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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 26 février 1834

(Moniteur belge n°58, du 27 février 1834 et Moniteur belge n°59, du 28 février 1834)

(Moniteur belge n°58, du 27 février 1834)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.

M. Liedts lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des finances.


Par un message le sénat annonce avoir adopté le budget du ministère des finances.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1834

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Travaux publics

Article 5

« Art. 5. Entretien et réparations aux endiguements des polders : fr. 500,000 fr. »

M. le président. - Nous en sommes à l’article 5 du chapitre VIII, relatif aux travaux publics. A l’article 5, polders, il est demandé 500,000 fr. par le gouvernement. La section centrale propose une autre rédaction de cet article : elle demande qu’il ait pour titre : « Entretien et réparations des endiguements des polders, sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires. »

Le ministre demande une augmentation de 157,000 fr. Cet article, par conséquent, se monterait à 657,000 fr.

Un amendement a été proposé par M. Olislagers ; il demande un crédit de 50,000 fr. pour travaux aux rives de la Meuse.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - A la fin de la séance d’hier, j’ai demandé que l’on votât sur l’article 5 relatif aux polders et que l’on mît ensuite en discussion les réparations relatives aux rives de la Meuse.

M. Jullien. - Cet article 5 a été longuement discuté à la séance dernière ; on était prêt à voter lorsque M. Olislagers a joint son amendement à l’article. C’est à cette occasion que le ministre a fait l’observation, très juste à mon sens, que l’amendement de M. Olislagers n’avait rien de commun avec l’article en délibération qui a pour objet le réendiguement des polders, tandis que l’amendement était relatif aux rives de la Meuse. Je crois qu’il faut s’occuper du vote sur l’endiguement des polders. (Appuyé ! appuyé !)

M. le président. - Art. 5. Entretien des endiguements de polders, sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires : fr. 657,000. »

- Cet article mis aux voix est adopté.

Article nouveau

M. le président. - M. Olislagers demande une somme de 50,000 fr. pour réparation aux rives de la Meuse de la commune de … sauf recours s’il y a lieu.

La section centrale n’a pas pensé que la dépense fût opportune, et ne conclut pas à l’allocation du crédit demandé.

M. Simons. - Messieurs, l’année dernière, à l’occasion de l’examen du chapitre du budget qui est maintenant en discussion, je me suis élevé avec force contre l’apathie que montre en général le gouvernement, quand il s’agit d’ouvrages de première nécessité à exécuter dans la province du Limbourg. Je regrette vivement que mes justes doléances n’aient fait aucune impression. C’est réellement comme si la partie de cette province, qui n’a pas été sacrifiée par le traité de novembre 1831, ne méritait plus l’attention du gouvernement.

Des allocations importantes sont pétitionnées tous les ans pour des ouvrages d’utilité publique à exécuter dans les autres provinces ; mais on reste sourd aux réclamations les plus vives qui partent de cette partie non moins intéressante de ce royaume.

Loin de moi de vouloir contester les demandes de fonds pour dépenses urgentes de cette nature dans les autres localités ; chaque fois que la nécessité m’en a été démontrée je les ai appuyées de mon vote. Par contre j’ose espérer que la chambre et le gouvernement montreront la même bienveillance à l’égard d’une province qui, morcelée et déchirée par la diplomatie, entravée dans ses relations commerciales, et condamnée à un isolement désastreux par l’établissement d’une ligne de douanes, reste seule victime de la révolution.

Je n’abuserai pas des moments précieux de la chambre pour dérouler le tableau sombre de la situation dans laquelle se trouvent les riverains de la Meuse dans ma province. Des inspecteurs ont été sur les lieux pour constater l’état des choses ; des rapports, qui certainement ne peuvent être soupçonnés d’exagération, ont été adressés au gouvernement par ces fonctionnaires. Je prie M. le ministre de l’intérieur de communiquer ces documents à la chambre, et elle sera pleinement convaincue qu’il est plus qu’urgent que l’Etat vienne au secours d’une localité aux abois.

L’on me répondra sans doute (au moins c’était le moyen principal qui fut mis en avant l’année dernière pour combattre l’amendement de l’honorable M. de Theux) : « Les dépenses de cette nature sont une charge de la province ; c’est à elle à y pourvoir, et nullement à l’Etat. »

Je pourrais soutenir avec quelque plausibilité, je pense, que ces charges ne peuvent être régulièrement rangées dans la classe des charges provinciales ; que les dispositions qui existent sur cette matière, imposées par la force brutale du pouvoir de l’ancien gouvernement, au moins pour ce qui concerne le Limbourg qui s’y est constamment opposé, sont subversives des principes d’équité.

En effet, à qui appartiennent les fleuves et rivières navigables ? Incontestablement, d’après le droit commun, elles forment une dépendance du domaine public. Eh bien, au propriétaire incombe la charge d’entretien ; c’est donc à tort qu’on la fait peser sur les provinces : l’Etat doit veiller à l’entretien de tout ce qui forme le domaine public.

Mais, messieurs la province dont je plaide les intérêts n’est pas réduite à ce moyen. Je respecterai les dispositions qui régissent la matière, quelque absurdes, quelque injustes, j’ose le dire, qu’elles soient. Je n’ignore pas que tant que l’arrêté de décembre 1819 ne sera pas rapporté en thèse générale les frais que nécessiteront ces sortes d’ouvrages restent à la charge des provinces.

Mais je vous prie, messieurs, de vouloir remarquer, et cette considération mérite, toute votre attention, que la province du Limbourg se trouve dans une position toute particulière qui, en présence même de l’arrêté précité, la dégage de l’obligation que cet arrêté lui imposait. En effet, le chef du précédent gouvernement, en chargeant les provinces de ce fardeau, leur a concédé en même temps la jouissance de tous les revenus quelconques des rivières dont l’entretien leur était imposé. Les revenus devaient leur servir de compensation, et indemniser les provinces des frais qu’elles étaient obligées de faire. Eh bien, la province du Limbourg, depuis la révolution, est privée de ce revenu.

L’interruption de la navigation sur la Meuse, durant près de 3 ans, a d’abord suspendu cette jouissance, et ensuite les traités des mois de novembre 1831 et de mai 1833, qui déclarent la navigation de ce fleuve absolument libre, ont irrévocablement enlevé à la province les péages établis sur la Meuse dont la perception lui était garantie par l’arrêté de 1819 ; et par suite celle-ci est en strict droit dégagée de l’obligation qui ne lui a été imposée qu’en considération de la jouissance de ce revenu.

C’est un véritable contrat bilatéral qui est intervenu entre le précédent gouvernement et les provinces. Celles-ci, par ce contrat, ont été assujetties à l’entretien des rives des fleuves qui traversent leur territoire respectif, sous la condition, sine qua non, qu’elles jouiraient par contre, paisiblement, des fruits civils et naturels de ce domaine. De là l’obligation qui incombe à l’Etat, par la nature du contrat, de garantir aux provinces la jouissance paisible de ce revenu. Or la province du Limbourg a été privée de cette jouissance ; elle en est dépouillée par le fait même du gouvernement, qui par des traités l’a placée dans l’impossibilité de percevoir dorénavant ces péages, etc., etc. ; donc le contrat intervenu est définitivement rompu pour ce qui concerne cette province. L’arrêté de décembre 1819 y a perdu toute sa force. En un mot, les choses, quant à la Meuse, dans la province du Limbourg, sont rétablies sur le même pied qu’elles étaient avant le mois de décembre 1819 ; et par une conséquence nécessaire, c’est à l’Etat comme propriétaire du fleuve, et pas à la province qui se trouve dépouillée de la jouissance de ce domaine, qu’incombe l’entretien de ses rives.

Permettez-moi, messieurs, qu’à l’appui du système que j’ai eu l’honneur de développer, je cite un passage remarquable du discours prononcé dans cette enceinte par l’honorable M. Nothomb lors de la discussion au sujet de la convention de Zonhoven : « Un arrête du 17 décembre 1819, disait cet honorable membre, a placé certaines rivières et notamment la Meuse dans le domaine provincial, et établit un droit de navigation au profit de la province riveraine. L’article 9 du traité du 15 novembre et l’article 4 de la convention du 21 mai ont changé cet état de choses ; la Meuse est sortie du domaine provincial pour entrer dans le domaine national : le droit de navigation ne se perçoit plus au profit de la province, en vertu de l’arrêté du 17 décembre, mais au profit de l’Etat, conformément à la convention du 21 mai. »

Je m’arrête ici. D’après ce qui précède il demeure constant que l’entretien des ouvrages de la Meuse, de charge provinciale qu’il était sous l’empire de l’arrêté de décembre 1819 est devenu charge de l’Etat depuis les traités de novembre 1831 et mai 1833, et de là obligation pour le gouvernement de porter au budget de l’Etat un article de dépense qui le mette à même de faire face aux frais indispensables que nécessitent ces ouvrages.

Le point de droit établi, reste à examiner s’il y a réellement urgence à faire faire des réparations aux rives de la Meuse dans le Limbourg. A cet égard il ne peut vous rester le moindre doute. Je suis à même d’administrer la preuve de cette nécessité, je dirai même de cette urgence, au moyen d’une pièce qui mérite d’autant plus votre confiance, qu’elle émane de la section centrale que la chambre a spécialement nommée pour examiner cet objet.

Vous vous rappellerez, sans doute, messieurs que l’année dernière j’ai agite la même question ; que, par suite de la discussion à laquelle cet objet avait donné lieu, l’honorable M. de Theux fit une proposition d’allouer au budget une somme de 73,000 francs pour faire face aux réparations les plus urgentes, et qu’avant de prendre une décision à ce sujet la proposition de l’honorable membre fut renvoyée à votre section centrale. Eh bien, messieurs, c’est le rapport qui vous fut fait dans la séance du 23 septembre dernier par son honorable rapporteur, M. Dubus, qui démontre ce point important de la manière la plus évidente. Comme la section centrale, chargée de l’examen préliminaire de la proposition de l’honorable M. Olislagers, semble révoquer en doute l’urgence, voire même l’opportunité de ces travaux, et conclut à un plus ample informé, moyen dilatoire qui ne tend à rien moins qu’à renvoyer cette proposition aux calendes grecques, il importe que je donne lecture à la chambre de ce rapport.

Voici, quant aux faits, comment s’est exprimé cet honorable rapporteur :

« Messieurs, votre section centrale pour le budget de l’intérieur vient de terminer son travail sur l’amendement proposé par M. de Theux dans la séance du 16 septembre courant. Elle m’a chargé de vous présenter son rapport. Cet amendement est un article additionnel au chapitre VIII, et voici comment il est conçu : « 73,000 fr. pour la réparation aux rives de la Meuse, sauf recours s’il y a lieu. » A l’appui de sa proposition, l’honorable M. de Theux et d’autres orateurs ont fait valoir les circonstances particulières relatives à la navigation de la Meuse et à la province elle-même depuis les événements de septembre 1830. On s’est fondé principalement sur le danger imminent qui existe pour les propriétés riveraines de la Meuse, sur l’inconvénient du retard des travaux, retard qui exposerait à des désastres certains.

« La section centrale a cru devoir s’assurer du fait. Il résulte des pièces qui lui ont été communiquées que les rives de la Meuse ont été examinées par les ingénieurs de la province, que l’inspecteur divisionnaire y a été envoyé au mois d’août. Le rapport de cet ingénieur a été mis sous nos yeux, et il démontre qu’il y a urgence à travailler le plus tôt possible, et avant la saison des grandes eaux :

« 1° A Maasbamp (hameau de Stein), rive droite de la Meuse, où la digue, qui y forme rive, est tellement endommagée et en partie détruite, que les maisons de ce hameau courront le plus grand danger pendant l’hiver ;

« 2° A Grevenbick où la digue a été rompue l’hiver dernier : ce point, dit le rapport, est le plus exposé de toute la Meuse, il y a urgence extrême d’y travailler, il faut absolument que la digue soit immédiatement reconstruite ;

« 3° A Maesyck, au pied du rempart même, qui forme digue, se trouve un éboulement qui a produit une excavation profonde et qui met en danger ce rempart : l’alluvion se trouve dévorée sur presque toute la longueur, et la digue est dégradée en beaucoup d’endroits. Les ravages se prolongent jusqu’à Aldeneyck ;

« 4° A Uyckhoven, la digue qui couvre le village et une grande étendue de terrain se trouve fortement corrodée par le pied ; l’alluvion, qui gagne du côté opposé, resserre fortement le lit en cet endroit ; il y a plusieurs parties fort dangereuses.

« Ces quatre points, selon M. l’inspecteur divisionnaire sont ceux qui méritent le plus l’attention, parce que la grande digue, celle qui retient la Meuse dans ses limites d’hiver, s’y trouve soit mince soit dans le plus grand état de dégradation, soit même complètement emportée.

