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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 25 janvier 1834

(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1834 et Moniteur belge n°27 du 27 janvier 1834)

(Moniteur belge n°26, du 26 janvier 1834)

(Présidence de M. Raikem)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dellafaille lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.

Projet de loi accordant une remise sur les droits d'entrée des mécaniques

Discussion générale

M. le président. - M. Van Hoobrouck a la parole sur l’ensemble de la loi.

M. Van Hoobrouck. - Messieurs, il est sans doute bien consolant de voir qu’au moment même ou certains industriels jettent des cris de détresse, et croient devoir chercher ailleurs pour leur industrie, un ciel plus heureux et une fortune meilleure, d’autres vous demandent d’importer la leur du Belgique, sous la condition de pouvoir introduire en franchise de tous droits des instrument qui doivent répandre dans le pays de nouvelles richesses. Aussi, messieurs, je ne crois pas que le projet de loi qui vous est actuellement soumis, puisse rencontrer de sérieuse opposition dans cette enceinte. Mais la pétition de M. Davreux soulève une autre question sur laquelle j’éprouve le besoin de vous soumettre quelques considérations.

Si je reconnais, avec l’honorable rapporteur de la section centrale, que la législature ne saurait prendre vis-à-vis de cet industriel l’engagement de maintenir le droit actuellement existant sur l’entrée des tulles en Belgique, je crois qu’elle ne saurait non plus abaisser ce droit sans porter la perturbation dans une industrie qui, depuis deux ans, a pris à l’abri de ce droit une si prodigieuse extension. Cette taxe de 10 p. c. est aujourd’hui perçue sur la valeur. Ce mode si vicieux donne nécessairement lieu à la fraude et à l’arbitraire.

Les intéressés déclarent rarement au-delà de la moitié, et rarement les deux tiers du la valeur de leur marchandise ; ainsi ce droit se trouve par le fait réduit à 6%. D’autres circonstances le modifient encore, de sorte qu’en résultat il ne donne à nos producteurs qu’un avantage de moins de quatre pour cent sur leurs concurrents des pays voisins. Et cependant, messieurs, c’est ce faible droit protecteur qui a permis à un des industriels les plus distingués de l’Angleterre, M. Ensor-Powell, d’ériger dans ce pays une des fabriques les plus remarquables en ce genre de toute l’Europe, et qui donne actuellement de l’occupation à plus de quatre mille personnes.

A l’entour de cette manufacture, juste objet d’orgueil pour la ville de Gand, viennent se grouper d’autres industries non moins intéressantes, et qui en dépendent. Un Genevois, originaire de Belgique, vient de rentrer dans son ancienne patrie et d’établir à grands frais à Audenarde une fabrique de fil retors, qui prospère d’une manière étonnante, et semble avoir vaincu les difficultés qu’offre ce genre de fabrication. D’autres fabriques de ce genre reprennent une nouvelle activité.

Ce n’est pas, messieurs, lorsque cette industrie progresse d’une manière si heureuse, lors que tout lui présage un si brillant avenir, que vous porterez atteinte à cette prospérité par d’imprudentes mesures. Que M. Davreux se tranquillise donc, qu’il compte avec confiance sur votre sollicitude. Quelque belles et justes que soient les théories sur l’économie politique aujourd’hui à l’ordre du jour, vous comprendrez qu’au milieu des législations arriérées qui régissent encore les douanes des pays voisins, il serait de la plus haute imprudence de brusquer des innovations isolées, dont il serait impossible d’analyser les conséquences.

Si donc, messieurs, vous jugez à propos de modifier sur ce point notre tarif de douanes, ce serait pour établir sur le poids du tulle un droit équivalant à celui qui existe aujourd’hui sur la valeur. Cette modification je l’appelle de tous mes vœux ; elle est d’ailleurs tout à fait dans l’intérêt du trésor et du commerce, et elle aurait pour résultat immédiat de donner à la Belgique le monopole de la fabrication du tulle, comme elle est déjà en possession du monopole des broderies, sans nuire en aucune manière à cette autre branche de notre richesse nationale.

Car, messieurs, l’augmentation que cette mesure pourrait produire sur une marchandise dont la plus grande valeur consiste dans la main-d’œuvre, sera imperceptible dans un pays où celle-ci sera toujours de 25 p. c. meilleur marché que partout ailleurs. Toutefois, comme cette question commence à s’agiter vivement dans le pays, je ne saurais assez prier le ministère de porter son attention sur cet important objet et d’en faire le sujet de ses sérieuses méditations.

M. d’Huart. - Messieurs, quoique le projet de loi, soumis à vos délibérations soit conçu en termes généraux, il faut néanmoins reconnaître, d’après les motifs mêmes de ce projet, qu’il a été provoqué par un objet tout spécial qui est particulièrement en vue aujourd’hui.

Qu’il me soit donc permis de vous présenter quelques considérations sur cet objet, en faveur du fond de la loi qu’on vous propose.

Ainsi que la commission d’industrie le dit dans son rapport, il s’agit de l’introduction en Belgique d’une fabrique considérable de tulle, qu’un Belge, le sieur Davreux, actuellement établi à Sedan (France), demande d’opérer moyennant qu’il lui soit accordé toute espèce de franchise de droits, à la douane, pour l’importation des métiers, ustensiles et mobilier nécessaires à sa fabrication.

L’intérêt du pays milite-t-il en faveur d’une semblable autorisation ? voilà, je pense, la question réduite à sa plus simple expression. Eh bien, je ne doute pas que vous la résoudrez affirmativement.

La fabrication des tulles, presque nulle actuellement dans notre pays, peut, par son accroissement, contribuer d’une manière notable à sa prospérité, et il suffirait, pour le prouver, de dire qu’au moyen de sa fabrique, dont le matériel est évalué à 75,000 fr., le sieur Davreux emploie journellement quatre à cinq cents ouvriers. La France, il y a environ quinze ans, n’avait aucune fabrique de tulle ; elle reconnut alors combien il lui serait utile de créer et d’encourager cette industrie : elle établit des droits prohibitifs sur les tulles étrangers, et, en peu d’années, de nombreux métiers furent mis en activité ; de telle façon qu’aujourd’hui ils donnent du pain et même de l’aisance à 40,000 ouvriers.

Pour corroborer ce que je viens de dire sur l’importance de cette branche d’industrie, je citerai un renseignement statistique qui a figuré dans le journal le Timer du sept novembre dernier.

En Angleterre, la matière première (le coton) employée à la fabrication des tulles est estimée par an à 120,000 liv. stel. La valeur annuelle des produits en tulle est évaluée à 1,826,250 liv. sterl. Ce qui donne une différence de plus de 40 millions de francs, laquelle différence provient entièrement du prix de la main-d’œuvre.

La Belgique qui est aujourd’hui tributaire de l’Angleterre pour les tulles, et qui par conséquent contribue pour beaucoup dans cette énorme somme, en serait dégagée si elle fabriquait elle-même suffisamment pour sa consommation. Des capitaux considérables, qui lui sont ainsi enlevés par l’étranger, resteraient productifs chez elle, au lieu d’enrichir celui-ci à notre détriment.

La demande du sieur Davreux tend à nous affranchir de ce tribut ; nul doute que, si elle est accueillie, son exemple sera successivement suivi par d’autres industriels, et qu’au bout de peu d’années la Belgique pourra se passer de l’étranger pour les tulles.

