(Moniteur belge n°32, du 1er février 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressés à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Dumortier, organe de la section centrale, est appelé à la tribune. - Messieurs, dit-il, votre section centrale à laquelle vous avez renvoyé la pétition de l’administrateur du trésor à Bruxelles, m’a chargé de faire son rapport sur cette pièce.
Le pétitionnaire s’adresse à la chambre, pour obtenir une augmentation de traitement. Il fonde sa demande sur la multiplicité des travaux de son administration, et présente deux tableaux d’après lesquels il résulte qu’à lui seul il exécute les deux tiers des paiements du royaume. Sa pétition contient deux parties ; s’il demande une augmentation de paiement, il se plaint subsidiairement de n’avoir pas reçu, l’année dernière, la part qui devait lui revenir dans les crédits alloués par la chambre pour les administrateurs du trésor.
La section centrale a considéré que tout ce qui est relatif au traitement des fonctionnaires publics tombe exclusivement dans le domaine du pouvoir exécutif, à l’exception toutefois de ce qui est réglé par la loi ; que, par conséquent, la chambre ne pouvait intervenir.
La deuxième partie de la pétition a fait naître des réflexions différentes. Lorsque le gouvernement des Pays-Bas créa l’institution connue sous le nom de Société pour favoriser l’industrie nationale, ou de Banque de Bruxelles, un nouveau système de comptabilité fut introduit en Belgique. On supprima les receveurs-généraux, et l’on établit des administrateurs du trésor dans chaque province. Ces administrateurs existent encore avec les mêmes traitements ; comme il n’y a de motifs de les augmenter, la section centrale repousse toute proposition qui aurait ce but. Mais il faut observer que plusieurs de ces fonctionnaires, indépendamment de leur traitement, jouissaient autrefois d’un traitement d’attente : le pétitionnaire recevait une pension sous ce titre, parce qu’il avait été receveur général. La chambre a d’abord refusé des fonds pour les traitements d’attente, et, lorsque le ministre obtint un crédit global, il a cru néanmoins ne pouvoir rien allouer, parce que les fonctionnaires étaient payés à raison de leurs fonctions. L’année dernière le ministère des finances a demandé 16,000 fr. pour frais de commis des administrateurs du trésor ; votre commission ne crut pas devoir adhérer à une pareille dépense.
Les administrateurs du trésor reçoivent six, sept, huit et dix mille francs de traitement, et l’on a pensé qu’ils pouvaient prendre sur leurs honoraires de quoi se procurer un commis. Comme la section centrale a proposé l’année dernière d’augmenter le chiffre présenté par le ministre d’une somme de 8,500 fr., applicable exclusivement aux administrateurs du trésor qui avaient des traitements d’attente, on ne voit pas pourquoi cette somme n’a pas eu sa destination.
Dans le chiffre demandé cette année par le ministre de finances, il faut aussi distinguer deux parties, l’une relative aux honoraires, l’autre de 8.500 fr relative aux traitements d’attente. Comme les intentions de la chambre paraissent avoir été méconnues quant aux traitements d’attente, la section centrale propose, sous ce point de vue, le renvoi de la pétition au ministre. Elle conclut à l’ordre du jour sur la partie de la pétition relative aux honoraires d’administrateur.
M. de Brouckere. - Je pense qu’il faut remettre la discussion sur la pétition à l’article du budget relatif aux traitements des administrateurs du trésor. En attendant, il faut renvoyer la pétition au ministre des finances.
M. d’Huart. - L’honorable M. Dumortier a omis de dire que la section centrale n’a pas voté d’augmentation de traitement ; que le pétitionnaire, avant de s’adresser à la chambre, aurait dû s’adresser au ministre des finances pour augmenter son traitement ; et que c’est par ces motifs qu’elle a proposé l’ordre du jour. Quant à la second partie, comme il y a décision de la chambre sur ce point, la section centrale a conclu au renvoi au ministre des finances.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. le président. - Nous en sommes restés à l’article 2 du chapitre premier. « Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 473,500. »
La section centrale propose 450,000 francs ; différence 23,500 francs.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, dans la situation où m’a placé la décision de la chambre relativement au mode de voter l’article 2 de la loi du budget des finances, j’ai cherché à récapituler toutes les propositions de réduction dont il a été question tant dans la séance d’hier que dans le rapport de la section centrale.
La première frappe sur le traitement du secrétaire-général, dont on propose la réduction à 8,500 francs.
A cet égard une longue discussion s’est ouverte lors de l’examen du dernier budget, et je pense que les explications que j’ai données à cette occasion, jointes à celles dans lesquelles est entré mon honorable collègue M. le ministre de la justice, n’ont laissé aucun doute sur la haute importance des fonctions de secrétaire-général et sur la nécessité de rétribuer convenablement le titulaire de cet emploi.
Relativement au secrétariat et à la trésorerie générale, quelques observations ont été faites ; mais aucune réduction n’a été proposée, si ce n’est qu’on refuse l’augmentation éventuelle réclamée pour la trésorerie.
Quant à l’administration des contributions directes, douanes et accises, l’on a trouvé que c’est celle qui a mis le plus d’économie dans ses dépenses.
Le reproche relatif à une augmentation de traitement qui aurait été allouée à des employés supérieurs, « au détriment des petits employés », est basé sur une erreur, puisque le dernier paragraphe de l’article 6 de l’arrêté du 30 décembre porte qu’aucune réduction ne sera apportée au traitement des employés actuellement en fonctions, et que par suite de ces dispositions aucune augmentation de traitement ne peut avoir lieu qu’à mesure des économes à introduire lors de vacance d’emplois. Ainsi les droits acquis sont respectés. Relativement à l’administration de l’enregistrement et des domaines, des observations ont aussi été faites, en ce qui concerne le montant de l’allocation, mais elle n’ont été suivies d’aucune proposition de réduction.
Il en est de même pour l’administration des postes et du cadastre.
L’on a fait la remarque que le nombre des employés de l’administration centrale des finances était en 1832 de 212, en 1833 de 200, et qu’il n’était en 1834 que de 199.
J’ai déjà eu l’honneur de faire observer à cet égard, lors de la discussion du budget de 1833, qu’en 1832 l’on avait fait figurer, dans le nombre des employés, des surnuméraires qui n’y ont pas été portés en 1833 ; ils ne le sont pas non plus en 1834. Dix surnuméraires attachés à l’administration des postes ne sont pas compris dans le nombre de 199 employés, indiqué au budget.
Ainsi le personnel est le même qu’en 1832 ; car je ne pense pas qu’il faille justifier la différence d’un seul employé dans le nombre figurant en 1833 et 1834.
A la fin de la partie du rapport qui concerne cet article, la section centrale conclut, en déclarant que les raisons alléguées par les 6ème et 4ème sections lui ont paru fondées, et propose en conséquence une réduction de 60,000 francs, qui cependant, pour laisser au ministre un temps moral à l’effet de pouvoir effectuer cette économie, ne sera cette année que de 30,000 francs, parce qu’elle a jugé que l’économie totale ne pourrait être réalisée que dans quelques mois.
J’ai cherché, messieurs, à concilier les opinions émises par les 6ème et 4ème sections, puisque la section centrale les a adoptées, et je trouve qu’elles sont tout à fait divergentes entre elles.
D’après l’observation de la 6ème section, il faudrait réduire à 48,000 francs les traitements réunis du secrétaire-général et de tous les administrateurs, qui d’après le budget sont de 69,900 francs, et non de 63,000 francs, comme l’indique erronément le rapport.
Dans l’opinion de la 4ème section, au contraire, l’on propose de supprimer quelques administrateurs, et quelques autres hauts fonctionnaires encore.
Ces deux opinions n’ont aucun rapport entre elles. Mais j’appelle surtout l’attention de la chambre sur cette observation que, pour obtenir une réduction annuelle de 60,000 francs, il faudrait supprimer à la fois tous les administrateurs et le secrétaire-général du ministère, puisque la somme de leur traitement n’est que de 60,900 francs.
En vérité, messieurs, je ne crois pas que telle puisse être la pensée de la chambre ; déjà, en plusieurs occasions, la nécessité d’un chef supérieur pour la direction de chaque administration des finances a été démontrée, et les chambres, par plusieurs votes successifs, ont fait justice des propositions de suppression plusieurs fois réitérées.
Dans cet état de choses, je réclame de la bonne foi des membres de la section centrale que l’on veuille m’indiquer quel est le véritable esprit du rapport, et quelles sont réellement les réductions spéciales qu’elle a désiré voir effectuer. Je le demande dans l’intérêt de la justice de la chambre qui aura à se prononcer, et afin d’être moi-même éclairé non seulement dans la discussion, mais aussi lors de l’exécution que je serai appelé à donner à l’article, dans le cas où l’allocation qui figure au budget ne serait pas intégralement adoptée. Il est donc indispensable que je sache si l’on veut des suppressions d’emplois ou des réductions dans le traitement de certains emplois ou dans les allocations de certaines administrations ; et dans l’un et l’autre cas, quels sont ces emplois, quelle est la quotité de ces réductions.
Car vous reconnaîtrez, messieurs, l’impossibilité dans laquelle je me trouve de combattre ou d’admettre aucune réduction qui n’est pas clairement spécifiée, et qu’il s’agit en quelque sorte ici d’une véritable question de loyauté.
M. Donny. - Messieurs, je voudrais répondre en ce qui me concerne à l’espèce d’appel que le ministre des finances vient de faire à la loyauté des membres de la section centrale. Pour faire cette réponse, il me suffit de rappeler au ministre et à la chambre ce que j’ai dit dans la séance précédente, savoir que, dans la section centrale, j’ai voté conformément à l’opinion de la quatrième section. Cette section réclame une organisation moins coûteuse que celle qui existe maintenant ; elle veut, non une diminution de quelques appointements, mais la suppression de quelques fonctions, de quelques-uns des administrateurs-généraux, inspecteurs-généraux, directeurs, et autres fonctionnaires semblables.
La quatrième section a trouvé extraordinaire que l’on ait, dans le ministère des finances, intercalé entre le ministre et les chefs de division, d’abord des directeurs, ensuite des inspecteurs-généraux, enfin des administrateurs-généraux, et par dessus tous ces fonctionnaires, un secrétaire-général ; tout en complétant l’œuvre par un conseil général du contentieux qui prépare la besogne à tous ces messieurs.
La section centrale a voulu que les doubles emplois fussent supprimés et que le ministre des finances s’occupât de l’organisation d’une administration moins onéreuse. Que le ministre supprime les administrateurs, les inspecteurs-généraux, les directeurs, ou tout autre rouage ; qu’il arrange l’administration comme il l’entend ; mais il peut trouver le moyen de faire une économie d’au moins 60,000 fr. En résumé c’est un changement de système administratif que l’on veut dans les finances.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - C’est un changement de système que l’on veut, dit l’honorable préopinant ; c’est une organisation moins coûteuse qu’il faut, dit encore le même préopinant ; mais je demanderai jusqu’à quel point ses connaissances pratiques en finances peuvent l’autoriser à croire qu’il est si facile de modifier l’organisation d’un ministère tout entier. Je ne pense pas que les précédents de l’honorable membre soient dans le cas de lui donner une grande confiance sur ses vues.
M. Donny. - J’ai parlé au nom de ma section.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’en ai appelé à la loyauté de la chambre. D’après ce qu’a dit l’honorable préopinant, une partie des réductions porteraient sur quelques administrateurs-généraux, sur quelques hauts employés des finances.
