(Moniteur belge n°57, du 26 février 1834 et Moniteur belge n°58, du 27 février 1834)
(Moniteur belge n°57, du 26 février 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Liedts lit le procès-verbal de la dernière séance, la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Eloy de Burdinne. - Une des pétitions adressées à la chambre est relative aux opérations du cadastre ; comme sous peu nous aurons à nous occuper de cette question, ne pourrait-on pas inviter la commission à faire promptement son rapport ? (Appuyé ! Appuyé !)
- L’invitation sera faite à la commission.
M. le président. - Un projet de loi a été présenté hier à la chambre ; veut-on le renvoyer aux sections, ou le soumettre à une commission ? (Aux sections ! aux sections !)
- Le renvoi aux sections est ordonné.
M. Zoude, rapporteur de la commission d’industrie propose l’adoption d’un projet de loi sur l’entrée et la sortie des os.
Je demanderai, ajoute M. le rapporteur, que le projet soit discuté avant la loi sur la route en fer.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre a décidé que la discussion du projet concernant la route en fer aurait lieu immédiatement après le vote du budget.
M. Zoude. - La loi sur les os ne prendra que deux heures de délibération, et donnera de l’occupation aux malheureux.
M. Jullien. - Je puis attester à la chambre que le commerce des os, depuis qu’il a été introduit, est d’une grande ressource pour les malheureux ; cette classe souffre d’autant plus que ce commerce est en suspens. Je suis persuadé que la loi de M. Zoude ne durera pas plus de deux heures ; on pourrait la discuter avant le chemin de fer qui occupera huit jours. Je demanderai du moins que la discussion des os ait lieu immédiatement après la délibération sur la route en fer. (Appuyé ! appuyé !)
- La chambre fixe la discussion de la loi concernant les os après la discussion sur la route en fer.
« Archives de l’Etat dans les provinces : fr. 9,000. »
La section centrale propose 4,500 fr.
M. A. Rodenbach. - Je pense, messieurs, qu’il faut un archiviste à Bruges, dans la Flandre occidentale. Cette ville qui a été le siège du gouvernement des ducs de Bourgogne possède des titres qui appartiennent à la province et peut-être à l’Etat ; si l’on veut avoir une histoire complète de la Belgique il faut que le ministère puisse y faire faire des recherches et par conséquent qu’il y ait un employé.
Il y a d’autres provinces où il existe des dépôts importants. Dans l’un de ces dépôts se trouve le traité de Pavie signé par François premier et par Charles Quint. Un tel document devrait appartenir à l’Etat et être placé au dépôt central. Il y a un triage à faire dans nos archives et il faut que le gouvernement nomme les archivistes qui le feront.
M. Legrelle. - Je crois qu’à Bruges, il y a aux archives un employé du gouvernement provincial, lequel est chargé de ce précieux dépôt, et est payé sur le budget économique de la province : cet employé peut être considéré comme employé du gouvernement. Je demande à M. le ministre si le fait est exact ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le fait cité par M. Legrelle et que je lui ai communiqué avant l’ouverture de la séance est exact.
D’après les observations présentées hier par M. de Theux, je consentirai à retrancher 1,200 fr. sur l’article 3 pour les reporter à l’article 5 ; ainsi je réduis l’article 3 à 6,800 fr.
- Le chiffre 6,800 fr. mis aux voix est adopté après deux épreuves.
« Art. 4. Frais d’inspection des archives dans les provinces, et frais de recherches et de recouvrement des archives manquant : fr. 2,000. »
- La section centrale propose 1,000 fr.
Le chiffre de 1,000 est adopté.
« Art. 5. Frais d’impression des inventaires des archives appartenant à l’Etat : fr. 1,000. »
M. Pollénus. - La section centrale a cru que le ministre pourrait trouver les sommes nécessaires à l’impression des catalogues sur les sommes données à l’article Matériel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il s’agit ici d’une chose tout à fait étrangère au matériel. La somme de 1,000 fr. est destinée à l’impression d’un catalogue. Il y a près de 30,000 articles préparés sur les archives ; dans le courant de l’année nous espérons fournir au pays un catalogue important ; le public connaîtra une partie des richesses qui sont dans nos archives.
- Le chiffre de 1,000 francs est adopté.
M. le président. - On a renvoyé à la fin du chapitre XII la discussion du crédit de 150,000 fr. demandé par le ministre de l’intérieur pour construire un édifice consacré aux archives de l’Etat, sur le terrain de l’ancien hôtel du ministre de la justice.
La section centrale propose le rejet de la demande ministérielle.
M. de Brouckere. - Il me semble que l’article devrait être porté au chapitre des bâtiments civils.
M. le président. - Il est vrai ; mais il convient toujours de le discuter ici ; on décidera ensuite où est sa place.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois en effet que l’article pourra être reporté au chapitre des bâtiments civils.
En demandant un crédit de 150,000 fr. pour la construction d’un bâtiment consacré aux archives, je n’ai fait que céder aux vœux manifestés dans cette enceinte et particulièrement au sénat.
MM. les sénateurs ont reproché au gouvernement de laisser ces archives dans un local où elles couraient de grands dangers : à la fin de la session dernière l’administration s’est empressée de rechercher l’emplacement qui pourrait convenir à l’établissement des archives ; l’emplacement de l’hôtel de l’ancien ministre de la justice a paru réunir toutes les conditions désirables sous le rapport de la sécurité, de l’étendue et de sa position centrale.
Déjà depuis assez longtemps on avait jeté les yeux sur la porte de Hal. L’ancien gouvernement, par une espèce de compromis avec la ville de Bruxelles, avait accordé 50,000 florins pour l’appropriation de la porte de Hal pour les archive du royaume : l’appropriation a eu lieu, mais les archives n’ont pas été transportées. Je sais que plusieurs membres de la section centrale ont été visiter les bâtiments de la porte de Hal, et qu’ils ont émis l’opinion que ce local offrait toutes les convenances pour un dépôt de titres. Cependant il a été reconnu qu’il était tout à fait insuffisant pour les archives actuellement existantes ; et ce qui a déterminé la section centrale à proposer leur division, pour ne transporter à la porte de Hal que les plus importantes, celles qui méritent plus que les autres d’être conservées. Messieurs, je n’ai aucun éloignement pour l’établissement des archives à la porte de Hal ; je suis au nombre de ceux qui verrait avec satisfaction la conservation de ces vieux monuments ; mais il s’élève des objections assez fortes contre la translation des archives en cet endroit.
On trouve que la porte de Hal est trop éloignée du centre de la ville ; on prétend que les murs en sont fort humides, et qu’ils le deviendront chaque jour davantage ; on trouve le local trop petit ; on pense qu’il y aurait inconvénient à séparer les archives ; il n’existe pas de logement même pour un concierge ; le local ne se compose que de trois grands salons auxquels on arrive par des escaliers d’assez mauvaise construction ; il n’y a point de chambres de travail pour les commis, pas de cabinet pour les visiteurs.
On a pensé qu’en cas d’événements, en cas de guerre par exemple, les archives situées à l’extrémité de la ville seraient exposées à plus de dangers que si elles étaient à l’intérieur.
La plus forte objection, c’est l’insuffisance du local.
Il ne faut pas seulement calculer ce que nous avons maintenant d’archives, il faut considérer que d’année en année elles augmentent de volume.
Au ministère de l’intérieur et ailleurs il y a déjà plusieurs pièces remplies d’archives qu’il faudra transporter au dépôt de l’Etat. La section centrale a cru qu’on pourrait construire à la porte de Hal deux ailes qui suppléeraient à l’insuffisance du local : Je ne sais si l’architecture s’accommodera de cette adjonction ou à quelle somme on évaluera les dépenses de ces constructions ; je n’ai pas à cet égard consulté les hommes de l’art.
Enfin il y a une autre difficulté, c’est que la ville de Bruxelles considère cette porte comme lui appartenant, comme chose dont elle peut disposer malgré l’arrêté qui lui a accordé 30,000 florins ; et il faut savoir si le gouvernement n’éprouverait pas des difficultés de la part de la ville de Bruxelles en s’y établissant. Le gouvernement est, depuis deux ans, dans une espèce de lutte avec Bruxelles : il s’oppose à la démolition de la porte de Hal, en s’appuyant sur l’arrête royal.
