(Moniteur belge n°155, du 4 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à midi.
M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’avant-hier ; il est adopté sans réclamation.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Les régences des communes composant le canton d’Everghem adressent des considérations en faveur du projet présenté par M. Desmet. »
- Renvoyée à la commission chargée d’examiner les propositions de MM. Desmet et Dewitte.
« Les notaires de l’arrondissement de Courtray proposent des modifications à la loi organique du notariat. »
« Les régences des communes composant le canton de Glabbeck demandent le maintien de ce canton. »
« Les régences des communes composant le canton de Léau réclament contre le projet de suppression de ce canton. »
- Ces trois pétitions sont renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des juges de paix.
M. Desmaisières demande un congé.
- Accordé.
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a considéré la disposition présentée par M. Fleussu comme inutile ; en effet, les conflits d’attributions sont déférés à la cour de cassation ; et en ce qui concerne les actes qui blessent l’intérêt général, il est impossible de comprendre sous cette dénomination les décisions qui ont pour objet des droits des particuliers. Il suffit que la loi ne donne pas au Roi le droit de prononcer en dernier ressort sur cet objet.
D’autres membres ont craint d’admettre une disposition générale de laquelle on pourrait peut-être tirer des conséquences préjudiciables en ce qui concerne l’intérêt général dont le maintien est confié au pouvoir exécutif.
D’après ces motifs, la section centrale pense qu’il n’y a pas lieu d’adopter la proposition.
M. Fleussu. - Je demande la parole.
- Plusieurs membres. - L’impression.
M. Fleussu. - C’est pour m’opposer à l’impression que je demande la parole. D’après les explications fournies aujourd’hui par l’honorable rapporteur de la section centrale, les renseignements donnés précédemment par M. le ministre de l’intérieur, j’ai atteint le but que je m’étais propose ; je retire donc mon amendement.
M. le président. - La chambre a à discuter maintenant l’article 43 du projet du gouvernement (44 de la section centrale) ; cet article avait été ajourné jusqu’à ce que la chambre se fût prononcée sur la question du gouvernement. Voici le texte du projet du gouvernement :
« Art. 43. La durée de la session ordinaire est de quinze jours ; elle ne peut être augmentée ou diminuée que de commun accord entre le gouverneur et le conseil. »
L’article est ainsi conçu dans le projet de la section centrale :
« Art. 44. La durée de la session ordinaire est de quinze jours ; elle ne peut être diminuée que de commun accord entre le gouverneur et le conseil ; elle peut être augmentée de huit jours par décision spéciale du conseil, mais elle ne peut être continuée au-delà de ce terme sans le consentement exprès du gouverneur. »
M. H. Dellafaille - Je remarque que le rapport de la section centrale ne contient pas des motifs très étendus à l’appui de l’amendement qu’elle présente sur cet article, amendement qui fut proposé par la sixième section, et peut-être par quelques autres.
La section centrale a cru qu’un délai pouvait ne pas toujours suffire au conseil provincial pour se prononcer sur les questions qui lui sont soumises. En effet, dans ces 15 jours le conseil a à voter un budget, examiner des comptes, adopter des projets de police intérieure de la province ou toute autre mesure d’intérêt provincial. Si vous limitez la durée de la session à 15 jours, le conseil ne pourra que s’en rapporter à la commission chargée de l’examen de ces projets ; elle ne pourra pas voter en connaissance de cause : c’est pour cela que la section centrale a voulu qu’on donnât au conseil la faculté de prolonger de 8 jours la durée de sa session. Elle a jugé que ce délai serait habituellement suffisant, et elle avait fait intervenir l’approbation du gouverneur pour le cas où il serait nécessaire de le prolonger encore.
Tels sont les motifs qui ont déterminé la section centrale dans sa proposition. Si M. le ministre de l’intérieur ne s’y rallie pas, je désirerais qu’il en expliquât le motif et qu’il voulût bien prouver que, dans un délai de 15 jours, le conseil pourra toujours examiner avec maturité toutes les questions sur lesquels il est appelé à se prononcer.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne chercherai pas à prouver qu’une session de 15 jours suffira toujours au conseil provincial pour traiter toutes les questions qui rentrent dans les attributions ; à cet égard je ne pourrai déférer au vœu de l’honorable préopinant, mais je ferai observer que d’après le projet du gouvernement le délai de 15 jours peut être augmenté de commun accord entre le gouverneur et le conseil. Et je ne vois pas quant à moi par quel motif le gouverneur s’opposerait à ce que le conseil continuât de siéger s’il ne voulait s’occuper que d’intérêts d’administration provinciale.
Depuis la résolution de la chambre qui a rejeté le droit de dissolution en ce qui concerne les assemblées provinciales, je crois que l’article 43 doit être plus fortement maintenu par le gouvernement qu’il ne lui eût fait si le droit de dissolution lui eût été accordé.
De deux choses l’une : ou le conseil voudra continuer la session dans un intérêt purement administratif, et dans ce cas, comme je l’ai dit, le gouverneur n’a aucune raison plausible pour s’opposer à la prolongation de sa session ; ou il a en vue des intérêts extra-administratifs, des intérêts politiques, et alors il est nécessaire que le gouvernement puisse s’opposer à une telle prolongation.
Un tel droit n’existait pas sous l’ancien gouvernement ; aujourd’hui les chambres législatives ne peuvent pas siéger 24 heures de plus qu’il ne plaît au gouvernement ; il a le droit de les ajourner, de les dissoudre. Vous avez refusé au gouvernement le droit de dissoudre les conseils provinciaux : si vous voulez faire de ces conseils des assemblées privilégiées, exceptionnels, accordez-leur encore le droit de prolonger leur session de 8 jours malgré le gouvernement ; accordez-leur un privilège que la constitution a refusé aux chambres législatives.
Si vous adoptez cette disposition de la section centrale, si vous accordez au conseil provincial le droit de prolonger la session de 8 jours malgré le gouvernement, vous établissez entre eux une sorte de conflit qui aura de grands inconvénients. Quant au gouvernement, maintenant que le droit de dissolution n’existe plus, il lui est impossible de consentir à ce que le conseil provincial puisse siéger pendant 8 jours malgré lui et jouir ainsi d’un droit que les chambres elles-mêmes n’ont pas.
M. Jullien. - Il semblerait à entendre M. le ministre de l’intérieur, que le délai de 15 jours est sacramental et que la chambre ne peut pas l’augmenter. Or, si on reconnaît que le terme de 15 jours n’est pas suffisant, que celui de trois semaines soit nécessaire, il n’y a rien qui empêche de fixer à trois semaines la durée des sessions.
L’expérience prouve que presque tous les conseils se séparent d’ordinaire sans avoir délibéré et voté sur les plus importantes des questions qu’ils doivent résoudre. C’est sans doute cette expérience qui a déterminé la section centrale à donner aux conseils provinciaux la faculté de prolonger la session jusqu’au terme de 3 semaines. C’est une question de convenance, de respect pour ces autorités.
Le conseil ne doit pas avoir besoin pour cette prorogation de solliciter humblement la permission du gouverneur, car, dans l’ordre hiérarchique des pouvoirs le conseil provincial est au-dessus du gouverneur. Je voterai pour l’amendement proposé par la section centrale.
M. A. Rodenbach. - Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant ; l’expérience a prouvé aussi qu’au bout de 8 ou 10 jours, sous le précédent gouvernement, les travaux des assemblées provinciales étaient terminés. J’en appelle sur ce fait à plusieurs de nos collègues ; Nous sommes tous convaincus que les conseils provinciaux ne doivent s’occuper que d’intérêts provinciaux, qu’ils ne doivent pas s’occuper de politique ; eh bien, si au bout de 15 jours, ils n’ont pas achevé, le gouverneur est lui-même intéressé à ce que la session se prolonge de huit jours. Il n’est pas nécessaire que le conseil provincial ait lui-même le droit de prolonger la session.
M. Dubus. - J’ai entendu M. le ministre de l’intérieur faire remarquer que la disposition proposée par la section centrale n’existait pas dans les anciens règlements : ainsi, selon M. le ministre il y avait un terme fixé de 15 jours, au bout duquel la session provinciale était close et ne pouvait être prolongée sans l’autorisation du gouvernement ou du gouverneur. J’ai recouru à l’ancien règlement, et je n’y ai pas trouvé la règle indiquée par le ministre ; mais j’y ai trouvé une règle beaucoup plus large que celle présentée par la section centrale. Il paraît que l’on veut garrotter les conseils provinciaux bien plus que ne l’ont été les défunts états provinciaux.
L’article 67 des anciens règlements est ainsi conçu : « L’assemblée annuelle ordinaire se tiendra le premier mardi du mois de juillet. Cette assemblée ordinaire ne pourra être close que le quinzième jour après son ouverture, à moins que le gouverneur et les états ne trouvent, de commun accord, que cette clôture puisse se faire plus tôt. »
On fixe ici le minimum de la durée de la session, et on ne fixe pas le maximum ; ainsi la session pouvait se prolonger pendant plusieurs semaines.
L’article 86 est ainsi conçu : « Les assemblées des états ne pourront se séparer par ajournement, ou sans quelque autre dénomination, à l’effet de se réunir de nouveau après un certain nombre de jours, si ce n’est pour huit jours au plus, sans l’autorité expresse du Roi.
« Si des circonstances très particulières faisaient regarder un ajournement comme nécessaire ou utile, le gouverneur demanderait, en temps utile, l’assentiment du Roi à cet égard. »
Non seulement le maximum de la durée de la session n’était pas déterminé, mais le conseil pouvait s’ajourner à 8 jours sans autorisation ; c’était pour un ajournement plus long que 8 jours que l’autorisation était nécessaire.
Je vous demande si on a abusé de ces règles ? L’honorable préopinant a dit que les sessions ne duraient que 8 jours ; cela est vrai, surtout pour la province du Hainaut ; mais c’était un scandale. L’assertion de l’honorable préopinant prouve que les états provinciaux ne peuvent donner d’inquiétude au ministère ; que les conseils provinciaux sont toujours pressés de terminer leurs travaux et sont peu disposés à les prolonger.
Anciennement l’empressement des conseils provinciaux à terminer leur session était tel que le gouverneur avait soin de préparer les travaux de manière qu’on n’eût qu’à voter ; et l’on votait sans examen ; du moins il en était ainsi dans le Hainaut. Si c’est cela que l’on veut, je conviens que le terme de 15 jours est suffisant. Si l’honorable préopinant veut nous reporter à cette façon d’administrer la province, il peut borner la session à huit jours. Mais si nous voulons que les conseils provinciaux examinent, discutent, s’éclairent, nous devons voter l’adoption de la disposition proposée par la section centrale, disposition qui, je le répète, donne aux sessions une limite qui n’était même pas dans les anciens règlements.
M. Devaux. - Ou je lis bien mal ou l’honorable préopinant se trompe.
D’après l’article 67 des anciens règlements l’assemblée annuelle ordinaire des états provinciaux avait lieu le premier mardi de juillet ; cette assemblée ne pouvait être close que le quinzième jour après son ouverture ; mais ; qui est-ce qui peut clore ? C’est le Roi ; aussi au bout de 15 jours la clôture peut avoir lieu ; et cette limite qu’on ne trouvait pas y est bien réellement.