« Il signale encore plusieurs autres points où des travaux sont nécessaires, et entre autres celui d’Aldeneyck, au-dessous de Maesyck, où l’action du courant dévore la rive et menace de creuser au fleuve un nouveau lit, et de transporter ainsi de la rive gauche à la rive droite une portion de notre territoire en la dévastant.

« Il est hors de doute, porte textuellement le même rapport, qu’à Maasbamp, à Aldeneyck et à Grevenbick, les eaux se déverseront derrière les digues endommagées ou rompues, et porteront la désolation, et la ruine dans les lieux où elles s’étendront. »

« Dans le même rapport, l’ingénieur a fait la supputation des dépenses nécessaires, en distinguant celles qui sont urgentes de celles qui peuvent être différées à la campagne prochaine. Le total de ces dépenses s’élève à 480,000 fr., celles qui sont urgentes à 73,000 fr., et celles qu’on peut ajourner jusqu’à l’an prochain à 107,000 fr. Il estime qu’on ne saurait différer les travaux urgents sans s’exposer aux plus grands malheurs. »

Les détails dans lesquels cet honorable rapporteur est entré au sujet alarmant dans lequel se trouvent les rives de la Meuse, feront disparaître tout doute à cet égard et donneront à cette assemblée la conviction pleine et entière qu’il y a véritablement urgence à faire commencer immédiatement ces travaux.

Il reste donc constant qu’abstraction des 73,000 fr. qui ont été alloués au budget précédent pour cet objet, une somme de 107,000 fr. au moins est indispensable pour subvenir aux frais ultérieurs, que nécessiteront les autres ouvrages signales dans ce rapport, et dont la confection, vu l’époque avancée de l’année, a dû être ajournée à l’exercice courant.

En résumé donc : 1° obligation de la part du gouvernement de se charger à l’avenir des ouvrages de défense et autres à faire à la Meuse, dans la province du Limbourg ; et 2° urgence dûment constatée d’ouvrages de cette nature à faire encore jusqu’à concurrence de 107,000 fr.

D’après ces considérations, je n’appuierai pas seulement l’amendement proposé par mon honorable collègue et ami M. Olislagers, mais j’adjure M. le ministre d’ajouter aux demandes d’allocations faites par le gouvernement une autre de 107,000 fr., afin de pouvoir faire face aux dépenses dont il s’agit.

Une responsabilité immense pèse sur sa personne. Il y a danger imminent pour des propriétés importantes. Des communes entières riveraines sont menacées de destruction, pour peu que l’on néglige de réparer les ouvrages dont il s’agit, qui se trouvent en grande partie soit minés, soit dans un état de dégradation notable, soit même complètement emportés. Le moindre délai peut avoir les conséquences les plus funestes pour toute une localité.

J’ose donc me flatter que la chambre et le gouvernement n’abandonneront pas une province qui déjà n’a été que trop maltraitée par un acte de la diplomatie que le respect pour la chose jugée me défend de qualifier dans cette enceinte. Si des considérations majeures ont fait sacrifier en 1831, au bien-être général, la moitié de cette province, la législature de 1833 ne permettra jamais que, pour un intérêt minime, la partie que la politique a respectée ne soit de nouveau compromise. Car notez-le bien, messieurs, l’action du courant de la Meuse dévore sa rive gauche. Elle menace de creuser au fleuve un nouveau lit et de transporter ainsi de la rive gauche à la rive droite une portion notable de notre territoire.

M. Vanderheyden. - Messieurs, j’entends dire par les honorables préopinants que c’est à la province qu’incombent l’entretien et la réparation des digues et des rives de la Meuse.

J’aurai l’honneur de faire remarquer à la chambre et aux honorables préopinants que nous ne sommes pas appelés, dans ce moment-ci, à décider si l’entretien des rives de la Meuse et du chemin de halage est une charge des communes riveraines et de la province ou de l’Etat : cette décision trouvera sa place dans la discussion des lois provinciale et communale.

La question qu’il s’agit de décider maintenant est celle qui résulterait de l’exemple suivant :

Les digues et autres ouvrages élevés sur le bord d’un fleuve dans le but de défendre les habitants et les terres en culture contre les inondations, ont été emportés ou détruits par la violence des eaux ; un village ou hameau, situé malheureusement à une petite distance du fleuve dégarni de ses digues, mais dans un endroit par où tout l’eau du fleuve qui déborde prend son cours pour regagner un peu plus loin le lit qu’elle a abandonné ; ce village, dis-je, se trouve exposé non seulement à être inondé à chaque débordement et à rester plus ou moins longtemps submergé, mais encore à être emporté et détruit par la violence des eaux et le choc impétueux des glaçons, lorsque le débordement est causé par une débâcle. Les habitants de ce village, justement effrayés du danger de leur position, après avoir réclamé longtemps mais inutilement, la reconstruction de la digue auprès des états et du gouverneur de la province, ont enfin recours au Roi ou au gouvernement, demandant sa protection pour être mis à l’abri des affreux malheurs qui les menacent. Le gouvernement peut-il la leur refuser ? il ne le peut sans se rendre responsable des suites.

Eh bien ! messieurs, le cas que je viens d’exposer, c’est celui du hameau d’Aldeneyck dépendant de Maesyck, et situé dans un coude que décrit la Meuse au-dessous de cette ville. Depuis la porte de Maesyck sur la Meuse dans une longueur de quelques centaines de mètres, la digue et une partie des terres cultivées qu’elle servait à défendre ont été emportées par les eaux. Cet hiver même, qui sera remarquable par la hauteur extraordinaire à laquelle se sont élevés les fleuves, le hameau d’Aldeneyck et les campagnes qui le séparent de la Meuse, ont été pendant deux mois submergés et exposés au contact des eaux qui débordaient sur une longueur de plusieurs centaines de mètres.

Vous vous imaginerez facilement, ou plutôt il est impossible de s’imaginer ce que les malheureux habitants ont souffert dans leurs personnes et dans leurs propriétés par un séjour aussi long au milieu des eaux courantes : leurs maisons rendues presque inhabitables, les grains qui remplissaient leurs granges pourris dans l’eau, la croûte végétale des terres ensemencées, qui se trouvent dans la direction du courant, enlevée avec la récolte naissante, et remplacée par des cailloux et du gravier de la Meuse ! Voilà, messieurs, les effets du débordement de la Meuse pendant cet hiver. Que serait-il arrivé si ce débordement avait en lieu au moment d’un dégel et pendant une débâcle après un rude hiver qui aurait couvert la rivière d’une énorme couche de glace ? Je vais vous le dire : l’église, les maisons, les fermes, les granges, les étables, toutes auraient été rasées par les glaçons et emportées par les eaux. C’est le sort, messieurs, qui est réservé à ce malheureux hameau et à ses habitants, si la digue n’est pas reconstruite.

Ne croyez pas, messieurs, que j’exagère ; loin de là. Pour vous en convaincre, j’en appelle à la supplique que les habitants d’Aldeneyck et la régence de Maesyck ont présentée au Roi dans le mois de mai de l’année dernière ; j’en appelle au rapport fait au ministre de l’intérieur par les ingénieurs qu’il avait chargés de visiter les rives de la Meuse dans la province de Limbourg, et dans lequel le point dont il s’agit est indiqué comme un de ceux où des travaux de réparation à la digue étaient de la plus grande urgence ; il y signale même la tendance que manifestait la Meuse vis-à-vis le village d’Aldeneyek à changer de direction ou à creuser un nouveau lit au travers de ce village et des champs qui l’entourent.

J’aurai l’honneur de rappeler à la chambre que, vers la fin de la dernière session, elle a alloué, sauf recours contre qui de droit, la somme de 73,000 fr., à laquelle étaient évalués par la commission des deux ingénieurs les travaux de conservation à exécuter sur les rives de la Meuse, avant la saison des grandes eaux, et qui étaient déclarés très urgents. Les 2/3 de cette somme ont été employés à des travaux au bord de la Meuse sur la rive droite, travaux qui ont été mis en adjudication dans le courant d’octobre et exécutés au commencement de novembre.

Le tiers restant paraît avoir été destiné aux réparations à faire aux deux points de la rive droite, à Uyckhoven et à Maesyck : pour ce qui regarde ce dernier point, le 12 novembre 1833 a eu lieu à Hasselt l’adjudication d’un travail de réparation à faire près et au-dessous de Maesyck, sur une longueur de 300 aunes, si je ne me trompe, pour la somme de 14,000 fr., qui restent encore de ladite somme.

Dans le devis de cette réparation, l’ingénieur en excuse l’exiguïté en disant que pour le moment il n’avait pas d’argent pour en faire davantage. Mais vous demanderez, messieurs, si cette réparation a été exécutée. Je vous répondrai que non. Eh, messieurs, comment pourrait-il en être autrement : l’entrepreneur avait, je pense, 30 jours pour se procurer les matériaux et les préparer au travail ; ses ouvriers n’auraient donc pu mettre la main à l’œuvre que vers le milieu de décembre, c’est-à-dire, au milieu de la saison des grandes eaux. Vous avez là un échantillon, messieurs, du savoir-faire du corps du génie et du waterstaat.

De tels travaux doivent être achevés avant le mois d’octobre, dans la saison des basses eaux, si l’on veut qu’ils soient bien faits et durables.

Je vous ai exposé, messieurs, fidèlement et sans exagération, l’état exact des choses ; je demande que la chambre veuille allouer au gouvernement la somme nécessaire aux travaux à faire sur les bords de la Meuse, et qu’exigent la sûreté des habitants d’Aldenyck et la conservation de la ville de Maesyck. Tandis que la chambre se montre très libérale pour l’encouragement de l’industrie et de l’agriculture, tandis qu’en faveur de cette dernière elle a sacrifié plusieurs millions que produisait l’ancien impôt sur les eaux-de-vie distillées des grains, refuserait-elle l’avance d’une centaine de mille francs pour mettre en sûreté un village et une ville, et pour conserver au pays et à l’agriculture un très grand nombre de bonniers de terres en culture depuis des temps immémoriaux ? Non, j’ai la confiance que la chambre accordera même au-delà de ce que mon collègue l’honorable M. Olislagers a demandé.

Je demande que la chambre alloue, sauf recours contre qui de droit, toute la somme à laquelle la commission des ingénieurs qui a visite l’an dernier les bords de la Meuse depuis Maestricht jusqu’à Ruremonde a évalue la dépense à faire sur les bords de la Meuse pour mettre en sûreté les habitants et défendre les propriété riveraines. Je ne puis m’empêcher de rappeler encore une fois à la chambre que ce n’est pas un sacrifice que nous demandons au trésor de l’Etat, mais une simple avance : une loi qui est très nécessaire. sur cette matière, et qui sans doute rentrera dans la loi qui doit organiser la province, déterminera, avec effet rétroactif, la part que les communes, les provinces et l’Etat auront à fournir dans des semblables dépenses.

M. d’Huart. - Lorsque j’ai annoncé dernièrement l’opposition que je me proposais de faire contre l’adoption de l’amendement en discussion, un de nos honorables collègues a cru trouver dans les paroles que j’ai prononcées une espèce d’attaque personnelle.

Je me suis empresse d’expliquer ma pensée à l’assemblée, j’ai déclaré que j’avais la conviction qu’en demandant à la législature une somme de 73,000 francs pour réparation des rives de la Meuse, l’honorable M. de Theux était persuadé de la justice de sa demande ; dans l’intérêt général je dois faire aujourd’hui la même déclaration à l’honorable M. Olislagers ainsi qu’aux honorables préopinants. Je ne doute pas qu’il ne soient dirigés par aucun esprit de localité, j’aime à croire qu’ils n’agissent également que dans l’intérêt général. J’espère donc qu’on ne se méprendra plus sur mes intentions.

Si je m’oppose à l’amendement dont il s’agit, c’est que je le regarde exclusivement comme contraire aux principes qui doivent nous diriger.

Aux termes des lois existantes et notamment selon le code civil, les travaux quelconques nécessités pour l’entretien des rives des fleuves et rivières navigables ou flottables incombent aux riverains, et cela est fort juste puisque, d’après les mêmes lois, les alluvions qui se forment vers les rives deviennent la propriété des riverains.

Comme, d’après les mêmes lois, les atterrissements qui se forment dans le milieu du lit de ces cours d’eau appartiennent à l’Etat, celui-ci est chargé d’en maintenir la navigabilité.

