(Moniteur belge n°203, du 22 juillet 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.
M. de Renesse fait connaître à la chambre que les pièces suivantes lui ont été adressées.
« Plusieurs bateliers de Tournay adhèrent à la pétition de leurs confrères qui réclament un changement à la loi sur les patentes des navigables. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs notaires des communes rurales de l’arrondissement judiciaire de Huy appuient le projet de loi présenté par le ministre de la justice, qui leur permettrait d’instrumenter dans tout l’arrondissement. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur l’organisation des cantons de justice de paix.
« Le sieur Coulon, avocat, demande qu’il soit alloué au budget de 1835 une certaine somme pour l’encouragement de la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie. »
M. de Behr. - Le pétitionnaire demande un subside dans l’intérêt d’un établissement qu’il a fondé à grands frais ; je crois qu’il est convenable d’encourager ses efforts. Je proposerai donc à la chambre de renvoyer sa requête à l’examen de la commission d’industrie.
M. Morel-Danheel et M. Schaetzen demandent un congé.
M. d’Huart.- Je suis loin de m’opposer à ce que le congé demandé par l’honorable M. Schaetzen lui soit accordé. Cependant je crois faire observer à la chambre qu’elle a de la peine à se constituer tous les jours. Il me paraît que nous devrions être plus sobres de congés, surtout lorsque les motifs sur lesquels s’appuient les membres qui en font la demande ne sont pas suffisamment établis. Comme il est nécessaire que nous achevions la loi communale, qui doit amener une organisation définitive si vivement désirée par le pays, je suis d’opinion que la chambre ne devrait pas accorder des congés avec autant de facilité. Cependant, je le répète, je ne m’oppose pas à ce que le congé demandé par M. Schaetzen lui soit accordé.
M. H. Dellafaille - J’appuierai comme M. d’Huart le congé demandé par l’honorable M. Schaetzen, l’un des membres qui partagent le plus assidûment nos travaux. Mais il y a des membres qui se passent de congé. Je crois que M. le président devrait les inviter à venir se rendre à leur poste.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le bureau invitera les membres absents sans congé, ou dont les congés sont expirés, à se rende aux séances. Je ferai seulement observer que l’honorable M. Brabant s’est vu obligé de retourné à Namur par suite d’une indisposition assez grave. La mesure prise par la chambre ne pourra s’étendre à lui. (Adhésion.)
- Les congés demandés par MM. Morel-Danheel et Schaetzen sont accordés.
Le sénat par un message informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi relatif à la sortie du bétail.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier.
- Le paragraphe suivant est adopté :
« Par modification au tarif de douanes actuellement en vigueur, les droits d’importation, d’exportation et de transit des céréales sont remplacés par ceux fixés dans le tableau annexé à la présente loi. »
Les paragraphes suivants sont mis aux voix et adoptés.
« Tarif des grains.
« pour 1,000 kil. (poids net) :
« Froment :
« Lorsque le prix de l’hectolitre est de 24 francs et au dessus : droits d’entrée : libre ; droits de sortie : prohibé ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« De 20 fr. et au-dessous de 24 fr. : droits d’entrée : libre ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« De 15 fr. et au-dessous de 20 fr. : droits d’entrée : 37 fr. 50 c. ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« Au-dessus de 12 fr. et au-dessous de 13 fr. : droits d’entrée : 75 fr. 00 c. ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« De 12 fr. et au-dessous : droits d’entrée : prohibé ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« Seigle :
« Lorsque le prix de l’hectolitre est de 17 francs et au dessus : droits d’entrée : libre ; droits de sortie : prohibé ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« De 15 fr. et au-dessous de 17 fr. : droits d’entrée : libre ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« Au-dessus de 9 fr. et au-dessous de 15 fr. : droits d’entrée : 21 fr. 40 c. ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c. »
M. Coghen, rapporteur. - Je demande que pour la régularité, au lieu de 21-40 on mette 21-50. Je ne crois pas que la chambre s’oppose à ce léger changement.
- La modification proposée par M. Coghen est adoptée.
Le paragraphe suivant est mis en discussion :
« Seigle :
« Lorsque le prix de l’hectolitre est au dessus de 7 fr. et au-dessous de 9 fr., par 1,000 kilog. : droits d’entrée : prohibé. ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c.