M. Jullien. - Raison de plus pour admettre la disposition de la section centrale.
M. Devaux. - Je crois que nous sommes à peu près d’accord sur ce point, qu’un conseil provincial ne peut se prolonger indéfiniment, ne peut se prolonger un mois, deux mois : nous ne voulons pas qu’il y ait en même temps, dans le pays, plusieurs chambres délibérantes pendant que nous délibérons.
Si le terme de 15 jours est insuffisant pour terminer les travaux de l’assemblée provinciale, on prolongera la session : supposons que le conseil n’ait pas voté le budget provincial au bout de 15 jours ; le gouvernement aura la main forcée ; il faudra bien qu’il prolonge la durée de la session. J’ai même des inquiétudes à cet égard, car un conseil provincial pourra prolonger sa sessions autant qu’il le voudra, en ne votant pas son budget.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si l’on peut nous reprocher des inquiétudes relativement aux conseils provinciaux, à notre tour nous serions en droit de reprocher à l’un des honorables préopinants les inquiétudes qu’il manifeste relativement aux rapports entre le gouverneur et le conseil provincial. Ses inquiétudes sont telles qu’elles lui font lire dans les anciens règlements des choses qui n’y sont pas. M. Devaux vient de rappeler à l’honorable M. Dubus les articles 67 et 68 de ces anciens règlements ; l’article 66 dit que toutes les assemblées seront ouvertes et closes de la part du Roi : le Roi, pouvait clore après le quinzième jour de la session.
Les états pouvaient bien, pendant la durée ordinaire de leur session, s’ajourner ; mais ils ne pouvaient le faire pour plus de huit jours sans l’autorisation du Roi.
Remarquez de plus que les états provinciaux étaient présidés par le gouverneur qui y avait voix délibérative, et qui même, aux termes des instructions données aux gouverneurs, y avaient voix décisive ; aujourd’hui ces assemblées sont présidées par un de leurs membres qu’elles choisissent : le gouverneur a perdu toute espèce d’influence sur les délibérations des conseils provinciaux.
Je n’aurais pas attaché tant d’importance à la proposition de la section centrale si elle s’était présentée avec un caractère hostile au gouvernement.
Le gouvernement demandait que la prorogation de la session provinciale ne se fît qu’avec l’assentiment du gouverneur ; la section centrale a dit : nous voulons que la session puisse être prolongée sous le consentement du gouverneur. Il y a là quelque chose d’hostile envers la haute administration ; tel est du moins le sens que nous devons attribuer à la proposition de la section centrale.
M. Gendebien. - Messieurs, je viens appuyer la proposition de la section centrale.
Il est vraiment étonnant que depuis trois semaines le gouvernement se montre hostile envers toute la nation. A entendre les ministres, la nation se compose d’une agglomération de brutes, de stupides, d’hommes qui n’entendent rien dans leurs propres affaires, et que le gouvernement, isolé de tous les intérêts de localité, qu’il ne peut connaître, quelle que soit son habileté, ignorant tout ce qui se passe même dans la ville qu’il habite, ne pouvant juger les choses qu’au travers du prisme de l’intrigue, de la suggestion, souvent de la malveillance ; que le gouvernement dis-je, prétend connaître mieux les véritables intérêts des provinces que les habitants de ces provinces eux-mêmes.
Toute la loi est faite avec cet esprit de défiance envers les administrés, avec ce sentiment de supériorité que je serais disposé à reconnaître dans chacune des personnes qui composent le ministère, si je ne sais pas qu’on peut être très habile dans son cabinet, et ne pas avoir la prétention de connaître les divers intérêts particuliers qui se rattachent à l’administration provinciale.
Une autre pensée du ministère domine dans cette discussion. C’est cet esprit de centralisation ; on ne fait et on ne fera rien de bien que conformément au bon plaisir, je ne dis pas du ministère, mais même d’un chef de bureau, car encore une fois, quelque habile qu’il soit, le ministre ne peut tout faire par lui-même. Ainsi vous voulez qu’un chef de bureau qui souvent n’envisage ses fonctions que sous le point de vue de recevoir à la fin du mois son traitement, qui ne peut connaître tous les intérêts de la province, montre plus d’esprit pour les apprécier, que toutes les personnes qui y sont directement intéressées.
Le ministre a aussi cette pensée que les provinces peuvent se montrer hostiles au gouvernement ; on ne voit partout que des ennemis ; mais mon Dieu, des ennemis ! S’il en était ainsi, s’il était vrai que vos inquiétudes fussent réelles, quelle conséquence pourrait-on en tirer ? C’est que le gouvernement est hostile au pays. Comment voulez-vous, en effet, que quatre millions se constituent en état d’hostilité contre le pouvoir, si le gouvernement inspirait de la confiance aux administrés ? En vérité, vous devez, pour votre honneur, montrer moins d’inquiétudes et moins de susceptibilités.
Après avoir restreint extrêmement les délibérations des conseils de la province, après avoir établi un veto sur les actes les plus simples, après avoir privé les administrations provinciales de toute espèce de liberté, après les avoir contraintes (ce qui serait facile à démontrer), à demander l’autorisation du pouvoir central, même pour vendre trois arbres.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il n’en sera pas ainsi.
M. Gendebien. - M. le ministre me force à prouver ce que j’avance ici.
On a cru qu’il était possible d’adopter une disposition qui autoriserait les provinces à acheter ou à aliéner des biens meubles ou immeubles pour des sommes moindres de 10,000 fr., dans certains cas, et moindres de 50,000 fr. pour travaux publics. Mais rien ne se fait que par l’adoption du budget, et le budget, qui se compose des dépenses et des recettes doit être approuvé par le Roi. Je défie qu’une province puisse avec certitude vendre définitivement quelques arbres et en recevoir le prix, avant que le budget des recettes ne soit approuvé par le gouvernement ; de cette manière on a remis les états provinciaux dans la même position qu’autrefois.
Après avoir enchaîné, muselé, les conseils provinciaux, après avoir pris toutes les précautions pour les soumettre à un état de servitude, on ne veut pas, si les intérêts de la province l’exigent, prolonger de 8 jours la session déjà si courte des conseils.
Ainsi que l’a fait observer un honorable membre, s’il y avait une précaution à prendre à l’égard de la durée des sessions des conseils provinciaux, ce serait contre la trop grande hâte des membres de ces assemblées à s’en retourner chez eux. En effet, de quels hommes se composent les conseils provinciaux ? Ils se composent d’agriculteurs, d’industriels, qui font déjà un grand sacrifice en siégeant 15 jours, et qui augmenteront ce sacrifice quand ils consentiront à rester 8 jours éloignés de la ville qu’ils habitent.
Eh bien, vous voulez que ces hommes, tout occupés de leurs affaires particulières, de leurs intérêts d’industrie, soient portés à prolonger la session du conseil, uniquement pour se donner le plaisir de se constituer en état d’hostilité contre le gouvernement, de dire quelque chose de piquant ou d’acerbe contre le pouvoir central ! Mais je le demande, quel profit voudraient-ils en tirer ?
On a quelquefois supposé aux membres de l’opposition dans cette chambre, le désir de faire valoir leur opinion ; de faire connaître leur talent, de faire même de l’opposition dans le but de forcer le gouvernement à leur accorder quelque faveur, quelques emplois, quelques décorations ; mais dans les provinces quel serait le buat des conseils provinciaux ?
Comment les 61 membres du conseil du Hainaut pourraient-ils, par exemple, se constituer en état d’hostilité contre le pouvoir central, pourraient-ils chercher à entraver sa marche, à lui faire quelques mauvaises niches ? Quel intérêt individuel y aurait chacun des membres ? Je parle de l’intérêt individuel ; car, si vous allez plus loin, si vous arrivez à l’intérêt général, vous vous condamnez alors vous-mêmes ; vous l’avez déclaré, s’il s’agit d’intérêt général dans les délibérations du conseil, il n’y a pas le mot à dire.
Vous craignez l’influence politique des assemblées provinciales ; mais comparez : Nous sommes dans une ville dont la population s’élève à 100,000 âmes et où il y a une circulation de 25,000 étrangers ; voyez si nos délibérations exercent une grande influence sur l’esprit public ; il y a des jours où il n’y a que 2 ou 3 personnes dans les tribunes ; aujourd’hui il y en a 15 ou 20. Je le demande, où est l’importance que les états provinciaux siègent 8 jours de plus ou de moins ?
L’honorable M. Dubus a bien démontré que l’ancien règlement des états provinciaux était beaucoup plus libéral que celui du gouvernement ou même de la section. Il y a la garantie donnée aux provinces que le gouvernement ne pourra abréger le terme de la session ; mais il n’y a aucune disposition contre la prorogation de la session. Je défie qu’on puisse entendre le règlement dans ce sens. La session ne peut être close avant l’expiration de la quinzaine, c’est là une garantie pour les provinces ; mais il ne s’ensuit pas que la session doit finir au bout de 15 jours ; il s’ensuit seulement que pour la proroger il faut l’assentiment du gouvernement. Ici, pour achever ce que j’avais dit sur ce point, j’ajouterai que vous avez l’exemple à Bruxelles de sessions qui se sont prolongées trois semaines et qui ont même été à quatre semaines avec une interruption de quelques jours.
Cette prolongation à 4 semaines a eu lieu à une époque où le gouvernement hollandais avait intérêt à étouffer la voix des Belges ; le gouvernement alors était dans le travail de l’enfantement du système infâme de 1821, système qui a passé au mois de juillet de la même année.
Maintenant je dirai plus, c’est qu’on a accusé bien à tort la section centrale de s’être montrée hostile au gouvernement. Je vois dans l’article qu’elle a proposé une expression de franchise et de loyauté qui écarte toute idée d’hostilité de sa part. L’article porte : dont la durée est de quinze jours ; si vous rapprochez ces expressions d’un autre article déjà voté et dont les dispositions portent des peines très sévères contre les délibérations qui se font en dehors de la convocation légale, et d’un terme légal, vous voyez que la section centrale a voulu autoriser dans sa loyauté un délai au terme dans lequel la session doit finir ; seulement, elle a voulu que cette prolongation fût consacrée par la loi et non octroyée par le gouverneur.
Il y a assez de moyens (et M. Devaux l’a reconnu lui-même) de ne pas voter le budget dans la session ordinaire de 15 jours ; aussi longtemps que le budget ne sera pas voté on pourra forcer la main au gouverneur ; si vous ne voulez pas accorder une prorogation de session, vous autorisez, vous forcez, en quelque sorte, le conseil provincial à user de ces moyens ; vous le constituerez en état d’hostilité avec le gouverneur, et il obtiendra par force ce que l’on vous propose d’accorder par une loi et sans qu’il en résulte aucun inconvénient.
Croyez-vous que vous trouverez beaucoup de conseils provinciaux récalcitrants ? Croyez-vous qu’ils consentent volontiers à se mettre en opposition directe avec le gouverneur et le pouvoir central ? Mais une assemblée provinciale peut avoir besoin d’un délai de 8 jours pour terminer les affaires administratives dont elle sera chargée, et en quinze jours on ne peut faire beaucoup de besogne ; sur cette quinzaine, il faut d’abord que le conseil prenne le temps de se constituer, de nommer un rapporteur pour les propositions qui seront présentées ; une seule affaire un peu importante peut occuper à elle seule pendant les 15 jours.
La durée ordinaire de la session est de 15 jours. Cette disposition se rapproche de l’article qui punit de peines sévères tout conseil qui siégerait en dehors de l’époque de la convocation et du moyen bien simple laissé par la loi au conseil de forcer la main au gouverneur : tout cela prouve qu’il faut être imprudent ou entêté pour s’opposer à la proposition de la section centrale.