La part de chacun dans les avantages et dans les préjudices est donc réglée d’une manière équitable ; et dans le cas présent les dégradations des rives de la Meuse doivent être à la charge des riverains, et le maintien de sa navigabilité devrait être à la charge de l’Etat ; mais, d’après l’arrêté du 17 décembre 1819, la province du Limbourg ayant été substituée aux droits du gouvernement, quant à la Meuse, c’est à cette province que doivent incomber les frais du maintien de la navigabilité.

Pour ce soustraire à ces règles légales, il faudrait nécessairement le cas de force majeure et une urgence bien constatée ; or, c’est ce qui n’existe pas ici. Le gouvernement auquel est imposé le devoir de veiller au cours des fleuves et rivières, est-il venu réclamer des fonds pour la Meuse ? A-t-il constaté l’urgence des travaux dont il s’agit ? Non, il a gardé à cet égard le plus profond silence ; il faut donc bien croire que les dangers dont on a parlé pour donner quelque poids à l’amendement, ne sont pas réels ; il faut bien croire que le zèle de l’honorable auteur de cet amendement lui a fait exagéré le mal et la nécessité immédiate du remède.

L’année dernière il a été accordé sur la demande de M. de Theux, une somme de 73,000 fr. pour le même objet ; alors on était arrivé vers la fin de l’année, on nous disait que les réparations devaient avoir lieu avant l’hiver, à moins d’exposer la ville de Maesyck aux plus grands dangers, on nous disait : Que risquez-vous en votant à titre d’avance une somme dont l’emploi ne saurait subir le moindre retard, et qui d’ailleurs sera récupérée par le gouvernement ? Cette fois que le budget est voté au commencement de l’année, les mêmes raisons ne sont plus admissibles. C’est à tort que l’on invoque ici le rapport fait l’an dernier par la section centrale en ce qu’il parle de l’urgence. Le gouvernement a le temps de prendre des mesures et d’obliger la province à procéder dans la bonne saison aux travaux qui lui incombent de toute manière.

Si, ce que je ne crois pas, il était nécessaire de faire un nouveau prêt à la province du Limbourg, dont par parenthèse les finances sont dans un état prospère, il serait prudent de connaître au préalable quel a été l’emploi de la somme déjà prêtée et quelles sont les mesures du gouvernement pour faire rembourser cette somme au trésor.

Par ce qui s’est passé l’année dernière dans cette chambre, le gouvernement a été suffisamment averti des envahissements de la Meuse ; il a nécessairement dû se faire produire, à cet égard, des rapports positifs. Il est donc impossible de croire que si l’imminence du danger et l’urgence des travaux étaient telles qu’on les a dépeintes, et que le pouvoir exécutif n’ait pas les moyens d’y faire face sans recourir à la législature, il est impossible de croire, dis-je, que le gouvernement ait néglige de demander des fonds au budget, car ne peut supposer qu’il ait aussi sciemment compromis sa responsabilité d’une manière aussi grave.

L’honorable M. Olislagers a présenté un amendement ; il demande 50,000 fr. ; sur quoi appuie-t-il sa demande ? Sait-il à quoi s’élèveront les réparations à faire ? Les ingénieurs se sont-ils prononcés ? Comment le gouvernement ne vient-il pas justifier cette demande ?

Il se pourrait que 25,000 fr. fussent suffisants, il se pourrait que 50,000 fr. ne seraient rien et ne seraient employés qu’en pure perte. On prétend que la province du Limbourg, depuis 1830, ne percevant plus les droits de navigation sur la Meuse, ne peut être chargée d’entretenir cette navigation ; j’ai déjà fait remarquer que les dégâts existaient avec 1830, et qu’ainsi ils sont à sa charge. Dans la province d’Anvers, le fleuve qui la traverse a occasionné des dégâts ; les riverains les ont réparés. Je regrette de n’avoir pas entendu le discours prononcé par un honorable membre. Je ne puis y répondre. Quoi qu’il en soit, je vote le rejet de l’amendement de M. Olislagers.

M. Ch. Vilain XIIII. - L’opposition de M. d’Huart repose sur trois motifs, à ce qu’il me paraît : 1° les riverains sont obligés de garantir leurs propriétés ; 2° les dangers ne sont pas réels ; 3° à la province à faire les réparations si les riverains ne peuvent pas les exécuter.

Messieurs, il est impossible à tous les riverains de la Meuse de faire les réparations qui sont nécessaires aux rives de ce fleuve. Quand ils possèdent une grande étendue de terrains, quand ils peuvent jeter des capitaux dans l’eau, ils peuvent garantir leurs propriétés ; ils peuvent entreprendre des ouvrages qui coûtent dix mille francs et qui exigent une dépense annuelle de 12 cents francs pour être entretenus ; mais lorsqu’ils ne possèdent qu’un bonnier, qu’un demi-bonnier sur les rives de la Meuse, il leur est impossible d’entreprendre des travaux quelconques ; il leur est surtout impossible de réparer des dégâts considérables.

Il est quelquefois des dégâts qui ont trois ou quatre cents mètres d’étendue et qui comprennent plusieurs petites propriétés : dans ce cas les propriétaires préfèrent perdre leurs bonniers que de consacrer à des travaux hydrauliques des sommes supérieures à la valeur de leur terrain. C’est dans une situation à peu près semblable que se trouvent les habitants des communes de Cothem, de Borshem, de Mechelen, de Maesyck, etc., et il leur est impossible de réparer les rives adjacentes à leurs territoires.

Les dangers ne sont pas réels, a dit un honorable membre. Messieurs, les dangers sont très réels. Je puis l’affirmer parce que je l’ai vu. Les dangers que le hameau de Maasbamp a courus sont très réels ; si les travaux n’avaient pas été faits avant l’hiver, le hameau eût été emporté peut-être tout entier.

Quant à Maesyck, les hautes eaux de cet hiver ont très fortement endommagé la digue, et il est possible que la Meuse se creuse un lit nouveau ; il est possible aussi qu’elle ne change pas de lit ; mais tout cela sont des éventualités. Il est impossible que Maseyck fasse les réparations nécessaires ; et il est indispensable de venir à son secours. Si le traité du 15 novembre est jamais mis à exécution, on ferait à la Hollande présent d’un terrain d’une lieue carrée de plus qu’elle n’a droit.

C’est, assure-t-on, à la province à faire des réparations : mais la province percevait autrefois des droits sur la Meuse, et alors elle était obligée de garantir les rives du fleuve ; dans ce moment la convention du 21 mai a ôté à la province du Limbourg la perception, c’est l’Etat qui lui a imposé cette perte ; c’est donc à l’Etat à supporter les charges résultant des dégâts faits par le fleuve.

M. Jullien. - L’année dernière M. de Theux fit à la chambre la proposition incidente d’ajouter au budget une somme de 73,000 fr. pour réparations aux rives de la Meuse ; cette proposition rencontra beaucoup d’opposition dans cette chambre, et je me souviens très bien que j’étais du nombre des opposants.

Les principaux motifs que l’on faisait valoir étaient ceux-ci : on disait à l’honorable M. de Theux : Vous venez réclamer une somme de 73,000 fr. pour faire face à une dépense qui devrait être supportée ou par la province, ou par les riverains ; on lui citait des règlements et des lois sur la matière, et d’après lesquels les dépenses des rives sont à la charge des riverains, et les dépenses relatives à la navigation, à la charge de la province qui perçoit les droits de navigation. On répondait : Les riverains prétendent que la réparation est une charge de la province, et la province prétend que c’est une charge des riverains ; cependant des réparations sont à faire et il faut qu’elles soient faites.

Je me rappelle que c’est à cause de l’urgence déclarée réelle par l’honorable M. Teichmann que la chambre accorda 73,000 fr., mais sauf recours contre la province ou les riverains. On devait s’attendre que l’avance faite l’année dernière amènerait le gouvernement à régler définitivement la question entre les riverains et la province, afin que de pareilles prétentions ne se renouvelassent pas devant la chambre, et que le gouvernement rentrât dans les fonds qu’il avançait. Maintenant que vous avez ouvert la porte à ces sortes de réclamations, voilà M. Olislagers qui demande 50,000 fr., que M. Simons en demande plus de 100,000 et que M. Vanderheyden en demande encore davantage. Cependant, au milieu des embarras de la contestation entre les riverains et la province, s’il y avait urgence des travaux, on pourrait peut-être, par les autres motifs qui ont déterminé la chambre l’année dernière, accueillir la proposition de M. Olislagers avec la même bienveillance.

Mais personne dans cette enceinte ne venant, ni de la part du gouvernement, ni de la part des ingénieurs, nous attester l’urgence des travaux, il me semble que votre section centrale a agi très prudemment en disant qu’elle n’apercevait pas de motifs suffisants pour accorder l’allocation, et que c’était une affaire à ajourner. C’est, messieurs, le parti qu’il faut prendre. Dans tous les cas, nous attendrons les explications que nous donnera le gouvernement, car il serait fort étrange que si les dangers signalés étaient aussi réels qu’on le dit, le gouvernement n’y ait pas pensé quand il a demandé six à sept cent mille francs pour les travaux publics : si le gouvernement n’a rien demandé pour les réparations de la Meuse, c’est qu’il n’y avait pas lieu à accorder une pareille somme ; ou bien il a cru que la province et les riverains finiraient par s’entendre.

J’appuierai les conclusions de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement n’a pas demandé de crédit pour réparation aux rives de la Meuse parce qu’il a pensé qu’en règle générale ces réparations étaient à la charge des riverains ou des provinces. Toutefois il ne peut cacher à la chambre que les travaux à faire sont tellement urgents, que les dégâts survenus aux rives de la Meuse présentent un tel degré de gravité, qu’il est du devoir du gouvernement de faire en 1834 ce qu’il a fait en 1833.

L’année dernière, par une proposition faite dans cette assemblée, une somme de 73,000 francs a été accordé pour travaux sur les bords de la Meuse ; cette somme a été employée presque toute entière ; et vous venez de l’entendre, c’est aux travaux exécutés par le gouvernement que l’on doit la conservation de tout un hameau. C’est donc à tort que l’on s’est plaint de la négligence du gouvernement dans l’exécution de ces travaux. On a été jusqu’à lui reprocher de n’avoir commencé les travaux qu’au mois d’octobre, oubliant que la somme de 73,000 francs ne lui a été allouée que le 8 octobre.

Le gouvernement a agi avec autant de promptitude qu’il pouvait le faire. A la vérité, pour Maseyck, les travaux n’ont pu être exécutés ; une inondation est survenue, qui a empêché de les commencer ; mais des travaux ont été exécutes sur trois points, et ils ont été très utiles ; c’est par suite de force majeure qu’il n’en a pas été exécuté sur d’autres points : les adjudications étaient faites.

L’année dernière, indépendamment de la somme de 73,000 fr. qui a été accordée, une somme de 107,000 fr. avait été jugée nécessaire ; mais on a cru qu’on pouvait en ajourner l’allocation à l’exercice suivant. Depuis la dernière session, de nouveaux dégâts sont survenus aux rives de la Meuse, et ont rendu plus indispensables des travaux sur ce fleuve.

Je n’ai pas encore reçu le devis des dépenses à faire pour les nouveaux dégâts : un travail a été demandé à l’ingénieur provincial, et le gouvernement l’attend. D’après les évaluations de l’inspecteur-général, une somme de 60,000 fr. mettrait pour le moment le gouvernement à même de faire des travaux urgents ; c’est-à-dire d’en commencer ou d’en terminer sur les points où ils le sont plus nécessaires.

On a soulevé la question de savoir qui doit, aujourd’hui, être chargé des réparations faire aux rives de la Meuse. D’après la législation existante, si nous considérons l’arrêté de décembre 1819 comme encore en vigueur, nul doute que les réparations sont à la charge des provinces ; si nous supposons cet arrêté annulé, nous retombons sous l’empire de la législation de 1807, qui met à la charge des propriétaires riverains le soin d’entretenir les rives des fleuves et des rivières. Si donc la province de Limbourg n’a plus l’obligation de faire cet entretien, cette obligation doit être imposée aux riverains. Mais il est à remarquer que sous l’empire de la législation de 1807, comme sous l’empire de l’arrêté de 1819, le gouvernement se réserve de faire les dépenses de travaux, quand il les croit justes et utiles.

Le gouvernement, en appuyant la demande de crédit qui est faite, n’entend pas cependant renoncer a toute prétention vis-à-vis de la province, ou vis-à-vis des particuliers. Il trouve sa justification dans la loi ou dans l’arrêté que je viens de citer. Toutefois il n’entend pas faire à une province des avantages qu’il refuserait à d’autres, et c’est, au reste, fort gratuitement qu’on accuse le gouvernement de négliger plus la province du Limbourg que toute autre partie du royaume. A l’heure qu’il est, on travaille dans la province du Limbourg à une route autour de Maestricht, qui est toute dans l’intérêt de cette province. On s’occupe en outre d’un projet de route de Diest à Hasselt.

