; il me semble qu’il faudrait renvoyer l’article à la section centrale.

M. Dumortier, rapporteur. - La proposition que j’ai faite peut concilier, je crois, toutes les opinions. Nous ne sommes pas d’avis différents ; nous sommes d’accord, M. Raikem et moi.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il me semble qu’il est possible d’attendre. D’ici au second vote, on pourra méditer la question et revenir sur l’amendement s’il y a lieu. Si on renvoie à la section centrale chaque proposition faite, il pourra bien arriver que la loi ne finira pas.

Messieurs, je persiste à penser que l’amendement que j’ai présenté est plus conforme à l’esprit de la constitution, et trace en même temps une marche plus certaine que celui de la section centrale. En effet, je ne vois pas la nécessité d’obliger les conseils communaux à déléguer chacun trois commissaires pour régler leurs affaires.

Je pense qu’il est beaucoup plus rationnel que les conseils communaux commencent à délibérer sur le mode à suivre pour décider les difficultés. Si les conseils communaux parviennent à s’entendre, la députation provinciale approuve leurs délibérations. S’ils sont de sentiments différents, alors la députation tâchera de les concilier. Si elle n’y parvient pas, elle prononcera, sauf recours au Roi pour la partie mécontente.

Voilà une marche à la fois rationnelle et conforme à la constitution qui renvoie au conseil communal tout ce qui est d’intérêt communal.

La proposition que j’ai faite trace également une règle à suivre pour les biens indivis entre les communes : c’est le partage à raison du nombre des feux.

Quant à ce qui concerne les droits particuliers qu’une section de commune pourrait réclamer, je crois que l’article ne laisse pas de doute sur ce point ; cependant j’en ai modifié la rédaction de manière à ce qu’aucun doute ne soit possible.

D’autre part, s’il existe des contestations relatives à des titres, ou à des possessions, la question est dans ce cas de la compétence des tribunaux. Je pense que l’ensemble de ces dispositions offre sur la matière des règles claires, précises ; en conséquence j’insisterai pour obtenir leur adoption.

M. Verdussen. - Autant qu’il m’a été possible d’apprécier les amendements, après les avoir entendu lire, je crois celui présenté par M. Dumortier préférable. Il y a un grand nombre d’objets qui doivent être divisés entre deux parties de commune qui se séparent, et qui ne peuvent l’être d’après le nombre des feux : par exempte, les archives.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas dit cela.

M. Verdussen. - Je pense qu’il y aurait quelque chose à retrancher à l’amendement de M. Dumortier ; c’est la détermination des limites par les commissaires. Comment se peut-il qu’une loi soit intervenue pour ériger une fraction de commune en commune, et que les limites n’en soient pas déterminées ? Il n’y aurait pas eu de séparation entre les communes, si les limites n’avaient pas été marquées. Il me semble qu’il faudrait adopter l’amendement de la section centrale en le modifiant comme le propose M. Dumortier.

Tout ce qui est relatif aux questions de propriété doit évidemment être renvoyé devant les tribunaux.

Quant aux feux, ils peuvent servir de base au partage de la dette, de l’encaisse et d’autres choses dont la nomenclature ne me vient pas actuellement à l’esprit.

M. Fallon, président. - M. Verdussen propose de retrancher ces mots : « Détermine les limites. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, vous voyez que l’honorable M. Verdussen retranche comme moi la délimitation des communes ; mais l’honorable préopinant se trompe sur la portée de mon amendement ; je n’ai nullement eu en vue que tout serait partagé à raison du nombre de feux.

Il ne s’agit de partager ainsi que les biens communaux indivis ; mais on doit suivre d’autres règles pour les dettes et les archives.

Ainsi, messieurs, il n’est pas possible qu’il résulte des abus de cette règle. Si les communes s’entendent, il ne s’agit que de faire approuver par la députation ; si elles sont en dissentiment, la députation prononce, sauf recours au Roi. S’il se présente quelques questions du ressort des tribunaux, alors on en réfère à l’autorité judiciaire.

(Erratum au Moniteur belge n°37, du 6 février 1835 : ) M. Dubois. - Je remarque qu’il n’y a qu’une légère différence entre la proposition de la section centrale et l’amendement que M. le ministre veut y substituer. Celui-ci diffère de la première en ce qu’il pose une base fixe au moyen de laquelle les communes pourront opérer la division des biens communs, et à cet égard je la crois préférable à la première proposition.

Cependant comme il se présentera des cas où il conviendrait aux sections séparées d’une commune de continuer avec la commun principale la jouissance commune de leurs biens, je dois demander à M. le ministre s’il résulte des dispositions actuelles une obligation absolue de procéder à la division des biens communs et s’il est interdit aux états provinciaux d’autoriser, dans les cas où ils le jugeraient utile, les communes voisines à se maintenir dans la jouissance commune de leurs biens.

Je vois qu’il y a assez peu de différence entre la proposition de la section centrale, et la proposition de M. le ministre. Il me semble que cette dernière ne renferme aucune base réelle ; je dois adresser une question à M. le ministre à l’effet de savoir si par suite les états provinciaux seront appelés à diviser les biens communaux.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’y a pas obligation absolue de partager les biens des communes. La partie de commune nouvellement créée se trouve, à l’égard de celle dont elle a été séparée, dans la même position que deux communes qui n’ont jamais été réunies.

M. Dumortier, rapporteur. - Je trouve deux grands vices dans la proposition de M. le ministre de l’intérieur, car il est impossible que deux conseils communaux dans cette position ne soient pas en état d’hostilité. Au moyen d’un délégué, on pourrait prendre une décision, mais deux conseils communaux dans ce cas ne s’entendront jamais ; c’est comme deux nations qui cessent d’être unies ; la Belgique et la Hollande, par exemple. A-t-on dit que les différents seraient vidés par les états-généraux et la chambre des représentants ? Non. Chaque nation nomme des commissaires pour établir les bases du traité.

Que dit M. le ministre ? Il faut établir le partage en raison des biens. Pourquoi ne pas adopter la base du territoire et de la population ? Il peut se faire que la plus grande commune ait un plus petit nombre de feux que l’autre et alors elle est sacrifice à la plus petite. Pour la population, c’est la même chose ; la différence ne peut pas être considérable, il est vrai, mais cela peut arriver. Il faut considérer ici toutes les règles admises par la loi, pour les séparations de communauté. Deux communes se séparent, c’est comme si deux personnes se séparaient civilement.

