(Moniteur belge n°200, du 19 juillet 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Maerschalk, cultivateur à Etterbeek-lez-Bruxelles, demande l’autorisation de convoler à de secondes noces avec sa belle-sœur. »
M. H. Dellafaille - Il me semble que cette pétition regarde le ministère de la justice.
Je propose le renvoi au ministre de la justice.
- La proposition de M. H. Dellafaille est adoptée.
« Le sieur Hoffmann, commis de troisième classe de la douane, demande que la chambre lui fasse obtenir un emploi d’un grade plus élevé. »
- Renvoyée à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Tervueren demandent que dans la loi communale l’exception soit prescrite aux personnes exerçant la profession de médecin de remplir les fonctions de bourgmestre. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Un grand nombre de négociants armateurs d’Anvers et de Bruxelles adressent des observations sur l’état de leur industrie. »
- Renvoyée à la commission des pétitions.
M. C. Vuylsteke demande un congé de huit jours.
- Accordé.
« L’administration communale de Flavinnes se plaint des logements militaires et demande que la cavalerie soit casernée ou qu’elle soit plus également répartie dans les communes rurales. »
M. Fallon. - L’administration communale de Flavinnes se plaint que les logements militaires dont parle la pétition lui causent un tort préjudiciable, en ce sens que plusieurs habitants ont été obligés de placer leurs chevaux ailleurs. Cette commune supplie la chambre de prendre des mesures pour que la cavalerie soit casernée, ou qu’elle soit répartie dans les communes rurales, afin que la charge n’en pèse pas entièrement sur elle.
Je demande que la commission des pétitions présente un rapport sur la réclamation de l’administration communale dans son prochain rapport à la chambre. Je crois même qu’il y aurait lieu de renvoyer la pétition au ministre de la guerre.
M. Pollénus. - J’appuie d’autant plus le renvoi demandé par M. Fallon que la commission des pétitions a à s’occuper de pétitions de même nature.
M. d’Huart. - Je demande que la commission des pétitions nous présente son rapport sur la pétition dont il s’agit, ainsi que sur celles de même nature, demain, à l’ouverture de la séance, dans la commission de la guerre ; les honorables députés de Namur se sont plaint que les logements militaires étaient nuisibles non seulement aux particuliers mais à l’Etat, attendu que les soldats cantonnés reçoivent une solde plus forte, ou du moins une indemnité plus élevée que l’indemnité accordée aux soldats casernés. Les casernes de Namur peuvent contenir le double de chevaux ; je ne sais ce qui peut forcer les troupes d’aller loger à proximité de Namur pour gêner les habitants.
Je demande, attendu qu’il y a une certaine urgence que la commission des pétitions veuille faire son rapport demain à l’ouverture de la séance.
- La proposition de M. d’Huart est adoptée.
Le bureau du sénat informe M. le président de l’adoption par cette assemblée du projet de loi accordant des pensions à Catherine-Joseph Penningue, à Jean Meeuws, à Frédéricx de Poortere, à Jeanne-Catherine Wailly ; du projet de loi accordant une pension à la veuve du sieur Engelspach-Larivière, du projet de loi accordant une pension à la veuve du sieur Delin, du projet de loi prorogeant la loi du 19 juillet 1832, relative aux concessions de péages.
M. A. Dellafaille dépose sur le bureau le rapport du projet de loi sur l’armement de la garde civique.
- L’impression de ce rapport est ordonnée. La discussion sera fixée ultérieurement.
M. le président. - La discussion est ouverte sur les chiffres du maximum et du minimum.
La section centrale propose de fixer à 24 fr. le chiffre du maximum pour le froment, et à 13 fr. le chiffre du minimum.
M. le président rappelle les divers amendements qui ont été proposés.
M. Rodenbach a proposé de maintenir le chiffre de 24 fr. à la sortie, et de le réduire à 20 fr. pour la libre entrée. Il propose en outre de fixer le minimum à 15 fr. pour le froment, et à 9 fr. pour le seigle.
M. Desmet. - Je ne puis concevoir le taux du maximum du froment, tel que vous le présente l’honorable M. Rodenbach ; il est connu de tout le monde que le véritable prix moyen de ce blé est de 20 fr. M. Rodenbach lui-même l’a reconnu. Je ne comprends donc pas que ce qu’on sait être un prix moyen d’une denrée, on veille le faire passer pour le maximum ; et j’ose avancer que le cultivateur doit avoir de son froment le prix de 20 francs ou onze florins courant, s’il veut obtenir quelque bénéfice de son travail, et les déboursés que lui occasionnent les amendements de sa culture.
Quand dans les Flandres, le cultivateur vent son froment 11 florins l’hectolitre, on dit que le fermier ne souffre point, qu’il peut payer son fermage ; mais aussi quand le prix est plus bas, on ne peut plus le dire, et quand il descend à 16 francs alors on dit : La culture est absolument en souffrance et les fermiers se trouvent dans l’impossibilité de payer leur fermage, s’ils veulent procurer la subsistance nécessaire à leurs familles quoi qu’il soit connu que le paysan flamand vit très pauvrement, et qu’il ne prend dans sa nourriture journalière que du lait battu, des pommes de terre, du pain de seigle, et ne boit que de l’eau ; il est vrai que, tous les dimanches, il peut avoir à sa table un morceau de lard, et pour la bière, il ne l’a jamais dans sa ferme.
M. Cordier, dans son intéressant ouvrage sur la culture en Flandres, établit les frais de culture d’un hectare de céréales à 400 francs, et le produit brut ne dépassant pas les 500, il n’y aurait qu’un produit net de 100 francs ; avec quoi le fermier ne doit pas seulement entretenir son ménage, mais encore il faut qu’il y trouve les moyens de payer ses impôts directs et indirects et les dépenses de toute nature qu’il est obligé de faire. On sait aussi à quel prix élevé l’habitant des campagnes doit se procurer son chauffage, non principalement à cause du prix de la marchandise, mais à cause des frais de transport qui sont excessivement élevés et ruineux pour le petit manant qui n’a point de voiture à lui. C’est de même de la dépense du foin où des fourrages secs dont il a besoin tous les ans, pour l’entretien de son bétail pendant l’hiver, où aussi le transport lui devient très coûteux.
Si les petits fermiers des Flandres, et vous savez que les petits font le grand nombre, n’avaient point le travail du lin, dont, en dépit du bon droit et évidemment contre l’intérêt et la prospérité de cette importante industrie, nous laissons bénévolement nous enlever la meilleure partie, ils seraient forcés de payer leur fermage en nature et pour favoriser uniquement l’agriculture des pays étrangers et le commerce de l’extérieur. Vous les rejetterez dans l’état avilissant de serfs où ils auront à manger quand il plaira au seigneur ou au grand propriétaire du village. Vous détruirez entièrement la petite culture, qui cependant est la seule source de la grande perfection de l’agriculture dans nos Flandres, et vous n’aurez comme anciennement et comme aujourd’hui en Angleterre, que des grands fermiers et des pauvres ; une taxe de pauvres seule pourra alors sauver le pays : voilà ce que nous prépare l’égoïste haut commerce qui ne voit malheureusement que son propre intérêt et se moque du reste du pays, de l’agriculture et des autres branches de l’industrie nationale.
Il ne peut être douteux que le prix moyen du froment soit de 20 fr. l’hectolitre en Belgique. J’ai ici sous les yeux les mercuriales des marchés depuis 1790, où jusqu’en 1817, le prix moyen a toujours outrepassé les 20 fr. ; et vous en avez une preuve encore bien plus certaine, c’est votre cadastre même, qui déclare que le prix moyen du froment est de 20 fr.
Si nous admettons l’amendement de 20 fr. pour maximum, alors nous pourrons dire que nous aurons toujours l’entrée libre en Belgique des grains étrangers ; vous verrez que nos marchés en seront toujours encombrés, et que la mesure que vous voulez prendre pour favoriser votre agriculture sera entièrement illusoire.
Cependant, messieurs, le grain que le pays a de trop dans ses récoltes ordinaires est incalculable, c’est bien triste que le département de l’intérieur soit si mal fourni dans ses statistiques, et il paraît que l’intéressante industrie agricole est le cadet des soucis de nos hommes d’Etat qui sont à la tête de l’administration de l’intérieur ; car je n’ai pas été peu étonné hier de voir que le rapport de la chambre de commerce d’Anvers se trouvait perdu. C’est, d’après moi, une négligence et une insouciance impardonnables dans un ministère de l’intérieur. On ne les rencontrerait pas dans le bureau d’un simple bourgmestre de campagne. Oui, je le répète, il est bien triste que nous n’ayons point une statistique certaine de l’abondance de nos céréales ; nous pourrions mieux nous convaincre combien la mesure est nécessaire de restreindre le plus possible l’entrée des grains étrangers.
Mais quand on considère qu’en 1794 la Belgique avait 200,000 hommes de troupes étrangères à nourrir, et que l’année après, la récolte ayant manqué en France, le grain y fut en majeure partie fourni par notre pays, que M. Ollevaire de Deynze en fit alors sortir pour expédier dans l’intérieur de la France, pour des millions, et que le grain n’a pas manqué dans le pays ; qu’en 1811, quand encore une fois la récolte était manquée en France et n’avait pas trop bien réussi chez nous, à cause d’une grande sécheresse et qu’aucun grain d’outre-mer n’y pouvait entrer à cause du blocus général des ports de France par les Anglais, la Belgique envoya dans ce pays au-delà de 300,000 hectolitres de grains ; et l’exportation en était telle qu’on craignait qu’il n’y en aurait plus eu jusqu’à la récolte prochaine : mais le grain ne manqua jamais sur les marchés, et une visite des greniers qui fut ordonnée rassura qu’il y avait encore assez de céréales dans le pays.
Je pourrais vous citer pour exemple encore d’autres années, comme celle de 1817 où, à la vérité, le grain a été à un prix exorbitant, mais dans laquelle il n’a pas manqué ; et si le pays n’eût pas eu les accapareurs du haut commerce, jamais le prix n’aurait pu s’élever si haut.
Non, messieurs, il me semble que si nous voulons réellement prendre une mesure propre à protéger notre agriculture, nous ne pouvons pas adopter le soi-disant maximum de M. Rodenbach, nous devons nous tenir au projet de la commission d’industrie en amendant toutefois le taux du minimum qui n’est que de 13 fr., et le porter, comme vous le proposent MM. Eloy et Helias à 16 francs ; alors vous atteindriez la vérité, prix moyen 20 francs, le minimum 16 et le maximum 24 francs. Et si vous consultiez tout le pays vous pourriez vous convaincre que c’est là le taux moyen des trois degrés du prix des céréales en Belgique.
M. Coghen, rapporteur. - Il est impossible de pouvoir se rallier à la proposition faite par M. Rodenbach. Elle dérange toute l’harmonie ou l’équilibre du système qui vous a été présenté.
Ayant pris pour point de départ le prix nécessaire de 18 fr. par hectolitre pour le froment, on vous a proposé un droit de 3 fr. par hectolitre, que par vos suffrages vous venez d’adopter, droit de protection indispensable à notre agriculture, et qui tient en quelque sorte lieu de dédommagement, pour la contribution foncière dont est frappée l’industrie agricole.