J’appuierai la demande d’allocation faite par M. Olislagers, et je modifie même sa proposition en demandant 60,000 fr.

M. d’Huart. - Messieurs, il n’est pas étonnant que le gouvernement accepte avec empressement les 50,000 francs qui lui sont offerts, il n’est pas étonnant qu’il vienne demander à la chambre d’augmenter encore cette somme ; il est en effet plus commode de recevoir des fonds que d’établir (ce qui ne peut être fait que par une enquête) à qui doit incomber la dépense, soit à l’Etat, soit aux propriétaires riverains soit à la province. Il est plus simple pour le ministre d’obtenir des fonds que d’entreprendre cette opération longue et difficile, mais je ne sais si, en agissant ainsi, il remplit bien son devoir.

Lorsque j’ai dit que les dégâts n’étaient pas réels, j’ai prétendu dire et je maintiens que légalement ils ne le sont pas, puisque l’existence de ces dégâts n’a pas été constatée pour la chambre, puisque la chambre n’a pu les constater elle-même.

Il est probable que si l’honorable M. Olislagers n’avait pas proposé une allocation l’an dernier, le ministre n’aurait pas pensé à la demander. On s’autorise de ce que vous avez accordé l’année dernière 73,000 fr., pour vous demander cette année encore de nouveaux fonds. Puis voici M. Fleussu qui s’appuie sur ces précédents et vous propose d’allouer 80,000 francs pour arrêter les empiétements de la rivière de l’Ourthe non loin de Liége. Là, en effet, les dégâts sont menaçants, et si vous votez des fonds pour réparer les rives de la Meuse, il n’y a pas de motif pour que vous n’accordiez bien cette allocation.

L’honorable M. Ch. Vilain XIIII a fait valoir les inconvénients qu’il y aurait à ce que les réparations fussent faites par les riverains, par ceux-là seuls qui touchent le fleuve ; mais ce pas ce que je demande ; j’entends que les propriétaires placés derrière ces riverains contribuent aussi aux dépenses. Il en est ainsi dans les provinces du Brabant et d’Anvers, que plusieurs rivières traversent ; là les propriétaires sont légalement associés, et font faire aux rives toutes les réparations nécessaires à tant par bonnier. Je ne vois pas pourquoi lorsqu’il en est ainsi dans des provinces traversées par des rivières où la marée se fait sentir, et qui par conséquent donnent lieu à de plus graves accidents, on ferait une exception pour la province du Limbourg qui, sous ce rapport, se trouve dans des conditions plus favorables.

L’an dernier, on alléguait l’urgence des travaux, on nous représentait Maezyck comme englouti ; cependant on ne fait que commencer ces travaux qu’on disait si urgents. Cependant cette année les eaux ont été bien hautes, nous avons eu deux mois de pluie, un grand nombre de rivières ont débordé, de grands dégâts étaient plus vraisemblables que s’il y avait eu des glaces, d’autant plus que le terrain qui borne la Meuse est très humide. On avait grand tort évidemment de parler de dégâts si imminents, de dépenses si urgentes, puisqu’avec des éléments bien plus défavorables qu’on ne pouvait le prévoir, on n’a pas eu de dégâts à réparer, par de dépenses à faire.

On a fait remarquer que l’allocation n’est qu’une simple avance ; mais on fait une avance à un corps constitué quand il est dans l’impossibilité de faire face à une dépense. Or les finances de la province de Limbourg sont dans l’état le plus prospère. Cette situation s’est à peu près maintenue, il serait donc facile de prélever sur cette somme de 150,000 fl. celle de 60,000 fr. dont on dit avoir besoin aujourd’hui.

Je répéterai ce que j’ai déjà dit, c’est que si, par des amendements successifs, vous mettez chaque année à la disposition du ministre les fonds nécessaires pour pourvoir à la dépense, le gouvernement, fort de ces précédents, comptera sur la même allocation pour les années ultérieures et laissera là l’enquête nécessaire pour faire payer ces frais par chaque province. Par ces motifs, je voterai pour le rejet de l’allocation.

M. Ch. Vilain XIIII. - Messieurs, je n’avais pas voulu la première fois relever l’argument que l’honorable M. d’Huart avait présenté contre l’urgence des travaux alléguée l’an dernier, et qu’il avait basé sur ce que le gouvernement n’en a fait faire aucun ; mais puisqu’il l’a reproduit, je crois devoir y répondre.

Savez-vous, messieurs, pourquoi le gouvernement n’a fait faire aucuns travaux ? C’est parce qu’il se trouve dans l’administration deux ingénieurs qui jadis ont été rivaux à l’école polytechnique ; celui-ci présente des plans qui sont toujours rejetés, celui-là envoie des plans que l’autre ne veut jamais exécuter. Voilà, messieurs, pourquoi les travaux ne sont pas commencés.

La position est cependant des plus dangereuses, et les plus grands dégâts sont imminents. Si cette année les eaux de la Meuse n’ont pas rompu les digues, c’est qu’il n’y a pas eu de glaces. Si l’honorable M. d’Huart connaissait mieux, si je puis m’exprimer ainsi, les mœurs et les habitudes de la Meuse, il ne dirait pas que l’élévation des eaux nuit plus aux travaux que les glaces. Les glaces s’attachent aux fascines, les soulèvent et à la débâcle, tout est emporté avec les glaçons ; tandis que les eaux, lorsqu’elles sont hautes, glissent sur les travaux sans les endommager le moins du monde.

L’honorable M. d’Huart a parlé de faire supporter les frais des travaux, non seulement aux riverains, mais encore aux propriétaires placés derrière eux. Mais il faudrait pour cela un règlement fait par les états provinciaux ; car assurément ce n’est pas un règlement de la députation des états, telle qu’elle est constituée maintenant, qui pourrait obliger les propriétaires à contribuer à ces frais. Il faut donc attendre pour cela l’organisation de la province ; en attendant, Maesyck courrait les plus grands dangers.

Messieurs, parce que ce sont des députés du Limbourg qui parlent seuls sur cette question, vous ne penserez pas que l’intérêt en est la cause ; s’ils parlent seuls, c’est que seuls ils connaissent les localités. Quant à moi, mon intérêt serait qu’on ne fît pas de travaux ; car alors je jouis des riverains qui ne sont pas employés aux travaux.

M. de Theux. - Il y a une erreur de fait dans ce qu’a avancé l’honorable M. d’Huart : il a dit que les finances de la province de Limbourg étaient dans l’état le plus prospère et qu’elle avait en caisse 150,000 fl. ; je ferai remarquer que cette somme est affectée à un usage spécial, c’est ce qui résulte du rapport présenté dans une occasion semblable par l’honorable M. Dubus au nom de la section centrale.

Les finances de cette province sont si peu prospères qu’elle a été obligée d’ajouter aux 6 centimes additionnels établis par la loi de 1822 5 autres centimes additionnels. La contribution foncière est donc grevée dans cette province de 11 centimes additionnels. Tel était le budget de cette province en 1830 ; je pense que c’est encore à peu près son état actuel.

Je n’ajouterai qu’un mot sur la question de savoir à la charge de qui sont les travaux à faire. La loi du 3 septembre 1807 a établi une distinction dans les travaux : les travaux neufs et les travaux de réparation. Une disposition de cette loi porte que les travaux de réparation seront une dépense mixte, et qu’un règlement déterminera la part que doivent y prendre l’Etat et les propriétaires riverains. Je ne dissimulerai pas que je crois qu’il serait difficile d’obtenir l’exécution de ce règlement. Je pense que le gouvernement sera dans la nécessité de s’adresser à la chambre ; car les contestations qu’il rencontrera dans l’application du règlement lui feront reconnaître la nécessite d’une loi.

M. Gendebien. - Messieurs je pense que si nous voulons voter avec connaissance de cause, il est nécessaire d’ajourner la question ; car nous n’avons pas les éléments nécessaires pour y donner une solution pertinente. Le péril n’est pas imminent, ou les mœurs et les habitudes de la Meuse seraient bien changées ; elles seraient devenues révolutionnaires depuis 1830.

Je demande sans rien préjuger. L’urgence n’est pas telle que nous ne puissions bien tarder de 5 à 6 jours. On a parlé d’urgence et on n’a rien fait que quelques travaux qui intéressent des particuliers.

L’ajournement nous permettra d’avoir sur la dépense nécessaire tous les renseignements désirables. Aujourd’hui, je ne pourrais pas voter pour une dépense dont l’utilité ne m’est pas démontrée ; ne voulant pas m’abstenir, je serais obligé de voter contre ; dans 5 ou 6 jours au contraire il sera possible que je vote pour.

M. Ch. Vilain XIIII. - L’honorable préopinant a dit que des travaux avaient été faits dans l’intérêt des particuliers ; rien de semblable n’a eu lieu ; tous les travaux faits intéressent des hameaux, des villages.

M. Gendebien. - On dit qu’il avait été fait aussi des travaux pour des prairies appartenant à des particuliers.

M. Ch. Vilain XIIII. - Je ne m’oppose pas à l’ajournement ; mais je n’y vois aucun avantage : en effet la question de droit, très longue, très difficile ne pourra être résolue dans le délai demandé. Quant à la question de fait, M. le ministre sait parfaitement qu’il y a urgence pour les travaux à faire. Un ingénieur a été envoyé sur les lieux pour en constater l’état ; il a fait à ce sujet un rapport au ministre ; je demande que M. le ministre veuille bien le communiquer à la chambre ; elle ne peut pas avoir de meilleurs renseignements.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si l’ajournement ne doit reporter la discussion qu’à 5 ou 6 jours, je n’ai pas de motif à m’y opposer. Cependant je dois dire que la question de fait et la question de droit sont aussi bien éclaircis maintenant qu’elles pourront l’être dans huit jours. En fait, il est constant que des travaux sont nécessaires, c’est ce qui résulte du rapport même de la section centrale de l’année dernière ; quant à la question de droit, nous ne la préjugeons pas, c’est une avance que nous faisons dans l’intérêt public ; nous vous demandons de faire, par exception pour les travaux à exécuter sur les bords de la Meuse, ce que nous faisons par exception aussi pour les polders.

Quatre ou cinq jours n’y feront rien, et ce serait ajourner d’autant le vote du budget de l’intérieur dont il me tarde, dans un intérêt administratif, de voir la discussion terminée. La proposition de M. Fleussu exigera des explications nouvelles, il sera peut-être nécessaire de la renvoyer à la section centrale. Peut-être serait-il plus sage de décider la question, dont il s’agit, par une disposition spéciale, par une loi particulière.

M. d’Huart. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Gendebien, car il faut que la chambre connaisse les faits ; il ne faut pas qu’elle vote en aveugle. Mais il ne faut pas s’y méprendre, il ne s’agit que du fait. La question de fait est facile à décider, mais la question de droit est difficile ; pour cela une enquête serait nécessaire et elle demanderait plusieurs mois.

L’ajournement étant seul en discussion, je ne rentrerai pas dans le fond de la question ; mais je tiens à vous prouver que je n’ai pas avancé légèrement que les finances de la province du Limbourg sont dans un état prospère, c’est ce que je ferai en temps opportun en vous soumettant le rapport de la section centrale.

- L’ajournement est mis aux voix et adopté.

M. d’Huart. - Il est bien entendu que c’est un ajournement indéfini et jusqu’à ce que M. le ministre fasse à ce sujet une proposition de loi.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande le renvoi à la section centrale.

M. Gendebien. - Oui, le renvoi à la section centrale, ou bien à une commission spéciale, dans laquelle on ferait entrer les députés qui connaissent les localités et qui sont plus à même d’éclairer la question.

M. d’Huart. - Le renvoi à la section centrale est impossible ; la section centrale n’a pas mission pour cela ; elle ne peut pas faire une enquête sur les lieux. C’est dans les attributions du pouvoir exécutif ; je ne vois pas pourquoi il rejetterait ses obligations sur la chambre. La section centrale a rempli sa mission, elle vous a présenté son rapport ; vous ne pouvez pas lui renvoyer encore cette question. C’est au gouvernement à vous soumettre les documents qu’il aura recueillis sur les lieux, et à vous présenter un projet de loi.