Maintenant, pour répondre à l’honorable M. Verdussen, il faut bien se pénétrer de l’article 3 ainsi conçu : « Les limites de l’Etat, des provinces et des communes, ne peuvent être changées et rectifiées qu’en vertu d’une loi. » Remarquez que la constitution ne dit pas que ces limites ne peuvent être changées par une loi, mais qu’en vertu d’une loi. La loi décrète l’établissement de la commune, et laisse au gouvernement le soin de prendre toutes les mesures relatives à son dispositif ; ce n’est point à la loi à tracer les limites.

Lorsqu’il y aura lieu de séparer telle commune d’une autre, la loi dit : Il y a matière à séparer deux communes ; et alors des commissaires interviendront qui diront : Ici finit telle commune, ici commence telle autre. Cela correspond en petit à ce qu’on ferait pour un Etat qui se séparerait d’un autre Etat. Je pense donc qu’on peut admettre la proposition de la section centrale.

Quant à ce qui est du chef de contestation en fait de propriétés, la députation provinciale ne peut intervenir ; c’est aux tribunaux à le faire. Mettez dans la loi une disposition à cet égard, et les tribunaux toujours jaloux de leurs prérogatives invoqueront l’article 107 de la constitution qui dit : Les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux qu’autant qu’ils seront conformes aux lois. Et dès lors votre article sera non avenu. Je pense donc que l’article doit être présenté tel qu’il est rédigé par la section centrale, sauf l’amendement que j’ai déposé sur le bureau, et qui lève toute espèce de doute sur la question constitutionnelle.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai dit que la loi désignait les limites ou chargeait les autorités de les désigner. En ce qui concerne la base, celle des feux, je crois utile de donner lecture des deux dispositions qui la consacrent. M. Dumortier veut qu’on ait égard au territoire. Cette base est expressément rejetée par le décret du 20 juillet 1807 qui admet le partage a raison du nombre des feux.

L’avis du 26 avril 1808 est également formel, il s’exprime ainsi :

« Le conseil d’Etat qui, d’après le renvoi ordonné par S. M., a entendu le rapport de la section de l’intérieur sur celui du ministre de ce département, tendant à faire décider si l’on peut appliquer au partage des bois possédés en indivis par plusieurs communes, l’avis du conseil d’Etat du 4 juillet 1807, approuvé par sa majesté, le 20 du même mois, qui ordonne de partager à raison du nombre de feux, les biens communaux dont les communes veulent faire cesser l’indivis, et s’il est nécessaire de rapporter à cet effet un arrêté du 19 frimaire an X, qui décide article 2, que le partage des bois autres que les futaies, doit se faire par tête d’habitant.

« Vu la loi du 10 juin 1793, la loi du 26 nivôse an II.

« Vu l’arrêté du 17 frimaire, an X, le décret du 20 juin 1806, et l’avis du conseil d’Etat ci-dessus énoncé :

« Vu l’article 542 du code Napoléon ;

« Considérant que par décret du 20 juin 1805, et par l’avis du 20 juillet 1807, on est revenu au seul mode équitable de partage en matière d’affouage, puisqu’il proportionne les distributions aux vrais besoins des familles, sans favoriser exclusivement, ou les plus gros propriétaires, ou les prolétaires ; et que d’ailleurs l’article 542 du code Napoléon ne laisse aucune distinction à faire entre les bois des communes et les autres biens communaux, puisqu’il dit : « Les biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou de plusieurs communes ont un droit acquis. »

« Est d’avis que les principes de l’arrêté du 19 frimaire an X ont été modifiés par les décrets postérieurs, et que l’avis du 20 juillet 1807 est applicable au partage des bois, comme à celui de tous les autres biens dont les communes veulent faire cesser l’indivis ;

« Qu’en conséquence les partages se feront par feux, c’est-à-dire par chef de famille ayant domicile. »

Ainsi, messieurs, d’après ces deux dispositions, on adopte pour base du partage de bois ou de propriétés le nombre de feux, comme étant le mode le plus équitable.

M. Raikem. - Messieurs, vous avez à choisir entre l’amendement de l’honorable M. Dumortier et celui de M. le ministre de l’intérieur. Pour bien suivre la discussion, je dois séparer ce qui ressort de l’autorité judiciaire, de ce qui rentre dans la compétence de l’autorité administrative, Si, de deux communes divisées, on prétend avoir des droits et que ces droits soient contestés, alors il y a lieu de recourir à l’autorité judiciaire,

Je dirai un mot de ce qui concerne l’autorité administrative.

S’il y a contestation quant aux limites, c’est à l’autorité administrative à décider. Mais la section centrale propose de faire intervenir des commissaires pour résoudre la question, et l’on prend pour comparaison ce qui a lieu dans les traités de puissance à puissance. Je ne crois pas qu’on puisse ainsi appliquer les principes du droit public à des contestations entre communes.

Alors, vous pouvez recourir à une autre autorité, qui est l’autorité provinciale ; c’est à elle à décider. A quoi des commissaires peuvent-ils être utiles ? à donner des renseignements à l’autorité provinciale qui seule peut décider. Mais ces commissaires ne peuvent être utiles, considérés comme arbitres, car l’on n’a pas prévu, dans cette hypothèse, le cas où il y aurait partage. M. le ministre part d’une autre base.

Ces conseils ayant délibéré sur leurs intérêts respectifs, s’ils sont d’accord, il n’y a pas lieu à procès, car on sait que le juge n’intervient pas ; mais, s’ils ne sont pas d’accord, le conseil provincial en décidera, et des commissaires en ce cas ne pourront être utiles que comme délégués à faire une enquête sur l’objet de la discussion entre les communes, et pour donner des renseignements sur le véritable état des choses.

Ainsi, toute la différence entre la proposition de la section centrale et la rédaction de M. le ministre de l’intérieur consiste en ce que la section centrale veut nommer des commissaires pour juger ces différends, tandis que M. le ministre veut que les conseils communaux soient appelés à décider, et ensuite l’autorité provinciale, si les conseils ne s’entendent pas. Lequel est le meilleur en principe ? Je ne saurais le décider en ce moment. Mais la proposition de M. le ministre me semble avoir cet avantage, qu’elle fait intervenir les conseils communaux, sans qu’ils soient obligés de s’en rapporter à des commissaires. Ils peuvent pourtant nommer des commissaires.