« De 7 fr. et au-dessous, droits d’entrée : prohibé ; droits de sortie : 25 c. ; droit de transit : 1 fr. 50 c. »
M. d’Huart. - J’aurais désiré que M. Dumont eût présenté lui-même l’amendement soumis à votre examen, parce qu’il est la conséquence de celui qui, sur la proposition de cet honorable membre, a été adopté dans une séance précédente à l’égard du froment.
Vous avez cherché d’écarter autant que possible la limite de la prohibition. Il y a d’autant plus de raison de le faire pour le seigle que le prix de cette espèce de céréales lorsqu’il monte à 9 fr. est déjà assez élevé. Le seigle sert à la nourriture des classes pauvres de la société ; il faut donc autant qu’il est en notre pouvoir le mettre à la portée de leurs moyens pécuniaires. La disposition que je propose offre l’avantage d’apporter de l’harmonie dans le tarif. Il me semble que puisque vous avez reculé la limite du minimum, lorsqu’il s’est agi du froment, il faut mettre les prix du seigle en corrélation avec ceux du froment.
De cette manière, la prohibition n’aura, pour ainsi dire, jamais lieu. Il faut remarquer que le double droit que je propose n’est jamais trop élevé. Il ne rendra pas la loi illusoire, et le commerce pourra quelquefois payer un droit qu’il ne considérera pas comme une prohibition.
M. A. Rodenbach. - je me rallierais volontiers à l’amendement de M. d’Huart, si je ne croyais que le chiffre de 7 fr. ne dût être réduit à 6. Il y a des cas où le seigle est apporté à vil prix dans nos marchés. Il y a de nos collègues qui ont acheté du seigle à 5 fr. l’hectolitre. Je présenterai un sous-amendement dans le sens de ma proposition.
- Le sous-amendement présenté par M. Rodenbach n’est pas appuyé.
L’amendement présenté par M. d’Huart est mis aux voix et adopté.
La chambre adopte la proposition faite par M. le rapporteur d’arrondir le chiffre du droit d’entrée, et le fixe comme suit sur les produits ci-après désignés.
« (Pour 1,000 kil.)
« Orge ou escurgeon : fr. 14.
« Drèche (orge germée) : fr. 17
« Blé noir ou sarrasin : fr. 15.
« Fèves et vesces : fr. 10.
« Pois : fr. 19.
« Avoine : fr. 11.
« (Pour 100 kil.)
« Gruau et orge perlé : fr. 5. »
« Le droit de sortie sur ces produits est fixé à 25 centimes ; le droit de transit à 50 centimes.
« Pain, biscuit, pain d’épices, farine ou mouture de toute espèce, son, fécule de pomme de terre ou d’autres substances amilacées, par 100 kil. : droit d’entrée, 15 fr. ; sortie libre ; droit de transit : 10 fr. »
M. Dumont. - Je proposerai d’établir un droit de 25 centimes dans les cas où vous consacrez la liberté de sortie et d’entrée. Ma proposition a pour objet de faciliter la statistique du royaume ; pour qu’elle soit complète il faut qu’on connaisse tous les produits qui y entrent et tous ceux qui en sortent.
Sur les produits mêmes dont nous devons le plus tenir à faciliter la sortie, vous avez établi un droit de 25 centimes. Ce droit est donc insignifiant, mais il est nécessaire pour la statistique.
M. d’Huart. - Je regrette de devoir invoquer le règlement contre la proposition que vient de faire l’honorable préopinant. La chambre a émis son vote sur une partie des produits auxquels se réfère la proposition ; elle ne peut pas revenir sur ce vote. Il n’y a pas eu d’amendement relativement à la sortie libre des produits dont nous nous occupons maintenant ; il n’y a pas lieu par conséquent à la mettre en discussion.
Quant au fond, je ferai remarquer qu’un droit de sortie gênerait tellement le débit de ces produits, que ce serait en quelque sorte en supprimer l’exportation. Car, pour des objets de peu de valeur, ce serait obliger à un détour considérable et onéreux pour passer par les bureaux de douanes.
Je ferai remarquer d’ailleurs que pour la statistique, en ce qui concerne l’entrée des produits, elle sera toujours connue ; en effet la plupart des produits sont livrés aux entrepôts ; puis, lorsque les déchargements ont lieu par mer comme cela arrivera presque toujours, les arrivages sont parfaitement connus.
Je pense donc que l’honorable auteur de la proposition n’insistera pas pour son adoption.
M. Dumont. - Je retire ma proposition.
- La chambre confirme par son vote les droits sur le pain, biscuits, etc.
Les deux paragraphes suivants, formant des annotations au tarif, sont confirmés par le vote de la chambre :
« Le méteil et l’épeautre sont assimilés au froment.