Le sieur Davreux, comme la commission d’industrie vous l’a indiqué dans son rapport, demandait pour condition de l’établissement de sa fabrique dans le pays, outre l’introduction de ses métiers en franchise de tout droit, l’assurance que le droit de 10 p. c. sur les tulles étrangers serait maintenu ; il demandait de plus la réduction du droit d’entrée sur le coton filé au-dessus de ce que l’on appelle dans le commerce le n°260.

Il a renoncé à ces deux conditions par la considération qu’elles susciteraient des difficultés et des retards, et parce qu’il s’est persuadé que la législature ne lui accorderait pas maintenant comme une faveur ce qu’elle ferait tourner plus tard contre lui en préjudice, qu’il a assez compté sur l’équité des chambres pour être assuré que jamais les droits d’entrée sur les tulles et les cotons étrangers ne seraient modifiés de manière à le ruiner, en rendant, sa fabrication impossible, après qu’il aurait apporté chez nous son industrie.

Je n’en dirai pas davantage sur ce point ; je me bornerai seulement à ajouter qu’il me semble que le projet de la commission d’industrie va trop loin : il me paraît qu’elle aurait dû le borner à ce qui concerne les métiers, ustensiles, etc., relatifs à la fabrication des tulles. Les termes généraux dont on s’est servi pourraient susciter l’inquiétude dans plusieurs branches d’industrie ; il pourrait arriver en effet que la libre importation de certaines mécaniques fût nuisible, et il me paraît sage de laisser à la législature la faculté de juger les cas spéciaux en pareille matière.

Je me propose de présenter un amendement restrictif dans ce sens ; j’attendrai toutefois auparavant les lumières de la discussion.

M. Desmet. - Messieurs, le bien-être d’un pays dépend du plus ou du moins de travail qu’on puisse procurer à ses populations, et cette vérité est d’autant plus sensible dans les contrées où ces populations sont le plus ramassées.

C’est pourquoi il me semble qu’en Belgique nous devons pousser tous nos efforts et nos vues pour augmenter la somme de travail et le rendre le plus lucratif possible. Or, il est constant que, pour obtenir ces avantages, nous devons tâcher de procurer aux travailleurs les matières premières au plus bas prix et de la meilleure qualité ; et c’est parce que je considère dans la loi qu’on nous propose une introduction d’une matière première, que nous ne possédons pas en qualité suffisante, et dont par conséquent le prix d’achat va beaucoup diminuer, que je voterai la loi, mais sous la condition, qu’elle soit amendée de la manière que vient de vous le présenter l’honorable M. d’Huart.

Si dans d’autres cas, je ne suis pas partisan des mécaniques, c’est toujours par la même raison que je crains qu’elles ôteraient le travail à une quantité de bras et diminueraient par conséquent le bien-être et l’aisance dans le pays : mais l’introduction des machines à fabriquer les tulles, ne tendant qu’à procurer au pays une matière première que nous devons tirer de l’étranger, et qui, par la broderie, donne du travail à une grande quantité d’ouvrières, je crois qu’il est dans l’intérêt du pays d’appuyer l’introduction des machines à tisser le tulle.

Il est vrai que la fabrication des tulles a causé beaucoup du tort à la Belgique en lui enlevant, pour ainsi dire, toute sa fabrication de dentelles, qui faisait une des branches les plus intéressantes de son industrie, et en ôtant à sa nombreuse population une énorme ressource de travail ; mais ici nous avons encore de quoi nous consoler : heureusement pour nous la broderie des tulles a tant soit peu remédié à ce mal, en remplaçant en partie le travail des dentelles.

Jusqu’à présent dans aucun pays on ne brode le tulle d’une si grande perfection que chez nous ; pour la beauté du travail, le tulle brodé de Belgique a la préférence. Mais si nous voulons donner plus d’étendue à cette industrie, nous devons tâcher qu’à la belle qualité nous joignions le bon marché de la marchandise ; or, pour y réussir, nous devons nous procurer la matière première à si bon compte et de si bonne qualité que possible, ce que nous devons obtenir en introduisant une amélioration à la fabrication des tulles.

Nous devons aussi tâcher, pour obtenir cette réussite et nous rendre entièrement indépendants de l’étranger, de faire tous nos efforts pour pouvoir filer le fil de la finesse nécessaire pour tisser le tulle ; car si je suis bien informé, jusqu’à ce jour nous sommes encore tributaires de l’Angleterre pour ce qui regarde le fil fin propre au tissu du tuile, et cependant, si je suis bien encore informé, des filateurs qui ont touché en prêt des sommes de l’ancien gouvernement, les avaient obtenues sous la condition expresse de filer du fil d’une certaine finesse.

Je le dis ici afin d’attirer l’attention du gouvernement sur cet objet, et de l’engager à aviser à des moyens pour introduire en Belgique la filature du fil fin et l’affranchir de ce chef du grand tribut que nous payons. à l’Angleterre.

M. Zoude, rapporteur. - La commission a considéré qu’il serait pénible à la législature de prononcer sur chaque cas particulier qui pourrait se présenter ; c’est pourquoi elle a généralisé sa proposition. Aucun abus n’est à craindre, parce que chaque arrêté du gouvernement doit être inséré au Bulletin officiel. Des actes semblables sont soumis à une investigation assez sévère.

M. Davignon. - On a paru craindre quelques abus, dans l’exercice de la faculté accordée au gouvernement d’autoriser l’entrée des machines ; mais on vient de vous faire observer qu’il y a garantie suffisante dans l’article 2, en ce sens qu’on ne peut accorder leur introduction que par les motifs énoncés dans la loi, et ces motifs doivent être relatés dans l’arrêté inséré au Bulletin officiel. Il y aura donc moyen d’arrêter l’administration, si elle allait trop loin.

On a encore paru craindre que l’introduction des machines pût nuire aux industries de notre pays : je dirai sur ce point que l’industrie elle-même appelle de tous ses vœux l’entrée de machines perfectionnées. Il n’y a pas d’années que nous tous, industriels, nous ne soyons obligés de mettre au grenier des machines pour les remplacer par d’autres.

En France, l’administration jouit pleinement du droit de permettre l’entrée des machines ; en Prusse, la même chose existe. Quoique le produit des douanes fusse une des principales branches des revenus de la Prusse, le gouvernement n’hésite jamais quand il s’agit de donner des dispenses pour l’entrée des machines, pour l’entrée du mobilier même des industriels. Je ne crois pas devoir donner de plus grands développements à mon opinion ; je ne présume pas que le projet rencontre d’opposition.

M. Jullien. - S’il s'agissait de discuter les deux premières conditions que le pétitionnaire mettait à l’introduction de son industrie en Belgique, ces deux conditions mériteraient toute l’attention de la chambre ; mais elles ont été écartée par la commission. Nous n’avons plus à nous occuper que des importations des machines en franchise des droits, ainsi que du mobilier usuel.

Ainsi il s’agit uniquement de savoir si on accordera au pétitionnaire Belge d’origine, la permission de rentrer dans sa patrie avec ses machines. Il est certain que ce sont des machines perfectionnées ; ainsi il vient pour l’avantage du pays. Dans tous les pays du monde, lorsqu’on vient pour y perfectionner une industrie, on doit être bien accueilli. M. d’Huart a pensé qu’en généralisant la permission demandée, la commission a été trop loin ; que, relativement aux tulles, il n’y avait pas d’inconvénient, mais qu’il pourrait arriver que le gouvernement abusât de cette faculté générale, en donnant les mêmes avantages pour des machines qui nuiraient à tel commerce.