Je remarque encore un autre objet que propose M. le ministre, c’est de fixer une règle pour le partage des biens communaux : non pas en ce qui touche le droit, cela concerne l’autorité judiciaire ; mais lorsque le droit est certain, M. le ministre donne un mode pour partager les biens communaux. Est-ce le meilleur ? On ne peut le décider au premier examen. Mais il a encore cet avantage, qu’il est conforme aux usages existants.

M. Dumortier, rapporteur. - Je suis fâché d’avoir à combattre l’honorable préopinant ; mais il me semble qu’on ne peut se rendre à ses arguments.

Comment pouvez-vous admettre que deux conseils communaux peuvent décider quand ils ne peuvent s’entendre entre eux ? Comment se peut-il que vous les mettiez ensemble, pour régler les intérêts des communes séparées ? Le système de la section centrale est beaucoup plus judicieux. En jurisprudence commerciales que fait-on ? Appelle-t-on les parties à comparaître ? Non ! on nomme des arbitres qui décident. La nomination d’arbitres est le seul moyen à prendre pour arriver à un but convenable. J’ai dit que cela se pratiquait aussi en matière de gouvernement, et l’honorable M. Raikem m’a dit que le droit public n’était nullement applicable à la question. Pourquoi donc pas ? Si le droit public est bon pour les pays, il doit l’être pour les communes. Quand les nations en viennent aux prises entre elles, c’est la guerre.

Eh bien, il en sera de même entre les communes ; on se battra dans les conseils communaux. Pourquoi ne pas faire ici ce que prescrit la jurisprudence, ce que prescrit la loi de France ? Je ne comprends pas comment on peut espérer que des conseils communaux qui se séparent, parce qu’ils ne peuvent plus s’entendre, viendront après délibérer entre eux.

Voici encore une remarque fondée. Vous voulez que les conseils communaux délibèrent entre eux ? Mais le nombre en varie suivant la population ; dans tel conseil il y a 7, 8, 9, 10 et jusqu’à 15 membres. Dès lors, la plus petite des deux communes sera sacrifiée à l’autre. Tandis qu’au moyen de la règle d’arbitrage, quand il y aura mauvaise entente entre les communes, l’affaire sera jugée par des personnes tierces

Lorsqu’un mari et une femme ne s’entendent plus dans leur ménage, ils veulent se séparer quelquefois. (On rit.) Alors ce sont des tiers qui interviennent pour concilier les parties, ou les tribunaux décident. La question est la même ou à peu de chose près.

La proposition de la section centrale date de temps immémorial, tandis que celle de M. le ministre expose aux plus graves inconvénients. Il faut y prendre garde, messieurs, car quand la base est vicieuse, l’édifice doit crouler.

M. Raikem. - Je suis fâché d’avoir à prendre trois fois la parole sur cette question, mais je m’y trouve obligé, parce qu’on a totalement défiguré mes arguments pour y répondre. Je crois que nous sommes plus en dissentiment avec M. Dumortier sur la forme que sur le fond.

Il a supposé qu’il y aurait toujours animosité entre les deux fractions de communes qui se seraient séparées ; mais il me semble pourtant que cette séparation peut très bien s’opérer sans que cette animosité existe : on peut préférer avoir son chez soi sans pour cela être dans le cas de se livrer bataille.

Il vous a parlé ensuite de séparation entre mari et femme ; il faut avouer que c’est sortir de la question. Cependant, puisqu’il avance cet argument, je répondrai que l’on a vu des personnes qui se séparaient ainsi et qui vivaient chacune chez soi en très bonne intelligence. Voila comme l’honorable député de Tournay a présenté mes arguments ; si la proposition de M. le ministre était telle que nous l’a expliquée M. Dumortier, je la combattrais.

Il a supposé que les conseils communaux délibéraient en commun ; il n’en est pas ainsi : si j’entends bien la proposition de M. le ministre, ils doivent délibérer séparément, et formuler chacun jusqu’où s’étendent leurs prétentions.

Sont-ils d’accord sur certains points, il n’y a plus rien à décider. Sont-ils en différend, l’autorité provinciale décide les points sur lesquels les conseils communaux sont en discussion. C’est ainsi que j’ai compris l’amendement de M. le ministre.

L’autorité provinciale a les moyens de s’éclairer de toute manière. Elle peut envoyer un commissaire pour faire une enquête sur les lieux, pour connaître le véritable état des choses, et, j’insiste sur ce point, elle décide les questions sur lesquelles il y a contestation entre les deux communes. Nous sommes d’accord avec l’honorable préopinant, les tribunaux décident les questions qui sont de la compétence de l’autorité judiciaire ; mais l’autorité administrative, la députation provinciale règle les droits en matière d’administration des deux fractions de la commune divisée. C’est dans ce sens qu’il m’a paru que l’amendement de M. le ministre présentait un certain avantage.

Mais, dit l’honorable préopinant, quand on vient devant les tribunaux pour des contestations en matière de société de commerce, de liquidation, en toutes matières enfin du ressort de l’autorité judiciaire, on nomme des arbitres. Je ferai observer qu’on n’en nomme pas toujours. Quand le tribunal peut décider lui-même les contestations sans avoir besoin de s’éclairer, il ne nomme pas d’arbitres, il décide. Mais dans quel cas nomme-t-il des arbitres ? Quand la loi autorise les tribunaux à en nommer, sur les points sur lesquels les parties ne sont point d’accord. Alors les parties doivent commencer par formuler leurs diverses conclusions et les soumettre au juge. Le juge voit sur quels points les parties sont d’accord, il leur en donne acte, et quant aux points sur lesquels porte la contestation, il déclare qu’il n’est pas suffisamment instruit, et ordonne un plus ample informé.

Quant aux autorités provinciales, elles verront les délibérations prises par les conseils communaux et elles jugeront les prétentions respectives des communes. Pour les points sur lesquels il y aura accord entre les conseils, il n’y aura rien à juger ; et pour ceux sur lesquels il y aura désaccord, l’autorité provinciale dira : Si je peux juger le différend, je n’ai pas besoin de nommer de commissaires, par exemple, s’il ne s’agit que d’une simple question de droit administratif. Mais s’il faut entrer dans l’examen des faits, l’autorité provinciale peut déléguer un de ses membres et envoyer sur les lieux un commissaire si elle le juge à propos. Ce commissaire lui fait un rapport au moyen duquel elle connaît le véritable état des choses, et elle décide les points sur lesquels les fractions de la commune divisée sont en contestation.