M. Fleussu. - On a oublié trop tôt les motifs qu’on a présentés pour faire adopter l’ajournement. L’ajournement a été demandé, non pas parce que la dépense n’était pas urgente, mais parce qu’elle n’était pas suffisamment justifiée. Maintenant que reste-t-il à faire ? ou renvoyer la proposition à la section centrale qui priera M. le ministre de lui donner les éclaircissements nécessaires, ou engager M. le ministre à faire sur cet objet un rapport à la chambre. Ces renseignements sont la seule chose qui manque ; il est indifférent que M. le ministre les donne à la section centrale ou à la chambre. Dès qu’ils auront été donnés, dès qu’ils auront justifié la nécessité de la dépense, lala difficulté sera levée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’appuie le renvoi à la section centrale ; les renseignements qu’elle me demandera lui seront communiqués immédiatement pour ceux qui sont à ma disposition, et aussitôt que je les aurai reçus, pour ceux qui me manquent.

M. le président. - Je vais donner lecture de la proposition de M. Fleussu et de celles qui viennent de m’être remises par MM. Desmet et Lardinois : »

« Nous avons l’honneur de proposer à la chambre d’allouer au budget une somme de 80,000 fr., dont M. le ministre de l’intérieur sera autorisé à disposer pour les travaux indispensables à faire à l’effet d’arrêter les empiétements de la rivière de l’Ourthe au lieu-dit Forchu-Fossé, et, ce, sauf recours du gouvernement, s’il y a lieu, contre ceux à qui cette dépense pourrait incomber.

« Fleussu, de Behr, Ernst, L. de Laminne. »

« J’ai l’honneur de proposer d’allouer au budget de l’intérieur une somme de 20,000 francs pour réparer les dégâts causés par la Vesdre.

« F.-J. Lardinois. »

« J’ai l’honneur de faire la proposition à la chambre qu’elle veuille allouer dans le budget de l’exercice courant une somme de 200,000 francs pour exécuter les réparations nécessaires aux bords de l’Escaut. -

« Eug. Desmet. »

- Le renvoi de ces trois propositions de la section centrale est mis aux voix et adopté.

M. le président. - La chambre a terminé ce qui concerne les travaux publics, à l’exception de ce qu’elle vient de renvoyer à la section centrale.

Projets de loi autorisant le transfert de crédits au sein du budget du ministère de la guerre

Rapport de la commission

M. Gendebien, rapporteur de la commission chargée de l’examen des projets présentés par M. le ministre de la guerre à la séance du 22 courant monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs, votre commission a examiné le projet de transfert de la somme de 2,850,000 fr. du budget de la guerre pour l’exercice de 1833, au budget de 1834. Elle m’a chargé d’avoir l’honneur de vous présenter son rapport.

Les motifs qui accompagnent le projet de loi paraissant peu clairs, la commission a invité M. le ministre de la guerre à assister à ses délibérations. Obtempérant à cette demande, M. le ministre de la guerre nous a déclaré qu’ayant appris que le roi de Hollande augmente son armée de ligne et réorganise sa schuttery ; que, d’un autre côté, les événements récents exigeant l’envoi de troupes dans le Luxembourg, le gouvernement avait pris la résolution d’augmenter l’armée de 20 hommes par compagnie, c’est-à-dire de 7,000 hommes, lesquels, devant coûter approximativement 7,000 fr. par jour, exigent une dépense, pour 300 jours, de 2,100,000 fr. Le surplus du transfert servira à faire face aux dépenses de déplacement et de cantonnement des troupes qui seront envoyées dans le Luxembourg.

Le ministre-directeur de la guerre a fait observer à la commission que la somme de 2,850,000 francs, objet du transfert proposé, ne se compose pas en totalité d’économies proprement dites ; mais qu’une partie de cette somme, celle de 1,946,739 francs 71 cent., provient du remboursement, fait par plusieurs corps, des avances qu’ils avaient reçues pour la masse d’habillement

Votre commission a pensé qu’il eût été convenable de porter cette somme au budget des voies et moyens, parce qu’elle est plutôt une recette extraordinaire qu’une économie ; elle estime que, pour l’avenir, il conviendrait, pour le bon ordre de la comptabilité, d’en agir ainsi ; mais le budget des voies et moyens ayant été voté pour cette année, elle vous propose de considérer la somme tout entière de 2,850,000 francs comme un excédant de crédit sur l’exercice de 1833, dont il pourra être disposé par crédit spécial, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la voie de transfert d’un exercice à l’autre.

Délibérant sur le fond même de la proposition du gouvernement, la commission a pensé qu’elle n’était qu’une de ces demi-mesures toujours onéreuses et sans résultat pour le pays ; elle a été unanime pour exprimer à M. le ministre de la guerre ses doutes sur l’efficacité de sa proposition. En effet, le gouvernement a pris la résolution de rappeler sous les armes vingt hommes par compagnie, pour mettre notre armée au niveau de l’armée hollandaise, et en même temps pour envoyer des troupes dans le Luxembourg ; et notre armée étant aujourd’hui a peu près égale à l’armée hollandaise, il est évident qu’il ne suffit pas de rappeler sous les armes un nombre d’hommes égal à celui qui est rappelé en Hollande ; mais qu’il faut encore combler le vide résultant de l’envoi, dans le Luxembourg, d’un corps d’armée destiné à laver que nous y ayons reçu, et pour faire respecter à l’avenir l’honneur belge et l’intégrité du territoire.

La commission a donc été unanimement d’avis que la proposition du gouvernement était peu satisfaisante. Elle l’a considérée comme insuffisante si le gouvernement est décidé à prendre l’attitude digne d’un peuple libre et indépendant ; elle l’a trouvée superflue et inutilement onéreuse, si le gouvernement ne veut faire qu’une vaine démonstration et s’en rapporter aveuglément aux décisions des cabinets étrangers.

La commission a pensé que les événements du Luxembourg, combinés avec les armements clandestins de la Hollande, peuvent être considérés comme un commencement d’exécution d’un plan plus vaste. Les souvenirs si douloureux des désastres du mois d’août se sont reproduits plus vifs et plus poignants ; elle a pensé qu’instruit par l’expérience, le gouvernement serait inexcusable si une irruption soudaine venait punir une seconde fois la Belgique de l’imprévoyance de ses ministres.

En conséquence, messieurs, votre commission vous propose de passer à l’ordre du jour sur la proposition du gouvernement, ou, tout au moins, d’en ajourner l’adoption jusqu’à ce que les ministres se soient expliqués catégoriquement sur notre situation politique à l’égard de la Hollande, de la conférence de Londres, de la diète germanique et de nos alliés, et surtout jusqu’à ce qu’ils aient instruit la chambre des mesures qu’ils ont prises pour replacer le pays dans une attitude digne de sa régénération politique.

- Plusieurs membres. - A demain la discussion du rapport.

M. d’Huart. - L’époque de la discussion doit dépendre de ce que dira M. le ministre de la guerre ; s’il a besoin à l’instant même des fonds qu’il demande, nous entamerons de suite la discussion du rapport ; sinon, nous la renverrons après le budget de l’intérieur.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Un retard de 24 ou de 48 heures ne peut rien faire. Si on veut ajourner la discussion du rapport de l’honorable M. Gendebien après le vote du budget de l’intérieur, cela n’offre aucun inconvénient ; nous serons alors parfaitement à temps.

M. Jullien. - J’aurai l’honneur de rappeler à la chambre qu’elle a séparé la discussion de l’adresse de celle du rapport présente par M. le ministre des affaires étrangères, et qu’elle a décidé que la discussion de ce rapport aurait lieu à part. Une occasion se présente de joindre le rapport sur les événements du Luxembourg aux projets de loi présentés par M. le ministre de la guerre. Je demande que la discussion de ces deux objets réunis soit mise à l’ordre du jour, pour avoir lieu après le vote du budget de l’intérieur.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Appuyé ! Ces deux objets sont indivis de leur nature.

- Plusieurs membres. - Appuyé !

- La chambre décide que les projets de loi présentés par M. le ministre de la guerre et le rapport fait à la chambre par M. le ministre des affaires étrangères dans la séance du 19 de ce mois seront discutés ensemble après le vote du budget de l’intérieur.

La chambre reprend la discussion du budget de l’intérieur.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1834

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VIII. Travaux publics

Article (nouveau)

(Moniteur belge n°59, du 28 février 1834) M. le président. - Nous allons reprendre le chapitre IV, qui est relatif à l’instruction publique.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il y a encore à voter sur une augmentation que j’ai demandée au chapitre des travaux publics, pour acquisition et reconstruction de l’hôtel Torrington, et d’un autre hôtel contigu qui y a été en partie incorporé. Cette augmentation est de 220,000 fr.

M. de Puydt. - Depuis que la section centrale a pris des conclusions sur l’objet dont il s’agit, une nouvelle communication a été faite par le gouvernement. La section centrale ne s’étant pas réunie pour examiner cette proposition, je demanderai l’ajournement de la discussion à demain, afin qu’elle puisse en prendre connaissance et donner ses conclusions.

- La discussion de la proposition de M. le ministre, relative à l’hôtel Torrington, est renvoyée à demain.

Chapitre IV. Instruction publique

Article premier

« Art. 1er. Frais des trois universités. »

Le gouvernement demande 384,900 fr.

La section centrale propose d’allouer 353,300.

M. Desmet. - L’année dernière nous avons assez longuement discuté le chiffre nécessaire à couvrir les frais des trois universités, et la chambre s’est arrêtée à la réduction proposée par la section centrale.

Depuis longtemps, le vœu général appelle la réduction du nombre des universités, et cette année la plupart des sections ont renouvelé ce vœu.

On est généralement d’avis de n’admettre, dans la situation provisoire où nous nous trouvons, et en attendant la loi sur l’instruction publique donnée aux frais de l’Etat, que les dépenses véritablement nécessaires pour conserver jusque-là les établissements existants, sur le sort desquels la loi prononcera. Cette année votre section centrale a jugé de même à l’unanimité. Elle n’a trouvé aucune nécessité dans l’état provisoire de l’enseignement supérieur, de majorer le chiffre voté l’an dernier.

Elle a émis ce vote sans de longues discussions, parce qu’elle a trouvé qu’il n’était nullement utile de s’appesantir longuement sur un objet qui allait être discuté très en détail lors de la prochaine présentation du projet de loi sur l’enseignement, surtout que, depuis 1830, le chiffre des frais des universités a toujours été en croissant. En 1832, il a été alloué fr. 27,152-37 c. de plus qu’au budget de 1831. Pour 1833, le gouvernement demandait encore fr. 40,997-18 c. de plus qu’en 1832, ce qui faisait fr. 68,129-85 c. au-delà de ce que le gouvernement avait trouvé nécessaire en 1831 pour les trois universités ; la chambre alloua celui de fr. 365,000 donc fr. 48,229-85 c. plus qu’en 1831.

Cependant il est à observer qu’en décembre 1830 ont été supprimées la faculté des sciences physiques et mathématiques à Louvain, cette même faculté et celle de philosophie et lettres à Gand, et cette dernière aussi à Liége ; le détail des frais matériels des universités reste toujours aussi comme si ces facultés supprimées existaient encore à charge de l’Etat.

D’ailleurs, messieurs, veuillez aussi remarquer que la différence qui existe entre le chiffre proposé par M. le ministre et celui que la section centrale trouve suffisant pour couvrir les dépenses nécessaires aux universités, ne touche ni le traitement des professeurs et autres employés, ni le service du sénat académique, ni ne diminue la somme allouée pour les bourses, enfin ne porte qu’une diminution de 19,900 fr. sur la somme de 57,400 fr. destinée au subside matériel accordé aux trois universités pour l’entretien des bâtiments et du mobilier.

Il restera encore pour ce matériel, après la réduction qui vous est proposée, un subside de 37,500 fr., somme qui est certainement suffisance pour l’entretien et la bonne conservation de ce matériel, dans l’état provisoire où se trouvent les universités, dont le nombre va probablement diminuer ; on agirait donc, sinon imprudemment, du moins sans aucune vue d’économie, si on allait faire des dépenses pour augmenter ce matériel par de nouveaux achats, dans un moment où, comme je viens de le dire, il est très incertain que vous conserviez trois universités.

Et quand le ministre dit, pour justifier la majoration de 19,900 francs, que des réparations indispensables auraient été forcément ajournées par suite de l’insuffisance du crédit alloué en 1833, c’est en désaccord avec les détails consignés en la note du budget à l’appui du chapitre où il n’est porté, pour l’entretien des bâtiments et du mobilier des trois universités, que 8,500 fr. Et au-dessus des 8,500 fr., il lui reste encore à sa disposition, sur ce crédit, une somme de 29,000 fr., somme qui doit indubitablement suffire pour faire les autres dépenses urgentes, s’il peut s’en trouver, ce que je ne crois pas ; car les autres indications de la note à l’appui sont des objets dont l’achat peut être ajourné jusqu’à la loi sur l’enseignement ; comme, par exemple, ne pourrait-on pas ajourner, sans beaucoup risquer, la dépense de 20 mille francs pour achat de livres dans les bibliothèques ?

