(Moniteur belge n°330, du 26 novembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître que les pièces suivantes ont été envoyées à la chambre.
« Le sieur Leprevost, de Basserode, demande que la chambre adopte la disposition du projet de circonscription des cantons, qui permet aux notaires de campagne d’instrumenter dans tout l’arrondissement. »
« Le conseil communal et des habitants notables de la commune de Leke demande à faire partie de canton de Dixmude. »
« Cinq experts du cadastre réclament le paiement des indemnités qui leur sont acquises. »
M. le président. - La chambre est parvenue à l’article 78 du projet du gouvernement, correspondant à l’article 80 du projet présenté par la section centrale.
Voici l’article du gouvernement :
« Art. 78. Le conseil, s’il y a lieu, d’après les lois ou conditions et contrats existants, accorde aux fermiers des propriétés, passages d’eau, barrières ou autres droits, les remises que ces fermiers ont droit de réclamer ; mais lorsqu’il s’agira de remises ou diminutions de prix qui, sans être formellement stipulées, pourraient être réclamées par les fermiers, comme dans les cas prévus par les articles 1722, 1769 et 1773 du code civil, ou pour tout autre motif de droit ou d’équité, le conseil ne pourra les accorder que sous l’approbation de la députation permanente. »
Voici l’article de la section centrale :
« Art. 80. Le conseil accorde, s’il y a lieu, aux fermiers ou adjudicataires de la commune, les remises qu’ils ont droit de réclamer aux termes de la loi ou en vertu de leur contrat ; mais lorsqu’il s’agit de remises réclamées pour motifs d’équité et non prévues par la loi ou le contrat, le conseil ne peut les accorder que sous l’approbation de la députation permanente. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) adopte la rédaction proposée par la section centrale.
- L’article 80 est en conséquence mis aux voix et adopté.
M. le président. - Voici l’article 79 du projet du gouvernement, correspondant à l’article 81 du projet de la section centrale :
« Article 79. Le conseil nomme :
« 1° Les employés de tout grade des taxes municipales ;
« 2° Les membres des administrations et des hospices publics, ou établissements de charité et de l’administration générale des pauvres, pour autant qu’il n’ait pas été décidé autrement par les actes de fondation.
« Cette nomination a lieu sur la présentation d’un nombre double de personnes, laquelle sera faite par l’administration de ces établissements, et sera augmentée d’un nombre égal de candidats à y joindre par les bourgmestres et échevins.
« Cette nomination sera en outre soumise à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial.
« 3° Les architectes et les employés chargés de la construction et de la conservation des bâtiments communaux ;
« 4° Les directeurs et conservateurs des établissements d’utilité publique et de la conservation des bâtiments communaux ;
« 5° Les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune.
« 6° Les instituteurs salariés par la commune ;
« 7° Tous les employés ressortissant de l’administration municipale, et dont la présente loi n’a pas attribué la nomination à l’autorité supérieure. »
Voici l’article de la section centrale :
« Article 79. Le conseil nomme :
« 1° Les employés de tout grade des taxes municipales ; néanmoins le conseil pourra autoriser le collège des bourgmestre et échevins à nommer les simples employés ;
« 2° Les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, à moins qu’il n’ait pas été décidé autrement par les actes de fondation.
« Cette nomination est faite pour le terme fixé par la loi ; elle a lieu sur la présentation d’une liste triple de candidats, par l’administration de ces établissements ;
« 3° Les architectes et les employés chargés de la construction et de la conservation des bâtiments communaux ;
« 4° Les directeurs et conservateurs des établissements d’utilité publique ou d’agrément appartenant à la commune, et les membres de toutes les commissions qui concernent l’administration de la ville ;
« 5° Les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune.
« Cette disposition n’est pas applicable aux médecins et chirurgiens des administrations des pauvres ou établissement de bienfaisance, lesquels continuent d’être nommés et révoqués par les administrations dont ils dépendent ;
« 6° Les professeurs et instituteurs attachés aux établissements communaux d’instruction publique ;
« 7° Tous les autres employés et titulaires ressortissant de l’administration municipale, dont le conseil n’aurait pas expressément abandonné le choix au collège des bourgmestre et échevins, et dont la présente loi n’aura pas attribué la nomination, soit à ce collège, soit à l’autorité supérieure. »
- La chambre, sur la proposition de M. le président, délibère séparément sur chaque paragraphe.
Paragraphe premier
- Le paragraphe premier de l’article 81 de la section centrale est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 2
Le second paragraphe du même article 81 de la section centrale est mis en discussion.
M. de Nef. - Il ne peut avoir d’inconvénients à laisser la nomination des directeurs des établissements de charité aux régences, sous la condition néanmoins que les expéditions des nominations seront adressées par elles à l’autorité supérieure provinciale, afin que celle-ci surveille l’exécution de la loi ; c’est-à-dire, veille à ce qu’il n’y ait pas d’incompatibilités dans les nominations faites. Je demande en conséquence que l’on mette à la fin du second paragraphe : « Expédition des actes de nomination sera transmise à la députation provinciale. »
M. Verdussen. - Je prends ici la parole pour faire connaître à la chambre une note qui m’a été transmise par M. le bourgmestre de la ville d’Anvers au nom de la régence de cette cité. Le conseil de régence d’Anvers, actuellement, et depuis très longtemps a dans ses attributions la nomination des administrateurs des hospices et des bureaux de bienfaisance. Il est permis au bourgmestre et aux échevins de présenter deux candidats, (erratum au Moniteur belge n°331, du 27 novembre 1834 :) et c’est sur la liste formée et par les administrations des pauvres et par le collège des bourgmestre et échevins que le conseil de régence fait la nomination. On voudrait conserver ce mode de nomination ; cependant je ne puis faire de proposition incidente sur ce point, parce que je ne partage pas l’avis de la régence d’Anvers.
Toutefois, je ne puis me dispenser de faire observer que l’on change l’état des choses dans les propositions qui sont faites ; cette remarque pourrait permettre à quelque membre de faire une proposition à cet égard ; quant à moi, je ne puis en faire contre ma pensée.
M. Dumortier, rapporteur. - J’aurai un amendement à faire sur le second paragraphe présenté par la section centrale. Cet amendement aura pour but de maintenir, à l’égard des membres des administrations de bienfaisance, les mêmes incompatibilités qui existent relativement aux membres des régences. Il ne peut y avoir à la fois deux ou trois frères membres d’un conseil de bienfaisance ; de telles affaires ne peuvent être gérées en famille. Je voudrais donc que les hospices présentassent seulement les candidats. Je vais rédiger une proposition dans ce but.
M. le président. - Il n’y a qu’à mettre dans le paragraphe : sans préjudice des incompatibilités signalées par M. Dumortier.
M. Pollénus. - Mais il se présente pour moi une difficulté dans l’adoption de la dernière partie du premier aliéna du second paragraphe. J’entends dire que, par suite d’un acte de bienfaisance fait dans une ville les plus importantes du pays, on a nommé ou désigné pour administrateur une personne étrangères au pays. On assure que ce fait a eu lieu dans la ville de Tournay.
Il y a donc inconvénient à autoriser les fondateurs à nommer les administrateurs sans que la loi stipule des garanties. Je voudrais savoir si l’amendement que rédige M. le rapporteur de la section centrale, M. Dumortier, corrige l’abus que je signale. Je demande la division du premier alinéa ; j’en voterai la première partie ; mais je voterai le rejet de la seconde, à moins qu’on ne me donne la satisfaction que je réclame.
Je ne comprends pas non plus comment un particulier puisse conférer la qualité de membre d’une administration publique sans l’intervention de l’autorité, comme paraît le supposer la disposition finale du paragraphe en discussion.
M. le président. - Voici la proposition de M. Dumortier :
« Les incompatibilités établies relativement aux membres composant le conseil de régence, s’appliquent aux membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne vois aucune disposition relative à la révocation des membres des bureaux de bienfaisance, des membres des administrations des hospices ; cependant cette disposition pourrait être d’une nécessité absolue. Dernièrement, on a vu une administration de bienfaisance aimer mieux se dissoudre que de rester telle qu’elle avait été formée, avec un collègue qui déplaisait. Je crois qu’il faudrait ajouter au paragraphe : « Les membres de ces administrations pourront être révoqués par la députation provinciale. »
M. Pollénus. - Je désirerais que M. le rapporteur de la section centrale nous dît si, par la manière dont le second paragraphe est conçu, un particulier aurait droit de déférer à quelqu’un la qualité de membre d’une administration de bienfaisance ; si enfin un particulier peut déférer une qualité emportant avec elle un caractère public ?
M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai d’abord remarquer que ces mots ont été empruntés par la section centrale au deuxième paragraphe de l’article du gouvernement. Le but que nous nous sommes proposé avant tout a été de respecter les intentions du fondateur, si le fondateur entend que l’établissement soit administré par tel ou tel de ses parents. Une telle décision est la loi de l’établissement : elle est la condition sous laquelle le legs a été fait. Vous ne pouvez changer ce que le testateur a fait à cet égard. Sa volonté est une loi à laquelle on ne peut déroger.
Je pense donc qu’il y a lieu de maintenir la proposition du gouvernement, afin qu’il n’y ait aucun doute ; car il y en aurait si cette disposition n’était pas dans la loi.
Je propose un amendement tendant à établir pour les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance les mêmes incompatibilités existant pour les membres des conseils de régence. Evidemment ces incompatibilités ne seront pas applicables aux établissements dont je viens de parler, et qui sont institués par testament. Car le testateur appelle le plus souvent ses parents à gérer le bien de ces établissements.