D’après le projet primitif, le minimum était de 12 fr., mais il a depuis été porté à 13 fr. par la section centrale ; le maximum proposé à 24 fr. a été admis par elle. En établissant un droit fixe de 3 fr. par hectolitre, nous avons cru qu’il était convenable de l’accorder sur une moyenne de 18 fr. par kil., moins nécessaire quand ce prix dépassait ce taux, servait de compensation lorsque le prix deviendrait au-dessous de 18 fr. De manière que, lorsqu’on élève ce minimum ou qu’on abaisse le maximum, l’harmonie du système n’existe plus.
La valeur moyenne du froment depuis vingt ans est d’environ 19 fr. par last, prix obtenu sous un régime de quasi-liberté. Aujourd’hui l’on majore le droit sur ce granifère d’environ 50 p. c. On propose un minimum qui, lorsqu’il sera atteint, arrêtera l’importation des céréales étrangères ; et il paraît que ce nouveau mode de protection qui doit avoir des résultats incontestables en faveur de notre agriculture, ne suffit pas encore aux exigences de ceux qui, à mon avis, comprennent mal les intérêts de leur pays sur cette matière.
Pour le seigle, je devrais répéter que ce sont les mêmes motifs qui nous ont guidés. Je conjure l’honorable M. Rodenbach de vouloir bien apprécier le mérite des observations que je soumets également aux honorables auteurs des amendements déposés sur le bureau, afin qu’ils veuillent, l’un et l’autre, retirer les propositions qu’ils ont faites à l’assemblée.
S’il en était autrement, je le prédis, la loi n’offrirait plus de base, ne présenterait plus aucun système, et avant peu, on aurait incontestablement regret de l’avoir votée.
M. A. Rodenbach. - Je dois combattre aujourd’hui mes adversaires à peu près avec les armes que mes adversaires d’hier ont employées pour me combattre.
On me reproche que mon minimum est trop faible, on m’accuse de trop protéger le commerce et la consommation ; hier c’était tout le contraire ; ainsi mes amis sont devenus mes ennemis. Cependant, je soutiendrai ma proposition parce que je la crois bonne.
Je suis d’avis que le maximum$ de la section centrale, 13 fr. pour le froment et 8 fr. pour le seigle, est un prix ruineux pour nos producteurs. J’en appelle à tous ceux qui connaissent la matière. Avec un tel minimum le cultivateur ne peut payer ses contributions et nourrir sa famille.
Lorsque le prix du froment sera arrivé au prix de 20 fr., qui est à peu près le prix moyen depuis longtemps, je laisse entrer sans droit les céréales étrangères, et je protège ainsi l’ouvrier. Je protège la basse classe qui veut manger du pain à bon marché. Ainsi si je suis moins libéral que M. Coghen relativement au minimum, je suis plus libéral à l’égard du maximum.
On a trouvé de grands inconvénients au tarif français, à cause de la trop grande étendue de l’échelle. Les mêmes inconvénients se rencontreront dans le système de la section centrale qui du minimum de 13 fr. au maximum de 24 fr. à 11 degrés.
Celui que je vous propose n’aura pas cet inconvénient ; il est très simple, les étrangers le comprendront facilement. Au bas de l’échelle l’agriculteur trouve une protection suffisante et au haut de l’échelle le négociant et le consommateur ont également une garantie.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, l’honorable M. Coghen vient de vous dire que jusqu’à ce que le froment soit descendu à 13 fr., il fallait laisser introduire les grains étrangers. L’honorable M. Verdussen ayant présenté un amendement de l’espèce de la proposition de la section centrale, car il voudrait que la prohibition n’eût lieu que quand le prix du froment serait descendu à 12 fr. ; en répondant à M. Coghen, je répondrai en même temps à M. Verdussen.
Pour appuyer son amendement, M. Verdussen, dans la séance du 16, vous a fait des calculs très exacts sur le rapport des opérations commerciales, mais qui sont inapplicables en agriculture. J’en conviens cependant, ils sont très adroits pour entraîner les hommes qui ne sont pas agriculteurs. Je crois inutile de vous démontrer l’erreur sans cependant y renoncer, si la chambre le désire. Je$ chiffre passablement en agriculture ; sans prétendre égaler notre honorable M. Verdussen en chiffres de toutes espèces, je me permettrai de faire remarquer à l’honorable auteur de la proposition de fixer la prohibition à l’entrée lorsque le froment sera coté au pris de 12 fr. l’hectolitre ; je dirai plus, quand même il nous ferait une concession et qu’il consentirait même à le porter à 13 même à 14, on ne ferait encore rien en faveur de l’agriculture, par le motif qu’à 12 ou 13 fr. l’hectolitre, taux moyen en Belgique, le producteur n’a que ses frais de culture, et que dans cette position il ne peut rien donner à l’Etat du produit du sol, et que le propriétaire ne reçoit rien du capital exposé en terre. Cependant le plus fameux champion qui a soutenu avec tant de talent l’intérêt du haut commerce vous a dit, dans une séance précédente, que toutes les industries avaient droit à une protection telle qu’elle puisse avoir un intérêt honnête du capital exposé, et en cela nous sommes parfaitement d’accord.
Et, bien, si vous admettez avec nous ce principe que je crois être de toute justice, que la mesure que vous vous proposez d’adopter par rapport à la propriété soit telle que le propriétaire obtienne un intérêt, je ne dirai pas de 5 à 10 p. c, mais de 2 1/2 à 4 p. c. $Si donc la prohibition à l’entrée est fixée lorsque le prix du froment sera à 12 fr. comme le demande M. Verdussen, ou à 13 fr., comme le propose la section centrale, la protection voulue pour toutes les industries par l’honorable M. Meeus et par moi ne sera pas accordée, et vous anéantissez la plus belle branche de votre industrie, source de la prospérité de toutes les autres, vous paralysez l’action du gouvernement, les contributions ne pouvant plus être payées sur le revenu net des terres aux termes de la loi et d’après la bonne raison ; vous ruinez d’abord les 3/4 de la population, et par suite le quart restant qui ne se soutient que par la prospérité de l’agriculture.
En résumé, je crois être en dessous des besoins de la propriété quand je réclame avec mon honorable collègue et ami M. Helias d’Huddeghem la prohibition à l’entrée du froment lorsqu’il sera coté à 16 fr., taux moyen en Belgique, ce qui est le résultat du prix de divers marchés ; mais ce qui n’est pas le prix auquel on doit s’arrêter. Je vais donner un exemple de ce que c’est que ce prix commun. Quand le froment est coté 14 fr. sur le marché de Liége, il l’est à 18 fr. sur celui d’Anvers. (Réclamation.)
Je prie les honorables membres qui ne croient pas à ce que je dis de voir les mercuriales ; ils pourront s’assurer qu’il y a toujours entre le marché de Liége et celui d’Anvers une différence de 4 fr. environ.
Vous pouvez voir dans un des Moniteur du mois passé que quand le froment était coté à 12-60 à Anvers, il l’était 10-90 à Liége, et à 10 au plus dans le Luxembourg, résultat de la différence en qualité des produits.
Lorsqu’il sera coté à 14 fr ; sur le marché de Liége, à 18 fr. à Anvers, etc., etc., j’ai remarqué que lorsque le terme moyen du prix des grains est fixé à 12 fr. 60 c., terme moyen, le prix de Liége est établi à 10 fr. 90 c., c’est-à-dire au plus dans le Luxembourg, résultat de la différence en qualité des produits.
Eh bien, quand le prix taux moyen est établi en Belgique à 16 fr. pour lors l’agriculteur reçoit : 1° le remboursement des frais de culture ; 2 le maintien de l’impôt ; 3° environ et au plus 1 p. c. du capital exposé dans la propriété.
On vous a fait des calculs sur le rapport de la faveur accordée à l’agriculture, quand on impose le blé à 3 francs par hectolitre, lorsqu’il se trouve au taux de 12, 13 ou 14 francs, et on a dit : Vous avez une faveur de 30 ou 40 p. c. J’ai entendu retentir ces arguments dans cette chambre. Quand le prix du pain est descendu à ce taux, ce n’est pas cette faveur qui puisse soutenir l’agriculture ; car elle est dans la détresse, elle ne vend pas ses produits plus cher pour cela.
On a répété à satiété que l’étranger a le moyen de fournir des grains à meilleur marché que vous ne puissiez vous-mêmes. Ce n’est pas un droit de 30 ou 40 p. c. qui peut protéger notre agriculture, il faut empêcher que l’étranger ne puisse inonder le pays de ses produits.
Au surplus, cet impôt de trois francs qu’on vante tant comme un avantage fait à l’agriculture, ne serait un avantage que si les trois francs payés pour les grains étrangers entraient dans la poche de l’agriculteur, ce serait une indemnité ; recevant trois francs, il vendrait trois francs de plus. Mais ces trois francs entrent dans la caisse de l’Etat. J’aurais d’autres réflexions à vous présenter, mais je crois en avoir dit suffisamment pour appuyer l’amendement que j’ai proposé avec mon honorable collègue et ami M. Helias d Huddeghem et pour détruire les arguments de MM. Coghen et Verdussen.
Si M. Verdussen ne trouvait pas que mes calculs fussent justes pour répondre aux siens, j’en ai ici un qui est à peu près terminé ; je pourrai le lui communiquer.
M. Helias d’Huddeghem. - La chambre paraît impatiente de terminer cette discussion. Cependant comme la section centrale a fait un rapport sur l’amendement que j’ai proposé avec mon honorable collègue M. Eloy de Burdinne, je crois devoir rappeler que j’ai eu l’honneur d’établir dans une séance précédente que le tarif du minimum de 13 fr. pour le froment et de 8 fr. pour le seigle par hectolitre suffisait à peine pour indemniser le cultivateur des frais de culture en grains, journées de travail et main-d’œuvre, et qui, indépendamment de l’entretien du fermier et celui de sa famille, il devait payer ses fermages. Vous vous rappelez, messieurs, que j’ai posé en fait et qu’il n’a pas été contesté que d’après notre budget les impôts s’élèvent à plus de 17 p. c. du revenu, et que pour déterminer les revenus des terres dans les opérations cadastrales, afin d’arriver à la fixation du prix moyen du froment à 20 fr., les employés du cadastre ont opéré d’après une échelle de 16 à 24 francs.
Ainsi, messieurs, le minimum de 16 fr. pour le froment et de 9 fr. pour le seigle par hectolitre est un prix raisonnable puisqu’il est basé sur des opérations certaines. Et à moins de prétendre que dorénavant les cultivateurs se livrent aux travaux pénibles de l’agriculture pour le plaisir seul, et qu’ils s’exposent à une ruine certaine, il faut que vous adoptiez le chiffre que j’ai l’honneur de vous proposer.