Je crois avoir fait mon devoir en demandant 150,000 fr. pour la construction d’un local nouveau ; je crois avoir satisfait au désir de beaucoup de membres de la représentation nationale ; mais si la chambre pense que le pays ne peut supporter actuellement cette dépense que je considère, moi, comme très utile, elle prononcera.
(Moniteur belge n°58, du 27 février 1834) M. Pollénus. - Jamais tâche n’a été plus facile que celle de soutenir la proposition de la section centrale dans le cas dont il s’agit ; il y a eu unanimité dans cette section pour écarter la demande du gouvernement. Le ministre a fait valoir plusieurs considérations à l’appui de sa demande, mais plutôt pour remplir un devoir que pour obéir à sa conviction personnelle. Je vais répondre à quelques-unes de ces considérations. Je commencerai par celui qui, à son avis, est la plus grave, l’insuffisance des bâtiments.
La section centrale a remarqué que, parmi les archives, il en était qu’il importait peu de conserver, qu’on pourrait par conséquent faire un triage, et elle appelle l’attention du gouvernement sur cet objet. Il formerait une commission d’hommes instruits qui seraient chargés de procéder à ce triage. Quand le choix serait fait, on pourrait juger si en effet les bâtiments sont insuffisants.
La ville de Bruxelles fait valoir des droits, dit-on. Je pense que la ville de Bruxelles n’a pas grand intérêt à élever une contestation à cet égard ; elle peut d’autant moins se montrer peu bienveillante que dans plusieurs circonstances, la chambre ne s’est pas montrée mal disposée quand il s’agissait de voter certaines allocations en faveur de cette cité. Elle aurait à craindre de ne plus trouver les mêmes dispositions dans des circonstances semblables.
L’éloignement de la porte de Hal du centre de la ville est encore un inconvénient signalé ; la section centrale a cru que l’isolement du bâtiment offrait plus de sécurité contre les événements et était un avantage pour la destination qu’on voulait lui donner.
Il n’y a pas de logement pour le concierge : c’est possible ; mais la position de ce bâtiment permet d’y faire des constructions additionnelles qui le rendraient plus propre à en faire un dépôt. La porte de Hal a été visitée, et d’après les rapports, on a jugé qu’elle réunissait les qualités les plus propres pour conserver des parchemins et des papiers. A l’unanimité, la section centrale a voté le rejet de 150,000 fr. demandés par le ministre, attendu qu’un bâtiment existe.
M. Dumortier. - Il se passe quelque chose d’assez curieux dans la discussion du budget : aux yeux de certaines personnes le ministre et le rapporteur de la section centrale sont regardés comme deux avocats, l’un pour demander l’argent, l’autre pour en refuser, et la chambre est juge ; cependant il n’en est pas ainsi. Le rapporteur de la section centrale n’est que le défenseur des opinions émises par la chambre dans ses sections.
Ainsi, lorsque les sections ont été unanimes pour rejeter ou accorder certaines allocations, je ne sais pourquoi on discute et on ne passe pas immédiatement au vote. Or, il ne s’est pas trouvé dans les sections une seule voix pour accorder le crédit de 150,000 francs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Crédit qui ne sera pas suffisant, car il faudra encore 100,000 fr.
M. Dumortier. - Il s’agit de savoir si la porte de Hal conviendra ou ne conviendra pas aux archives. Avant la révolution on était convaincu que la porte de Hal réunissait toutes les convenances, et Guillaume fit donner 30,000 florins pour préparer le local et l’approprier. Il le faut en effet, et si demain on voulait en approprier un autre, on ne saurait mieux faire que ce qui a été fait. On a prétendu que la porte de Hal avait servi de prison : dans cette idée je croyais y voir de petits logements, des cellules ; il n’en est rien ; ce bâtiment que j’ai visité avec M. le comte de Mérode présente trois magnifiques salons dont chacun a 3,600 pieds carrés.
Les plafonds de ces salons ne sont pas aussi élevés que la voûte de cette enceinte ; ils sont à moitié de cette hauteur, et chaque salle est trois fois aussi grande que la nôtre. Je ne puis concevoir qu’il y ait un local qui convienne mieux aux archives que celui-là.
On a prétendu que la porte de Hal était insuffisante ; d’autres ont soutenu le contraire. Sous le gouvernement précédent, avant de dépenser les 30,000 florins pour la réparation, on a eu la précaution de cuber les archives, et il a été démontré qu’elles pouvaient toutes tenir dans les salons ; qu’on pouvait même en mettre encore pendant une assez longue succession d’années. Sans la révolution les archives y seraient depuis longtemps : on avait commencé à placer des rayons dans les salons ; il en est sur lesquels on a posé des papiers, et ces papiers sont dans un état convenable de siccité. On sait que je suis ami des lettres et des sciences, et certes je ne voudrais pas voir détruire nos richesses littéraires.
Parmi les dépenses qu’a faites le gouvernement hollandais pour préparer la porte de Hal, il en est une que je signalerai : l’une des portes est garnie de cuivre afin qu’il ne puisse y avoir d’accident pour cause d’humidité.
Mais, dit-on, en cas de guerre les archives seraient plus exposées à la porte de Hal que partout ailleurs. Supposons le cas de guerre, supposons le bombardement de Bruxelles ; le feu, en prenant aux maisons, ne se communiquera pas aux archives. Il est toujours à désirer que le local des archives soit isolé ; cette condition ne serait pas remplie par l’ancien hôtel du ministre de la justice.
La porte de Hal n’est pas au centre de la ville. Mais est-il nécessaire que des archives soient au centre d’une ville ? Les archives ne sont pas d’un usage quotidien. Si le gouvernement ordonne des recherches, il peut envoyer un messager à la porte de Hal comme ailleurs ; si c’est un savant qui fait des recherches, croyez qu’il se transportera où il est nécessaire.
Pourquoi faire des constructions pour les archives quand nous avons un bâtiment isolé et par cela à l’abri du feu ? Plus tard nous aurons besoin de constructions pour les ministères, mais ce n’est pas actuellement que nous pouvons les entreprendre, surtout quand il nous faut voter des sommes pour éventualités de guerre et que nous ne pouvons diminuer les centimes additionnels.
J’ai beaucoup étudié la situation financière du pays ; plus je l’ai examinée et plus j’ai été convaincu de la nécessité, pour la représentation nationale, d’écarter les dépenses qui n’étaient pas indispensables. Nous avons une partie de la dette flottante à faire disparaître, car elle est trop considérable aujourd’hui ; nous avons à alléger les contribuables ; nous songerons ensuite à construire des édifices.
M. Jullien. - Il y a en effet quelque chose de curieux dans cette discussion, et c’est ce que vient de dire le préopinant. Il prétend que le rapporteur de la section centrale est l’organe de la chambre puisqu’il émet le vœu de toutes les sections : en poussant ce raisonnement dans toutes ses conséquences, il s’ensuivrait que nous n’avons pas besoin de délibérer ; en effet à quoi bon occuper la chambre d’une chose sur laquelle elle a émis son vœu ! Mais, messieurs, les sections, on le sait, ne sont qu’une fiction de la chambre, parce que dans les sections il ne se trouve jamais un assez grand nombre de membres pour que leurs votes représentent celui de la majorité de la chambre. Quelquefois il y a trois membres dans une section pour en nommer le président, le secrétaire et le rapporteur ; et on appelle l’opinion de ces trois membres le vœu de la section. Plus de la moitié de l’assemblée n’ayant pas pris part aux vœux émis par les sections, j’aborderai la matière.
Tout le monde est d’accord sur un point, c’est que le local actuel des archives doit être changé par deux raisons qui paraissent péremptoires : d’abord il y a danger pour l’incendie et même danger assez imminent à cause du voisinage d’un grand nombre d’habitations ; ensuite il y a insuffisance du local ; aussi la section centrale n’hésite pas à proposer la translation des archives à la porte de Hal.