Messieurs, tous les administrateurs sont utiles ou inutiles ; il ne peut y avoir de distinction : si on veut en supprimer un seul, je m’y opposerai et je montrerai l’impossibilité de cette suppression. Mais on veut un autre système administratif et dans ce système entrerait en première ligne la suppression des administrateurs : eh bien, moi, qui ai quelque expérience des affaires par des travaux qui datent d’un grand nombre d’années, je puis affirmer à la chambre qu’il serait difficile et d’un extrême danger de supprimer les sommités spéciales qui dirigent les services publics dans le ministère des finances. Je pense que les fonctionnaires supérieurs doivent être maintenus pour qu’ils continuent à rendre régulière, prompte et systématique la marche des affaires.
J’ai encore entendu demander la suppression des inspecteurs-généraux et des doubles emplois, quoique je ne connaisse pas de doubles emplois, puisque dans l’administration financière chacun a un service spécial. A tous moments on a besoin des inspecteurs-généraux dans les provinces pour y faire des vérifications que les agents locaux ne pourraient faire. L’influence des inspecteurs-généraux, de leurs connaissances, est de toute nécessité : ils sont l’œil de l’administration ; chacun d’eux, dans sa partie, éclaire l’administration. Je le déclare, je suis intimement convaincu que la suppression des hauts employés porterait un coup fatal à l’organisation du ministère des finances et à la marche régulière des nombreuses affaires contentieuses qui s’y traitent chaque jour. Si on a en vue que la rédaction proposée par la section centrale porte sur une branche particulière de l’administration, je désire l’apprendre, parce qu’alors il sera dans la tâche des commissaires du Roi de justifier la nécessité du montant de chaque allocation.
M. Jullien. - C’est sans doute une fort belle chose, comme le disait hier un député de Namur, que de bonnes raisons pour appuyer une bonne opinion ; mais malheureusement chacun croit que les raisons qu’il donne sont les meilleures. Je partage l’opinion de cet honorable membre quand il a dit que les arguments que l’on produisait ne lui paraissaient pas concluants. La section centrale, comparant les dépenses des différents départements ministériels aux dépenses du ministère des finances, a trouvé celles-ci plus fortes que toutes les autres ensemble, et elle en a conclu que des économies pouvaient être faites sur le ministère des finances ; mais si l’administration des finances demande plus de besogne que tous les ministères ensemble, il est naturel qu’elle coûte plus que ces ministères.
Cependant, si vous jetez les yeux sur le budget des finances, vous verrez que cette administration étale un luxe d’employés supérieurs qui contraste avec nos besoins, avec notre population et nos ressources. Voyez l’article de l’administration des domaines : il est vrai que c’est le plus fort, et je m’empresse de le dire ; vous y trouvez un personnel nombreux. Si vous examinez les autres branches de l’administration des finances, vous n’y trouverez pas autant de directeurs, d’inspecteurs, de vérificateurs que dans les domaines ; vous y trouvez néanmoins un personnel très nombreux. En considérant que chaque haut fonctionnaire est chef de la partie qu’il dirige, je demanderai à quoi sert le secrétaire-général dans une administration ainsi composée ?
Les administrateurs sont chefs d’une spécialité ; ils ont sous leurs ordres des employés pour les aider dans leurs fonctions ; ils ont la pensée du ministre : quand ils sont réunis en conseil, ils sont le ministre lui-même car ils prennent toutes les conclusions sur lesquelles le ministre n’a plus qu’à mettre son visa. Je sais très bien que dans toutes les administrations le ministre n’est qu’un homme politique ; que la vie ministérielle est très passagère ; que les ministres vont, viennent et passent ; que le secrétaire-général est l’homme de l’administration, que c’est lui qui reste, comme étant, a dit le ministre, la tradition vivante du ministère : pour un tel employé, je ne marchanderai pas le traitement ; mais je demanderai ce que c’est que le secrétaire-général des finances, quand il n’a aucune inspection sur les administrateurs ? Le secrétariat n’est plus là qu’un bureau d’archives.
Je me plais à le reconnaître, la personne qui est secrétaire-général aux finances serait à sa place dans une administration où elle aurait toutes ses fonctions à exercer ; mais, un ministère des finances, c’est une capacité enterrée (on rit), et je crois que ce secrétaire-général serait bien embarrassé d’expliquer comment il gagne le traitement qu’on lui donne.
En fait d’administration, je n’ai que quelques connaissances générales, et un de nos honorables collègues qui siège près de moi répondra au ministre sur la partie pratique de l’administration ; cependant j’ai été administrateur, et je ne comprends pas comment on emploie les 40,000 fr. au secrétariat. Si on me démontre que le secrétariat est nécessaire, je voterai la somme ; mais je refuserai toujours à donner les deniers des contribuables pour des superfluités.
Je conçois l’embarras du ministre des finances ; la discussion allant d’un objet à un autre ne lui indiquera pas sur quoi il peut faire des économies ; toutefois il connaîtra la pensée de la chambre. Je vais pour mon compte appeler l’attention du ministre sur un objet particulier. Nous avons demandé la suppression de quelques employés ; il paraît que les regards du ministre sont tombés sur quelques malheureux ; leur suppression n’a pas produit d’économies. La sollicitude du ministre a doté plus amplement de hauts employés.
Si cela est vrai, ainsi que l’annonce la section centrale, il y a ici de quoi faire quelques économies. Supprimer les petits emplois pour augmenter les hautes fonctions, ce n’est pas le moyen de diminuer un sou au budget. C’est lorsque le ministre aura répondu aux observations que je présente, que je me déterminerai à voter pour le secrétariat-général.
M. Donny. - Vous me croirez facilement sans doute, lorsque je vous dirai que j’ai été extrêmement surpris de l’espèce d’interpellation que le ministre des finances a faite sur mes connaissances administratives : les antécédents de ce ministre toujours si loyal, si modéré, si franc, dans ses relations avec la chambre, ne m’avaient pas préparé à ce genre d’attaque, et mes antécédents n’avaient pas donné au ministre le droit de me l’adresser. J’avoue humblement que je n’ai pas de connaissances spéciales en fait de bureaucratie financière ; mais j’ai de bonnes intentions et j’ai la ferme volonté de remplir mes devoirs, quelques interprétations qu’un ministre ou tout autre puisse donner à mes paroles. (Bien ! très bien ! très bien !) Quoi qu’il en puisse être, il est toujours certain que j’ai eu raison ou tort dans ce que j’ai dit.
Dans le premier cas, le ministre a beau me persifler sur mes connaissances, il ne peut m’empêcher d’avoir raison. Si au contraire j’ai tort, il doit lui être très facile de me détromper, de me faire voir ainsi qu’à la chambre que je suis dans l’erreur. Il peut penser que j’ai assez de bonne foi pour convenir de l’erreur où je serais tombé.
Le ministre a essayé de prouver que mon opinion n’était pas fondée. L’inspecteur-général, a-t-il dit, ne peut être supprimé, parce que c’est l’œil du ministère dans les provinces s’il faut que cet employé surveille la province ; je demanderai au ministre des finances de quelle utilité il peut être au conseil d’administration où le placent les arrêtes d’octobre et de décembre dernier.
Jusqu’à ce que le ministre ait prouvé clairement que mes observations ne sont pas fondées, je persisterai dans ma manière de voir.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne reviendrai pas sur mes précédentes observations ; je ne présenterai que quelques réflexions sur des points touchés par les deux honorables préopinants.
On a parlé du luxe dans le nombre des employés supérieurs du ministère des finances : déjà un honorable députe de Namur a fait connaître d’une manière très lucide que ces employés, qui ont dans les autres ministères le titre de chefs de bureau, prennent, dans le ministère des finances, les titres analogues à ceux des employés de leur grade qui sont dans les provinces. Lorsque l’administration des finances s’est organisée après les journées de septembre, les emplois supérieurs se sont recrutés de fonctionnaires de divers grades occupés dans les provinces ; ils avaient les grades de directeur, de contrôleur ; ils ont été appelés dans les mêmes grades à l’administration centrale. Il n’y avait pas lieu à leur enlever ces grades : d’un instant a l’autre, si le service l’exigeait, si des circonstances individuelles l’exigeaient, ces employés pourraient être renvoyés dans les provinces. Dans la dernière organisation donnée à de l’enregistrement, un directeur de Hasselt est venu ici occuper le même grade qu’il avait dans la province. Il dirige une division et on lui a laissé son titre. Les chefs de bureau qui ont été contrôleurs portent encore ce titre.
Je pense, par ces détails, avoir suffisamment justifié les dénominations des employés de l’administration centrale. Cela ne porte aucun préjudice à cette administration, puisque les salaires restent les mêmes.
Je passe à une question faite par un honorable député de Bruges : à quoi sert le secrétaire-général ? Le secrétaire-général voit entrer dans le ministère toutes les pièces qui lui sont adressées, quelque nombreuses quelles soient ; il en fait la distribution dans les diverses administrations qui doivent en connaître : un indicateur est sous sa surveillance ; et il est autorisé à ne laisser aucune pièce en arrière. Le secrétaire-général est l’homme de confiance du ministre pour tous les objets confidentiels.
Tout ce qui met le ministre des finances en relation directe avec le cabinet, ou avec les autres administrations du royaume, doit être préparé par le secrétaire-général, et cette tâche en vaut bien une autre. Et je dois le dire, le ministre ne saurait mieux placer sa confiance que dans la personne du titulaire actuel. Le secrétaire-général surveille tout le matériel du ministère des finances ; il préside à toutes les adjudications, à tout ce qui se fait au nom du ministre. Pour ce travail, un certain genre de connaissances est nécessaire. Il y a surtout beaucoup de probité nécessaire pour cette partie du service du secrétaire-général. Enfin, il surveille la bonne conduite des affaires, et lorsque le ministre conçoit le moindre doute sur quelques-unes d’entre elles, il a recours aux réflexions du secrétaire-général ; ainsi, ce fonctionnaire doit avoir une grande étendue de connaissances, puisqu’il doit répondre au ministre sur toutes les questions que celui-ci lui adresse.
Quant à la présence de l’inspecteur-général au conseil, et sur laquelle on a fait des observations, on doit en sentir toute l’utilité, en considérant les connaissances acquises par ce fonctionnaire dans la pratique, dans le service et les lumières qu’il apporte dans la solution des questions.
M. Jullien. - Je remercie M. le ministre de sa complaisance : il a répondu à l’interpellation que je lui ai faite ; c’est à la chambre à juger si la réponse est satisfaisante.
J’ai demandé non seulement ce qu’était le secrétaire-général, mais encore ce qu’était le secrétariat-général ? On ne m’a pas répondu sur cette dernière question.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je le ferai.
M. Jullien. - Le secrétaire général partage les pièces entre les bureaux : n’est-ce pas là le travail d’un simple commis ? Par le moyen d’un indicateur, les pièces vont trouver les bureaux qu’elles concernent. Pour cette besogne il ne faut pas un haut fonctionnaire, une haute capacité avec de hauts traitements.
Le secrétaire est le confident du ministre ; c’est à lui que le ministre s’en rapporte pour toutes les choses confidentielles. Mais lorsque le ministre des finances a autour de lui quatre ou cinq hauts administrateurs, ne peut-il pas en choisir un pour confident ?
Le secrétaire-général préside les adjudications : il ne faut pas un homme spécial pour cette besogne. Il serait rationnel que chaque administrateur présidât les adjudications qui sont dans ses attributions.