« Les farines ou moutures sont soumises aux même prohibitions dont elles proviennent. »
M. le président. - Le troisième paragraphe est ainsi conçu :
« Les grains en gerbes ou en épis, comme les grains, selon leur espèce. »
M. Verdussen. - Il me semble que cette rédaction ne se concilie pas avec celle du précédent paragraphe ; je propose de la remplacer par la suivante :
« Les grains en gerbes ou en épi sont assimilés aux grains de l’espèce. »
M. Dubus. - Je ne trouve pas cette nouvelle rédaction préférable à celle du projet. Il me semble que l’on ne peut pas dire : « les grains sont assimilés aux grains. »
Je pense que l’annotation du projet est copiée sur l’ancien tarif, le sens en est bien connu. Je crois que ce qu’il y a de mieux faire, c’est de conserver la rédaction de l’ancien tarif.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix : il n’est pas adopté.
Le troisième paragraphe est confirmé par la vote de la chambre.
Les autres annotations au tarif sont également confirmées ; elles sont ainsi conçues :
« La taxe sur les grains en sacs est fixée à 2 p. c. du poids brut.
« Les grains importés en entrepôt obtiendront, lorsqu’ils seront réexportés par mer, exemption du droit de transit. »
« Les moyens de vérification par pesage ou mesurage seront fournis par les intéressés ou à leurs frais ; le salaire des agents préposés par le gouvernement à cette opération ne pourra excéder 50 c. par 1,000 kilogrammes. »
« Art. 2. Dans les cas où l’exportation ou l’importation seront prohibées d’après les dispositions de l’article premier, les quantités des grains soumis à ce régime, existantes alors en entrepôt, seront admises à en sortir, pour être réexportées par mer ou en transit ; et dans le cas de défense d’importation, l’expédition réelle sera garantie au moyen d’acquits à caution. »
- Cet article est adopté sans discussion
M. le président. - M. Coghen présente l’amendement suivant :
« Pendant le temps où l’importation en consommation serait défendue, l’administration de la douane pourra permettre l’entrée, sous paiement du double droit établi par la présente loi, du froment ou du seigle, importés par mer, qui, pendant le voyage, auraient été avariés ou détériorés.
« L’avarie ou la détérioration sera constatée par des experts à désigner par l’administration et aux frais du propriétaire. »
M. Coghen, rapporteur. - Messieurs, il entre dans votre intention de favoriser le commerce d’entrepôt. Nous devons donc tâcher de rendre faciles les arrivages de grains dans notre pays.
Si un navire charge de grains, ballotté, fait une voie d’eau, ou si un sinistre arrive en mer, il peut se faire que, par un long voyage, la cargaison soit avariée. Arrivant en Belgique sous l’influence de la prohibition, s’il dépose 30, 40 50 hectolitres de grains, je demande ce que fera le commissionnaire de sa partie avariée ? Il ne peut la livrer à la consommation, puisqu’il y a prohibition, il ne peut la conserver en entrepôt ; il ne lui reste donc plus qu’à la jeter en mer.
Si vous n’adoptez pas le paragraphe que je propose, vous rendrez impossible toute importation de grains parce que je ne sais quel est le négociant ou le spéculateur, qui fera venir dans la Belgique des cargaisons de grains, puisque, en cas qu’une partie des grains soit avariée, il ne pourra la livrer à la consommation, même en payant le double droit.
Je vous ferai remarquer que le double droit est tellement fixe, tellement exorbitant, que mon amendement n’offre aucun danger pour l’économie de la loi ; cet amendement donne seulement le moyen au négociant de se débarrasser des cargaisons avariées.
M. Meeus. - Je demanderai à M. le rapporteur qu’il veuille bien nous expliquer ce qu’il entend par le double droit.
Je fais une autre observation, c’est que l’amendement me paraît irrationnel. M. le rapporteur vous a dit : Quelqu’un aura une partie de grains avariée ; il ne pourra la vendre, il ne pourra la conserver en entrepôt, et force lui sera de la jeter à la mer. Cet inconvénient existera toujours avec le double droit : si, par exemple, le prix moyen des grains en Belgique est de 12 fr., et que les grains avariés, comme je crois pouvoir l’assurer, subissent une perte de moitié, s’il faut payer le double droit, ce que le négociant aura de mieux à faire, ce sera encore de les jeter à la mer.