Je répondrai à cela ce que vient de dire M. Davignon : quand une industrie existe dans un pays, quand, où il y a des mécaniques qui peuvent être perfectionnées, tous les négociants trouvent un avantage dans la vue de modèles à imiter, à étudier, le gouvernement n’usera pas de la faculté qu’on lui accorde en aveugle. Vous ne pouvez pas exiger qu’à chaque pétition on fasse une loi pour laisser entrer des machines ; il faut bien donner le pouvoir d’accorder la même faveur au gouvernement par le moyen d’un arrêté.

Comme il y a nécessité d’après la loi que l’arrêté soit publié dans le Bulletin des Lois, la législature sera avertie à temps pour faire cesser les abus, s il y a des abus. Je donnerai mon approbation au projet de loi.

M. d’Huart. - Puisque mon amendement ne semble pas rencontrer de faveur, je n’entrerai pas dans de plus longs développements pour le soutenir. Cependant je pourrais donner plus de poids à ma proposition en invoquant et en combinant les articles 112 et 114 de la constitution. Quoi qu’il en soit, je retire ma proposition.

M. Gendebien. - Je ne m’opposerai pas à ce qui peut favoriser l’industrie belge. Mais je ferai observer que l’article premier est conçu dans un sens trop large et que par cet article on pourrait tout aussi bien introduire des machines funestes à l’industrie du pays que des machines utiles à cette industrie. L’article 2 ne me rassure pas sur ce point. Il y a une disposition analogue à celle de cet article 2 dans la loi sur l’ordre de Léopold ; cependant on a créé cinq ou six cents chevaliers de l’ordre de Léopold, et ou n’a motivé aucun arrêté. On continuera peut-être a faire de même.

Mais le mal qu’on voulait prévenir en forçant le gouvernement à mutiler ses arrêtés est arrivé, il faut donc que la chambre s’explique nettement sur l’abus qu’on a fait d’un article semblable à celui qu’on nous propose encore ; il faut que la chambre fasse voir à la nation qu’elle exige que le gouvernement exécute les lois. Je consens à accorder la loi que l’on demande, mais je ne suis nullement dupe des conséquences qui peuvent en résulter. A l’avenir, quand on viendra nous dénoncer ces abus je n’en serai pas surpris.

M. Zoude, rapporteur. - Puisqu’il s’agit de l’introduction de machines pour perfectionner notre industrie, ou pour créer une nouvelle industrie, il ne peut y avoir de danger, ni aucune espèce d’abus à craindre.

M. A. Rodenbach. - J’appuierai en partie le projet de loi. Je désirerais que l’honorable M. d’Huart reproduisît son amendement et le livrât à la discussion. Nous n’avons que trois fabriques de tulle en Belgique, savoir à Audenarde, à Gand et à Termonde. C’est une fabrique nouvelle qu’on veut introduire. Nous devons accueillir la demande qu’on nous fait et donner plus d’extension a cette industrie.

C’est en Belgique que l’on brode à meilleur marché les tulles ; nous expédions des tulles brodés en France, en Angleterre, en Allemagne même ; nous brodons à 30 p. c. au-dessous du prix des autres pays La France a au moins deux mille métiers à fabriquer des tulles ; hâtons-nous d’en fabriquer nous-mêmes une quantité suffisante pour nos besoins. On a dit avec quelque raison que c’est parce que nous restons stationnaires, que nous avons éprouvé une crise dans notre industrie cotonnière : perfectionnons donc nos moyens de fabrication, et accueillons favorablement ceux qui peuvent les perfectionner.

On a accordé des secours considérables à des industriels pour qu’ils filassent des cotons fins ; je demanderai à M. le ministre des finances si cet industriel, qui a reçu de sommes assez fortes, a rempli ses engagements. A l’occasion d’un perfectionnement qu’on veut introduire dans la fabrication des cotons, il n’est pas inopportun de demander si on a réussi à faire mieux filer le coton.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’orateur parle d’un industriel qui aurait reçu des sommes considérables du gouvernement ; je ne suis pas en mesure de répondre à sa demande. Il faudrait qu’il la présentât manière plus précise.

M. A. Rodenbach. - J’ai lu dans le rapport de la commission d’industrie et de commerce qu’un industriel a reçu des secours pécuniaires assez considérables pour l’encourager à filer des cotons fins, des cotons au-delà du numéro 260 ; et je viens donner l’assurance que ce filateur, qui est sans doute de Gand, ne donne que du coton dans le numéro 46. Pour le tulle, il faut les numéro au-delà de 260. Ma demande devient précise maintenant. Le ministre de l’intérieur peut n’être pas instruit du fait ; mais le ministre des finances doit le connaître. L’industriel dont il s’agit a-t-il tenu ses engagements ? Notre tisseranderie n’est pas arriérée en Belgique, ce sont les filateurs qui sont arriérés ; c’est la filature qui est cause de notre détresse.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il paraît que l’époque à laquelle les sommes ont été données est antérieure à notre révolution : quoiqu’il en soit, s’il existe de certaines conditions sous lesquelles l’ancien gouvernement a accordé ces sommes, le gouvernement actuel veillera à ce qu’elles soient remplies.

M. Desmet. - Il y a contrat, et si je suis bien informé, il est chez le notaire Thomas à Bruxelles.

M. Davignon. - Les sommes ont été avancée à une époque assez reculée. Imitons la France, qui laisse entrer les cotons fins dont elle a besoin, elle a écouté sur ce point les avis que des filateurs anglais lui ont donnés ; elle fait payer un droit de douane à ces cotons qui n’ont plus besoin d’entrer en fraude.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à accorder, aux fabricants étrangers qui voudront s’établir en Belgique, remise des droits d’entrée sur leurs mécaniques et ustensiles propres à établir ou améliorer des branches d’industrie, ainsi que tout le mobilier usuel desdits fabricants.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si on ne retranche pas le mot étrangers, on n’atteindra pas le but qu’on se propose.

M. Gendebien. - Je ne crois pas que l’intention de la chambre soit d’exclure les étrangers ; alors il faudrait mettre : « les fabricants belges ou étrangers. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’adopte cette rédaction.

M. de Muelenaere. - Je n’ai pas l’intention de m’opposer à l’adoption de l’article premier, mais je demanderai à MM. les membres de la commission d’industrie comment il doit être compris, comment il doit être interprété. Il me semble que l’autorisation ne doit être accordée aux fabricants qui veulent introduire des machines propres à améliorer notre industrie, qu’à condition de s’établir dans le pays et y diriger leur fabrique eux-mêmes ; et qu’il ne s’agit pas de l’introduction de machines pour en faire commerce.

M. Zoude, rapporteur. - La commission n’a voulu accorder de privilège qu’aux personnes qui viennent s’établir dans le pays.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ce débat prouve que la loi a été rédigée avec une certaine précipitation. Avec les modifications proposées, je crois que la rédaction de la loi serait encore vicieuse et pourrait prêter à des interprétations diverses ; qu’elle mettrait le gouvernement dans un assez grand embarras.