Mais voyons si la proposition de la section centrale peut être mise à exécution. Je rencontre premièrement une difficulté grave. Le ministre de l’intérieur nous a déclaré que la question de propriété de la porte de Hal n’était pas décidée ; que la ville prétend en être propriétaire, et que le gouvernement lui conteste ce titre. Ainsi, en décidant que l’on transportera les archives dans ce bâtiment, on se trouvera en présence d’un procès.
Je suppose que la porte de Hal soit la propriété de l’Etat ; je suppose que la ville en fasse volontairement la concession au gouvernement pour servir de dépôt aux archives. Vous allez encore rencontrer des obstacles qui me paraissent insurmontables. Le local, assure-t-on, est très bien aéré : très bien aéré, je le crois ; les enfants du voisinage ont cassé toutes les vitres, et l’air peut y circuler avec facilité ; mais, malgré cette circulation de l’air, il y a, assure-t-on, une partie des murs qui sont salpêtrés. Si ce fait est exact, je crois que la porte de Hal n’est pas un local convenable pour établir un dépôt de papiers. Cependant ce ne serait encore là qu’un petit inconvénient par rapport à celui que je vais signaler.
En 1831, on a mesuré les salles de la porte de Hal, et l’on s’est convaincu qu’elles étaient à peine suffisantes pour contenir la moitié des archives actuelles. Tel est le résultat de la mesure cubique, si les renseignements qu’on m’a donnés sont exacts.
Depuis 1831 les archives se sont accrues, elles doivent s’accroître encore de tout ce qui sera retiré aux dépôts des provinces, puisque le gouvernement se propose de réunir sur un point central toutes les archives du royaume ; dans ce cas, que ferez-vous de votre porte de Hal qui ne pourrait contenir que la moitié des archives qui sont à Bruxelles ?
L’ancien gouvernement avait choisi la porte de Hal, mais avec cette condition qu’on y ajouterait des bâtiments où l’on pourrait établir un concierge et des bureaux et où l’on pourrait recevoir toutes les archives. Si la translation se faisait immédiatement, vous auriez une partie des archives à la porte de Hal et une autre à la rue des Pailles, et quand vous aurez des recherches à faire il faudra que les employés courent de la porte de Hal à la rue des Pailles, et tout se passera en courses.
Il vaut beaucoup mieux, si nous ne pouvons pas faire la dépense d’un nouveau local, laisser les choses en l’état où elles sont que de prendre une mesure sur laquelle il faudrait revenir après avoir fait beaucoup de dépenses. Sous le gouvernement autrichien qui n’était pas très prodigue, on a fait construire pour les archives du pays l’hôtel actuellement occupé par le département des finances ; on a senti qu’un dépôt d’archives doit avoir un local considérable, parce que les archives sont pour les nations ce que sont les contrats, les titres pour les particuliers ; les archives sont une chose précieuse pour les nations parce qu’elles servent à établir leurs droits.
Voulez-vous porter vos archives à la porte de Hal, il faut penser aux fonds nécessaires pour construire une succursale. L’honorable M. Pollénus a parlé d’un triage que l’on ferait aux archives et qui en diminuerait considérablement le volume ; j’ai l’honneur de faire observer à la chambre qu’en fait d’archives, il faut d’abord un classement avant d’en opérer le triage, un classement par ordre de matières, sans quoi vous vous exposez à faire ce que l’on a fait du temps de la république française : on a mis au rebut une multitude de documents dont on ne pouvait connaître le mérite, et on ferait la même chose.
En résumé, que résulte-t-il de tout ceci ? Ou bien il faut donner au gouvernement le moyen de construire un nouveau local, ou bien il faut agrandit celui de la porte de Hal, si toutefois vous pouvez passer sur la question de propriété, ou bien il faut laisser les choses dans l’état où elles sont et ne rien donner. En agissant ainsi, vous aurez ajourné la difficulté et vous ne l’aurez pas levée, et vous exposez les archives de l’Etat aux dangers de l’incendie. Pour me prononcer sur la question, j’attendrai les lumières qui jailliront de la discussion.
M. de Brouckere. - Messieurs, je vous prie de vouloir bien observer que, dans le vote que vous avez à émettre, il ne s’agit pas de la somme de 150,000 fr. à laquelle s’élève l’article en discussion, mais qu’il s’agit d’autoriser ou de rejeter une dépense que l’on peut sans exagération porter à 300,000 francs, En effet M. le ministre, en demandant 150,000 fr., reconnaît que cette somme n’est pas suffisante et estime que les travaux nécessaires pour la construction du bâtiment et son appropriation à l’usage qu’il y assigne, pourront s’élever à 250,000 francs. Or, quand un ministre fixe une dépense à 250,000 francs approximativement, ce n’est pas l’exagérer que de la porter à 300,000 fr.
Messieurs, avant de voter une somme aussi forte ou au moins avant d’émettre un vote d’où doit dépendre une dépense aussi considérable, il convient d’examiner si elle est absolument nécessaire ou au moins d’une utilité évidente. Mais si bien loin de là il est établi que le ministre a pour les archives un autre local parfaitement convenable, je ne vois pas pourquoi nous lui accorderions 300,000 francs pour construire un nouveau bâtiment dans le même but.
La section centrale s’est prononcée à l’unanimité contre l’allocation ; et je dois le dire, je n’ai pas trouvé dans tout son rapport de passage plus concluant que celui-là : Quant à moi, la simple lecture de ces 10 ou 12 lignes du rapport m’a démontré jusqu’à l’évidence que le local de la porte de Hal était parfaitement convenable pour les archives de l’Etat.
M. le ministre de l’intérieur n’a pas beaucoup insisté pour obtenir cette somme de 150,000 fr. ; cependant il a fait valoir des considérations plus ou moins déterminantes, elles ont toutes été réfutées par les honorables orateurs qui ont parlé avant moi ; je n’ajouterai rien à ce qu’ils ont dit. Je me bornerai à faire observer que la réclamation de la ville de Bruxelles, tendant à faire déclarer sa propriété le local de la porte de Hal ne doit en rien influer sur notre vote. Il ne suffit pas de réclamer pour se faire attribuer une propriété. On a bien dit que la ville de Bruxelles réclamait ; mais on n’a pas dit sur quoi elle fondait ses prétentions. Que le gouvernement fasse vider le litige par les tribunaux, il serait imprudent de faire construire dès à présent un nouveau bâtiment qui se trouverait inutile si le litige était décidé en votre faveur.
La chambre doit donc refuser les fonds cette année ; elle n’aura pas besoin d’en accorder l’année prochaine si les tribunaux déclarent que le local de la porte de Hal appartient à l’Etat ; dans le cas contraire vous demanderez au prochain budget les fonds nécessaires pour un nouveau local ; alors assurément la chambre les accordera.
Je voterai contre l’allocation demandée.
M. le président. - Plus de dix membres ayant demandé la clôture, je vais la mettre aux voix.
M. Legrelle. - J’aurais désiré que M. le ministre de l’intérieur donnât quelques explications dans le sens des observations de M. de Brouckere.
M. Gendebien. - Vous voyez bien que le ministre n’a pas voulu répondre ; c’est donc qu’il consent à l’ajournement de la dépense.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est évident que si la chambre n’accorde rien, les choses resterons dans l’état où elles sont ; si la section centrale veut que le gouvernement cherche à utiliser pour les archives le local de la porte de Hal, il faudrait qu’elle accordât une somme quelconque pour que la translation en fût possible. Si l’on n’accorde rien, il est possible que je ne ferai rien.
M. de Brouckere. - Comment pourrions-nous allouer un crédit pour transporter les archives au local de la porte de Hal, dans l’incertitude où nous sommes de savoir s’il appartient au gouvernement ou à la ville de Bruxelles ? Si l’an prochain la propriété vous en est maintenue, nous accorderons la somme nécessaire pour achever de l’approprier à sa destination ; comme il a déjà été accordé 30,000 fl. pour cet objet, il n’y aura lieu à allouer que quelques centaines de florins.
- L’article 6 est mis aux voix et rejeté.