Le secrétaire-général surveille la bonne direction des affaires : chacun des administrateurs ayant la direction pleine et entière de ce qui le concerne, ils sont le ministre lui-même dans chaque partie. Que peut dire le secrétaire-général à ces hauts fonctionnaires ? S’il se permettait de leur faire des observations, ne lui diraient-ils pas : Cela ne vous regarde pas ?
A quoi bon les quatorze employés du secrétariat ? Dans chaque bureau n’y a-t-il pas chef, sous-chef, expéditionnaire en chef, commis, sous-commis ? Le ministre ne nous a pas dit à quoi servaient ces quatorze employés ; mais il a promis de le faire.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai oublié de parler de l’une des importantes attributions du secrétaire-général, c’est son contreseing sur tous les actes du ministre et tous les actes du chef de l’Etat. Aucun arrêté, aucune disposition générale, rien de ce qui émane du ministère sous la forme d’ordre de service, d’arrêté, d’instructions, ne voit le jour sans le contreseing du secrétaire-général.
Quant aux employés du secrétariat, je pense que le secrétaire général lui-même, puisqu’il a l’avantage d’être député, pourra donner les éclaircissements nécessaires sur le travail continuel de ces employés.
Toutes les expéditions relatives au personnel des fonctionnaires qui ressortissent de la vaste administration des finances se font au secrétariat-général, et M. Jadot pourra vous dire que ses employés ne sont pas trop nombreux pour leur service.
M. Jadot. - Les quatorze employés du secrétariat-général travaillent du matin au soir. Ce sont eux qui préparent les états généraux du budget des finances ; cela peut déjà vous donner une idée de la nature de leurs travaux. Aucun employé des finances n’est plus occupé qu’eux.
M. Lardinois. - Le ministre des finances ayant fait un appel à la franchise, à la loyauté des membres de cette chambre, je vais faire connaître mon opinion sur la réduction proposée par la section centrale.
D’après les explications données par plusieurs orateurs, et notamment par M. Donny, vous avez pu voir que la réduction proposée reposait principalement sur le changement de système dans l’administration financière : s’il n’y avait pas d’autres motifs pour justifier la réduction, j’en voterais le rejet, car un changement de système financier ne peut être opéré que par un homme capable de le concevoir et de le soutenir. En attendant qu’on le trouve, je n’admettrai pas les conclusions de la section centrale ; mais je crois qu’on peut justifier autrement l’économie demandée ; il ne faut pour cela qu’examiner les chiffres des paragraphes de l’article 2.
Je repousse d’abord l’augmentation demandée sur le chiffre de l’année dernière. L’honorable rapporteur l’a établie à 4,622 fr. Et je ne sache pas que l’on ait réfuté ses calculs.
Les traitements des administrateurs et du secrétaire-général pourraient à mon avis supporter une réduction de 300 francs pour chacun, soit fr. 2,500.
Je crois également qu’on pourrait réduire les traitement des chefs de division à 5,000 francs, au lieu de 5,250. Mon opinion se fonde sur l’allocation demandée pour l’inspecteur du trésor qui est de 4,000 pour 1834. Vous savez cependant, messieurs, c’est un employé supérieur, chargé d’une besogne difficile et d’un mérite distingué. S’il se contente de 4,000 francs, il me semble que les chefs de division seront assez rétribués avec 5,000 fr. ; cela produirait encore fr. 2,500.
En nous référant aux observations de l’honorable député de Bruges, touchant le secrétariat-général, et aux explications de M. le ministre, je conclus que les attributions du secrétaire-général sont bien minimes, et je ne considère ce haut fonctionnaire que comme le chef d’un bureau d’expédition ; et dans ce cas, on pourrait le supprimer.
Je vous ferai encore remarquer qu’au budget de 1832, il avait été promis de supprimer le chef de division qui a 5,250 fr., pour le placer à la dette publique. Le titulaire étant un homme de mérite, je ne trouve pas son traitement trop élevé ; mais je voudrais qu’il fût employé plus convenablement dans l’intérêt de l’administration.
J’aborde maintenant l’administration des postes et messageries.
Dans la séance d’hier, l’honorable député de Marche a fait valoir sur cette branche de l’administration des considérations sérieuses qui ont d’autant plus de poids que l’orateur se trouve dans une position à pouvoir juger sainement les choses dont il parle.
Il existait sous l’ancien gouvernement un administration des postes ; mais je vous ferai observer que cet emploi avait été donné à un ancien fonctionnaire pour le récompenser prétendument de ses services.
Vous savez du reste que le roi Guillaume n’était pas chiche de pareilles faveurs.
L’honorable M. Jadot vous a parfaitement expliqué les inconvénients de l’organisation de l’administration centrale des postes. Je pense avec lui que la place est une sinécure. Mais, dit-on, il remplit en même temps les fonctions de directeur. Voyons quelle est l’économie que ce cumul présente.
Sous l’ancien directeur il n’existait pas de comptable parce que lui-même faisait cette besogne ; cet emploi est aujourd’hui payé, 25,00 fr.
Il y avait bien un contrôleur chargé des leges, mais comme ils sont supprimés, la place devient inutile : 2,000 fr.
L’hôtel se loue pour : 6,500 fr.
Ensemble : 11,000 fr.
Il faut déduire de cette somme l’indemnité payée à l’ancien directeur : 3,500 fr.
Dépenses en plus qui n’avaient pas lieu sous l’ancienne direction : 7,500 fr.
Vous devez ajouter à cette somme les frais de chauffage, d’éclairage, etc., qui sont assez considérables.
D’après ce calcul vous voyez donc, messieurs, que les frais d’administration des postes sont susceptibles de réduction.
Un honorable orateur, membre de la section centrale, vous a demandé hier un tableau des émoluments que se partagent les employés des postes. J’aime à croire que M. l’administrateur est prêt à nous satisfaire à cet égard.
M. l’administrateur des postes, commissaire du Roi. - Je dois, messieurs, donner à la chambre quelques explications ; elles sont en partie relatives au personnel de l’administration des postes, et auraient pu trouver leur place à l’époque de la discussion du chapitre du personnel des postes dans les provinces ; toutefois je les donnerai dès à présent, car ce chapitre du budget ne laisse pas que d’avoir une certaine corrélation avec celui de l’administration centrale qu’on discute en ce moment.
Je signalerai d’abord une erreur qui a été commise par la section centrale dans l’énumération des sommes demandées à chaque budget pour l’administration centrale des postes. D’après le rapport de la section centrale elle n’est portée au budget de 1834 que pour 33,500 fr., tandis qu’elle était portée au budget de 1833 pour 39,500 ; c’est-à-dire qu’on pourrait obtenir déjà une économie de 4,000 fr. C’est une grave erreur. Car si cette différence existe entre les budgets de ces deux années, c’est qu’un inspecteur aux appointements de 4,000 fr., qui figurait au chapitre de l’administration centrale, en a disparu pour être porté à celui de l’administration des provinces. Lors donc que nous vous demandons, pour le budget de 1834, 35,500 fr., nous demandons la même somme qu’en 1832 et en 1833 ; il n’y a eu aucune différence entre les sommes allouées pour ces deux années et celle demandées pour 1834.
Lorsque l’honorable rapporteur de la section centrale conteste l’allocation demandée par l’administration centrale des postes, il ne considère pas les nombreuses réductions qu’elle a déjà éprouvées ; il ne fait pas attention que, bien que de nouvelles réductions soient encore possibles, les améliorations à introduire dans ce service ne peuvent se faire sans majorations. Je ferai observer que toutes les réductions possibles ont été faites en 1832 ; elles s’élevèrent alors à 4,000 florins, et M. le ministre, lors de leur adoption, vint déclarer que des majorations seraient nécessaires.
Depuis lors, des améliorations ont été introduites, le travail a été considérablement augmenté, et cependant on n’a demandé aucune majoration. Il me sera facile de vous prouver l’augmentation du travail de l’administration centrale. En effet, précédemment elle n’avait dans son sein que 12 employés et 4 surnuméraires ; en 1834 elle occupe 12 employés et 10 surnuméraires, en tout 22 employés qui sont constamment occupés, et que certainement l’administration ne conserverait pas si la besogne ne nécessitait leur présence.
Au lieu de réductions proposées, des majorations sont indispensables lorsqu’il reste encore à introduire dans l’administration une foule de mesures dont on n’a pu s’occuper encore. Je demanderai à la chambre la permission d’entrer dans quelques détails, et de lui présenter quelques considérations sur les améliorations qui ont été faites et celles qui restent à faire.
L’administration des postes n’a pu s’occuper jusqu’à présent que des améliorations les plus urgentes, et qui devaient produire immédiatement des avantages au public. Elle s’est en conséquence spécialement attachée à perfectionner le transport des dépêches, afin d’établir entre tous les points principaux du royaume des relations plus promptes et plus nombreuses.
Mais il est un grand nombre d’améliorations du service intérieur dont elle reconnaît le besoin, et qu’elle a dû ajourner jusqu’à ce que l’augmentation de son personnel lui permette de se livrer au travail considérable qui doit les coordonner.
Telles sont : la révision de toutes les circulaires des administrations française et hollandaise, et la réunion de toutes les dispositions utiles en une seule instruction générale, qui règle tout le service de la poste aux lettres ;
La confection d’une dictionnaire général des postes, contenant toutes les communes, hameaux, écarts, situés en Belgique, avec l’indication des bureaux de poste par lesquels ils sont desservis.
Le règlement des franchises et contreseings doit être révisé de commun accord avec tous les chefs des diverses administrations générales : on comprendra combien ce travail demandera de soins et de temps, si l’on veut bien remarquer qu’il forme un volume in-quarto.
Une nouvelle loi sur la taxe des lettres doit itérativement être présentée à la législature ; aussitôt son adoption il faudra refaire tous les tarifs de tous les bureaux de poste du royaume.
Une autre loi doit encore lui être soumise. C’est celle destinée à régir le service des messageries et à faire cesser les plaintes qui se sont élevées jusqu’aux chambres.
Les relations de la Belgique avec les pays voisins doivent être réglées par de nouvelles conventions. La négociation de plusieurs d’entre elles est déjà commencée. Au fur et à mesure qu’elles seront terminées, il faudra rédiger les règlements nécessaires à leur exécution par les agents de l’administration belge.
Le service rural est adopté en principe, et sa mise en activité peut être ordonnée incessamment. Il faudra alors créer les nouveaux bureaux nécessaires à la répartition des lettres sur tous les points du royaume, établir les services destinés à desservir ces bureaux, nommer les facteurs ruraux et régler leur marche, enfin répartir les boîtes aux lettres et le matériel de ce nouveau service.
Plusieurs dispositions de lois ou arrêtés demandent à être modifiées ; telles sont celles sur le timbre des journaux étrangers, la perception du droit de barrière mise à la charge des maîtres de poste, etc.
Un grand nombre de règlements généraux doivent être rédigés.
Enfin, l’institution de la poste aux chevaux qui a déjà été l’objet de nombreuses dispositions, réclame encore une nouvelle fixation des distances, qui mette en harmonie l’évaluation qui en est faite légalement, et le parcours réel.
Plusieurs lignes de poste nouvelles doivent être établies afin d’assurer sur tous les points du territoire le service du gouvernement et celui du public.
Vous voyez donc, messieurs, qu’il reste encore des améliorations importantes à établir, et qui réclameront nécessairement des majorations dans le budget des postes.
(Erratum au Moniteur belge n°33, du 2 février 1834 :) Il me reste un mot à dire en réponse aux allégations de M. Jadot et aux interpellations de MM. d’Huart et Lardinois, relativement aux émoluments que je reçois comme directeur des postes de Bruxelles.