On vous a signalé l’interprétation extensible qu’on pourrait donner à l’article premier : on pourrait, dit-on, appliquer la loi à des fabricants qui introduiraient en Belgique des machines auxquelles on donnerait une destination, qui ne leur serait pas personnelle

Vainement la commission proteste contre ce sens : quand la loi serait rendue, on chercherait à en tirer parti d’après le sens qu’elle présenterait. Je suppose qu’un négociant étranger n’ait pas établi une manufacture à l’étranger, et qu’il veuille en créer une en Belgique, ; il vient demander au gouvernement la permission de faire entrer des machines sans droits ; la généralité des termes de la loi ne s’y oppose pas : cependant le point de départ est bien différent, il s’agit d’accorder à un Belge la faculté de transporter en Belgique une fabrique qu’il a à l’étranger.

Voyez combien les effets de la loi s’étendent. Si c’est là ce que l’on demande, il faut que la loi ne soit pas une énigme pour le gouvernement. Il faut donc remanier la loi, et c’est le cas de la renvoyer à la commission qui profitera des observations présentées dans cette enceinte.

M. Gendebien. - Quoiqu’il soit toujours difficile d’improviser des lois, permettez-moi de soumettre un amendement qui pourrait peut-être concilier tous les intérêts. Je dirai :

« Le gouvernement est autorisé à accorder aux fabricants belges ou étrangers qui voudront transporter leurs établissements en Belgique, remise des droits d’entrée, etc.»

Il me semble que dès que nous n’accordons au gouvernement que la faculté de donner exemption de droits qu’aux établissements déjà existants, nous avons une garantie ; dans ce cas il n’y a qu’un simple transport de mécaniques.

A l’article qui est ainsi conçu :

« Les exemptions à accorder en vertu de cette loi ne pourront l’être que par arrêté royal motivé et qui sera inséré au Bulletin officiel. »

Renforçons la garantie qu’il présente, afin de lui en donner une recette, disons que l’arrêté sera motivé à peine de nullité.

Il ne faut pas qu’il y ait simplement transport de machines, mais transport d’industrie ; Je n’ai pas la prétention de croire que ce que je propose puisse éviter tous les inconvénients, et je suis prêt à modifier mon amendement ou à en adopter un autre.

M. Lardinois. - Je me réunis à l’opinion exprimée par M. Gendebien. Il faut que l’article premier ne présente pas d’équivoque ; dans ce but je proposerai la rédaction suivante :

« Le gouvernement est autorisé à accorder aux fabricants belges ou étrangers qui voudront transporter leurs établissements en Belgique, remise des droits sur leurs mécaniques et ustensiles, ainsi que sur le mobilier usuel desdits fabricants. »

Je retranche les mots « propres à établir ou améliorer des branches d’industrie. » Pour que la loi s’applique aux cas particuliers, il faut que sur la demande du fabricant le ministre fasse faire l’inventaire des machines qu’il voudra introduire, et voir si elles peuvent être utiles ou nuisibles au pays ; ainsi, la loi offre suffisamment de garanties.

M. Dumortier. - J’avais demandé la parole pour présenter un amendement semblable. Il me semble que toute la difficulté réside dans ces mots : « les mécaniques et ustensiles ; » si on les supprimait et si on les remplaçait par « matériel de leur fabrique, » je crois que la question serait résolue. Le nœud de la difficulté tient à ce qu’on ne puisse pas introduire des machines nouvelles, sous prétexte qu’elles appartiennent à la fabrique. Cependant je me réunis aux amendements proposés.

M. Jullien. - Vous cherchez avec raison une garantie contre ceux qui voudraient faire du projet de loi une spéculation, et qui voudraient faire entrer en Belgique des machines avec exemption de droit, afin d’en faire commerce ; cette difficulté mérite toute l’attention de la chambre, et je ne crois pas que l’amendement de M. Gendebien la résolve. Il me semble, qu’on peut proposer une autre rédaction ; ce serait de substituer aux mots : « remise immédiate des droits ; », ceux-ci : « crédit des droits, pour la remise de ces droits leur être faite après leur établissement. ».

Ainsi le gouvernement surveillerait l’établissement et verrait si c’est sérieusement que les demandeurs viennent s’établir en Belgique. Jusqu’à leur établissement ils n’auraient qu’un crédit, s’ils manquaient à leurs engagements, les machines seraient les gages du gouvernement pour les droits dus sur les machines. Ainsi je rédigerais l’article premier comme il suit :

« Le gouvernement est autorisé à accorder aux fabricants belges ou étrangers qui transporteraient leur établissement en Belgique, crédit des droits d’entrée sur leurs mécaniques ou ustensiles, pour la remise de ces droits leur être définitivement faite après leur établissement. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les différentes modifications qui s’improvisent successivement depuis le commencement de la discussion prouvent assez que cette loi n’a pas été suffisamment méditée par la commission. Il est à regretter qu’elle ne se soit pas entendue avec le gouvernement avant de la présenter à la chambre. Le gouvernement a été en quelque sorte surpris par l’apparition de cette loi.

Quant aux amendements je dirai que celui de M. Jullien ne me paraît pas utile parce que le gouvernement ne donnera pas des autorisations à la légère.

La remise des droits n’aura lieu qu’autant que le fabricant fera usage de ses machines lui-même. Ceci est du ressort du pouvoir exécutif, on doit s’en rapporter à sa prudence. Je crois qu’il est sage et utile de renvoyer la rédaction de la loi à la commission.

M. de Muelenaere. - Ce que l’on vient de dire prouve que les craintes que j’ai manifestées étaient plus ou moins fondées. Il me semble que les amendements combinés de MM. Gendebien et Lardinois lèvent toute difficulté et dissipent toute crainte. Il peut en être de même de l’amendement de M. Jullien : cependant il sera plus prudent de renvoyer ces amendements à la commission, en la priant de se réunir à l’instant. Son travail peut à peine durer quelques minutes.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je pense que les différentes rédactions proposées doivent être examinées par la commission de concert avec le gouvernement. Applaudissant à l’objet que l’on a en vue, le gouvernement ne peut s’opposer à la loi. Il n’y a pas péril en la demeure ; 24 heures ne peuvent apporter de préjudice, puisque le sénat n’est pas réuni. On peut donc ajourner la discussion.

M. Verdussen. - J’appuie les amendements ; cependant je crois que le retranchement proposé par M. Lardinois pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Le but du projet est de nous procurer ce que nous n’avons pas. Je voudrais que la loi fût en faveur de ceux qui importent quelque chose de nouveau, et non en faveur de ceux qui importent des choses pour des industries déjà existantes.

M. Davignon. - Le but du projet de loi est d’introduire chez nous toute fabrication étrangère, et de laquelle nous sommes tributaires. Quant à l’article premier, il me paraît très clair avec les amendements de MM. Gendebien et Lardinois. On peut le voter actuellement, et s’il y a des améliorations à faire encore, on les fera lors du vote définitif.

M. Gendebien. - Dans le gouvernement représentatif, quand on tient à la responsabilité ministérielle, il ne faut laisser rien à l’arbitraire. L’honorable membre vient d’exposer l’intention de la commission, mais cela ne suffit pas ; il faut que l’intention de la commission soit formulée dans la loi ; sans cela, vous mettez le ministère dans la nécessite de s’exposer au blâme de la nation. L’intention de la commission peut se perdre de vue, et le gouvernement être dans l’embarras. Que l’on continue la discussion ou qu’on renvoie le projet à la commission, il sera toujours utile de formuler toutes les dispositions à présent. L’article premier me paraît être assez bien rédigé, conformément à mon amendement et à celui de M. Lardinois. Je désirerais que l’article 2 fût divise ; on aurait ainsi trois articles dans la loi.