La loi fixe la durée du conseil. Pour changer cette durée, il faut que le conseil la décide à la majorité. Car l’article ajoute : « Cette durée peu être augmentée de 8 jours par décision spéciale du conseil, mais elle ne peut être continuée au-delà de ce terme, sans le consentement exprès du gouverneur. » Ainsi la session ne pourra être prolongée au-delà de ce délai de huit jours sans l’acquiescement du gouverneur.
Mais qui donc dans une province peut mieux connaître les véritables intérêts de toutes les localités d’une province que les députés de chacune de ces localités ? Chacun de ces députés doit connaître les intérêts de la localité qu’il représente, mieux que le gouverneur lui-même ; par conséquent la réunion de ces députés forme un faisceau, une masse de connaissances de beaucoup supérieures à celles du gouverneur ; c’est donc au conseil à juger de la nécessité de cette prolongation. Si l’intervention du gouverneur était nécessaire, elle rendrait la prolongation impossible, car le gouvernement ne manquera pas de donner au gouverneur des instructions pour clore la session le plus tôt possible, et le gouverneur fera taire tous les intérêts bien connus de la province, pour se conformer aux instructions qu’il a reçues. Le gouverneur veut avant tout plaire à son ministre, au gouvernement.
Ainsi donc la seconde disposition n’a rien d’hostile envers le gouvernement ; elle est conçue en termes convenables, dans les seuls termes que la nature des choses comporte.
Messieurs, si le gouvernement est décidé à administrer conformément aux lois et à la constitution, s’il veut surtout respecter et faire respecter la constitution, qu’il soit sans inquiétude, il ne rencontrera aucune récalcitrance nulle pas. Il craint qu’on ne prolonge les sessions sans utilité. Qu’il se rassure, on ne fait pas longtemps la guerre à ses dépens. Les conseils seront composés d’industriels, d’agriculteurs qui n’abandonneront pas leurs intérêts sans une indispensable nécessité pour les intérêts de la province. Si au contraire le gouvernement ne veut pas administrer d’une manière conforme aux lois et à la constitution, nous acceptons le reproche d’hostilité, car alors nous répondrons à une hostilité par une hostilité. Pour moi, je serai toujours disposé à faire de l’hostilité contre le gouvernement qui se montrera hostile aux institutions ; la mienne sera toujours rationnelle et légale, celle du gouvernement ne peut être qu’inconstitutionnelle et par conséquent illégale et envahissante.
Que chacun reste dans la ligne de ses droits et de ses devoirs, tout sera dit. Pour éviter que les conseils provinciaux cherchent à prolonger leur session, donnez-leur le temps nécessaire pour examiner les intérêts de localités qu’ils représentent. Il n’en résultera aucune hostilité, et vous éviterez l’inconvénient signalé par M. Devaux, qui se présentera si vous ne voulez pas accorder au conseil le droit de prolonger sa session de huit jours.
M. Eloy de Burdinne. - Avant d’émettre mon opinion sur la durée de la session des conseils, je prierai M. le rapporteur de la section centrale de nous dire ce qu’on ferait dans le cas où un conseil ne voterait pas le budget de la province dans le temps fixé pour la durée de la session. Car j’aurai l’honneur de faire remarquer que les sessions de 15 jours et de trois semaines, si ce délai est admis, pourront s’écouler sans que le budget soit voté.
Quand je faisais partie des états de la province de Liége, c’était le moyen auquel nous avions recours quand nous voulions prolonger la session. Si on paraissait ne pas vouloir nous laisser terminer convenablement les affaires de la province, nous laissions le budget en arrière, nous recommandions au rapporteur de ne faire son rapport que quand nous aurions tout terminé.
Si on n’a pas avisé au moyen de parer à cet inconvénient, vous conviendrez que d’après l’article que vous avez voté qui fixe l’indemnité à raison de 5 francs par jour, il pourrait en résulter une charge très forte pour la province.
Je demande, je le répète, qu’on me dise si on a avisé au moyen de faire face la confection du budget, dans le cas où un conseil ne l’aurait pas voté.
J’aurai à vous entretenir un instant des états provinciaux de Liége. L’honorable M. Dubus vous a fait un tableau des opérations des états provinciaux de Mons. Le récit qu’il a fait prouve qu’il a une mémoire parfaite de ce qui se faisait. Cependant il faut leur rendre justice ; sur la fin, ils savaient s’occuper de leurs affaires ; mais en 1823 et 1824, quand ils arrivaient, ils trouvaient la besogne toute faite.
On arrivait après les élections, on donnait un dîner, on en recevait un et on retournait chez soi. A Liége, nous ne dînions pas en grande réunion, mais nous nous occupions de nos affaires, et nous prolongions nos sessions jusqu’à 23 jours. Aussi, avons-nous adressé au gouvernement une masse de réclamations pour redressement des griefs. Vous savez tous que nous nous en sommes un peu occupés.
Je peux assurer que toutes les affaires ordinaires étaient examinées en 15 jours. C’était la durée ordinaire de nos sessions. Elles ont quelque fois duré moins.
M. Gendebien a fait observer que les sessions des états du Brabant avaient duré jusqu’à quatre et cinq semaines.
M. Gendebien. - Trois et quatre semaines !
M. Eloy de Burdinne. - Nous en avons eu une qui a duré à peu près le même temps. Il s’agissait d’un canal à construire de Maestricht à Bois-le-Duc. La province n’était pas disposée à accepter une charge qui, je crois, était de 425 mille florins. On nous a donné un petit congé de huit jours, nous avons été ensuite réunis ; mais nous n’avions que de petites séances, parce que tout le monde n’était pas encore convaincu de la nécessité de faire payer une pareille somme à la province. Finalement, cependant, on a consenti, et nous avons été les dindons. (On rit.)
Voilà pourquoi la session a duré si longtemps.
Sous le rapport des opérations des conseils provinciaux, je crois que la fonction d’électeurs des membres des états-généraux occupait le conseil un certain temps. Si on voyait que des candidats qu’on voulait y fourrer n’étaient pas certains d’y arriver, on faisait encore de petites séances pour gagner du temps, afin d’accaparer des électeurs. Cela traînait encore une couple de jours.
Maintenant le conseil n’a plus à s’occuper de cela. Ainsi, dans mon opinion, 15 jours pourraient suffire, sauf les cas exceptionnels, où la prolongation de la session serait décidée d’un commun accord entre le gouverneur et le conseil.
D’après ces motifs je voterai pour l’article du gouvernement.
M. de Theux, rapporteur. - La section centrale a pensé que quinze jours pouvaient suffire pour expédier les affaires des conseils provinciaux. Restait une difficulté, pour le cas où des circonstances particulières exigeraient une prolongation de session, s’il y aurait lieu d’accorder au conseil la faculté de prolonger sa session.
On s’est aussi demandé si cette faculté n’entraînerait pas d’inconvénients, si ce ne serait pas favoriser souvent des discussions inopportunes et déplacées dans le sein des conseils. C’est ici que les avis se sont trouvés partagés. Cinq membres ont voté pour la prolongation et deux contre. Ceux qui ont voté pour la prolongation ont pensé qu’il n’y avait pas de danger à l’admettre ; les autres ont pensé que le gouvernement n’avait pas intérêt, quand la session est calme, à l’empêcher de continuer pour l’expédition des affaires. Ils ont également pensé que l’article 42 permettant de convoquer les conseils en session extraordinaire, il serait plus convenable de laisser finir la session, et de convoquer le conseil dans une session extraordinaire quand les esprits seraient plus calmes.
On a demandé ce qui arriverait si un conseil ne faisait pas le budget dans les 15 jours ou les trois semaines de la session. Dans ce cas, il faudra convoquer le conseil en session extraordinaire, et stipuler dans l’arrêté de convocation que le conseil ne pourra s’occuper de rien autre que du budget. Ce moyen est indiqué dans un rapport que la section centrale a fait sur un amendement de M. Fallon, relatif aux dépenses obligatoires. Il a été dit que le Roi aurait la faculté de convoquer le conseil en session extraordinaire, et de le forcer de s’occuper de l’objet pour lequel il aura été convoqué.
Il en serait de même si la session du conseil est prorogée avec l’assentiment du gouverneur. Le gouverneur pourra imposer une condition à son assentiment quant au budget. Je ne vois pas qu’il y ait d’autres moyens que ceux que je viens d’indiquer. Quant à la faculté de proroger la session accordée aux conseils, c’est là une question d’opinions. Il s’agit d’apprécier lequel du système du gouvernement ou de celui de la section centrale présente le plus de danger ; si d’un côté les conseils ne seront pas portés à traîner leurs sessions en longueur, si de l’autre le gouverneur ne se montrera pas trop empressé de les voir se séparer.
Un honorable préopinant a pensé que le dernier vote de la chambre avait tellement restreint les attributions des conseils, qu’il ne leur serait plus permis d’ordonner la vente de quelques arbres sans l’autorisation du gouvernement. C’est une erreur. Les conseils consigneront dans leurs budgets la somme provenant de cette vente qu’ils sont autorisés de faire d’après le n°3 de l’article 79, sans aucune approbation supérieure.
M. Desmanet de Biesme. - Le point le plus saillant de la discussion de la loi provinciale qui nous est soumise, est la crainte extrême que le ministère paraît avoir des conseils provinciaux. On croirait que ces corps vont devenir des corps politiques, toujours disposés à la révolte. Je ne puis partager cette opinion. J’ai pu m’assurer par moi-même qu’il y a dans les provinces autant de véritable patriotisme que dans la capitale. Je suis persuadé que les conseils provinciaux seront mus par l’esprit qui préside à nos discussions.
En examinant la question de durée des sessions sous le point de vue administratif, il arrivera souvent que quinze jours ne suffiront pas pour l’expédition de toutes les affaires provinciales. Jamais dans les anciens états provinciaux quinze jours n’ont suffi. Les budgets ont été examinés avec la plus grande légèreté. On chargeait une commission de présenter un rapport sur le budget provincial, et cette présentation n’avait ordinairement lieu que le dernier jour : le budget était ainsi voté dans la même séance. C’est un abus qu’il est important d’éviter. Il me paraît assez raisonnable que si nous consacrons 3 à 4 mois à l’examen des budgets de l’Etat, les conseils s’occupent des budgets provinciaux pendant 7 à 8 séances.
On a souvent cité les anciens états provinciaux dans cette discussion. Qu’ont-ils fait de si séditieux jusqu’en 1828 ? Avant cette époque ils n’ont pas donne signe de vie. Ils avaient bien essayé des réclamations sur l’impôt mouture. Mais on avait toujours cherché à écarter ces manifestations. Fatigués de ne recevoir aucune réponse satisfaisante, ils élevèrent la voix et adressèrent des réclamations plus pressantes sur l’impôt de la mouture, de l’abattage, sur l’instruction publique, sur la langue néerlandaise, etc.
Mais toutes ces réclamations, quoique fermes, étaient respectueuses. Elles n’étaient ni menaçantes ni séditieuses. Je vois avec peine que l’on a représenté les états provinciaux comme essentiellement séditieux. Je n’attache pas à l’article en discussion l’importance que plusieurs membres lui donnent. L’essentiel est que l’on éloigne les conflits qui pourraient surgir entre le gouverneur et les conseils. Quand ceux-ci, au bout de huit jours, croiront ne pas avoir bien examiné les affaires qui leur auront été soumises, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas prolonger leur session au-delà de ce terme.
