(Moniteur belge n°39, du 8 février 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M. H. Dellafaille fait l’appel nominal à midi et demi ; il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté sans réclamation.
M. le président. - La chambre s’est arrêtée hier au chapitre IV intitulé : « Enregistrement et domaines. »
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, je viens au nom de la section centrale, chargée de l’examen du budget des finances, vous présenter son rapport sur un article relatif à l’administration du cadastre, sur lequel elle l’avait ajourné jusqu’à ce qu’elle connût le résultat du travail de la commission d’enquête chargée de constater la situation des opérations rations cadastrales.
Mais, avant d’aborder cette question. je suis chargé de vous soumettre quelques observations sur la somme réclamée par M. le ministre des finances pour achat de matière première et fabrication de la monnaie.
Il avait demandé pour cet objet une somme de 744,000 francs.
Dans la séance du 4 de ce mois j’ai eu l’honneur de vous proposer au nom de la section centrale la division de cet article et la réduction de la somme à laquelle il s’élève, de la manière suivante :
1° Achat de matière première, confection de coins, poinçons, etc., fr. 700,000
2° Prime destinée à la fabrication de la petite monnaie d’argent à l’exclusion des pièces de 5 fr., fr. 20,000
Total, fr. 720.000
Il ne s’est élevé sur le second point aucune réclamation ; mais M. le commissaire du Roi, administrateur du trésor, a réclamé quant au premier. Il se trouve que les dépensés pour achat de matières et frais divers de fabrication couvrent le crédit disponible qui n’avait été basé que sur les documents fournis par M. le ministre des finances lui-même. Il résulte des renseignements qui nous ont été fournis par M. le commissaire du Roi, que si nous nous bornions à voter 700,000 fr. pour achat de matière première. etc., il ne resterait sur cet article, pour les dix mois et demi de 1834 qui restent à courir, que la somme de fr. 4,229-00.
En effet, lorsque nous vous avons proposé de voter fr. 700,000, il avait été dit que les dépenses faites jusqu’au 31 décembre 1833 s’élevaient à fr. 622,496-43. Reste, fr. 77,503-57.
D’où à déduire : somme due à divers fournisseurs, pour achat de cuivre qui a été battu en monnaie : fr. 43,000.
Reste pour 1834, fr. 34,503-57
Voici maintenant que M. le commissaire du Roi présente la note suivante des dépenses faites depuis le 1er janvier :
Paiements pour vérification des espèces nouvellement fabriquées : fr. 188 34
Paiements des droits de fabrication sur les monnaies en cuivre et argent, comptage, tonnelets etc. : fr. 13,993 96
Paiements au graveur de la monnaie : fr. 11,058 87
Paiements pour droits de fabrication : fr. 5,032 50
Total à déduire, fr. 30,275 67 et fr. 30,273 67.
Reste pour les dix mois et demi à courir : fr. 4,229 90
Cette somme serait évidemment insuffisante pour les besoin du service. Mais nous avons examiné la note de frais produite par M. l’administrateur du trésor et dont je viens de vous donner connaissance, et nous l’avons trouvée exorbitante, notamment en ce qui concerne les sommes payées au graveur de la monnaie. Ces sommes, pour les cinq mois seulement qui se sont écoulés du 1er août au 31 décembre dernier s’élèvent à plus de 11,000 fr. Le graveur de la monnaie recevrait donc plus de 24,000 francs par an. A coup sûr, cette somme est exorbitante. Il est à désirer que les améliorations et les économies pénètrent dans l’administration de la monnaie. La chambre y pensera lors de la discussion de la loi monétaire, qui aura lieu lorsque la commission des monnaies aura terminé son travail. Elle prendra alors des mesures pour que les intérêts du trésor public ne soient plus lésés de cette manière.
Pour le présent, votre section centrale a reconnu que la somme qui restait disponible d’après sa première proposition était insuffisante ; elle a l’honneur de vous proposer maintenant les 2 articles suivants :
1° Achat de matière première, confection de coins, poinçons, etc., fr. 724,000
2° Prime destinée à la fabrication de la petite monnaie d’argent à l’exclusion des pièces de 5 fr., fr. 20,000
Total, fr. 744.000
Les propositions de la section centrale sont donc d’accord quant au chiffre avec la demande du gouvernement. En résumé, il y aura toujours jusqu’au 31 décembre prochain un bénéfice sur la fabrication de 251,000 francs à cause du monnayage du cuivre.
M. Dumortier, rapporteur. - J’aurai maintenant l’honneur de rendre compte à la chambre du résultat de l’examen auquel s’est livrée la section centrale sur la partie du budget des finances qui concerne l’administration du cadastre. Cet examen a porté sur la somme de 400,000 fr. demandée par M. le ministre pour frais d’arpentage et pertes.
Votre section centrale avait sursis à se prononcer sur cette somme jusqu’à ce que la chambre eût reçu les explications de la commission qu’elle avait spécialement investie du soin de constater la situation des opérations cadastrales.
La section centrale, en se livrant à un examen approfondi qui devait l’éclairer sur la quotité du chiffre à alléguer a eu l’occasion d’exprimer le regret que toutes les pièces à l’appui du rapport de la commission spéciale n’aient pas été imprimées. Les fonds réclamés pour le cadastre s’élèvent à 1.660,000 fr. En présence d’une somme aussi considérable, c’est sans doute une mauvaise économie que celle de quelques impressions. Je suis donc chargé de vous proposer l’impression des documents joints au rapport de la commission spéciale du cadastre et de tous ceux que cette commission jugera importants et propres à éclairer la chambre.
Vous avez dû remarquer, messieurs, que votre commission du cadastre, entre autres dépenses, vous en a signalé une montant à 223,758 fr. Cette dépense, faite en exécution d’une simple circulaire de M. l’administrateur Guerick, n’a pas paru suffisamment justifiée à votre section centrale ; cependant elle s’est abstenue de prendre des conclusions sur ce point, s’en remettant à la décision que prendra la chambre après discussion.
Il a été remarqué que les sommes dues pour l’arriéré, par suite des opérations cadastrales, s’élevaient à 1,066,000 fr., et que le crédit demande par M. le ministre montait à 400,000 fr., environ le quart de la première somme.
Deux opinions se sont manifestées dans le sein de la commission centrale au sujet de cette demande de crédit, Les uns ont pensé qu’il était convenable d’ajourner tout dépense jusqu’à la discussion du rapport de la commission d’enquête. Les autres ont cru devoir allouer le crédit demandé par le ministre comme ayant pour objet des dépenses d’une utilité incontestable. Cette opinion a prévalu ; cependant, à l’unanimité des membres de la section, il a été bien entendu, que la question resterait entière, en ce sens que le gouvernement ne puisse disposer des sommes auxquelles les agents du cadastre auront droit après l’entier achèvement des travaux, que lorsque le rapport de la commission d’enquête aura été mûrement discuté.
J’insiste sur ce point parce que nous avons remarqué parmi les sommes dues aux agents du cadastre des sommes vraiment extraordinaires. Ainsi il est dû d’arriéré à un seul inspecteur du cadastre une somme de 160,000 fr, indépendamment de tout ce qu’il a pu recevoir. Ce sont de véritables générosités sur lesquelles vous devrez vous prononcer. Nous avons pensé qu’il pourrait y avoir ainsi beaucoup de sommes contestables. C’est par cette considération que nous avons conclu à ce que les 400,000 fr. ne fussent alloués qu’avec une clause restrictive ; cette clause est d’ailleurs nécessaire ; car sans cela le gouvernement non seulement aurait le droit de payer, mais encore devrait payer aux agents du cadastre les sommes qu’ils seraient en droit de réclamer de lui après l’entier achèvement des travaux.