L’honorable M. Verdussen a voulu établir par des chiffres une espèce de compensation entre des années stériles et des années abondantes ; mais, quoique déjà mon honorable ami M. Eloy de Burdinne y ait répondu victorieusement quant au calcul, j’aurai l’honneur d’observer à l’honorable membre, député d’Anvers, que le pays se trouve dans une situation extraordinaire, que dans ce moment il y a plus de 30 millions d’hectolitres de grains dans le royaume ; qu’à la vérité on a vu dans les années antérieures les grains descendre à des bas prix, mais alors les charges publiques n’étaient pas aussi considérables que dans ce moment : il existait alors un flux et reflux de nos produits avec les produits étrangers, ce qui donnait une concurrence qui n’existe plus, maintenant que nos ports sont ouverts pour les céréales étrangères, et que ceux des puissances voisines nous sont fermés. Auparavant, même si l’abaissement du prix des grains survenait momentanément, il n’avait pas cette influence décisive sur l’existence du cultivateur, puisque alors les prix des terres n’étaient pas au taux actuel, et cadraient pour lors au taux des denrées.
Le cultivateur trouvait même des secours qui lui permettaient de conserver sa récolte, de manière qu’il n’était pas forcé à la vendre à vil prix au premier venu ; les marchands de grains faisaient quelquefois des avances aux cultivateurs ; mais maintenant les meilleures maisons de commerce manquent de confiance, à cause que, par les introductions multipliées, le pays regorge de grains ; ils craignent d’exposer leurs fonds en les donnant aux cultivateurs, à compte des grains.
Autrefois, on avait l’espoir d’exporter du froment vers la France, aujourd’hui elle repousse nos céréales ; il en est de même de l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, qui les reçoivent des bords de la mer du Levant ; la Prusse, loin de recevoir de nos grains, nous en envoie une masse énorme tous les ans.
En un mot, il n’existe pas en ce moment de commerce de grains, car on ne peut donner ce nom à ce trafic ruineux pour le pays, puisqu’il tend à la destruction de l’agriculture en déversant sur nos marchés les grains du Nord.
A présent que le mal est connu, il faut y apporter un secours prompt et efficace, et s’il ne lui était pas accordé de suite, plus tard il ne remédierait pas. Qu’on ne s’imagine pas que des diminutions d’impôts, des gratifications, des primes d’encouragement, des subsides puissent suffire à alléger la situation de l’agriculture ; le besoin est trop pressant, trop général pour employer des demi-moyens sans qu’il en résulte des suites fâcheuses, une demi-mesure nuirait plus qu’elle ne ferait du bien.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, en adoptant le maximum proposé, je pense qu’on n’a pas décidé la question de prohibition. On peut se prémunir de deux manières contre l’introduction des grains étrangers, soit en frappant l’importation de prohibition, soit en la frappant d’un droit équivalant à la prohibition.
Je propose un droit beaucoup plus élevé que celui fixé pour le minimum, je propose de doubler le droit ; cela équivaudra à une prohibition, et on se rapprochera beaucoup de l’intention de ceux qui veulent empêcher les grains étrangers d’arriver sur nos marchés quand nos grains sont descendus à un prix très bas. Je n’ai fait d’ailleurs que formuler la proposition que l’honorable M. Pirson a faite hier verbalement.
M. Pirson. - Dans la séance d’hier j’avais fait une proposition dans le même sens que celle qu’a faite M. le ministre de l'intérieur. J’avais dit qu’en fixant le minimum il était essentiel de savoir quelle était la portée de l’établissement du minimum, c’est-à-dire de bien connaître si la chambre avait eu l’intention en votant le principe d’établir une véritable prohibition ou bien simplement un redoublement de droit. Je regardais le minimum de M. Rodenbach comme beaucoup trop élevé, surtout lorsque l’hectolitre du froment sera à 15 fr. Aussi avais-je proposé de descendre le minimum à 14 fr. Mais avant d’aller plus loin, je disais qu’il fallait décider s’il y aurait redoublement de droit, si ce redoublement serait d’un tiers ou d’une moitié en sus.
M. Dumont. - Je sais bien que la chambre n’a pas défini ce qu’elle entendait par le système du minimum et du maximum. Cependant, que l’on veuille bien se rappeler la discussion générale. Tous les orateurs ont bien compris que le minimum entraînerait la prohibition. Revenir sur la décision implicite de l’assemblée ce serait remettre en question ce qui n’en a pas fait une.
Car souvenez-vous bien que les adversaires du projet lui ont opposé le système français qui établit un droit gradué et n’emporte jamais la prohibition. Si l’on avait entendu le maximum et le minimum comme on voudrait l’entendre actuellement, il n’y aurait pas eu lieu d’opposer aux partisans du projet l’exemple de la France. Cependant, je sens toute la difficulté de la question.
Je ne saurais me prononcer pour le minimum dans le sens de la prohibition, comme l’entendent ceux qui demandent que le minimum soit fixé pour le froment à 15 fr. Je ne crois pas que lorsque les grains sont descendus à 15 fr., il y ait lieu à avoir recours à des mesures que je ne désire voir employer que dans les circonstances extraordinaires. Mais d’un autre côté, si la prohibition n’est pas consacrée lorsque le grain sera à 15 fr., je trouve que le droit de 3 fr. ne sera plus suffisant. Pour concilier l’intérêt du commerce et la protection que réclame l’agriculture, je désire que le minimum descende à 12 fr., et que le droit soit doublé quand le prix du froment sera descendu à 15 fr.
J’en fais l’objet d’un amendement, conçu en ces termes :
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre de doubler le droit d’entrée, lorsque le prix est descendu au-dessous de 15 fr., et d’en fixer ce minimum à 12 francs.
M. Coghen, rapporteur. - La proposition de M. le ministre de l’intérieur me paraît avoir été jugée. En votant le paragraphe 2 de l’article 2, personne de nous n’a entendu qu’il s’agissait d’une augmentation de droit au minimum. On a évidemment entendu défendre l’entrée des grains. Faire une semblable proposition en ce moment, c’est embarrasser la discussion et la rendre presque impossible. Quand un système a été proposé et adopté, le moindre changement de chiffre, le moindre amendement qui y porte atteinte, dérange tous les faits et détruit le système lui-même.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ferai observer à l’assemblée que si la discussion a été souvent embarrassée, la faute n’en est pas à moi, puisque je n’ai pris qu’une part assez restreinte à une discussion où tant d’autres ont usé aussi longuement du droit de prendre la parole. L’amendement que je propose n’a certainement pas pour but d’embarrasser la discussion.
On prétend que la loi a déjà décidé que l’adoption du système du maximum et du minimum emporterait la prohibition.
Il y a différentes manières d’entendre la prohibition. On l’entend en introduisant l’expression dans la loi. On peut la comprendre indirectement en établissant un droit à l’entrée tel qu’il équivaille à une prohibition. Je demande si le taux de 6 fr. par hectolitre n’équivaut pas à une prohibition. Ce que je veux, c’est de faire disparaître du tarif le mot prohibition, de suivre en ce l’exemple de la France, de nous rapprocher du système français. Le droit que j’ai proposé aura pour but de prohiber l’entrée des grains dans le grand nombre de cas possible. Je ne vois pas ce qu’elle a d’embarrassant pour tous les membres de bonne foi.
M. Meeus. - J’ai demandé la parole pour prier l’honorable auteur de la dernière proposition de vouloir bien nous expliquer de nouveau son amendement. J’avoue que je n’en comprends pas la portée dans toutes ses parties.
M. Dumont. - J’avais fait mes efforts pour être compris. Je suis fâché de ne pas avoir atteint mon but.
Une proposition a été faite par M. Rodenbach de fixer le minimum à 14 fr. J’y trouve des inconvénients en ce qu’elle rendra les cas de minimum beaucoup plus fréquents.
D’un autre côté, en demandant le minimum, je trouve que l’agriculture n’est pas suffisamment protégée. Car il ne faut pas supposer qu’un droit de 3 fr. à l’entrée des grains en fasse monter le prix de tout ce chiffre. Il déterminera d’une hausse d’un franc, d’un franc et demi au plus. Je propose donc de porter le droit à 6 fr.
D’un côté j’ai voulu écarter les cas qui semblent le plus effrayer le commerce. De l’autre, j’ai voulu accorder une compensation à l’agriculture. J’espère avoir été compris actuellement.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je crois que la chambre, lasse comme elle l’est de la discussion, va être entraînée dans des discours interminables. Je crois qu’il faudrait discuter la question posée par M. le ministre de l’intérieur, c’est-à-dire la question de savoir s’il y aura prohibition ou non lorsque les grains auront atteint ou le minimum ou le minimum. Cela ne nuira en rien à la proposition de M. Dumont. Il faut adopter le principe d’abord. Je vous avoue que je remarque que la chambre est tellement fatiguée de la discussion qu’elle ne sent pas la portée des amendements qui lui sont présentés.
M. Eloy de Burdinne. - Si je ne craignais d’ajourner le vote de la loi, je serais très disposé à répondre à M. le ministre de l’intérieur sur la question de savoir s’il faut faite disparaître du tarif le mot prohibition. En vérité, je ne vous cache pas que ce mot me déplaît. Je voudrais que ce mot disparût du tarif de nos voisins comme du nôtre.
Mais jusqu’à ce que nos voisins aient adopté un système que l’on considère comme plus libéral, nous devons adopter le système qui les régit.
M. le ministre a dit que l’on pouvait remplacer le mot prohibition par une quotité de droits plus élevée que celle qui est dans la loi ; en effet, messieurs, cela est possible. Jetez les yeux sur le tarif français, vous y voyez que quand le grain est à 19 fr. 20 c. (ceci n’est pas tout à fait applicable au système de M. le ministre ; mais nous y reviendrons), on paie alors, par chaque hectolitre introduit un droit de 3 fr. 25 c. La loi française veut aussi qu’à chaque franc de baisse on augmente le droit de 1 fr. 50 c. Si M. le ministre est dans l’intention d’adopter ces principes, je partage son opinion ; si la chambre les adopte également, vous serez exempts de voir dans la loi le mot barbare de prohibition.
M. le président. - La parole est à M. Meeus.
M. Meeus. - Je ne l’avais pas demandée, mais puisqu’on veut bien me l’accorder j’en userai. Est-ce sur la motion d’ordre que j’ai la parole ? (Oui ! oui !)
L’honorable préopinant n’a pas dit un mot de la motion d’ordre, mais n’importe ; puisque je n’ai la parole que sur cet objet, je ne puis qu’appuyer la proposition de l’honorable M. Verdussen par les mêmes arguments dont il s’est servi.
S’il m’était permis de rentrer dans la discussion, je combattais la proposition de M. Dumont ; mais d’après la manière dont est posée la question, je me borne à appuyer la motion d’ordre.
- La motion d’ordre de M. Verdussen, tendant à ce que la discussion sur les amendements de M. le ministre de l’intérieur au lieu avant la discussion sur le minimum et le maximum, est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - D’après la décision de la chambre, la discussion est ouverte sur les amendements de M. le ministre de l’intérieur.
M. A. Rodenbach. - Si nous n’avions pas en Belgique le système des entrepôts, je serais moi-même le premier à appuyer la proposition de M. le ministre. Mais puisque nous avons des entrepôts dans toutes les villes commerciales, je soutiens que le commerce n’est pas arrêté : Dès lors la prohibition n’est qu’un mot. Vous pouvez y substituer un droit double, un droit triple. Dans tout cela il n’y a que des mots. Pour moi je ne vois que les faits, je ne tiens pas aux mots, et je dis que l’amendement que j’ai présenté assure toute liberté au commerce.