M. Coghen, rapporteur. - Je crois m’être bien expliqué dans mon amendement sur ce que j’entends par le double droit ; j’entends, non le double du droit, mais le double droit établi par la présente loi. Cela me paraît assez clair.
On dit : la faculté que vous voulez accorder est illusoire. Non, il n’en est pas ainsi. Il est telle partie de grains qui peut entrer avec une légère avarie. Le droit qu’on frapperait n’étant que de 6 fr. pour le froment et 3 francs pour le seigle, il y aura une différence entre ce droit et la valeur de la marchandise, de telle manière qu’on pourra tirer une valeur quelconque du grain avarié.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne puis adopter l’amendement qui vous est proposé.
Si le grain avarié était du froment, que ferait le marchand ? Bien certainement il ne pourrait le vendre, lorsque les grains sont à si bas prix : croyez-vous qu’on voudrait payer du froment avarié 10, 11 francs, tandis qu’on peut en avoir du bon pour 12 francs ? Il n’y aurait que les imbéciles qui pourraient acheter de la cochonnerie. (On rit.)
Savez-vous ce qui résulterait de l’amendement s’il était adopté ? C’est qu’on introduirait des grains gâtés dans le pays, et que sous prétexte d’avarie, on y introduirait tous les grains possibles. Je ne pourrai jamais donner mon consentement à la proposition de M. le rapporteur, car elle donnerait lieu à la fraude et annulerait la loi.
Je soutiens que le système hollandais est plus libéral que le nôtre, et que les navires qui auront des grains avariés pourront aller en Hollande.
M. A. Rodenbach. - Je me prononcerai aussi contre l’amendement, car il aurait pour résultat de favoriser infiniment la fraude, et de faire introduire dans le pays de mauvais grains. Je rappellerai à cette occasion qu’en 1817 nous avions du seigle sur nos marchés qui nuisait à la santé, et qui ne pouvait même être donné aux animaux.
M. Coghen, rapporteur. - Messieurs, si j’ai proposé mon amendement c’est pour rendre la loi moins restrictive. On ne veut pas de cet amendement, je prédis qu’il n’y aura plus d’importation de grains par des navires.
M. Eloy de Burdinne fait voyager les navires de Belgique en Hollande avec beaucoup de facilité, mais il ignore que les Hollandais ne reçoivent rien venant directement de chez nous.
M. Eloy de Burdinne. - Je parle seulement de navires venant du nord.
- L’amendement de M. Coghen est mis aux voix et non adopté.
L’article 2 est adopté.
« Art. 3. Toute quantité de grains livrée frauduleusement à la consommation, soustraite au régime de restriction ci-dessus ou détournée de l’exportation ou du transit déclaré, rendra, dans les cas prévus par les deux articles précédents, le contrevenant, ainsi que la propriétaire ou le détenteur, sauf leur recours l’un envers l’autre, solidairement responsables de la contravention et du paiement d’une amende égale au double de la valeur de l’objet détourné, suivant le prix du jour où le fait aura été constaté. »
M. le président. - L’article diffère de celui qui d’abord avait été proposé, en ce que le mot indirectement a été rayé. La chambre avait manifesté le désir d’avoir des explications sur l’entrée de ce mot dans l’article. J’ai écrit à M. le ministre des finances, qui m’a répondu qu’il ne pouvait assister à la séance, étant forcé d’être présent au sénat, où l’on discute la loi sur les toiles.
M. Dubus. - Je demande la parole sur la rédaction de l’article. L’article 4 du projet primitif était précédé de deux articles, dont l’un prévoyait le cas de la prohibition de l’exportation et l’autre le cas de prohibition de l’importation. Cet article disait alors : « Dans le cas prévus par les articles précédents. » Les deux articles ayant été réunis en un, on devrait maintenant dire : « Dans les cas prévus par l’article précédent. »
- Ce changement est adopté.
La suppression des mots : « Détourné même indirectement » est maintenue.
L’article 3 ainsi amendé est adopté.
M. le président. - L’article 4 a été adopté.
M. Dumortier. - Je demande la parole. Cet article mentionne les noms des marchés régulateurs. Mais pour que les marchés des villes énumérées dans cet article soient des marchés régulateurs, il faut qu’il y ait réellement des marchés de céréales dans ces villes. Or, si je suis bien informé, plusieurs de ces villes n’ont pas de marchés ou, si elles en ont, ces marchés sont de si peu d’importance qu’ils ne peuvent servir à établir le prix moyen. Je demande si la loi peut consacrer quelque chose d’aussi ridicule.