En conséquence, votre section centrale a l’honneur de vous proposer d’allouer le crédit demandé, par M. le ministre pour frais d’arpentage et pertes, montant à 400,000 fr., et d’adjoindre à cet article une clause spéciale, ainsi conçue :
« En attendant qu’il ait été statué sur l’enquête de la commission chargée de constater la situation des opérations cadastrales, les indemnités finales à payer aux agents du cadastre après l’achèvement de leur travail ne pourront être imputées sur ce crédit. Les autres indemnités ne pourront être liquidées que sur le pied établi avant le 1er janvier 1826. »
La section centrale propose en outre l’impression de tous les documents jugés nécessaires par la commission d’enquête, afin que la question puisse être jugée avec toute la maturité qu’elle exige.
M. le président. - La chambre a maintenant à voter sur les deux articles proposés par la section centrale destinés à prendre place sous les n°6 et 7 dans le chapitre Ier du budget des finances.
« Art. 6. Achat de matière première pour la fabrication de la monnaie de cuivre, confection de coins, poinçons, etc. : fr. 724,000 »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Prime destinée à la fabrication de la petite monnaie d’argent à l’exclusion des pièces de 5 francs : fr. 20,000. »
M. Verdussen. - Je n’ai pris la parole que pour demander une explication relative à la fabrication des pièces de 25 centimes. Il n’en est pas fait mention dans le rapport de M. Dumortier, comme si on avait renoncé à cette fabrication. Je dirai en outre que la somme de 6,000 fr destinée d’après le projet de M. le ministre, à être battue en pièces de cette valeur et qui doit former seulement 24,000 pièces, me paraît beaucoup trop minime et nullement en rapport avec les besoins usuels du pays.
M. Dumortier, rapporteur. - Votre section centrale a reconnu par les documents que M. le ministre des finances lui a fournis qu’il n’avait pas encore été fabriqué de pièces de 25 centimes ; c’est par inadvertance qu’il n’en a pas été fait mention dans son rapport. Je pense que M. le ministre tiendra la main à ce que cette fabrication ait lieu désormais.
M. de Robaulx. - Je demande pardon à la chambre de venir parler d’un objet en quelque sorte étranger à celui en discussion, mais je voudrais avoir de M. le ministre des finances des explications sur l’avis qu’il a publié récemment sans annonce préalable, et par lequel il démonétisé dans le royaume les pièces de monnaie française de 1. fr. 50 c. et de 75 centimes.
Cet avis a jeté la perturbation dans le commerce. J’ai reçu à ce sujet des plaintes de plusieurs personnes de l’arrondissement de Charleroy. Je voudrais savoir s’il y a une loi qui autorise le gouvernement à démonétiser ainsi une monnaie qui a cours légal. S’il y a une loi qui autorise les commerçants à refuser cette monnaie. On aurait dû au moins laisser aux commerçants le temps d’écouler ces valeurs, leur donner un moyen pour s’en débarrasser. En France on a donné pour l’écoulement de ces monnaies non décimales un délai qui expirera le 1er avril.
Pourquoi le ministre des finances n’a-t-il pas aussi donné un délai pour la Belgique? Je voudrais avoir à ce sujet des explications.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai pas pu, par un avis, démonétiser les pièces de monnaie française non décimales ; je n’avais pas le pouvoir de les démonétiser, mais j’avais celui de dire aux employés des finances : « Vous ne recevrez plus ces pièces qui n’ont jamais eu cours légal en Belgique, et qui doivent être dans quelque temps démonétisées en France. » Le gouvernement ne pouvait pas donner un délai pour l’écoulement de cette monnaie ; car alors elle serait arrivée tout entière dans les caisses de l’Etat. Il y aurait eu une perte considérable pour le trésor. Cette perte est imperceptible, repartie sur toute la population, qui a d’ailleurs la possibilité de les envoyer en France.
Si le gouvernement avait donné un délai, non seulement les pièces en circulation dans la Belgique, mais celles en circulation en France, seraient venues dans ces caisses. Cette opération aurait grevé le trésor. Si je l’avais faite, il y aurait lieu à me mettre en accusation.
M. de Robaulx. - Je ne trouve pas les explications de M. le ministre des finances satisfaisantes ; mais que répondra-t-il lorsque j’apprendrai à la chambre que les troupes composant la garnison de Charleroy ont été payées en pièces de 1 fr. 50 cent. et de 75 centimes le jour même où a été lancé l’avis qui démonétisait cette monnaie.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne paie pas les régiments, c’est la banque qui fait ces paiements. C’est elle que cela regarde.
M. Davignon. - En France les pièces de 5 fr. 80, 2 fr. 75, 1 fr. 50 et 75 centimes ont cours légal dans la circulation jusqu’au 1er avril, et sont reçues dans les caisses publiques jusqu’au 1er juillet prochain. M. le ministre des finances pouvait aussi, sans compromettre les intérêts du trésor, donner un délai quelconque. Il aurait évité la perturbation que cet avis inattendu a jeté dans le petit commerce, et l’agiotage qui se fait maintenant à son préjudice sur ces valeurs démonétisées.
M. A. Rodenbach. - Je partage l’opinion de l’honorable préopinant sur la perturbation que la mesure prise par M. le ministre a jeté dans le petit commerce. Elle ne lèse pas les grands négociants, mais les petits commerçants, le petit peuple, auquel on devrait tâcher cependant de ne pas porter tort. Il était cependant facile d’éviter tout cela : c’était d’établir des bureaux d’échange, c’était de charger la banque d’expédier ces valeurs à Lille. Puisque le délai fixé par la France n’expire que le 1er juillet, on aurait encore le temps de les expédier.
M. Smits. - Messieurs, il n’y a pas lieu à discuter sur la question soulevée par l’honorable M. de Robaulx.
La chambre a déjà prononcé à ce sujet sur la proposition d’un de ses membres. M. le ministre s’est borné à avertir le public de se tenir en garde contre l’importation de pièces sus le point d’être démonétisées et en cela il lui a rendu service.
Déjà un commerce s’est établi sur ces pièces de monnaie qui vont être billonnées en France. On les achète ; savoir celles de 1 fr. 50 c. pour 1 fr. 30 c., celles de 75 c. pour 65 c. La perte n’est donc pas considérable. D’ailleurs, M. le ministre n’a rien fait ; c’est la loi qui a décidé.
M. Jullien. - La chambre n’a rien décidé sur la proposition de M. Frison. Elle a entendu seulement la réponse de M. le ministre des finances, qui a été exactement la même que celle qu’il fait aujourd’hui. A la vérité, la chambre n’a pas insisté, parce qu’elle a pensé qu’effectivement le dommage serait très faible pour le public.
Mais je prie la chambre de vouloir bien faire attention à un fait qui semble devoir dominer toute la question ; c’est celui cité par l’honorable M. Davignon. Il nous dit que bien que les pièces de monnaie non décimale aient été démonétisées en France par un esprit de justice propre à ce pays, leur circulation est autorisée jusqu’au 1er avril, et qu’elles seront même reçues dans les caisses publiques jusqu’au 1er juillet prochain.
Dans cette position, je partage l’opinion de MM. de Robaulx et Davignon ; il était convenable de donner un délai pour l’écoulement de cette monnaie. M. le ministre a dit que dans ce cas elle serait venue de France et aurait afflué dans les caisses de l’Etat ; mais sans doute il est bien plus simple pour les contribuables de France de verser ces valeurs, pour ainsi dire, à leur poste que de les envoyer en pays étranger.
Il n’y aurait aucun inconvénient à autoriser les employés des finances à recevoir ces valeurs du moment qu’on fixerait pour la Belgique un délai plus court que celui qui a été déterminé en France. Je pense avec les honorables préopinants qu’il faut inviter le ministre, s’il ne signale pas d’autres inconvénients, à obliger les caisses publiques à recevoir les pièces non décimales jusqu’à une époque qu’il déterminera.
M. d’Huart. - Messieurs, on a parlé d’établir des bureaux d’échange, mais M. le ministre n’en a pas le droit, il aurait mérité d’être mis en accusation s’il l’avait fait. Pour moi. Je pense comme l’honorable M. Smits, que M. le ministre a fait son devoir. Les pièces non décimales n’ont pas cours légal en Belgique. En donnant un délai qui les aurait fait affluer dans les caisses publiques, M. le ministre aurait grevé le trésor aux intérêts duquel il est chargé de veiller.