Je citerai un seul exemple, celui de l’Angleterre ; là le système des entrepôts a lieu pour toutes les marchandises, comme dans notre pays. Et néanmoins, en 1832, l’Angleterre a introduit des céréales en Belgique. De même lorsque le blé sera plus cher chez nos voisins qu’en Belgique, nous introduirons des céréales en France, en Angleterre. Il est évident qu’avec le système des entrepôts il ne peut y avoir d’obstacles au commerce.
Le droit sera de 2 fr. ou 2 fr. 50 c. sur le froment, et de 1 fr. sur le seigle. Car je l’ai dit hier et je persiste à le penser, les droits seront réduits à cette quotité. Lorsque l’agriculteur peut verser ses produits dans la circulation à des droits aussi faibles, n’est-ce pas une protection immense ? Aucun pays n’en accorde une plus forte. Je termine en déclarant que je voterai contre les amendements de M. le ministre de l’intérieur.
M. Coghen, rapporteur. - Je ne saurais me rallier aux amendements de M. le ministre de l’intérieur, parce qu’ils ne présentent pas cet esprit de justice et d’équité qu’il importe de consacrer dans la loi qui nous occupe. On vous propose, messieurs, d’imposer à l’entrée des céréales, le froment et le seigle d’un double droit, lorsqu’ils auront atteint le minimum et ce en remplacement du mot prohibition qu’on paraît vouloir proscrire de la loi, mais qu’on voudrait remplacer par des chiffres. Pour l’exportation, on propose de porter à 50 c. au lieu de 25 c. par 1,000 kilogrammes.
Vous conviendrez que c’est contre les intérêts de la classe malheureuse. Nous n’avons cessé de la défendre, et ce motif nous oblige à ne pas nous rallier aux amendements de M. le ministre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’honorable préopinant ne m’a pas compris. D’après ma proposition le droit à la sortie doit être de 6 fr. et non de 50 cent.
J’entends que quand le prix du froment sera descendu à 13 fr., au lieu qu’il y ait prohibition, le droit soit double, c’est-à-dire de 6 fr. au lieu de 3 fr. Ainsi vous n’introduirez pas la prohibition dans la loi. Rien n’est plus simple. Si vous ne trouvez pas que ce soit assez de doubler le droit, triplez-le si vous voulez, mais au moins retranchez de la loi le mot prohibition.
M. le président. - La parole est à M. de Muelenaere.
M. de Muelenaere. - Je voulais faire l’observation qu’a présentée l’honorable M. Coghen. Je trouve comme lui qu’on pouvait penser que le droit à la sortie ne serait que de 50 c. Mais d’après l’explication que vient de donner M. le ministre de l’intérieur, je n’ai rien à dire.
M. Dumont. - Il me semble que la proposition de M. le ministre de l’intérieur tend à ôter au producteur la protection que la loi lui assurait, à supprimer la défense d’importation. En même temps en faveur du consommateur on introduit dans la loi la défense d’exportation. D’après l’amendement si on ôte au producteur la protection dont il jouissait, on doit l’ôter également au consommateur. Je demande que M. le ministre de l’intérieur garantisse que jamais il n’y aura défense d’exportation. Si vous voulez être justes, il faut accorder la même protection au producteur et au consommateur.
M. Meeus. - Il est vraiment trop singulier de garantir que jamais on ne défendra l’exportation des grains. Le jour où le pain sera tel que le sort du peuple, le sort du pays seront compromis, on s’en référera au premier principe qui est suivi chez toutes les nations : Le salut du peuple. Alors, messieurs, les cultivateurs, vous vous soumettrez à la loi de la nécessité.
Il s’agit ici, messieurs, d’apporter une modification au projet de la section centrale en ce sens que le mot odieux de prohibition sera rayé de la loi ; c’est pourquoi M. le ministre de l’intérieur propose de mettre un droit qui est plus que vous ne demandez, car la discussion doit vous avoir assez éclairés pour que vous reconnaissiez qu’il est impossible que les nations étrangères viennent nous fournir des grains à un prix trop élevé, et si le prix tombe au-dessous de 13 fr., vous avez un droit protecteur de 6 francs. Il me paraît donc que M. le ministre de l’intérieur ne se montre pas trop exigeant.
Il s’agit tout bonnement de savoir si vous voulez que le mot prohibition entre dans la loi.
M. le président. - M. Eloy de Burdinne propose comme sous-amendement à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur que lorsque l’hectolitre sera descendu de 14 à 15 fr., le droit à l’entrée soit perçu à raison de 10 fr. ; on ajoutera une surtaxe de fr. 1-50 par chaque franc de baisse.
M. Eloy de Burdinne. - Si je propose mon amendement, c’est pour entrer dans les vues de M. le ministre de l’intérieur, et pour faire disparaître le mot prohibition. Je ne sois pas trop exigeant, et je suis en dessous du tarif français, car le tarif français est certainement plus élevé, lorsque le prix est descendu de 14 à 15 fr. en France. En même temps que je veux faire disparaître le mot prohibition, je veux aussi empêcher l’étranger qu’il ne vienne nous encombrer de nouveau de ses grains.
On a paru craindre qu’il n’y aurait plus d’arrivages de grains étrangers ; je suis convaincu qu’il y en aura toujours, s’il n’y a pas de disette dans le Nord.
Si vous n’adoptez pas une mesure pour empêcher cet encombrement, il en résultera que nos adversaires diront : « Nous l’avons bien prévu, votre loi ne produit aucun effet, nous avions raison, et vous devez faire disparaître toutes les lois sur les céréales. »
M. Legrelle. - Je demande la parole pour une motion d’ordre : nous devons, messieurs, nous renfermer dans ce qui a été décidé ; nous avons admis le principe de la proposition de M. le ministre de l’intérieur ; il ne s’agit pas de fixer le taux du minimum, il ne s’agit plus d’une proposition semblable à celle de M. Eloy de Burdinne ; il s’agit de l’amendement de M. le ministre, c’est-à-dire de remplacer le mot prohibition par une autre mesure.
M. de Theux. - L’amendement de M. le ministre de l’intérieur concerne l’exportation et l’importation ; en ce qui concerne l’exportation, je ne puis concevoir que dans un temps de disette le gouvernement se borne à percevoir 6 fr. sur le prix des grains exportés à l’étranger.
En payant 6 fr. au fisc, on peut exporter ; mais le consommateur sera-t-il favorisé par ce droit ? Non, puisque ce droit est payé au gouvernement.
De deux choses l’une ; ou l’exportation est utile, alors permettez-la ; ou l’exportation est nuisible, dans ce cas défendez-la, la défense de l’exportation est permise lorsqu’il y a disette dans le pays. Relativement à l’exportation, je ne puis donc concevoir l’amendement de M. le ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne l’importation, plusieurs membres se sont effrayés du mot prohibition ; mais il est indifférent que l’on frappe un droit, quelque élevé qu’il soit, ou que l’on adopte un système gradué, tel que le système français. Sous ce rapport, je doute que l’amendement de M. le ministre de l’intérieur réponde au but que se sont proposer les commissions d’industrie, ainsi qu’au but que l’on se proposerait par le système gradué en France ; aussi envisagé sous ce point de vue, je ne saurais adopter l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
Je dois convenir que l’amendement de M. Eloy de Burdinne atteindrait le but que se proposent les partisans du système gradué, et les membres qui sont effrayés du mot prohibition doivent avoir leur apaisement.
J’ajouterai que pour conserver notre commerce à l’intérieur, il faudrait adopter des droits non trop élevés, mais modérés, de manière que le commerce étranger pût concourir avec le commerce indigène.
Mais comme ce système a été proscrit, il me semble qu’il faut rayer le mot prohibition ou invoquer un tarif gradué de manière que l’importation devienne impossible.
M. de Muelenaere. - Quand le salut du peuple exige que l’importation ne soit pas défendue, non seulement les propriétaires et les cultivateurs se soumettront à cette nécessité, mais, comme l’expérience l’a prouvé, ils seront les premiers à la demander.
Il me semble que l’honorable M. Dumont et l’honorable M. de Theux ont victorieusement réfuté la proposition faite par M. le ministre de l’intérieur. D’abord, je crois qu’il a été démontré à satiété dans la discussion générale que dans certaines circonstances données, il est impossible de ne pas défendre l’importation dans ces circonstances : ce ne sera pas avec des droits de douane que vous contenterez le peuple, ce sera en empêchant l’importation d’une manière absolue.
On s’effraie du mot prohibition, on veut le rayer à tout prix de la loi, dût-on même adopter les droits les plus élevés.
Je sais que depuis quelque temps dans un pays voisin on a beaucoup crié contre la prohibition, mais si ce mot se trouve dans le tarif français, il s’applique à une foule de marchandises. Pourquoi veut-on faire disparaître la prohibition ? c’est parce que la prohibition entraîne avec elle le droit de recherche, et le droit de recherche est une chose odieuse qui porte atteinte à la sûreté du domicile, au secret des familles. C’est à cause de ce droit de recherche que partout on se récrie de plus en plus contre la prohibition appliquée à cette foule de marchandises ; mais dans l’espèce, messieurs, on ne peut craindre la prohibition appliquée aux grains, car les grains n’entraînent point le droit de recherche, les grains ne peuvent se reconnaître.
Il est impossible que la prohibition, pour le cas dont il s’agit, ait les mêmes inconvénients pour lesquels on s’est élevé contre le système français.
On est d’accord qu’il faut une loi efficace ou point du tout ; quant à moi, je croyais que la chambre avait au moins virtuellement décidé qu’il y aurait prohibition pour l’exportation dans certains cas, et prohibition pour l’importation également dans certains cas : maintenant on veut vous faire revenir sur votre décision, et faire qu’il n’y ait prohibition ni pour l’importation ni pour l’exportation ; ce système n’aurait aucun bon résultat et serait même injuste. Je dois dire que la chambre ne peut adopter l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Mon amendement n’est pas uniquement destiné à remplacer un mot par un autre ; il est certain qu’il introduit un autre système que celui de la section centrale ; mais je crois que ce système n’a pas les mêmes inconvénients que celui qu’il est destiné à remplacer et qu’il en porte avec lui les mêmes effets.
On vient de dire qu’il n’y avait pas de justice dans ce système, attendu qu’alors que nous protégions le consommateur dans certains cas, nous ne protégions pas l’agriculture dans certains autres, c’est-à-dire que bien que nous nous contentions de frapper la sortie d’un double droit, il pourrait arriver certaines circonstances où elle serait prohibée ; que dès lors l’agriculture serait dans une position favorable, puisqu’elle ne pourrait pas faire sortir des grains, tandis que moyennant ce double droit l’entrée pourrait toujours avoir lieu. Je ne prévois pas ce cas qui est un cas tout à fait extraordinaire, parce que nous ne faisons pas les lois pour les cas exceptionnels.