Le directeur qui occupait cet emploi en 1830, et qui l’occupait depuis 20 années, touchait à ce titre 6,000 francs d’appointements. Depuis que je suis chargé de ce service, je me sois fait rendre compte des diverses parties qui composent le système de la perception ; j’ai proposé à M. le ministre un travail pour le modifier, et j’ai moi-même provoqué la réduction de mes émoluments à 2,400 francs, réduction qui existe depuis deux années. Je remets ce travail détaillé à M. le ministre des finances, pour qu’il puisse en saisir la section centrale.
Il me reste à aborder une question qui paraît être un objet de sollicitude continuelle de la part de certaines personnes en dehors de cette chambre ; je veux parler de la réunion de la direction des postes de Bruxelles à l’administration centrale. J’entrerai à ce sujet dans quelques détails généraux.
D’ailleurs, messieurs, le service de la poste, j’ai déjà eu l’honneur de le dire dans cette enceinte, doit être considéré, moins comme une branche de produit, que comme une organisation dont le principal but est la prestation de moyens de communication prompts, réguliers et multipliés, entre les diverses parties de la société.
Les bénéfices qui sont le résultat de cette organisation, ne doivent se présenter au législateur et au gouvernement que comme un objet secondaire ; mais il faut que toute la sollicitude de celui-ci s’attache constamment à justifier le privilège qui lui est accordé.
La promptitude et la sûreté des moyens de communication sont aujourd’hui l’une des conditions dont l’accomplissement importe le plus aux développements de la prospérité et de l’industrie.
La tendance générale qui porte l’attention publique et fait affluer les capitaux vers les entreprises qui ont pour objet l’amélioration des moyens de transport, démontre cette vérité à l’évidence.
L’administration des postes doit, pour répondre à son but, redoubler d’efforts, afin de satisfaire, autant qu’il dépend d’elle, aux besoins qui se développent successivement et de maintenir une suprématie qu’il est de son intérêt de conserver.
Elle doit donc diriger principalement ses investigations vers tout ce qui est propre à augmenter cette supériorité, et elle ne peut le faire avec fruit qu’en surveillant le transport des dépêches jusque dans ses dernières ramifications,
Un des moyens les plus efficaces d’atteindre ce but important, est de rendre l’administration le centre d’action du service journalier, afin qu’elle soit nécessairement informée, à chaque instant, de ses moindres particularités, et qu’elle obvie promptement aux inconvénients qui peuvent se présenter.
Un autre moyen non moins essentiel pour réaliser une bonne organisation postale est d’établir sur les principaux points de son action des agents actifs et intelligents qui soient à même non seulement d’exécuter avec précision les ordres qu’ils reçoivent, mais encore de comprendre les améliorations commandées par les besoins et l’importance des lieux où ils se trouvent placés.
Toutefois cette dernière condition ne serait pas indispensable, si l’administration pouvait se multiplier de manière à imprimer une action et une surveillance immédiate et continuelle sur toutes les localités confiées à ses agents.
Il suffirait alors de transformer ceux-ci en de simples distributeurs dont les fonctions se borneraient à communiquer avec le public pour la remise des lettres, et avec le trésor, pour la gestion des fonds qui leur sont confiés.
Mais, dans l’impossibilité où se trouve l’administration d’être partout instantanément, il a fallu recourir à des auxiliaires, que l’on a qualifiés du nom de directeurs, et qui dès lors se sont trouvés investis des attributions doubles de mandataires de l’administration et de comptables du trésor.
Ainsi, sur tous les points où il y a des bureaux de postes, les préposés sont chargés, dans leur ressort, de concourir avec l’administration, tant à maintenir et à surveiller les communications établies, qu’à étendre et à développer les communications à établir.
Il résulte de ce qui précède que là où est le centre, le siège de l’administration, il est superflu de créer un directeur, pour lui donner des attributions que l’on n’a confiées à ceux placés sur d’autres points qu’en raison de l’absence ou à défaut du concours immédiat de la surveillance suprême.
Un directeur, dans un pareil cas, ne ferait même qu’entraver le service ; car, ne pouvant suppléer à l’autorité supérieure, il devrait se borner à faire des rapports, et les délais qui seraient nécessaires pour vérifier et apprécier ses allégations, entraîneraient des retards pendant lesquels le service serait exposé à rester en souffrance. Il ne pourrait d’ailleurs signaler que les inconvénients qui se feraient sentir dans son arrondissement, tandis que l’administration peut embrasser d’un coup d’œil et la cause et ses conséquences, et y porter immédiatement remède. Peu importerait au surplus à un directeur que les coïncidences fussent assurées dans tout le royaume, pourvu que les courriers arrivassent en temps à son bureau.
C’est ce qui a été compris à l’instant où, par suite de la révolution, la ville de Bruxelles est devenue le point central, la capitale du royaume. Dès le mois d’octobre 1830, l’honorable M. Coghen qui siège dans cette enceinte, alors ministre des finances, s’empressa, dans l’intérêt du commerce dont il est l’un des principaux organes, de poser le principe de la réunion de l’administration des postes à la direction de Bruxelles ; du moins, c’est ainsi qu’il paraît l’avoir entendu, puisqu’il serait impossible d’interpréter autrement la location qu’il fit, pour le 1er novembre de la même année, d’un hôtel qui, beaucoup trop vaste pour la direction seule, fut immédiatement préparé pour recevoir les bureaux de l’administration centrale ; cet antécédent fut sanctionné par un arrêté du gouvernement provisoire, en date du 31 décembre suivant, lequel, en supprimant les fonctions de directeur, plaça le bureau de Bruxelles sous la direction de l’administrateur des postes.
La mesure dont l’honorable M. Coghen avait reconnu les avantages, reçut un perfectionnement par arrêté royal en date du 27 août 1832. Par cet arrêté, le chef de l’administration fut déchargé de la gestion ou responsabilité matérielle attachée aux fonctions de directeur des postes ; cette partie du service fut confiée à un agent comptable, à l’instar de ce qui a lieu en France.
Ainsi, le caissier devint un comptable ordinaire du département des finances, et relevant de la cour des comptes. Il fut astreint à verser un cautionnement au trésor.
En prenant les mesures dont je viens de parler, le trésor a fait une notable économie et si M. le ministre des finances veut bien accueillir l’organisation nouvelle que j’ai eu l’honneur de lui proposer, et tendant à fondre complètement le service de la direction dans celui de l’administration, le pays aura gagné, à la seule réorganisation du bureau de Bruxelles, une somme qui s’élèvera à environ 9,000 fr.
J’entrerai ici dans quelques détails pour réfuter MM. Jadot et Lardinois. Voici comment s’exprimait M. Lardinois dans la séance d’hier :
« Quant à l’économie, il n’en est résulté aucune : les pensions qui, à l’occasion de cette organisation, ont été accordées à des employés qui ne demandaient pas leur retraite ; le traitement du caissier qui devrait, à Bruxelles comme ailleurs, être à la charge du directeur ; l’augmentation des frais de loyer, d’éclairage, de chauffage et de menues dépenses de bureaux, tout cela excède le traitement et les indemnités que recevait le directeur supprimé. »
Il ne me sera pas difficile de démontrer combien tout cela est inexact. Il est constant que l’ancienne organisation de la direction de Bruxelles, d’après le tableau présenté à M. le ministre qui a dû se trouver sous les yeux de l’honorable M. Jadot, ne s’élevait pas à moins de 29,000 fr. Par suite du travail que j’ai proposé, elle ne s’élève qu’à 20,000 fr. Il y a donc une diminution de 9,000 francs.
Il est vrai que je n’ai pas compris dans mes calculs les frais de loyer et de bureau. C’est que ce calcul ne pouvait être fait que d’une manière imparfaite. Ainsi, pour loyer, il était alloué à l’ancien directeur 1,500 florins, et le loyer de l’hôtel des postes actuel coûte 6,500 francs. Mais l’ancien directeur n’avait que les employés de la direction, tandis que le directeur actuel a 25 employés de l’administration centrale. On ne peut donc établir de calcul. Il est évident que les frais de bureau devront être plus forts pour 40 employés que pour 20 ; car ils consommeront plus de papier, de plumes, d’encre, etc.
On ne peut se plaindre de la majoration qu’ont subie ces deux objets, le loyer et les frais de bureau, puisque les employés qu’il y a eu de plus à la direction des postes eussent été placés ailleurs s’ils ne l’avaient été là, et qu’il leur aurait toujours fallu un local et des frais de bureau.
Mais, dit M. Jadot, on a induit la section centrale en erreur, lorsqu’on lui a dit que l’administration centrale était organisée comme en France. Je cherche vainement sur quoi se fonde cette opinion de M. Jadot. En effet, jetons un coup d’œil sur l’administration des postes françaises, et on verra qu’à cela près de la différence, nécessitée par l’importance de la France, l’organisation est absolument la même dans les deux pays.
L’administration des postes françaises comprend non pas trois divisions, car elle en contient plus de 20, mais 3 sous-directions ayant des divisions en dessous d’elles. Elle a, il est vrai, un conseil des postes qui n’existe pas en Belgique. Mais cette différence unique cessera bientôt, puisque l’administration des postes doit être organisée de la même manière que les autres, et que prochainement elle aura aussi son conseil.
M. de Brouckere. - Il faut bien espérer que non.
M. l’administrateur des postes. - Il y a donc à Paris trois sous-directions, et la troisième sous-direction a dans ses attributions les départs et arrivées, la réception des dépêches venant de tous les départements, la fermeture des dépêches à expédier dans tout le royaume. Cette sous-direction comprend une division pour le service de Paris, organisée absolument de la même manière. il y a de plus un agent comptable. Qu’ai-je proposé, sinon absolument la même chose, à moins qu’on ne veuille donner à l’administration la même importance qu’elle a en France ? Il y a à Paris un chef de division, chargé du service de la capitale ; j’ai un contrôleur chef de bureau, chargé du service de Bruxelles. Il y a à Paris un agent comptable ; j’ai également un agent comptable, chargé de la comptabilité des directeurs des provinces. Seulement cet employé à Bruxelles n’a chaque jour que 11,000 lettres ou imprimés qui lui passent par les mais, tandis qu’en France il en reçoit ou expédie 222,000 par jour. Cet employé n’a donc pas et ne peut pas avoir cette même importance.
Ainsi, à cela près que le personnel de l’administration de Bruxelles est moins nombreux, son organisation est entièrement identique avec celle de Paris. Elle a produit en outre, comme je l’ai établi, une économie de 9,000 francs.
Toutefois, messieurs, ne vous y trompez point, c’est moins dans l’intérêt du trésor que dans l’intérêt du commerce, du public et du service en général, que ce système a été adopté. En le consacrant, le gouvernement a prouvé qu’il comprenait l’administration ; il a supprimé une superfétation, un véritable double emploi ; il a enfin organisé un service de postes bien entendu. En effet, c’est en vain que l’on espérerait obtenir le même résultat en persistant à isoler le service de Bruxelles du chef des administrations, ou à éloigner ce chef du local où est établi le service. Leurs rapports sont si intimes et si fréquents que l’on serait exposé à tout entraver en les séparant. Leur réunion présente une foule d’avantages dont je me bornerai à vous signaler les principaux.
Elle permettra à l’administration d’opérer une vérification journalière du travail des employés en province ; car tous les bureaux de poste devant être mis en relation directe avec celui de la capitale, chaque jour ils ont à lui adresser une dépêche et leurs opérations sont ainsi contrôlées à chaque instant ; ce résultat ne pourrait être obtenu que d’une manière incomplète si le bureau de Bruxelles formait une direction séparée.