L’article serait ainsi conçu :

« La remise des droits ne sera accordée qu’après la mise en activité de l’établissement en Belgique. »

L’article 3 porterait :

« L’arrêté royal qui accordera cette remise sera motivé à peine de nullité. il sera inséré au Bulletin officiel. »

Tous les hommes qui composent la commission d’industrie sont des hommes spéciaux ; mais il n’est pas sûr pour cela qu’ils connaissent les lois, qu’ils entendent les lois. Pour entendre les lois, il faut être autre chose qu’industriel, il faut avoir l’habitude des affaires. D’après ces considérations, je crois donc que quand les industriels proposent des lois, ils feraient bien de les soumettre à d’autres hommes spéciaux qui auraient des connaissances dans la rédaction des lois.

Puisque la discussion a fait jaillir les lumières suffisantes pour rédiger celle dont nous nous occupons, nous pouvons la renvoyer à la commission d’industrie.

A l’avenir il sera bon de renvoyer les projets de la commission à des hommes spéciaux : on n’improvise pas les lois.

M. Zoude, rapporteur. - La commission d’industrie soumettra volontiers les projets à toutes les spécialités possibles ; tout ce qu’elle veut, c’est que le sens de la loi qu’elle a présentée soit compris.

Le ministre nous dit que nous avons improvisé le projet de loi à son insu : il résulte des pièces qui ont été communiqués à la commission que M. Davreux s’est adressé au ministre en 1831 n’a pas reçu de réponse.

M. d’Huart. - Cela ne fait rien à la question !

M. A. Rodenbach. - Je demande le renvoi du projet à la commission d’industrie ; le ministre s’y adjoindra. Il n’y aura pas de temps perdu puisque le sénat n’est pas assemblé.

M. Pollénus. - Entrant dans les vues émises dans le débat, je proposerai une autre rédaction :

« Le gouvernement est autorisé à accorder la remise des droits d’entrée sur les mécaniques et ustensiles formant le matériel des fabriques établies en pays étranger, aux personnes qui feront la déclaration qu’elles veulent transporter en Belgique un établissement propre à améliorer l’industrie nationale.

« La remise des droits ne sera définitive qu’autant que ces établissements seront réellement transportés et établis en Belgique dans le délai fixé par l’acte de concession. »

M. le président. - Cet amendement est-il appuyé ?

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il faut les appuyer tous et les renvoyer à la commission.

- La chambre consultée renvoie tous les amendements à la commission.

Motion d'ordre

Propositions de loi relatives aux droits sur les lins

M. Desmet. - Messieurs, si nous avons tant de sollicitude pour une certaine de nos industries et que nous prenions tant de mesures pour la favoriser, je pense que vous aurez une même sollicitude pour une autre branche qui, comme vous le savez est d’un intérêt encore plus grand pour le pays. Vous sentez, messieurs, que je veux parler de l’industrie linière, et vous permettrez, je pense, que je saisisse cette occasion pour conjurer la chambre, au nom d’une population considérables d’ouvriers, d’engager ses sections à ne pas tarder à terminer le travail qui concerne les propositions faites contre la sortie de la matière première du lin, afin que la chambre ne puisse plus tarder à prendre une décision sur cette importante matière.

Je demanderai aussi que la commission de l’industrie et du commerce veuille bien faire, sans grand retard, son rapport sur l’enquête qu’elle a faite sur ces propositions.

Messieurs, vous savez aussi que les étoupes de lin manquent généralement cette année dans le pays, et qu’un grand nombre de pauvres ouvriers des campagnes y trouve tout son travail. Il serait donc urgent, je crois, de prohiber la sortie des étoupes ; mais je pense que le gouvernement a le pouvoir, d’après le tarif existant, de prendre cette mesure sans devoir recourir à la législature.

Je prie, par conséquent, M. le ministre des finances de nous dire s’il croit comme moi qu’il est dans le pouvoir du gouvernement, d’après une disposition qui existe dans le tarif, de prohiber la sortie des étoupes de lin et de chanvre ?

M. Zoude. - Dans une question qui tient si essentiellement aux intérêts de l’industrie agricole, la commission a cru devoir se hâter.

Plusieurs renseignements lui sont parvenus ; la majorité de ses membres s’est déjà prononcée. Cependant on attend encore un mémoire de Gand, et de quelques chambres de commerce. La commission vous présentera ensuite le résultat de son travail.

M. Desmet. - Je crois que d’après le tarif existant le gouvernement a le pouvoir de prohiber la sortie des étoupes. Je demande au ministre des finances quel est son avis sur cette question.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Dans l’état actuel de la législation, je ne pense pas que le gouvernement puisse prendre sur lui de prohiber l’entrée ou la sortie d’une matière quelconque. Cependant je ferai les recherches nécessaires pour répondre d’une manière plus précise à l’honorable membre. Voici un tarif nouvellement imprimé, et la disposition dont il parle ne s’y trouve pas.

M. Desmet. - Je me charge de communiquer cette disposition à M. le ministre.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion de la loi sur l’organisation de l’académie.

M. d’Hoffschmidt (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la discussion du projet de loi sur l’académie est à l’ordre du jour ; mais quand on a fixé cet ordre du jour, c’était dans le but d’économiser notre temps : alors le rapport sur le budget du ministère des finances n’était pas imprimé ; maintenant nous avons ce rapport, et mardi ou mercredi au plus tard, nous pourrons nous livrer à la discussion de cette loi de finances. Nous n’avons donc à employer, d’ici à l’ouverture de cette discussion, que lundi et ce qui vous reste de la séance. Il est deux heures et demie. Or, nous avons plus de 150 pétitions arriérées ; nous pourrions donc les examiner lundi prochain ; le droit de pétition est sacré. Je suis prêt à faire lundi le rapport sur les diverses pièces adressées à la chambre.

Il y a plus à faire. L’examen préparatoire de la loi communale n’est pas terminé dans les sections ; achevons cette importante besogne, et transmettons la loi relative à l’organisation de nos municipalités à la section centrale.

Voilà, il me semble, les objets dont nous devrions nous occuper ; ils ne nous feraient pas perdre notre temps.

Le ministre de l’intérieur nous a dit qu’il n’était pas prêt pour prendre part à l’examen de la loi concernant l’académie ; ce peut-être encore là un motif d’ajournement. Mais ne serait-il pas vraiment dérisoire que nous nous occupassions d’une semblable loi pendant que le pays attend et souffre en attendant les lois dont la constitution nous a prescrit de nous occuper ?

D’après l’article 139 de la loi fondamentale, il faut avant tout que nous délibérions sur la presse, sur les finances, sur l’organisation municipale et provinciale, sur la responsabilité des ministres… Voilà des lois que le pays attend depuis longtemps. Après trois ans d’attente à quoi propose-t-on d’employer vos moments ? A quoi ? à la loi sur l’académie ! C’est une chose vraiment bien pressante, vraiment, que la loi sur l’académie. Qu’est-ce que cette loi d’ailleurs ? C’est une loi qui donnera le titre pompeux d’académiciens à 50 personnes et chargera le budget d’une somme de 25,000 francs.