Voila comme j’ai compris la proposition de M. le ministre. Si je me suis trompé, je le prie de me rectifier.

M. Desmanet de Biesme. - Ayant quelque habitude des affaires administratives, je me règle sur ce que je vois arriver d’ordinaire. J’appuie la proposition de la section centrale parce que je crois que, dans la pratique, presque jamais les communes ne se diviseront sans qu’il y ait lieu à nommer des commissaires. En effet, quand les communes se diviseront-elles ?

Quand des annexes ont été réunies contre leur volonté à une plus forte commune. Souvent ces annexes se plaignent à tort ou à raison que l’administration, dont les membres appartiennent le plus souvent à la grande commune, ne gère pas bien. Ces plaintes ont lieu surtout quand il y a des biens communs tels que bois et pâturages. Je suis persuadé que, dans les cas de division, presque toujours il y aura lieu d’avoir recours à des commissaires, et que les communes ne s’entendront pas entre elles.

Des bourgmestres désintéressés dans la question pourront régler ce genre d’affaires.

Les communes divisées seront d’accord ou ne le seront pas. Si elles sont d’accord, la besogne des bourgmestres sera facile ; si elles ne le sont pas, le mode proposé par le ministre n’amènera que de grandes dissensions dans les communes rurales, parce que presque toujours il y a lieu à contestation.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai remarquer que ma proposition n’est pas une innovation. C’est le maintien de ce qui existe aujourd’hui. Je pense que l’honorable préopinant est dans l’erreur sur la portée de mon amendement. Je ne propose, je le répète, que ce qui existe aujourd’hui, et ce qui, en même temps, m’a paru le plus conforme à la lettre et à l’esprit de la constitution. Il est possible que les conseils communaux soient partages d’avis. Quel est alors le moyen de conciliation que l’autorité emploie d’ordinaire ?

La députation envoie un de ses membres qui fait comparaître devant lui quelques-uns des membres des conseils communaux respectifs ; il tâche de les concilier : s’ils s’entendent, l’affaire est définitivement réglée. Si au contraire ils ne parviennent pas à s’entendre, il est évident que vous n’avez pas plus de chances de les voir s’entendre au moyen de commissaires nommés par les conseils communaux respectifs. Il y a autant de chances de conciliation dans l’amendement que je propose que dans celui de la section centrale.

M. Dumortier, rapporteur. - Je vais d’abord répondre quelques mots à l’honorable membre qui a parlé avant M. Desmanet. Il m’a accusé d’avoir dénaturé ses paroles. Heureusement, pour moi, il n’a pas fait voir en quoi je les avais dénaturées. J’ai l’habitude de reproduire les arguments de ceux qui expriment une opinion contraire à la mienne, tels qui ont été présentés.

Je crois que M. le ministre vient de justifier la proposition de la section centrale. En effet, que vous a-t-il dit ? Quand une commune se sépare et qu’il y a contestation entre les parties divisées, la députation envoie un commissaire. Le commissaire entend quelques personnes de chaque côte et décide. Trouvez-vous que ce soit la un bon système ? C’est un jugement de cadi. Je préfère le système adopté et employé tous les jours par les tribunaux de commerce ; j’aime mieux une nomination de commissaires. Ces commissaires s’entendent ou ils ne s’entendent pas. S’ils s’entendent, il ne peut pas y avoir de difficulté, et s’ils ne s’entendent pas, l’autorité provinciale interviendra uniquement dans les questions sur lesquelles il y aura contestation.

De quoi s’agit-il dans une séparation de commune ? De planter les bornes de chaque commune pour ainsi dire. Eh bien les conseils communaux ne peuvent pas se réunir à l’extrémité de leur commune pour en déterminer la limite. Ainsi, même avec la proposition du ministre, vous arriverez toujours en définitive à nommer des commissaires. Seulement vous aurez des commissaires extra-légaux, tandis que, par la proposition de la section centrale, nous voulons établir des commissaires légaux, des arbitres. C’est ce qui se fait depuis vingt ans pour toutes les affaires portées devant les tribunaux. Et je vous demande si on y a trouvé le moindre inconvénient. Bien au contraire, on s’en est toujours bien trouvé. La loi fait un devoir aux tribunaux de nommer des commissaires quand ils ne peuvent pas examiner les choses par eux-mêmes.

Si, sur le système de la section centrale, il pouvait nous rester un doute dans l’esprit, je vous dirais que c’est celui qu’on a adopté en France, où l’on avait aussi ces arrêtés de conseil d’Etat qui décident les questions de droit administratif, jugements de cadi dont parle le ministre.

En France, c’est une commission qui décide, parce qu’une commission composée de trois hommes sages peut mieux examiner les questions en litige, d’une manière plus calme et plus raisonnée que ne le feraient les conseils eux-mêmes. Ces arbitres étant responsables devant ceux qui les ont nommés, et en ayant reçu des instructions, pourront faire une transaction qui reçoive l’assentiment de la commune.

Quand les parties d’une commune veulent se séparer, dit l’honorable M. Desmanet, c’est qu’elles ne s’entendent pas, car aussi longtemps qu’on s’entend on ne demande pas de séparation.

Je connais des communes qui demandent à être séparées, où l’antipathie est arrivée à ce point qu’on ne va pas d’une partie de la commune dans l’autre et qu’on serait exposé à être lapidé si on avait quelque accointance d’une partie à l’autre. Comment voulez-vous que les conseils communaux de ces fractions de commune viennent s’entendre pour prendre des décisions sur leur séparation ? Il est évident que la proposition du ministre occasionnerait des désordres. Je persiste à penser que celle de la section centrale peut seule être admise.

M. Desmanet de Biesme. - J’ai fait valoir les raisons pour lesquelles je pensais que le système de la section centrale valait mieux que celui de M. le ministre.

Cependant je ne me dissimule pas qu’une nomination de commissaires peut avoir des inconvénients, parce que les communes nommeraient des personnes dont les opinions leur seraient connues et qu’elles sauraient disposées à soutenir leurs prétentions. Il me semble qu’on concilierait toutes les opinions et qu’on ferait cesser toutes les difficultés, si on faisait nommer les commissaires par la députation des états, la députation choisirait les personnes les plus propres à amener une conciliation. J’en fais la proposition.

