(Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1834 et Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1834)
(Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1834)
(Présidence de M. Raikem)
/p> M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Zoude, rapporteur de la commission d’industrie, est appelé à la tribune. Il présente un projet de loi à l’occasion d’une pétition qui a été renvoyée à cette commission.
- La chambre fixe la discussion de ce projet à lundi, attendu l’urgence.
M. le président met successivement aux voix les amendements faits à ce budget ; ils sont adoptés sans discussion.
Le budget est ensuite soumis au vote per appel nominal.
Il est voté à l’unanimité des 60 membres présents.
Trois membres, MM. Dugniolle, Fleussu, Thienpont, s’abstiennent de voter, parce qu’ils n’étaient pas présents à la discussion.
M. le président. - La chambre, dans la dernière séance, a mis à l’ordre du jour le projet de loi sur l’académie, et la fixation de l’époque à laquelle elle s’occupera de la loi concernant le chemin en fer.
M. Zoude. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Un projet de loi qui intéresse la classe malheureuse, a été présenté à la chambre ; c’est le projet relatif à la sortie des os. Je demande que les sections s’en occupent promptement. Ce sera un acte d’humanité que de porter cette loi.
M. le président. - Le projet sera mis à l’ordre du jour dans les sections. Veut-on maintenant s’occuper du projet de loi sur l’académie ? (Oui ! oui !) Sur quel projet veut-on établir la discussion ? sur celui de la section centrale ou sur celui de M. Dumortier ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je voudrais que la chambre décidât avant tout quelle sera l’objet de ses discussions lundi prochain ; si elle s’occupera des budgets ou de la route en fer. On veut commencer aujourd’hui la discussion sur l’organisation de l’académie ; je dois déclarer qu’il me serait impossible d’y prendre part ; ce projet de loi vient d’être imprimé et distribué ; je n’ai pas eu le temps de l’examiner, et ce projet n’est pas sans importance.
M. Dumortier entre dans la salle et monte à la tribune. Il demande la permission de lire le rapport de la section centrale sur le budget du ministère des finances.
- La chambre invite l’honorable membre à déposer son travail sur le bureau.
M. Devaux. - Ce qu’il faut discuter aujourd’hui, c’est quand on ouvrira la discussion sur la route en fer. Il faut que cette discussion précède l’ouverture de la discussion sur l’organisation de l’académie, car nous ne savons pas combien de temps cette organisation nous occupera.
M. Dumortier. - La section centrale vient de déposer son rapport sur les finances ; je vais le transmettre immédiatement à l’imprimerie, et je suis convaincu que demain soir, il pourra être distribué ; de cette manière, nous pourrions commencer lundi la discussion du budget des finances.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, j’avoue que je ne comprends pas la promptitude que l’on veut mettre à la discussion d’un budget aussi important que celui des finances. En le discutant lundi comme on le demande, nous n’aurons pas eu le temps d’examiner le rapport de la section centrale, travail considérable, plein de faits et d’observations auxquels je ne pourrais pas répondre sans méditation. Il y a deux mois et demi que le budget des finances est soumis à l’examen des sections, et on ne nous donnerait que deux jours pour étudier le travail de la section centrale. Il me paraît d’ailleurs assez singulier qu’on intervertisse l’ordre de nos délibérations, et qu’on ne commence pas par le budget de l’intérieur.
M. d’Hoffschmidt. - Si nous voulons discuter lundi le budget des finances, il ne faut pas commencer aujourd’hui la discussion du projet relatif à l’académie, qui n’est d’ailleurs rien moins qu’urgent. Demain nous aurons à nous occuper de pétitions importantes, samedi il y a une loi à l’ordre du jour. La délibération sur le budget des finances sera précédée d’une discussion générale qui durera deux jours au moins ; ainsi M. le ministre des finances aura le temps d’étudier les articles du rapport de la section centrale.
Quant au projet sur la route en fer, il ne presse pas autant que les lois de finances, et même que les lois provinciales et communales. Si des conseils provinciaux existaient, on pourrait même les consulter utilement sur l’établissement des routes en fer.
Ces autorités, messieurs, seraient plus à même qu’aucune autre autorité de discuter les vrais intérêts des provinces. Commençons donc par les instituer.