M. Pollénus. - D’après les explications que vient de donner l’honorable rapporteur, il ne s’agit pas ici de conférer l’autorité publique à une personne privée ; l’article tend seulement, dit-il, à sanctionner les nominations d’administrateurs spéciaux faites par acte de fondation pour gérer une dotation spéciale. Eh bien, messieurs, je dis que les termes de l’article n’expriment pas les intentions du rapporteur. Par exemple, dans le deuxième paragraphe, on confond le droit de nommer l’administrateur d’un établissement spécial et le droit de conférer la qualité de membre de l’administration des hospices et bureaux de bienfaisance. Or, ce droit d’introduire quelqu’un dans une administration publique ne peut appartenir à un particulier.
Assurément l’article ne contient pas la limitation que l’honorable rapporteur croit y trouver. Je crois donc qu’un changement de rédaction est nécessaire dans cette disposition pour qu’elle rende l’idée qu’il a exprimée ; je pense que dans ses termes actuels elle ne peut être admise.
M. Dubus. - Je remarque d’abord que la rédaction de la section centrale qui a donné lieu aux observations de l’honorable préopinant est empruntée textuellement au règlement des villes ; l’article 68 de ce règlement porte : « Le conseil de régence nomme les membres des administrations des hospices et autres établissements de charité, pour autant qu’il n’aura pas été décidé autrement à cet égard par l’acte de fondation. La section centrale a dit : « Le conseil nomme les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, à moins qu’il n’ait été décidé autrement par les actes de fondation. »
Ainsi, les observations de l’honorable préopinant s’appliqueraient autant au projet de la section centrale qu’au règlement des villes. Or, dans l’application, je ne crois pas que cette disposition ait présenté des difficultés ; elle n’a même pu en présenter : l’exception ne s’applique que là où l’acte de fondation indique l’administrateur né de tel ou tel hospice, on indique le mode de leur nomination.
Il n’est pas impossible que dans telle ou telle localité il n’existe pas d’autres établissements de bienfaisance que ceux fondés de cette manière ; et alors il est juste de dire que l’administrateur nommé par un acte de fondation serait membre de l’administration du seul établissement de bienfaisance de la commune. On pourrait donc changer la rédaction de l’article et y substituer une rédaction moins générale. Ainsi au lieu de : « à moins qu’il n’ait été décidé autrement par les actes de fondation, » on pourrait dire : « on suivra, quant à la nomination, l’acte de fondation. »
Je pense que la rédaction de l’article doit s’appliquer aux cas où dans une ville il y aurait des hospices, des établissements de bienfaisance dans les conditions ordinaires, et en outre un hospice ayant un administrateur spécial nommé par son fondateur ou ses parents d’après sa volonté.
On me communique à l’instant cette rédaction qu’on substituerait à celle de la section centrale : « Il n’est pas dérogé par cette disposition aux actes de fondation qui établissent des administrateurs spéciaux. » Je crois qu’on pourrait adopter cette rédaction.
M. le ministre de l’intérieur propose que l’on discute tous les amendements en même temps ; je ferai donc des observations sur ces divers amendements.
M. le ministre de l'intérieur propose d’ajouter à l’article que les membres des administrations de bienfaisance soient révoqués par la députation provinciale. Nous ne pouvons admettre une telle disposition. Si elle est utile, je demande que vous déclariez que les membres des administrations de bienfaisance seront nommés par la députation. Car nous ne pouvons lui donner le droit de faire indirectement ce que nous ne lui permettons pas de faire directement. Vous accordez comme une apparence de liberté que les membres des administrations de bienfaisance soient nommés par le conseil communal ; puis vous ajoutez qu’ils pourront être cassés par l’administration provinciale. Alors toutes les fois que le membre nommé ne plaira pas à l’administration provinciale, qu’il ne sera pas celui qu’elle aurait choisi, elle le cassera pour forcer le conseil à nommer son candidat. Si quelqu’un a le droit de révocation, ce doit être sans aucun doute le conseil communal ; car il est incontestable que le droit de révocation est la conséquence du droit de nomination.
M. de Nef propose d’ajouter qu’une expédition de la nomination sera adressée à l’administration provinciale. Ainsi l’administration provinciale pourra s’assurer si les nominations sont faites conformément à la loi. Si le conseil de régence se permettait d’attribuer ces fonctions à un étranger au mépris de la constitution, qui porte que les emplois publics ne pourront être donnés qu’à des Belges, l’administration provinciale pourrait redresser un tel abus. Sous ce rapport, je trouve des avantages à la proposition de M. de Nef, et je l’appuie.
Mon honorable ami M. Dumortier propose pour les administrations de bienfaisance les mêmes incompatibilités de parenté qui existent pour les membres des conseils de régence. J’appuie également cette disposition. Il y a plus de raison d’introduire cette incompatibilité parmi les membres des conseils d’administration de bienfaisance, composes de 5 membres, que dans les conseils de régence ordinairement plus nombreux.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si j’ai proposé d’attribuer à la députation provinciale le pouvoir de révoquer les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, c’est que j’ai voulu donner à ces administrations la garantie qu’elles ne seraient pas victimes de quelques passions de la commune. Je consens à ajouter : « Sur la demande des administrations elles-mêmes ou des conseils communaux. » Alors il n’y a aucun abus à craindre. D’après la loi du 16 messidor an VI, le droit de révocation appartenait a la députation provinciale et au ministre de l’intérieur. C’était encore une garantie de plus que dans le projet actuel.
Quant à l’objection soulevée par l’honorable député d’Hasselt, je ferai remarquer que cette limite : « à moins qu’il n’ait été décidé autrement par des actes de fondation, » se trouve insérée dans les règlements actuellement existants.
L’article 68 du règlement des villes est conçu dans les mêmes termes : « Le conseil nomme les membres des administrations des hospices publics, des établissements de charité et de l’administration générale des pauvres de la ville, pour autant qu’il n’ait pas été décidé autrement à cet égard pour les actes de fondation. »
La même disposition se trouve dans le règlement du plat pays. La rédaction que je propose est copiée du règlement des villes. Or, puisqu’on ne veut pas d’innovation, il n’y a rien de mieux à faire que d’adopter la disposition du gouvernement. Nous resterons ainsi dans les termes où nous nous trouvons aujourd’hui, et il n’y aura aucune espèce de doute sur l’application de la loi.
M. Pollénus. - L’honorable M. Dumortier avait manifesté l’intention de présenter un amendement. S’il ne le faisait pas, j’en proposerais un ainsi conçu :
« Il n’est pas dérogé au droit des particuliers de nommer des administrateurs spéciaux, par des actes de fondation. »
Je crois pouvoir me référer à ce que j’ai dit précédemment pour motiver mon amendement. On dit que cette disposition se trouve dans les anciens règlements, mais on ne doit pas oublier que la rédaction en est vicieuse. Or les doutes qui en résultent nous ne devons pas les laisser subsister. Quand on fait des lois nouvelles, il importe de les rendre aussi claires et aussi précises que possible.
M. Fallon. - Je prierai M. le rapporteur de présenter son amendement ; la rédaction en est peut-être plus complète que celle de l’amendement de M. Pollénus.
M. Dumortier, rapporteur. - La proposition de M. Pollénus ne pourrait pas être admise, car elle ne stipule que pour les fondations qui seront faites à l’avenir. Cependant les droits sont les mêmes, soit que les fondations soient antérieures ou postérieures à la loi. Voici comment je proposerais de rédiger la disposition :
« Il n’est pas dérogé par les dispositions qui précèdent aux actes de fondation qui établissent des administrateurs spéciaux. »
M. Pollénus. - Je me rallie à l’amendement de M. Dumortier.
M. Gendebien. - Il me semble qu’on devrait s’expliquer sur le sens qu’on attache à la disposition proposée. Si on veut parler de la fondation d’établissements complets, comme celui qui existe à Namur, je conçois très bien qu’on ne puisse pas ôter au fondateur le droit d’établir des administrateurs spéciaux.
Mais voulez-vous étendre ce droit à toutes les petites dispositions particulières ? Par exemple, si un citoyen lègue à un établissement de bienfaisance un demi-bonnier de terre, une rente, un capital, consentirez-vous à ce qu’il y ait autant d’administrateurs que de legs, quand les legs auront été faits à ces conditions ?
Laisserez-vous à l’administrateur nommé par le testateur qui aura légué cent mille francs, lui laisserez-vous le soin d’administrer ce capital et de le manger ? Si vous ne voulez appliquer la disposition qu’à des établissements complets, je l’admettrai ; mais vous ne pouvez l’admettre dans le sens que je lui trouve, sans jeter la perturbation dans les administrations de bienfaisance, sans annuler les intentions et faire courir le plus grand risque aux legs des testateurs.
Vous savez que quand on arrive au moment de faire un testament, on est très susceptible de captation, on cède facilement à des obsessions ; eh bien, si vous adoptez la disposition qu’on vous propose, vous trouverez des spéculateurs qui feront donner à des hospices ou à des établissements de bienfaisance des legs de cent ou de dix mille fr., à condition qu’ils seront chargés de les administrer. Et ils les administreront en les mettant en poche.
Voyez si vous croyez devoir donner cette portée à votre disposition.
M. Desmanet de Biesme. - Les observations de l’honorable préopinant sont très fondées. L’amendement proposé aurait les plus graves inconvénients. L’hospice qu’il a cité comme un établissement complexe où la disposition pourrait être appliquée, n’est administré par les parents que concurremment avec les hospices. L’article du règlement est assez obscur, des contestations se sont élevées ; cependant nous avons été maintenus dans nos droits, relativement à l’administration de cet établissement, mais toujours concurremment avec les hospices. On s’exposerait à de grandes difficultés en laissant l’article tel qu’il est rédigé.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne comprends pas, messieurs, comment on pourrait accepter un legs fait à un hospice et refuser de remplir la condition qu’il y met. La distinction qu’on a faite entre un établissement complexe et un établissement qui ne l’est pas ne me touche pas. Car comment prendre la bourse que donne le testateur sans laisser à ses parents ou à la personne qui avait sa confiance, le soin d’en surveiller l’emploi, lorsqu’il en a exprimé la volonté ? Un pareil système est une violation de toute espèce de droit, un abus de la force. Je pense que la chambre sera assez sage pour le repousser.