Une autre raison vient à l’appui de cette prolongation. Autrefois le gouverneur présidait l’assemblée des états. Aujourd’hui qu’il est en dehors de la députation provinciale, il ne peut calculer aussi nettement le temps nécessaire à ses délibérations.
Je crois donc qu’il y a lieu d’adopter l’article présenté par la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’honorable préopinant nous reproche l’esprit de défiance que nous avons manifesté dans la discussion actuelle. Je ne lui reprocherai pas d’avoir une trop grande confiance dans ses futurs conseils provinciaux. Mais je crois que nous serons compris et même justifiés par les esprits impartiaux.
Si nous avons manifesté du la défiance, si nous avons élevé la voix, ce n’a été qu’au nom de l’intérêt général, ce n’a été que pour défendre l’unité, l’indivisibilité nationale. C’est le désir de conserver intactes cette unité, cette indivisibilité, qui nous a fait craindre que des assemblées nombreuses délibérant en public, présidées par un homme de leur choix, réunies en même temps sur plusieurs points du royaume, ne se livrassent, quoique composées d’hommes bien intentionnés, à des collisions fâcheuses dont les conséquences compromissent l’intérêt de la masse.
Nous acceptons le reproche qu’on nous fait, parce que nous avons des craintes pour l’unité nationale. Nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour la maintenir. Nous avons les premiers protesté de notre ardent désir de voir les localité maîtresses chez elles ; nous ne voulons leur assigner de bornes que contre les envahissements illégaux. Mais je défie que l’on nous prouve que nous nous soyons opposés à ce que l’on attribuât la faculté de discuter sur les intérêts qui sont de leur ressort.
D’ailleurs, si nous avons manifesté quelque défiance à l’égard de l’influence fâcheuse que pourront avoir les futurs conseils provinciaux, je ne sais pas si c’est à nous qu’il conviendrait d’en adresser le reproche ; vous vous rappellerez qu’en diverses occasions quelques membres poussèrent l’esprit provincial si loin, qu’ils vous menacèrent de la séparation d’une province du royaume, si non pas une inconstitutionnalité, mais un acte essentiellement national, était sanctionné par la chambre. On excitait une province à refuser sa part de l’impôt destiné a couvrir les dépenses de la route en fer. On disait qu’une province ne souffrirait pas qu’on la ruinât. Je vous demande si une telle opinion venait à se faire jour, si une assemblée provinciale refusait d’opérer la répartition de l’impôt affecté à une route nationale, ce qui résulterait d’une semblable collision.
A Dieu ne plaise qu’un pareil état de choses se présente jamais ! Je dis qu’il était naturel que lorsque ces paroles dangereuses ont pu retentir dans l’enceinte de la chambre, il était naturel que le ministère abordât la loi provinciale avec précaution, avec une espèce de défiance.
Chacun de nous doit dire franchement la vérité. Ce n’est pas au moment de fonder une institution aussi importante que nous devons garder des ménagements vis-à-vis de telle ou telle opinion. J’engage également mes honorables collègues à dire de leur côté leur pensée tout entière.
L’honorable M. Gendebien a prétendu que l’article 44 était en quelque sorte plus libéral que l’article 43 du gouvernement. Il n’a pas fait attention au dernier paragraphe de cet article qui peut avoir pour résultat de forcer la main au gouvernement, alors que les conseils se seraient attribué huit jours de plus. Si les conseils veulent prolonger leur session, ils n’auront qu’à retarder la discussion du budget, et au bout de huit jours que cet article leur accorde, ils forceront le gouverneur à prendre un nouveau délai.
De manière que le gouverneur aurait également la main forcée après que le conseil aurait fait au gouverneur l’affront administratif de prolonger la session de 8 jours au-delà du terme fixé par la loi pour la session ordinaire.
Messieurs, en revoyant l’article 42, j’y ai remarqué une lacune qui me paraît devoir être comblée par un amendement. Vous avez dit dans cet article que le Roi pourrait convoquer les conseils en session extraordinaire ; mais vous n’avez déterminé ni la durée ni le mode de clôture de ces sessions. J’aurai l’honneur de proposer un amendement à cet égard ; car si cette lacune continuait d’exister dans la loi, ces sessions pourraient se prolonger indéfiniment.
M. H. Dellafaille - M. le ministre de l’intérieur me paraît être, relativement aux conseils provinciaux, sous l’influence de craintes que je ne puis pas partager, mais sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je ferai seulement observer que si ces craintes étaient justifiées, si les conseils provinciaux pouvaient rompre l’unité nationale, cela dépendrait beaucoup moins de la durée de leurs sessions que de leurs attributions.
Je voudrais que M. le ministre examinât la disposition en discussion avec autant de sang-froid que l’a fait la section centrale ; elle n’a été guidée dans sa proposition par aucun esprit de défiance contre le gouvernement ; elle a simplement pensé que le terme de 15 jours n’était pas suffisant. Le gouverneur est naturellement enclin à se débarrasser le plus tôt possible du conseil provincial. D’un autre côté toute prolongation serait en quelque sorte indéfinie si elle excédait le terme de 3 semaines. La section centrale a cherché à obvier à ces inconvénients, en donnant au conseil le droit de prolonger de 8 jours sa session, mais pas au-delà.
Si ces 8 jours de prolongation ne lui suffisaient pas, la section centrale a présumé qu’il y aurait mauvaise volonté de sa part ; or, le gouvernement ne doit pas souffrir de la mauvaise volonté du conseil provincial. Je ne vois pas le moindre affront pour le gouverneur à ce qu’il n’ait pas le droit de s’opposer à cette prolongation de session.
Quant à l’observation de M. le ministre sur les sessions extraordinaires et la lacune qu’il y aurait dans la loi relativement à leur durée et au mode de leur clôture, j’aurai l’honneur de faire observer que la loi y a suffisamment pourvu, puisqu’elle a dit dans l’article 42 :
« Toutes les sessions du conseil sont ouvertes et closes au nom du Roi par le gouverneur. »
Il est évident d’après cela qu’il dépendra du gouvernement de clore les sessions extraordinaires quand il le jugera convenable.
M. Pirson. - Hier, M. le ministre de l’intérieur, sans que nous sachions trop pourquoi, nous a fait voyager assez longtemps par la Hollande, la Prusse, l’Allemagne et la Suisse, et nous a fait revenir chez nous en passant par la France ; ce voyage en définitive ne nous a pas trop fatigués parce que malgré tout nous sommes restés ici tranquillement assis. (On rit.)
Aujourd’hui, il a profité d’une phrase échappée à un honorable membre de la chambre dans l’une de ses improvisations, et d’où semblerait résulter qu’il excitait une province à l’insurrection.
M. Gendebien. - Cette phrase ne m’est pas échappée ; c’est à dessein que je l’ai dite ; au reste, je répondrai à M. le ministre de l’intérieur.
M. Pirson. - S’il y a eu imprudence de la part de cet orateur, il y a imprudence bien plus grande de la part de M. le ministre qui veut aujourd’hui relever cette phrase et qui veut en faire une affaire d’Etat.
Au reste, je ne crois pas qu’une province s’insurge isolément ; si cela pouvait être, notre pays, si peu étendu, deviendrait donc tout à fait nul. Une province ne pourrait s’insurger qu’avec l’appui d’un pays voisin. ; or, jamais elle ne peut être assurée de cet appui.
La guerre civile est également impossible ; le parti de la maison déchue est en trop petit nombre pour le pouvoir susciter ; tout espoir est perdu pour lui. Ne craignez donc ni insurrections ni révolutions.
Si le ministère est mauvais, il en sera à son égard comme pour tous les mauvais ministères : des voix nombreuses s’élèveront contre lui de la province et de la commune, soit partiellement, soit cumulativement ; mais il n’y aura pas de révolution. Une révolution n’arrive pas tout d’un coup.
Lors de notre réunion à la Hollande, époque où nous étions aussi fort mal gouvernés, ce ne sont pas les états provinciaux qui ont fait la révolution, ils n’ont fait qu’exprimer une partie du mécontentement général.
L’état de choses d’alors ne pouvait pas subsister ; c’était le mariage de deux pays qui ne pouvaient pas sympathiser ; une révolution était inévitable. Je l’ai annoncée moi-même aux états-généraux ; car en 1822 j’ai osé dire à la tribune, dans la discussion du budget, que si le gouvernement continuait son système de partialité contre les Belges, tôt ou tard, bien que le courage ne se compte pas par le nombre, 4 millions se lasseraient d’être dominés par 2 millions d’hommes, et que tôt ou tard une révolution violente séparerait la Belgique de la Hollande.
La révolution est arrivée, mais pour cela il a fallu une occasion, et sans la révolution française nous l’attendrions peut-être encore, car le gouvernement dominant avait soin d’entretenir dans notre pays un grand nombre de troupes.
Je dis aussi dans le sein des états-généraux que le seul moyen d’empêcher une séparation violente entre les deux royaumes était que les députés de la Belgique s’adressassent directement aux puissances créatrices du royaume des Pays-Bas. J’eus à ce propos une altercation violente avec le président M. d’Hogghendoerf ; et l’abbé Rioust, digne précurseur de Libra-Bagnano, écrivit contre moi un grand nombre d’articles pour me faire envoyer comme félon devant la haute cour nationale.
Mais aujourd’hui les motifs de révolution ont disparu ; il ne faut donc pas se préoccuper de telles craintes ; il s’agit simplement de donner aux conseils provinciaux le temps d’examiner scrupuleusement les affaires de la province. Ne croyez pas qu’ils prolongent leur session au-delà de ce qui sera nécessaire ; dans les anciens conseils généraux de département, dans les états provinciaux dont j’ai été membre, j’ai toujours vu l’assemblée s’en rapporter au préfet ou au gouverneur, et signer platement et simplement.
Je pense que ce qui serait préférable, ce serait que les séances fussent divisées en deux sessions ; dans la première, on nommerait les commissions, on ferait des propositions, puis on s’ajournerait ; dans la deuxième, on délibérerait sur les rapports de la commission. L’ajournement, de même que chaque partie, serait de 8 jours ; on pourrait donc fixer à 3 semaines la durée totale de la session.
M. d’Huart. - Je pense que l’expérience doit nous diriger ici. Il s’agit de savoir si la durée de la session des conseils provinciaux sera de 15 jours ou de 3 semaines, et lequel de ces deux termes est le plus convenable en raison des travaux dont ils sont chargés.
Pour moi, messieurs, comme ancien membre des états provinciaux du Luxembourg, je puis assurer que jamais la session n’a duré moins de 15 jours à 3 semaines, et que, malgré l’activité et les soins laborieux du corps provincial, tout ce temps lui était nécessaire pour remplir son mandat.
Ainsi que l’a dit l’honorable M. Desmanet de Biesme le ministre est à tort sous l’influence de la préoccupation que les conseils provinciaux auront dans l’Etat une grande importance politique.
Sous ce rapport, l’expérience doit aussi nous rassurer. Comme l’a encore fait remarquer M. Desmanet, sous le roi Guillaume, après toutes les vexations que le pays avait endurées, les états provinciaux ne réclamaient que dans les termes les plus humbles. C’était avec les expressions les plus respectueuses qu’ils demandaient le redressement des griefs dont le peuple souffrait depuis 15 années.