A entendre les personnes qui soutiennent le projet de loi, il semble qu’il n’a pour objet que deux extrémités, le cas d’abondance excessive ou le cas de disette. Pour les disettes, je dirai qu’elles sont maintenant de plus en plus rares et que le meilleur moyen de les prévenir c’est d’étendre la liberté commerciale. Je ne reviendrai pas sur ce principe. S’il se présentait des circonstances telles qu’il y ait véritablement danger pour l’ordre public à permettre la libre sortie des grains, de tels événements n’arrivent pas du jour au lendemain ; le gouvernement pourrait se mettre en mesure de consulter la chambre pour modifier la législation s’il y avait lieu.
Ces circonstances se présentent-elles souvent ? Non. Pouvons-nous supposer qu’elles seront plus fréquentes dans l’avenir ? Non encore ; il faut espérer que les relations commerciales entre les nations, s’augmentant de jour en jour, les cas de disette deviendront de plus en plus rares.
Nous ne voulons pas prohiber d’une manière absolue l’entrée et la sortie, mais les restreindre de telle manière que le consommateur, dans certains cas, soit protégé et que dans d’autres l’agriculture le soit également. J’ai dit que nous atteignons le même but par le double droit que par la prohibition. On n’a pas prouvé le contraire ; on n’a pas établi qu’alors qu’un droit de 3 fr. suffisait pour protéger l’agriculture, quand le taux des grains était à 13 fr. un centime, un droit de 6 fr. serait insuffisant quand ce taux serait tombé à 13 fr. ou 12-50.
Je prie la chambre de croire que mon intention n’est pas de retarder la discussion. Plus qu’aucun autre je désire être délivré de cette discussion qui est fatigante pour chacun de nous. Si je supposais que telle pût être la pensée de la chambre, je retirerais à l’instant ma proposition. Nous ne voulons pas user de tactique vis-à-vis de la chambre, ce serait indigne du gouvernement et, j’ose le dire, de notre caractère.
M. Donny. - Je ne prends la parole que pour donner à M. le ministre de l’intérieur la réponse qu’il vient de provoquer.
La proposition qu’il nous a faite est double. Elle contient un amendement qui s’applique au cas de maximum, un autre qui s’applique au cas de minimum. Je ne m’en occuperai que relativement au maximum, parce que ce n’est que ce point qui est en ce moment en discussion.
Lorsque le prix du froment est arrivé à un taux si élevé qu’il y a nécessité de protéger le consommateur contre la trop grande cherté du pain, la section centrale et le ministre veulent tous deux prendre une mesure de protection efficace.
Cette mesure, la section centrale ne la trouve que dans la prohibition à la sortie, M. le ministre croit la trouver dans un double droit parce que, dit-il, ce double droit doit être considéré comme l’équivalent de la prohibition.
Si en réalité il en était ainsi, je serais tout à fait de l’avis du ministre sur la préférence à donner à son amendement, parce que le consommateur étant protégé d’une manière égale, par ces deux systèmes, j’opterais pour celui du ministre qui offre au commerce des facilités que l’autre lui refuse. Mais il n’en est pas ainsi, le double droit n’est pas toujours l’équivalent d’une prohibition.
Lorsque le grain est cher en Belgique, il l’est aussi en France ; il l’est surtout en Angleterre et l’on peut sans exagération prévoir la possibilité que, dans ce dernier pays, il devienne tellement cher que, malgré le double droit proposé par le ministre, il y ait encore de l’avantage à y envoyer des grains de la Belgique.
Lorsque dans des temps de disette, l’Angleterre ouvre ses ports aux grains étrangers, il peut fort bien arriver que le négociant trouve du bénéfice à acheter du grain sur nos marchés, quelque élevés que soient nos prix, à payer un double droit de sortie de 6 fr. l’hectolitre, et à vendre en Angleterre au prix courant ; ce serait peut-être là un cas extraordinaire, mais il suffit qu’il puisse se présenter pour qu’on soit autorisé à soutenir que le droit double n’est pas l’équivalent d’une prohibition, ainsi que voudrait le faire croire M. le ministre de l'intérieur. D’après cela, je voterai contre son amendement en tant qu’il est relatif au cas de maximum ; mais lorsque nous en viendrons à traiter le cas de minimum, je me prononcerai dans un sens plus favorable sur la dernière partie de sa proposition, parce que, pour ce cas-là, je trouve dans le double droit, substitué à la prohibition d’importation, une protection suffisante pour l’agriculture, et une entrave moins accablante pour le commerce.
M. Devaux. - Je croyais ne plus reprendre la parole dans cette discussion, mais j’ai quelque peine à garder le silence quand je vois jusqu’où on pousse le scrupule. Je dirai même que ce sont des scrupules véritablement singuliers.
Voilà qu’on ne veut plus, quand on a trouvé 3 fr. une prohibition suffisante, que 6 fr. de droit n’équivalent pas à une prohibition suffisante, que 6 fr. de droit n’équivalent pas à une prohibition ou à une quasi-prohibition. Je dirai d’abord que quant à moi il m’est à peu près indifférent qu’on prohibe d’une manière absolue ou qu’on impose un droit de 6 fr. par hectolitre. On veut éviter dans la loi le mot prohibition pour faciliter nos relations avec d’autres Etats qui se trouvent à peu près dans même position que nous. Mais je crois que d’après les dispositions que vous avez adoptées à l’étranger, on ne se trompera pas beaucoup sur la nature des mots.
D’après les principes qui ont triomphé, vos commissaires se trouveront dans une telle position qu’on n’aura qu’à ouvrir le Moniteur belge pour leur fermer la bouche, et que les arguments qu’ils pourront présenter trouveront leur réponse officielle dans les discussions qui ont eu lieu ici. Car la majorité a adopté toutes les réponses qu’on a faites à nos commissaires. J’admirerais le dévouement de ceux qui accompliraient encore un pareil mandat dans une position aussi fausse, aussi désagréable.
Je ne conçois pas les scrupules qu’on manifeste. Comment ! six francs de droits ne sont pas assez !
Quoi ! quand vous aurez un droit protecteur de 6 fr. alors que vos grains seront à fr. 13, quand il faudra que les grains étrangers soient rendus chez vous à 7 fr. y compris les frais de transport, vous en craignez encore l’importation !
Nous n’avons pas plus à craindre la sortie de nos grains ; quand les prix seront élevés, ils n’iront pas en Angleterre. Qu’on nous cite un seul exemple où un droit de 6 fr., auquel il faut ajouter les frais de transport, ne suffirait pas pour arrêter la sortie de nos grains quand ils sont au taux où on voudrait la prohiber. Au surplus, si alors des exportations avaient lieu, elles seraient en si minime quantité qu’il serait inutile d’en parler.
Le peuple attribue à l’importation et à l’exportation des grains des effets beaucoup plus grands qu’elles n’en ont. Si vous voulez détruire l’erreur dans laquelle il est à cet égard, au lieu de la nourrir, faites le contraire de ce que vous avez fait jusqu’à présent. Les discours prononcés par plusieurs membres dans cette discussion leur feront croire que l’exportation doit avoir des effets merveilleux. Persuadez plutôt au peuple que la baisse actuelle est le résultat de maux internes, afin qu’il en cherche le remède. Tout ce qu’on fait tend au contraire à l’en détourner.
J’ai entendu l’honorable M. Eloy de Burdinne demander un droit plus fort que 6 fr. Il demande un droit de 10 fr., et cela ne lui suffit pas ; il lui faut encore un droit progressif pour la baisse tandis que, pour la hausse, le droit est toujours de fr. 3.
On se frotte les mains quand on parle du système français. Mais j’accepterais ce système comme un bienfait à côté de celui que vous allez établir. Votre système amènera des droits plus élevés en Belgique qu’ils ne le sont en France. Il y a une partie de la France où les grains sont à peu près au même taux que chez nous.
Mais il en est une autre où les plus sont plus élevés, c’est dans le midi. Le midi ne peut point produire au même prix, voilà pourquoi les droits sont plus élevés. Si toute la France produisait des grains comme le nord, les droits n’auraient pas besoin d’être aussi élevés. Voilà comment votre système tend à établir des droits relativement plus élevés que ceux qui existent en France.
Prenons un exemple dans la quatrième classe. Quand le froment est arrivé à 20 fr., le droit est de 2 fr. Lorsqu’il arrivé à 21 fr., le droit baisse encore, et il finit pas n’être plus que de 25 centimes, tandis que dans tous les cas vous voulez trois francs.
Vous voulez un droit progressif quand il y a baisse, mais vous ne voulez pas de progression contraire quand il y a hausse.
Messieurs, je vous avoue que je ne trouve pas d’inconvénient à adopter le système de M. le ministre de l'intérieur préférablement à celui de la commission. Le seul avantage que celui-là présente est de faire disparaître le mot prohibition de notre tarif, et de permettre à nos négociants en grains de se laisser aller à des exportations ruineuses. Si j’ai pris la parole, c’est que j’ai voulu faire remarquer où nous allons, et signaler les exigences de plus en plus croissantes du parti vainqueur.
M. Verdussen. - Je viendrai appuyer l’amendement de M. le ministre de l'intérieur pour un motif que l’on n’a pas encore fait valoir.
M. Donny prétend qu’un droit de 6 francs à la sortie des grains indigènes sera inefficace pour en empêcher l’exportation. Cela est possible. Mais alors il nous reste encore la possibilité de frapper une grande mesure qu’il faut réserver pour les cas extraordinaires, et qui est de nature à produire un effet moral, en décrétant la prohibition de la sortie des grains.
M. de Muelenaere a dit que lorsque la nation est menacée d’une disette, ce n’est point par des droits élevés qu’on parvient à rassurer le peuple ; non, mais c’est en faisant impressions sur lui par un grand coup, tel que la prohibition des grains à la sortie, qu’on atteint ce but ; ménageons-nous donc ce moyen plus efficace et ne le consignons pas déjà dans la loi, afin de n’en faire usage que lorsqu’il s’agira de dissiper de vives alarmes, bien qu’elles ne soient presque jamais fondées ; car, dans un pays comme le nôtre, une disette réelle est, pour ainsi dire, impossible et presque toujours factice. Permettez-moi de vous citer un fait qui vient à l’appui de cette opinion et que je me félicite de pouvoir signaler dans cette occasion, puisqu’il servira à prouver que le commerce n’est pas aussi éloigné de venir au secours du peuple qu’on s’est plus à l’insinuer quelquefois.
En 1830, lorsque je faisais partie de l’administration communale d’Anvers, il y eut dans la ville une espèce de disette également factice. La maison commerciale que l’on vous a déjà mentionnée plusieurs fois dans cette discussion, offrit à la régence de livrer à la consommation tous les grains que contenaient ses magasins, à un prix fixe, quelque élevé que pût devenir celui du marché public de la ville. Cette offre acceptée avec reconnaissance, elle ouvrit ses greniers. Dès lors la disette apparente cessa et les paysans qui n’apportaient plus leurs grains au marché se livrèrent de nouveau à leur commerce habituel.
J’ai cité ce fait, pour montrer que le commerce des grains a été loin de montrer cet égoïsme qu’on lui reproche.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si ce droit de maximum et de minimum entraîne la prohibition.
M. Meeus. - Je demande l’appel nominal.
M. Donny. - J’ai eu l’honneur de faire observer que la proposition de M. le ministre de l'intérieur est complexe ; Je demande donc la division du vote, parce que, si j’admets la prohibition pour le maximum, je la repousse pour le minimum.