Messieurs, les académiciens s’occupent sans doute de fortes belles choses ; mais le moment n’est pas venu dans notre patrie de rechercher la pierre philosophale, la quadrature du cercle ; le plus pressant est d’organiser le pays. Si donc nous avons besoin de travaux scientifiques, il y a une académie à Paris, et avec mille francs, et non 25,000 fr., nous pourrons nous les procurer ; nous pourrons connaître le résultat des recherches du monde savant.

Je ne suis pas savant sans doute ; mais je ne suis pas ennemi des lumières ; j’ai même pour amis des académiciens : mais tout cela ne constitue pas pour moi la nécessité de nous occuper, à l’exclusion d’important travaux, de l’académie.

Messieurs, je le répète, examinons dans nos sections la loi communale et ne perdons pas notre temps.

M. Devaux. - Guidé par des motifs assez différents de ceux que l’honorable préopinant vient d’exposer, je viens, comme lui, demander l’ajournement de la discussion sur la loi concernant l’académie. J’attache le plus grand intérêt à l’érection de l’académie, j’entends d’une bonne académie ; mais je crois que le moment n’est pas venu de nous livrer à ce travail. On a fait beaucoup d’honneur à l’académie en lui donnant le pas sur beaucoup de projets importants ; mais je crains que cet honneur qu’on lui a fait ne tourne à son désavantage, venant avant des lois financières et après des lois industrielles : j’ai peur que le projet sur l’académie ne soit pas discuté avec la méditation qu’il mérite.

Le projet sur l’académie a été introduit incidemment : il n’a pas été examiné par les sections ; il a été renvoyé à une section qui a terminé son travail en deux ou trois séances ; il n’a pas été soumis au public lettré ! Il y a peu d’hommes qui s’adonnent aux sciences et aux lettres parmi nous ; il y a encore moins d’artistes. Je crois que, par cette seule considération, il serait bon de laisser mûrir les choses, Il n’y a pas péril en la demeure. Il y a temps pour tout, et le temps où les lettres et le arts devront être traités dans notre assemblée n’est pas venu. Jusqu’ici nous ne nous sommes occupés que d’intérêts politiques ; ce qui doit nous occuper le plus maintenant, ce sont les intérêts matériels.

Dans le public, depuis trois ans, les lettres et les arts sont un peu effacés.

Il faut leur laisser reprendre leur importance aux yeux du pays, à nos propres yeux, pour discuter convenablement la loi sur l’académie. Quoique l’académie soit importante, je crois très prudent d’attendre encore : nous ne sommes pas aujourd’hui, d’après la série d’idées qui nous occupent depuis trois ans, a même d’apprécier l’importance d’une académie.

C’est donc dans l’intérêt de l’académie elle-même que je demande l’ajournement.

La dépense de 25,000 fr. qu’on propose peut paraître superflue sous le point de vue financier ; mais sous un autre rapport cette dépense peut paraître peu de chose.

Le temps convenable où nous aurons à nous occuper de l’académie, ce sera lorsque nous nous occuperons de l’instruction publique, alors nos idées seront toujours tournées vers les lettres et les sciences ; et les pensées qui nous auront guidés dans l’instruction pourront recevoir leur application dans l’académie.

Il ne serait pas impossible de mettre les universités en relations avec l’académie ; il ne serait pas impossible de subordonner l’existence de l’académie à celle des universités. Il y a une foule de questions qui peuvent se rattacher à l’existence des universités. S’il y avait deux ou trois universités, l’académie pourrait être moins utile à Bruxelles.

Précisément parce que le projet n’est pas mûr, la discussion sera longue.

On a proposé un projet en sept articles, mais il existe un projet préparé par le ministre de l’intérieur et qui est plus considérable. Si on met la loi en discussion, je proposerai de nombreux amendements. Pressés que nous sommes, nous tronquerons la discussion. Je crois que lorsque M. Dumortier a fait sa proposition, c’est qu’il craignait que le gouvernement n’organisât l’académie par voie administratif. Ses craintes sont dissipées. Les choses resteront dans l’état où elles sont, jusqu’à ce que la chambre ait prononcé.

Attendons un moment plus opportun. Les raisons de l’honorable préopinant, quoique énoncées sans ménagements, sont cependant de nature à faire impression sur les membres de cette assemblée et sur les personnes qui suivent nos discussions.

M. Dumortier. - Lorsque j’ai entendu l’honorable député du Luxembourg demander l’ajournement de la discussion sur le projet concernant l’académie, je me suis dit : Cet honorable membre est très conséquent avec ses antécédents ; mais lorsque j’ai entendu l’honorable député de Bruges venir appuyer une telle proposition, venir dire que l’assemblée n’était pas suffisamment éclairée, que lui-même n’était pas suffisamment éclairé…

M. Devaux. - Je n’ai pas parlé de moi.

M. Dumortier. - Puisque vous n’avez pas parlé pour vous, je vais répondre pour vous. Lorsque j’ai entendu soutenir qu’il fallait remettre la discussion (et cela par des arguments que l’orateur a puisés en lui-même, car on ne peut connaître ni interroger la conscience d’autrui), je demanderai à cet honorable député s’il serait étranger au projet de loi qui a été préparé par la camarilla du ministre de l’intérieur ? Comment peut-on venir donner à entendre qu’on ne serait pas prêt pour prendre part à la discussion d’un projet, quand il y a eu réunions sur réunions pour examiner la matière sous toutes ses faces ?

Il y a ici un but, c’est celui d’écarter le projet de loi actuel.

L’honorable député de Bruges a prétendu que ce qu’avait dit notre honorable collègue le député de Bastogne était l’expression fidèle de la pensée de cette assemblée ; s’il en était ainsi, messieurs, incontestablement l’assemblée tout entière devrait désirer la destruction de tout établissement scientifique.

Vous vous le rappelez, messieurs, nos balles immortelles avaient laissé des traces funestes de leur passage sur les bâtiments de l’observatoire, du jardin botanique, et des dégâts considérables appelaient de grandes et promptes réparations ; cependant une voix s’est élevée pour soutenir que de pareils établissements étaient inutiles en Belgique, attendu qu’on n’en trouvait pas de semblables dans le Luxembourg, et pour repousser tout crédit nécessaires aux réparations ! Oui, messieurs, il s’est trouvé dans cette enceinte un membre qui, méprisant tout ce qui fait l’orgueil d’une nation, a demandé la ruine de nos établissements scientifiques ! Et ce membre, c’est l’orateur que j’ai désigné comme étant conséquent avec ses antécédents… (Bruit.) Je ne parle pas du congrès ; je parle de l’époque de la première législature. Chacun de vous peut se rappeler ce fait.

Lorsqu’une pareille motion fut faite, la chambre des représentants l’adopta-t-elle ? Non, messieurs, dans cette enceinte il n’y a pas d’écho pour de pareils principes ; la chambre a voté les crédits demandés.

Qu’on ne vienne pas dire que l’académie peut rester telle qu’elle est. L’organisation actuelle pouvait bien convenir au royaume des Pays-Bas, mais non à la Belgique régénérée. Il est nécessaire qu’une loi détermine les attributions de cette association scientifique. M. Devaux voudrait maintenant écarter cette loi. Lui qui prétend que l’académie est une chose inutile, a-t-il oublié que, lors de la discussion du budget dernier, il appuyait l’intention du ministère de reconstituer par voie d’arrêté ce corps scientifique ? Il sent qu’il aurait fort mauvaise grâce à venir maintenant demander le rejet de la loi ; c’est pourquoi il propose l’ajournement qui, après tout, n’est autre chose qu’un rejet. Que ceux qui ne veulent pas de la loi, qu’ils le disent donc franchement ; qu’ils aient le courage de leur opinion, qu’ils proposent le rejet, et la chambre décidera. Mais employer des moyens détournés pour arriver à ce résultat serait indigne d’un représentant du peuple belge.