Cette réunion facilitera également l’introduction de toutes les mesures nouvelles : lorsque l’administration voudra tenter une amélioration, elle pourra l’essayer au bureau de Bruxelles, où une surveillance plus immédiate en garantira la bonne exécution ; et ce ne serait qu’après en avoir fait disparaître les inconvénients que cette épreuve pourrait faire reconnaître qu’elle serait transformée en mesure générale.
Mais la réunion est surtout utile pour la surveillance du transport des dépêches statistiques. La promptitude de ce service et la coïncidence de ses diverses parties en sont les deux conditions les plus essentielles. Elles ont aussi celles qu’il est le plus difficile de concilier . car la promptitude exigerait que le temps accordé pour chaque voyage fût aussi restreint que possible, et pour que les coïncidences fussent assurées, il faudrait au contraire laisser une latitude suffisante pour compenser les retards qu’il est impossible de prévoir.
Toute la bonté d’un système de transport dépend de la manière dont ces deux exigences contradictoires sont conciliées ; or donc, comme elles doivent l’être différemment selon les saisons et l’état des routes, il est on ne peut plus utile que l’administration soit placée à même de connaître à chaque instant les besoins du service, afin d’y pourvoir promptement : avantage pour le commerce.
L’honorable M. Jadot, au commencement de son discours, a paru ne pas comprendre les motifs qui pouvaient faire désirer au commerce de Bruxelles la réunion de la direction à l’administration centrale. Il y a dans cette enceinte plusieurs honorables membres qui représentent le commerce, à qui je laisserai le soin de lui exposer le haut intérêt qu’ont les négociants à cette organisation. Je vais néanmoins signaler quelques-uns des avantages qu’elle présente au commerce.
Il se présente une foule de cas où il a un grand intérêt à ce que le chef de l’administration habite le local où sont réunis et l’administration et tout le service actif.
Tel est, par exemple, le cas de la réclamation d’une lettre tombée au rebut, et contenant des effets de commerce dont la remise immédiate peut être d’un très grand intérêt. Les instructions attribuent au chef de l’administration seul l’appréciation des circonstances qui peuvent exiger la remise immédiate de semblables lettres, avant que toutes les formalités à remplir dans les cas ordinaires aient été accomplies.
Pareille demande peut se représenter souvent, soit pour les lettres saisies, soit pour les lettres mises au rebut pour insuffisance ou erreur d’adresse.
Il arrive encore qu’un négociant a un besoin urgent de faire parvenir une lettre à l’étranger ou dans le royaume, sans retard, et que l’heure fixée pour la dernière levée des boîtes soit passée : le chef de l’administration peut ordonner l’acceptation de cette lettre dans les bureaux et son insertion dans les dépêches, si, d’un côté, les motifs allégués pour obtenir cette déviation au règlement lui paraissent suffisants, et si, d’un autre, le retard qui en résulte n’expose le service à aucune entrave, faits dont l’appréciation ne peut en aucune manière être attribuée à un directeur, qui ne doit s’occuper que de son arrondissement.
La présence du chef de l’administration, dans le local du service de Bruxelles, est encore nécessaire à la prompte expédition des affaires urgentes. Il arrive souvent que des demandes relatives à un service pressé, et qui exige des mesures immédiates, ne sont remises à l’administrateur qu’après les heures du bureau. Il faut donc, non seulement qu’il ait toujours sous la main des employés pour formuler les ordres nécessaires pour assurer le service, mais encore qu’il puisse disposer d’un moyen d’action prompt et efficace, afin de faire parvenir et exécuter ces ordres sans retard. La première de ces conditions est remplie par la présence continuelle de l’administrateur à l’hôtel des postes qu’il habite, et où il se trouve toujours des employés ; et la seconde exige que la direction de Bruxelles soit également dans le même local et sous la dépendance immédiate de l’administration.
En pareille circonstance, un directeur serait inutile, parce que les ordres à donner dépassent la limite de son pouvoir, et il serait souvent nuisible par les retards qui résulteraient de la nécessité de son concours pour l’exécution de ces ordres.
L’exemple des pays voisins concourt encore à démontrer qu’il est nécessaire que le service des postes de la capitale fasse partie de l’administration générale.
Les avantages qui en résultent, et que je viens d’avoir l’honneur d’énumérer, ont été appréciés partout où le service des postes a été compris, et notamment, par l’administration des postes royales prussiennes et de S. A. le prince de la Tour et Taxis, les plus parfaites de l’Allemagne
En Angleterre, la même chose se représente, autant du moins que la différence d’organisation peut le permettre ; mais là aussi, le service de la capitale s’opère sous les ordres directs de l’un des chefs du post-office, et les employés du bureau de Londres font partie de l’administration générale, et sont placés sous sa surveillance immédiate.
Dans ces pays, le même hôtel renferme les bureaux chargés des deux services, et il est habité par le chef de l’administration.
Le gouvernement des Pays-Bas aurait sans doute suivi ces bons exemples si le royaume avait eu une capitale ; mais il se trouvait à cet égard dans une position exceptionnelle,. qui s’y opposait formellement.
En France, où l’organisation est absolument la même qu’en Belgique, le service de Paris et de son arrondissement forme une dépendante de la direction générale, dans le local de laquelle il est placé ; il est une subdivision de la troisième sous-direction dépendante de l’administration centrale.
Les considérations qui précèdent prouvent donc à l’évidence que l’intérêt général et celui du trésor exigent que le bureau de Bruxelles reste réuni complètement à l’administration des postes. Aussi, messieurs, loin de constituer de nouveau ce bureau en direction indépendante, vous émettrez l’opinion qu’il faut maintenir ce qui existe : l’expérience vous en fait un devoir. Deux faits puissants ont parlé. D’un côté, le commerce de Bruxelles nous a dit qu’il avait un bon service de poste ; et vous ne perdrez pas de vue que les recettes se sont accrues de près d’un quart depuis 1830.
M. le président. - M. Lardinois déposé un amendement ainsi conçu :
« Je propose de réduire à 464,000 fr. le chiffre de l’article 2 du budget des finances montant à 473,500 fr. - Diminution sur le chiffre du budget, 9,500 fr. »
M. Lardinois désire-t-il ajouter quelques développements à ceux qu’il a déjà présentés ?
M. Lardinois. - Je n’ai jamais été partisan des réductions sur les traitements des employés ; je sais que leur mérite et leurs services sont rarement bien rétribués, et que leur avenir n’est pas brillant.
Je n’ai donc pas voulu appuyer la réduction proposée, montant à 23,000 francs. Je n’ai pas voulu gêner le ministère ou entraver sa marche ; mais j’espère qu’il comprendra la pensée de la chambre, qu’il s’occupera de changer son système et d’introduire des améliorations dans son administration.
Je me suis borné à une réduction de 9,500 francs. Mais je dois expliquer sur quoi je désire que M. le ministre la fasse porter ; ce n’est pas assurément sur les petits traitements, mais au contraire sur les gros traitements, attribués aux hauts employés.
Voici comment la réduction doit être répartie :
- Secrétaire-général et administrateurs ; réduction de 300 fr. sur le traitement de chacun d’eux, ensemble fr. 2,500
- Chefs de division et autres fonctionnaires supérieurs, fr. 2,500
- Secrétariat-général et administration des postes, fr. 4,500
Total : fr. 9,500.
Si je suis l’ennemi de la réduction des salaires attribués aux employés laborieux, je ne le suis pas moins des sinécures, ainsi qu’il y en a, dit-on à la trésorerie comme il y eu a au secrétariat-général, emplois dont on avait promis la suppression. J’appelle là-dessus l’attention de M. le ministre et je borne là mes observations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Il n’est pas toujours facile de démontrer avec évidence la nécessité de l’organisation existante dans tel ou tel ministère, de faire voir les dangers de supprimer tel ou tel rouage administratif avant d’avoir tenté l’essai de ces suppressions aventureuses. Aussi, des changements dans l’administration d’un pays doivent-ils être évités autant que possible, à moins d’avantages économiques très patents, très clairement prouvés ; or, ici les avantages consistent dans une réduction peu considérable demandée pour ainsi dire au hasard, car rien n’a été réellement précisé à l’égard de cette réduction. Des improvisations économiques aussi vaguement indiquées que celles dont nous nous occupons ne sont pas de mon goût, ne me paraissent pas devoir être adoptées légèrement par la chambre.
Je viens d’entendre demander par M. Lardinois des diminutions minimes sur des traitements. Ces diminutions périodiques, au retour de chaque discussion annuelle du budget, ne sont bonnes qu’à jeter la perturbation, l’inquiétude parmi tous les employés au service du pays ; elles les découragent, elles rendent leur situation précaire, elles tuent l’esprit d’amélioration et de progrès parmi les employés supérieurs ou inférieurs.
A peine sommes-nous constitués dans notre état d’indépendance nouvelle, à peine l’organisation des diverses branches d’administration est-elle établie en Belgique, que l’on propose des changements dont l’urgence et le bénéfice ne sont nullement justifiés ; et cependant, messieurs, peut-on faire tout à la fois chez un peuple récemment affranchi ? A force de vouloir perfectionner trop vite une foule d’objets de détail, on retarde indéfiniment le jour où le pays sera doté des institutions majeures, indispensables à son existence. On nous lance dans un dédale d’explications confuses qui se heurtent et s’entrechoquent sans qu’il en jaillisse de véritable lumière ; et pourquoi ? Parce que chaque chose a son temps, parce que l’expérience n’a pas encore prouvé suffisamment que les améliorations, les économies peu importantes que l’on réclame, sont utiles et motivées.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je désire présenter à la chambre quelques éclaircissements qui seront d’autant mieux placés ici qu’ils répondront à ce qu’a dit précédemment tout à l’heure encore M. Lardinois. Il fait porter une partie des économies qu’il propose de faire sur le secrétariat-général, et rappelle la promesse qui avait été faite de supprimer un chef de division dans cette partie de l’administration. Mais, messieurs, cette promesse a été exécutée et au-delà. Il y avait deux chefs de division au secrétariat-général, il n’y en a plus qu’un maintenant. Il n’y a plus également de secrétaire de cabinet comme précédemment. Ces deux fonctionnaires ont été supprimés, et leurs attributions ont été réunies à celles du seul chef de division qui soit au secrétariat-général et qui se trouve chargé ainsi du travail que trois personnes se partageaient auparavant.
Le rapporteur de la section centrale signale plusieurs accroissements de dépense, mais garde le silence sur les réductions successives opérées d’année en année sur le budget de l’administration centrale, et qui l’ont réduit au strict nécessaire. Le chiffre des allocations de chaque année en fournit une preuve remarquable. Le secrétariat-général figurait au budget de 1830 pour une somme de 44,500. Cette somme a été réduite en 1831 à 36,000 fr., en 1832 à 31,200, et en 1833 elle ne s’élevait qu’à 28,000. Pareille somme est demandée pour ce même objet au budget de 1834. Ainsi, le secrétariat-général a été réduit de plus d’un tiers depuis 1830. J’infère de là qu’il n’y a plus sur cet objet de réduction possible, que d’autres réductions compromettraient la marché du service.