On a parlé des malheureux ; croyez que les malheureux n’ont pas une grande quantité de ces valeurs. D’ici au 1er juillet on a d’ailleurs le temps de les envoyer en France. C’est plus facile aux particuliers qu’au gouvernement qui en aurait eu une quantité considérable. Je pense que bien loin d’avoir nui au crédit public, l’avis de M. le ministre lui a rendu service.
M. Dumortier, rapporteur. - Je partage l’opinion que vient d’émettre l’honorable M. d’Huart, je pense que M. le ministre, en publiant l’avis dont s’agit, non seulement a garanti les intérêts du trésor, mais encore a rendu service aux particuliers qu’il a mis en garde contre ces valeurs n’ayant pas cours légal en Belgique et sur le point d’être démonétisées en France.
Mais si les caisses publiques ne doivent plus recevoir ces valeurs, elles ne doivent pas non plus payer avec ces valeurs. Un arrêté royal devrait être pris pour l’interdire aux agents de la banque, ce serait le moyen d’extirper ce mal à la racine.
M. Seron. - Avant que M. le ministre des finances eût défendu aux employés des finances de recevoir les monnaies françaises non-décimales, la banque avait défendu à ses agents de les mettre en circulation. C’est ce que je puis certifier en ma qualité d’agent de la banque à Philippeville. Si donc à Charleroy, des régiments ont été payés en pièces de cette nature le jour où a paru l’avis de M. le ministre, cela ne peut provenir que de ce que les conseils d’administration des régiments reçoivent les fonds de la banque 10 ou 12 jours avant l’époque à laquelle ils doivent compter la solde aux troupes.
M. Frison. - Je désire compléter ce qui a été dit sur le paiement fait à la garnison de Charleroy en faisant connaître une circonstance qui fait honneur à notre armée : les officiers des régiments en garnison à Charleroy ont retiré les pièces démonétisées qui avaient été données en paiement à la troupe, et ils ont fait la solde eux-mêmes.
- L’article 7 est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 20,000 fr.
M. le président. - La chambre passe au chapitre VI, intitulé : Administration du cadastre.
« Article 1er. Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 237,670. »
M. Thiry, administrateur du cadastre, commissaire du Roi. - Messieurs, la chambre a jugé convenable de nommer une commission spéciale chargée d’examiner la situation des opérations cadastrales. Cette commission a fait son rapport qui a été lu et distribué aux honorables membres. Ce travail est divisé en deux parties, la première est relative à la situation des opérations cadastrales : la seconde concernant les demandes formées par les employés du cadastre a donné lieu à une proposition de la section centrale, tendant à mettre une restriction à l’emploi du crédit demandé par M. le ministre des finances. Lorsqu’on sera parvenu à cette partie du budget je me réserve de combattre cette proposition de votre section centrale. Pour le moment je ne m’occuperai que de la première partie du rapport de votre commission spéciale.
Les travaux du cadastre sont terminées dans la province de Liége, et le cadastre y aura son exécution en 1834. J’ai fait établir des états constatant les inégalités de la répartition qui existait dans cette province avant l’établissement des matrices cadastrales. Vous serez étonnés de l’énormité de ces différences. Je ne citerai que les extrêmes. Il y a une commune où la contribution foncière est de 3 p. c. du revenu, une autre où elle est de 13 et 1/2 p. c. Ainsi, dans cette dernière commune on paie 4 fois autant que dans la première. Ainsi, le contribuable qui paierait 1,000 fr. dans la première, paierait dans l’autre 4,000 fr. Voilà les inégalités que le cadastre a fait découvrir et disparaître. Les taux intermédiaires étaient de 5, 6, 7, 8, 9 et 10.
Dans la province de Namur, il s’était élevé des difficultés : un canton avait réclamé ; mais l’examen a fait connaître que ses prétentions n’étaient pas fondées. Voici quelles étaient les inégalités dans cette province : une commune payait 4 p. c. du revenu, tandis que dans une autre la contribution, relativement au revenu, était de 14 p. c. Ces inégalités disparaissent par l’établissement des matrices cadastrales.
A l’égard des deux provinces de Liège et de Namur, le cadastre est un problème résolu ; ce qui a pu se faire dans ces deux provinces pourra se faire dans les autres. Voici comment s’exprime, à cet égard, la commission d’enquête.
« Quant aux provinces de la Flandre orientale, de la Flandre occidentale, du Hainaut, du Brabant et d’Anvers, l’inspecteur-général garantit qu’à moins d’un empêchement imprévu et de force majeure, les nouvelles matrices pourront y servir de base à la répartition, à partir de l’année prochaine.»
La commission a été ici plus loin que mes promesses : je n’ai rien garanti et je n’ai pas parlé de force majeure. Les travaux du cadastre dépendent d’une multitude de circonstances. Je ne pouvais donc garantir des faits qui ne dépendent pas de moi. J’ai dit que les mesures étaient prises et qu’à moins de circonstances imprévues, elles produiraient les résultats qu’on doit en attendre. Si vous vous rappelez les promesses que j’ai faites dans les précédentes sessions, je les ai toujours tenues, j’ai même été au-delà ; ainsi les opérations du cadastre sont terminées dans les provinces de Liège et de Namur, depuis la fin de 1833 ; je ne l’avais promis que pour la fin de 1834. Je tiens aussi à ne prendre d’engagement que ceux que je pourrai tenir ; c’est ce qui m’a porté à rectifier ce qui a été avancé par la commission spéciale. Toutefois, je dirai que je conserve l’espoir, que je considère comme fondé, d’obtenir cette année la conclusion des travaux du cadastre dans les autres provinces.
La commission ajoute :
« Tel est donc l’état des choses ; que si l’exactitude et la bonté du travail répondent à l’attente de la nation et aux nombreux sacrifices qu’elle a faits, bientôt elle sera dotée d’un système qui lui permettra d’établir l’égalité proportionnelle dans l’assiette de la principale branche des impôts. »
On semble mettre en doute la bonté des travaux. Cependant les résultats ne laissent aucun doute sur l’exactitude des travaux d’arpentage et d’expertise. Il est vrai, qu’une assemblée cantonale a demandé une réduction générale. Mais l’examen a prouvé que cette demande n’était pas fondée ; elle ne pouvait pas être admise. C’eût été rompre l’égalité proportionnelle, commettre une injustice.
Dans les provinces où les travaux du cadastre n’ont pas encore amené de résultat, les assemblées cantonales nous sont aussi favorables qu’elles l’ont été dans celles de Liége et de Namur. Voici comment s’exprime M. le gouverneur du Brabant dans une lettre à M. le ministre des finances :
« Bruxelles, 25 janvier 1834
« Monsieur le ministre,
« Conformément à votre circulaire du 22 novembre 1833, n°7195, et à l’article 1067 du recueil méthodique, j’ai l’honneur de vous informer que les délégués à l’assemblée cantonale d’Assche, qui a eu lieu le 20 de ce mois, ont terminé leur session en une seule séance, et que je viens d’en adresser le procès-verbal à l’avis de M. l’inspecteur provincial du cadastre.
« Il m’est agréable, M. le ministre, de pouvoir vous annoncer d’après le rapport de M. Deviron, président de l’assemblée, que peu de changements ont été proposés au travail du cadastre, et que tous ceux admis l’ont été de commun accord, parce qu’il est résulté d’une discussion sage et anime, qu’ils ne tendent qu’à établir une égalité proportionnelle juste et équitable ; M. le président ajoute qu’il s’est convaincu que tous les délégués ont fait abstraction de toute passion et de tout intérêt local, dont en pareille circonstance, ils ne sont que trop souvent animés.
« L’assemblée avant de se séparer a supplié M. le président d’être son interprète pour faire parvenir aux pieds du trône l’hommage de son profond respect et de sa reconnaissance pour la sollicitude de S. M. à la faire jouir des bienfaits du cadastre. Elle a également voté des remerciements à MM. les agents du cadastre, pour les soins et l’exactitude qu’ils ont apportés dans cet important travail.