Je puis assurer qu’il en était ainsi ; car j’ai aidé plus d’une fois à faire de semblables réclamations. Si telles ont été les réclamations des états provinciaux sous l’ancien gouvernement, que pouvez-vous craindre des réclamations adressées par les conseils provinciaux à un gouvernement qui, je l’espère, rendra justice à tout le monde ?
Elles ne doivent inspirer aucune inquiétude à l’administration ; jamais elles ne seront de nature à susciter les passions politiques.
L’observation de l’honorable M. Devaux est, selon moi, la plus importante qui ait été présentée. Si les conseils provinciaux n’avaient pas voté le budget dans les 15 jours de leur session ordinaire, s’ils voulaient user de tactique pour en prolonger la durée, il pourraient y parvenir au moyen de la lacune des dispositions actuelles du projet ; nous qui ne voulons pas de tactique et qui entendons que chaque pouvoir reste dans la limite de ses devoirs, nous devons les obliger à voter le budget au moins dans les huit jours qui suivront le premier délai de 15 jours obligatoire pour la durée de toute session ordinaire. Un amendement dans ce sens serait très utile, et il me paraît fort aisé de l’approprier à la rédaction de l’article présenté par la section centrale.
La durée de la session des états provinciaux sera de trois semaines au plus ; et ne croyez pas que par partie de plaisir les membres des conseils provinciaux chercheront à prolonger leur présence au chef-lieu de la province. Ces conseils sont composés d’industriels, de cultivateurs qui ont besoin d’être chez eux, et surtout à l’époque de l’année où les réunions ont lieu ; c’est le moment de la fenaison. Quelque dévoué que l’on soit aux intérêts de la province, un père de famille ne peut se ruiner pour sa province. L’on connaît du reste l’esprit humain, si les délibérations des conseils provinciaux ne sont pas restreintes par des précautions méticuleuses, si la loi n’établit pas de défiance contre l’éventualité des tentatives politiques de ces assemblées, elles s’y livreront beaucoup moins, que si l’on se défiait trop de leur raison et de leur amour de l’ordre.
M. Gendebien. - Je pense que l’amendement proposé par M. d’Huart aurait pour but d’exiger que les états provinciaux votassent leurs budgets au bout des 8 jours qui suivent les 15 jours déterminés par la loi : toutes les inquiétudes doivent disparaître si cet amendement est adopté. Quel est le meilleur moyen de faire respecter les droits du gouverneur ? C’est de donner toute latitude au conseil provincial. La province trouverait très mauvais que le conseil, après avoir usé de ses droits, cherchât à entraver les droits du gouverneur.
Depuis quelques semaines on a fait un étrange abus de mots ; sans cesse on nous parle de l’unité ; de l’indivisibilité nationale ; mais que peut faire ce principe de l’indivisibilité nationale quand il s’agit d’une simple prolongation de 8 jours accordée aux conseils provinciaux ?
Si quelques conseils provinciaux voulaient se constituer en état d’hostilité, se séparer du reste du royaume, croyez-vous qu’ils ne pourraient pas le faire en 15 jours comme en trois semaines ? Si les appréhensions du ministère sont fondées, s’il craint pour l’indivisibilité nationale, il n’a qu’un moyen pour le tranquilliser : c’est de ne pas constituer des conseils provinciaux. Ce qu’il allègue va donc trop loin, et qui prouve trop, ne prouve rien en bonne logique.
Messieurs, on vous a parlé de l’esprit provincial dont un membre de cette chambre a donné une manifestation particulière ; c’est de moi qu’on a voulu parler. Or, je suis arrivé à ma quarante-cinquième année ; et depuis l’âge de dix ans j’ai quitté ma province ; si j’étais mû par un esprit provincial, ce serait pour la province du Brabant que cet esprit devrait se manifester, car il y a trente années que je l’habite. Ainsi le reproche est mal fondé, indépendamment de l’inconvenance qu’il y a à me l’adresser.
Ce député, par suite de cet excessif esprit provincial, bien établi, comme vous venez de voir, a provoqué sa province (le Hainaut) à se séparer du reste du royaume ; il l’a provoqué a ne pas fournir son contingent pour la confection du chemin en fer. Dans tout cela il n’y a de réel que l’allégation du ministre ? Ce député a dit : La province du Hainaut ne souffrira pas qu’on la ruine pour enrichir d’autres provinces. Ce député démontrait par des chiffres qu’on ruinait l’industrie de cette province, et qu’il était impossible qu’on la contraignît à fournir aux dépenses nécessaires pour consommer sa ruine. N’y aurait-il pas eu hypocrisie de la part du député à garder le silence sur un fait aussi patent, et sur une démonstration à laquelle on n’a pas répondu un mot ?
Il aurait pu aller jusqu’à inviter le Hainaut à ne pas contribuer à sa ruine, mais il ne l’a pas fait. Dans quelle circonstance a-t-il parlé peut-être un peu trop énergiquement ?
On prétendait que la province du Hainaut avait toujours été favorisée ; eh bien, j’ai démontré que le Hainaut n’avait jamais été favorisé, et que les travaux qui y ont été exécutes, routes ou canaux, ont été faits à ses dépens ; et tandis qu’on voulait prolonger le chemin de fer dans les Flandres, quoi qu’il ne s’agit que d’un chemin de fer à Verviers ; tandis qu’on accordait ce prolongement afin d’obtenir une majorité de cette chambre, on refusait tout au Hainaut, on y mettait de l’entêtement et de l’acharnement. Cependant, dès qu’on eut mis dans la loi la garantie que nous réclamions au nom du Hainaut, dans l’intérêt de son industrie houillère, avons-nous continué notre opposition et, si vous voulez, nos menaces ? Non ; et tous les députés du Hainaut se sont alors montrés conciliants à ce point qu’ils ont retiré les propositions qu’ils avaient faites. Aussitôt qu’à la section centrale on fit des propositions conciliatoires, ne les ai-je pas acceptées ? Le ministre de l’intérieur y était ; peut-il le contester ?
Quiconque réclame un droit, un droit incontestable, peut employer tous les moyens pour l’obtenir quand on le lui refuse obstinément sans motifs et par entêtement et par arbitraire. Je ne tiens pas plus à la province du Brabant qu’à toute autre sous le rapport de l’habitation ou de mes intérêts ; mais, pour cette province comme pour une province quelconque, je défendrai ses droits, quand elle présentera de bonnes raisons ; et quand on repoussera de justes réclamations sans réfuter les raisons présentées, je pourrai dans la défense aller au-delà de mon caractère naturel ; j’irai jusqu’à la menace ; car quiconque est menacé de subir une injustice a droit de menacer de résister à l’injustice.
Messieurs, de quoi s’agit-il actuellement ? Il s’agit de laisser aux états provinciaux la faculté de sacrifier six ou huit jours de plus que les quinze jours que la loi assigne à la durée de leurs sessions.
Au lieu de s’opposer à cette demande en montrant tant de défiance envers les conseils provinciaux, un bon gouvernement convierait ces conseils à employer le plus de temps possible à la gestion des intérêts de leurs provinces : l’opposition ne peut venir que d’un gouvernement qui s’est déjà jeté dans de mauvaises voies et qui veut se maintenir dans ces mauvaises voies en restreignant les libertés publiques, et par des moyens violents. Eh, MM. les hommes du pouvoir, montrez de la confiance envers le peuple belge et il vous paiera par de la confiance : il n’y a pas de peuple plus confiant dans ses gouvernants, pas de peuple plus facile à gouverner, mais aussi pas de peuple plus disposé à repousser l’arbitraire et à s’emparer des libertés qu’on lui refuse.
La plupart de nos provinces n’avaient aucun intérêt à ce qu’on parlât flamand ou français dans telle ou telle localité ; c’est précisément parce que le gouvernement a refusé la liberté de parler français qu’on a réclamé ce droit. Il en est ainsi pour tout le reste. En un mot comme en cent, accordez aux conseils provinciaux des droits raisonnables et ils s’empresseront de délibérer sur leurs affaires de manière à ne jamais abuser de la latitude qu’on leur laissera ; ensuite, ils trouveront tout naturel que le gouverneur use de son droit pour clore la session.
M. d’Huart. - Je n’ai pas rédigé ma proposition, parce que M. Devaux prépare un amendement.
M. Devaux. - On peut toujours voter sur l’article, car ce que je propose peut être considéré comme disposition additionnelle.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Devaux : « Dans aucun cas la session ordinaire ne pourra se prolonger au-delà de quatre semaines. Les sections extraordinaires sont closes par le gouverneur au nom du Roi. »
M. Devaux. - Nous sommes tous d’accord que le maximum de la durée des sessions ne peut être de plus de 4 semaines, mais je crois qu’il est nécessaire de dire dans la loi que les sessions extraordinaires seront closes par le Roi...
M. H. Dellafaille - L’article 41 du gouvernement le dit.
M. Devaux. - L’article 41 prévoit en effet le cas ; cependant je crois que la disposition que j’ai présentée est nécessaire pour dire quelles sont les matières dont les conseils dans leur session extraordinaire devront s’occuper.
M. de Theux, rapporteur. - L’amendement de M. d’Huart à l’article 44 pourrait être conçu en ces termes : « Dans ces cas, le conseil sera tenu de s’occuper exclusivement du budget avant tout autre objet, si le budget n’a déjà été adopté. »
Quant à l’objet mentionné par M. le ministre, je le crois tout à fait inutile ; cette disposition se trouve dans la loi : cependant. pour lever tous les doutes, je proposerai un amendement ainsi conçu : « Lorsque le Roi convoquera un conseil en session extraordinaire ou lorsque le gouverneur autorisera la prorogation de la session ordinaire, l’ordre de convocation mentionnera les objets et l’ordre des délibérations. La clôture pourra être prononcée par le gouverneur. »
M. Devaux. - Je reconnais que la première disposition proposée par M. de Theux pourrait remplacer le dernier paragraphe de mon amendement, mais je crois que la première partie de ma proposition doit l’emporter sur le second amendement de M. le rapporteur.
La loi porte seulement que les délibérations sur le budget doivent commencer dans la huitaine, mais on n’a pas fixé de limite, et je crois qu’il est nécessaire de préciser un délai.
La discussion sur le budget dans cette chambre dure très longtemps, et les budgets dans le conseil provincial ne sont pas les seuls moyens de traîner les sessions en longueur ; il y a des propositions soumises à l’assemblée, dont le gouvernement doit attendre le résultat. Il y a, par exemple, les propositions relatives aux candidats aux cours royales.
Il faut mettre une limite : en fixant à quatre semaines la durée des sessions, la disposition est assez large.
M. d’Huart. - Je préfère l’amendement de M. de Theux à celui de M. Devaux, parce que le premier réserve au gouvernement la faculté de proroger la durée de la session aussi longtemps qu’il le jugera à propos. Vous voyez que j’accorde au gouvernement un pouvoir plus grand que M. Devaux ne le propose.
Au bout d’un mois, si le gouvernement veut saisir le conseil d’objets très utiles, je veux lui laisser la faculté de le faire. Si le conseil est turbulent, s’il se mêle de politique, alors au bout de trois semailles on en renvoie les membres chez eux.
Je préfère l’amendement de M. de Theux, que du reste j’ai moi-même indiqué.