Quand on est près de mourir, a-t-on dit, on est susceptible de captation, et des spéculateurs profiteraient de cette disposition pour faire leurs affaires. Messieurs, quand des spéculateurs se trouvent au lit d’un mourant, ils font faire des legs à leur profit, et non au profit d’établissements de charité. D’ailleurs, s’il y a captation, les tribunaux seront là pour prononcer.
Si la crainte qu’on manifeste était fondée, il faudrait adopter une disposition portant qu’on ne peut plus faire d’établissements de charité. Quant à moi, je ne sais pas ce que c’est que la captation en pareil cas, aussi longtemps qu’elle n’est pas démontrée ; et quand elle est prouvée, le devoir des tribunaux est d’annuler le testament. C’est ce qu’ils ont toujours fait.
Nous devons donner l’exemple du respect pour les dernières volontés d’un mourant et surtout quand il s’agit d’établissements d’utilité publique, car les établissements de charité sont fondés dans l’intérêt du peuple. Et, comme l’a dit un homme célèbre, on estime le degré de civilisation d’un pays d’après les établissements de bienfaisance qui s’y créent. La véritable civilisation est celle qui apporte du soulagement aux souffrances des malheureux.
Pour moi, j’appelle de tous mes voeux des actes de captation qui auront pour objet des legs à des établissements d’utilité publique. Ceux qui font de pareils legs sont, à mes yeux, les véritables bienfaiteurs de l’humanité, quelles que soient les conditions qu’ils imposent.
M. de Brouckere. - La disposition proposée par la section centrale était ainsi conçue : « Le conseil nomme les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, à moins qu’il n’ait été décidé autrement par des actes de fondation. »
Evidemment, une semblable disposition n’était pas admissible, Car, en l’analysant, voici ce que vous trouvez : Que si en règle générale, le conseil nommait les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, il pouvait dépendre d’un seul individu que ces membres ne fussent plus à la nomination du conseil. Or, une semblable intention ne pouvait entrer dans l’esprit d’aucun de nous. Tout au plus pouvait-on vouloir qu’en règle générale les biens laissés aux pauvres pussent être ainsi administrés, c’est-à-dire que la gestion des biens laissés aux hospices pût être soustraite par le testateur à l’administration de ces établissements, mais en maintenant toujours intact le droit du conseil de nommer les membres des administrations des hospices.
Il paraît que l’honorable rapporteur de la section centrale a senti que la rédaction de la section centrale devait être ainsi entendue, car il vous en propose une autre. D’après cette nouvelle rédaction, il serait convenu que c’est le conseil qui nomme les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ; mais on ajouterait : « il n’est pas dérogé par les dispositions qui précèdent aux actes de fondation qui établissent des administrateurs spéciaux. »
Pour moi, je trouve fort inutile ou d’approuver ou de combattre cette disposition, parce qu’elle ne trouve pas ici sa place.
Il ne s’agit pas de régler quels seront les biens à placer sous la régie des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ; il s’agit simplement de savoir qui nommera les membres de ces administrations. A quoi bon venir ainsi ajouter un paragraphe qui ne sert qu’à maintenir la législation existante, quant à l’administration de certains biens légués à de certaines conditions. C’est une chose fort inutile qui ne trouve pas sa place dans cet article. Je propose donc que la disposition en discussion soit rédigée de la manière suivante : « Les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, » et que l’amendement proposé par l’honorable rapporteur de la section centrale soit écarté.
M. Pollénus. - Lorsque j’ai demandé la parole, j’avais l’intention de présenter à l’assemblée les mêmes observations que l’honorable M. Dumortier vient de développer. Je me bornerai à en faire une seule afin de réfuter ce que vient de dire l’honorable préopinant.
L’honorable M. de Brouckere convient avec moi que la rédaction de la section centrale ne rend pas l’idée qu’y attachait dans le principe l’honorable rapporteur. Il est inutile, dit ce membre, de parler d’autre chose que du droit de nomination des administrateurs des établissements de bienfaisance par le conseil communal.
Je crois, pour ma part, qu’il est utile et nécessaire de reconnaître aux particuliers le droit de nommer des administrateurs spéciaux, d’autant plus que si on ne reconnaissait pas ce droit, on pourrait dire que la disposition générale non limitée qui accorde aux conseils la nomination des membres des administrations de charité est exclusive du droit que nous reconnaissons aux particuliers de confier la gestion de leurs dotations à des administrations particulières. Je crois qu’il faut mettre à côté de la règle générale la reconnaissance du droit particulier sur lequel nous sommes tous d’accord.
L’honorable M. de Brouckere ne conteste pas ce droit de nommer des administrateurs spéciaux. Comme je viens de le dire, il est utile et nécessaire de formuler cette opinion dans la loi. Je demeure donc persuadé de la nécessité de l’amendement, quand ce ne serait que pour prévenir l’incertitude qui résulterait infailliblement du silence de la loi.
M. Fallon. - Je prends la parole pour tâcher de démontrer que l’inconvénient signalé par M. Gendebien dans l’addition du paragraphe proposé n’existe pas. Il a supposé le cas où, par une disposition testamentaire, un nouvel établissement serait érigé, et le cas où un legs serait fait en faveur d’un établissement existant.
Dans le premier cas, il appartient au testateur de régler l’administration de ses biens, comme il le juge convenable. Il va sans dire que ses intentions ne pourront être mises à exécution qu’après l’approbation royale. Tout legs exige une autorisation royale. Il n’y a donc pas là d’inconvénient.
Dans le second cas je ne vois non plus aucune espèce d’inconvénient. Je suppose qu’un testateur lègue cent mille francs à un établissement existant, à charge que les parents du testateur auront le droit de concourir avec la régence à la nomination des membres de l’administration de charité. Il ne se présente pas là de difficulté. Il est dit dans le code civil que tout acte disposé d’après les dernières volontés mourant est annulé s’il est contraire aux lois existantes. Au moyen de cette ligne de conduite, l’inconvénient signalé par l’honorable M. Gendebien disparaîtra.
M. Dubus. - L’honorable M. de Brouckere a regardé comme inutile la restriction posée dans la première partie du deuxième paragraphe de la section centrale. Il a regardé également comme inutile l’amendement destiné à la remplacer.
Loin de partager son opinion, je considère cet amendement comme éminemment utile. Et je crois qu’il y aurait un grand danger à le supprimer. Car, on en tirerait les conséquences que nous en sommes revenus à une époque réellement déplorable pour le pays, celle où toutes les fondations ont été dépouillées de leurs administrations particulières et où toutes ont été confondues dans une administration commune. Après l’invasion française, tous les biens des fondations se trouvèrent menacés de spoliation. Une loi avait été jusqu’à réunir au domaine ce qui servait à doter les fondations particulières. Cette loi fut révoquée sans avoir jamais été mise à exécution dans notre pays. En France, toutes les administrations particulières des établissements de charité furent réunies à une administration commune que l’on créa à cet effet.
On n’y respecta en aucune manière la volonté des fondateurs. On la viola et on la foula aux pieds. On détourna les revenus des fondations de leur destination spéciale. Le résultat a été de détourner les particuliers de leurs intentions bienfaisantes dans la persuasion où ils étaient qu’elles ne seraient pas respectées ; ils ont vu en perspective un gouvernement spoliateur qui appliquerait leur legs à des fins différentes de celles qu’ils auraient en vue, et en ferait servir les revenus à subvenir aux besoins du trésor public.
Aussi, pour donner aux fondateurs la garantie que désormais leur volonté serait respectée, dans les règlements qui ont été portés dans ce pays en 1817, et plus tard en 1824, on a ajouté à l’article relatif à la nomination des membres des administrations de charité, ces mots : « Pour autant qu’il n’aurait pas été décidé autrement par les actes de fondation. »
C’était annoncer au pays que les intentions des fondateurs seraient respectées. Voulez-vous leur annoncer maintenant que vous allez rétrograder vers une époque contre laquelle il n’y a qu’une voix ? Et n’est-ce pas le faire que de passer sous silence la garantie qu’avaient les fondateurs de l’accomplissement de leurs dernières volontés ?
La disposition que je défends est donc éminemment utile. Au reste, comme les honorables préopinants qui ont parlé avant moi l’ont suffisamment prouvé, je bornerai là mes observations.
M. de Brouckere. - Je persiste à penser, quoi qu’en aient dit les honorables orateurs qui m’ont précédé, que l’amendement proposé par l’honorable M. Dumortier ne trouve pas ici sa place.
Je demanderai à l’honorable rédacteur de cette proposition si son intention est d’introduire une innovation dans la législation sur la matière. Si telle n’est pas son intention, je dis que son amendement est tout à fait inutile. Car les lois existantes resteront en vigueur jusqu’à ce qu’elles aient été abrogées. Or, en ne disant rien, nous n’abrogeons aucune loi. Que si, au contraire, l’intention de M. Dumortier est d’introduire une innovation, je le répète encore, ce n’est pas ici la place d’une semblable disposition. Car, dans le numéro 2° que nous discutons, il s’agit tout simplement du droit de nominations par les conseils communaux des membres des administrations de charité. Il ne s’agit nullement de décider quels biens seront soumis à la régie de ces administrations. De quelque manière que l’on envisage l’amendement, il est évident qu’il ne peut être introduit dans le paragraphe en discussion. Si c’est une innovation que l’on demande, il faut faire pour cet objet une disposition spéciale. Sinon, il ne faut faire aucune mention à cet égard.