« Le gouverneur de la province de Brabant,
« F. de Coppin. »
Il ne faut pas conclure de là qu’il n’y aura pas de plainte au sujet des opérations cadastrales ; il y en aura, mais elles ne seront pas fondées. Ce ne sera pas, sans doute, les contribuables qui payaient en contribution foncière 15 p. c. de leur revenu ; ce ne sera pas ceux-là qui se plaindront ; ce sera ceux qui paient 2 p. c. et que le cadastre aura fait augmenter.
Il ne faudra pas vous étonner, messieurs, de voir se manifester quelques mécontentements particuliers. Le cadastre est destiné à mettre un terme à un abus ; et toutes les fois qu’on attaque un abus, on blesse quelques intérêts privés qui ne sont rien, il est vrai, devant l’intérêt public.
Telles sont, messieurs, les observations que j’avais à vous soumettre sur la première partie du rapport de votre commission. Je me réserve de vous présenter ultérieurement celles relative à la deuxième partie.
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, vous avez pu remarquer que la section centrale, en vous présentant son amendement, n’a eu pour but que d’écarter, quant à présent, toute discussion sur les opérations cadastrales sans préjuger la question. Si on suivait M. le commissaire du Roi sur le terrain où il vient de porter la discussion, on ne ferait que perdre du temps sans aucune utilité. La question sera examinée quand nous discuterons les conclusions de la commission cadastrale ; les considérations qu’on présenterait maintenant seraient sans objet, puisqu’elles ne devraient amener aucun résultat. Je demande qu’on se borne à discuter l’amendement de la section centrale, qui tend à laisser la question entière. C’est, au reste, le seul objet réellement en discussion.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne m’opposerai pas à l’ajournement proposé par M. le rapporteur. Cependant M. l’administrateur du cadastre ayant avancé des faits que je conteste, j’ai cru devoir demander la parole pour protester contre ce qu’il a dit. Je ne déduirai pas mes motifs parce que je ne pense pas que ce soit le moment de discuter la question.
M. Helias d’Huddeghem. - Je crois que M. l’administrateur vient nous dire que déjà, dans la province de Liége, les travaux du cadastre sont achevés, et qu’on en a fait l’application à diverses communes. Je ferai observer que l’application du cadastre par partie entraînerait les plus graves inconvénients. Pour retirer des travaux du cadastre tous les avantages qu’ils peuvent procurer, il faut attendre qu’ils soient entièrement achevés. C’est là l’opinion qui a été émise en 1827 aux états-généraux. Je pourrais citer des passages des discours remarquables qui furent prononcés à cette occasion. Je crois qu’il serait nécessaire de laisser à quelques orateurs la faculté de faire des observations sur diverses questions soulevées par M. le commissaire du Roi.
M. Zoude. - Je demande la parole pour répondre aux observations que M. l’administrateur du cadastre a faites sur un passage du rapport.
M. le président. - Je demanderai si la motion de l’honorable rapporteur s’applique à l’article premer du chapitre.
M. Dumortier, rapporteur. - La motion que j’ai eu l’honneur de faire s’applique plus particulièrement à l’article 3. Je l’ai faite pour éviter une discussion qui devra se renouveler lors de la discussion du rapport de la commission cadastrale. Les orateurs qui se proposent de parler sur la question sont eux-mêmes intéressés à l’ajournement que je propose, car leurs arguments perdraient de leur force à être produits deux fois. Quant à l’article premier, qui est relatif au traitement des fonctionnaires et employés, ce n’est pas là-dessus que porte la motion. Je l’ai présentée à l’occasion de cet article, parce qu’à l’occasion aussi de cet article, M. le commissaire du Roi ouvrait la discussion sur les opérations cadastrales.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Je dois faire observer que déjà les travaux sont terminées dans deux provinces, des sommes ont même été payées, et que la restriction que la section centrale propose d’apporter à l’article 3, aurait pour résultat d’arrêter les opérations cadastrales, parce que les inspecteurs provinciaux se trouveraient dans la nécessité de suspendre leurs travaux. L’ajournement qu’on propose aurait le même résultat.
Le temps n’est pas venu, dit-on, d’examiner la question. Mais tous les documents sont soumis à la chambre depuis trois mois ; la commission à laquelle ils ont été renvoyés, a eu le temps de les examiner mûrement, et de consigner dans un rapport les résultats de son examen. Ainsi, les membres de la commission sont à même de donner tous les éclaircissements possibles sur la question. De mon côté, je fournirai tous ceux que la chambre me demandera, et que je suis à même de lui donner. L’assemblée est donc à même de discuter la question dont il s’agit. Si on ajourne la décision, les opérations seront terminées quand la question reviendra devant la chambre, où il aura fallu les suspendre.
Je répète qu’avec la restriction qu’on veut apporter à l’allocation, plusieurs inspecteurs se trouveront dans l’impossibilité de faire face aux dépenses qu’ils auront à faire dans le courant de l’année. Pour vous donner une idée de ces dépenses, je vous dirai que dans une province où les frais de bureau sont de 4,000 francs, on sera obligé de créer des bureaux supplémentaires qui occuperont une soixantaine de personnes ayant des connaissances spéciales et qu’on doit rétribuer d’une manière particulière. J’ajouterai que les inspecteurs dépensent au-delà des indemnités qui leur sont allouées. Si donc vous ne maintenez pas dès à présent les allocations demandées, vous décidez que virtuellement les opérations sont suspendues.
M. Helias d’Huddeghem. - Je demande la parole. Messieurs, quand il s’agit de voter une somme de 40 mille francs, où ne peut pas refuser à un membre la faculté d’énoncer quelques griefs sur les opérations faites et dont la continuation est l’objet d’un crédit demandé.
M. Dumont. - Je crois que le moment de discuter le rapport de la commission du cadastre n’est pas venu ; ce serait perdre du temps que de s’occuper en ce moment de ses conclusions. Il est pénible d’entendre faire par M. l’administrateur un éloge fort pompeux des opérations du cadastre, et de s’abstenir de répondre quoiqu’on ait beaucoup de choses à dire contre ces opérations. Mais comme ce n’est pas le moment de discuter le mérite de ces opérations, je me borne à protester contre l’éloge qu’il en a fait, afin qu’on ne puisse pas voir une adhésion dans mon silence.
M. d’Huart. - La question n’est pas assez éclairée pour qu’on puisse la vider maintenant. La commission du cadastre a fait un rapport auquel sont jointes plusieurs pièces qu’il est nécessaire de faire imprimer et distribuer, afin que chacun des membres puisse se faire une idée exacte des opérations du cadastre. D’ailleurs, le chiffre n’est pas contesté. Le gouvernement demande 237.670 fr. pour le traitement des fonctionnaires employés, la section centrale en propose l’adoption. La discussion actuelle ne devrait s’élever que sur l’article 3, lorsqu’il s’agira des 400 mille francs demandés pour les indemnités, article auquel la section centrale propose une restriction. C’est alors seulement que les objections de M. le commissaire du Roi trouveront leur place.
Je demande qu’on suspende toute discussion jusqu’à ce que l’article 3 soit mis en délibération.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois qu’on doit ajourner toute discussion sur les opérations cadastrales. Car si nous devions dès à présent examiner la confiance qu’on doit avoir dans ces opérations, nous nous jetterions dans une discussion interminable, dont nous ne sortirions pas avant quinze jours.
Les documents sur cette question sont si nombreux qu’il est nécessaire de les examiner dans le silence du cabinet. J’en ai entre les mains, au moyen desquels je pourrai prouver que les résultats que l’administration s’est promis sont exagérés. Quant à moi, je pense que c’est le résultat d’un beau rêve qui ne tend qu’à sacrifier les provinces méridionales aux provinces septentrionales.