M. Dumortier. - Il paraît extrêmement singulier, dans cette circonstance, que ce soit le ministre qui demande des retards pour la discussion du budget des finances, lui qui paraissait craindre les crédits provisoires ; il disait, il y a quelques mois : Pour voter le budget des finances, vous n’aurez qu’un changement à faire, c’est de mettre 1834 au lieu de 1833 ; car les budgets de ces deux exercices sont identiques. Il est possible que quelques-uns de mes honorables collègues aient étudié les documents relatifs au chemin en fer ; quant à moi, il y a environ deux ans que j’ai lu les deux volumes de pièces in-4° qu’on nous a remises ; je ne puis, en 24 heures, relire ces deux gros volumes. Je ne crois pas qu’on puisse avoir assez de volubilité dans la lecture pour lire deux volumes en si peu de temps (on rit.) Il s’agit d’une dépense de 30 à 40 millions…
- Une voix. - Dites 50 millions !
- Une seconde voix. - Dites 60 millions !
- Une troisième voix. - Dites 80 millions !
M. Dumortier. - Je vois avec plaisir que les députés des territoires par lesquels la route passera, déclarent que la dépense sera très considérable. Quoi qu’il en soit de la quotité de cette dépense, quand vous l’aurez autorisée, il faudra un emprunt pour l’effectuer…
- Des voix. - C’est là le fond de la question.
M. Dumortier. - Il est clair que pour demander la discussion immédiate des chemins en fer, on entre dans le fond de la question ; ainsi, pour combattre cette demande, il faut bien que j’y entre moi-même. Sans cela comment voulez-vous que j’émette une opinion consciencieuse ?
Depuis qu’on nous a présenté le projet du chemin en fer d’Anvers à Cologne, on nous a présenté un projet de chemin en fer d’Ostende à Malines. (Bruit.) L’honorable député de Malines qui est derrière moi...
- Des voix. - Point de personnalités ; point de suppositions injurieuses !
M. Dumortier. - Messieurs, il est incontestable que l’on viendra vous demander un second emprunt pour le chemin d’Ostende à Malines ; eh bien ! je vous le demande, la main sur la conscience, pouvez-vous dire que vous avez examiné mûrement un projet qui impose une charge de 30 millions au pays ? (Bruit.)
Parmi les documents communiqués à la chambre sur le chemin en fer, se trouve-t-il des documents relatifs aux projets du gouvernement prussien ?
Le ministre des finances, invoquant les précédents, dit qu’on a toujours discuté le budget de l’intérieur avant celui des finances ; mais en 1832 nous avons au contraire voté celui des finances avant celui de l’intérieur : ainsi la chambre n’est pas en contradiction avec ses précédents. Au reste, cette objection ne signifie rien. Il a allégué une raison plus forte, c’est qu’il ne pouvait pas être prêt pour répondre à la section centrale lundi prochain ; je lui ferai remarquer que les réductions proposées par la section centrale sont en petit nombre ; que demain matin il aura une épreuve du rapport de la section centrale ; rapport qui sera distribué à tous les membres demain soir. Le rapport de la section centrale pas très volumineux ; il est moins considérable que celui qui fut fait sur la convention de Zonhoven, et qui cependant fut imprimé d’un jour à l’autre. Ainsi, vous aurez samedi, dimanche et lundi pour examiner le rapport sur le ministère des finances.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On annonce l’impression du rapport sur le budget des finances pour demain soir et même pour demain matin. Je serais très étonné, quelque rapidité que l’on mît dans l’impression de ce document, qu’il fût distribué demain soir ; quels que soient les assurances données dans cette circonstance, on me permettra de douter. Supposons que le rapport soit prêt demain, le ministre sera-t-il en mesure de répondre à toutes les objections faites à l’administration ?
Pour ne pas perdre de temps, nous ferons mieux de commencer la discussion par le chemin en fer. Si l’on commence par les budgets des finances et de l’intérieur, on ne les aura pas terminés avant quinze jours à partir de lundi, tandis que si l’on commence par le chemin de fer, en convoquant le sénat on lui renverrait cette loi, qu’il aurait le temps de voter avant d’aborder les budgets. Je m’adresserai à la franchise de M. Dumortier, et je lui demanderai à quelle époque il veut fixer la discussion sur la route en fer ?
L’honorable représentant de Tournay vous dira, après le vote des budgets, que bien d’autres intérêts que ceux du commerce sont en souffrance ; qu’il est urgent de discuter la loi provinciale et la loi communale, en sorte que la discussion sur le chemin en fer serait remise indéfiniment.
Je ne dirai pas que le but de l’honorable député de Tournay soit de s’opposer à la construction de cette route ; je ne dis pas non plus que ce soit là le but des députés des contrées par lesquelles la route ne passera pas ; cependant on vient de nous engager, avant de voter la route, de créer des corps qu’il faudrait consulter avant de l’établir. S’il en était ainsi, que feriez-vous de ces enquêtes approfondies qui ont été faites ? Que feriez-vous de ces deux volumes in-4°, qui effraient M. Dumortier ? Cette fois on ne viendra pas objecter qu’on jette à la chambre un projet de loi sans être accompagné de renseignements. Les corps qui doivent examiner le projet, ce sont les chambres législatives ; voilà les conseils qu’il faut aujourd’hui écouter.