Mais, a dit un honorable orateur, et c’est de M. Pollénus que je veux parler, si nous nous taisons, on pourra en induire que nous voulons à l’avenir refuser à tout fondateur le droit de nommer des administrateurs spéciaux des biens qu’il voudra léguer à une administration de bienfaisance. Oui, ceux qui raisonneront mal tireront cette conclusion ; mais tout homme qui prendra pour base le bon sens, ne raisonnera pas comme l’honorable M. Pollénus. Nous ne disons rien, par conséquent nous ne changeons rien. Si nous ne disons rien, on ne pourra pas en inférer que nous ayons voulu dire quelque chose.
Mais, continue l’honorable orateur, vous admettez le droit qu’a tout fondateur d’imposer à un legs les conditions qu’il juge convenables. Ce n’est pas ici le lieu d’entamer une discussion à cet égard. Tout ce que la loi admet, je l’admets. Tout ce qu’elle rejette, je le rejette.
Je ne veux aucune innovation. Nous ne traitons même pas la matière dont on veut que nous nous occupions. Nous ne traitons pas la question de savoir quels biens seront placés sous la régie des administrations de charité. Nous ne réglons que le mode de nomination des membres de ces administrations.
C’est bien certainement le conseil communal qui nomme les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance ; vous ne voulez mettre aucune restriction à cette règle ; c’est une règle générale ; et je ne vois pas ce que vient faire la disposition présentée par M. Dumortier, qui, comme je l’ai déjà dit, ne trouve nullement ici sa place.
M. Fallon. - Je ne puis partager la manière de raisonner de mon honorable ami M. de Brouckere. Il demande à M. le rapporteur de la section centrale si son intention est d’innover. L’intention de M. Dumortier n’est pas d’innover ; cela est évident ; il veut conserver les garanties que les règlements actuellement en vigueur accordent à certaines fonctions. Je vais citer un exemple qui montrera combien la disposition est utile.
Il s’agit d’un établissement de charité qui a été érigé sous la foi des règlements existants. Jusqu’à ce que ces règlements aient été promulgués, personne ne voulait faire de fondations pour des établissements de bienfaisance ; mais quand l’ancien état de choses eut fait place aux règlements que nous suivons, dans la ville de Namur un hospice complet de maternité a été érigé. Cet hospice a ses administrateurs particuliers ; les autres hospices n’ont rien à y voir : eh bien, si vous rayez des règlements actuellement en vigueur la garantie sous laquelle cet hospice de maternité a été créé, il est bien clair que les administrateurs des autres hospices se croiront autorisés à prendre part à la gestion de celui que je cite. Cela me paraît évident (Oui ! oui ! oui !)
M. Gendebien. - On m’a fait cette objection : de quel droit viendrez-vous contester à un testateur la faculté de nommer un administrateur pour un hospice ? Ce serait là un abus de la force ; respect avant tout à la volonté du mourant. Messieurs, ce sont là de très grands mots mais quand on a une très légère teinture de la législation, on ne tombe pas dans d’aussi graves erreurs.
De qui le testateur tient-il le droit de dicter ses dernières volontés ? Il tient ce droit de la loi ; le droit de tester, chacun le puise dans la loi : eh bien, si c’est en vertu d’une loi que l’on dispose de ses biens par un testament, je demande comment on peut être accusé de violence, d’abuser de la force, alors que par une loi on dit sous quelles conditions on peut disposer de ses biens ? Voilà des idées bien simples : l’honorable membre aurait dû les connaître avant d’avoir recours à de grandes phrases.
Messieurs, on ne veut faire violence à personne, et si violence il y a, c’est dans les paroles de l’honorable rapporteur ; le législateur a le droit d’établir la condition que nous réclamons.
En établissant dans le texte de la proposition faite par la section centrale une modification telle que je l’ai indiquée, il en résultera que le testateur ne disposera de ses biens qu’en se privant de la faculté de designer un administrateur. Est-ce la caprice ou abus de la force ? Non ; c’est sagesse.
Je persiste à penser qu’il serait très utile de faire ici une distinction. J’ai considéré comme étant sans grand danger la faculté donnée à un citoyen d’établir une maison de bienfaisance et d’en désigner les administrateurs ; et j’ai signalé les abus qui pouvaient résulter de la même faculté de désigner un administrateur pour des legs particuliers.
On s’est plaint de ce qu’à une époque assez éloignée, toutes les institutions particulières ou publiques de bienfaisance aient été confondues, et placées sous le même régime : pour répondre à cette plainte, je pourrais citer une ville où tous les revenus des hospices ayant été ainsi confondus, ou plutôt réunis, ont triplé de valeur, et où les frais d’administration ont été réduits au quart : les malheureux ayant pu recevoir plus de secours, il suit de là que les volontés des testateurs ont été mieux exécutées.
C’est une belle chose que la théorie des établissements particuliers de bienfaisance pour lesquels le testateur nomme un administrateur, mais la pratique n’en est pas toujours aussi belle.
Il est tel établissement où, par suite de cette manière de gérer les dons d’un testateur, il y a tout juste de quoi nourrir, héberger, l’administrateur et sa famille.
Il y a tel autre établissement où, par suite de la même mesure, l’administration coûte quatre fois plus qu’il ne faut pour atteindre le but de l’institution. Ailleurs, comme les dons étaient restreints, l’administration absorbent tout, les malheureux meurent de faim ; ailleurs, on a vu les administrateurs gérer admirablement dans les commencements, puis absorber pour eux-mêmes tous les revenus.
Je vous le demande, dans ce moment où nous avons à prendre une mesure législative relativement aux hospices, aux établissements de bienfaisance, n’avons-nous pas de bons arguments pour justifier la centralisation ?
Je vous l’ai déjà dit, et je vous le répète, il se présente tous les jours des spéculateurs sur les donations, et qui, ne pouvant rien obtenir directement, se font nommer administrateurs de legs de bienfaisance, afin d’en détourner les revenus à leur profit et contre les intentions du testateur.
On m’a répondu : Mais s’il y a des spéculateurs capables de détourner à leur profit les deniers laissés aux malheureux, ils aimeront mieux user de leur influence pour se faire désigner légataires que pour se faire désigner seulement administrateurs des deniers consacrés à la bienfaisance.
Eh, messieurs, ne sait-on pas que le plus ordinairement on n’oserait obséder un mourant pour se faire donner directement une partie de son bien ; et qu’on préfère, au moyen de conditions détournées, indirectes, obtenir les revenus d’un legs, sous le prétexte d’un acte de bienfaisance ? Interrogez toutes les familles à cet égard, et vous verrez ce qu’elles vous répondront. Elles vous diront que tel individu qui n’aurait pu obtenir directement 50 fr, obtient un legs de 50,000 fr., sous le prétexte d’un établissement de bienfaisance dont il se fait désigner l’administrateur.
Supposons que le testateur laisse de l’argent, quelle garantie aurez-vous que le spéculateur donnera aux deniers la destination prescrite par le donateur ? Le spéculateur dissipera la somme, mangera l’argent, comme on dit vulgairement. Le but du testateur sera-t-il rempli ?
Voulez-vous supposer que les biens légués sont des terres, des maisons : pourquoi ces biens ne seraient-ils pas administrés par les administrateurs ordinaires ? A quoi bon multiplier les frais d’administration ? Quel moyens avez-vous pour contraindre l’administrateur particulier à verser les revenus dans la caisse des pauvres ? Prenez-y garde, vous allez jeter la perturbation dans l’administration sans remplir la volonté du testateur.
Si ces réflexions ne vous touchent pas, faites comme vous l’entendez ; mais, dans 25 ou 30 ans, vous tomberez dans les maux qui se sont présentés il y a environ une quarantaine d’années. Je ne prétends pas ici justifier les abus qui viennent du gouvernement ; mais je dis qu’il ne faut jamais argumenter des abus commis par le pouvoir pour repousser une mesure législative ; nous n’avons qu’une chose à considérer, c’est de faire une bonne loi : si elle est mal exécutée, la faute en est au gouvernement.
En un mot comme en cent, je persiste à considérer la disposition en discussion, dans l’étendue qu’on lui donne, comme pernicieuse : elle occasionnera les intrigues, les obsessions, les captations, et le testateur n’aura en définitive doté que les fripons ; et il en existe beaucoup comme chacun sait.
M. H. Dellafaille - Un honorable député de Bruxelles a dit que l’amendement de M. Dumortier n’était pas à sa place ; mais après avoir posé la règle, il me semble qu’il faut poser l’exception. Les droits actuels restent en vigueur ; voilà la règle générale.
Les règlements de 1817 et 1824 ont eu pour objet de faire respecter les intentions de fondateur. Or, c’est l’article de ces règlements que nous avons reproduit. Il me paraît indifférent que la chambre adopte la rédaction de M. Dumortier ou celle de la section centrale. Mais pour éviter toute espèce de doute, je crois qu’il est nécessaire d’adopter l’une ou l’autre.
M. Dumortier, rapporteur. - Je demande à donner lecture des règlements en vigueur pour les villes et pour le plat pays. On verra que mon amendement ne fait que reproduire une de leurs dispositions.
M. Gendebien. - Il est parfaitement inutile de lire les règlements des villes et du plat pays. Nous les connaissons aussi bien que vous. Mais prétendez-vous qu’ils aient été donnés dans des intentions libérales ?
Tous ceux qui ont parcouru la Hollande savent que c’est là que se montrent les abus dans toute leur laideur, que c’est là surtout qu’une infinité d’hommes s’engraissent eux, leur famille, leurs amis, dans l’administration d’établissements de bienfaisance que le fondateur avait institués dans un tout autre but.