M. de Muelenaere. - Messieurs, j’appuie la motion d’ordre pour éviter une perte de temps. Vous n’êtes, au reste, saisis d’aucune proposition, vous n’avez pas les documents nécessaires pour asseoir votre opinion. C’est parce que les documents vous manquent, que la section centrale a proposé d’ajourner la discussion, afin de donner le temps de vous les distribuer. Toutes les observations de M. le commissaire du Roi se rattachent au fond de la discussion ; car elles sont dirigées contre une des propositions de la section centrale, contre la restriction. C’est quand vous aurez à prononcer sur cette proposition que vous jugerez si les observations de M. le commissaire du Roi sont fondées, si la restriction doit avoir pour résultat d’entraver ou de suspendre les travaux du cadastre. En conséquence, il faut ajourner toute discussion sur ce sujet jusqu’à ce que les pièces nécessaires vous aient été distribuées.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Mes observations se rapportaient à la motion d’ordre, en ce sens que si on admettait l’article de la section centrale avec la réduction, nous nous trouverions dans l’impossibilité de marcher. Si on ne veut qu’ajourner la question, c’est une autre affaire. Mais il me semble que c’est dans un instant que la chambre décidera si elle admet la restriction proposée par la section centrale. Mes observations étaient donc à leur place.
M. Desmanet de Biesme. - M. l’administration du cadastre a fait un éloge pompeux de l’administration du cadastre, contre laquelle il a dit qu’il ne s’était élevé que peu de réclamations. Je prouve le besoin de m’élever et de protester contre cet éloge, car il est à ma connaissance que plusieurs cantons de la province de Namur ont fait de vives réclamations contre les opérations de cette administration.
M. Jullien. - Nous discutons sur une proposition dont nous ne connaissons pas la portée. Je demanderai si la motion d’ordre s’applique à tout le chapitre ou aux articles 2 et 3, ou enfin à l’article 3 seulement.
M. Dumortier, rapporteur. - Voici les faits. M. le commissaire du Roi commençait à discuter non pas sur les articles 1 et 2 qui n’ont été l’objet d’aucun amendement de la part de la section centrale, ni sur les 400 mille francs demandés par l’article 3, mais sur le rapport de la commission du cadastre, sur la question générale, et non sur la question spéciale relative au crédit ; puis un honorable membre est venu demander qu’on traitât la question générale. La section centrale a proposé d’ajourner cette discussion et de laisser entièrement intactes les conclusions de la commission cadastrale.
Mais elle s’est dit : s’il existe des paiements qui sont contestés et très contestables, il en est d’autres qui ne sont contestés par personne : autorisons ces paiements non contestés, et, quant aux autres ajournons toute décision, toute discussion, jusqu’à ce qu’on ait distribué tous les documents et pièces nécessaires pour éclairer la question. Dans ces circonstances, avant la distribution de ces pièces et documents, toute discussion serait superflue, et en discutant l’amendement de la section centrale qui alloue, quant à présent, les sommes que personne ne conteste, nous laissons la question entière, en ce qui concerne les allocations contestées ; et au jour que vous fixerez pour examiner les conclusions de la commission cadastrale, vous déciderez s’il convient encore d’autoriser le paiement des indemnités sur le pied établi, depuis 1825, par simple circulaire administrative.
Vous voyez que la proposition de la section centrale laisse la question intacte, tout en allouant les fonds indispensables.
M. de Brouckere. - Je désirerais que M. le rapporteur indiquât les allocations sur lesquelles il propose d’ajourner la discussion. Je vois à l’article premier 237,670 francs pour traitements des employés, à l’article 2, 34,800 francs pour frais de bureau spéciaux, et à l’article 3, 400,000 francs pour frais approximatifs , d’arpentage, d’expertise, de mutations de plans, etc. Est-ce du vote de cette dernière somme que vous demandez l’ajournement?
M. Dumortier, rapporteur. - Il y a ici deux questions, l’une générale relative au cadastre, l’autre spéciale et relative à l’allocation demandée. Nous allouons la somme intégrale, sur laquelle le ministre pourra payer toutes les indemnités sur lesquelles tout le monde est d’accord, mais ne pourra payer aucune de celles qui ont soulevé des contestations dans la commission.
M. de Robaulx. - Je voudrais savoir s’il y a une partie de l’allocation contestée. Dans ce cas, faisons deux articles et allouons celle qui n’éprouve pas de contestations. Vous savez que les géomètres, dans les travaux qu’ils exécutent, doivent payer leurs sous-délégués. Je demanderai si on conteste l’allocation réclamée pour ces dépenses. (Non ! non !)
Alors il ne faut pas se servir de termes généraux ; indiquez ce qui est contesté et ce qui ne l’est pas.
M. le président (M. Raikem). - La section centrale a divisé l’article 2 en deux articles : le premier de ces articles comprend les frais spéciaux, et le second les frais d’arpentage, d’expertise et de mutations de plans. Elle propose d’allouer les sommes demandées en faisant cette réserve sur le dernier : « En attendant qu’il ait été statué sur l’enquête de la commission chargée de constater la situation des opérations cadastrales, les indemnités finales à payer aux agents du cadastre, après l’achèvement du travail, ne pourront être imputées sur le crédit ; les autres indemnités ne pourront être liquidées que sur le pied établi avant le premier janvier 1826. »
M. de Brouckere. - Je demandais la parole pour faire l’observation que vient de faire M. de Robaulx.
J’ajouterai que si on reconnaît que l’amendement de la section centrale n’arrêtera pas les travaux, il n’y a qu’à voter. Que M. le commissaire du Roi s’explique. Je ne voudrais pas contribuer, par mon vote, à arrêter les opérations du cadastre. D’après les explications qui ont été données, l’opinion de M. le commissaire du Roi doit être modifiée. Rien, ce me semble, n’empêche que les opérations continuent en payant les employés d’après le taux indiqué dans l’amendement.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Je ne peux adhérer à l’amendement de la section centrale, parce qu’il comprend tous les agents, et que d’après la manière dont il est formulé on ne pourrait payer de solde, à aucun agent. Cependant, dans le rapport de la commission spéciale, on ne met en question qu’une seule indemnité, celle de deux centimes par parcelle.
Je ne pourrais adhérer à l’amendement qu’autant que M. le rapporteur réduirait la restriction à la partie de l’indemnité contestée par la commission du cadastre et que la chambre s’engagerait à décider la question incessamment. Si l’ajournement devait être indéfini, je ne pourrais y consentir.
M. de Theux. - Il n’y a aucun inconvénient à admettre aujourd’hui ce qui n’est pas contesté, en tenant en réserve l’indemnité de deux centimes. Pour que la crainte de voir supprimer les allocations accordées depuis 1826 ne jette pas le découragement dans l’administration du cadastre, la chambre pourrait fixer à une époque très prochaine la discussion de la question qu’elle croit devoir réserver.
M. Dumont. - Il paraît que l’adhésion du gouvernement tient à cette circonstance : la discussion sur le fond sera-t-elle ajournée indéfiniment, ou fixée à une époque très prochaine ? Si j’ai bien compris M. le commissaire du Roi, il se réunirait à la proposition de la section centrale, pourvu que cette discussion eût lieu incessamment. En conséquence, pour ne pas prolonger davantage le débat, si la chambre voulait fixer dès aujourd’hui l’époque de cette discussion à huit ou dix jours, par exemple, M. le commissaire du Roi n’aurait plus d’objections à faire.
M. Zoude, rapporteur de la commission cadastrale. - Nous sommes d’accord. La réserve ne doit porter que sur les inspecteurs provinciaux. La commission du cadastre n’a pas demandé autre chose, sinon de supprimer l’indemnité de deux cent et celle accordée aux inspecteurs quand ils ne font rien. Du reste, ils continueront à jouir de leur traitement, de leurs frais de bureau et d’une indemnité pour tout ce qu’ils font. Je ne vois pas que l’amendement de la section centrale puisse arrêter les opérations du cadastre.
M. Desmet. - Permettez que je le dise, mais je crois que l’honorable préopinant est dans l’erreur ; la commission, il me semble, n’a pas seulement eu un doute pour ce qui concerne l’augmentation dont les inspecteurs provinciaux jouissent dans leurs indemnités, depuis que le prussien Guerick a fait mettre arbitrairement en vigueur son système, qui a remplacé le système légal qui existait avant 1826, mais j’ai eu le même doute sur toute l’augmentation qui a eu lieu sur les indemnités des opérations cadastrales, depuis le système Guerick.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - - Le budget restera-t-il en suspens, ne pourra-t-il pas être porté au sénat ?