« Art. unique. Frais de célébration des fêtes nationales, expositions d’objets d’arts et d’industrie, réunions musicales (chiffre demandé par le gouvernement) : fr. 50,000. »
« Idem. (chiffre proposé par la section centrale) : fr. 30,000. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, si les motifs qui ont en partie déterminé la chambre à rejeter, il n’y a qu’un moment, l’allocation que demandait le gouvernement pour construire le bâtiment des archives de l’Etat, si ces motifs agissent encore sur l’assemblée, il est probable que l’article des fêtes nationales sera adopté.
L’honorable M. Dumortier a dit que les sections sont l’image de la chambre et le rapporteur de la section centrale, l’organe de la majorité des sections, et par suite de la chambre. Mais ici la majorité des sections s’est prononcée pour le chiffre ministériel ; quatre sections ont admis ce chiffre ; deux seulement l’ont modifié : la première propose la somme de 40,000 fr., et la sixième celle de 30,000 fr. De telle sorte qu’ici le rapporteur de la section centrale est l’organe d’une seule section. Je ne crois pas qu’en cette circonstance la chambre puisse se ranger à son avis.
La chambre l’an dernier a voté unanimement la somme de 50,000 fr. ; il n’a pas été dit que le gouvernement en ait fait un mauvais usage. Loin de là, il a reçu des félicitations ; je ne vois donc pas pourquoi l’allocation serait réduite cette année.
La section centrale prétend qu’une nouvelle exposition d’objets d’arts serait prématurée cette année. D’abord il n’est pas question d’une exposition d’objets d’arts, mais bien d’une exposition des produits d’industrie. L’année dernière, la somme de 50,000 fr. a été dépensée pour les fêtes de septembre sans que rien en ait été distrait pour l’exposition des objets d’arts. Ainsi cette objection, la seule qui ait été faite contre le chiffre demandé, tombe à faux ; car en supposant qu’il y eût cette année une exposition, comme le gouvernement en a le projet, il est probable qu’aucune somme ne sera distraite de celle des 50,000 fr. demandés.
M. Pollénus. - Si M. le ministre déclare maintenant qu’il n’y aura pas d’exposition cette année, comment concilier ses paroles avec le libellé de l’article qui porte : « Frais de célébration de fêtes nationales, exposition d’objets d’arts et d’industrie, réunions musicales : fr. 50,000 fr. » Il résulte de là que le ministre se proposait de consacrer une partie de cette somme aux frais de l’exposition d’industrie. Cette somme peut donc être diminuée de celle qu’il destinait à cet objet, soit qu’il n’y ait pas d’exposition, car elle est alors inutile, soit même qu’il y en ait une, puisque, d’après la déclaration de M. le ministre, la somme de 50,000 fr. votée au chapitre X doit être suffisante.
On fait observer que l’an dernier, la somme de 50,000 fr. a été votée sans difficulté ; mais je crois me rappeler que l’an dernier on invoqua un motif qu’on ne peut pas invoquer aujourd’hui, c’est que la dépense était faite.
La section centrale a cru s’en tenir au vœu du congrès en bornant la dépense au strict nécessaire. Elle a eu lieu de supposer d’autant plus que la somme de 30,000 fr. serait suffisante que dans une précédente année, si ma mémoire est fidèle, cette même somme a suffi.
Je ne m’appuierai pas sur la fiction des sections ; car je conviens que c’est une fiction ; ceux qui, comme moi, les fréquentent en conviendront aussi. Membre de la section centrale, je n’ai pas besoin d’invoquer la fiction des sections. Je pense que la section centrale a très bien fait en proposant à l’unanimité une réduction de 20,000 francs, et j’y persiste en son nom.
M. de Brouckere. - Je désirerais que M. le ministre de l’intérieur donnât quelques explications sur le double emploi indiqué par l’honorable M. Pollénus dans les sommes allouées au chapitre X et demandée au chapitre XIII.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le libellé de l’article est le même que l’an dernier, sauf qu’on a substitué aux mots concours d’harmonie ceux de réunions musicales.
L’an dernier, je pensais employer une partie des fonds alloués par cet article aux frais de l’exposition des objets d’arts. Mais les dépenses des fêtes de septembre ont absorbé la somme de 50,000 fr. L’exposition s’est suffi à elle-même. Quant aux frais matériels, une partie du crédit alloué pour les beaux-arts a servi aux achats et aux encouragements.
Je ne sais si cette année je pourrai rien imputer sur cet article des frais d’exposition. Dans le doute, j’ai conservé le même titre que précédemment. La somme que je pourrais imputer ne serait jamais, dans tous les cas, de 20,000 fr.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, s’il n’y avait pas un décret du congrès qui prescrit les fêtes de septembre, je refuserais toute espèce d’allocation à cet égard. En effet, qu’est-ce que ces fêtes de septembre ? Elles ne sont guères instituées que pour l’avantage de la ville de Bruxelles ; les dix-neuf vingtièmes de la population n’en profitent pas, seulement ils apprennent par les feuilles que des fêtes ont été données à Bruxelles pour célébrer les glorieuses journées de septembre.
Voulez-vous célébrer dignement ces glorieux anniversaires, faites respecter le pays à l’extérieur, faites-le prospérer à l’intérieur ; mais nous n’en sommes pas là : si ces temps heureux se réalisaient, vous auriez des fêtes dans les moindres villages et sans que vous eussiez besoin d’accorder des subsides.
Voilà les fêtes que vous devriez donner à la Belgique. Ce n’est pas lorsque le territoire vient d’être violé qu’on peut être disposé à voter des fonds pour les réjouissances publiques. Si ce n’était le décret du congrès, je le répète, je ne voterais rien ; mais je voterai 30,000 fr. puisque ces fêtes sont prescrites. Je crois d’ailleurs que cette somme doit suffire. Vous avez dû conserver le matériel et les décors des fêtes précédentes ; ce sont des dépenses de moins à faire. Vous n’aurez pas, dites-vous, d’exposition. Dans ce cas, la somme de 30,000 fr. reste donc tout entière pour les fêtes. C’est plus que suffisant si ces fêtes sont les mêmes que l’an dernier. Car qu’avez-vous fait l’an dernier ? De la musique, une promenade de la place Royale à celle des Martyrs et un Te Deum. Tout cela ne coûte pas cher. Je me ferais fort de vous en donner une répétition cette année à moins de 30,000 fr. (On rit.)
M. de Theux. - Nous n’avons pas d’éléments bien précis pour nous former une conviction sur la dépense dont il s’agit. On ne dit pas quelle espèce de fêtes on se propose de donner cette année. En 1832, les dépenses, indépendamment des drapeaux d’honneur, se sont élevées à 40,000 fr. Ainsi qu’on l’a fait observer, le matériel qui a servi aux fêtes précédentes peut servir cette année. Je crois que la somme de 30,000 fr., proposée par la section centrale, peut à la rigueur suffire.
M. Jullien. - Je partage l’opinion de la section centrale et des honorables préopinants ; il ne faut pas d’autres fêtes nationales que celles prescrites par la loi ; quand les peuples ont une occasion de se réjouir, il n’est pas besoin que le gouvernement leur donné l’impulsion.
L’année 1834 qui s’ouvre avec l’absence momentanée de M. Hanno, apparaît à tous sous de mauvais auspices. Ce n’est pas le moment de voter des sommes considérables pour des fêtes, lorsque nous pourrions les employer plus utilement. Je crois que pour cette année des concours et de la musique seraient déplacés. Je voterai donc seulement pour la somme de 30,000 francs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, je ne répondrai ni aux plaisanteries assez déplacées de M. d’Hoffschmidt, ni aux prévisions également déplacées de M. Jullien, au sujet des fêtes nationales.
Je ne m’associerai jamais aux prédictions sinistres que quelques personnes se plaisent à faire à la Belgique. Parce qu’il y a eu en février un accident malheureux, il ne s’ensuit pas qu’au mois de septembre le peuple ne pourra pas célébrer des fêtes qui lui rappellent un événement glorieux et irresponsable d’événements postérieurs qui n’ont été, d’ailleurs, la faute de personne.