On veut donc implanter en Belgique les abus existant en Hollande en vertu des règlements. Les règlements, dites-vous, sont encore en vigueur ; mais est-ce là répondre aux abus que j’ai signalés ? Qui ne sait que les règlements ont été donnés à la Belgique pour la doter des abus qu’on n’osait pas supprimer en Hollande ? Ainsi ne me parlez pas de cette législation, et quand vous citez des autorités, prenez-les ailleurs qu’en Hollande.
M. Dumortier, rapporteur. - L’honorable préopinant m’a reproché d’employer les grands mots. Sont-ce des petits mots quand il nous reproche de vouloir implanter en Belgique les abus existant en Hollande ? et cela parce que nous produisons la législation en vigueur. Les abus, dit-on, pullulent en Hollande en vertu des règlements. Je ne sais ce qui en est ; mais je sais fort bien qu’il n’en est pas ainsi en Belgique, et que pendant dix-huit ans qu’a duré le gouvernement du roi Guillaume, aucun abus n’a été, sous ce rapport, signalé en Belgique ; je crois même qu’il est impossible d’en signaler aucun.
L’honorable préopinant prétend que j’ai tort de voir, dans le système qu’il veut faire prévaloir dans la loi, une violence imposée à la dernière volonté du testateur ; il ajoute que, si j’avais la plus légère teinture de législation, je ne tomberais pas dans une pareille erreur. Il est vrai que je n’ai pas l’honneur d’être avocat, et sous ce rapport je suis fort à plaindre. (On rit.) Cependant je connais assez de droit pour savoir que toutes les fois que la loi n’est pas basée sur la justice, elle repose sur la violence. Et je soutiens qu’il est contraire à toute justice de conserver le legs d’un testateur en annulant ce qu’il a stipulé comme condition de la donation.
Ce sera, direz-vous, en vertu de la loi que le testateur ne pourra nommer l’administrateur des établissements qu’il a fondés, puisque vous établirez telle ou telle stipulation qui le lui interdira. Mais assurément les lois ne sont pas toujours l’expression de la justice, mais quelquefois celle de la violence des partis. Témoin les lois de la révolution française, les lois rendues par la convention : elles étaient peut-être l’expression des besoins du moment, mais assurément elles n’étaient pas l’expression de la vérité.
Vous verrez, a dit aussi l’honorable préopinant, que l’on mangera les legs, les donations. Mais, messieurs, c’est qu’alors l’administration publique ne ferait pas son devoir ; ne devra-t-elle pas demander les comptes de ces établissements et en surveiller la gestion ? Si l’administration permet que l’on mange les legs, la faute en est à elle et non aux testateurs.
Si, comme le veut l’honorable préopinant, le testateur ne peut fonder un établissement sous la condition d’en confier la gestion à une personne de sa famille, qu’arrivera-t-il ? Qu’on n’instituera aucun établissement de bienfaisance, qu’on ne fera du aucun legs en leur faveur. Voilà ce qui résultera du système de centralisation qu’on a, à mon avis, préconisé.
Au reste, nous avons établi dans le projet une disposition conservatrice qui pare à toute espèce d’inconvénients, comme ceux redoutés par l’honorable préopinant. L’article 90 porte :
« Le collège des bourgmestre et échevins a la surveillance des hospices, bureaux de bienfaisance et monts-de-piété. A cet effet, il visite lesdits établissements chaque fois qu’il le juge convenable, veille à ce qu’ils ne s’écartent pas de la volonté des donateurs et testateurs, et fait rapport au conseil des améliorations à y introduire et des abus qu’il y a découverts. »
Si donc il y a des abus, le conseil de régence les fera disparaître. Assurément les élus du peuple rempliront leur devoir de surveillance sur les administrations de bienfaisance, et empêcheront qu’on ne mange les legs et donations.
M. Gendebien. - L’honorable M. Dumortier dit toujours que c’est mettre la violence à la place de la loi, que c’est faire une loi contraire à l’équité et la justice. Mais c’est résoudre la question par la question. La question est de savoir s’il n’est pas juste et équitable d’adopter une disposition qui prévienne toute espèce d’abus, plutôt que consacrer une législation qui introduira une infinité d’abus que j’ai signalés ; ce à quoi par parenthèse l’honorable M. Dumortier n’a pas répondu.
Les conseils de régence surveilleront la gestion des hospices administrés par un individu qu’un testateur aura nommé. Mais, je le demande, quel est l’article de votre loi qui autorise l’administration communale à surveiller la gestion d’établissements de ce genre ?
(Erratum au Moniteur belge n°331, du 27 novembre 1834 :) Votre article 90 parle des hospices, mais non des legs et fondations dont l’administrateur aura été nommé par l’acte de fondation. Dites donc quel article de votre loi autorise une telle surveillance ?
Si j’étais nommé demain administrateur d’un legs à l’effet de verser des fonds à un établissement de bienfaisance ou de distribuer directement et à époques indiquées de la houille, du pain, des paillasses, des couvertures de laine, des aumônes aux pauvres de telle paroisse, je voudrais bien voir de quel droit on voudrait contrôler mon administration, quelle disposition de la loi donne à une autorité quelconque, depuis le Roi jusqu’à la dernière administration communale, le pouvoir de se faire rendre des comptes. Aucune ne le pourrait. Vous voyez donc bien que ce qu’on a répondu n’a aucun rapport avec les abus que j’ai signalés.
Le premier devoir du législateur est d’éviter les abus. Or, évidemment l’absence de tout contrôle dans une administration est une source inévitable d’abus. Eh bien, je vous défie d’indiquer ici un contrôle quelconque.
M. Desmanet de Biesme. - Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai été frappé des inconvénients signalés par l’honorable M. Gendebien ; je persiste dans mon opinion à cet égard.
Je crois qu’en général les hospices et établissements sont mieux administrés à présent qu’autrefois. Cependant, une considération générale me fera voter pour la proposition de l’honorable M. Dumortier ; cette considération, c’est la crainte de voir diminuer les legs en faveur des établissements de bienfaisance, si vous restreignez les pouvoirs du testateur.
J’ai été frappé d’un fait qui s’est passé sous le gouvernement français ; l’administration de tous ces établissements lui était dévolue ; eh bien, alors il y eut fort peu de fondations, très peu de legs ou donations. Depuis, au contraire, que le gouvernement hollandais avait permis leur administration séparée, il y a eu beaucoup de legs en faveur des hospices et bureaux de bienfaisance.
L’hospice de Namur, dans la pensée de la fondatrice, aurait dû être administré par les parents ; c’est un fait que je connais pertinemment. Elle a dû, pour la nomination des administrateurs, se concerter avec l’administration des hospices ; et cette nomination a été approuvée par l’empereur.
La considération générale me détermine à voter pour l’amendement de M. Dumortier, sans que néanmoins je m’en dissimule les inconvénients.
M. Gendebien. - Je conviens que ce n’est pas tout à fait ici la place de la distinction que je crois nécessaire d’établir dans la loi. J’en ferai l’objet d’une proposition particulière que je présenterai soit à la fin de l’article en délibération soit ultérieurement, et notamment lorsque nous serons arrivés à la distinction de l’article 90.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la seconde disposition qui est ainsi conçue :
« Cette nomination est faite pour le terme fixé par la loi, elle a lieu sur la présentation d’une liste triple de candidats formée par l’administration de ces établissements. »
M. Dumortier propose d’ajouter cette disposition :
« Les incompatibilités établies par le n°… de l’article, relativement aux membres du conseil de régence, sont applicables aux membres des hospices et des bureaux de bienfaisance. »
M. Pollénus. - Je ne pense pas que l’intention de l’auteur de cet amendement soit de l’appliquer aux administrateurs spéciaux.
M. Dumortier, rapporteur. - Non sans doute. C’est pour cela que j’ai proposé à la fin du paragraphe une disposition portant que les dispositions qui précèdent ne dérogent pas aux volontés des testateurs.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. de Nef propose au même paragraphe l’addition suivante :
(Erratum au Moniteur belge n°331, du 27 novembre 1834 :) « Expédition des acte de nomination sera transmise à la députation provinciale. »
- Cet amendement est adopté.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose une autre disposition additionnelle conçue en ces termes :
« Les membres de cette administration pourront être révoqués par la députation provinciale sur la proposition de ces administrations ou des conseils communaux.
- Cet amendement est adopté.
M. le président. - C’est ici que vient l’amendement de M. Dumortier déjà adopté par la chambre, portant qu’il n’est pas dérogé par les dispositions qui précèdent aux actes de fondation qui établissent des administrateurs spéciaux.
- L’ensemble du paragraphe tel qu’il vient d’être amendé est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 3
« 3° Les architectes et les employés chargés de la construction et de la conservation des bâtiments communaux. »
- Adopté.
Paragraphe 4
« 4° Les directeurs et conservateurs des établissements d’utilité publique ou d’agrément appartenant à la commune. »
M. le président. - La section centrale propose d’ajouter : « Et les membres de toutes les commissions qui concernent l’administration de la ville.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) se rallie à cet amendement
- La disposition est adoptée.
Paragraphe 5
« 5° Les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier des fonctions spéciales dans l’intérêt de la commune. »
M. le président. - La section centrale propose d’ajouter :
« Cette disposition n’est pas applicable aux médecins et chirurgiens des administrations des pauvres ou établissements de bienfaisance, lesquels sont nommés et révoqués par les administrations dont ils dépendent. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) se réunit à la section centrale.
M. de Foere propose d’ajouter le mot hospices.
- Le paragraphe ainsi amendé est adopté.
Paragraphe 6
« 6° Les instituteurs salariés par la commune. »
M. le président. - La section centrale propose de rédiger ainsi ce paragraphe :
« Les professeurs et instituteurs attaches aux établissements communaux d’instruction publique. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) se réunit à la section centrale.
- La disposition est adoptée.