M. Meeus. - Il s’agit de décider d’abord ce principe. Si la prohibition est repoussée, M. Donny pourra demande la division du vote, sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande que l’on décide d’abord le principe sans division, sans préjudice de la question de division sur ma proposition.
M. d’Huart. - Si j’ai bien compris l’honorable M. Dubus, il n’admet la proposition que dans un cas. Dans un autre cas, il adopte la proposition de M. le ministre de l'intérieur. C’est donc le vote du principe qu’il faut diviser de la manière suivante : Y aura-t-il prohibition lors du maximum ? Y aura-t-il prohibition lors du minimum ?
M. Meeus. - Il me paraît plus simple de mettre aux voix la question comme M. le président l’a posée.
M. de Theux. - Il m’est assez indifférent de quelle manière on votera. Le vote, quelque soit le mode adopté, ne modifiera pas la conviction que chaque membre se sera formée d’avance. Je ferai seulement remarquer qu’aux deux questions posées par M. d’Huart, il faut encore ajouter une troisième : Y aura-t-il prohibition dans les deux cas ?
M. le président. - D’après les observations qui viennent d’être faites, je vais mettre aux voix la question suivante :
Le maximum entraîne-t-il prohibition ?
- Il est procédé au vote sur cette question par appel nominal.
62 membres ont répondu.
1 seul s’est abstenu.
42 ont répondu oui.
20 ont répondu non.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Brixhe, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Dumont, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Milcamps, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Thienpont, Vanderbelen, Vanderheyden, L. Vuylsteke, Zoude.
Ont répondu non :
MM Berger, Cols, Corbisier, Davignon de Brouckere, de Puydt, Devaux, Fleussu, Frisou, Jullien, Lardinois, Legrelle, Meeus Quirini, Rogier, Smits, Ullens, Verdussen, H. Vilain XIIII, Watlet.
M. Fallon. - Je me suis abstenu de prendre part au vote, attendu que je n’ai pas assisté à la discussion.
M. le président. - La chambre passe à la discussion de cette question : Le minimum entraînera-t-il la prohibition ?
- Plusieurs membres. - L’appel nominal.
La chambre procède au vote par appel nominal, en voici le résultat :
63 membres sont présents.
1 membre s’abstient.
62 membres prennent part au vote.
38 ont répondu oui.
24 ont répondu non.
En conséquence, la chambre décide que le minimum entraînera prohibition d’importation.
M. Fallon déclare s’être abstenu parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Brixhe, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Muelenaere, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Doignon, Dubois, Dubus, Dumont, Eloy de Burdinne, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Milcamps, Olislagers, Pirson, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Thienpont, Vanderbelen, Vanderheyden, L. Vuylsteke, Zoude.
Ont répondu non :
MM Berger, Cols, Corbisier, Davignon de Brouckere, W. de Mérode, de Puydt, de Renesse, Devaux, d’Huart, Donny, Fleussu, Frisou, Jullien, Lardinois, Legrelle, Meeus Quirini, Rogier, Smits, Ullens, Verdussen, H. Vilain XIIII, Watlet.
M. le président. - La chambre passe à la discussion du maximum et du minimum.
La commission propose de fixer le maximum à 24 francs.
M. A. Rodenbach propose que le maximum de prohibition à l’exportation soit fixé à 24 francs ; mais que cependant l’entrée des céréales soit libre lorsque le prix de l’hectolitre sera parvenu à 20 francs.
- Cet amendement de M. A. Rodenbach est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre passe à la discussion du minimum.
M. Dumont propose de doubler le droit d’entrée, lorsque le prix des céréales sera descendu au-dessous de 15 fr., et de fixer le minimum à 12 fr.
M. Dumont. - Un orateur a dit tout à l’heure : vous demandez l’augmentation des droits d’entrée, lorsque le prix des céréales est en baisse ; mais vous vous gardez bien lorsqu’il est en hausse de demander l’augmentation des droits à la sortie.
Mais, messieurs, veuillez remarquer que la chambre a plus fait que doubler le droit en décidant qu’au prix de 20 fr. l’hectolitre, les céréales étrangères entreront sans droits en Belgique. Je crois donc qu’il n’y a aucune difficulté à consacrer l’augmentation du droit, lorsque le prix sera descendu à 15 fr. Ce sera un avantage pour le commerce, en ce que cela rendra plus rares les cas de minimum ou de prohibition
M. de Theux. - J’ai une observation à faire en réponse à M. Dumont. Je suis du nombre de ceux qui ont voté pour la proposition de M. A. Rodenbach, consacrant la libre entrée à 20 fr. des céréales étrangères. Or, dans mon opinion l’amendement de M. A. Rodenbach forme un ensemble indivisible. Si vous avez adopté le maximum qu’il propose vous devez également adopter le minimum indiqué dans son amendement, et vous ne pouvez accueillir la proposition de M. Dumont.
M. Dumont. - La chambre n’a pas considéré l’amendement de M. A. Rodenbach comme formant un tout indivisible ; elle a au contraire jugé qu’il présentait deux questions ; elle vient de décider la première et elle s’occupe de la deuxième.
Il s’agit donc seulement de savoir laquelle des deux propositions est la plus avantageuse, ou de celle de M. A. Rodenbach ou de la mienne. La mienne doit, je crois, être préférée, en ce qu’elle rend beaucoup plus rares les cas de prohibition. Car la trop grande fréquence de ces mesures extraordinaires fait le plus grand tort au commerce. Je crois que la chambre peut sans aucun inconvénient, après avoir adopté le maximum de M. A. Rodenbach, adopter le minimum que je propose.
M. d’Huart. - Je crois que contrairement à l’honorable M. de Theux, que parce que vous avez adopté le maximum de M. A. Rodenbach, il faut adopter la proposition de M. Dumont pour établir un système dans la loi.
D’une part, vous avez admis la libre entrée des céréales aux prix de 20 fr. ; c’est quant au maximum.
Il faut donc, quant au minimum, accorder une protection à l’agriculture et laisser un degré entre un taux quelconque, celui de 15 fr. et celui de 12 fr. (taux que j’adopterais) ; entre ces deux chiffres le droit serait double.
Si l’amendement de M. Dumont est adopté, la loi des céréales tant critiquée sera libérale, et ceux qui s’élèvent contre elle, n’auront plus rien à dire : quant à moi, je voterai la loi avec plaisir si l’amendement de M. Dumont est adopté ; si l’amendement est rejeté, je n’accorderai mon vote qu’avec répugnance.
M. A. Rodenbach. - Je me rallie à l’amendement de M. Dumont.
- L’amendement de M. Dumont est adopté.
M. le président. - La discussion s’engage sur le chiffre du maximum et du minimum relativement au seigle.
La section centrale propose 16 fr. pour le maximum et 8 fr. pour le minimum.
M. A. Rodenbach propose de fixer le maximum à 15 fr., et le minimum à 9 fr.
M. Pirson a également présenté un amendement.
M. Pirson. - Je retire tous mes amendements ; la loi est tellement défigurée, qu’on ne peut plus s’y reconnaître.
M. Coghen, rapporteur. - Bien que le projet de loi ne soit plus celui de la section centrale, puisque l’amendement adopté en change le système, je crois de mon devoir d’élever la voix en faveur de cette classe nécessiteuse qui se nourrit uniquement de seigle et qui mérite, sous tant de rapports, une sollicitude toute particulière. Je demande donc qu’on veuille maintenir le maximum à 16 fr. et le minimum à 8 fr. l’hectolitre.
M. Eloy de Burdinne. - L’intérêt de notre industrie de distillerie est engagé dans cette question. Si l’on fait attention à la supériorité de la valeur du seigle étranger, on voit que le droit fixé à fr. 1 50 n’est pas une faveur pour l’agriculture, puisque les seigles de l’étranger pourront toujours être employés dans les distilleries préférablement aux nôtres.
Les localités qui produisent le seigle sont très pauvres, ce sont des terrains de mauvaise qualité, tels que les sables de la Campine. Si vous ne favorisez la vente des seigles des habitants de la Campine, vous ne les forcerez pas à améliorer leurs terres.
Pour obtenir une récolte dans la Campine, il en coûte autant que le produit de cette récolte. C’est avec de la fiente de pigeons que l’on fume les terres ; et pour obtenir un panier de seigle, il faut employer la valeur du grain en fiente de pigeons.
M. le président se dispose à mettre aux voix le maximum proposé par M. Rodenbach.
M. de Muelenaere. - Comme l’a fait remarquer M. de Theux, les deux amendements proposés par M. Rodenbach étaient indivisibles ; si on vote le minimum et qu’on le maintienne à 8 fr., le but de l’amendement sera manqué ; je demande que l’on mette d’abord aux voix le minimum proposé par M. A. Rodenbach. (Adhésion.)
- Le minimum de 9 fr. proposé par M. Rodenbach est mis aux voix et adopté.
Le maximum proposé par l’honorable membre est également adopté.
M. le président. - La chambre passe au troisième numéro du tarif. Orge ou escourgeon par 1,000 kilogrammes : droit d’entrée, 20 francs ; droit de sortie, 25 c. ; droit de transit, 3 francs.
M. Frison. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, l’honorable M. Coghen vous a fait entendre qu’il serait sage de diminuer les droits sur la bière, sinon de les abolir complètement, pour les reporter sur les boissons étrangères ; pour ma part j’adhère à l’opinion émise par cet honorable collègue ; la bière est une boisson saine, d’un usage général en Belgique. C’est un des produits du pays : il est à désirer que la modicité des prix de cette boisson en permette l’usage à l’ouvrier ; moins la bière sera chère, plus il s’éloignera de ces boissons spiritueuses dont l’abus abrutit l’homme et nuit à sa santé.
Un remède immédiat à apporter à l’abus et aux funestes effets des spiritueux est de ne point prendre des mesures qui pourraient faire élever le prix de la bière ; et à quel autre but tendrait l’augmentation que l’on propose d’apporter à l’importation de l’orge ? Il est incontestable que notre agriculture ne peut fournir à nos brasseries toute l’orge dont elles ont besoin : les brasseries de Louvain peuvent à elles seules absorber une grande partie des produits de cette nature qui croissent en Belgique. Il y a cependant des brasseries ailleurs qu’à Louvain ; toutes les villes, tous les villages de notre pays en possèdent ; avec quoi s’alimenteront ces usines si nous n’avons plus l’orge étrangère ?
Remarquez d’ailleurs, messieurs, que les tableaux d’importation que nous avons sous les yeux, prouvent que de toutes les céréales, c’est l’orge et l’avoine qui entrent chez nous en plus grande quantité, et cela par la raison toute simple que notre sol n’en produit pas assez. Le prix de l’orge a-t-il diminué pour cela ? Est-il à un taux préjudiciable au cultivateur ? Nullement, messieurs : l’orge est de tous les grains celui dont la vente est du plus grand produit pour le fermier, et totalement hors de proportion avec le froment et le seigle. Depuis 20 ans au moins l’orge a soutenu son prix favorable : en 1822 seulement elle s’est vendue à fr. 4-65 l’hectolitre pendant un mois ou deux, car au mois de mars de l’année suivante elle s’est écoulée au prix fort élevé de fr. 12-50.