- Un grand nombre de membres. - Si ! si !
M. Dumortier. - Je propose de fixer l’ajournement après la loi sur le chemin de fer.
- Plusieurs membres. - Après le budget de l’intérieur ! (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Je vais mettre aux voix la motion d’ordre faite par M. Dumortier.
Elle consiste à ajourner toute discussion sur les conclusions du rapport de la commission cadastrale et à borner, quant à présent, la discussion aux propositions de la section centrale sur le chapitre VI du budget des finances.
- La motion d’ordre est adoptée.
M. le président. - M. Dumont propose de fixer la discussion de la question relative au cadastre après le vote de la loi sur le chemin de fer.
M. Dumortier, rapporteur. - Le cadastre est une question de budget, il faut en fixer la discussion après le vote du budget de l’intérieur.
M. Verdussen. - Dès l’instant que vous avez prononcé sur la question, ajournement ou rejet, le budget est complet. Vous avez prononcé l’ajournement, il ne s’agit plus que de l’exécution de cette décision que vous pouvez reculer de trois semaines ou de trois mois. Quant à la discussion qui doit avoir lieu après celle des budgets, vous l’avez décidée, c’est celle de la loi sur le chemin de fer.
M. Dubus. - C’est ici une subtilité que fait le préopinant. Il est si vrai que la question du cadastre est une question de budget, que vous vous en seriez occupé à l’instant même, à l’occasion du budget des finances, si tous les documents vous avaient été soumis. Je pense qu’il y a lieu de fixer la discussion de cette question après le budget de l’intérieur.
- La chambre consultée renvoie la discussion de la question relative au cadastre après le vote du budget de l’intérieur.
M. le président. - Je vais mettre les articles aux voix.
« Art. 1er. Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 237,670. »
- Cet article est adopté.
« Art. 2. Frais de bureaux spéciaux : fr. 31,600. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais approximatifs d’arpentage , d’expertise de mutations de plans : fr. 400,000. »
La section centrale propose à cet article une restriction.
M. le président donne une nouvelle lecture de cette disposition.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Je renouvelle l’observation que j’ai faite, et je ne peux adhérer à cette disposition, d’après laquelle la restriction porterait sur toutes les indemnités, tandis que les conclusions de la commission spéciale, ne portaient que contre deux indemnités : celle de 2 cents par parcelles et une autre qui est insignifiante. Si M. le rapporteur veut réduire la restriction à l’indemnité de 2 cents, je ne m’y opposerai pas.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne peux me rendre à la proposition de M. le commissaire du Roi ; vous allez facilement en comprendre les motifs. D’abord, M. le commissaire du Roi se trompe, quand il dit que la restriction porte sur toutes les indemnités : elle ne porte que sur celles accordées depuis 1826 ; quant aux autres, nous consentons à ce qu’elles soient payées au taux établi avant 1826. La question ne serait pas entière, si on autorisait le paiement des augmentations accordées depuis 1826.
Avant cette époque, un taux avait été fixé pour les indemnités des opérations cadastrales : ces indemnités étaient même plus élevées que celles accordées sous le gouvernement français, et qu’alors on trouvait suffisantes. En 1826, M. Geurick, administrateur des loteries et du cadastre, crut pouvoir, par simple circulaire administrative, non pas en vertu d’une loi, ni d’un arrête royal, ni même d’un arrête ministériel, mais par simple circulaire émanant de son autorité privée, crut, dis-je, pouvoir augmenter toutes les indemnités qui, jusque-là, avaient été trouvées rapporter un bénéfice assez fort aux agents du cadastre.
La question ne se rapporte pas seulement aux inspecteurs provinciaux, mais à tous les agents qui ont reçu des augmentations. Nous aurons à examiner si ces augmentations sont légales ou illégales. Si elles sont légales, la question sera bientôt tranchée ; si elles sont illégales, nous verrons si elles sont justes ou injustes. Ce sont là toutes questions que vous aurez à résoudre quand vous examinerez le fond. Il est incontestable que la question du fond ne resterait pas entière, si vous admettiez qu’on peut payer les augmentations allouées en vertu de simples circulaires de M. Guerick. Nous proposons donc d’autoriser le paiement des indemnités en posant une restriction pour ces augmentations.
Vous avez décidé que vous prononceriez sur ces augmentations, après le vote du budget de l’intérieur ; il est possible que vous ayez résolu la question avant que le budget des finances soit soumis à l’examen du sénat. Toutes les objections de M. le commissaire du Roi doivent tomber devant cette considération.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Les indemnités n’ont pas été fixées arbitrairement en 1826 par un agent du gouvernement ; elles ne sont pas illégales ; elles ont été fixées par l’administrateur du cadastre, qui réunissait alors le pouvoir ministériel ; il n’était sous la dépendance d’aucun ministre ; il correspondait directement avec le Roi. Depuis il existe un arrêté royal qui l’autorisait à fixer les indemnités du cadastre.
M. Fallon. - M. l’administrateur du cadastre vous a dit que les opérations cadastrales étaient achevées dans la province de Namur ; que toutefois des difficultés s’étaient élevées dans le canton de Namur nord ; qu’une requête avait été adressée à la chambre par la commission cantonale, et que M. le gouverneur de Namur avait trouvé bon de passer outre.
Lorsque nous aurons entendu le rapport de la commission spéciale sur le cadastre, sur la pétition cantonale de Namur nord, je m’expliquerai sur ces faits ; en attendant, je déclare que je proteste, comme étant une mesure illégale, contre la mise à exécution du cadastre dans la province de Namur nord avant qu’il ait été statué sur la réclamation du conseil cantonal.
M. de Muelenaere. - Puisque le rapport de la section centrale a soulevé une question de légalité, vous devrez nécessairement adopter la proposition qui vous est faite aujourd’hui et admettre la restriction telle qu’elle est proposée, vous ne pouvez pas dire, dès aujourd’hui, que la rétribution est légale pour quelques employés et point pour d’autres ; car ce serait mettre les employés dans des catégories qu’il faut éviter. Si l’indemnité n’est pas légale, elle n’est pas due ; si vous la déclarez illégale, vous aurez une autre question à examiner : ce sera une question d’équité et de bonne foi à l’égard de ceux qui en effet ont agi de bonne foi. La restriction telle qu’elle est proposée ne préjugeant rien, on doit la voter.
M. Thiry, commissaire du Roi. - J’ai deux mots à répondre à l’honorable M. Fallon. Il a parlé de la réclamation faite par l’assemblée cantonale de Namur nord, et il a protesté contre l’exécution du cadastre. Messieurs, il a été statué sur cette réclamation par l’autorité compétente. Il existe dans les lois et règlements des dispositions suffisantes pour donner pouvoir de statuer. En supposant même que la réclamation fût fondée, ce ne serait pas un motif pour ne pas mettre à exécution le cadastre dans les autres cantons de la province.
Aussitôt que le cadastre est terminé dans plusieurs cantons, la péréquation doit être faite entre ces cantons ; les agents du gouvernement sont tenus, sous peine de forfaiture, de mettre à exécution les lois. Un autre membre a fait observer que le gouvernement aurait dû attendre, pour mettre à exécution le cadastre dans la province de Liége, et de Namur, que le cadastre fût terminé dans toutes les provinces ; si le gouvernement avait attendu, il aurait agi contrairement aux lois en vigueur.
M. Desmanet de Biesme. - M. le commissaire du Roi vient de dire que le cadastre doit être mis à exécution dans le canton de Namur nord.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il n’a pas dit cela.