L’an dernier, le pays et cette chambre même ont paru satisfaits de la manière dont avaient été célébrées les journées commémoratives de septembre. J’ai demandé si le gouvernement avait fait un mauvais usage de la somme qui lui avait été confiée ; on n’a pas répondu.
Maintenant on vient discuter au sujet d’un Te Deum, marchander des frais d’estrade et d’ornements qui ont déjà servi et qui peuvent servir encore. Mais, messieurs, le gouvernement ne peut pas s’en tenir à de telles supputations. Si vous ne lui laissez quelque latitude et si vous l’obligez à se traîner ainsi, par économie, sur les traces des précédentes fêtes, il lui sera bien difficile de répondre convenablement aux vues patriotiques du congrès.
Ces fêtes ne peuvent pas être mesquines et misérables ; elles nous donneraient du ridicule aux yeux de l’étranger. Il vaudrait mieux, à ce compte, qu’il n’y en eût aucune. Vous savez, messieurs, l’effet qu’ont produit sur les étrangers qui se trouvaient à Bruxelles les fêtes célébrées en septembre dernier. Ils s’étonnaient de voir un peuple à peine sorti d’une révolution, assister avec tant de tranquillité et de joie à des fêtes revêtues de tant d’éclat.
Qu’est-ce après tout que 50,000 fr. pour célébrer l’événement mémorable auquel la Belgique doit sa renaissance ? En France, ce n’est pas 50,000 fr. que l’Etat a consacrés en 1833 à célébrer l’anniversaire des journées de juillet, c’est une somme de 580,000 fr, à laquelle la ville de Paris ajouta encore 200,000 fr. Cependant la France n’a que 3 journées à célébrer et nous en avons 4.
Je le déclare, le crédit de 50,000 fr. que l’on propose est insuffisant. Le gouvernement ne peut pas compromettre le pays, en célébrant par des fêtes indignes de lui l’anniversaire de la révolution.
J’ai donné une explication sur la partie de la somme qu’on consacrerait peut-être aux dépenses matérielles de l’exposition ; si on ne veut pas qu’il en soit ainsi, je propose qu’on retire du titre de l’article les mots "exposition d’objets d’arts et d’industrie".
M. Gendebien. - Messieurs, mon honorable collègue et ami M. d’Hoffschmidt a dit que la ville de Bruxelles profitait seule des fêtes de septembre, qu’elle devait en supporter la dépense. Je regrette de ne pouvoir partager son avis
En accordant 30 ou 50,000 francs pour être dépensés à Bruxelles à des fêtes de septembre, c’est une bien faible compensation des désastres que Bruxelles a soufferts. Toutes les fois que vous vous promenez dans la ville, sur les boulevards, vous voyez non seulement des édifices publics, mais encore des maisons particulières incendiées. Les propriétaires de ces maisons n’ont reçu aucune indemnité.
Vous ne voyez pas tous les désastres. Combien d’habitants de Bruxelles ont été ruinés par les 4 journées ? Et de quels dangers plus grands encore n’étions-nous pas menacés. Si les Hollandais nous avaient vaincus, au lieu d’être chassés, Dieu sait ce qui serait arrivé. Du reste je voudrais que partout où il y a un champ de bataille, où on s’est battu dans l’intérêt d’une nation, il fût célébré des fêtes nationales.
Je voudrais surtout que ce vœu exprimé par M. d’Hoffschmidt pût se réaliser, je voudrais que toutes les communes de la Belgique, fières de notre triomphe, et heureuses de ses résultats, célébrassent spontanément, et à leurs frais, cette époque mémorable. Et comme lui je pense que ce vœu se serait réalisé, si la faiblesse de notre gouvernement ne les avait changes en jours de deuil.
Mais les combats de septembre ont-ils par le fait profité à la Belgique ? Non certes, et moi, pour mon compte, je regrette tous les jours les tristes résultats de la victoire que nous avons remportée sur les Hollandais. J’en suis honteux. Quoi ! notre révolution si belle, si magnanime, si dévouée, si glorieuse pour le pays, est devenue la risée de toute l’Europe ; non pas parce que notre triomphe n’a pas été complet en septembre, mais parce qu’on en a changé la destination dans un intérêt individuel et pour satisfaire l’ambition de certains hommes.
Les fêtes de septembre sont un objet de deuil pour moi et pour bien d’autres qui regrettent les sacrifices qu’ils ont faits puisqu’ils n’ont eu pour résultat que la honte du pays. (Mouvement dans l’assemblée.)
M. d’Huart. - Je demande la parole.
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole.
M. Gendebien. - Messieurs, j’ai le droit d’exprimer ma pensée ; elle ne peut être suspecte, car j’ai partagé les dangers de septembre.
Pour moi je voudrais effacer les 4 dernières années de ma vie ; je n’ai fait le sacrifice à mon pays dans l’espoir de lui procurer l’indépendance et la liberté, mais non pour le déshonorer aujourd’hui et pour lui donner comme seule perspective la ruine de son commerce, et de son industrie.
Messieurs, je dois le dire, les fêtes de septembre me font mal parce que c’est encore un leurre pour le peuple ; elles peuvent induire en erreur les personnes peu clairvoyantes, mais elles enveniment les plaies de ceux qui espéraient d’autres destinées pour leur pays.
Messieurs, je me hâte de rentrer dans la question de chiffre car il m’est trop difficile de parler de sang-froid lorsque je rapproche les glorieux jours de septembre 1830 des événements de février 1834.
M. le ministre de l’intérieur dit que le gouvernement a jugé nécessaire, pour les fêtes de septembre, la somme de 50,000 fr. Mais il est en contradiction avec lui-même ; car il dit qu’il imputera sur cette somme des dépenses relatives à l’exposition d’industrie ; et pour ce dernier objet on lui alloue déjà une somme qu’il a jugée suffisante. Si M. le ministre la trouve maintenant insuffisante, qu’il demande un supplément de crédit, un transfert ; mais qu’il ne vienne pas dire en même temps qu’une somme de 50,000 fr. est nécessaire pour célébrer les journées mémorables, quoi qu’on dise, de septembre et qu’il doit en consacrer une partie à une autre destination.
M. le ministre a raison de dire que les événements de septembre ne sont pas responsables de ce qui s’est passé depuis ; car nous, hommes de septembre, nous sommes restés les mêmes, et nous répudions les hommes et les choses qui ont détourné la révolution de son cours naturel.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, ce n’est pas sans peine que je viens d’entendre un honorable citoyen, auquel j’étais associé aux journées de septembre, regretter ces journées pour la Belgique.
Jusqu’à présent, de tels regrets, nous étions accoutumés à les entendre sortir d’autres bouches que de la sienne : je n’examinerai pas quelle satisfaction ils causeront aux ennemis de la Belgique ; mais je ne puis m’empêcher de dire combien ce langage me surprend et m’afflige.
Si la chambre pouvait se laisser influencer par des paroles qui, je ne crains pas de le dire, ne sont pas sorties du cœur de l’honorable préopinant, elle ne voterait ni 30,000 fr, ni 20,000 fr. ; mais à l’instant elle supprimerait du budget un article qui ne rappellerait au pays que des événements désastreux. (Très bien ! très bien !)
Non, je le répète, de telles paroles ne peuvent être sorties du cœur de l’honorable M. Gendebien ; et si, ce que je ne puis croire, elles étaient l’expression de ses sentiments, je me devrais, je devrais au pays de désavouer sa coopération aux actes du gouvernement provisoire.
Est-de bien l’honorable M. Gendebien qui peut faire entendre ces paroles sinistres ?
La révolution, dit-il, n’a pas suivi son cours naturel. Et quel cours devait suivre la révolution ? De quel droit vous instituez-vous son accusateur et son juge ? Quel mandat avez-vous reçu pour tracer aux événements la marche qu’ils avaient à suivre ?