Que l’on ne vienne point prétendre que l’augmentation est si faible que la fabrication de la bière ne pourra s’en ressentir ; compteriez-vous pour rien une augmentation de 45 p. c. sur le droit actuel : messieurs, toute augmentation est nuisible quand elle est inutile, et quelque faible que vous la jugiez, ce que je me permets de contester, elle aura toujours pour résultat de restreindre l’importation ; vous voulez protéger et non prohiber.
D’ailleurs, veuillez remarquer que depuis 20 ans le prix moyen de l’hectolitre d’orge a été de 8 à 9 francs, et qu’à ce taux un hectare d’orge offre autant de bénéfice au cultivateur, si pas plus, qu’un hectare de froment lorsque le prix en est de 18 fr. à l’hectolitre.
J’irai au-devant de cette objection que l’on pourrait me faire que le cultivateur sera engagé à augmenter la production de l’orge ; tous ceux qui ont des connaissances en agriculture savent qu’il faut de l’engrais pour la culture de l’orge, et que l’on ne change pas à son gré les assolements ; il y a une certaine périodicité dont le cultivateur ne peut s’écarter sans se voir exposé à ne retirer aucun produit de ses terres, et à les fatiguer ; c’est une considération que vous a déjà fait valoir l’honorable M. Dumont, et je ne pourrais rien y ajouter. En présence de pareils faits porterez-vous à fr. 1-20 par hectolitre le droit actuel de 82 centimes ?
Il est donc inutile de surcharger une matière première dont nous ne pouvons nous passer, surtout lorsqu’un droit plus élevé d’importation aurait pour effet d’augmenter le prix de la bière, ce que je ne crois nullement dans vos intentions. Une pareille mesure serait d’autant moins justifiée que la culture de l’orge est suffisamment protégée par le tarif actuel, et que cette espèce de céréale aura toujours un écoulement assuré à un prix favorable au cultivateur. J’espère, messieurs, que vous adopterez l’amendement que j’ai l’honneur de vous soumettre.
M. le président. - j’ai commis une erreur relativement à la proposition de M. Rodenbach. Le maximum qu’il propose pour la prohibition du seigle à la sortie n’est pas 15 francs, mais 17 fr. 15 francs est le taux auquel il propose de permettre l’entrée sans droit.
Plusieurs membres. - On a voté.
M. Dubus. - Si on remet aux voix le maximum, il faut aussi remettre le minimum, car on n’a augmenté le maximum d’un franc, que par la raison qu’on baissait le maximum.
Si maintenant vous élevez le maximum, on doit examiner s’il n’y a pas lieu de baisser le minimum au taux proposé par la section centrale.
- Plusieurs membres. - Le maximum de 17 fr. ne s’applique qu’à l’exportation.
M. A. Rodenbach. - J’ai proposé de laisser entrer le seigle sans droit lorsqu’il est à 15 fr., c’est-à-dire à un franc plus bas que ne le proposait la section centrale. Mais ensuite, pour ne pas nuire au commerce, je lui laisse la faculté d’exporter jusqu’à 17 francs.
- La chambre vote de nouveau sur la proposition de M. Rodenbach relativement au seigle.
Elle maintient le chiffre du minimum à 9 fr., fixe le maximum pour l’exportation à 17 fr. et établit la libre entrée à 15 fr.
M. le président. - Nous reprenons l’orge ou escourgeon.
La section centrale propose de fixer le droit d’entrée à 20 fr. par 1,000 kil., le droit de sortie à 25 c., et le droit de transit à 3 francs.
M. le rapporteur se rallie à l’amendement de M. Lardinois qui propose de fixer le droit de transit à 50 c.
M. Frison a proposé de maintenir sur l’orge les droits existants.
M. Coghen, rapporteur. - Les explications que la commission d’industrie et la section centrale se proposaient de donner sur les différents articles du tarif, étaient dans sa pensée mieux placées dans la discussion qui devait s’ouvrir sur chacun des objets en particulier que de les donner dans une discussion générale où elles auraient pu passer inaperçues.
J’avoue que l’importation de l’orge étrangère a été très considérable. Si votre commission a décidé une légère majoration de droits, c’était dans l’idée d’en stimuler la production. Il est impossible à notre agriculture de rivaliser avec les quantités considérables qui sont jetées sur nos marchés et vendues à de vils prix.
Pour m’appuyer sur un exemple, je citerai que la semaine dernière, au marché de Bruxelles, l’orge de la Frise a été vendue à 6 fr. 40 c. par hectolitre. Sans songer à faire une loi fiscale, il était tout naturel que la section centrale et la commission d’industrie, voulant protéger notre agriculture, majorât le droit actuel, nouveau droit qui ne représente qu’une protection en sa faveur de 14 p. c. au prix actuel et de 12 p. c. sur le prix moyen de 10 ans. Certes il n’y a là aucune exagération. Il serait impossible de rien concéder de moins à l’agriculture.
M. Desmanet de Biesme. - Comme l’honorable M. Frison pense qu’il ne faut pas entraver la fabrication de la bière, je vois avec peine qu’à cause de son bas prix le genièvre remplace la bière qui est la boisson habituelle des habitants. Mais je crains que sa proposition ne remplisse pas son but.
A la vérité l’orge entrera avec plus de facilité en Belgique, si on n’augmente pas le droit, mais je crains qu’on en cultive beaucoup moins. Vous savez que c’est un des grains qui demandent le plus de frais de culture et qui donne fort peu de paille. Depuis quelques années, on récolte moins d’orge et le froment et le seigle étant protégés par la loi que vous votez, si la culture de l’orge ne l’est pas, on s’y livrera moins encore, et le but de l’honorable M. Frison, comme je le disais tout à l’heure, sera manqué. Je désirerais que quelque personne plus versée que moi en agriculture voulût bien donner quelques explications à cet égard.
M. A. Rodenbach. - Si j’ai bien compris l’honorable député de Charleroy, il a demandé que le droit actuel sur l’orge et l’avoine soit maintenu. Je dois dire qu’en Belgique nous ne recueillons pas assez d’orge et d’avoine pour la consommation du pays. Cela paraît prouvé par le mouvement commercial que nous trouvons dans les journaux des ports de mer.
Puisque nous devons faire venir de l’étranger l’orge et l’avoine pour alimenter nos fabriques et nourrir nos chevaux, je n’appuierai pas l’amendement du député de Charleroy, mais je proposerai de majorer seulement de 10 p.c. le droit actuel.
M. Eloy de Burdinne. - Je n’ajouterai rien à ce qu’a dit l’honorable député de Namur sur la culture de l’orge. Mais je dirai que la diminution du droit sur cette denrée ne signifie rien quant au prix de la bière. Tout tournera à l’avantage des brasseurs.
Je désirerais vivement que l’agriculteur pût boire de la bière. Ce sera une question à résoudre quand il s’agira du budget des finances. L’orge en 1822 se vendait 18 francs l’hectolitre. Pour faire un tonneau de bière de Hoogaerde, ou y emploie un demi-hectolitre d’orge. Le tonneau se vendait 13 francs à cette époque. Aujourd’hui que la différence en moins dans le prix de l’orge est de 6 francs par hectolitre, le prix de la bière n’a pas baissé. Tout l’avantage de la diminution est en faveur du brasseur et pas du tout en faveur du cultivateur, comme le croit le représentant du Hainaut. Je demande donc le maintien du droit.
M. Frison. - L’honorable M. Eloy de Burdinne se trompe en disant que la diminution du prix de l’orge n’a pas diminué le prix de la bière. Il ne fait pas attention que depuis 1822 le prix du houblon a augmenté considérablement, et a empêché les brasseurs de livrer la bière à meilleur compte.
M. Quirini. - Il faut, messieurs, que nous restions conséquents avec nous-mêmes. En parcourant l’exposé des motifs du projet de M. Eloy de Burdinne et ceux qui accompagnent le projet de la section centrale et de la commission d’industrie, j’y ai trouvé que la mesure que nous allons adopter est fondée sur la seule considération qu’il faut protéger l’agriculture contre l’importation étrangère.
Le projet de loi introduisant un tarif de douanes tout à fait nouveau, j’aurais désiré trouver dans les rapports les considérations que la section centrale pouvait avoir à faire valoir pour imposer un droit sur telle ou telle espèce de céréales. J’y ai lu seulement que toutes les majorations de droit ont été adoptées par les membres de la section centrale, après un examen mûr et réfléchi. Et lorsque l’honorable M. Frison présenta dans une séance précédente un amendement tendant à modifier le tarif en ce qui concerne l’impôt sur l’orge et l’escourgeon, je n’ai pas été peu surpris d’entendre M. le rapporteur déclarer tout simplement que la section centrale avait cru devoir le rejeter sans nous donner plus d’apaisements à cet égard.
Quel est le but que l’on se propose dans le projet en discussion ? De favoriser l’industrie agricole contre l’importation étrangère. On a demandé que le seigle et le froment fussent frappés d’un droit à l’entrée, parce que les produits de l’agriculture indigène se vendaient à un prix trop bas. Peut-on invoquer une semblable raison, lorsqu’il s’agit de l’escourgeon et de l’orge dont notre pays est loin de produire la quantité nécessaire à l’exploitation de nos brasseries ? Il est évident qu’il n’y a pas identité dans les deux cas.
Il ne faut pas se le dissimuler, messieurs, si vous adoptez cette majoration, vous ne faites plus une loi protectrice. Vous faites une loi fiscale.
On vient de dire que si l’on fait un changement au tarif proposé en ce qui concerne l’orge, les bénéfices qui en résulteraient seraient uniquement à l’avantage des brasseries. Je vous le demande, messieurs, existe-t-il des motifs suffisants dans l’intérêt de notre industrie agricole, pour frapper l’orge d’un droit d’entrée, pour grever nos brasseries d’un droit plus élevé qu’actuellement ?
Messieurs, je le répète, les auteurs du projet en discussion nous ont dit et n’ont pas cessé de répéter, dès le commencement de cette discussion, que la loi actuelle n’est point une mesure fiscale, mais qu’elle est commandée uniquement par l’intérêt de l’agriculture. Eh bien, restons donc conséquent avec nous-mêmes : s’il faut un droit protecteur, décrétez-le là où l’intérêt de l’agriculture l’exige, mais ne l’étendez point pour le bon plaisir de gêner une industrie aussi importante que la fabrication de bière : notre pays produit plus de froment et de seigle qu’il ne peut consommer ; il faut donc empêcher que les denrées de cette espèce ne soient facilement importées de l’étranger et vendues sur nos marchés à un taux moins élevé que nos productions indigènes ? Soit ; mais faut-il étendre cette mesure à la matière première d’une de nos plus importantes industries, les principes d’économie politique ne commandent-ils pas plutôt d’appliquer un système diamétralement opposé et de faciliter l’entrée d’une denrée dont nous avons un besoin indispensable !
Messieurs, on vient de vous le dire, si vous majorez le droit qui est établi actuellement sur l’importation de l’orge, vous frappez d’un nouvel impôt nos fabrications de bière, et je vous le demande, croyez-vous qu’il soit équitable d’augmenter l’impôt qui grève actuellement cette industrie, une des plus importantes de notre pays ?