Je crois donc que nous ne pouvons hésiter à suivre le vœu de toutes les sections de cette année et de celles de l’année dernière, qui tend, dans l’état provisoire de la législation sur l’enseignement, état provisoire qui est sur le point de finir, à nous tenir au chiffre allouée pour l’exercice passé et à n’accorder aucune majoration. Nous sommes assurés que le chiffre du crédit sera suffisant pour faire amplement ce service et empêcher que d’inutiles dépenses ne soient faites.

M. Jullien. - Je demande la parole pour savoir si nous voterons sur les articles du chapitre IV par littera, comme nous l’avons fait pour les autres articles du budget, ou si nous voterons l’article in globo, comme cela paraîtrait d’après la manière dont M. le président a énoncé la mise en délibération de l’article. Il y a cinq lettres dans l’article ; je me propose de parler sur la lettre E, d’autres se proposent de parler sur la lettre A, d’autres sur la lettre B. Pour ne pas mettre de confusion dans une discussion qui est aussi importante, nous devons voter par lettres ; c’est le seul moyen de nous reconnaître.

M. le président. - D’après le règlement, je dois mettre aux voix les articles, et je ne dois entrer dans les subdivisions qu’autant que la division est demandée. M. Jullien la demandant, elle aura lieu.

M. Ernst. - Dans la première séance qui fut consacrée à examiner l’article premier, concernant les frais des trois universités, déjà la division avait été indirectement demandée par l’honorable rapporteur dont nous regrettons l’absence, causée par une indisposition ; les 19,900 fr. dont la section centrale propose la réduction ne concernent que le matériel. Il n’y a aucune raison de diviser les lettres A, B et C, sur lesquelles la section centrale est d’accord avec le gouvernement. On pourrait faire un article séparé de ces trois lettres, en y joignant la lettre D, sur laquelle roule la contestation. La lettre E, concernant les traitements des professeurs en non-activité, formera un autre article ; M. le ministre n’a aucun raison de s’opposer à cette division. Je demande donc qu’on s’occupe d’abord de la question de savoir s’il y a lieu de réduire de 19,900 fr. la somme demandée pour le matériel ; nous nous occuperons ensuite de la réduction de 7,000 fr. environ, proposée sur la lettre E.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je consens à la division proposée. Les lettres A, B, C et D formeraient l’article premier, le D seul donnera lieu à discussion, et la lettre E formerait l’article 2. L’article premier serait de 361,600 fr., et l’article 2 de 23,300.

- Cette division est adoptée.

M. le président. - Sur l’article premier, la section centrale propose une réduction de 19,900 fr. qui s’applique à la lettre D.

M. Ernst. - Ce sont les 19,900 fr. qui sont maintenant en discussion. La section centrale les rejette pour réduire l’allocation au chiffre de l’année dernière. M. le ministre avait parfaitement justifié cette augmentation dans la séance à laquelle j’ai déjà fait allusion. L’honorable M. Desmet n’a fait que reproduire les idées énoncées dans le rapport de la section centrale, et n’a rien répondu aux arguments péremptoires de M. le ministre de l'intérieur.

La section centrale faisait un reproche au ministre de réclamer 19,900 fr. pour entretien des bâtiments et du mobilier, tandis que d’après ses propres calculs il n’emploierait que 4,200 fr. M. le ministre de l'intérieur a démontré que la somme de 19,900 fr. ne s’applique pas seulement aux réparations à faire aux bâtiments, mais à d’autres dépenses, à compléter les collections, les bibliothèques, etc. ; qu’il avait bien pu consentir à la réduction l’année dernière, à raison du temps avancé où le budget a été voté, mais qu’il ne pouvait plus l’admettre cette année. Quoi qu’il en soit, je dirai avec l’honorable ministre : Si on veut que dans les universités on renonce aux journaux scientifiques qui tiennent les professeurs au courant des progrès de la science, si on veut leur refuser les moyens de profiter des ventes de bibliothèque pour acheter des livres, si telle est l’opinion de la chambre, elle n’a qu’à voter, et je me tais.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne pourrais que répéter ce que j’avais dit à la séance où la discussion a dû être interrompue par suite de l’indisposition de l’honorable rapporteur que nous regrettons de ne pas voir dans cette enceinte. Toute la différence de 19,900 fr. ne sera pas seulement consacrée à des réparations, mais à compléter le matériel qui est rester en souffrance par suite des réductions imposées chaque année au gouvernement. L’année dernière, je n’ai pas consenti à la réduction, comme le pense l’honorable M. Ernst ; elle a eu lieu malgré moi. J’ai dû reproduire cette année le chiffre proposé en 1833. Il est suffisamment justifié par les développements joints à ce budget. En lisant ces développements, on pourra se convaincre qu’il n’y a rien d’exagéré dans l’allocation demandée pour le matériel.

Il y a eu beaucoup de collections de journaux, d’ouvrages scientifiques précieux qui ont dû être interrompues. C’est un capital perdu, tant que le gouvernement ne sera pas à même de compléter ces collections. Des plaintes très vives nous ont été adressées par MM. les bibliothécaires ; plusieurs ventes importantes de livres ont eu lieu et nous n’avons pu en profiter. Il ne faudrait pas sans doute, à la veille de la réorganisation de l’enseignement, faire de trop grandes dépenses pour achat de livres ; mais encore faut-il compléter les ouvrages dont la collection est commencée. Dans le cas où des universités seraient supprimées, ces livres ne seraient pas perdus ; les bibliothèques pourraient très bien rester en partie dans les villes universitaires, alors que les universités n’y seraient plus. Il s’agit, en définitive, d’une dépense qui doit donner une valeur à des collections auxquelles on a déjà consacré beaucoup d’argent, et qui n’en auraient aucune si on ne les complétait pas.

M. Ernst. - Je désire ajouter une observation. Il est probable qu’on ne conservera pas trois universités dans la Belgique ; on a exprimé la crainte qu’il ne résultât des doubles emplois ou des triples emplois des achats faits par les diverses universités.

La réponse à cette objection est très simple ; le gouvernement veillera à ce qu’on n’achète pas les mêmes ouvrages à Gand, à Liége et à Louvain ; et l’inconvénient qu’on craint ne se présentera pas. On ne reproche pas au gouvernement d’avoir mal employé les sommes qui ont été mises à sa disposition. Ce dont on se plaint, c’est qu’il demande des augmentations de subsides pour le haut enseignement. Si on n’avait rien fait de bon avec ces subsides, ou aurait raison ; mais si ce qu’on a fait est bien fait, il ne faut pas se plaindre des allocations accordées.

M. de Theux. - Pour fixer mon opinion sur la proposition de la section centrale, j’ai dû recourir à la discussion du mois de septembre dernier. Le gouvernement demandait une augmentation de 40,000 francs. Divers motifs avaient été allégués ; certaines dépenses n’avaient pu être faire pour les jardins botaniques, des abonnements à des ouvrages scientifiques avaient été suspendus, on n’avait pas pu acquérir de livres nouveaux.

La chambre prenant en considération ces trois motifs a voté une augmentation de 21 mille francs. Elle avait pensé que cette majoration était suffisante pour satisfaire aux besoins indiqués.

Je voudrais savoir à quoi ces 21 mille francs ont été employés ; si, nonobstant cette augmentation, on n’a pas complété les collections suspendues, fait les dépenses convenables pour le jardin botanique, et s’il n’est pas resté disponible une somme pour acheter les livres nécessaires.

Ce que viennent de dire les honorables préopinant prouve qu’ils partagent l’opinion de la section centrale sur la nécessité de restreindre les achats de livres, pour ne pas avoir des ouvrages en double ou en triple, qu’on serait obligé de mettre de côté, lors de la réorganisation du haut enseignement.

J’attendrai les explications que j’ai demandées à M. le ministre avant de fixer mon opinion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre remarquera que l’année dernière elle n’a pas voté une augmentation de 21,000 fr., mais imposé une réduction de 19,900 fr.

M. de Theux. - C’était une augmentation sur le budget précédent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je regrette que la section centrale ait cru devoir proposer une réduction de 19,900 fr., sans demander au gouvernement les renseignements qui semblent aujourd’hui nécessaires à l’honorable préopinant ; j’aurais été à même de me les procurer et de les fournir à la chambre. La section centrale a proposé la réduction sans demander l’emploi qu’on avait fait des 21,000 fr. accordés l’année dernière. Il me serait impossible de donner aujourd’hui des détails, à cet égard, je ne les ai pas sous la main.

M. Desmet. - Le double emploi ne peut pas avoir lieu seulement pour les livres, mais aussi pour les collections et une foule d’autres objets mobiliers. C’est pour éviter les achats inutiles, que la section centrale n’a pas adopté l’augmentation demandée par M. le ministre.

M. Ernst. - L’observation que j’ai faite pour les bibliothèques, s’applique aux autres collections. Il est évident que dès que le gouvernement est consulté sur l’emploi de l’allocation, cet emploi sera fait avec discernement. L’honorable M. de Theux a demandé ce qu’on avait fait des sommes votées. On a fait une foule de dépenses arriérées, c’est-à-dire qu’on en a fait une partie. Je demande au gouvernement s’il peut faire seulement le quart de ce qu’on lui demande. Il me suffit de vous citer un fait pour vous prouver que les allocations sont insuffisantes. Avant la révolution, on avait construit à Liége un bâtiment pour lequel on avait dépensé plus de 50,000 fr. ; on a attendu trois ans avant de pouvoir mettre des carreaux aux fenêtres. Je vous en citerai un autre. La ville de Liége a fait cadeau d’un beau terrain attenant à l’université, pour agrandir le jardin botanique ; on n’a pas encore pu faire la dépense du grillage qui doit l’entourer.

Je ne sais s’il y a eu abus dans les autres universités, je ne le crois pas : mais je puis attester qu’à Liége on n’a jamais pu avoir les fonds nécessaires, parce que le gouvernement n’en avait pas à sa disposition.

M. de Theux. - Je regrette que M. le ministre ne soit pas à même de répondre catégoriquement. Car cela empêchera la chambre d’apprécier la demande d’augmentation. Il reproduit, pour appuyer sa nouvelle demande les motifs qui nous ont déterminés, l’année dernière, à accorder les 21 mille francs. Il aurait dû prouver que ces 21 mille francs n’avaient pas suffi pour faire face aux besoins qu’il avait indiqués.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement croit avoir justifié la dépense par les développements du budget. Qu’on parcoure ces développements, et on verra s’il y a là exagération.

Université de Louvain :

Clinique, 1,700 francs.

Clinique des accouchements, 1,250 francs.

Amphithéâtre et collections de préparations anatomiques, 850 francs.

Collections d’objets d’histoire naturelle, de physique, de minéralogie et laboratoire de chimie pharmaceutique, 850 francs.

Chauffage des salles de leçons et réunions, 1,500 francs.

Matériel du jardin botanique, 850 francs.

Entretien des bâtiments et du mobilier, 2,150 francs.

Total, 15,500 francs.

Université de Liége, même nature de dépenses s’élevant à 19,500 francs.

Université de Gand, même nature de dépenses s’élevant à 22,400 francs.

Il faudrait qu’on établît que ces sommes sont trop élevées pour chacune des universités et pour chacun des détails renseignés. Je ne puis pas justifier autrement l’allocation que je demande. Si c’est un compte de dépense de l’année dernière qu’on veut, je ne suis pas à même de le fournir maintenant ; mais je puis assurer que le service des bibliothèques est resté en souffrance.

M. le président. - la chambre a décidé que les littera A, B, C et D formeraient l’article premier.

Pour cet article le chiffre du gouvernement est de 361,600 fr.

Celui proposé par la section centrale est de 341,700 fr.

- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Littera E (devenu article 2). Traitement des professeurs mis en non-activité par l’arrêté du 16 décembre 1830. »

Le gouvernement demande 23,300 fr.

La section centrale propose d’allouer 11,600 fr

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je puis réduire la somme à 18,450 fr. par suite de l’absence de deux professeurs.

M. Ernst. - Le vote que la chambre vient d’émettre m’encourage à soutenir une autre cause que je serais désespéré de perdre. Je me félicite que mon absence forcée de la chambre n’ait pas duré assez longtemps pour me mettre dans l’impossibilité de défendre des collègues malheureux. Lors de l’organisation des universités, le gouvernement a été obligé d’appeler des étrangers qui ont abandonné des positions avantageuses pour venir donner la haute instruction en Belgique.