Paragraphe 7
« 7° Tous les employés ressortissant de l’administration municipale et dont la présente loi n’a pas attribué la nomination à l’autorité supérieure. »
M. le président. - La section centrale propose d’amender ainsi ce paragraphe :
« Tous les autres employés et titulaires ressortissant de l’administration communale, dont le conseil n’aurait pas expressément abandonné le choix au collège des bourgmestre et échevins, et dont la présente loi n’aura pas attribué la nomination, soit à ce collège, soit à l’autorité supérieure.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) se réunit à la section centrale.
Le paragraphe est adopté ainsi que l’ensemble de l’article 81.
Article 80 (du projet du gouvernement)
M. le président. - La section centrale propose la suppression de l’article 80 du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) ne s’oppose pas à cette suppression.
- L’article demeure supprimé.
Article 82 (du projet de la section centrale)
« Art. 82 (du projet de la section centrale). Le conseil révoque et suspend les employés salariés par la commune, et dont la nomination lui est attribuée. »
M. Troye. - Je propose d’ajouter que toute décision portant révocation ou suspension d’employés devra être motivée.
Je vois dans cette disposition une garantie en faveur des employés et spécialement des professeurs nommés par la commune à qui une destitution brusque et sans motifs pourrait causer un grand préjudice.
M. Fallon. - Je demande que l’on corrige l’article 82 et qu’au lieu de « révoque et suspend » l’on dise « révoque ou suspend. » (Adhésion.)
Je ne puis admettre l’amendement de l’honorable M. Troye, parce qu’il serait plus préjudiciable aux employés eux-mêmes qu’il ne leur serait utile.
M. H. Dellafaille. - Je ferai observer à l’honorable M. Troye que son amendement aurait pour résultat de rendre publics des sujets de plainte qui pourraient être très nuisibles aux employés révoqués ou destitués. La suspension de leurs fonctions n’est souvent qu’une punition temporaire dont les conséquences morales, si l’amendement était adopté, deviendraient très grandes.
M. Troye. - L’amendement que j’ai proposé avait pour but de prévenir un abus signalé dans une commune de ma province. Une destitution injuste a causé un grand préjudice à l’individu qui en acté l’objet. Mais puisque la chambre paraît trouver des inconvénients à ma proposition, je consens à la retirer.
- La suppression de l’article 82 du projet du gouvernement, proposée par la section centrale, à laquelle M. le ministre de l’intérieur déclare se rallier, est mise aux voix et adoptée.
Il était ainsi conçu : « Les délibérations des conseils municipaux, qui doivent être soumises à l’approbation de l’autorité supérieure, seront considérées de plein droit comme approuvées si, dans le délai de 40 jours après la réception des pièces aux bureaux et l’administration provinciale, le gouvernement n’y a pas mis opposition. »
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 81 du projet du gouvernement ainsi conçu :
« Le gouverneur peut suspendre l’exécution des décisions des conseils municipaux. Dans ce cas, la députation permanente décide si la suspension peut être maintenue, sauf l’appel au Roi soit par le gouverneur, soit par le conseil municipal.
« Les motifs de la suspension seront immédiatement communiqués au conseil municipal.
« Si l’annulation n’intervient pas dans les 40 jours, la suspension est levée. »
L’article 83 de la section centrale porte :
« Lorsque le conseil a pris une résolution qui sort de ses attributions ou qui blesse l’intérêt général, le gouverneur peut en suspendre l’exécution. Dans ce cas, la députation permanente décide si la suspension peut être maintenue, sauf l’appel au Roi soit par le gouverneur, soit par le conseil municipal.
« Les motifs de la suspension seront immédiatement communiqués au conseil municipal.
« Si l’annulation n’intervient pas dans les 30 jours à partir de la signification au conseil, la suspension est levée. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me rallie à la proposition de la section centrale en ce qui concerne le paragraphe premier de cet article. Quant au dernier paragraphe, je demande que le délai de 40 jours soit maintenu et que le terme de 30 jours fixé par la section centrale ne soit pas adopté. Lorsqu’il s’agit d’annulation d’un acte communal, il y a échange de correspondance entre le gouvernement et le gouverneur d’une part, et le gouverneur et l’administration communal de l’autre. Cette correspondance peut nécessiter un terme de 40 jours. Je demande donc qu’il soit maintenu.
Je proposerai également un autre changement, c’est la substitution du mot « communication » à celui de « signification. » Il me paraît le plus convenable. (Adhésion.)
- Les changements proposés par M. le ministre de l'intérieur sont mis aux voix et adoptés.
L’article 83 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 83 du projet du gouvernement ainsi conçu :
« Le Roi peut en tout temps annuler les actes des autorités municipales qui sortent de leurs attributions, qui sont contraires aux lois ou qui blessent l’intérêt général.
« Dans tous les cas où le gouvernement annulera une résolution du conseil municipal devenue légalement exécutoire, il sera tenu d’accorder aux tiers une juste indemnité pour les dommages réels qu’ils en éprouvent. »
L’article 84 du projet de la section centrale porte :
« Le Roi peut en tout temps annuler les actes de l’autorité communale, qui sortent de leurs attributions, qui sont contraires aux lois ou qui blessent l’intérêt général. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) déclare se rallier à la rédaction de la section centrale.
M. de Brouckere. - Il y a une faute de rédaction. Au lieu de « leurs », il faut dire : « ses. »
M. Verdussen. - Je ferai remarquer que la section centrale a rejeté la proposition des sections qui désiraient qu’on étendît à la loi communale les dispositions de l’article 89 de la loi provinciale. La section centrale n’a pas donné de motif de ce rejet. Il est une disposition sur laquelle j’appelle l’attention de la chambre. Je veux parler de l’obligation imposée au pouvoir royal de motiver les arrêtés d’annulation. Je désirerais que l’on rétablît cette lacune dans l’article en discussion. J'en fais la proposition.
M. H. Dellafaille. - En appuyant l’amendement de M. Verdussen, je désire que l’on ajoute au dernier paragraphe de l’article ces mots : « Les conseils communaux ne pourront sous aucun prétexte refuser de se conformer aux arrêtés portant suspension ou annulation de leurs actes. » Une semblable disposition est insérée dans la loi provinciale.
M. Dubus. - Si l’on veut insérer dans l’article en discussion ces dispositions de l’article 89 de la loi provinciale, il serait convenable de l’insérer tout entier, en y faisant les changements que leur application aux institutions communales nécessitera.
On n’accordait pas au Roi la faculté d’annuler tous les actes indistinctement des autorités provinciales. Passé un délai déterminé, ces actes avaient force de loi et ne pouvaient être annulés que par le pouvoir législatif. Si l’on faisait une distinction à l’égard des conseils communaux, on violerait l’article 108, paragraphe 3 de la constitution qui veut que les institutions provinciales soient sur la même ligne que les institutions provinciales. Comme l’annulation après un délai déterminé pourrait froisser beaucoup d’intérêt, il est juste qu’après ce délai le pouvoir législatif seul ait le droit de révocation des actes des conseils communaux. Je propose donc l’insertion dans la loi communale de l’article 89 de la loi provinciale, sauf modifications de rédaction.
M. H. Dellafaille. - Si j’ai bonne mémoire, la question soulevée par l’honorable M. Dubus a été agitée dans la section centrale. Ce qui l’a fait résoudre dans un sens différent pour la loi communale, c’est que l’on a fait l’observation qu’il n’y a que 9 provinces, et que par conséquent il est facile au gouvernement d’avoir les yeux ouverts sur les actes des conseils provinciaux, tandis qu’il n’en serait pas de même s’il s’agissait de chercher dans les actes journaliers de 2,500 conseils communaux ceux qui pourraient blesser l’intérêt général. Je soumets cette considération à l’appréciation de la chambre.
M. Verdussen. - Je viens appuyer l’observation de l’honorable M. Dellafaille. Il n’est pas possible que le pouvoir royal porte son attention sur les actes de 2,500 corps administratifs et révoque leurs actes dans un délai de 30 jours.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Dubus : « Le Roi peut dans le délai de 6 mois, annuler les actes de l’autorité communale qui sortent de ses attributions. Les actes de l’autorité communale qui n’auront pas été annulés par le Roi dans le délai ci-dessus, ne pourront être annulés que par le corps législatif, etc. »
M. Dubus. - La question ayant été débattue, je crois devoir répondre à une objection qui a été faite.
On a dit que le délai fixé par l’article 89 de la loi provinciale serait insuffisant parce que l’intervention du pouvoir central serait appelée pour un trop grand nombre d’actes ; j’ai répondu en étendant le délai de 40 jours à 6 mois.
Mais, s’est-on écrié encore, vous allez occuper le pouvoir législatif d’une foule de questions concernant les intérêts de localité. Messieurs, le nombre de ces affaires ne sera pas si grand que le suppose l’honorable préopinant. Si nous consultons l’expérience, vous aurez de la peine à citer par année, dix actes de l’autorité communale qui soient annulés ; je crois qu’on aurait de la peine à citer dix actes annulés en 10 années. Ainsi le pouvoir législatif ne sera pas trop occupé.
Mais, ajoute-t-on, ces actes sont relatifs à des intérêts de localité : c’est une erreur. Quels seront les motifs de l’annulation ? C’est parce que les autorités seront sorties de leurs attributions, auront pris des résolutions contraire aux lois, contraires à l’intérêt général ; ainsi vous n’aurez à envisager ces actes que sous le point de vue de la législation, que sous le point de vue de l’intérêt général.
Encore une fois, lorsque les actes ont été exécutés, leur annulation cause toujours une perturbation plus ou moins grande ; sous ce rapport, il y a un grand avantage à en rendre l’annulation plus difficile.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je dois combattre l’amendement, et pour le repousser, je m’appuierai sur deux motifs qui ont déjà été allégués.