M. Dumortier, rapporteur. - C’est contre toutes les règles. Les parties nomment toujours leurs arbitres.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si M. Desmanet de Biesme propose de faire nommer les arbitres par le députation, je pense que cette nomination ne doit avoir lieu qu’en cas de contestation. Il faut essayer de concilier les conseils communaux. Je ne m’oppose pas à la proposition de M. Desmanet de Biesme. Elle s’appliquerait au dernier paragraphe de mon amendement, qui serait ainsi conçu :

« En cas de dissentiment des conseils communaux, la députation nomme des commissaires pour chaque commune, et le charge de régler les différends, sous son approbation et sauf recours au Roi. »

- L’amendement de M. le ministre ainsi modifié est adopté.

M. Dumortier. - J’avais proposé un amendement, mais je le reproduirai au second vote, car cette disposition ne pourra pas être maintenue.

L’ensemble de l’article 149 est mis aux voix et adopté.

Article 150 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - « Art. 150. Lorsqu’une commune ou fraction de commune aura été déclarée réunie à une autre commune, une commission de trois membres nommée comme à l’article précédent réglera de même ce qui est relatif aux finances, archives, etc., de la fraction de commune. Si l’adjonction de cette commune ou fraction de commune nécessite une augmentation du conseil communal de la commune à laquelle elle est réunie, il sera procédé comme à l’article précédent.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quant à l’article 150, je pense qu’il faudrait le rédiger de la manière suivante : « Lorsqu’une commune ou fraction de commune aura été déclarée réunie à une autre commune, on procédera, quant aux intérêts communaux, conformément aux dispositions de l’article précédent. » Puis la dernière phrase de l’article : « Si l’adjonction de cette commune, etc. »

M. Dumortier, rapporteur. - Je suis fâché de devoir m’opposer à l’adoption de cette proposition. Je sais qu’elle passera comme conséquence du précédent vote, mais je ne conçois pas pourquoi on veut faire intervenir la députation dans les affaires de la commune. On leur impose des arbitres dont elles ne voudront peut-être jamais. M. le ministre est revenu à plusieurs reprises sur son amendement ; mais je crois que la chambre ne l’a pas bien compris. Il est incontestable qu’on n’a pas le droit d’imposer aux communes des arbitres qu’elle repousse peut-être.

Je prie la chambre de ne pas perdre cela de vue. On devrait renvoyer tout cela à la section centrale.

- Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Dumortier, rapporteur. - Je reviendrai là-dessus au second vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que l’honorable préopinant est dans l’erreur. La position est celle-ci : Les conseils communaux délibèrent respectivement sur leurs intérêts communs. Ce n’est que quand il y a impossibilité de s’entendre que la députation nomme des commissaires pour régler les intérêts communs, sauf approbation royale.

- L’article 150 tel qu’il a été amendé par M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.

Article 151 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - « Art. 151. Quand deux communes auront obtenu de rectifier leurs limites, elles nommeront chacune trois commissaires et il sera statué comme à l’article 149. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que cette disposition devient maintenant inutile. Elle ne peut pas subsister en présence des dispositions déjà adoptées. En conséquence, je demande la suppression de cet article.

M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre n’a pas compris la disposition dont il s’agit. Quand on réunit deux fractions de commune en une seule, c’est le cas de l’article en discussion ; vous voulez supprimer un des deux conseils et augmenter le conseil de la commune principale d’un nombre de conseillers proportionné à l’augmentation que vient de recevoir la population. Cet article n’est donc pas inutile. Que M. le ministre veuille bien le relire, il verra que la disposition est indispensable.

- La suppression de l’article 151 est mise aux voix et prononcée.

Dispositions transitoires

Article 152 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - « Art. 152. La première classification des communes, conformément aux article 3, 8, 15 et 105 de la présente loi, sera faite par le Roi d’après les états de la population.

« Tous les douze ans, dans la session qui précédera la réélection communale, le pouvoir législatif, d’après les états de population, détermine les modifications à apporter aux classifications précédentes. Aucun changement ne peut être fait dans l’intervalle.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’adopte la proposition de la section centrale. Mais cependant je ne vois pas la nécessité de faire faire par la loi les changements aux tableaux des communes d’après la population. On peut charger le pouvoir exécutif de faire ces changements tous les 12 ans. Ce serait entraîner les chambres dans des débats inutiles que de faire faire une révision des tableaux de la population de toutes les communes tous les 12 ans. Je proposera de modifier ainsi la rédaction de cet article.

Voici l’amendement que j’ai l’honneur de proposer à la chambre :

« Dans l’année 1846, le Roi déterminera les modifications à apporter à la classification précédente, d’après les états de population. Cette classification sera également révisée tous les 12 ans. »

J’ai désigné l’année 1846, parce que c’est dans onze ans que la révision de la classification devra avoir lieu.

M. Dumortier, rapporteur. - Je dois m’opposer à la proposition de M. le ministre de l’intérieur, parce que je vois qu’il a pris à tâche de démantibuler la loi pièce à pièce. (Hilarité.) Je dois faire remarquer à la chambre que M. le ministre repousse l’intervention de la législature dans toutes les circonstances, et cherche à la remplacer par celle du gouvernement. C’est un système, un parti pris par lui, d’écarter le pouvoir qui émane du peuple. C’est un système qu’il semble avoir adopté depuis quelque temps.

Je ne lui en fais pas mon compliment. Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que la constitution ou les lois conformes à la constitution lui accordent. Le gouvernement n’a donc pas le droit de fixer la première classification des communes. C’est pourquoi nous avons proposé l’article 152, afin qu’une classification réelle fût accordée. Nous sommes donc d’accord avec le gouvernement que c’est lui qui doit faire cette classification.

Qu’arrivera-t-il si tous les 12 ans il y a lieu à une révision des listes ? La section centrale propose que cette révision soit faite par la législature. M. le ministre, fidèle à son système, demande qu’elle soit faite par le gouvernement, et cherche ainsi à écarter l’intervention du pouvoir législatif.

L’intervention du gouvernement dans ce cas, messieurs, serait extrêmement vicieuse. C’est le pouvoir législatif seul qui doit reformer le tableau tel qu’il a été précédemment adopté. L’article 67 de la constitution porte : « Il (le Roi) fait les règlements et arrêtés nécessaires, pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais suspendre la loi elle-même ni dispenser de son exécution. » Cet article est impératif. Jamais le gouvernement ne peut prendre un arrêté qui ne soit l’exécution formelle de la loi. Quel sera dans l’espèce le résultat de l’application rigoureuse du principe, si vous adoptez la proposition de M. le ministre ? Je vais vous le montrer :

Par l’article 8 du projet de loi actuellement en discussion, vous avez admis que toutes les communes d’une population de 20,000 âmes et au-dessous auraient deux échevins, et que celles dont la population dépasserait ce nombre en auraient quatre.