En 1830 des facultés ont été supprimées ; mais le gouvernement provisoire, en prononçant cette suppression, il faut lui rendre cette justice, sut faire ce qu’il convenait pour le malheur : il déclara que les professeurs des facultés supprimées auraient non seulement droit à une pension, mais à une indemnité ou à une chaire, lors de l’organisation définitive de l’enseignement supérieur. En privant de leurs fonctions ces fonctionnaires auxquels on ne pouvait adresser aucun reproche, on leur a fait entendre que cette perte n’était que temporaire, qu’on les emploierait à la première occasion, et qu’en attendant on les mettait à même de vivre honorablement. Plusieurs de ces professeurs ont joui d’un traitement que Guillaume a continué de leur faire tenir. La plupart ont quitté la Belgique et sont avantageusement placés à l’étranger. Quelques-uns ont préféré rester en Belgique ; ils élèvent des enfants qui fréquentent nos collèges et qui feront honneur au pays.

Pendant deux ans, ils ont vécu dans la gêne, dans l’attente d’une pension et d’une indemnité promises ; aujourd’hui on les menace d’un nouveau malheur, de réduire une pension accordée tardivement et dont ils ont joui jusqu’à présent sous la sanction de la législature. Pour proposer cette réduction, on invoque les dispositions du règlement du 25 septembre 1816 et on dit qu’on ne peut compter pour la pension que les services rendus en Belgique et non les services rendus antérieurement en Allemagne, en France. Au premier abord, rien de plus fort que cet argument. Certainement, il est absurde de payer les services rendus à l’étranger. Mais je vous prie de remarquer, messieurs, qu’on n’a pas tenu compte des services rendus à l’étranger, pour fixer le taux de la pension ; on a pensé qu’il ne fallait pas s’arrêter exclusivement à un règlement qui n’est pas littéralement applicable au cas, comme la section centrale elle-même en convient. On a pensé qu’il fallait tenir compte de la position particulière que ces fonctionnaires ont quitté, et, à titre d’indemnité, augmenter la pension de ce chef. Je dois déclarer que ce n’est pas à leur sollicitation qu’on a donné ces chaires aux savants étrangers.

C’est par l’intermédiaire des ambassadeurs qu’on est parvenu à les déterminer à venir dans les Pays-Bas, en leur faisant de belles promesses. Ces professeurs n’ont pas démérité de la Belgique, ils attendent avec impatience le moment où ils pourront de nouveau se consacrer au haut enseignement. Dans ces circonstances serait-il juste de retirer l’indemnité qui leur a été accordée ? Je rends justice aux intentions de la section centrale, mais je pense qu’elle a perdu de vue la disposition de l’arrêté du gouvernement provisoire qui accorde une indemnité aux professeurs supprimés.

On dit que nos délibérations, nos paroles, ont du retentissement à l’étranger. Ne craignez-vous pas que votre décision ne produise un effet fâcheux, quand on verra que vous voulez encore réduire le traitement, si minime déjà, accordé à des hommes qui ont tout abandonné pour venir en Belgique, sur la foi des promesses qu’elle leur avait faites ?

Je ferai une dernière remarque, c’est qu’on est à la veille de l’organisation de l’enseignement supérieur et que c’est probablement la dernière année qu’on aura à payer ces traitements d’attente.

Voulez-vous que ces professeurs soient obligés pour vivre de vendre une partie de leur bibliothèque, de leurs collections, ou renoncent à faire élever leurs enfants en Belgique, quand nous sommes sur le point de les replacer. Je ne crois pas que vous preniez une délibération aussi contraire à l’honneur et à la dignité du pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je viens de réduire la somme que j’avais demandée à 18,130 fr. ; mais comme il y aura à payer à payer à la veuve d’un professeur qui vient de mourir une pension de 1,742 fr, la somme devra être de 19,872 fr.

M. A. Rodenbach. - Je ne demande la parole que pour faire une question. Le ministre a dit qu’il réduisait la somme demandée à 18,130 fr, Je lui demanderai si les professeurs auxquels sont destinés ces 18,000 fr. à titre de gratifications, car ils n’ont pas droit à une pension et ce droit ne pouvait pas leur être conféré par un arrêté, ils n’avaient pas les années de service voulues par la loi ; je demanderai, dis-je, si parmi ces professeurs il n’est aucun qui maintenant occupe un autre emploi, soit dans l’administration, soit dans l’enseignement. Il ne faut pas de cumulards.

Je prie M. le ministre de me répondre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Aucun des professeurs qui reçoivent une indemnité sur l’allocation dont il s’agit n’exerce d’emploi salarié par l’Etat. Je ne sais si quelques-uns trouvent des ressources en dehors de l’administration ; mais, quant à moi je ne voudrais pas prêter la main à des cumuls onéreux pour le trésor.

M. Gendebien. - La section centrale a vu avec étonnement qu’on avait pendant les années précédentes porté au nombre des pensionnés deux professeurs qui ont quitté la Belgique depuis la révolution. Le tableau fourni à la section centrale a prouvé que c’était sans utilité qu’on avait porté la somme à 23,300 fr. Force fut donc au ministre de réduire le chiffre à 18,150 francs.

La section centrale a dû examiner si les professeurs pour lesquels on demandait cette somme y avaient des droits ; elle a été convaincue, non pas, comme on l’a dit, qu’il n’avaient aucun droit à aucune espèce de pension, mais à la pension telle qu’elle est réglée. Maintenant on en fait une question d’équité, de convenance, d’humanité ; comme membre de la section centrale je n’ai rien à dire à cet égard ; la section centrale chargée d’examiner la question de droit a dû dire quels étaient les droits des professeurs ; c’est à la chambre, dans toute sa puissance, à décider si, par les raisons particulières qu’on a invoquées, elle doit accorder un supplément à la pension à laquelle ces professeurs avaient droit. Je reste neutre dans cette question.

On a dit que la section centrale avait reconnu que l’arrêté de 1816 n’était pas littéralement applicable. Cela est vrai, mais il n’en résulte point, comme on a paru le croire, un argument favorable pour les professeurs, car la non-applicabilité ne tombe pas sur la hauteur de la pension, mais sur la pension même ; ce n’est qu’en procédant par analogie que la section centrale a pu en faire l’application. Nous avons assimilé la circonstance qui les a privés de leur emploi, à un accident, comme perte de santé, qui aux termes de l’arrêté de 1816 donnait droit à une pension. Ainsi vous voyez que nous ne les avons pas traités avec rigueur, quant à l’application de l’arrêté. Je ne pense pas qu’il nous fût permis, comme membres de la section centrale, d’aller plus loin. Nous devions examiner la question de droit d’interprétation, nous l’avons exposée ; la chambre verra ce qu’elle aura à faire sous le rapport de l’équité.

On nous présente ces fonctionnaires comme victimes de la révolution ; je ne puis m’empêcher de faire observer que nous devrions nous rappeler qu’il y a d’autres victimes de la révolution, et tandis que nous accordons des pensions à des professeurs capables de subvenir à leurs besoins, en faisant usage de leur instruction, en donnant des leçons ou formant des institutions particulières, nous ne songeons pas à indemniser des pertes plus sensibles, des citoyens qui ont perdu toute leur fortune et auxquels le projet de loi qui vous a été présenté est loin d’offrir une indemnité équitable. Il est des citoyens qui sont sans ressources par suite des événements de la révolution, et le gouvernement ne leur donne rien. Il en est d’autres qui par suite d’honorables blessures ont été condamnés à l’impuissance de faire usage de leurs membres. Je connais un brave militaire qui a reçu à Anvers 27 blessures, dont trois coups de feu à la tête, deux à travers le corps, et qui n’a pu obtenir un traitement de 800 florins qu’après 18 mois des réclamations les plus vives que j’ai appuyées de tous mes efforts. Encore n’est-ce là qu’un secours momentané ; rien ne lui est garanti pour l’avenir, car on n’a pas voulu lui confirmer le grade qu’il avait obtenu sur le champ de bataille.

Je voudrais qu’on réparât toutes les pertes causées par la révolution, je me montrerais très disposé à réparer toutes celles pour lesquelles réclamerait le gouvernement.

Je disais que les professeurs pouvant écrire et faire usage de leur talent, je vois figurer parmi ces professeurs un homme qui a écrit contre la révolution, qui a insulté la Belgique avant la révolution, et depuis, la Belgique révolutionnaire, s’il faut en croire le bruit public. Voila les hommes pour lesquels on demande une allocation exagérée de pension. Ce sont là des choses qu’il me répugne d’accorder, alors surtout qu’on se montre si rigoureux envers les hommes de la révolution. Mais j’aime mieux jeter un voile sur cette spécialité, afin de ne pas faire tort à des hommes honorables auxquels ce reproche ne peut pas être adressé. Puisque le gouvernement a été indulgent, je ne veux pas être rigoureux.

Je répète que la section centrale, pour arriver aux conclusions qu’elle vous a présentées, n’a pas usé de rigueur, mais au contraire elle a dû user de bienveillance ; ce n’est qu’en interprétant l’arrêté de la manière la plus favorable qu’elle a pu reconnaître un droit aux professeurs. Elle s’est acquittée de son devoir en disant quel était le droit ; en ma qualité de membre de la section centrale, je ne m’opposerai pas à ce que vous alliez plus loin pour remplir un devoir d’équité.

J’ai une observation à ajouter sur l’augmentation de 1,742 fr. que demande M. le ministre pour une pension à accorder à la veuve d’un professeur récemment décédé. Loin de moi la pensée de refuser la pension demandée pour cette veuve ; mais je ne pense pas que ce soit ici la place de cette allocation, car je crois qu’il y a un chapitre spécial pour les pensions. Au reste, le ministre pourrait payer la pension sans qu’il fût nécessaire de voter le crédit ; il trouverait les fonds nécessaires dans le traitement du professeur décédé. Je ne pense pas qu’à la veille de réorganiser le haut enseignement, le ministre aille pourvoir à son remplacement. Il doit y avoir des professeurs suppléants...

M. Ernst. - Il n’y en a pas.

M. Gendebien. - Dans ce cas c’est une organisation très vicieuse. Il faut que le ministre dise qu’il va remplacer le professeur décédé, sans cela il est inutile de majorer la somme.

M. Jullien. - Le gouvernement a demandé 23,300 fr. pour le traitement de huit professeurs mis en non-activité depuis 1830, par arrêté du mois de décembre. Il est à remarquer que deux de ces professeurs ont quitté le pays, et n’ont pas fait de réclamations ; par conséquent la section centrale a très bien fait de proposer la réduction du montant du traitement présumé de ces deux professeurs. Ils peuvent avoir des droits à une indemnité ou à une pension ; ils ont quitté le pays sans faire de réclamations ; si plus tard ils réclamaient, on verrait ce qu’il y aurait à faire. Cela réduisait le chiffre à 18,130. C’est cette somme qui est demandée aujourd’hui par le ministre plus 1,742 fr. pour pension d’une veuve.

Mais la section centrale propose de réduire la somme de 18,130 à 11,525 fr. il en résulterait que le plus haut traitement des professeurs dont il s’agit, qui est de 3,257 francs, serait réduit à 2,275, et que celui de 2,116 serait réduit à 1,500 fr.

Pour bien former votre opinion, il faut porter vos regards en arrière. En 1830, quand on a supprimé les charges des professeurs pour lesquels on vous demande cette allocation, voici ce que le gouvernement provisoire leur écrivait. C’est une lettre adressée à un des professeurs portés sur le tableau joint au budget.

« Monsieur,

« Par son arrêté du 16 décembre, le comité central du gouvernement provisoire a supprimé la faculté des sciences à l’université de Gand.

« Exprimant cette mesure nécessitée par des circonstances imprévues, le gouvernement s’est réservé la faculté de récompenser convenablement les services rendus par ceux des fonctionnaires qu’elle laisse sans emploi depuis l’époque où ils ont été attachés à l’enseignement supérieur dans le ci-devant royaume des Pays-Bas. D’après l’article 3 dudit arrêté, ils sont admis à faire valoir leurs droits à l’éméritat, à la pension, à une indemnité, ou à une de ces chaires qui seront instituées lors de l’organisation définitive du système.

« Je vous invite en conséquence à me faire parvenir le plus tôt possible les titres susceptibles d’appuyer la réclamation que vous croirez pouvoir adresser au gouvernement, pour être rangé dans l’une des catégories susmentionnées, d’après la nature et la durée de vos services.

« Agréez, etc.

« Le chef du comité de l’intérieur,

« Thielemans. »

En vertu de cette lettre, ce professeur et ceux qui étaient dans le même cas, ont envoyé leurs titres à la pension. Elle a été liquidée d’après ces titres au taux fixé par le gouvernement, et c’est sur ce taux qu’il propose de continuer de les payer. Mais la section centrale demande une réduction de plus du tiers, et voici les motifs qui l’ont dirigée ; voici sur quoi se base principalement la réduction.