L’ajournement qu’on propose aujourd’hui ne peut être mis aux voix. Le règlement est positif. Quand un membre veut faire une proposition, il la dépose sur le bureau ; elle est ensuite renvoyée aux sections qui en autorisent ou en interdisent la lecture. Quand la lecture a eu lieu, si la proposition est appuyée par 5 membres, la discussion est ouverte sur la prise en considération, et la discussion terminée. M. le président consulte la chambre sur la prise en considération. La chambre prononce la prise en considération, l’ajournement, ou qu’il n’y a pas lieu à délibérer.

Voilà ce que prescrit l’article 37 de votre règlement. Eh bien, je vous le demande, ces formalités ont-elles été remplies ou non ? La lecture n’a-t-elle pas été autorisée à l’unanimité ? A l’unanimité aussi moins une seule voix, la chambre ne l’a-t-elle pas prise en considération ? Un seul membre a-t-il demandé l’ajournement ? Celui qui s’opposait à la prise en considération, prétendait qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. La chambre s’est donc prononcée, elle n’a pas voulu d’ajournement, et maintenant qu’elle a mis le projet à l’ordre du jour, vous ne pouvez pas la faire revenir sur sa décision ; l’ordre du jour doit être épuisé.

Quoique j’attache un grand prix à l’organisation de l’académie, à cause de l’influence qu’elle doit avoir sur le développement des lumières et les progrès de la civilisation, je sais qu’il y a des intérêts plus pressants encore ; mais, à l’honorable préopinant, qui montre maintenant tant d’empressement pour voter les lois provinciales et communales, je dirai : D’où vient ce tardif empressement ?

Quand nous avons demandé que ces lois fussent mises à l’ordre du jour, n’est-ce pas vous et le ministère qui vous y êtes opposés ? Vous avez mauvaise grâce à venir nous opposer l’urgence de ces lois, quand, par votre vote, vous en avez remis la discussion après celle de la loi sur le chemin de fer. Pour ce qui est des objets dont le préopinant a demandé qu’on fixât la discussion à lundi, il n’en est aucun qui soit au point de maturité prescrit par le règlement pour être mise en délibération. Vous n’avez de prêts que les rapports sur le ministère des finances et l’académie. Quant au rapport des pétitions, dont on a proposé de mettre la discussion à lundi, vous ne pouvez pas le mettre à l’ordre du jour, car le feuilleton n’est pas encore imprimé.

Si on ne veux pas de sociétés savantes, si on veut anéantir celle qui existe, qu’on le dise franchement.

M. Devaux. - Messieurs, l’honorable préopinant a supposé que j’aurais dit que je n’étais pas préparé, ce que je n’ai pas fait. Je n’ai pas dit non plus qu’il ne l’était pas. Il est académicien ; c’est beaucoup, surtout dans cette circonstance. J’ai dit que j’avais dû m’absenter longtemps et que j’avais été obligé de m’occuper à d’autres choses que la plupart de mes collègues. Je ne suis pas assez présomptueux pour porter un jugement sur le plus ou moins de dispositions, j’ai demandé que chacun d’eux s’interrogeât et se demandât combien de fois depuis trois ans il avait fait porter ses idées sur la matière dont on voulait faire l’objet de notre délibération.

Le préopinant m’a encore fait le reproche terrible d’avoir participé au projet de M. le ministre de l'intérieur, d’être de sa camarilla. Atterré par un semblable reproche, il ne me reste plus qu’à confesser ma faute. Oui, j’ai eu l’audace de m’entretenir de ce projet avec le ministre, d’assister à réunions sur réunions. Il est bien coupable le ministre qui a voulu s’entourer de quelques lumières ! Par malheur, je n’ai assisté qu’à une seule réunion où il y avait un membre de cette chambre et un homme de lettres. Mais le reproche ne s’arrête pas à ma présence dans des réunions, je suis de la camarilla de M. Rogier ! Quand M. de Theux était ministre, il fit avec M. Dumortier un arrêté en faveur de l’académie. Il y a cette différence entre nous que j’ai cru alors et que je crois encore que l’organisation de l’académie doit avoir lieu par voie administrative, et que M. Dumortier, après avoir fait rendre un arrêté sous le ministère de M. de Theux, a changé d’opinion avec le changement de ministère ! Je suis aussi bien de la camarilla de M. Rogier que M. Dumortier était de la camarilla de M. de Theux. Je ne lui en fais pas un reproche, et si de son côté il persistait à m’en faire un, je déclare que je l’accepterais.

Il a dit que ma proposition d’ajournement n’était pas sincère. Puisque j’ai pris part au projet du ministère sur l’académie, on doit supposer que je m’y intéresse un peu. Si je demande l’ajournement, ce n’est pas pour faire rejeter le projet indirectement, mais pour que vous puissiez le discuter après avoir mûri les questions qu’il soulève dans tous les sens. Je voudrais que toutes les demande d’ajournement fussent aussi sincère que la mienne, et que l’honorable député de Tournay n’en fît jamais de moins sincère.

M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne croyais pas avoir demandé la parole ; mais je me rappelle maintenant que je n’ai demandée pour confirmer le fait avancé par M. Dumortier, qu’en effet M. Devaux fait partie de la camarilla du ministre de l’intérieur.

M. d’Hoffschmidt. - L’honorable préopinant m’a adressé le reproche d’avoir été conséquent avec moi-même ; je l’en remercie. C’est un reproche que, pour ma part, je ne lui ferai jamais ; il peut en être certain. Il m’a ensuite accusé d’avoir demandé la destruction de tous les établissements scientifiques ; vous avez assisté tous aux séances où il s’est agi de ces établissements ; me suis-je jamais montré l’ennemi des lumières ? rappelez-vous les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte sur l’instruction, et dites lequel de nous deux s’est montré plus favorable au développement des lumières ?

Lorsqu’il a été question dans cette enceinte du jardin botanique, des sociétés philarmoniques de Liége et de Bruxelles, j’ai dit qu’on ne devait porter au budget de l’Etat que les dépenses de l’Etat, et que je ne pensais pas que le jardin botanique dût y figurer ; que c’était à la ville à en payer la dépense, puisque cela attirait des étrangers, et que la ville en profitait. J’ai dit la même chose pour les académies de musique de Liége et de Bruxelles, ainsi que pour les spectacles qui ne profitaient qu’aux villes dans lesquelles ils étaient établis et n’avaient pas d’influence directe sur la prospérité générale du pays. J’ai ajouté que, loin de blâmer ces établissements, je les trouvais utiles, et que si on faisait des souscriptions pour les soutenir, comme particulier, comme ami du progrès des sciences et des arts, je souscrirais volontiers. Je vous laisse encore à juger lequel de nous deux mérite le reproche d’inexactitude.