Mons, par exemple, avait un marché considérable de céréales avant la révolution mais on m’a assuré que depuis lors, ce marché a cessé d’exister, et que dans tous les cas, s’il existe encore, il est tellement insignifiant qu’il ne peut être pris pour marché régulateur.
Pour le marche du Limbourg on indique la ville de Hasselt, cependant, Ruremonde est le marché le plus important du Limbourg. On n’a pas compris le marché d’Eecloo qui est très important.
Outre les marches de Ruremonde et d’Eecloo, je pourrais citer le marché de Tournay qui est le plus important de la frontière de France à cause de ses rapports avec les marchés d’Orchies et d’Arras.
Ce ne sont pas les chefs-lieux de province que vous devez prendre pour marchés régulateurs, mais les principaux marchés de la Belgique. Une loi peut bien déclarer une ville chef-lieu de province ou d’arrondissement, mais elle ne peut pas faire qu’un marché existe là où il n’y en a pas. Ce n’est pas l’importance d’une ville comme chef-lieu qui doit déterminer votre choix, mais son importance en tant que marché. Si vous omettez les marchés de Ruremonde, Ecloo et Tournay, et que vous leur préfériez des villes ou il se vendra de 50 à cent sacs de grains par semaine, vous n’aurez pas un prix moyen réel et votre loi sera viciée. Ce n’est pas ainsi qu’a été faite la loi française.
Je demande qu’au lieu des villes énumérées dans l’article ; on mette les neuf principaux marchés du pays.
- Plusieurs voix. - Il n’y a pas eu d’amendement sur l’article.
M. Dumortier. - Je crois que Louvain a été ajouté, que ce marché n’était pas indiqué dans le projet primitif.
M. le président. - C’est une erreur, ce marché se trouvait dans le premier projet. L’article a été adopté tel qu’il a été proposé. Cependant si on avait pris pour marchés régulateurs des villes ou il n’en existe pas, je pense que la chambre pourrait revenir sur sa décision.
M. Pollénus. - Je puis rassurer l’honorable préopinant. La ville de Hasselt a un marché et un marché considérable. Ceci est tellement reconnu par toutes les personnes qui ont quelque connaissance des localités, qu’il figure parmi le petit nombre des marchés de céréales, les plus considérables de la Belgique. C’est la ville du Limbourg où il se vend le plus de céréales, à cause du grand nombre de distilleries qu’il y existe, et ensuite de sa proximité de la province du Brabant et de la province de Liége. Je pense qu’il est inutile d’insister davantage. Tous les marchés cités par M. Dumortier ne sont pas à comparer à celui de Hasselt.
M. de Longrée. - Ruremonde a un marché très fort, mais celui de Hasselt ne l’est pas moins.
M. Dumont. - On a opposé le règlement à l’honorable M. Dumortier, cependant il me semble que nous ne devons pas trop tenir ici à la lettre de ses dispositions ; nous pouvons distinguer une erreur matérielle qui a passé inaperçue d’une disposition qui a fait l’objet d’une discussion. Quand après une discussion un article est adopté, il est impossible de revenir. Mais s’il s’agit d’une erreur de fait, on peut le rectifier, comme on modifie un article où on trouve une faute d’impression ou de rédaction.
Il a été dans l’intention de la chambre d’indiquer comme marches régulateurs les principaux marchés du royaume ; si on s’est trompé et qu’on ait indiqué des villes où il n’y pas de marché, je ne pense pas que le règlement s’oppose à ce qu’on revienne sur une erreur semblable.
M. Eloy de Burdinne. - Quand à la commission d’industrie nous avons désigné les marchés qui devraient servir de type régulateur pour établir le prix des grains, j’ai observé que Mons n’avait pas de marché ; mais un honorable membre a assuré qu’on lui avait assuré qu’il y en avait un.
M. Coghen, rapporteur. - Nous avons désigné pour marchés régulateurs les chefs-lieux de province pour éviter les réclamations des localités qui prétendraient avoir un marché plus considérable que telle autre. Je trouve déjà le projet trop compliqué : le nombre de 10 marchés est trop considérable.
M. Meeus. - S’il est vrai que des marchés réels et importants aient été omis, il faut les ajouter. Il est du plus grand intérêt de prendre les marchés les plus forts pour régler le prix moyen.