Il ne fait pas occuper le pouvoir législatif d’affaires de cette nature : il y en a de bien plus graves à traiter.
En second lieu, il faut remarquer qu’il y a une différence immense entre les acte des conseils communaux et ceux des conseils provinciaux ; aussi la règle qu’on veut établir, et qui s’applique bien à ceux-ci, s’appliquerait fort mal à ceux-là. Le gouvernement a dans chaque province un agent qui peut le tenir au courant des délibérations contraires à la loi ou aux intérêts généraux ; le gouvernement ainsi informé est à même d’annuler dans un délai déterminé, et sans inconvénient, des actes vicieux.
Relativement aux actes des conseils communaux, la position du gouvernement n’est plus la même. Le gouvernement peut rester dans l’ignorance de ce qui se passe dans ces conseils ; le gouverneur lui-même peut n’en être pas informé dans beaucoup de circonstances ; il faut donc accorder un temps moral pour que les renseignements puissent parvenir au gouvernement ; il est impossible d’ailleurs de fixer un délai pou l’annulation parce qu’on ne sait pas quand ni comment l’administration centrale pourra être avertie que tel acte de tel conseil communal est illégal ou contraire à l’intérêt général.
Vous le savez, messieurs, ce n’est qu’après une longue discussion qu’on a déféré au pouvoir législatif l’annulation des actes des conseils provinciaux ; vous vous rappelez, sans doute, ce qui a été allégué pour soutenir l’opinion contraire dans l’examen de cette question ; et vous ne pouvez nier la différence qui existe entre des actes d’intérêt local, entre des actes pour ainsi dire privés, et les actes des conseils provinciaux qui, stipulant pour les intérêts d’une grande portion du territoire, sont presque des actes d’un intérêt général.
S’il y avait convenance de déférer ces derniers à l’annulation de la législature, il y a ici convenance contraire de ne pas occuper la législature des délibérations communales.
D’après ces considérations, j’appuie la proposition de la section centrale, qui est conforme à celle du gouvernement.
M. Dumortier, rapporteur. - J’appuie de tous mes moyens la proposition faite par mon honorable ami. On a produit des arguments pour la combattre, et pour soutenir celle de la section centrale.
Il ne faut pas occuper la législature de ces objets ; on a déjà répondu que les cas dont il s’agit sont extrêmement rares ; et, en effet, chacun de nous en connaît à peine deux ou trois exemples. Dans les pays où la constitution est analogue à la nôtre, les chambres législatives sont fréquemment occupées à régler des intérêts communaux : c’est ce que vous voyez en France ; c’est ce que vous voyez surtout en Angleterre, où les chambres n’ont jamais repoussé une telle besogne, jamais répudié cet examen.
C’est aussi ce qu’a voulu le congrès par l’article 108 de la constitution, dans lequel on trouve en termes formels que la loi établira l’intervention du pouvoir législatif et du pouvoir royal, pour que les conseils communaux ne sortent pas de leurs attributions.
Vous ne pouvez sans violer la constitution ne pas consacrer ici le principe de l’intervention du pouvoir législatif. Dans quel cas en effet ce pouvoir interviendra-t-il si ce n’est dans celui-ci ? Or, si le pouvoir législatif n’intervient dans aucun cas, la constitution n’est-elle pas violée ? Que dit en effet l’article 108 ? Il porte (paragraphe 5) : « Les lois provinciales et communales consacreront l’application du principe de l’intervention du Roi ou du pouvoir législatif pour empêcher que les conseils provinciaux et communaux ne sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général. »
Si le congrès avait voulu dire un pouvoir à l’exclusion d’un autre, il n’aurait parlé que de l’un de ces pouvoirs ; il aurait dit : « Le pouvoir législatif » et non « le pouvoir royal » ; car il tenait plus au pouvoir législatif qu’à aucun autre pouvoir.
Eh ! Messieurs, s’il pouvait avoir encore quelque doute à cet égard, je rappellerais la discussion de la loi provinciale et un document doit il fut alors question : les observations de la régence de Mons, dont plusieurs membres, vous le savez, faisaient partie du congrès.
Ces observations portent que si le pouvoir législatif n’intervient pas en ce qui concerne l’annulation des actes du conseil provincial, on ne voit pas quand il y aura lieu à son intervention dont le paragraphe 5 de l’article 108 a posé le principe. Vous le voyez. D’après les membres de cette régence comme dans l’opinion que j’ai eu l’honneur de développer devant vous, vous ne pouvez, sans violer les termes de la constitution, ne pas exiger ici l’intervention du pouvoir législatif.
Comme on l’a dit, dans beaucoup de cas, l’annulation des actes des régences nécessitera l’allocation d’indemnités ; et ce serait le pouvoir royal qui serait appelé à établir ces dépenses, à grever le budget ; il le ferait en vertu de la loi ; et par conséquent ces dépenses une fois faites, la représentation nationale n’aurait plus qu’à les sanctionner. Non, messieurs, aucune dépense ne peut être faite qu’elle n’ait été primitivement approuvée par la législature.
Si ce principe est exact, comme personne ne peut le contester, vous ne pouvez soustraire le cas dont il s’agit à l’intervention du pouvoir législatif.
Je ne pense pas que M. le ministre puisse réfuter des faits aussi positif, aussi évidents. Je maintiens donc la proposition de mon honorable ami, et je l’appuie de tous mes moyens.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je dois réfuter les assertions de l’honorable préopinant. Il demande si le gouvernement, en annulant des décisions du conseil communal, aura le droit de grever le budget d’indemnités quelconques. Je répondrai qu’il n’y a pas lieu à indemnité pour annulation d’actes du conseil communal, qu’il n’avait pas le droit de faire, et que s’il y avait lieu à indemnité après les 6 mois, il y aurait également lieu à indemnité avant les 6 mois. Par conséquent, la question reste entière.
On a cité ce qui se passe en Angleterre, où le parlement décide sur une foule d’intérêts locaux. Il faut croire que le parlement anglais suit un autre mode de délibération que nous. Si nous avions à statuer sur autant de questions d’intérêt local que lui, je ne sais pas le temps qu’il nous resterait pour nous occuper d’affaires publiques. Car ces dernières absorbent toute la durée de notre session ; nous n’avons pas même le temps suffisant pour les terminer.
On est encore revenu sur la comparaison entre les conseils communaux et les conseils provinciaux. Je dois ici faire remarquer à cet égard une nouvelle différence, outre celles que j’ai déjà établies. D’après un article déjà voté, les conseils communaux ont le droit de faire des délibérations secrètes, et par conséquent soustraites à la connaissance du gouverneur de la province et de la députation des états ; eh bien, un conseil communal prend, je suppose, une résolution contraire à la loi ; et cette résolution est ensuite enfouie dans les cartons pendant les 6 mois. Elle se trouvera ainsi soustrait à l’investigation de l’autorité royale. Je dis donc qu’il est impossible d’admettre l’amendement proposé par l’honorable M. Dubus. Je ferai remarquer pour ce qui concerne les actes du conseil provincial (auxquels on a voulu assimiler ceux du conseil communal), que le gouverneur assiste de droit à toutes ses délibérations.
J’ajouterai de plus que si vous admettez la proposition de M. Dubus, vous retirez au gouvernement et au pouvoir législatif le droit de surveillance sur les actes du conseil communal. Car le pouvoir législatif n’est pas toujours assemblé, et alors même qu’il est assemblé, il n’est pas toujours prêt à s’occuper de questions d’intérêt local. Ainsi, les décisions annulées des conseils communaux resteraient des années entières sans solution. Je pourrais rappeler ce qui s’est passé cette année même, des questions du$ puissant intérêt n’ont pas reçu de solution ; il n’est certes personne qui veuille provoquer le renouvellement de pareil abus.
On a dit que la constitution consacrait le principe de l’intervention du pouvoir législatif ; messieurs, j’étais membre de la section centrale du congrès ; j’ai entendu toute la discussion de cet article ; eh bien j’en appelle à tous mes anciens collègues du congrès, n’est-il pas manifeste que, d’après la constitution, le droit appartient à l’un ou l’autre des pouvoirs exécutif et législatif ? La constitution dit « l’un ou l’autre, » et non pas « l’un et l’autre. » Pour ces motifs, je dois repousser l’amendement de l’honorable M. Dubus.
M. Dubus. - Messieurs, il me semble que M. le ministre de l’intérieur a commencé par trancher d’une manière assez leste la question d’indemnité. Suivant lui, quels que soient les actes de l’autorité communale qu’on annule, il n’y aurait jamais lieu d’accorder d’indemnité aux tiers intéressés, quoiqu’ils ne soient jamais admis à faire valoir leurs moyens pour le maintien de l’acte. Non, selon le ministre, ce ne fait même pas question, et ceux qui peuvent souffrir de l’annulation d’un acte doivent l’imputer à ce que l’administration communale n’avait pas le droit de prendre la décision.
Il n’est pas difficile de prouver que la décision de M. le ministre est tout au moins trop générale. On peut citer tel cas où il est évident que les tiers auraient droit à une indemnité, ou bien il faudrait renoncer à toute idée de justice et d’équité.
Voyez combien la disposition est générale : « Le Roi peut en tout temps annuler les actes de l’autorité communale qui sortent de leurs attributions, qui sont contraires aux lois, et qui blessent l’intérêt général. »
Quel que soit l’acte, quelle que soit l’approbation à laquelle il ait déjà été soumis, n’importe : dès que plus tard, dans deux ans, trois ans, dix ans, le pouvoir central trouve qu’il est de son intérêt de l’annuler, il l’annule pour un motif tel quel, en vertu de son autorité souveraine. Eh bien, vous direz que dans ce cas les tiers ne doivent pas être indemnisés ? Il s’agira d’actes soumis à l’approbation de la députation et approuvés depuis trois ou dix ans, et le gouvernement peut annuler l’acte parce qu’il trouve qu’il est contraire à l’intérêt général ? Mais cet intérêt peut varier en deux ans, et à plus forte raison en dix. Tel acte qui ne blesse pas aujourd’hui l’intérêt général, pourra le blesser dans deux ans.