M. Dumortier a dit qu’il serait impossible de mettre les pétitions à l’ordre du jour de lundi, parce que le feuilleton n’est pas imprimé. D’après ce que m’a dit M. le greffier de la chambre, ce feuilleton pourra être distribué ce soir. L’orateur a ajouté que le règlement s’opposait à ce que ce rapport fût mis à l’ordre du jour. Je lui répondrai que je m’étonne de la sévérité qu’il montre aujourd’hui pour le règlement, quand on y a si souvent dérogé dans des circonstances semblables.

En effet, il est arrivé plusieurs fois que le feuilleton nous était distribué le jeudi et que le rapport avait lieu le vendredi.

M. Devaux m’a fait une espèce de reproche d’avoir parlé d’une manière brusque.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! on ne vous a pas fait de reproche.

M. d’Hoffschmidt. - J’ai parlé avec franchise, mais aussi, peut-être, me suis-je laissé entraîner par la chaleur de l’improvisation ; j’en demande pardon à l’assemblée ; je puis assurer que mon intention n’a nullement été de la brusquer.

J’oubliais de dire que l’honorable M. Dumortier, pour me présenter comme un ennemi des lumières, avait parlé de « balles immortelles, » et s’était servi d’autres phrases d’académiciens telles que celles-là, que je ne me rappelle pas. Mais je crois qu’il est inutile que j’y réponde.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. Il n’y a pas ici d’académiciens, mais des représentants. Si une société savante a cru devoir admettre dans son sein un des membres de cette assemblée, c’est tout à fait étranger à ce qui se passe ici. Je désirerais que chacun eût donné autant de preuves que moi de son amour pour le pays. Quand j’ai publié sur les sciences des documents qui ont reçu des approbations ailleurs qu’en Belgique, je n’aurais jamais cru qu’on m’en eût fait un reproche dans mon pays.

M. d’Hoffschmidt. - Je suis loin de faire un reproche à l’honorable préopinant des documents qu’il a publiés sur les sciences ; je l’en remercie au contraire, et je l’engage à en publier de nouveaux. Je ne crois pas l’avoir attaqué parce que j’ai dit qu’il avait parlé de balles immortelles, que c’était une phrase d’académie.

C’est en effet une très belle phrase.

M. de Theux. - Après la discussion qui vient d’avoir eu lieu, je crains d’abuser des moments de la chambre. Quand chacun signale des travaux importants dont la chambre doit s’empresser de s’occuper, il est fâcheux que nous ayons perdu deux jours sur six à savoir ce que nous discuterions et ce que nous ne discuterions pas.

Dans la discussion qui vous occupe, on a semblé insinuer que la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’académie avait précipité son travail. En ma qualité de membre et de président de cette commission, je dirai que c’est à tort qu’on lui a adressé ce reproche, qu’elle a mis tout le temps et les soins nécessaires pour examiner les questions qui se rattachaient à ce projet. On a dit aussi que le moment n’était pas propre pour s’occuper d’une loi, qu’un pouvoir législatif n’était pas assujetti à telle ou telle condition extérieure pour ouvrir une discussion ; dès qu’il a été saisi d’un projet de loi, que tous les renseignements ont été réunis, le temps est propre pour la discussion.

Faut-il commencer la discussion du projet de loi relatif à l’académie ou l’ajourner indéfiniment ? Ceci est subordonné à une autre question : Quand pourrons-nous commencer la discussion du budget des finances ? Si nous pensions qu’on ne pourra ouvrir la discussion du budget des finances que mardi ou mercredi, je ne vous aucun inconvénient à ce que nous nous occupions de la loi d’organisation de l’académie. Le projet n’a que 7 articles ; je ne pense pas que la discussion embrasse plusieurs séances.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si le projet de loi dont il s’agit ne devait renfermer que sept articles et ne donner lieu qu’à de courts débats, je concevrais qu’on pût en commencer la discussion, avec l’espoir de l’avoir terminée avant le jour fixé pour la discussion du budget des finances. Mais ce projet sera augmenté de plusieurs articles nouveaux que je me propose de présenter, et qui soulèveront des débats peut-être assez longs.

J’espère qu’on me rendra la justice de croire que je ne veux pas, par une motion d’ordre détournée, écarter indéfiniment un projet d’institution dont je me suis occupé moi-même dès mon entrée au ministère, et qui est l’objet de toute ma sollicitude. Je suis loin d’approuver la manière dont l’honorable député du Luxembourg a traité la question des académies. Je pense qu’une académie telle que nous l’entendons, loin d’être inutile, doit exercer la plus heureuse influence sur le pays et sur sa nationalité, et que, parmi les institutions à créer dans l’intérêt et la gloire de la patrie, une académie belge doit figurer des premières. Mais je pense, comme l’honorable M. Devaux, que le moment n’est pas opportun pour s’en occuper. Quoique depuis quelques temps il se fasse un mouvement assez prononcé vers les études morales, scientifiques et littéraires, les esprits aujourd’hui, et en particulier dans cette chambre, sont encore trop dominés peut-être par les questions politiques, pour s’occuper avec goût et fruit de ces projets désintéressés, qui s’en détachent complètement.

J’ai cru devoir faire cette déclaration, dans l’intérêt même de l’institution à laquelle nous devons attacher tous le plus grand prix. Nous serions très fiers pour le pays qu’il pût montrer à l’étranger autant d’hommes distingués sous le rapport scientifique que l’honorable collègue que je combats dans cet instant. Quelque divergence d’opinion qui puisse nous séparer sur les questions politiques, je suis le premier à rendre hommage aux travaux qui lui ont valu ailleurs encore qu’en Belgique d’honorables encouragements et des distinctions aussi flatteuses que méritées.

M. le président. - M. d’Hoffschmidt entend-il limiter l’ajournement qu’il propose, ou bien est-ce un ajournement indéfini ?

M. d’Hoffschmidt. - C’est un ajournement indéfini que je propose.

M. Devaux. - On reprendra le projet dans un moment plus opportun ; par exemple, après la loi sur l’instruction publique.

- L’ajournement est mis aux voix et prononcé.


M. le président. - Il nous reste à fixer l’ordre du jour de lundi. A quel jour l’assemblée veut-elle fixer la discussion du budget des finances ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’avais su qu’une première expédition des épreuves du rapport du budget avait été remise hier soir. Ce matin j’en ai fait prendre des exemplaires pour en remettre aux divers commissaires, afin que chacun d’eux pût s’occuper sans délai de la partie du budget qui le concerne. J’ai fixé pour tout délai lundi prochain pour la remise de leurs travaux : ce n’était pas trop demander qu’un jour, mardi, pour prendre connaissance des observations faites sur le travail de la section centrale et les réunir. Je pense que mercredi je serai en mesure. Si la chambre veut agréer ce jour, je ferai en sorte que la discussion s’ouvre mercredi.

- Plusieurs voix. - Mardi.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce n’est que lundi que je recevrai les observations de MM. les commissaires ; je demande un jour, mardi, pour réunir ces observations et préparer un travail d’ensemble, qui j’espère, ne sera pas sans intérêt.

- La discussion du budget des finances est fixée à mercredi.

M. Brabant. - Je demande qu’on mette à l’ordre du jour de lundi le projet de loi relatif à l’exemption des droits de douane demandée pour des machines, que vous avez renvoyé à la commission avec des amendements.

M. de Muelenaere. - Et la discussion, s’il y a lieu.

- Quelques membres. - Et ensuite le rapport des pétitions.

- L’ordre du jour est adopté conformément à ces trois propositions.

La séance est levée à 3 heures 1/4.