M. A. Rodenbach. - Je viens ajouter une interpellation à celle de notre honorable collègue M. Jullien. Il est certain que le budget des finances est considérablement augmenté. Il s’élevait en 1832 à 209,000 fl., ce qui fait 425,000 fr. Il y a donc une augmentation d’environ 48,000 fr. Avant de donner mon vote, je désirerais savoir d’où provient cette augmentation. Il y a eu sans doute, pour la motiver, d’immenses changements. Je désirerais avoir à cet égard une explication claire de la part de M. le ministre des finances. Je ferai observer à M. le ministre qu’il est dangereux d’opérer ainsi des changements, d’improviser pour ainsi dire une nouvelle organisation. Ce système jette assurément plus de perturbation dans l’administration que les réductions que nous proposons.
Je sais que l’administration de l’enregistrement n’est pas comprise dans la somme de 475,500 fr. demandée pour l’administration centrale, et que les années précédentes elle figurait dans cette partie du budget. Mais cela n’explique pas la différence de 48,000 fr. que j’ai indiquée. Je demande à ce sujet, à M. le ministre, des explications que toute la chambre, sans doute, sera bien aise d’avoir.
M. Angillis. - Messieurs, j’avais demandé la parole, lorsqu’on discutait sur le secrétariat-général : je crois pouvoir revenir sur cette question. Mon honorable ami, qui siège à côté de moi et avec qui j’ai l’honneur de me trouver souvent d’accord, a présenté des considérations qui ont démontré l’inutilité du secrétariat-général. Ces considérations, développées avec une grande lucidité, ont fait beaucoup d’impression sur moi. M. le ministre a répondu à quelques-unes de ces considérations, et il a tâché de démontrer que tout le travail du ministère reposait sur le secrétariat-général. L’honorable M.. Jadot, qui est très intime avec le secrétaire-général, est venu affirmer tout ce que le ministre a dit non seulement sur l’utilité du secrétariat-général, mais sur l’indispensable nécessite de le conserver. Il a même ajouté que tous les employés attachés au secrétariat-général étaient occupés depuis le matin jusqu’au soir.
Il est donc démontré que le secrétariat-général est la cause motrice, la machine locomotrice de toute la mécanique financière. Ce point admis, reste une question : Si toutes les attributions sont déléguées au secrétariat-général, je me permettrai de demander ce que font les autres sommités financières et les employés des autres bureaux. Il est nécessaire de répondre à cette question ; car si le secrétariat fait toute la besogne, je ne vois pas l’utilité de payer d’autres employés.
M. le ministre des finances m’a interpellé sur les connaissances pratiques qui me permettaient de parler sur son ministère. J’aurais pu lui répondre ; mais comme j’ai trouvé l’interpellation excessivement antiparlementaire, je ne l’ai pas fait. Si de semblables interpellations pouvaient être adressées aux membres de cette chambre, chacun de nous pourrait à son tour interpeller M. le ministre et son nombreux état-major sur la manière dont ils ont acquis les connaissances nécessaires pour le poste qu’ils occupent.
On ne peut interroger un membre de cette assemblée sur la manière dont il a acquis sa conviction ; la seule chose qu’on ait à examiner, c’est s’il parle juste ou non, s’il dit vrai ou débite des erreurs. Un député est ici membre d’un grand jury national. Il dit en mettant sa main sur son cœur : Oui, je suis convaincu ; ou : Non, je ne suis pas convaincu.
Je prierai M. le commissaire du Roi de répondre à la question que je viens d’adresser, car de sa réponse dépendra mon vote.
M. le directeur-général des postes a parlé de ce que j’ai dit sur son administration dans le rapport sur le budget des voies et moyens, dont j’avais l’honneur d’être chargé. Je vous ferai remarquer que j’avais annoncé une note qui avait été remise à la section centrale par toutes les sections, mais que la section centrale n’avait pas cru devoir l’insérer en entier dans son rapport, pensant que ce qu’elle en rapportait suffisait pour provoquer des explications.
Le directeur des postes est entré tout à l’heure, il est vrai, dans des explications ; mais, malgré la longueur de son discours, il n’a pas répondu à tous les faits exposés dans la note. Je demanderai la permission de lire cette note ; M. le commissaire pourra séance tenante compléter ses explications.
Voici cette note (L’honorable membre en donne lecture.)
Si M. le directeur des postes croit pouvoir répondre, je le prie de le faire.
M. le directeur des postes. - Messieurs, dans l’incertitude où était l’administration sur le résultat des décomptes à faire avec les offices étrangers, elle n’avait pu prévoir si elle se trouverait en définitive créancière ou débitrice ; il n’avait en conséquence été demandé au budget aucune allocation pour solder ces décomptes ; cette dépense n’a pu donc être couverte qu’en considérant son objet comme une non-valeur, et un arrêté du ministre des finances a autorisé l’administration à les prélever sur les recettes du bureau de Bruxelles. Cette irrégularité ne se représentera plus, et il sera demandé au budget une allocation spéciale pour solder cette nature de dépense ; toutefois, la liquidation des opérations consommées s’opérera d’après un mode qui a fait l’objet d’une négociation avec la chambre des comptes ; pour le passé elle se contentera des copies certifiées, et pour l’avenir on stipulera dans les conventions à conclure avec les offices étrangers que les états seront fournis en double expédition dont une sera remise la chambre des comptes.
L’honorable préopinant a signalé encore les encaisses considérables qui restent entre les mains de l’agent comptable du bureau de Bruxelles ; une partie de cet encaisse peut provenir des appointements des employés qui sont payés mensuellement sur quittance provisoire, tandis que leur montant ne lui est alloué définitivement que par trimestre. L’administration ne négligera pas du reste de porter ses investigations sur ce fait, dont la surveillance est plus particulièrement confiée aux contrôleurs qui doivent vérifier fréquemment l’état de la caisse, tandis que l’administration n’en a connaissance que par les comptes qui lui sont envoyés mensuellement.
M. d’Huart. - Après une très longue discussion qui s’est engagée à la section centrale sur l’allocation actuellement en discussion, je n’ai pas été suffisamment convaincu que la réduction de 30,000 francs sur la demande du gouvernement fût possible sans inconvénient, et dans ce doute je m’y suis opposé.
Mais, en m’opposant à la réduction de 30,000 francs, je n’ai pas entendu adopter le chiffre ministériel ; l’augmentation de 6,500 francs sur le crédit de l’année dernière, demandée pour la trésorerie, ne m’a pas paru justifiée. Déjà le personnel de cette branche d’administration est de beaucoup trop nombreux, si on le compare au personnel des employés de la cour des comptes dont le travail est au moins aussi étendu et beaucoup plus important.
Au budget de 1832, lorsque le ministre des finances venait déjà réclamer de la chambre une augmentation de crédit pour la trésorerie, j’ai eu l’honneur de vous présenter des comparaisons entre les travaux de cette administration et ceux de la cour des comptes. En résumé, je vous ai prouvé que les attributions de la trésorerie se réduisent à de simples opérations d’ordre, tandis que celles de la cour des comptes consistent à juger l’application des budgets, des règlements, arrêtés, conditions des contrats, marchés, adjudications, et à vérifier toutes les comptabilités indistinctement.
J’ai prouvé que la cour des comptes tient en outre des livres d’ordre qui ne sont pas moins importants que ceux de la trésorerie, puisque indépendamment des renseignements qu’ils doivent contenir pour pouvoir contrôler les opérations de cette administration, ils doivent encore offrir la situation des budgets et autres renseignements propres à contrôler le service de tous les comptables du royaume et de chaque ministère séparément
Cependant, messieurs, si vous comparez le crédit alloué pour les bureaux de la cour des comptes avec celui alloué l’année dernière pour la trésorerie, vous remarquerez qu’il ne s’élève qu’à peu près aux trois cinquièmes de celui-ci.
Le ministre des finances a critiqué les vues présentées par un honorable préopinant sur la réorganisation des différentes branches d’administration de son ministère ; il a récuse son autorité en pareille matière ; peut-être trouvera-t-il commode de me réfuter de la même manière, mais peu m’importe : je pense à cet égard comme M. Angillis ; la chambre jugera et décidera d’ailleurs s’il faut avoir blanchi dans l’administration des finances pour pouvoir déclarer en connaissance de cause s’il est dans l’ordre, s’il est conforme à la sage dispensation des deniers publics que, de deux bureaux ayant une besogne analogue, celui dont cette besogne est la moindre et surtout la moins importante, coûte presque le double de l’autre.
J’en aurai dit assez, je pense, pour vous engager à rejeter la majoration de 6,500 fr que l’on vous demande pour la trésorerie générale. Je suis convaincu, quant à moi, qu’elle serait une véritable dilapidation. Peut-être y a-t-il dans cette branches d’administration des employés qui ne sont pas à la hauteur de leurs fonctions, et que c’est là la véritable cause de la demande ministérielle. Mais ce n’est pas au budget à suppléer à leur insuffisance. La législature pas plus que le pouvoir exécutif, ainsi que l’a dit un honorable préopinant, ne doit tolérer ou créer des sinécures.
Venant à l’administration des postes, je déclare que, pour ce qui me concerne, je suis satisfait des renseignements que vient de donner M. l’administrateur des postes sur les émoluments variables qu’il reçoit pour la direction des postes de Bruxelles.
Le traitement de ce fonctionnaire s’élève à près de 11 mille francs (l’année dernière, il était de 10,971 fr.), outre le logement, l’éclairage et le chauffage ; il est par conséquent supérieur à celui des autres administrateurs ; mais il faut remarquer que M. l’administrateur des postes remplit les fonctions de directeur de Bruxelles, et qu’à ce titre il est juste de l’indemniser. Je dirai, au surplus, que ce fonctionnaire a rendu des services incontestables au pays, par les améliorations qu’il a introduites dans le service qui lui est confié, et que, sous ce rapport, il a droit à la bienveillance de la chambre.
J’attendrai la suite de la discussion pour me fixer sur le total des réductions.
M. Jadot. - Je demanderai la permission de faire une observation, c’est que l’administration des postes en Belgique n’est pas calquée sur l’administration française. Pour que cela fût vrai, il faudrait que M. Comte fût en même temps directeur-général des postes et directeur de l’administration des postes de Paris ; mais c’est un sous-directeur qui est à la tête de la direction de Paris.
J’ai fait observer que le caissier comptable sous le précédent gouvernement fournissait un cautionnement de 25 mille ; que depuis on avait réduit ce cautionnement à quatre mille florins, et qu’encore il n’en avait versé que la moitié. Il est évident que pour un employé qui à la fin de chaque mois a un encaisse de 30 mille francs, un cautionnement de 4,200 fr. est une garantie insuffisante.
M. A. Rodenbach. - Lorsque j’ai fait une interpellation au ministre des finances, j’ai commis une erreur de chiffre ; j’ai dit que 209 mille florins faisaient 425,000 fr. ; d’où il résultait une augmentation de 48,000 fr. sur 1832 : 209 mille florins font 441 mille francs, de sorte que est de 30 mille francs au lieu de 48, comme je l’avais dit par erreur. J’ai dit aussi que l’enregistrement ne faisait pas partie de l’administration centrale en 1832 ; maintenant j’apprends qu’elle en faisait partie ; mon étonnement est d’autant plus grand. Après avoir diminué de 13 le nombre des employés, on vient nous demander 30 mille francs de plus. L’administration de l’enregistrement dont le personnel a été diminué de dix employés, sollicite à elle seule une augmentation de 16 mille francs.