M. Desmanet de Biesme. - Sans rien préjuger sur le rapport de la commission, je ferai remarquer que la pétition adressée à la chambre soulève une question très grave, c’est de savoir si les gouverneurs sont investis des mêmes pouvoirs qu’avaient les préfets et si les pouvoirs des préfets ne doivent pas être partagés avec les conseils des états. Vous voyez par cette difficulté qu’il est nécessaire d’attendre, avant de mettre le cadastre à exécution dans la province de Namur, du moins dans le canton de Namur nord, que l’on ait statué sur la pétition.
M. Helias d’Huddeghem. - Je suis surpris que M. le commissaire du Roi invoque la loi de 1813. Il aurait parfaitement raison, si en 1826, on n’avait pas changé complètement le mode d’opérer les évaluations. Je persiste à croire que le gouvernement précédent n’était pas autorisé aussi longtemps que le cadastre n’était pas entièrement achevé à bouleverser sous prétexte de révision, par une simple mesure d’administration, et sans l’intervention du législateur, tout ce qui avait été fait antérieurement à 1826 ; qu’en changeant les anciennes bases d’évaluation contre la disposition formelle de la loi, il a privé les propriétaires de leurs droits acquis par des améliorations, défrichements, dessèchements, auxquels ils s’étaient livrés, confiants dans des encouragements qui leur étaient garantis par la loi.
Je pense que lorsque le résultat du cadastre sera mis au grand jour, et que nous connaîtrons la proportion des estimations, de commune à commune, de canton à canton, de province à province, l’on ne sera que trop convaincu combien étaient fondées les observations des membres des états-généraux en avril 1827, lorsqu’ils blâmèrent sévèrement l’arbitraire des mesures qu’on avait substituées à la loi et la précipitation avec laquelle l’exécution avait été conduite toujours en opposition avec les sages précautions du recueil méthodique (discours de M. Sandberg) ; que les expertises ont été dénaturées par les nouvelles bases d’évaluation (discours de M. Charles de Brouckere). Et ce qui se passe en Hollande ne donne pas une opinion favorable du résultat : dans une des dernières séances des états-généraux, on a vivement réclamé le redressement des abus du cadastre, on y a démontré derechef que toutes les opérations reposent sur des bases erronées, et que dans plusieurs endroits les expertises des biens étaient mal faites.
Le nombre infini des réclamations qui s’élèvent de toutes parts en ce pays contre les travaux et les estimations disproportionnées du cadastre, a contraint le gouvernement de nommer une commission d’Etat pour les vérifier, en apprécier les motifs, et pour aviser au parti à prendre, afin de faire droit à ces plaintes nombreuses.
D’après cela avant d’appliquer le cadastre à la contribution foncière, il faut que la législature ait pu apprécier l’ensemble des opérations cadastrales.
M. Fallon. - Messieurs, je ne pense pas que ce soit le moment de discuter la question de compétence et de légalité que soulèvera la mise à exécution du cadastre dans la province de Namur ; je me réserve de traiter ces questions quand on fera le rapport sur la pétition du canton de Namur nord. En attendant, je me borne à une protestation. Libre à M. l’administrateur, sous sa responsabilité, de passer outre.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Il ne m’appartient pas de passer outre ; cela dépend des gouverneurs qui sont chargés d’exécuter les lois. Ils ne peuvent pas ne pas donner cours à la loi. Il en est deux qui régissent la matière, la loi du 13 septembre 1807 et la loi du 20 mars 1813 ; ces lois sont restées en vigueur quoi qu’on en ait dit. Elles n’ont pas été abrogées. Elles sont maintenues par notre constitution.
M. Fallon. - Je ne suis pas très familier avec le grimoire du cadastre ; néanmoins je suis étonné d’entendre dire par M. l’administrateur que l’exécution du cadastre ne le concerne pas. Je tiens à la main une décision du ministre des finances laquelle ordonne qu’il sera passé outre à l’exécution du cadastre, malgré la réclamation de l’assemblée cantonale de Namur nord.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Il s’agit d’une réclamation sur un point particulier et non sur la mise à exécution du cadastre.
M. Eloy de Burdinne. - Dans les documents qui ont été fournis à la commission du cadastre nous avons remarqué que l’arpentage était déclaré terminé partout ; cependant je vois dans le chiffre de 400,000 francs demandé par M. le ministre des finances qu’il comprend des frais d’expertise, de mutation, d’arpentage, etc. ; je prie M. l’administrateur de nous dire si l’on demande des fonds pour payer l’arriéré de l’arpentage, où de nouveaux arpentages à faire.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Il y a des travaux faits à payer.
M. Eloy de Burdinne. - Nous avons donc dépassé les fonds accordés l’année dernière?
M. Thiry, commissaire du Roi. - Il reste des derniers termes a payer ; mais il n’y a pas d’arpentage nouveau à faire. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre ferme la discussion.
La proposition restrictive de la section centrale, mise aux voix, est adoptée. Cette proposition sera insérée dans le budget. Le chiffre de 400,000 fr. est adopté.
M. le président. - Ce chapitre contient un article unique intitulé : « Dépenses matérielles imprévues : fr. 19,500. » C’est à l’occasion de la discussion de cet article que la chambre a résolu de statuer sur la somme de 40,339 fr., demandée pour dépenses imprévues par l’administration des postes.
M. Delfosse, commissaire du Roi. - Je me suis restreint à demander 30,000 fr. pour les dépenses imprévues de la poste. La chambre a paru, hier, n’être pas convaincue de l’utilité de la somme ; elle a surtout paru partager l’erreur de la section centrale qui croyait que cette somme de 30,000 fr. était une demande en augmentation.
Messieurs, en 1833, j’ai eu pour les dépenses imprévues, 30,000 fr. ; en 1832, il a été accordé 6,000 fl. ; en 1831, il a été alloué 7,000 fl. La différence entre ces deux dernières allocations vient de ce que l’administration des postes était encore, en 1829, sous le régime des adjudications, qui la forçait de conserver intact le mode de transporter les dépêches, mode qui résultait de contrats.
Dans la séance d’hier, un honorable orateur a demandé d’une manière formelle que l’administration s’expliquât sur l’emploi de la somme demandée : quelque difficile qu’il soit à l’administration de déterminer d’une manière précise quelles communications il conviendra d’établir dans l’intérêt du commerce et de l’industrie, je pourrai cependant citer quelques exemples qui seront de nature, je l’espère, à satisfaire l’honorable orateur, en donnant une idée des besoins de l’administration.
En 1833, il a été établi diverses communications entre plusieurs villes importantes du royaume ; il a également été créé des directions de poste dans les communes de Wavre, Eecloo, Peruwelz, Roulers : ce qui s’est passé en 1833, peut se reproduire en 1834 ; j’ai même reçu une réclamation d’un honorable membre de cette assemblée pour établir une distribution dans une commune dépendante de l’arrondissement de Charleroi.
Si l’administration n’a aucun fonds pour pourvoir à de pareilles demandes, elle se trouvera dans l’impossibilité de rien faire pendant le convoi de l’exercice 1834. J’ajouterai que la création d’établissements de poste nécessite un accroissement de dépenses pour les piétons qui doivent aller d’une commune à l’autre.
D’autres circonstances exigent encore des dépenses imprévues. Il s’en est présenté même une ce matin.
L’administration a reçu la ratification d’une convention provisoire conclue avec l’administration des postes du gouvernement prussien. Pour donner à cette convention tous les développements désirables, nous serons obligés d’établir des services suffisants pour mettre la correspondance de la Belgique avec cette partie de l’Allemagne.
D’un autre côté, quand on crée de nouvelles communications, on a besoin de fonds pour plusieurs motifs. Les facteurs doivent avoir des augmentations de traitements. Il est tel facteur, par exemple, qui n’a à faire qu’une distribution le matin ; il reçoit 50 florins par année : ce facteur exerce un autre état. Mais , si par suite des mesures prises ou reconnues nécessaires, on établit une seconde distribution, il est évident que cet homme doit avoir une augmentation de salaire.
Je bornerai là les détails dans lesquels je pourrais entrer pour prouver la nécessité d’une somme pour dépenses imprévues. J’ai consenti hier à réduire l’allocation à 30,000 fr. ; en sorte que le chiffre total du chapitre 7, serait 49,500 fr.