Nous avons trouvé le pays dans l’anarchie, sortant à peine d’un honteux esclavage de 15 années. Nous l’avons constitué ; nous avons voulu le rendre libre, florissant, tranquille : nous avons fait nos efforts pour le conduire à ce but, le seul que la révolution dût atteindre. Qu’ont fait pour l’en détourner les gouvernements qui ont suivi le gouvernement provisoire ? Où sont ces calamités, ces désastres dont on parle ? où sont ces hommes qui exploitent la révolution à leur profit ? Il est facile de se livrer à des accusations aussi vagues, et qui seraient offensantes si elles étaient susceptibles d’application ; mais on serait tenté d’engager ceux qui portent ces accusations, à les préciser d’une manière plus directe ; cette invitation les mettrait, je crois, dans un grand embarras.
A mon tour, je ne prolongerai pas cette discussion ; je craindrais de me laisser aller à des paroles trop vives et trop amères. Mais je m’empare du discours du préopinant, pour supplier la chambre de ne pas s’associer à l’impiété des regrets, à l’impiété des accusations qu’il renferme.
Qu’elle s’unisse au contraire au gouvernement pour ces réunions nationales où le peuple entier se rappelle avec joie le souvenir de ses glorieuses victoires.
J’insiste pour la somme demandée.
M. d’Hoffschmidt. - Et moi aussi je suis vivement affligé du langage que je viens d’entendre de la bouche du premier patriote de la Belgique ; je m’afflige de la joie que ses paroles, qui ont toujours du retentissement, vous causer dans les rangs de nos ennemis, parmi les orangistes qui s’en feront l’écho.
Comment ! l’honorable M. Gendebien regretterait que notre glorieuse révolution ait eu lieu ? C’est inconcevable, je ne puis croire que ce digne citoyen vienne ternir ici une révolution qui a rendu son pays à la liberté ! Le coup serait trop fort, et j’aime à croire que nous l’avons mal compris ; je n’en dirai donc pas davantage, partageant d’ailleurs entièrement l’opinion que vient d’émettre M. le ministre de l’intérieur à cet égard.
J’en reviens à la question de chiffres. M. le ministre a trouvé déplacées les observations que j’ai présentées à ce sujet : je ne sais jusqu’à quel point il est parlementaire de traiter de déplacées les observations d’un représentant de la nation. Je ne sais si nous n’aurions pas plutôt le droit de trouver déplacé le ton d’ironie que prend si souvent M. le ministre dans cette enceinte.
M. le ministre a aussi qualifié de plaisanteries ce que j’ai dit ; cependant je n’ai nullement plaisanté lorsque j’ai parlé de l’état du pays et que je lui ai souhaité des temps plus heureux : je n’avais pas voulu dire toute ma pensée n’en voyant pas la nécessité ; mais puisque l’on me tient aussi peu de compte de na réserve, je dirai que c’est à la conduite du gouvernement que j’attribue l’abaissement où nous sommes à l’extérieur et notre malaise à l’intérieur.
M. le ministre a dit qu’il serait contraire à la dignité du pays de célébrer les journées de septembre par des fêtes mesquines ; mais qu’est-ce donc que ces fêtes que vous avez déjà données et pour lesquelles vous avez séquestré le peuple des favoris et des privilégiés en leur établissant une enceinte réservée ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Vous étiez à la place d’honneur.
M. d’Hoffschmidt. - Je ne l’ai pas demandée ; il fallait vous mêler avec ce peuple qui a fait la révolution et qui nous a amenés tous ici.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. d’Hoffschmidt. - Veuillez me laisser parler, ne craignez pas que j’aille trop loin. Si vous voulez donner de la solennité à vos fêtes de septembre, fixez pour cette époque votre exposition d’industrie pour laquelle des fonds vous ont été alloués au chapitre X ; c’est un moyen de rendre ces fêtes brillantes sans qu’il nous soit onéreux.
Je reconnais l’exactitude de ce qu’a dit l’honorable M. Gendebien sur les désastres de Bruxelles ; mais je ferai remarquer que les fêtes n’indemniseront pas les particuliers qui en ont souffert. S’il y a eu des victimes, il faut qu’elles soient indemnisées ; il faut porter pour cet objet un article spécial au budget.
M. Legrelle et M. d’Huart renoncent à la parole.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°59, du 28 février 1834) M. A. Rodenbach - Je cède la parole à mon collègue M. Gendebien, l’un des plus honorables et des plus ardents patriotes de la Belgique. Je suis convaincu que les paroles échappées de ses lèvres ont été mal comprises et qu’elles ne sont point parties de son cœur. Il s’empressera d’expliquer sa pensée. Je connais son patriotisme, j’ai été à même d’en juger avant les journées de septembre dans les conciliabules où cet honorable citoyen prenait une part active aux mesures énergiques qui ont hâté le succès de notre révolution. Je le déclare dans cette enceinte, afin que l’opinion énoncée par ce représentant ne fasse point une pénible impression hors de cette chambre.
M. Gendebien. - Messieurs, j’ai dû m’expliquer bien mal, ou j’ai été bien mal compris si je dois en juger par une phrase du discours de l’honorable M. d’Hoffschmidt. Mon intention, a-t-il dit, aurait été de ternir la révolution. Ce serait un blasphème dans ma bouche. Moi l’ami constant du peuple, ami de la révolution, peut-être un de ses auteurs, moi qui suis resté constant ami des révolutionnaires, moi qui ai défendu leurs droits, leur honneur alors qu’ils étaient attaqués, calomniés par les hommes du gouvernement ; moi, subir une aussi injuste accusation ! moi qui suis resté fidèle à ce peuple dont on veut faire semblant de défendre ici les intérêts et les plaisirs ! Mon honorable collègue et ami s’est mépris sur mes paroles. Non, ce n’est pas moi qui ai terni la révolution ; ceux qui l’ont ternie, ceux qui l’ont déshonorée, ce sont ceux qui ont vendu leurs frères du Limbourg et du Luxembourg.
L’honorable ministre de l’intérieur aime à croire, dit-il, que mes paroles ne sont pas sorties de mon cœur : non, ce n’est pas de mon cœur qu’elles sont parties ; c’est de ma conscience, c’est de ma conviction ; et c’est ce qui donne d’autant plus de force à ce que j’ai dit. Quand il s’agit des intérêts du pays, je ne consulte pas mon cœur, mais ma conscience et ma conviction ; ce sont elles qui m’imposent le devoir de signaler ceux qui ont flétri notre révolution, et les causes des calamités qui menacent ma patrie.
Faut-il donc rappeler ce qui s’est passé dans le sein du congrès ? Faut-il dire par quels moyens honteux on a arraché le voté des 18 articles ? Qui a trahi le Limbourg et le Luxembourg ? Qui a répudié et livré à son plus cruel ennemi une partie de la Belgique ? Etait-ce moi ? moi qui désavouais tous ces actes, qui les combattais de ce même banc où on me répondait en m’enveloppant dans une accusation absurde de réunionniste, de gallomane, d’orangiste ou de dupe, ces partis dont on s’efforçait d’effrayer le congrès ? N’ai-je pas dit alors : Vous déshonorez la révolution, vous la ferez maudire à ceux qui l’ont faite ?
Est-ce la révolution, sont-ce les auteurs des quatre journées qui sont coupables des affronts reçus presque quotidiennement, des inondations qui ont réduit à la misère les habitants des polders ? Est-ce à eux qu’on doit attribuer les désastres du mois d’août, les affronts récemment reçus à Zonhoven, et ceux plus récents encore du Luxembourg ?
Est-ce que j’aurais perdu l’esprit au point d’accuser la révolution de septembre de tous ces malheurs ? J’ai dit en ma qualité de révolutionnaire, d’homme de septembre, que je regrettais tant de sacrifices faits, tant de sang versé, alors que pour tout résultat nous avons en perspective la ruine de notre commerce et de notre industrie.