Je réitère l’interpellation que j’ai adressée au ministre. Je le prie de nous dire pourquoi il nous demande 30,000 francs de plus qu’en 1832, quels sont les immenses changements apportés dans son administration pour motiver cette dépense. Si sa réponse n’était pas satisfaisante, je serais obligé de m’opposer à la proposition de M. Lardinois.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’honorable membre sentira que sans faire de recherches, il me serait impossible d’expliquer l’augmentation sur laquelle il m’interpelle. Cette augmentation se compose de plusieurs sommes partielles que je ne puis réunir de mémoire. Je crois que les poids et mesures ont été réunis à l’administration centrale, ce qui a déjà dû motiver une augmentation. Si j’avais quelque temps pour me livrer à des recherches, je suis sûr que je pourrais indiquer les sommes partielles dont l’addition donnerait la différence signifiée par M. A. Rodenbach.
Je ne me suis fourni d’éléments que pour soutenir le budget de 1834, comparé avec celui de 1833 dont nous avons conservé les chiffres, non seulement sans augmentation, mais même avec une réduction de 4,000 fr. En 1833, le crédit demandé pour l’administration centrale s’élevait à 477,000 fr., tandis que, dans le budget que nous discutons, il n’est que de 473,000 fr. Nous ne sommes donc pas sortis des limites qu’après une discussion approfondie et minutieuse la chambre a cru devoir tracer pour 1833, puisque nous avons même opérer une légère réduction sur le chiffre qu’elle avait adopté.
M. de Muelenaere. - Jusqu’à présent, il est extrêmement difficile de se former une opinion sur les réductions proposées par la section centrale, d’autant plus difficile que dans la séance d’aujourd’hui deux honorables membres de cette section sont venus déclarer qu’ils n’avaient pas la conviction que cette réduction fût possible sans entraver le service ; mais une opinion qui paraît avoir été unanime dans la section centrale, c’est de repousser toutes les majorations proposées relativement au département des finances, soit directement, soit d’une manière détournée. Pour arriver à un résultat, et pour pouvoir juger en connaissance de cause, il faudra nécessairement entre dans la discussion des détails du budget. Peut-être ferait-on bien de s’attacher aux réductions proposées par M. Lardinois.
Quoi qu’il en soit, il est une des réductions qu’il propose que je dois repousser de toutes mes forces. Je la crois nuisible à l’intérêt bien entendu du service. Je m’opposerai donc à la réduction proposée sur le secrétaire-général, abstraction faite de personne.
Messieurs, ce qui nous a été dit sur l’organisation actuelle des finances m’a convaincu qu’il existe dans cette organisation un vice radical.
Je ne conçois pas la possibilité d’organiser un département qui a quelque étendue dans les attributions sans secrétaire-général. Mais, pour que le secrétaire-général soit utile, il faut qu’il ait tout le pouvoir nécessaire. Je pense qu’un secrétaire-général, dans tout département quelconque, doit être l’homme du ministre. en quelque sorte un second ministre : doit avoir un droit de surveillance sur tous les fonctionnaires du département, quels que soient leurs grades et leurs traitements ; tandis que lui ne doit relever que du ministre, en recevoir directement les instructions et lui faire ses rapports.Je conçois fort bien l’organisation d’un ministère dans lequel le ministre ne serait en rapport direct qu’avec le secrétaire-général ; mais je ne conçois pas un ministère où quatre ou cinq individus supérieurs au secrétaire-général refuseraient de suivre les ordres qu’il leur donnerait, ordres qui sont censés émanes du ministre lui-même. Il y a là un vice radical qui est peut-être la cause de toutes les récriminations et de toutes les plaintes qui se sont élevées depuis quelque temps contre le ministère des finances. J’ai la conviction que les abus dont on se plaint continueront de subsister aussi longtemps que le secrétaire-général de ce ministère ne prendra pas la place qui lui convient, qu’il ne sera pas l’homme du ministre ayant autorité sur tous les employés.
Quels que soient leurs titres, administrateurs-généraux, inspecteurs, quand ils sont là, ils sont employés du ministre, et par conséquent, subordonnés à celui qui est investi de la confiance du ministre. Le seul homme qui puisse être investi de cette confiance est le secrétaire-général, qui immédiatement après lui est investi de toutes les attributions, et en son absence doit le remplacer.
Pourquoi les autres ministères ne donnent-ils pas lieu aux plaintes soulevées par le ministère des finances ? c’est que ces ministères ont une organisation réelle et rationnelle, d’après laquelle le secrétaire-général exerce ses fonctions sous la surveillance du ministre et du ministre seul, tandis que tous les autres fonctionnaires sont placés sous la sienne. Il faut en venir là dans le département des finances, et quand vous y serez arrivés, vous pourrez exécuter les améliorations dont la possibilité aura été reconnue ; vous n’aurez pas à lutter contre cinq ou six individus différents, administrateurs, inspecteurs-généraux, qui viendront plaider leur propre cause et celle de leurs employés.
Je trouve la chose toute naturelle : chacun de nous s’il avait des employés sous ses ordres, défendrait leurs intérêts. Mais c’est un abus dans une administration, et il faut le faire cesser. Mais vous n’y parviendrez que quand l’exécution des ordres du ministre sera assurée, et elle ne peut l’être qu’autant qu’il y ait un homme chargé spécialement de faire exécuter les décisions du ministre. Cet homme, c’est le secrétaire-général. Ses attributions être d’une telle importance que son autorité ne puisse être paralysée par aucun employé du ministère.
C’est ainsi que je comprends les fonctions du secrétaire-général, mais je veux qu’il soit convenablement rétribué. Ne marchandons pas, messieurs, payons-le bien, mais qu’il soit mis à sa place et investi de toutes les attributions nécessaires, et nous aurons fait une bonne économie. Car c’est le seul moyen d’obtenir dans ce département comme dans d’autres des réductions qui ne coûteront rien au pays, en ce qu’elles n’entraveront pas la marche du service.
Il est dans votre volonté à tous, messieurs, d’opérer des économies, mais des économies sages et compatibles avec le bien du service. Je ne sais jusqu’où les lumières qui vont jaillir de la discussion nous permettront d’en opérer, mais je serais fâché qu’on réduisît le traitement du secrétaire-général. Je lui accorderai volontiers 10 et même 12 mille francs., pourvu qu’il eût toutes ses attributions et qu’il ne fût plus un chef d’expéditionnaires, chargé seulement de surveiller l’agenda.
C’est pour arriver à ce résultat que je m’opposerai à toute motion ayant pour but la réduction du secrétaire-général. Quant aux autres réductions, je les admettrai, si M. le ministre ne me prouvent pas qu’elles sont réellement de nature à entraver le service.
M. Dumortier, rapporteur. - Je dois répondre a l’honorable préopinant qu’il s’est trompé dans l’application qu’il a faite des fonctions de secrétaire-général au ministère des finances, Il faut avant tout nous pénétrer de la manière dont ce ministère est organisé. S’il y avait des chefs de division, le préopinant aurait raison ; le secrétaire-général serait le bras du ministre, et devrait dominer partout. Mais le ministère ne se compose pas de divisions, il se compose d’administrations distinctes, séparées ; chaque administrateur est l’égal et même le supérieur du secrétaire-général. Si le secrétaire-général leur était supérieur, il s’en suivrait qu’il devrait donner la loi à chacun des administrateurs, intervenir dans la nomination des employés, diriger l’administration de l’enregistrement, des contributions, du cadastre. Ce que vous a dit le préopinant serait vrai si le ministère était organisé par division ; mais c’est erroné, le ministère étant composé d’administrations différentes.
J’arrive à ce qui est relatif au ministère en lui-même. Je demande des économies parce que j’ai la conviction profonde que ces économies sont faciles et nécessaires. Nécessaires, vous le reconnaissez tous. Je ne rappellerai pas ce qu’on a dit dans plusieurs circonstance que les impôts sont déjà très élevés et tendent à s’élever davantage quand vous aurez à payer l’arriéré de la dette due à la Hollande, et l’intérêt de la dette qui s’élève à 18 millions par année. Pour y faire face, vous serez obligés de contracter un emprunt qui vous permette d’amortir la dette. Pour couvrir l'intérêt de cet emprunt, vous aurez deux moyens : augmenter les impôts ou réduire les dépenses ; si, au lieu de les réduire maintenant, vous les augmentez, les réductions seront plus tard d’autant plus difficiles. C’est un des motifs qui ont déterminé la section centrale à s’opposer à toutes les augmentations de traitement.
Il en est un autre : lorsque l’an dernier vous avez voté des sommes considérables, vous n’avez pas cru devoir maintenir les traitements aux taux de l’année précédente, vous avez eu égard à l’époque avancée de l’année ; on vous a fait valoir que les employés, dans la persuasion que les crédits demandés seraient accordés, avaient fait des dépenses en conséquence, et que si on les réduisait, la réduction devant porter sur les derniers mois de l’année, ils seraient exposés à ne rien toucher, ou à ne toucher que très peu de chose. J’en appelle à vos consciences, messieurs, n’est-ce pas là le motif qui vous a empêchés de rétablir les chiffres de 1832 ? Aujourd’hui ce motif n’existe plus, aucune dépense n’a été effectuée ; vous pouvez rentrer dans les limites de 1832, qui déjà sont plus larges que celles des autres ministères.
M. A. Rodenbach a demandé au ministre comment il se faisait que l’administration centrale coûtât 36,000 francs de plus qu’en 1832. M. le ministre a répondu qu’il ne pouvait pas répondre parce que les documents lui manquaient.
Messieurs, si vous comparez les dépenses actuelles avec celles de 1832, vous trouverez que l’augmentation de 2,100 francs demandée le secrétaire-général après une longue discussion fut rejetée unanimement. Depuis lors, toutes les sections l’ont toujours constamment rejetée. Vous aviez un motif bien grand pour le faire. Vous n’avez pas seulement considéré le secrétaire-général des finances, mais vous avez eu en vue ceux des autres ministères, qui avec raison seraient venus vous demander la même augmentation. Il est incontestable que quand vous donnez 4,000 fl. au secrétaire-général du ministère de l’intérieur, vous ne pouvez pas en donner six à celui des finances : si les ministres sont rétribués de même, les secrétaires-généraux doivent l’être aussi : voila pourquoi la majorité s’est opposée à l’augmentation. Quant au secrétariat, d’après le ministre, il aurait subi chaque année des réductions. Je ne connais pas ce qui a été dépensé en 1830 : il n’y a pas eu budget, je n’ai aucun document où je puisse le trouver. Mais en 1831, alors que la Belgique était aussi bien constituée qu’aujourd’hui, moins les humiliations qu’elle a reçues depuis, il n’a été voté que 16,400 florins. En 1832, la chambre a voté 23,280 et non 31,200 fr., comme vous le prétendez. On ne devrait pas venir présenter à la chambre des chiffres inexacts.
En 1833, on a voté un crédit global que le ministre a dépensé comme il l’a voulu. Il est constant que, depuis 1832, le secrétariat a éprouvé une majoration de 5,000 fr.
La trésorerie générale a coûté 95,238 fr. ; aujourd’hui on demande 105 mille francs, augmentation 9,762 fr. L’honorable député de Bruges vous a signalé des abus criants, il vous a dit qu’il se trouvait des employés qui ne paraissaient jamais dans les bureaux que pour signer les feuilles d’émargement. Chacun doit être payé selon son travail, ce n’est pas pour créer des sinécures que nous livrons aux ministres l’argent des contribuables.