Une vérité incontestable et qui a été démontrée jusqu’à satiété dans une requête que les brasseurs de la ville de Louvain ont adressée tout récemment à la chambre, c’est que la fabrication de nos bières est trop fortement imposée ; on ne saurait contester que la nouvelle loi sur les distilleries a rompu l’équilibre, et que l’impôt qui frappe actuellement les brasseries, n’est plus en rapport avec l’accise sur les eaux-de-vie de grains ; cet état de choses est désolant pour la morale publique, et s’il devait se perpétuer, il serait vrai de dire que vous auriez détourné le peuple de l’usage de la bière, et que vous l’auriez excité à la remplacer par des liqueurs spiritueuses.
Vous voulez favorisez l’agriculture : est-ce donc en frappant la matière première qui sert à la fabrication de nos bières que vous parviendrez à ce résultat ? Vous voulez favoriser l’agriculture : mais diminuez donc, plutôt que de l’augmenter, l’impôt exorbitant qui accable nos brasseries ; mais dites-vous, l’augmentation sera peu sensible, influera fort peu sur les prix des bières ; mais ce n’est pas là répondre à la question, c’est la tourner : y a-t-il nécessité d’établir un droit protecteur contre l’importation de l’orge étrangère, alors qu’il est constant et reconnu par les défenseurs du projet que notre pays n’en produit pas assez pour les besoins de nos brasseries, et que cette denrée se vend et s’est toujours vendue à un prix très raisonnable sur nos marchés : si cela est, il faut donc bien reconnaître que votre droit n’est plus protecteur, et qu’il se réduit à une mesure purement fiscale dont tout l’avantage sera de nuire à une industrie indigène et de tourner au préjudice de l’agriculture.
L’industrie de nos brasseries est d’une extrême importance, et pour ma part, supposât-on qu’en maintenant le droit actuel sur l’orge, il en résultât un avantage, l’avantage serait tout entier en faveur de l’agriculture. La fabrication de la bière est intimement liée avec la prospérité agricole, et l’on ne peut séparer l’une de l’autre.
J’appuie de toutes mes forces l’amendement qui vous est présenté par l’honorable M. Frison.
M. Eloy de Burdinne. - Plus l’impôt sur les bières sera peu élevé, plus le brasseur en profitera. Mais jamais le consommateur n’en tirera de l’avantage. La preuve en est dans les grains que font les brasseurs qui, tout en élevant des plaintes, ne retirent pas moins de leurs exploitations de gros bénéfices.
M. Desmanet de Biesme. - L’honorable Eloy de Burdinne n’a pas bien saisi la question. On ne veut pas protéger les brasseurs, mais on veut protéger le consommateur pour une denrée que la Belgique ne fournit pas en assez grande abondance.
C’est un malheur pour le pays de voir l’eau-de-vie à très vil prix, et de voir la bière à un prix aussi élevé. Je voterai pour toutes les lois qui donneront au peuple la faculté de boire de la bière. J’appuierai la proposition de M. Frison.
M. Quirini. - J’ai établi que notre pays ne produit pas assez d’orge, que toute l’orge que notre pays produit peut être vendue sur nos marchés. J’ai fait sentir à la chambre qu’aucun des arguments présentés en faveur d’un droit sur le seigle et le froment ne peut être mis en avant lorsqu’il s’agit de l’orge. On s’est borné à me répondre, que ces mesures, en résultat, favorisaient les brasseurs sans apporter une diminution dans le prix de la bière.
Voyez donc, messieurs, le grand mal qui en résulterait. Est-ce que par hasard la prospérité de nos brasseurs causerait de l’ombrage ? Y a-t-il quelque danger à favoriser cette industrie qui a tant souffert et qui a perdu une grande partie de son importance par suite des droits exorbitants dont elle a été frappée ? Pour moi j’ai toujours cru qu’on ne saurait l’encourager assez dans l’intérêt même de l’agriculture que l’on prend tant à cœur de défendre dans cette discussion. Aussi longtemps que l’on n’aura pas prouvé que la culture de l’orge a, comme la culture du froment et du seigle, besoin d’une protection spéciale, je maintiendrai que la loi actuelle n’est pas une loi dans l’intérêt de l’agriculture, mais que c’est une loi purement fiscale, parce que les observations que j’ai présentées tantôt n’ont nullement détruit cette opinion.
M. Dumont. - Il y a une autre considération à examiner en faveur de l’amendement de M. Frison. La bière est un objet important du commerce indigène. Je sais qu’on en exporte des quantités considérables.
Mais si vous grevez cette industrie d’un droit trop fort à la sortie, vous la gênez en empêchant l’exportation.
J’ai désiré un droit à l’entrée sur les céréales étrangères dans l’intérêt du producteur et par compensation dans l’intérêt du consommateur, vous avez dû, dans certaines limites, établir un droit à la sortie. Mais ici vous n’avez pas les mêmes motifs. Il s’agit de matières premières insuffisantes pour alimenter nos fabriques. Il est, je crois, d’une bonne politique d’attirer ces matières premières : c’est une manière de protéger nos fabriques. Je voterai pour l’amendement de M. Frison.
- L’amendement de M. Frison est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre passe à la discussion du droit de sortie sur l’orge ; la section centrale propose qu’il soit de 25 c.
M. d’Hoffschmidt. - Hier, le droit de sortie sur le froment et le seigle est passé inaperçu. Je ne reviendrais pas sur ces dispositions adoptées, si déjà la chambre n’était pas revenue sur la proposition de M. A. Rodenbach qui a été mise deux fois aux voix.
Le droit de 25 centimes que l’on veut établir est très nuisible. Ses inconvénients sont loin d’être compensés par le seul avantage qu’il présente, celui de la statistique. On ne se figure pas combien grande est la gêne que ce faible droit impose aux cultivateurs.
Dans les ports de mer il est très facile de constater la sortie ; là il n’y a aucune difficulté ; mais sur la frontière de terre il y en a beaucoup. Je citerai le Luxembourg qui dans les années de grande abondance exporte aussi des grains ; cette province a 38 lieues de frontières, et sur cette ligne il n’y a que 8 bureaux de douanes. Voyez quel long détour auront à faire les cultivateurs pour aller trouver le bureau de douanes, lorsqu’ils voudront conduire des céréales en France. Le détour sera souvent de 5 ou 6 lieues, et cela pour payer un droit de 25 c.
M. de Theux. - On ne peut revenir sur cette question, elle a été décidée.
M. d’Hoffschmidt. - La chambre peut revenir sur ce vote puisqu’elle est revenue sur d’autres. Toute la question est donc de savoir si on doit sacrifier aux intérêts des cultivateurs les seuls qu’on puisse leur opposer, ceux d’une statistique souvent infidèle. La question est assez importante pour que la chambre puisse revenir sur sa décision.
M. le président. - Je pense que M. d’Hoffschmidt n’a pas eu l’intention de m’inculper lorsqu’il a fait observer que la proposition de M. A. Rodenbach avait été mise deux fois aux voix. La première fois par inadvertance, par une erreur qui peut arriver à tout le monde, j’avais mis aux voix, au lieu de l’amendement de M. A. Rodenbach, une disposition avec laquelle il n’avait aucun rapport.
M. d’Hoffschmidt. - Je n’ai nullement eu l’intention d’inculper notre honorable président. je n’ai cité cet exemple que pour démontrer que la chambre pouvait revenir sur l’espèce d’erreur qu’elle a commise ; car je crois qu’elle a voté en masse le droit de sortie.
M. Coghen, rapporteur. - Tout à l’heure la chambre a décidé que le droit d’entrée sur l’orge serait de 13 francs. Mais si vous entendez maintenir l’ancien droit, il excède 13 fr. Car il est de 6 florins 50 cents.
- Un membre. - La chambre a entendu maintenir l’ancien droit.
M. de Theux. - J’invoque le règlement pour que cette discussion cesse. Si on revient sur les propositions déjà adoptées, nous ne terminerons jamais. Quant au fonds, il n’est pas venu de réclamations de la part du commerce, il n’y a donc pas de motif pour supprimer le droit de sortie.
M. d’Hoffschmidt. - Il s’agit de savoir s’il est ou non avantageux de supprimer le droit à la sortie. L’honorable préopinant s’il n’approuve pas ma proposition, aurait dû la combattre, plutôt que de chercher à l’éliminer en invoquant le règlement. On me dit qu’on ne peut pas revenir sur un vote consommé, soit ; eh bien, je n’applique ma proposition qu’aux droits de sortie sur l’orge et les autres grains sur lesquels la chambre n’a pas encore statué.
M. de Theux. - Il est constant que la question dont s’occupe M. d’Hoffschmidt a déjà été décidée par la chambre. J’invoque les dispositions du règlement qui ne permet pas de revenir sur un vote consommé.
M. d’Hoffschmidt dit que je ferais mieux de combattre sa proposition au fonds, qu’il ne s’agit pas du règlement, mais de savoir si sa proposition est utile en elle-même. C’est un argument que l’on peut présenter à l’appui de toute proposition quelque contraire qu’elle soit au règlement. Dès lors, vous pouvez supprimer le règlement. Si au contraire on veut le maintien du règlement, on ne peut s’occuper maintenant de la proposition de M. d’Hoffschmidt ; il faut en remettre la discussion au deuxième vote.
- Le droit de 25 centimes à la sortie est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. Lardinois propose un droit de 50 c. pour le transit de l’orge.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - La chambre passe au droit sur la drêche (orge germée.)
La section centrale propose : droit d’entrée, 20 fr. ; droit de sortie, 25 c. ; droit de transit, 3 fr.
M. Lardinois propose : droit d’entrée, 12 fr. ; droit de sortie, 25 c. ; droit de transit, 50 c.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je pense qu’il y a erreur dans le projet de la section centrale. On a substitué 1,000 kil. au last ; or le last est de 2,100 kil. D’un autre côté, la section centrale a doublé le droit. Par le fait, il est donc quadruple. Je voudrais bien avoir à cet égard une explication de M. le rapporteur.
M. Coghen, rapporteur. - L’ancien tarif, tel qu’on l’avait fait en rédigeant la loi, était fautif ; car il n’y avait aucune proportion entre l’orge et la drêche, qui n’est après tout que de l’orge germée. On avait proposé un droit sur l’orge de 20 fr. par 1,000 kilog. Vous venez, messieurs, de décider que ce serait l’ancien droit qui serait maintenu, soit 13 fr. 25 c. par 1,000 kil., pour conserver la proportion qu’il y a entre l’orge germée et l’orge dans son état naturel. J’ai tâché, mais vainement, de découvrir par les recherches que j’ai faites, quel a pu être le motif qui a guidé les anciens états-généraux dans l’établissement d’un droit aussi disproportionnel pour la drêche avec celui établi sur l’orge.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il a y, il me semble, trop de différence entre le droit que l’on propose aujourd’hui sur la drêche et le droit établi dans l’ancien tarif. En calculant d’après la mesure du last, le droit serait presque triple. Je demande que l’on remette à demain la discussion sur cette partie du tarif. (Oui ! oui !)
M. Coghen, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur n’apprécie pas bien la valeur du last.
- La séance est levée à quatre heures et demie.