Nous verrons sous peu de jours comment les ministres répondront aux hommes qui parleront au nom de cette révolution de septembre, nous verrons comment ils prouveront qu’ils n’ont pas dévié des voies d’honneur et d’énergie tracées par les hommes de septembre. Je désire qu’on me prouve que j’ai tort, cela me consolera peut-être des vifs regrets que j’éprouve ; je le répète, non pas d’avoir contribué aux glorieuses journées de septembre, d’avoir osé faire des premiers ce que d’autres n’osèrent pas faire, mais de voir que tant et de si généreux efforts aient eu de pareils résultats. Le peuple belge avait fait assez de sacrifices pour avoir le droit d’espérer d’autres résultats. Depuis que, trop confiant, il a négligé de s’occuper plus directement de ses affaires, on a toujours sacrifié et ses intérêts matériels et son honneur à je ne sais quelle combinaison de faiblesse et de déception.
Voilà quelle était ma pensée. Tout homme de bonne foi n’a jamais pu m’en attribuer d’autre. Je ne désavouerai jamais les principes qui m’ont guidé dès le commencement de la révolution ; j’y ai toujours été, j’y serai toujours fidèle ; je n’ai jamais donné à personne le droit de suspecter mes intentions. C’est un avantage de moins que j’ai sur tant d’autres, car tout le monde ne peut pas en dire autant. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Pour frais de célébration des fêtes nationales, le gouvernement demande 50 mille fr.
La section centrale propose d’en allouer 30 mille.
- Le chiffre de M. le ministre est mis aux voix et adopté.
« Art. unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes d’humanité et de dévouement : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art unique. Frais de publication des travaux de la direction de la statistique générale : fr. 2,540. »
- Adopté.
« Art. unique. Dépenses imprévues. »
Le gouvernement demande 60 mille francs.
La section centrale propose d’en allouer 50,000.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais pas pourquoi la somme serait réduite à 50 mille francs. L’année dernière le vote a eu lieu à la fin de l’année : on pouvait prévoir que la somme de 50 mille francs suffirait pour faire face aux dépenses imprévues qui pourraient survenir pendant les mois qui restaient à courir ; mais aujourd’hui les mêmes motifs n’existent pas. Il est difficile que, dans une administration aussi variée que celle de l’intérieur, il ne se présente pas pendant une année pour 60 mille francs de dépenses imprévues. Si la somme est insuffisante, je serai obligé de présenter un projet de loi pour demander un crédit nouveau. Je ne sais pas si une somme de 10 mille fr., qui ne sera pas nécessairement dépensée pour être portée au budget, est assez importante pour compenser les inconvénients qui résulteraient de l’obligation de demander un supplément de crédit. Au reste ce n’est pas la peine d’établir une discussion à cet égard.
J’ai demandé 60 mille francs, la section centrale propose d’en allouer 50 mille. La chambre prononcera.
M. Pollénus. - Je ferai observer que la somme que propose d’allouer la section centrale est la même que vous avez votée l’année dernière. Il y a d’autres motifs qui doivent nous déterminer à adopter cette proposition : d’abord c’est que tout ce qu’il était possible de prévoir a été si bien prévu par M. le ministre, qu’il est difficile qu’il y ait quelque chose d’imprévu ; ensuite c’est que beaucoup de chiffres de 1833 ont été majorés pour 1834. Par ces divers motifs, je pense que la chambre trouvera le chiffre de 50.000 fr. suffisant.
- Le chiffre de 60,000 fr. proposé par M. le ministre est mis aux voix et rejeté.
Celui de 50,000 fr. proposé par la section centrale est adopté.
M. le président. - Désire-t-on revenir au chapitre des travaux publics ? M. le ministre a proposé sur ce chapitre des augmentations qui ont été l’objet d’un rapport de la section centrale qui a été inséré dans le Moniteur.
- Grand nombre de membres. - Oui ! oui !
« Art. 2. Canaux. Littera A. Entretien de canaux, travaux extraordinaires au canal de Pommeroeul à Antoing. »
M. le président. - M. le ministre avait demandé une somme de 107,450 fr. Il a demandé depuis une augmentation de 25 mille francs pour dégradations récentes survenues au canal de Pommeroeul, ce qui porterait le crédit à 132,450 fr.
La section centrale avait divisé l’article en deux littera ; l’un comprenait les frais d’entretien, l’autre les frais d’exploitation. Sur le premier littera, elle proposait une réduction de 4,340 fr.
La section centrale, sans revenir sur ses premières conclusions, propose d’allouer le nouveau crédit demandé par M. le ministre, en l’invitant à déclarer formellement que le travaux nécessités par l’accident survenu au canal peuvent se faire pour la somme de 25,000 fr. proposée par lui, au lieu de celle de 46,000 demandée par les ingénieurs.
M. Jullien. - Nous n’avons pas sous les yeux le Moniteur, dans lequel se trouve le rapport de la section centrale, nous ne savons pas ce qui motive l’augmentation demandée.
M. le président. - Le rapport de la section centrale se trouve dans le Moniteur du 21 ; je vais donner lecture de la partie du rapport relative à cet amendement. (M. le président donne cette lecture.)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La section centrale est revenue à plusieurs reprises sur la différence entre la demande du ministre et l’évaluation des ingénieurs. J’avais dit que l’ingénieur ordinaire, à la première inspection, sans devis, avait évalué la dépense possible à 40 ou 50 mille francs ; mais je n’ai pas dit que la dépense s’élèverait à cette somme. L’ingénieur en chef a ensuite examiné l’état des choses, et d’après un devis détaillé, m’a fait savoir qu’une somme de 25 mille francs paraissait suffisante.
M. le président. - La section centrale persiste-t-elle dans la réduction de 4,340 fr., primitivement proposée sur le littera A ?
M. de Puydt. - Cette réduction n’a aucun rapport avec l’entretien du canal de Pommeroeul ; elle porte sur les canaux de Maestricht et Terneuze, dont les dépenses ont été réduites au chiffre de l’année dernière. La section centrale n’a pas eu à revenir sur cette proposition, l’augmentation demandée par le ministre étant étrangère à cet objet.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il n’y a pas d’augmentation sur le chiffre de l’année dernière. Cette année comme l’année dernière, j’ai demandé 107,450 fr.
M. le président. - S’il n’y a pas de réclamation, je mettrai d’abord aux voix la réduction de 4,340 fr. proposée par la section centrale.
- La réduction de 4,340 fr. est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Restent les 75 mille fr. du littera A, auxquels il faut ajouter le nouveau crédit de 25,000 fr., ce qui porte la somme à 100,000 fr.
- Le chiffre de 100,000 fr. est adopté.
« Littera B. Frais d’exploitation : fr. 28,110 fr. »
- Adopté.
M. le président. - Le ministre consent-il à cette division de l’article ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Pour que le gouvernement fût lié législativement, il faudrait qu’on fît deux articles. Il n’est pas lié par les littera.
M. le président. - Que ceux qui sont d’avis de la division en deux articles veuillent bien se lever.
- Deux ou trois membres seulement se lèvent.
M. Jullien. - Il faut qu’on s’explique. Il n’est pas possible de sortir du dédale où nous nous trouvons. La section centrale a senti la nécessite de diviser les articles suivant les différentes natures de dépenses ; nous avons tous approuvé cette manière de travailler. Quand on nous demandait des centaines de mille francs sans nous en détailler l’emploi, il était impossible qu’une discussion régulière s’ouvrît sur une masse globale de chiffres et de services ; on a donc divisé ces articles en littera.
On est convenu de voter par lettre, cela équivaut à une division par article. Quand vous avez voté par lettre, vous avez affecté à telle lettre un certain crédit ; il n’est pas permis au ministre de le dépasser. Si on veut prétendre que cette division n’aurait pas pour effet de spécialiser les crédits alloués, il faudrait changer le travail, et substituer des articles aux lettres ; sans cela vos décisions ne subsisteraient pas. Je soumets ces observations à la chambre, pour savoir si la division par lettre équivaut à la division par article. (Non ! non !) Alors je demande qu’on remplace les lettres par le mot article.