M. de Brouckere. - Je ne puis admettre la manière de raisonner de M. l’administrateur, pas plus que je ne puis admettre le chiffre qu’il propose. Vous venez de l’entendre, on demande pour l’administration des postes le double de ce qu’on nous demande pour les autres administrations réunies des finances.
Comment justifie-t-on cette demande exorbitante ? puisqu’on a créé des établissements de poste en 1833, il faudra en créer en 1834 : avec un semblable raisonnement, vous arriverez à augmenter chaque année le budget des postes de 30,000 fr. Je ne pense pas que cela entre dans les intentions de la chambre ; et je dirai : vous n’avez pas beaucoup de bureaux nouveaux à établir, précisément parce que vous en avez établi beaucoup dans les années précédentes
Une nouvelle correspondance vient d’être établie entre l’Allemagne et la Belgique ; de là de nouveaux frais : mais ces nouveaux frais ne peuvent être considérables. La chambre n’a nullement l’intention de refuser tout crédit pour dépenses imprévues. ; elle veut seulement que le crédit ne dépasse pas de justes bornes.
Je dirai de même sur la possibilité d’augmenter le traitement des facteurs auxquels on donnerait plus d’occupation ;
Trente mille francs forment une somme que la chambre ne peut voter sans éléments de conviction.
Je voterai seulement une somme assez forte pour créer quelques services, j’accorderai 10,500 fr., ce qui ajouté aux 19,500 fr. déjà portes à l’article formera un chiffre de 30,000 fr.
Je n’entends pas que dans ces 30,000 fr. il y ait 10,500 fr. pour l’administration des postes ; je porte une somme globale dont le ministre disposera pour les différentes administrations selon leurs besoins.
M. Delfosse, commissaire du Roi. - Il est assez indifférent à l’administration des postes que le crédit qu’elle demande lui soit spécial ou qu’il soit porté au crédit général du ministère ; mais l’honorable préopinant n’a pas fait attention que le service de la poste était tout autre que le service des diverses administrations qui ressortissent au ministère des finances, que le service des postes était tout actif ; qui, par son essence, il est journalièrement sujet à variations, et qui c’est sous ce rapport qu’il importe de laisser à l’administration toute la latitude dans sa dépense.
L’honorable orateur a pensé qu’en procédant ainsi, d’année en année à créer de nouveaux établissements, on pourrait grever le trésor d’une manière indéfinie. C’est là une grave erreur. L’expérience prouve que sa crainte n’est pas fondée. Depuis 1830 les produits des postes se sont augmentés d’un quart. Cette augmentation n’est due qu’à la multiplicité des communications. Toutes les fois que l’administration a créé un bureau de poste, c’est qu’elle s’est aperçue que dans telle commune beaucoup de lettres étaient envoyées autrement que par l’administration et qu’elle ne retirait rien du transport.
Je persiste dans ma demande de 30,000 fr.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il paraît évident que l’intention de la chambre est de voter des dépenses imprévues ; mais je voudrais que le mot « matériel » fût effacé du titre de l’article.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois que M. le ministre a raison et que l’article serait mieux rédigé en mettant simplement : « dépenses imprévues ».
Je viens appuyer la proposition de M. de Brouckere. Mon intention, cependant, était de ne proposer que 15,000 fr. ; mais puisqu’on a demandé 30,000 fr., je me réunis à cet avis.
Il faut pour toutes les administrations un crédit global ; le vote des dépenses imprévues est un acte de haute confiance de la chambre envers le ministre ; quelque estimables que soient les administrateurs, la chambre na peut avoir de relation avec eux, elle ne peut accorder de fonds qu’à un ministre responsable. Ceci est une chose bien entendue et sur laquelle il ne faut laisser aucun doute.
Comme il se pourrait que le service rural fût ajourné à une autre année, je voterai un chiffre pour les dépenses imprévues, afin de pouvoir créer des services dans les communes où le besoin s’en ferait sentir d’une manière évidente.
Le chiffre des dépenses du budget des finances s’élève a onze millions, et tous les ans on enfle ce budget. Vous avez dit qu’il fallait poser un terme aux dépenses ; c’est précisément pour cela que vous devez limiter les dépenses imprévues. Je crois qu’avec 30,000 fr. il y aura de quoi fournir à tous les besoins.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je crois que réellement la somme de 30,000 fr. ne suffira pas. Il n’y aurait pas de département auquel vous auriez accordé une si faible somme que celle qu’on propose. En effet, pour l’intérieur, en 1833, vous avez voté 50,000 fr. ; pour la justice, en 1833, vous avez voté 15,000 fr. Cette année on lui a accordé 10,000 fr. ; on a donné 200,000 fr. de dépenses imprévues à la guerre.
Je crois qu’on doit porter les dépenses imprévues de mon ministère à 40,000 fr.
M. Dumortier, rapporteur. - Je m’oppose à cette augmentation : elle est tout à fait inutile. Pour chaque administration, on vous a demandé des dépenses imprévues, le ministre lui-même les a réduites, et vous pouvez, messieurs, les réduire encore. Si au dernier budget de la guerre on a alloué des sommes très fortes pour dépenses imprévues, c’est qu’en effet nous sommes toujours en guerre avec la Hollande : la trêve qui existe n’est qu’une trêve sans convention. Pour l’intérieur, les besoins de l’industrie, les besoins de l’agriculture exigent aussi des dépenses imprévues. Dans les finances, il n’y a rien d’imprévu. Vous ne pouvez rien créer sans loi ; dès lors vous ne pouvez demander un crédit supérieur à celui que nous proposons.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Faites attention que l’administration elle-même a déjà fait toutes les réductions qu’il était possible de faire.
M. Delfosse, commissaire du Roi. - Toutes les dépenses des finances ne sont pas prévues ; elle se trouve dans le même cas que les administrations qu’il vient de citer ; elle entraîne aussi des dépenses extraordinaires selon les circonstances. Il peut se faire, par exemple, que des communications s’ouvrent entre la Hollande et la Belgique et qu’il faille des services entre Anvers et Breda, entre Maestricht et Hasselt. Indépendamment de ces circonstances extraordinaires, l’honorable rapporteur perd toujours de vue que l’administration des postes est un service essentiellement actif.
M. de Brouckere. - Les crédits pour dépenses imprévues ont été accordés à toutes les administrations, moins celle des postes mais si vous admettez le chiffre de 40,000 fr., vous donnerez 20,000 fr. à la poste, somme exorbitante. Admettez seulement le chiffre de 30,000 fr. et rien de plus.
M. de Robaulx. - Je demanderai au ministre des finances s’il présentera prochainement la loi sur les postes rurales.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il y a déjà un projet de loi sur les postes rurales de présenté à la chambre ; on y fera quelques changements, et on le présentera de nouveau en février ; de sorte qu’en avril le service des postes rurales pourrait être établi.
- Les 40,000 fr. demandés par le ministre, sont mis aux voix. Deux épreuves par assis et levé sont douteuses. On procède à l’appel nominal.
61 membres sont présents.
24 votent l’adoption du chiffre.
37 votent le rejet.
Le chiffre ministériel n’est pas alloué.
Les 30,000 fr. proposés par M. de Brouckere sont adoptés pour les dépenses imprévues du ministère des finances.
M. le président. - Le vote provisoire de tous les articles du budget des finances est terminé. Lundi la chambre délibérera sur les amendements faits à ce budget, et votera définitivement sur cette loi de finances.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je voudrais que l’on commençât lundi la discussion du budget de l’intérieur.
M. Dumortier, rapporteur. - La section centrale a demandé que les pièces relatives au cadastre fussent imprimées pour que la chambre pût juger. Il s’agit d’une dépense d’un million et demi ; il ne faut pas regarder à une centaine de francs pour l’impression. (Appuyé ! appuyé !)
M. le président. - Demain séance publique, à une heure et demie, pour entendre les rapporteurs de la commission des pétitions. Lundi, ouverture de la discussion du budget de l’intérieur.
- La séance est levée à quatre heures.