M. Verdussen. - Je crois qu’on pourrait rendre la pensée de M. de Theux en moins de paroles ; il suffirait d’ajouter au dernier paragraphe ce peu de mots : « Et pourra en limiter la durée. » Je crois que les observations de M. d’Huart sont justes, et je partage ses opinions.
M. H. Dellafaille - L’honorable député d’Anvers ne fait pas attention que son amendement ne dit que ce que porte la loi ; déjà l’amendement de M. de Theux est une surabondance.
L’article 43 de la section centrale pose une limite aux sessions ordinaires, et quant aux sessions extraordinaires, le gouvernement pourra toujours en ordonner la clôture quand bon lui semblera.
M. Devaux. - Je fais remarquer que du moment qu’on ne met pas une limite absolue à la durée de la session, on retombe dans l’inconvénient de laisser du conseil la faculté de forcer la main au gouverneur.
Il faut que la loi porte un maximum ; cette disposition est dans mon amendement, et non dans celui de M. d’Huart.
Quant à ce qu’a dit M. d’Huart sur le besoin que le gouvernement pourrait avoir des états provinciaux, je ferai remarquer que le gouvernement pourra toujours les assembler au moyen de convocations extraordinaires.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le but de la section centrale a été d’accorder au conseil provincial le temps nécessaire pour traiter les affaires qui lui seront soumises ; elle a fixé le terme de 15 jours, mais elle a prévu que ce délai ne serait pas suffisant dans certaines années ; c’est pourquoi elle a en même temps proposé d’accorder la faculté de proroger la session pendant 8 jours ; passé ce nouveau terme, il faudrait que le conseil eût le consentement du gouverneur pour proroger la session.
Messieurs, pour faire disparaitre une espèce de privilège en faveur du conseil, privilège qui n’existe pas pour les chambres ; pour enlever aussi à l’article le caractère de défiance qu’il faut lui reconnaître vis-à-vis du gouvernement, je préférerais que l’article 48 fût conçu de la manière suivante :
« La durée de la session ordinaire est de 3 semaines ; elle ne peut être augmentée ni diminuée que de commun accord entre le gouverneur et le conseil. »
Il me semble que par cette disposition, nous réunirons toutes les opinions.
M. de Theux, rapporteur. - La section centrale a trouvé qu’il y avait une différence entre fixer les sessions des conseils à 3 semaines, et proroger les sessions de 8 jours. Si l’on fixe à 3 semaines la durée de la session, elle durera ordinairement cet espace de temps ; si au contraire la prorogation est un cas extraordinaire, les sessions ne durent ordinairement que quinze jours.
Je persiste dans la rédaction de la section centrale.
M. H. Dellafaille - Il me semble que la proposition de M. le ministre de l’intérieur remplacerait bien la disposition de la section centrale et nous donne tout ce que nous demandons ; il n’y a pas lieu à faire des difficultés, et quant à moi, j’adopte l’amendement de M. le ministre.
M. Pirson. - Il vaut mieux fixer le délai à 3 semaines. Vous pouvez être sûrs que les députés se retireront toujours le plus tôt qu’ils pourront. Ils n’épuiseront le délai que quand cela sera nécessaire, et dans le cas contraire, ils pourront réduire la durée de leur session à huit ou dix jours.
M. d’Huart. - Il convient que les conseillers sachent combien leur session devra durer. Il vaut mieux laisser la durée ordinaire fixée à 15 jours, avec la faculté de la prolonger de 8 jours dans les cas extraordinaires. J’engage M. le ministre à retirer son amendement et à ne pas persister dans la proposition de fixer à 3 semaines la durée ordinaire des sessions. Je l’y engage dans l’intérêt des provinces : la perspective d’être pendant trois semaines éloignées de leurs affaires pourrait écarter beaucoup de personnes des conseils provinciaux.
M. Jullien. - Sous le rapport de la durée des sessions, l’amendement du ministre accorde plus que la section centrale. Mais il me semble que son but est d’échapper à l’inconvénient qui résulterait du droit qu’on donnerait au conseil provincial de se proroger. Je ne puis pas lui supposer d’autre intention que celle-ci, je crois avoir saisi sa pensée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Précisément !
M. Jullien. - Je ne vous en sais pas mauvais gré. Puisque cela remplit le but de la section centrale, je ne vois pas pourquoi on n’accepterait pas l’amendement du ministre. Le conseil a la faculté de diminuer la durée de la session, de commun accord avec le gouverneur ; pourquoi ne la fixerait-on pas à trois semaines ? Si ce temps paraît trop long, les états le diminueront ; si au contraire trois semaines sont nécessaires, on épuisera le délai. Je me rallierai à la proposition du ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - M. Jullien vous a explique ma pensée. Je ne veux pas laisser le conseil dans une position privilégiée en lui accordant le droit de prolonger sa session au-delà du terme fixé par la loi. En fixant leur durée à trois semaines, nous semblions accorder un avantage que nous refusions dans d’autres circonstances. Mais comme la durée pourra être diminuée d’un commun accord entre le gouverneur et le conseil, et que la plupart du temps les conseillers ne seront pas fâchés de rejoindre leurs foyers, une fois les affaires terminées, je pense qu’on peut fixer la durée des sessions à trois semaines, sans inconvénient, tandis que celui que je remarque à l’article 44 aura disparu.
M. de Theux, rapporteur. - Outre les autres objections faites contre la fixation à trois semaines de la durée ordinaire des sessions, je ferai remarquer que ce délai empêchera une foule de personnes d’accepter le mandat de conseiller. Vous trouverez beaucoup de personnes disposées à consacrer 15 jours aux affaires de la province, et qui reculeraient devant une session de trois semaines. Je crois que ce serait une disposition très funeste pour la composition des conseils provinciaux.
Je déclare que, plutôt de voir adopter le délai de trois semaines, je préférerais m’en tenir à celui de 15 jours et abandonner la prolongation facultative de 8 jours. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’article de la section centrale, et s’il est adopté, je mettrai aux voix les dispositions additionnelles présentées par MM. Devaux et de Theux.
« Art. 44 (de la section centrale).
« La durée de la session ordinaire est de 15 jours ; elle ne peut être diminuée que de commun accord entre le gouverneur et le conseil ; elle peut être augmentée de huit jours par décision spéciale du conseil, mais elle ne peut être continuée au-delà de ce terme sans le consentement exprès du gouverneur. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous passons à l’amendement de M. de Theux :
« Dans ces cas le conseil sera tenu de s’occuper exclusivement du budget de la province avant tous autres objets, si le budget n’a pas été voté. »
- Cet amendement est adopté.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix l’amendement de M. Devaux :
« Dans aucun cas, la session ordinaire ne pourra dure au-delà de quatre semaines. »
- Adopté.
M. le président. - M. de Theux propose une autre disposition additionnelle ainsi conçue :
« Lorsque le Roi convoquera un conseil en session extraordinaire, ou lorsque le gouverneur autorisera la prolongation de la session ordinaire des conseils, l’acte de convocation ou de prorogation mentionnera les objets et l’ordre des délibération. La clôture pourra toujours être prononcée par le gouvernement. »
M. d’Huart. - L’article 41 est inutile, si on adopte l’amendement de M. de Theux.
M. de Theux, rapporteur. - Cette observation ne tomberait que sur la dernière partie de mon amendement : La clôture pourra toujours être prononcée par le gouverneur.
C’est parce qu’il s’est élevé des doutes sur l’application de l’article 41 que j’ai proposé cette disposition, s’il n’y en a pas à ce qu’elle soit adoptée.
M. Pirson. - Pour éviter toute difficulté, ce serait de transposer l’article 41 et de le placer après les articles relatifs aux sessions ordinaires et extraordinaires.
M. Devaux. - L’amendement de M. de Theux prescrit de spécifier les objets sur lesquels peut porter la convocation extraordinaire. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. de Theux est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article est également adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur la proposition de M. Doignon qui se rapporte à l’article 6 du chapitre premier. Elle est ainsi conçue :
« Les membres des conseils provinciaux ne peuvent être poursuivis ou recherchés à l’occasion des opinions et votés émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions. »
M. H. Dellafaille - Avant de fixer mon opinion sur l’amendement de M. Doignon, je désirerais que cet honorable membre voulût bien me donner quelques explications.
S’il entend que les membres des conseils ne pourront être poursuivis pour opinions émises dans l’exercice légal de leurs fonctions, je ne vois pas de difficulté à admettre sa proposition. Lors même qu’un membre ferait la critique, même sévère, de mesures adoptées par le gouvernement et de la marche de l’administration je ne crois pas que personne pense qu’il puisse être poursuivi de ce chef.
Mais si cette inviolabilité s’étend au cas où le même membre se permettrait des actes capables de nuire à l’intérêt de la province et de l’Etat, sa portée serait trop grande. Il faut que les conseils supportent, comme les ministres, la responsabilité des actes qu’ils font exécuter. Il faut bien que des peines puissent atteindre le membre qui s’est refusé à l’exécution de la loi.
Je ferai observer à l’honorable M. Doignon que la comparaison qu’il a tirée des états des provinces belges sous le règne de Marie-Thérèse n’est pas exacte. Ces états étaient de véritables états-généraux. Je le répète, j’aurai besoin de quelques explications pour asseoir mon opinion sur l’amendement actuellement en discussion.
M. de Theux, rapporteur. - Je ne pense pas que nous puissions admettre l’amendement de l’honorable M. Doignon. Je lui ferai observer que la disposition de la joyeuse entrée n’était applicable qu’aux états du Brabant. C’était au sein des états de chaque province que les souverains se faisaient inaugurer. Ils se trouvaient donc à cet égard dans la même position que les deux chambres actuellement ; car au terme de la constitution, c’est au sein des chambres réunies que le Roi jure d’observer le pacte fondamental. Mais la position de nos conseils provinciaux ne sera pas la même, ils ne participent en rien au pouvoir souverain ; ils doivent être subordonnés aux lois : comment donc pourrait-on déclarer inviolables les conseillers provinciaux ? comment pourrait-on étendre aujourd’hui à tous les conseils le privilège de la joyeuse entrée ?
Au surplus, la question a déjà été préjugée par l’adoption de l’amendement que j’ai présenté, et par lequel un article du code pénal a été expressément rendu applicable aux conseillers provinciaux ; il en sera de même des autres dispositions de ce code, si les conseillers provinciaux se rendent coupables des délits qui y sont prévus. Les membres des chambres sont inviolables. Cela suffit.
M. Doignon. - Messieurs, la liberté d’opinion dans un corps délibérant n’est pas un privilège. C’est un droit sacré pour nous, pour les députés des provinces comme pour les députés des chambres. Sans cette liberté, il n’y a plus d’indépendance, et sans indépendance, il n’y a plus de représentation provinciale. Les actes, comme les opinions des membres du conseil, lorsqu’ils ne sortent pas de leurs attributions, doivent être hors de toute atteinte. Dans le cas contraire, sous le prétexte que les discours d’un membre contenaient quelque chose de répréhensible, le pouvoir le poursuivrait et porterait des entraves à la libre discussion des intérêts locaux. J’entends donc mon amendement comme M. Dellafaille l’a compris.
Remarquez que mon amendement ne parle que d’opinions émises au sein du conseil. Ainsi il n’est pas vrai de dire que la question aurait été tranchée par l’article 88 ; car mon amendement ne porte que sur les opinions et les votes des conseillers dans l’exercice de leurs fonctions, tandis que l’article 88 prévoit le cas où les conseils dépasseraient les bornes que la loi leur a imposées pour le temps de leurs délibérations. Il en serait de même à l’égard des deux chambres. Si elles se réunissaient illégalement après leur clôture, leurs membres perdraient leur privilège d’inviolabilité.