Par l’article 2 de la même loi vous avez réglé le nombre des conseillers communaux également en raison de la population de la commune.

Que le gouvernement soit autorisé à faire un premier travail sur ce point, cela ne peut présenter aucun inconvénient. Mais qu’arriverait-il si dans douze années la commune qui a maintenant 20,000 âmes se trouve en avoir 21,000 ? le gouvernement sera obligé, aux termes de la loi, de donner à cette commune deux échevins de plus. C’est une nécessité à laquelle il ne pourra se soustraire.

Le pouvoir législatif au contraire, n’étant pas lié comme le gouvernement par la constitution, réglera les choses ex-aequo et bono et n’accordera une augmentation dans le nombre des communes que si elle est jugée nécessaire.

Je présente l’exemple contraire. La population d’une commune aura éprouvé une diminution dans l’intervalle de 12 années. Le gouvernement devra donc lui enlever une partie des échevins que la loi lui avait accordés.

Il faut qu’il y ait de la stabilité dans les administrations communales ; il ne faut pas que le nombre des membres de ces administrations puisse changer par suite de l’exécution stricte et littérale de la loi. Cette stabilité si désirable, vous ne pouvez la trouver que dans le pouvoir législatif. C’est lui seul qui peut décider s’il y a des changements à faire au tableau primitivement arrêté par le pouvoir exécutif en vertu de la loi.

Du reste, l’article proposé par la section centrale n’est rien autre chose que ce qui était prescrit par la constitution de l’an III. Aux termes de cette constitution le pouvoir exécutif seul était autorisé à changer la classification des communes, le premier travail une fois terminé. Je ne pense pas que sous le régime actuel nous devions nous montrer moins libéraux que les auteurs de la constitution de l’an III.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis étonné que l’honorable préopinant vienne prétendre que je cherche à étendre extraordinairement les pouvoirs du gouvernement. Je demande quel abus le gouvernement peut faire de la disposition que je propose. La classification des communes se fait d’après les états de population. Ce n’est pas l’administration centrale qui dresse ces états. La loi indique de quelle manière ils sont établis. Ainsi tout arbitraire est impossible. Ainsi tombe d’elle-même l’accusation lancée par l’honorable préopinant à qui l’on pourrait à plus juste titre adresser cette observation qu’il s’imagine trouver des envahissements du pouvoir exécutif et un affaiblissement de la chambre et des communes, là où personne n’a songé à trouver rien de semblable.

Je suis d’accord avec M. Dumortier sur un point où le gouvernement ne peut se dispenser de l’exécution de la loi. Je pense que d’après la constitution le gouvernement peut être et doit être chargé de l’exécution de la loi. La loi charge le pouvoir exécutif d’opérer la classification des communes ; lorsqu’il opère cette classification, il reste dans les termes de la loi.

Quant aux variations de population qui pourraient avoir eu lieu dans un intervalle de douze années, je ne vois pas pourquoi elles présenteraient plus d’inconvénients dans la classification qu’actuellement. Cependant la législature a cru devoir charger le gouvernement de la première classification. Cette observation me paraît sans réplique.

M. Dumortier, rapporteur. - Je crois que l’observation sans réplique de M. le ministre de l'intérieur signifie bien peu de chose. Il y a cette différence entre la classification actuelle et celle qui aura lieu dans douze ans, c’est qu’aujourd’hui nous créons quelque chose là où il n’y a rien. Lorsqu’au contraire les administrations communales auront douze ans d’existence, il sera bien difficile d’apporter des changements dans la fixation du personnel. Cependant le pouvoir exécutif serait obligé d’exécuter strictement la loi.

Supposons qu’une commune de 20,000 habitants ait, au bout de 12 ans, 20,001 habitants ; pour ce seul habitant de plus, elle aura une augmentation de deux échevins. Si cet habitant meurt, on devra lui ôter ses deux échevins nouveaux. Il n’y a que la législature qui puisse parer à cet inconvénient. Je persiste à repousser l’amendement de M. le ministre de l'intérieur.

- Le premier paragraphe de l’article en discussion est adopté.

L’amendement de M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté. Il formera le deuxième paragraphe.

L’ensemble de l’article est mis aux voix et adopté.

Article 153 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - « Art. 153. Toute disposition contraire à la présente loi est abrogée. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Dispositions transitoires

Article 154 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - « Art. 154.

« Art. 154. Les conseils communaux seront renouvelés intégralement dans l’année de la promulgation de la présente loi.

« Le gouvernement déterminera les époques auxquelles doivent avoir lieu les opérations électorales, relatives à la confection des listes, à la première convocation des assemblées des électeurs communaux ainsi que l’époque des élections, en conservant les délais fixés par la présente loi.

« L’époque de la première sortie est fixée au… »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’admets la première disposition de cet article ; quant à la seconde je dois demander une explication à la section centrale.

Il y a divers genres de délais ; les uns sont relatifs à la formation des listes et s’étendent jusqu’au recours en cassation, inclusivement. Par eux on arriverait à un retard de cent jours au moins. Ce ne peut être l’intention de l’assemblée ; elle doit vouloir abréger les délais autant que possible ; pour remplir ce but je proposerai de terminer la seconde disposition présentée par la section centrale par ces mots :

« En observant les délais prescrits par les articles 25 et 29 inclusivement pour la formation des listes ; et par l’article 32 pour la convocation des électeurs. »

De cette manière on observera tous les délais jusqu’à la décision à intervenir par la députation provinciale ; mais j’exclus des délais du recours en cassation et des jugements à intervenir ultérieurement. Quand la députation provinciale a prononcé en instance d’appel, sa sentence doit être exécutoire ; de manière que c’est d’après les listes déterminées par elle que l’on doit procéder à la première élection, et en laissant toujours ouvert le recours en cassation.