Elle dit aux professeurs d’après l’arrêté de 1816 : on pouvait acquérir l’éméritat à l’âge de 60 ans ; quand on avait 35 ans de service académiques dans le pays ; or, vous avez été appelés en Belgique en 1817, et vous avez été démissionnés en 1830 ; par conséquent vous n’avez pas rendu 35 ans de services académiques dans le pays. Et la section centrale calcule la pension en raison du temps que ces professeurs ont servi dans la Belgique. C’est là l’unique motif de la réduction.

Vous allez juger si cela est juste. Lorsque ces professeurs ont été appelés de France ou d’Allemagne pour remplir les chaires vacantes pour lesquelles on ne trouvait pas d’hommes capables dans le pays, on s’est adressé à l’étranger, à des notabilités, à des hommes connues dans la carrière des sciences et des lettres ; ces hommes, qui ont actuellement 64 et 66 ans, avaient alors de 40 à 50 ans. Il était donc bien impossible qu’ils obtinssent jamais l’éméritat dans la Belgique ; ils ne pouvaient pas continuer la carrière de professeur jusqu’à l’âge de 85 ans. Ainsi se sont-ils expliqués vis-à-vis du gouvernement qui les appelait avant de quitter une position très favorable qu’ils avaient en France ou en Allemagne, pour venir remplir une chaire dans ce pays. Voici ce qu’à ce sujet répondait à l’un d’eux l’administrateur-général de l’instruction publique dans la Belgique :

« Monsieur,

« J’ai reçu votre lettre du 3 courant, et je m’empresse de répondre aux questions qu’elle contient.

« Suivant les règlements de nos universités, un professeur est émérite de droit à l’âge de 70 ans ; il conserve alors ses appointements et les émoluments de son poste. A 60 ans, on peut demander l’éméritat ou une pension de retraite, si l’on a consacré 35 ans à l’enseignement académique dans le royaume. Cette disposition, à la rigueur, n’est donc pas applicable aux années de service dans l’enseignement ailleurs ; mais il n’est pas douteux qu’on n’ait égard au mérite des professeurs appelés de l’étranger, etc. »

Cette lettre est du 8 juillet 1817.

Voilà ce qu’écrivait à cet honorable professeur M. le baron de Geer, administrateur-général de l’enseignement public, lorsqu’il lui faisait l’observation qu’il ne voulait pas sacrifier une position certaine dans son pays à une position incertaine à l’étranger, puisqu’il lui était impossible, ayant 48 ans, d’atteindre l’éméritat à 60, s’il lui fallait 35 ans de services dans le pays. Il a dû prendre ses arrangements en conséquence. On lui a répondu qu’on aurait égard au mérite des professeurs appelés de l’étranger ; c’est sur la foi de cette promesse que ces professeurs sont venus aussi. Le gouvernement provisoire a bien senti, quand il s’est agi de liquider leurs pensions, qu’il fallait leur compter le temps de service à l’étranger. Si, au moment de la révolution, ils eussent atteint l’âge de 70 ans, ils auraient eu le traitement complet.

On n’a pas examiné s’ils avaient rendu des services à l’étranger, mais on leur a compté les services rendus aux sciences et aux lettres, aussi bien à l’étranger que dans le pays ; c’est donc un acte de justice qu’a fait le gouvernement provisoire, et en cela, s’il ne s’est pas conformé au texte, il a suivi l’esprit de l’arrêté de 1816 et n’a fait qu’exécuter les engagements de l’ancien gouvernement, engagements que le gouvernement qui lui succédait était tenu de remplir.

Il y avait une autre disposition de l’arrêté de 1816, portant que si le professeur demandait l’éméritat avant d’avoir atteint l’âge de 60 ans, si sa demande était fondée sur une incommodité, l’éméritat pourrait lui être accordé. Peut-être le gouvernement provisoire a pensé que la révolution, qui avait supprimé leurs chaires, pouvait être considérée comme un accident, une incommodité qui les empêchait de continuer leurs services. Mais, soit qu’on ait appliqué la première ou la seconde disposition de l’arrêté, on n’a fait que leur rendre exactement justice.

D’après ce qui a été dit par l’honorable M. Ernst, qui entend cette matière beaucoup mieux que moi, je ne crois pas devoir prolonger inutilement la discussion.

Messieurs, ne soyons pas ingrats envers les hommes qui ont créé dans nos provinces le haut enseignement, à qui notre plus brillante jeunesse doit la haute instruction qu’elle a reçue. Ne donnons pas raison à je ne sais quel philosophe morose qui disait qu’après les rois il n’y avait rien de plus ingrat que les peuples, et ne revenons pas sur une mesure aussi juste que celle qui a été prise par le gouvernement provisoire.

L’honorable M. Gendebien a parlé d’un professeur qui aurait écrit contre la révolution. Cela est possible. Les documents doit je me sers ne viennent pas de ce professeur, mais de M. Garnier, connu par des travaux scientifiques de nature à mériter votre intérêt, s’il n’avait pas des droits à votre justice.

D’après ces considérations, je pense que vous serez disposés à maintenir le chiffre de 1830. Il suffira pour payer tous les professeurs.

Je n’avais pas fini d’exprimer ma pensée sur l’observation de M. Gendebien sur le professeur qui aurait écrit contre la révolution. Ce n’a peut-être été que la conséquence de l’injustice commise envers lui, en ne lui payant pas sa pension.

M. Gendebien. - Il ne l’a pas demandée.

M. Jullien. - Ce sont là des faits que j’ignore, mais je présume que s’il n’a pas réclamé sa pension, c’est qu’il a pensé qu’on ne la lui donnerait pas. Car il serait étonnant qu’on ne réclamât pas une pension à laquelle on croit avoir droit et qu’on espère obtenir. Ce sont là d’ailleurs des considérations toutes personnelles à un seul professeur, et je ne pense pas qu’elles influent sur notre décision à l’égard des autres,

Je voterai pour le chiffre du ministre.

M. de Theux. - Un des honorables préopinants vous a dit que les professeurs dont il s’agit n’avaient vu leur pension liquidée qu’après deux années d’attente. Je ferai observer que c’est en vertu d’un arrêté de décembre 1831 qu’ils ont été admis pour la première fois à toucher une indemnité. Vous remarquerez que ce n’est pas à titre de pension, mais d’indemnité, que le gouvernement leur a accordé une partie de leur traitement. Le gouvernement ne pouvait pas liquider de pension dans l’état des choses ; il aurait fallu qu’il fût autorisé par une loi.

Lors de la première liquidation de décembre 1831, le gouvernement a cru pouvoir apprécier largement les titres des professeurs pour lesquelles une allocation est demandée, d’autant plus que la révolution les avait surpris inopinément, et qu’ils avaient attendu plus longtemps avant de recevoir d’indemnité.

Maintenant la question est de savoir si le règlement de 1816 permet de compter à ces professeurs les services rendus à l’étranger, et surtout de compter d’autres services que ceux rendus dans l’enseignement académique.

L’honorable M. Jullien vient de donner lecture d’une lettre adressée à un professeur, à qui on faisait espérer que les services rendus à l’étranger seraient pris en considération quand il s’agirait de liquider sa pension. Ce professeur a réellement professé dans l’enseignement académique en France ; mais il est le seul de tous ceux compris dans la liste qui soit dans ce cas, qui ait été dans l’enseignement académique ailleurs qu’en Belgique. Vous remarquerez que le règlement de 1816 ne permettait pas de prendre en considération les services autres que ceux rendus dans l’enseignement supérieur, même pour les indigènes.

Je suppose qu’un professeur dans un collège parvienne à s’élever à une chaire académique, les services qu’il aurait rendus dans ce collège ne lui seraient pas comptés pour l’éméritat ; l’enseignement des collèges, quoique sous la surveillance de l’Etat n’étant qu’un enseignement communal.

Vous remarquerez encore que tous les professeurs dont il s’agit n’ont pas le même rang d’ancienneté. Il y a tel professeur qui n’a enseigné que deux ans et dont le traitement d’attente a été liquidé à 2,528 francs.

Il est difficile que l’équité oblige à accorder une somme aussi élevée. Le chiffre de 1,541 fr., auquel la section centrale propose de fixer cette pension, me paraît suffisant.

Il y a une autre considération, c’est que le règlement de 1816 qui détermine les bases d’après lesquelles les pensions sont accordées aux professeurs, est beaucoup plus large que l’arrêté de 1814 ne l’est en faveur d’aucun autre fonctionnaire.

Parmi les personnes désignées dans le tableau joint au rapport de la section centrale, il en est qui ont été nommes membres de la commission, qui sont actuellement attachés en cette qualité à l’université ; j’ignore si ces professeurs ne tiennent pas encore des cours privés. Toujours est-il qu’ils reçoivent des rétributions provenant des droits d’examen. L’un des six est avantageusement placé dans un établissement particulier.

Je le répète, il n’y a qu’un seul de ces six professeurs qui puisse invoquer des antécédents d’enseignement académique à l’étranger, c’est un homme qui mérite tous les éloges que lui a donnés M. Jullien, c’est un ancien professeur de l’école polytechnique. Ce n’est qu’en vertu de la lettre qui lui a été écrite qu’il pourrait réclamer une exception au règlement de 1816. Ce règlement est formel et ne fait aucune distinction entre les étrangers et les indigènes, et même il paraîtrait, d’après l’article 86, que son intention a été d’exclure les étrangers.

M. Verdussen. - Le ministre, en réduisant sa demande à 18 mille francs, a rendu justice aux observations de la section centrale, relativement aux professeurs qui ont quitté le pays. Il demande maintenant en outre 1,742 fr., pour accorder une pension à la veuve d’un professeur décédé. Je voudrais savoir s’il n’y aura pas double emploi ; car il est possible qu’on trouve dans la liste des six professeurs un homme pour remplacer le professeur décédé. Serait-il prudent de faire une nouvelle nomination à la veille de la réorganisation du haut enseignement, au risque de devoir déplacer dans peu de mois le nouveau professeur qu’on nommerait. Je ne sais si on ne pourrait pas le remplacer par un intérimaire, ou charger des collègues de faire ses leçons en attendant la réorganisation, comme cela se pratique en cas d’indisposition d’un professeur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Répondant à la demande de M. Verdussen, je dirai que, parmi les six professeurs indemnisés, il n’en est aucun qui par la nature de ses anciennes fonctions, puisse remplacer le fonctionnaire décédé. Ils appartenaient aux chaires des sciences mathématiques et de littérature ; aucun ne pourrait professer les sciences naturelles.

Les diverses attributions du professeur décédé ont été réparties entre quatre personnes attachées à l’université de Liége, et le traitement sera réparti de même entre ces quatre suppléants. On ne pourra donc pas imputer sur ce traitement la pension de la veuve. D’ailleurs, l’imputation ne serait pas légale ; les traitements des professeurs ne peuvent pas servir à payer des pensions.

L’arrêté du gouvernement provisoire du 16 décembre constitue le droit des professeurs ; cet arrêté les engage à faire valoir leurs droits à l’éméritat, à la pension ou à l’indemnité. Tant qu’une loi n’existe pas, il est impossible qu’ils fissent valoir leurs droits à une pension ; ils se sont bornés à faire valoir leurs droits à une indemnité. Du moment qu’il ne s’agit plus que d’indemnité, la question devient toute d’équité et de convenance. Depuis trois ans que ces professeurs ont été payés sur un pied très modéré, relativement aux avantages pécuniaires dont ils jouissaient auparavant, je demande si c’est pour la dernière année peut-être où cette indemnité leur sera payée qu’on doit revenir sur ce qui a été fait.

J’ai trouvé dans le rapport de la section centrale une observation fort juste relativement aux athénées et collèges.

« Jusqu’au moment très rapproché, dit le rapport, où la loi sur l’enseignement nous sera présentée, il convient de laisser les questions entières, de continuer les subside actuels. »

Pourquoi cette observation ne s’appliquerait-elle pas aux professeurs indemnisés ?

M. de Theux a paru croire que le professeur en faveur duquel M. Jullien a invoqué des engagements était le seul qui eût des services dans l’enseignement antérieurs à son entrée à l’université. Il résulte du tableau que j’ai sous les yeux que d’autres professeurs sont dans le même cas. L’un était professeur à Meaux avant la révolution française, un autre était professeur à Marbourg, un autre avait professé au gymnase de Cologne.

Aux termes du règlement de 1816, les veuves avaient droit à la pension. Nous ne pouvons pas appliquer cet arrêté qui n’a pas, comme celui de 1814, force de loi. Mais nous avons pensé que la mention au budget équivaudrait à une loi spéciale. (Aux voix ! aux voix !)

- Le chiffre de 19,870 fr. demandé par le ministre est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.