S’il y a quatre ou cinq marchés de peu d’importance, l’intérêt particulier pourra y exercer de l’influence. Voilà pourquoi il est important de prendre pour base les grands marchés. Il pourra arriver que les marchés de Bruxelles et de Louvain présentent à la vérité autant de grains que les autres marchés ensemble, et cependant que l’influence exercée sur les autres marchés par l’intérêt particulier établisse dans le prix moyen une hausse factice qui ne se ferait pas sentir sur les marchés de Bruxelles et de Louvain.
Si le marché de Tournay est aussi considérable que le dit l’honorable M. Dumortier, on ne ferait pas mal de le comprendre :
M. Dumortier. - Je ne comprends pas la raison que nous a donnée M. le rapporteur pour prendre les chefs-lieux de province pour marchés régulateurs. Car cette disposition ne créera pas des marchés là où il n’y en a pas. Il eût été plus convenable de dire qu’on prendrait pour marchés régulateurs les plus importants du pays, un dans chaque province. Si vous prenez pour régulateurs les chefs-lieux de province, vous n’aurez pas le prix moyen de la Belgique.
Ainsi, par exemple, le marché de Malines est plus important que celui d’Anvers ; car le marché de Malines fait connaître le prix des grains du pays, tandis que le marché d’Anvers ne donne que le prix des grains étrangers. Or, ce n’est pas là ce qui doit nous servir de base. Ce sont les denrées indigènes qui doivent former la base de la mercuriale.
Vous voyez donc que les mercuriales doivent être établies d’après le marché principal de chaque province ; et si vous décidez qu’elles seront formées d’après le marché du chef-lieu, vous ferez sans doute une chose très commode pour vous, mais cela n’atteindra nullement le but de la loi.
M. Meeus. - Il me semble que l’on pourrait laisser au gouvernement le soin de désigner les marchés régulateurs. Il se ferait éclairer sur l’importance des marchés de chaque province, et désignerait le plus important comme marché régulateur.
M. Corbisier. - Sans contester ce qu’a dit l’honorable M. Dumortier sur l’importance du marché de Tournay, je ferai remarquer qu’il y a aussi à Mons un marché de grains qui a eu autrefois une grande importance ; et qui maintenant encore sert à l’établissement des mercuriales publiées tous les 15 jours.
M. Jullien. - Messieurs, l’article 45 du règlement ne nous permet pas de revenir sur les articles adoptés sans amendement.
Si vous discutez la question de préférence à accorder à tel ou tel marché, vous n’en finirez pas. M. Dumortier prétend que le marché de Tournay est le plus important de la province ; M. Corbisier à son tour prétend que c’est celui de Mons. (Non ! Non !)
M. Dumortier. - Il a dit, au contraire que le marché de Mons a eu autrefois une grande importance.
M. Jullien. - Eh bien c’est la même chose ; si ce marché a eu de l’importance, il peut redevenir important.
Au reste, il ne faut voir que le règlement ; et il ne vous permet pas de discuter la proposition de M. Dumortier.
Si cet article ne vous convient pas, il y a un remède à cela, c’est de voter contre la loi (on rit). Mais c’est le seul remède qu’il y ait. Je m’oppose à la proposition comme la conséquence du rejet ou de l’adoption d’aucun amendement.
- La question préalable demandée par M. Jullien en forme de rappel au règlement est mise aux voix et adoptée ; en conséquence l’article 4 est confirmé.
« Art. 5. Lorsque les prix moyens de deux semaines consécutives donneront lieu, en vertu de l’article premier, soit à une prohibition, soit à un changement de droits d’entrée ou de sortie, le gouvernement en fera la proclamation, laquelle sortira son effet dès le septième jour après celui de la proclamation. il en sera, à cette fin, adressé ampliation aux gouverneurs de chaque province.
« Il en sera de même lorsque les prix de deux semaines consécutives donneront lieu à la levée de la prohibition. »
M. Dumont. - Je crois que dans cet article les mots ou de sortie sont inutiles, parce que jamais le tarif ne donnera lieu à un changement de droits de sortie. Puis, comme il semblerait résulter de la rédaction actuelle de la première phrase que le changement de droits sortira son effet de la proclamation, tandis qu’il sortira son effet de la loi, je proposerai de dire : « L’article premier sortira son effet, etc. »
Avec ces modifications, l’article 5 serait ainsi rédigé :
« Lorsque les prix moyens de deux semaines consécutives donneront lieu, en vertu de l’article premier, soit à une prohibition, soit à un changement de droits d’entrée, le gouvernement en fera la proclamation, et l’article premier sortira son effet dès le septième jour après celui de la proclamation. » Le reste comme au projet.
- Les changements de rédaction proposés par M. Dumont sont mis aux voix et adoptés.