M. Raikem. - Si j’ai bien compris l’amendement, M. le ministre propose d’observer les délais jusqu’au recours en cassation ; mais, si l’on fait l’élection avant qu’elle ait prononcé, et qu’ensuite elle annule la décision attaquée ; et si l’on est renvoyé devant une autre autorité qui prononcerait en sens contraire de la première, quel effet cela aura-t-il sur l’élection ? Je conçois que dans la plupart des cas, la décision n’aura pas d’effet relativement à tel autre électeur ; mais, si l’élection dépendait de la décision qui vient d’être annulée, est-ce que l’élection serait également annulée ? Le ministre devrait donner des explications sur ce point.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est pour prévenir ces inconvénients que j’ai rédigé l’amendement que j’ai proposé. Il est évident d’après cet amendement que l’on procédera valablement à l’élection nonobstant le recours en cassation. On ne pourra pas critiquer l’élection d’après une décision ultérieurement survenue. Je ferai remarquer qu’avec la rédaction telle que je la propose, il faudra encore 70 à 80 jours pour arriver à l’élection.

Si l’on voulait admettre le retard pour le recours en cassation, cela entraînerait un autre délai de 30 jours environ. On peut d’ailleurs concevoir que les recours en cassation seront peu nombreux, et que la décision de la députation provinciale est suffisante, afin de ne pas retarder une opération de cette nature.

- L’amendement de M. le ministre de l'intérieur mis aux voix est adopté.

L’article 154, amendé, est adopté.

Article 155 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - « Art. 155 (du projet de la section centrale). Lors de la première élection, le bureau principal sera présidé par le président du tribunal de première instance, ou, à son défaut par celui qui le remplace dans ses fonctions. S’il y a plusieurs sections, la seconde et les suivantes seront présidées par un des juges ou juges suppléants, suivant le rang d’ancienneté.

« Dans les chefs-lieux des cantons où il n’existe pas de tribunal de première instance, le juge de paix ou l’un des suppléants, par ordre, est de droit président.

« Dans toutes les autres communes, la députation provinciale désignera le président.

« Les scrutateurs du bureau principal seront désignes par la députation qui formera une liste de douze membres au moins ; ils seront appelés dans l’ordre de leur désignation. Le bureau principal désignera les scrutateurs des autres sections.

« Dans les communes où il n’y a pas de tribunal de première instance, le bureau principal désignera également les présidents des autres sections.

« Pour le surplus on observera les formes prescrites par la présente loi. »

M. Dumortier, rapporteur. - Cet article est exceptionnel et je vais déposer un amendement.

Par l’article 25 de la présente loi il a été décidé que les bourgmestre et échevins ne siégeraient pas au bureau de la première élection, mais quand les bourgmestres et échevins sont nommés par le peuple, on peut se dispenser de cette garantie. Ainsi je proposerai de remplacer l’article 155 par celui-ci : « Par dérogation à l’article 25 de la présente loi, les bourgmestre et échevins siégeront au bureau. »

Je répète l’observation que je viens de faire. Dans la loi telle qu’elle est conçue, les bourgmestre et échevins ne siégeront pas au bureau ; cependant, il faut bien qu’il y ait un bureau composé de quelques personnes. La section centrale a rédigé un article d’après lequel les membres du bureau sont nommés par la députation : cette disposition peut être bonne à l’égard des bourgmestres et échevins nommés par le pouvoir ; mais ne peut être bonne à l’égard des bourgmestres et échevins actuels qui ont été nommés par le peuple, elle donnerait trop d’influence au pouvoir.

Qu’arriverait-il ? C’est que le gouvernement désignerait pour faire partie du bureau les personnes qu’il voudrait faire nommer au conseil ou collège. Il ne faut pas violenter l’opinion publique. Je crois que les bourgmestres et les échevins actuels, ayant été nommés par le peuple, représentent l’opinion publique. On peut donc les conserver pour former le bureau. Je vois avec peine que le gouvernement veut s’infiltrer partout et dans les élections communales de toutes les manières.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je relèverai de nouveau l’argument ordinaire du préopinant. Le gouvernement, a-t-il dit, cherche à s’infiltrer partout. Je lui ferai remarquer que l’article en discussion appartient à la section centrale. Je répondrai de mon côté au préopinant qu’il repousse le gouvernement de partout. Il semble que le gouvernement soit l’ennemi commun du pays. Je ne crois pas que la constitution l’entende ainsi.

Après ce préambule qui est étranger à l’article en discussion puisqu’il ne s’agit pas du gouvernement, je dirai que la section centrale a déféré aux membres des tribunaux de première instance et aux juges de paix la présidence des collèges électoraux sur la désignation de la députation des états. Ce corps n’est pas certainement une émanation du gouvernement, c’est un corps électif. C’est donc à tort que le préopinant à fait intervenir le gouvernement dans cette affaire. Je crois que tout ce que l’on doit exiger, c’est une garantie d’impartialité dans la direction des opérations électorales. Je crois que cette garantie sera plutôt offerte par le président nommé par la députation que par les membres des administrations communales qui laisseront moins de liberté aux électeurs. Je crois donc que l’ensemble de l’article de la section centrale est très bien combiné.

M. Dumortier, rapporteur. - Je viens de modifier quelque peu l’amendement que j’ai déposé sur le bureau. Il est ainsi conçu à présent :

« Lors de la première élection, les bourgmestres et les échevins actuellement en fonctions siégeront au bureau. »

M. le ministre de l’intérieur a détourné la question qu’il ne veut pas aborder. A l’entendre, la proposition actuelle a été présentée par la section centrale. Donc le gouvernement est hors de tout reproche. Mais ce n’est pas répondre à mon accusation. Lorsque les propositions de la section centrale excluent le gouvernement, M. le ministre s’empresse de les modifier, comme ces cuisiniers qui fourrent leurs mauvaises épices partout. (Hilarité.)

M. le ministre nous dit : l’on fait au gouvernement le reproche de s’infiltrer partout comme s’il était l’ennemi du pays. Je n’ai pas l’intention d’exclure le pouvoir exécutif lorsque son action est salutaire. Chaque fois que je l’ai jugée telle, je me suis empressé de l’admettre.

C’est ainsi que j’ai fait la proposition que les actes abusifs du conseil communal puissent être annulés par le pouvoir royal. Mais chaque fois que je jugerai l’intervention du gouvernement inutile, je laisserai le pouvoir au peuple qui a fait la révolution, d’où est sorti l’ordre de choses actuel, et qui a certes donné assez de preuves de modération et de bon jugement.