Le tiers qui aurait contracté en vertu d’une décision de l’autorité communale, approuvée par l’autorité provinciale, ne recevrait pas d’indemnité, si, deux ans après, cette décision était annulée ; je dis qu’il aurait droit à une indemnité, il faudrait fouler aux pieds tous les principes de la bonne foi et de l’équité pour la refuser. Mais il y a plus, d’après cette disposition un acte même qui, en 1834, aurait reçu l’approbation royale, pourrait être annulé en 1835, car l’article de la section centrale ne fait aucune distinction.
Je suppose qu’il s’agisse d’une adjudication faite en vertu d’une délibération du conseil communal approuvée par la députation provinciale, et que cette adjudication ait déjà reçu un commencement d’exécution.
Dans le grand nombre de conditions que renferme une adjudication, une peut paraître contraire aux lois ou blesser l’intérêt général. Dès qu’une clause d’un contrat est déclarée nulle, tout l’acte tombe. Eh bien, celui qui aura traité ne recevra pas d’indemnité ? Cela est absurde.
Vous voyez que pour les actes qui ont reçu un commencement d’exécution, la question est excessivement grave. Nous n’avons pas à envisager si la décision du conseil blesse plus ou moins l’intérêt général, mais le grave dommage qui résultera pour la commune qui sera obligée de payer l’indemnité.
Messieurs, il n’y a pas seulement ici une raison puisée dans la nature des choses pour introduire à l’article 84 la disposition admise dans le projet de loi provinciale à l’article 89. Il y a encore un motif puisé dans la constitution. A cet égard, on répond qu’il est satisfait à la constitution dés qu’on a consacré l’intervention d’un des deux pouvoirs de l’Etat, car l’article dit l’intervention du Roi ou du pouvoir législatif. Mais il résulte de ce n°5 de l’article 108 de la constitution, que le congrès entendait que dans certains cas le pouvoir royal interviendrait et que dans d’autres ce serait le pouvoir législatif. C’est précisément ce que j’ai l’honneur de proposer, que l’intervention royale s’exerce dans les six mois de la délibération, et qu’après ce délai l’intervention du pouvoir législatif soit nécessaire pour annuler un acte qui aurait un caractère assez grave pour nécessiter cette mesure. De cette manière, il sera satisfait au n°5 de l’article 108 de la constitution.
Ce n’est pas sans motif qu’on a mis dans cet article « l’un ou l’autre pouvoir. » C’est parce qu’on a pensé que dans les cas les plus graves, l’intervention du pouvoir législatif était nécessaire, et que l’intervention du pouvoir exécutif suffisait dans les autres.
Le ministre a de nouveau énoncé la crainte que ces sortes d’affaires prissent beaucoup de temps. Il a dit qu’en Angleterre, la plus grande partie des séances étaient consacrées à ces sortes d’affaires d’intérêt communal. Mais il ne s’agit pas de recourir au pouvoir législatif pour toutes les affaires de ce genre.
Je répéterai ce à quoi le ministre n’a pas répondu, que les cas d’annulation des actes des conseils communaux sont déjà très rares. Si vous attribuez au gouvernement le droit d’annuler dans le délai de six mois, il n’y aura que ceux qui, dans ce délai, auront échappé au pouvoir législatif. Cela rendra ces recours beaucoup plus rares encore. Je ne pense pas qu’on prétende qu’il se présentera dans une année beaucoup d’affaires de ce genre.
Mais, a dit le ministre, il y a une grande différence entre les actes des autorités provinciales et ceux des autorités communales. Dans le sein de la députation provinciale, siège le gouverneur qui peut donner sur ses actes les renseignements nécessaires et déférer aussitôt au gouvernement ceux qui lui paraîtraient contraires aux lois ou blessant l’intérêt général.
Mais est-ce qu’il n’existe aucun mode de surveillance pour les actes des conseils communaux ? est-ce que les commissaires de district ne sont pas en mesure de signaler à la députation ce que les conseils communaux pourraient faire de contraire aux lois ou à l’intérêt général ? Est-ce que les plus importants de ces actes ne sont pas soumis à l’approbation royale ; est-ce que d’autres moins importants ne sont pas soumis à l’approbation de la députation provinciale ? N’y en a-t-il pas un grand nombre qui doivent être communiqués, non seulement à l’autorité administrative supérieure, mais à des autorités spéciales ?
On a organisé la surveillance de manière qu’aucun acte ne puisse échapper à l’examen de l’autorité qui pourra toujours s’assurer si ces actes ne sont pas contraires aux lois ou ne blessent pas l’intérêt général.
Mais on a cité, à propos de l’inconvénient d’occuper le pouvoir législatif de ces sortes de questions, on vous a cité, dis-je, un exemple où on a eu recours aux chambres, sans que ce recours ait amené de solution. Je ne répondrai qu’un mot. Si la chambre n’a pas délibéré sur l’objet qui lui a été soumis, c’est que le gouvernement ne l’a pas voulu, parce qu’il a retiré sa proposition. Il est certain que la section centrale avait achevé son rapport ; que ce rapport, conforme au projet du gouvernement allait être présenté à la chambre, lorsque le gouvernement est venu nous prier de ne pas donner suite à l’affaire dont nous étions saisis. Il est étonnant que ce soit le gouvernement lui-même qui vienne aujourd’hui nous reprocher de n’avoir donné aucune solution à un projet qu’il est venu retirer au moment ou nous allions en délibérer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’exemple que j’ai cité est à lui seul l’argument le plus invincible que l’on puisse alléguer dans cette discussion, Cependant le préopinant s’est attardé à une autre catégorie de faits dont il n’avait pas encore été question. Il a appelé l’attention de la chambre sur les actes qui auraient reçu l’approbation de l’autorité provinciale. Quant à ces actes, je crois qu’il y aurait lieu d’admettre une distinction à leur égard. Il faudrait exiger que l’annulation eût lieu dans le délai de 40 jours à partir de la date de l’approbation.
Quant aux actes qui ont reçu l’approbation royale, il ne peut être question de les annuler. Il n’est pas statué à cet égard dans la loi provinciale. Je ne vois aucune difficulté, je le répète, à fixer un délai de 40 jours pour l’annulation des actes du conseil communal approuvés par l’autorité provinciale, parce que tout en reconnaissant que la décision du gouverneur n’est que temporaire, j’admets que le gouvernement pourra prononcer plus tôt son annulation en connaissance de cause.
Quant à la question constitutionnelle, je ne conçois pas que l’on prétende qu’il faille établir l’intervention législative dans la loi communale, puisque la constitution a laissé à la législature la faculté de choisir entre l’intervention royale et l’intervention législative.
- La clôture est demandée.
M. Dubus. - Il me semble que l’on ne peut clore la discussion sur un amendement qui n’a pas encore été lu. Pour clore une discussion, il faut qu’elle ait été ouverte.
M. Dumortier, rapporteur. - L’article en discussion est un des plus importants de la loi. M. le ministre de l’intérieur a émis des hérésies constitutionnellement parlant. Je demande à parler. Je demande de pouvoir les réfuter.
M. le président. - La clôture ayant été demandée, je ne puis m’empêcher de consulter l’assemblée.
M. Dubus. - Je demande la parole sur la position de la question. Avant que la clôture soit mise aux voix, il importe de savoir sur quoi on veut clore. Il faut nécessairement que la délibération s’ouvre sur l’amendement de M. le ministre. La chambre ne pourrait prononcer la clôture que sur le reste de l’article. Il resterait à savoir s’il conviendrait de faire une pareille scission.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est impossible de prononcer la clôture sur une question constitutionnelle, qui a à peine été effleurée. M. le ministre de l’intérieur a prétendu que la constitution (article 108) laissait à la législature l’option à l’égard de l’annulation des actes des conseils communaux entre l’intervention du pouvoir royal et celle du pouvoir législatif, tandis que je tiens dans les mains le rapport du congrès à cet égard, rapport rédigé par notre honorable président, qui établit positivement le contraire, Il faut que la question soit vidée. La clôture ne peut évidemment pas être prononcée.
M. le président. - Je vais mettre la clôture aux voix.
M. Dumortier, rapporteur. - Il n’y a pas 50 membres dans l’assemblée.
M. le président. - Si la chambre n’est plus en nombre, mon intention n’est pas, l’assemblée me rendra cette justice, de mettre aucune proposition aux voix.
- Plusieurs voix. - Nous sommes en nombre.
M. Dubus. et M. Dumortier, rapporteur. - Je demande l’appel nominal.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On ne peut demander l’appel nominal ; tous les membres ont quitté leurs banquettes ; la séance est comme levée.
- Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
M. le président. - Je n’ai pas dit que la séance était levée.
M. le ministre des finances (M. d'Huart) monte à la tribune, Il se fait un moment de silence. Il présente un projet de loi monétaire relatif à la transformation, en les frappant de nouveau, des pièces de cuivre ou des cents en centimes.
Le ministre, en déposant son projet de loi sur le bureau, y dépose en même temps une douzaine de ces pièces refrappées et sur lesquelles on n’aperçoit aucune trace de l’ancienne marque monétaire. La mesure proposée produirait une économie dont les résultats sont indiqués dans l’exposé des motifs.
- Le projet est renvoyé devant une commission.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). monte à son tour à la tribune. Il dépose sur le bureau de la chambre un projet de loi portant transfert de diverses sommes sur les exercices des années 1832 et 1833.
- Ce projet est également renvoyé à une commission.
La séance est levée à cinq heures environ.