M. le président. - La section centrale a divisé l’article en 2 littera qui ont été successivement votés, sans préjuger la question de savoir si les deux littera formeraient deux articles séparés ou un seul article. Si l’assemblée décide qu’il y aura deux articles, il suffira de réunir les deux chiffres votés séparément. Il est bien entendu que si on adopte la division, on formera deux articles et non deux littera.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - De ce que la chambre vote par littera, il ne s’en suit pas que le gouvernement se trouve lié par chaque vote. Hier on a voté le chapitre 12 par littera ; on est arrivé jusqu’au littera J, mais ensuite on a vote sur l’ensemble de l’article. Les littera ne sont que des indications ; tant que la chambre ne fera de division que par littera, le gouvernement ne se croira pas lié, parce que, selon la constitution, la spécialité n’existe que par article.
L’on craint que le gouvernement n’abuse du crédit qu’on lui alloue, ce qui serait bien difficile, puisqu’il a une destination spéciale, fondée sur des adjudications faites ; si on ne veut pas réunir le crédit en un seul article législatif, il faut faire deux articles, substituer des numéros aux articles.
Je ne peux admettre que les lettres aient le même effet que les articles ; il en résulterait de grands inconvénients pour la comptabilité. D’ailleurs le contraire a déjà été décidé. Je ne m’oppose pas à ce qu’on substitue des articles aux littera, mais je ferai observer qu’on multiplie considérablement les articles de la loi, sans utilité pour le trésor.
M. Legrelle. - La question de division a déjà été mise aux voix, presque personne ne s’est levé ; je demande qu’on fasse la contre-épreuve.
M. le président fait la contre-épreuve. La division n’est pas adoptée.
- Le chiffre de l’article 2 du chapitre VIII est fixé à 128,110 fr.
« Art. 3. Ports et côtes. »
M. le président. Le gouvernement avait demandé 298,100 francs.
La section centrale avait proposé une diminution de 9,515 fr. qui portait sur le littera A.
M. le ministre a demandé une augmentation de 5,052 fr. pour travaux extraordinaires aux côtés de Blankenberg et aux digues d’Ostende, causés par la tempête des 28 et 29 janvier. (M. le président donne lecture de la partie du rapport de la section centrale relative à cette nouvelle demande.)
M. Jullien. - Il me semble que ce que vient de dire la section centrale mérite bien quelques explications de la part du ministre. Il a été dit qu’on se proposait de faire faire par les soumissionnaires actuels les réparations nécessaires pour la somme portée au devis. La section centrale fait l’observation très juste que si, au lieu d’accorder les travaux de réparation aux soumissionnaires actuels, on les mettait en adjudication, il résulterait probablement une économie de la concurrence. Dans cette circonstance, je demande qu’il plaise au ministre de s’expliquer sur la question de savoir s’il entend mettre les travaux dont il s’agit en adjudication, ou les laisser faire par les soumissionnaires du devis remis à la section centrale.
M. de Puydt. - Le devis est accompagné d’une soumission portant la somme entière du devis. Je ferai observer que la réduction précédemment proposée par la section centrale doit être maintenue, malgré la demande d’un nouveau crédit. Cette réduction est fondé sur ce que les travaux à exécuter à la côte de Blankenberg, au port de Nieuport, au port d’Ostende et à l’écluse de Slykens, ne sont estimés qu’à 163,559 fr. 26 c., et que la somme demandée est de 179,515 fr. La différence entre ces deux sommes devait être employée à des travaux imprévus. Mais le crédit de 3,025 fr. qu’on vient de demander est pour un de ces travaux imprévus. Si pour ces travaux on demande des crédits spéciaux, la somme que le gouvernement destinait à y faire face, ne recevra pas d’emploi. La section centrale est d’avis d’accorder les 5,000 fr. demandés par le ministre, mais elle persiste dans la réduction précédemment proposée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est évident que ce qui était travaux imprévus est maintenant travaux prévus et nécessaires. Il n’en faut pas moins laisser au gouvernement une somme pour de nouvelles réparations imprévues à faire dans le courant de l’année. Il serait imprudent de se borner aux sommes strictement nécessaires.
Nous demandons 5 mille francs pour réparations extraordinaires aux côtes de Blankenberg et à la jetée d’Ostende. Si vous accordez toute la somme demandée, il restera une réserve de 9 mille francs pour les travaux imprévus ; et certes, pour une aussi grande étendue de côtes où les accidents sont fréquents, cette somme n’est pas trop élevée. Quant à la question de savoir si les travaux seront faits par adjudication, c’est une question de pure administration. Je crois que déjà on est à l’œuvre. De pareilles réparations ne souffrent pas de retard. Nous avons trouvé plus simple de charger les soumissionnaires actuels de ces travaux, sur le pied de leur adjudication. Pour mettre ces travaux en adjudication, il aurait fallu faire des publications et des impressions qui auraient entraîné beaucoup de frais et de retards.
M. Legrelle. - Il me semble qu’une somme de 9 mille francs ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête quand il s’agit de dépenses de la nature de celles pour lesquelles elle est demandée. S’il s’agissait d’une dépense de luxe, je m’y opposerais ; mais toutes les fois qu’on demandera une allocation pour des dépenses indispensables, n’importe quelle partie du royaume, je les voterai avec plaisir.
Le ministre n’a aucun intérêt à accorder ou à refuser une allocation pour réparation de côtes. Mais puisque toujours la modicité de la dépense dépend de la promptitude avec laquelle elle est faite, si vous ne mettez pas à la disposition du ministre un crédit qui le mette à même de faire réparer à l’instant les coupures que peuvent faire les eaux, vous vous exposez à voir décupler la dépense. Je ne vois aucun inconvénient à accorder le crédit demandé.
M. le président. - Le ministre demande pour le littera A, y compris et le nouveau crédit 184,540 fr. la section centrale propose le chiffre de 175,025 fr.
- Le chiffre de 184,540 fr. est adopté.
« Littera B. Frais d’exploitation : fr. 11,585 fr. »
- Adopté.
« Littera C. Construction de la deuxième partie de la jetée d’Ostende : fr ; 107,000. »
- Adopté.
M. le président. - Entend-on maintenir la division ?
M. de Puydt. - La section centrale n’a pas eu l’intention de proposer une division de l’article. Elle ne le divise par littera que pour indiquer sur quoi elle pourrait porter ses réductions et faciliter la délibération.
- L’ensemble de l’article 3, s’élevant à la somme de 303,125 fr., est également adopté.
- L’article 4 est adopté.
« Art. 5. Entretien et réparations aux endiguements des polders : fr. 500,000 fr. »
M. le président. - M. le ministre demande une augmentation de 157,000 fr. pour remise en état et entretien des digues de plusieurs polders sur la rive droite de l’Escaut.
M. Olislagers. - Je pense que c’est ici que doit se placer mon amendement relatif au digues de la Meuse. Je demanderai à M. le ministre s’il n’a pas reçu des renseignements sur les dégâts des digues de la Meuse.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’ai été informé des dégâts éprouvés par les digues de la Meuse, mais ce n’est pas ici le moment de s’en occuper ; l’article dont il s’agit est relatif aux polders.
M. Legrelle. - Je désire qu’on vote sur les amendements, avant de s’occuper de la question soulevée par M. Olislagers, qui devra être l’objet d’un article nouveau.
M. d’Huart. - L’amendement est présenté à l’article dont il s’agit, il faut le discuter en même temps que cet article. On fera ensuite deux articles si on le juge à propos.
M. Fleussu. - Si l’amendement de M. Olislagers était accueilli, j’en proposerais un semblable.
M. Desmet. - Et moi aussi pour les digues de l’Escaut.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande qu’on vote d’abord sur l’article polders ; on s’occupera ensuite de l’amendement de M. Olislagers.
M. Jullien. - L’entretien et les réparations aux endiguements des polders est un article bien spécifié. On viendra ensuite à l’amendement de M. Olislagers.
- La chambre n’étant plus en nombre, la discussion est renvoyée à demain.
M. le président. - Voici comment est composée la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à la circonscription judiciaire des cantons : MM. Verdussen, de Nef, Quirini, Rouppe, Thienpont, Helias d’Huddeghem, Angillis, Coppieters, Doignon, Gendebien, de Behr, Lardinois, Schaetzen, de Theux, Watlet, d’Huart, Fallon, Pirson.
- La séance est levée à 4 heures 1/4.