« Art. 6. La présente loi sera soumise à une révision avant le 30 juin 1837. »
M. Verdussen. - Ne serait-il pas préférable, au lieu de cette rédaction, de dire comme on l’avait proposé : « La présente loi cessera d’être obligatoire au 30 juin 1837 » ?
En effet, avons-nous le droit d’imposer à la législature future l’obligation de réviser cette loi avant le 30 juin 1837 ? Une loi constitutionnelle peut avoir cet effet, mais non pas une loi ordinaire. Et qu’arrivera-t-il, si la législature ne tient aucun compte de votre prescription, si elle ne révise pas la loi ? La loi continuera-t-elle d’être en vigueur ? (Oui ! oui !)
Je n’en sais rien, c’est un doute que j’émets ; mais s’il en est ainsi, l’article est inutile. Permettez-moi de vous citer un exemple : le décret organique de la cour des comptes porte, article 19, que cette institution sera soumise à une révision. Il n’y a pas eu de révision ; et la cour des comptes n’a pas cessé d’exister. L’article en discussion ne dit donc absolument rien. Car s’il n’y a pas de révision de la loi, si on s’autorise du précédent de la cour des comptes, la loi continuera d’avoir ses effets, et si on trouve la loi mauvaise même avant le 30 juin 1837, la législature peut la changer.
Il y a encore à faire remarquer que cette loi sur laquelle la chambre a été si partagée, doit faire naître en nous quelque doute. Nous devons donc rendre nécessaire la révision de la loi en lui donnant une durée temporaire. De deux choses l’une, ou vous voulez réviser la loi, ou vous ne le voulez pas. Si vous le voulez, formulez l’article de telle manière que la loi cesse ses effets à l’époque à laquelle cette révision aura dû être faite. Si vous ne voulez pas de révision ne la prescrivez pas d’une manière illusoire, supprimez cet article. Je conclus à l’adoption de l’article en ces termes : « La loi cessera d’être obligatoire au 30 juin 1837. »
M. Eloy de Burdinne. - Je m’oppose à l’amendement de M. Verdussen. Prenez-y garde, messieurs, ce sera très mauvais de donner à la loi une durée temporaire. A l’époque où votre loi expirerait, le prix des grains éprouverait un changement subit et considérable.
Messieurs, notre loi est bonne, ou elle est mauvaise ; si elle est bonne, pourquoi en diminuer la durée ? Si elle est mauvaise, il faut la jeter au feu,
M. Pollénus. - J’appuie la proposition de M. Verdussen : Indépendamment du décret qu’il a cité où la révision prescrite a été illusoire, il y a la loi sur la garde civique qui, d’après l’un de ces articles devait être révisée dans un délai donné ; or, cette révision n’a pas eu lieu. J’en conclus que l’article en discussion, lequel prescrit une révision, est parfaitement inutile.
La question qui a été soulevée était celle de savoir si la loi aurait un effet temporaire ou non : en établissant la nécessité de cette durée temporaire sur ce que la loi contenait un nouveau système, on devait en appeler à l’expérience pour en bien connaître les effets. On a proposé un changement de rédaction : je regarde la clause relative à la révision comme inutile, attendu que l’absence de révision aucun effet sur la force obligatoire de la loi.
M. de Muelenaere. - Je pense qu’il faut adopter l’article tel qu’il est proposé par la section centrale.
Il faut vous reporter, messieurs, à la séance où cet article a été voté ; vous vous rappelez, messieurs, que la rédaction d’après laquelle la loi devait cesser son effet au 30 juin 1837 a donné lieu à des reproches entièrement opposés les uns aux autres. Quelques membres, et notamment M. Dumont, ont voulu que la loi fût en quelque sorte permanente ; leur principale motif pour que la loi fût permanente était l’intérêt du commerce ; quelques autres membres qui se défient de la loi, voulaient que la loi fût soumise à la révision à une époque fixe.
L’honorable préopinant dit que le défaut de révision n’a aucun effet sur la force obligatoire de la loi, c’est parce que je suis de cet avis que j’ai proposé l’amendement qui a été adopté. En effet si la loi devait cesser son effet à une époque fixe, il est probable que tout à coup vous n’auriez plus de loi.
Nous en avons un exemple dans le projet actuel. Il y a quatre à cinq mois que le projet a été présenté. Si l’honorable M. Eloy de Burdinne n’avait pas eu cette force et cette ténacité de caractère qu’on lui connaît, il est à présumer que la loi n’aurait pas été discutée. Il a fallu pour ainsi dire qu’il en parlât à satiété pour que l’on fixât un jour pour la discussion.