Nous devons nous attendre à ce que beaucoup de fonctionnaires entreront dans les conseils provinciaux. Il faut méconnaître le cœur humain et les mœurs du temps pour ne pas voir qu’il y aura des personnes placées entre leur position dépendante et leur conscience, qui hésiteront entre l’intérêt et le devoir. Le gouvernement qui, avec un budget de 80 millions de francs, a entre les mains tous les moyens de séduction ; le gouvernement, à qui appartient la nomination à tous les emplois de l’administration, le gouvernement sera constamment le plus fort, et dans ce siècle d’égoïsme où nous vivons, l’homme, vous le savez, est porté à se ranger du côté du parti le plus fort.
Le roi Guillaume était aussi parvenu à faire entrer dans les états provinciaux un grand nombre de fonctionnaires publics. il avait ainsi absorbé le pouvoir provincial dans l’Etat. Le peuple se plaignait vivement, et ses plaintes ne trouvaient pas d’écho dans les représentations provinciales. Elles sont longtemps restées muettes. Et vous savez ou ce mutisme nous a menés, à la révolution. Comme je ne veux pas d’une nouvelle révolution, je ferai tous mes efforts pour que les abus que j’ai signalés ne se renouvellent plus. C’est dans ce but que j’ai présenté mon amendement.
M. H. Dellafaille - L’honorable M. Doignon n’admet l’inviolabilité des membres des conseils que pour leurs votes et leurs opinions et non pas pour leurs actes. Mais comment, en poursuivant l’acte, ne pas attaquer le vote d’où est sortie la loi ? C’est un argument qui me paraît difficile à détruire. (Aux voix ! aux voix !)
M. Gendebien. - L’expérience que nous avons faite, il y a encore une année, de la destitution de deux fonctionnaires publics pour les votes et les opinions qu’ils avaient émis dans cette chambre, nous a donné la preuve que la disposition proposée, quoique textuellement conforme à celle qui se trouve dans la constitution, est à peu près inutile, puisqu’on n’a pas respecté la constitution, à plus forte raison sera-t-il inutile de stipuler la même garantie dans une loi du corps législatif ; car sans doute cette disposition sera respectée encore moins dans une loi que dans la constitution.
Toutefois comme les hommes passent et que les institutions restent, comme un jour il peut arriver au pouvoir des hommes qui respecteront les lois aussi bien que la constitution, je crois remplir un devoir en demandant que vous mettiez dans la loi cette garantie de l’inviolabilité de la représentation provinciale.
Si vous n’admettez pas cette garantie, qu’arrivera-t-il ? Il est incontestable que les conseils provinciaux seront en général composés d’hommes connaissant beaucoup moins le droit et la législation que les membres de la totalité du royaume appelés à siéger dans cette enceinte. Or, si vous ne stipulez pas cette garantie d’inviolabilité, la majeure partie du conseil se référant aux motifs qui vous ont déterminés à la rejeter, craindront toujours d’encourir des poursuites.
Car que vous a dit M. Dellafaille ? Si une résolution d’un conseil provincial, a-t-il dit, est contraire aux lois, il faudra diriger des poursuites contre les membres du conseil qui en auront déterminé l’adoption. Cependant le pouvoir ne peut-il pas prendre d’autres mesures contre de telles décisions ? N’avez-vous pas donné au Roi le droit d’annuler les actes du conseil provincial qui seraient contraires aux lois ? Faut-il encore diriger des poursuites contre des hommes qui dans l’acquit de leur conscience auraient voté une telle résolution, ou même contre des citoyens qui se seraient trompés par ignorance ? Si vous accusez, quelles règles suivrez-vous ? Tous seront-ils enveloppés dans la même accusation ? Quel code a réglé ou réglera cette matière ?
Ce ne sera donc pas assez d’avoir des conseils provinciaux composés pour la plus grande partie de fonctionnaires publics ; car ils ne manqueront pas d’y arriver en foule comme sous le précédent gouvernement. Vous voudrez que les autres membres soient toujours retenus par la crainte des poursuites. Dans le doute où ils seront sur la question de savoir si une résolution serait contraire aux lois, que feront-ils ? ils s’abstiendront, ou bien encore, comme ils sauront que le moyen certain d’éviter les poursuites et les condamnations sera de voter pour les propositions du gouverneur, ils se prononceront toujours en leur faveur sans même oser énoncer leurs motifs. Vous voulez donc faire des conseils provinciaux un corps de muets ? Vous les condamnez donc à l’ilotisme ?
Il faut donc que les membres des conseils provinciaux puissent dire franchement et nettement leur opinion. Lorsqu’ils se seront donné beaucoup de peine pour la solution d’une question, parce qu’elle ne sera pas conforme aux lois, vous les poursuivrez ! Songez donc que vos conseils provinciaux ne seront pas composés exclusivement d’hommes très habiles en législation ; ils pourront donner de très bons renseignements sur leur industrie, leur commerce, mais ce seront en général des hommes qui pour la moindre affaire consultent un avocat ; comment donc les rendrez-vous personnellement responsables de la manière dont ils résoudront les questions qui leur seront soumises, de la manière dont ils apprécieront leurs droits et leurs devoirs ?
Mais quel serait le but de pareilles mesures ? je vous défie de l’indiquer. Car la loi vous donne le moyen d’éviter les conséquences de résolutions prises contrairement aux lois. Dites-moi donc votre but ; répondez ; il ne s’agit pas ici de s’égarer encore dans quelques allégations vagues ; il fait des faits ; Il faut signaler des inconvénients réels, des conséquences dangereuses.
Je vous ai signalé les avantages de l’amendement proposé ; dites-nous donc quels en sont les inconvénients. Faites-nous connaître aussi les avantages de votre système. Pour moi, par les motifs que j’ai énoncés, je voterai pour l’amendement.
- L’amendement de M. Doignon est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le président. - La chambre passe au vote de l’article 90 de la section centrale, dont elle réserve la date.
Cet article est ainsi conçu :
« Art. 90. Les membres de la députation sont élus pour le terme de 4 ans.
« La députation est renouvelée tous les deux ans par moitié dans l’ordre réglé par le sort ; la première sortie aura lieu en… »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
M. Dubus. - La chambre vient d’adopter l’article 90 avec une date en blanc ; elle a adopté de la même manière le dernier paragraphe de l’article 82. Il me semble que ces articles doivent être complétés, car alors la loi ne serait pas susceptible d’exécution. (Adhésion.)
M. de Theux, rapporteur. - Puisqu’on revient sur le dernier paragraphe de l’article 82, je ferai remarquer qu’au lieu des termes qui y sont employés ; « Le premier renouvellement aura lieu, etc. », il vaudrait mieux employer les termes consacrés par la loi électorale et dire : « La première sortie aura lieu le 1er mardi de juillet. »
Quant à la date de l’année, ce qui avait déterminé à la laisser en blanc, c’est le défaut de certitude que la loi pût être mise à exécution cette année, dans le cas, par exemple où les deux chambres ne seraient pas d’accord sur la loi.
Or dans cette hypothèse, la date de 1836 ne conviendra pas pour le premier renouvellement du conseil ; puisque vous avez décidé que les conseils provinciaux sont élus pour 4 ans et renouvelés par moitié tous les 2 ans.
M. d’Huart. - Je ne comprends pas les scrupules de l’honorable rapporteur. Je ne concevrais pas que cette question de date donnât lieu à une discussion. Peut-être le gouvernement ne voudra-t-il donner sa sanction à la loi provinciale qu’après le vote de la loi communale ; cette loi si urgente peut être encore dans ce cas, la loi provinciale ne serait-elle pas mis cette année à exécution ; dès lors il n’y aura qu’à substituer 1837 à 1836.
M. Dubus. - Les cours d’appel présentent un assez grand nombre de vacatures, auxquelles on ne peut pourvoir à défaut de conseils provinciaux. Et ici je ferai observer qu’on ne peut pas prendre de mesure transitoire, car on ne peut pas se mettre en dehors de la constitution : la constitution nous lie comme elle lie tout le pays. Il faut donc que la loi provinciale soit mise à exécution dans le courant de cette année. On objecte que cela pourrait n’être pas dans le cas où le sénat n’adopterait pas la loi ; : mais cela n’est pas une raison pour ne pas mettre de date dans la loi : sans date il n’y a pas de loi. La date est d’ailleurs un article sur lequel les deux chambres doivent se mettre d’accord ; il est donc nécessaire de la poser ici.
M. de Theux, rapporteur. - On pourrait mettre : « La sortie des conseil provinciaux a lieu le premier mardi du mois de juillet. »
M. Dubus. - Cette rédaction présentera un très grand inconvénient. Les conseillers provinciaux sont élus pour le terme de quatre ans ; alors ils sortirons tous à la même époque du mois de juillet.
M. de Theux, rapporteur. - Non ; lisez le paragraphe précédent.
M. Dubus. - Il y aura doute sur l’époque à laquelle se fera le premier renouvellement ; il faut mettre une date précise.
M. de Theux, rapporteur. - Je retire mon amendement à cause du doute.
M. le président. met aux voix la disposition : « au 1er juillet 1836 » ; elle est adopté.
- L’article 90 est ensuite adopté.
Article 97 (du projet de la section centrale) et article 110 (du projet du gouvernement)
M. le président. - L’article 110 du gouvernement a été ajourné. L’article 110 proposé par le gouvernement est ainsi conçu :
« Art. 110. Lorsque le conseil ne sera pas assemblé, la députation pourra prononcer sur les affaires qui sont spécialement réservées au conseil dans tous les cas où elles ne sont point susceptibles de remise, et à la charge de lui en donner connaissance à sa première réunion. »
La section centrale dans l’article 97 de son projet propose la rédaction suivante :
« Article 97. Lorsque le conseil ne sera pas assemblé, la députation pourra prononcer sur les affaires qui sont spécialement réservées au conseil dans tous les cas où elles ne sont point susceptibles de remise et à charge de lui en donner connaissance à la première réunion.
« Cette faculté ne s’étend pas aux budgets, aux comptes, ni aux nominations et aux présentations des candidats déférées au conseil. »
Un amendement a été proposé par M. Dumortier. Cet honorable membre demande que l’on mette : « Lorsque le conseil ne sera pas assemblé la députation pourra sur l’autorisation qui lui aura été donnée par le conseil, etc. »
M. de Theux, rapporteur. - Cet amendement ne peut être admis parce qu’il détruirait l’effet de l’article. Il est impossible au conseil de prévoir toutes les affaires qui surgiront dans l’année.
M. Dubus. - L’amendement proposé par mon honorable ami remédie au vague des termes de l’article 97. Cet article donne à la députation délégation de toutes les attributions du conseil.
La députation pourra toujours dire que l’affaire était urgente, qu’elle ne pouvait être remise, que les intérêts de la province exigeaient que l’on ne mît aucun retard ; et en effet il est toujours utile de prononcer sur les affaires quand elle se présentent. Ainsi il est donc vrai de dire que vous déléguez par l’article à la députation toutes les attributions du conseil. Pour parer à cet inconvénient, mon honorable ami a voulu que la députation ne prononçât que sur les affaires indiquées par le conseil. Si le conseil a confiance pleine et entière dans la députation il donnera tous les pouvoirs à cette députation.