J’arrive à l’administration des contributions. En 1832, la majorité a alloué une somme de 91,334. On vous demande 95,000 fr ; c’est donc une augmentation de 3,466 fr. Pour l’enregistrement en 1832, la majorité a alloué 94,681. On vous demande 110,800 fr. augmentation, 16,119 fr. Pour le cadastre, vous avez alloué en 1832, 21,058. On vous demande 24,600 fr. ; différence 3,542 fr. Voilà comment on marche : sur chaque branche d’administrateur où il y a augmentation de traitement, il y a eu réduction du nombre des employés, on peut dire que les allocations vont en raison inverse du nombre des employés. Que le ministre ne vienne pas dire que le nombre des employés est le même ; je n’entends parler que des employés payés. Ils sont manifestement moindres.
Je pourrais ajouter beaucoup de choses. Je ne puis me dispenser de relever une assertion de M. le ministre des finances. Il a prétendu que loin d’avoir dépassé les limites du précédent budget, il avait opéré une économie de quelques mille francs. Dans le rapport j’ai signalé l’abus par lequel on avait induit la chambre en erreur en lui montrant une réduction la où il y avait une augmentation.
On devrait mettre plus de franchise dans la discussion du budget. Ce n’est pas au ministre que je fais ce reproche, car je pense que c’est à son insu que ces choses se font. Mais c’est de mon devoir, en ma qualité de rapporteur, de montrer à la chambre qu’on la trompe au moyen de calculs erronés, qu’on ne devrait jamais produire dans une assemblée nationale.
Savez-vous ce qu’on a fait, on a attribué à l’administration centrale les fonds que vous avez spécialement votés pour les parties cédées, vous les aurez votés pour ces parties de provinces arrachées à nos affections, et le ministre ne pouvait donner a ces fonds une autre destination sans manquer à son devoir.
Voilà par quels moyens on vous présente des réductions, quand au fond il y a des augmentations.
La réduction que la section centrale n’est pas de 30 mais de 23 mille francs, c’est-à-dire 10 p. c., une réduction de 10 p. c. sur un ministère comme celui des finances est facile à opérer.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne me lève pas pour prendre part à la discussion détaillée du budget du ministère des finances. Je connais trop bien mon incompétence en cette matière, pour m’engager dans une pareille controverse. Je n’ai demandé la parole que pour déclarer que j’adhère entièrement aux principes exposés par l’honorable M. de Muelenaere sur le caractère d’un secrétaire-général. Ce n’est pas pour moi seulement une bonne théorie, c’est de la pratique ; car, dans le ministère à la tête duquel j’ai l’honneur d’être placé, c’est toujours ainsi que j’ai entendu les fonctions de secrétaire-général. Ce n’est donc pas sans surprise que j’ai vu un honorable préopinant proposer la suppression du secrétaire-général, c’est-à-dire, le retranchement du chiffre pétitionné pour son traitement.
Mais je l’avoue, si la théorie du député qui a parlé sur cette spécialité ne devait pas être mise en pratique partout, je ne m’opposerais pas à la suppression des secrétaires-généraux.
Je ne connais pas de rouage plus important, je dirai plus indispensable dans une grande administration, que le secrétaire-général. Cela est vrai, même pour les gouvernements absolus ; et dans les gouvernements parlementaires cette charge est bien autrement importante encore. Par la nature des choses, le ministre d’un tel gouvernement n’est pas absolument l’homme administratif de son département ; il est avant tout l’homme politique, l’homme gouvernemental. Eh bien, comment voulez-vous que dans les gouvernements représentatifs, et surtout dans les gouvernements nouveaux où les vicissitudes ministérielles sont si fréquentes, comment voulez-vous, dis-je, que des traditions s’établissent, que l’administration s’organise sur des principes solides et permanents si, à chaque mutation ministérielle, la chaîne de ces traditions doit être rompue et qu’un nouveau système d’administration doive être brusquement substitué à l’autre ?
Dans les gouvernements représentatifs, l’action centrale du ministère doit répondre à deux grands besoins, l’administration et le gouvernement. Pour l’administration, le ministre ne peut s’en occuper pour ainsi dire que superficiellement. Il est impossible qu’un ministre prenne en même temps sa part de responsabilité dans les actes politiques, assiste aux séances des chambres, aux conseils des ministres, exerce en un mot ses hautes attributions et s’occupe en même temps de tous les détails de l’administration proprement dite. C’est au secrétaire-général qu’est naturellement dévolue cette partie importante des ministères. Le secrétaire-général a cet avantage que, n’étant pas un homme politique par ses fonctions, il échappe aux mutations ministérielles, maintient dans l’administration dont la direction lui est confiée, les traditions, l’unité de principes, l’esprit d’ensemble et la préserve ainsi des perturbations qu’entraîneraient les imitations ministérielles.
Le secrétaire-général est donc le véritable chef de l’administration proprement dite, je dirai presque le ministre administratif, immuable comme l’administration elle-même, qui ne doit jamais subir de secousses et ne recevoir d’autres modifications que les améliorations qu’y introduit lentement l’expérience des employés supérieurs, et surtout celle du secrétaire-général, expérience qu’ils n’ont acquise que par la mise en pratique de toutes les mesures dont le secrétaire-général est chargé de surveiller l’exécution.
Tout ceci démontre la vérité de la théorie exposée par l’honorable M. de Muelenaere. Le secrétaire-général doit être nécessairement le second du ministre, l’homme de confiance du ministre.
On a dit que la distribution des affaires dans les diverses administrations du ministère était une opération pour ainsi dire mécanique dont on pouvait charger un employé subalterne. il n’en est pas ainsi.
Lorsqu’aux ministères des finances et de l’intérieur, cent ou cent cinquante dépêches sont ouvertes quotidiennement, il faut que le renvoi soit fait avec une connaissance parfaite de la nature des affaires, de leur importance, de leur urgence. Lorsque cette distribution est faite, le secrétaire-général doit surveiller l’instruction de ces affaires, stimuler le zèle des administrateurs et des chefs de division, se tenir au courant de la marche du travail dans les diverses divisions ou administrations qui doivent instruire ces affaires, tracer l’ordre dans lequel elles doivent s’instruire ; et, lorsque l’instruction est terminée, soit par les administrateurs, soit par les chefs de division, préparer la décision que le ministre doit prendre, presque toujours d’une manière rapide, par suite de la confiance forcée qu’il doit placer dans les lumières et la probité de son secrétaire-général, puisque le temps et le recueillement nécessaires pour approfondir chaque affaire est incompatible avec les travaux politiques et parlementaires.
Je ne tire pas de là la conséquence que les administrateurs soient des rouages inutiles. ce ne sont que des chefs de division revêtus d’une qualification en harmonie avec le service dont ils sont chargés et un traitement analogue à leurs difficiles fonctions.
Les administrateurs ont, à la différence des chefs de division, une correspondance étendue. Il ne faut pas se tromper toutefois sur le caractère de cette correspondance qui est considérable. L’administrateur des prisons et des établissements de bienfaisance, par exemple (j’en parle avec connaissance de cause), quand il s’agit d’instruire une affaire de son administration, est obligé de provoquer une instruction et parfois une enquête, soit qu’il s’agisse d’améliorations à introduire, d’économies à opérer, de mutations à faire dans le personnel, révocations ou promotions ; il faut qu’il se mette en correspondance avec les administrations que l’affaire concerne, avec les gouverneurs, avec les commissions administratives des prisons, et quelquefois même avec les chefs des parquets, quand ils peuvent être appelés à concourir à l’exécution des mesures proposées. Voila une partie très importante des attributions des administrateurs. Cc ne sont là que des mesures d’instruction, mais elles sont fréquentes et d’une haute utilité ; elles préparent les décisions que le secrétaire-général doit réviser dans beaucoup de cas. Quand l’affaire est instruite, elle est souvent déférée au secrétaire-général. Celui-ci, après avoir pris, à son tour, connaissance de l’affaire, prépare la décision que le ministre après un nouvel examen, toujours plus ou moins rapide, prend avec ou sans modification.
On ne peut se dissimuler non plus qu’il y a des affaires confidentielles auxquelles le secrétaire-général doit être seul initié.
L’utilité du secrétaire-général pourrait aussi être démontrée par un exemple de nature, je crois, à faire impression sur vos esprits. Je suis fâché de devoir le dire, gêné comme je le suis pour la modestie de la personne dont il s’agit, et qui est présente. Vous connaissez tous un de nos collègues en possession de rendre les plus grands services comme secrétaire-général. Ces services sont tels qu’on peut dire que presque tout homme, avec un peu de bon sens et de la probité, pourrait accepter avec confiance le département dans lequel il exerce ses fonctions. C’est que là le secrétaire-général est à la hauteur de ses fonctions, et qu’il occupe dans la hiérarchie de l’administration le rang qui lui appartient.
- Plusieurs voix. - C’est vrai.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Cependant vous remarquerez que ce ministère est surtout politique, qu’il n’est pas surchargé et que là, à la rigueur, le ministre pourrait se passer de secrétaire-général, si des dispositions naturelles pouvaient suppléer à la connaissance des antécédents. Ailleurs au contraire, dans les administrations surchargées de détails, où l’on doit faire marcher le service courant, mettre en pratique et surveiller les améliorations dont l’expérience fait concevoir la nécessité, aux finances et à l’intérieur par exemple, le ministre ne peut pénétrer dans les détails de l’administration. Si là vous supprimiez le secrétaire-général, vous rendriez l’accès du ministère impossible à tout homme qui n’aurait pas blanchi dans l’administration.
Dans un gouvernement représentatif, où le cabinet doit être l’émanation indirecte des chambres, il arriverait souvent qu’il serait impossible de constituer un cabinet sous l’empire de ces principes. Si aujourd’hui un homme principalement politique, un homme de majorité, peut, comme en Angleterre, accepter le portefeuille des finances et de l’intérieur ou même de la justice, c’est qu’il sera rassuré contre son inexpérience administrative par la présence et le concours d’une espèce de second ministre, chef de l’administration proprement dite, de l’administration permanente et traditionnelle.
Je demande donc qu’on n’insiste ni sur la suppression, ni sur la réduction. Je soutiens la chose en principe, en faisant abstraction de personne. La question ainsi posée ne peut avoir qu’une seule solution, celle proposée par l’honorable député dont je suis venu appuyer le système.
M. Kerkhoven, commissaire du Roi. - Messieurs, la section centrale a fait observer que le travail de la trésorerie générale était à peu près le même que celui qui incombe à la cour des comptes et elle part de là pour vous dire que les bureaux de la cour des comptes ne coûtent que 56 mille francs lorsque pour la trésorerie on demande 100 mille francs. M. le rapporteur, pour arriver à ce résultat, a déduit le traitement du président et des conseillers. Je ne crois pas que la chambre, en organisant la cour des comptes, ait pensé que la coopération des membres de la cour fût pour rien dans le travail.
M. le rapporteur nous a aussi fait remarquer la progression suivie dans la demande des traitements. En 1831, on vous a demandé 70 mille francs ; en 1832, 95 mille ; en 1833,100 mille, et en 1834, 105 mille.
Les 5 mille francs d’augmentation demandée pour cette année ont pour objet la création d’un nouveau bureau pour l’émission des bons du trésor.
Si les demandes se sont successivement accrues, c’est que la trésorerie ne s’est aussi organisée que successivement. Nous vous avons demandé chaque année des allocations en proportion de nos besoins actuels.
Le travail de la trésorerie est très considérable et exige des hommes qui réunissent beaucoup de connaissances : les bons comptables sont très difficiles à trouver, et pour en obtenir, il faut nécessairement les payer autant qu’ils peuvent l’être dans les sociétés. Ce n’est qu’en les payant bien qu’on peut avoir de bons employés.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 heures 1/2.