Si vous déterminez dans la loi qu’elle sera sans effet au mois de juin 1837, vous aurez contre le projet tous ceux qui ne veulent pas de loi sur les céréales.
Ceux-là qui n’ont pas formé la majorité chercheront à ajourner la discussion d’une nouvelle loi ; nous, au contraire, qui avons déclaré que nous n’avions pas grande confiance dans la loi pour le moment actuel, nous n’avons point d’intérêt de nous opposer à une révision de la loi à une nouvelle discussion. Evidemment l’obstacle d’une nouvelle discussion viendrait de la part de ceux qui sont opposés à la loi, qui veulent la liberté illimitée en cette matière ; dès lors on peut tomber dans l’inconvénient de se trouver sans aucune loi.
Je crois qu’il vaut mieux adopter un article d’après lequel vous donnez à la législature et au gouvernement le droit de fixer une époque déterminée.
Si le gouvernement ou les chambres restaient en retard pour satisfaire à l’obligation qui leur est imposée, la loi ne serait pas sans effet ; elle continuerait a être exécutée.
Cette mesure est sage, et elle n’est donc pas inutile ; vous l’avez consacrée dans une foule de lois, et le congrès lui-même l’a consacrée.
Si on ne révise pas la loi déclarée susceptible de révision, c’est à la législature à s’imputer le défaut de révision. Chaque membre, en vertu de son droit d’initiative, peut faire, à ce sujet, une proposition à la chambre, et on ne pourra écarter sa proposition ; il faudrait la discuter, attendu que la loi a fait à la législature ou à un autre pouvoir l’obligation de réviser la loi.
Je crois qu’il y a avantage à consacrer la disposition.
M. Verdussen. - Je ferai remarquer que c’est la section centrale elle-même qui a proposé de rendre la loi temporaire ; et je dois remercier l’honorable rapporteur de ce qu’il vient de dire : il a dévoilé sa pensée. Peut-on croire, en effet, qu’après avoir trouvé des défenseurs si ardents dans la loi, on puisse perdre de vue l’époque où elle expirera ? cela n’est pas possible.
Si cela était possible, je vous avoue que j’aimerais mieux biffer tout que de le laisser avec le mot révision.
Si la loi est reconnue mauvaise en 1836, on dira : Ne faites pas de proposition, attendez une année, la loi sera révisée en 1837. il arrivera qu’aucun membre ne voudra prendre l’initiative pour changer la loi.
M. Coghen, rapporteur. - La rédaction actuelle de l’article 6 est la suite d’une décision prise par la chambre.
La section centrale ou la commission d’industrie ont désiré que cette loi fût temporaire ; si nous avons eu alors des craintes que la loi ne répondît pas a l’attente générale, quelles nouvelles craintes ne devons-nous pas avoir maintenant après les amendements qui ont été introduits !
La loi actuelle ne ménage plus tous les intérêts comme dans le premier projet. Le consommateur, à mon avis du moins, n’est plus défendu comme il devait l’être ; le commerce, certes, y est sacrifié. (Légères rumeurs.)
Aussi, messieurs, je demande que la loi ait une durée temporaire, et si l’article actuel emporte l’obligation que la loi soit de nouveau votée, je déclare qu’il m’est à peu près indifférent qu’il soit adopté. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
L’amendement de M. de Muelenaere, devenu l’article de la section centrale, est adopté.
La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi ; en voici les résultats :
62 membres sont présents.
2 s’abstiennent.
60 ont pris part au vote.
41 ont voté pour l’adoption de la loi ;
19 ont voté contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption :
MM. Brixhe, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hane, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Dumont, Eloy de Burdinne, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Milcamps, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, Simons, Vandenhove, Vanderheyden, Zoude.
Ont voté contre :
MM. Berger, Coghen, Corbisier, Doignon, de Brouckere, de Laminne, de Puydt, Devaux, d’Hoffschmidt, Ernst, Fleussu, Jullien, Lardinois, Meeus, Nothomb, Rogier, Smits, Verdussen, Watlet.
M. le président. - MM. les membres qui se sont abstenus sont invités aux termes du règlement à donner les motifs de leur abstention.
M. de Nef et M. Fallon déclarent s’être abstenus parce qu’ils n’ont pas pu assister à la discussion.
M. le président procède au renouvellement des sections par la voie du sort.
- La séance est levée à 4 heures.