J’appuie l’amendement.
M. H. Dellafaille - Je ferai sur l’article une observation. Est-il entendu que le conseil pourra réformer la décision de la députation ? Je fais cette question, parce que je me rappelle que sous l’ancien gouvernement, il y a eu doute sur ce point. Le gouvernement des Pays-Bas avait exigé, ce qui devait lui être fort indifférent, que le salaire des meuniers fût perçu en argent et non en nature. Les états provinciaux ont rejeté cette mesure ; alors le gouvernement la fit adopter par les états-députés ; les états provinciaux ont annulé la décision des députations : c’est alors qu’on a élevé du doute sur leur droit d’annuler les actes des états-députés. Je répète ma question : Si la décision de la députation est jugée vicieuse par le conseil, celui ci pourra-t-il la réformer ? Si la réponse est affirmative, l’amendement n’est pas nécessaire.
M. Pollénus. - Il me semble que les termes de l’article 97 de la section centrale répond à la question proposée par M. Dellafaille, de manière qu’il ne puisse exister le moindre doute sur l’effet des résolutions que prendrait la députation dans les cas d’urgence prévus par l’article en discussion.
Cet article, en accordant à la députation le pouvoir de connaître et de prononcer sur les affaires qui sont spécialement réservées au conseil, assimile la députation au conseil dans les cas où elle prononce sur les affaires qui ne seraient point susceptible de remise ; par conséquent les résolutions des députations sont à l’abri de toute révision ultérieure, la députation a prononcé de la même manière dans ces cas exceptionnels avec la même étendue de pouvoir que l’eût fait le conseil s’il eût été réuni.
Sans cela la disposition n’eût point rempli le but qu’elle doit atteindre. On veut assurer à l’administration provinciale une marche assurée qui ne puisse jamais être entravée. La proposition de la section centrale ne peut d’ailleurs présenter aucun inconvénient grave, si l’on fait attention que l’attribution exceptionnelle qui est déférée par un article à la députation ne s’applique ni aux budgets, ni aux présentations, et qu’ordinairement elle ne sera exercée que relativement à des intérêts secondaires.
L’honorable député de Tournay convient que les conseils provinciaux pourraient dans le système de l’amendement proposé par M. Dumortier donner une autorisation aussi générale que celle que contient l’article en discussion, mais les conseils étant avertis par la disposition de cet article jusqu’où peuvent s’étendre les attributions de la députation permanente, agissant en leur absence, réfléchiront mûrement aux garanties diverses que doivent présenter ceux que l’on se propose d’appeler à la députation chargée de gérer les affaires de la province. Le mandat de la loi ne me paraît ici présenter aucun inconvénient sérieux.
D’ailleurs la députation devra rendre compte de l’exercice de ce pouvoir extraordinaire, par là elle avertit de la responsabilité qui doit en résulter pour elle.
Je voterai, en conséquence, pour le maintien de la proposition de la section centrale.
- L’amendement de M. Dumortier, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. le président. - Nous allons passer à la délibération sur l’article 115.
M. Dubus. - Nous ne pouvons délibérer sur cet article qui a été renvoyé à la section centrale ; ce n’est qu’au moment d’entrer en séance que le rapport nous a été distribué ; nous n’avons pas eu le temps de le lire. (A demain ! à demain !)
M. Doignon déclare retirer un amendement qu’il avait proposé sur le second paragraphe de l’article 141 du gouvernement. Ce paragraphe est mis aux voix et adopté en ces termes : « Ils peuvent visiter les établissements publics entretenus ou secourus par la commune. »
- L’ensemble de l’article est également adopté.
M. le président donne lecture de l’amendement de M. Lardinois renvoyé à la section centrale dans une précédente séance et tendant à conférer aux commissaires d’arrondissement la qualité d’officier de police judiciaire.
M. Lardinois. - Je crains que ma proposition ne soit pas destinée à faire aujourd’hui fortune à la chambre ; elle a d’ailleurs déjà essuyé plus d’une vicissitude. A sa naissance elle fut presque écrasée sous le poids d’une grosse plaisanterie, et je vis que la section centrale la rapporte toute mutilée ; mais cette fois je dois en accuser l’imprimeur. Je n’ai pas demandé de requérir tous les officiers de police auxiliaire. Je me bornerai à dire quelques mots pour justifier l’utilité de ma proposition.
J’avais présenté une proposition tendant à conférer aux commissaires d’arrondissement la qualité d’officier de police judiciaire avec faculté de requérir les officiers de police auxiliaires lorsqu’ils ne pourraient agir personnellement. C’est la conséquence de l’article 10 du code d’instruction criminelle.
Cette fonction n’a rien d’attrayant, est pénible au contraire ; et je crois qu’en général on inclinerait à s’en défendre plutôt qu’à s’en revêtit. Mais lorsqu’il s’agit de sûreté publique, les convenances personnelles des fonctionnaires ne doivent pas être consultées, elles doivent céder devant l’intérêt social. Vous entendez proclamer de tous côtés, la police judiciaire se fait mal, les délits et les contraventions se multiplient et restent impunis.
Pour obvier à cet inconvénient, le ministre de la justice vous propose de nommer par canton un officier de police judiciaire, ce qui coûterait environ 200,000 francs par an.
Organe de la commission chargée de l’examen du projet de loi de circonscription des cantons de justice de paix, l’honorable M. Schaetzen avoue dans son rapport que l’action du gouvernement sur les juges de paix perdra de sa force lorsque ces fonctionnaires auront acquis l’indépendance et l’inamovibilité que leur assure la constitution. Cette prévision ne peut manquer de se réaliser, car l’inamovibilité se comprend à peu près comme l’infaillibilité ; on est porté à se croire dégagé de tout frais et de tout lien, et alors la volonté individuelle se met le plus souvent à la place de l’intérêt général ou le domine.
En adoptant ma proposition vous augmenterez de beaucoup le nombre des officiers de police judiciaire sans aucune augmentation de dépense pour l’Etat : C’était en même temps créer une nouvelle garantie pour la sûreté des personnes et des propriétés.
Les rapports journaliers que les commissaires d’arrondissement ont avec les administrations communales, leur font connaître une multitude de contraventions et des délits ruraux totalement ignorés des parquets.
Si l’on exposait, messieurs, ce qui se passe à propos de l’exécution des lois sur la milice et de la garde civique, vous seriez révoltés des abus qui se pratiquent. Beaucoup d’infractions aux lois n’auraient pas lieu si le commissaire d’arrondissement avait le droit de dire aux communes, aux bourgmestres : vous constaterez tels délits de telles contraventions, et de leur faire sentir en même temps, qu’en cas de motifs ou de connivence on se transporterait au besoin sur les lieux pour agir comme officier de police judiciaire.
Ces simples réflexions suffiront, je pense, pour faire sentir l’utilité de ma proposition ; mais la section centrale a jugé qu’elle ne pouvait faire partie de la loi provinciale ; j’appuie ses motifs et je retire ma proposition pour la reproduire en temps plus opportun.
- La proposition de M. Lardinois est retirée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demanderai à la chambre si elle ne veut pas passé au vote d’un article qu’elle paraissait vouloir remettre au vote définitif, mais qui semble pouvoir être discuté maintenant ; c’est l’article 39 relatif aux incompatibilités.
M. H. Dellafaille - Je ferai observer que cette marche est contraire au règlement.
M. Fallon. - Il me semble qu’on pourrait se mettre d’accord avec le gouvernement. La section centrale n’a qu’à proposer l’article 39 comme un article nouveau.
- Voix diverses. - Oui ! oui ! Non ! non !
M. Dubus. - Je ferai observer que c’est véritablement un article nouveau. La difficulté qui s’élève a déjà été soulevée : M. d’Huart a présenté un amendement comme article additionnel à l’article 39. M. Rodenbach a présenté un sous-amendement, et c’est sur ces deux dispositions que la section centrale a fait son rapport.
- Une voix. - On ne peut s’en occuper aujourd’hui, l’heure est trop avancée.
M. Dubus. - Je ne le demande pas.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la parole pour une motion d’ordre ; la chambre se rappellera qu’elle a décidé qu’elle s’occuperait après le premier vote de la loi provinciale, d’une loi sur laquelle j’ai appelé son attention.
- Une voix. - La loi contre les orangistes.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il est possible que les dispositions qui restent à voter dans la loi actuelle n’absorbent pas demain tout le temps de la chambre ; je prie M. le président de mettre la loi dont j’ai parlé à l’ordre du jour de demain.
M. le président. - La loi sera mise à l’ordre du jour de demain, elle était mise à l’ordre du jour de cette séance.
M. d’Huart. - Je désire avoir l’honneur, messieurs, de vous soumettre une motion d’ordre, qui concerne la loi dont nous venons de nous occuper. (Parlez ! parlez !)
Par l’article 44, voté tout à l’heure, il est stipulé que le conseil provincial doit avoir fait le budget dans la huitaine qui suivra la quinzaine de rigueur pour la durée de sa réunion ; par l’article 74 du projet de la section centrale nous avons établi que le conseil répartit conformément aux lois le contingent des contributions directes entre les communes. Nous imposons dans la loi ces obligations au conseil, mais il n’y a pas de sanction relativement aux deux articles que je viens de citer. Je prierai la section centrale, qui a montré tant d’activité, qui a rendu de si grands services dans les travaux préparatoires de la loi provinciale, de prendre l’observation que je soumets à la chambre en considération.
Vous voulez que le budget soit fait dans le délai de 8 jours ; vous voulez que le conseil répartisse l’impôt entre les communes ; mais si le conseil provincial ne satisfaisait pas à ces dispositions, cela équivaudrait à un refus de subsides, puisque l’on ne percevrait pas d’impôt. Ce serait là une chose certainement grave, qu’il importe d’éviter ; je crois donc qu’il faut établir dans la loi une sanction quelconque aux articles 44 et 74.
M. Dubus. - Je crois devoir faire une réponse à la dernière objection de M. d’Huart ; c’est que l’article 74 porte que le conseil doit répartir entre les communes les contributions directes, c’est une délégation de la loi ; si le conseil était négligent, s’il ne satisfaisait pas à ce que la loi lui prescrit, le législateur pourrait opérer lui-même la répartition qui ne serait pas faite.
M. d’Huart. - Mais ce qu’objecte M. Dubus est précisément la question.
Je reconnais que l’on a imposé au conseil l’obligation de faire le budget, de répartir l’impôt entre les communes ; mais si le conseil ne remplit pas ces obligations, la marche de l’administration est entravée, faute de sanction dans les dispositions de la loi.
On sera obligé de recourir aux chambres, et si, comme il est probable, vu l’époque de l’année où les conseils provinciaux se réunissent, les chambres n’étaient pas assemblées, voyez à quels retards et à quels inconvénients on serait soumis pour lever la difficulté. Il vaut donc mieux que la loi y pourvoie dès maintenant.
Je ne dis pas que mon observation soit sans réplique ; mais j’ai cru devoir, en conscience, appeler à cet égard l’attention de la chambre, et particulièrement celle de la section centrale et du gouvernement.
M. de Theux. - L’article 74 a donné lieu à quelques observations. On est convenu qu’on l’adoptait sauf rédaction. La section centrale, en revoyant tous les amendements, s’occupera de ceux adoptés dans la séance d’aujourd’hui et des observations faites par M. d’Huart sur les articles 74 et 44.
- La séance est levée à 4 heures et demie.