La députation, dit M. le ministre de l’intérieur, est un corps électif. Mais, messieurs, les députations, telles qu’elles sont actuellement, ne représentent rien ; elles sont composées d’hommes dont les pouvoirs ont cessé d’exister ; ce sont des espèces d’agents du gouvernement, qui ne sont plus soumis à l’élection, qui ne participent plus du pouvoir populaire ; tandis que les régences sortent du peuple, puisque leurs élections ont en lieu conformément à l’arrête du gouvernement provisoire, elles représentent quelque chose, elles représentent la révolution ; et quant à moi je préfère les hommes de la révolution aux agents du gouvernement lequel tendra toujours à corrompre les élections parce qu’il y trouve son compte.

La députation présente aux yeux de M. le ministre plus de garanties que les bourgmestre et échevins. Singulier système que celui de M. le ministre de l'intérieur, qui trouve toujours que le pouvoir exécutif offre plus de garanties que le peuple. Si les choix du peuple n’offrent pas de garanties, quelle garantie offrez-vous, vous qui tenez du peuple votre mandat de représentant. Si vous trouvez que le peuple fait bien quand il vous confère votre mandat, ne croyez pas qu’il ait si mal fait quand il a élu les membres des collèges de régence.

Je pense que les membres des collèges de régence doivent siéger au bureau, comme ils siègent maintenant en vertu de la loi, excepté quand ils sortent. Mais pourquoi en est-il ainsi ? parce qu’il y a alors d’autres membres qui siègent.

Jamais je n’admettrai que le gouvernement doive nommer un de ses délégués pour présider le bureau ; j’espère que la chambre écartera ce système.

M. Legrelle. - Par l’article 39, que vous avez adopté, vous avez décidé que les membres du collège et les bourgmestres sortants ne devaient pas présider le bureau, lorsqu’il y avait nouvelle élection. Il semble en effet qu’ils auraient trop d’influence sur les élections. Quant à moi, je trouve qu’il ne conviendrait pas qu’un bourgmestre ou un membre de collège de régence présidât le bureau qui doit ou le réélire ou nommer une autre personne à sa place. Dans ce cas, c’est le président du tribunal de première instance qui préside le bureau ; je ne pense pas qu’il doive plutôt être considéré comme un agent du pouvoir que le bourgmestre lui-même.

Il me semble qu’il y aurait pour le bourgmestre qui serait chargé de présider le bureau et qui ne serait pas réélu, une espèce d’humiliation ; or, ce cas peut se présenter dans toutes les localités.

Par ces motifs je m’oppose à l’adoption de la proposition de M. Dumortier.

- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L’article 156 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

Titre III. De l’administration des biens et revenus de la commune.

Chapitre III. De la comptabilité communale.
Article 142, 144 et 146 (du projet de la section centrale)

M. Fallon, président. - La chambre vient de voter le dernier article de la loi. Désire-t-on discuter les articles sur lesquels la chambre n’a pas encore statué.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La chambre a encore à statuer sur les articles 142, 144 et 146, qui déterminent les époques auxquelles les comptes et les budgets doivent être arrêtés. Ainsi que je l’avais annoncé à la chambre, j’ai rédigé un amendement sur cet objet.

L’article 142 du projet du gouvernement porte : « Le conseil municipal se réunit chaque année, le premier lundi du mois de septembre, à l’effet de délibérer sur le budget des dépenses et des recettes de la commune pour l’année suivante. »

L’article correspondant du projet de la section centrale est ainsi conçu : « Le conseil municipal se réunit chaque année, le premier lundi de septembre, à l’effet de délibérer sur l’apurement des comptes de l’exercice précédent et sur le budget des recettes et dépenses de la commune pour l’année suivante. »

On a fait contre cet article deux critiques. D’abord on a dit qu’il fallait séparer les délibérations sur les comptes et les délibérations sur le budget. Pour faire droit à ces observations, je propose de fixer les délibérations sur les comptes au premier lundi de mai.

La seconde critique dont l’article a été l’objet était que l’époque du mois de septembre pour examiner le budget était tardive et mal choisie, à cause de l’absence de plusieurs personnes notables des villes. Pour parer à cet inconvénient je propose de fixer le premier lundi du mois d’août pour les délibérations sur le budget.

L’article serait ainsi conçu :

« Le conseil communal se réunit chaque année le premier lundi du mois de mai, pour procéder à l’apurement des comptes de l’exercice précédent.

« Il se réunit le 1er lundi du mois d’août, à l’effet de délibérer sur le budget des recettes et des dépenses de la commune pour l’année suivante. »

Je ferai observer que pour ce qui concerne l’arrêté des comptes, cette disposition a été réclamée par la députation du Brabant. Elle a pensé qu’on devrait insérer dans la loi que le conseil communal se réunit chaque année le 1er lundi de mai, pour procéder à l’apurement des comptes de l’exercice précédent. C’est lorsque le projet de loi d’organisation communale a été envoyé à l’avis des autorités provinciales que cette observation a été faite.

On a dit qu’il fallait nécessairement un intervalle entre les délibérations sur les comptes et les délibération sur le budget, afin que les comptes pussent être approuvés définitivement par l’autorité provinciale, avant qu’on ne s’occupe du budget. D’autre part, comme les comptes doivent être publiés après avoir été approuvés, l’intervalle entre l’examen des comptes et celui du budget ne m’a pas paru trop long.

A l’article 144, je proposerai de dire au second paragraphe : « Les comptes seront publiés dans les communes pendant les dix premiers jours du mois de juin, et le budget sera publié pendant les dix premiers jours du mois de septembre de chaque année. »

A l’article 146, je proposerai la modification suivante :

« Les comptes devront être transmis à la députation provinciale avant le 1er juillet, et le budget avant le 1er octobre de chaque année. »

Pour le deuxième paragraphe de l’article :

« La députation enverra des commissaires spéciaux aux frais personnels des autorités communales qui seraient en retard de satisfaire à cette obligation. »

M. Legrelle. - Je prie M. le ministre de revoir les dispositions qu’il présente et de les faire imprimer. Il est impossible d’admettre celle par laquelle le ministre propose d’examiner les comptes au 1er mai ; car les crédits d’un exercice restent ouverts jusqu’au 30 juin de l’année suivante ; tous paiements sur l’année antérieure peuvent être faits jusqu’à cette époque. On ne peut donc pas dire que les comptes qui ne peuvent être clos que le 30 juin seront examinés et arrêtés le 1er mai. (A demain ! à demain !)

M. Dumortier, rapporteur. - Le rapport de la section centrale sur l’article relatif à l’administration de biens communaux est prêt, si la chambre veut le mettre à l’ordre du jour de demain, il pourra être imprimé et distribué avant la séance.

- La séance est levée à 4 heures et demie.