La chambre est saisie il ne faut donc pas attendre que les corps provinciaux soient créés ; peut-être ne pourront-ils pas être institués cette année.
Je ne prévois pas quelles raisons on pourrait alléguer pour s’opposera à la discussion immédiate.
On s’est occupé de ce que coûterait le chemin en fer ; mais ce chiffre sera débattu pendant la délibération sur le projet de loi. On ne connaît pas les intentions ou les décisions du gouvernement prussien : plusieurs membres savent à quoi s’en tenir sur ces décisions. Il est certain pour eux qu’un projet existe en Prusse ; que la sanction du gouvernement prussien a été donnée à ce projet.
Mais n’y eût-il pas de projet semblable chez nos voisins, que le chemin en fer serait encore très utile chez nous. Quand le moment de la discussion sera arrivé, nous ferons voir que la Prusse est aussi pressée que la Belgique pour l’exécution de cette grande communication.
Je fais donc la motion formelle que la discussion sur la route en fer commence lundi prochain.
Il y a huit mois que les pièces ont été communiquées ; il y a deux mois que le rapport a été fait ; ce temps a suffi pour se mettre au courant de la question.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - M. Dumortier a été chargé, il y a environ six semaines, du rapport sur le budget des finances ; son travail contient probablement des réflexions importantes et nombreuses ; puis-je espérer que d’ici à deux jours je serai prêt pour soutenir la discussion ? Avec la meilleure volonté du monde, et j’en fais souvent preuve dans cette chambre, je ne puis promettre que je serai dans le cas de répondre aux objections de M. le rapporteur de la section centrale.
M. Gendebien. - Je ne comprends pas la précipitation que on veut mettre dans le vote du chemin en fer, tandis que l’on paraît en même temps si peu empressé d’obtenir les budgets dont on réclamait si vivement la discussion il y a peu de temps ; ce contraste me semble inexplicable. Le ministre de l’intérieur prétend qu’il ne peut pas se livrer à la discussion du projet concernant l’académie, parce qu’il n’est pas préparé à cette discussion, quoique le rapport ait été présenté il y a plusieurs jours. Le ministre des finances trouve des inconvénients à ce que l’on discute le budget des finances, budget que l’on présente tous les ans et qu’il doit savoir par cœur. Il n’y a plus d’urgence à voter les budgets, les lois sans lesquelles l’administration ne peut marcher ; on préfère nous faire voter un projet très grave, accompagné de 2 volumes in-4°’ dont je n’ai pas lu moi, comme bien d’autres, la première ligne. On veut que d’ici à lundi nous soyons prêts à délibérer sur une matière toute spéciale. ; et MM. les ministres qui connaissent les budgets, qui par état doivent les posséder jusqu’aux moindres détails, soutiennent qu’ils ne sont pas prêts !
Je n’ai pas l’habitude de supposer d’arrière-pensées ; mais je ne conçois pas ce contraste. Croyez-vous que la nation sera persuadée de l’utilité de la route en fer, de la nécessité de la dépense qu’elle occasionnera, si l’on nous fait violence pour obtenir ce vote. Qu’on discute ou non le projet relatif à l’académie ; qu’on le renvoie si on veut aux calendes grecques, j’y consens, nous avons bien autre chose à faire que d’organiser une académie ; mais à coup sûr il serait plus que déraisonnable de nous faire discuter lundi sur le chemin en fer. Si lundi M. le ministre des finances ne peut se livrer à la discussion de son propre budget, je le plains, si c’est de son propre mouvement qu’il fait une pareille allégation ; toutefois, on peut lui demander s’il sera prêt mardi ou mercredi : nous n’avons pas plus de temps que lui pour examiner ce budget, et il a sur nous l’immense avantage d’être instruit de la matière. Après les budgets nous discuterons les chemins en fer. Chaque chose peut venir à sa place. Que le ministre veuille dire si quatre jours ne lui suffisent pas pour se préparer au combat, qui ne sera pas d’ailleurs très rude.
M. Dellafaille. - Messieurs, d’après les assurances positives qui nous ont été données par l’honorable rapporteur du budget des finances, il paraît constant que, lundi au plus tard, le budget de l’intérieur ou le budget des finances pourra être en délibération. Dès lors, je ne crois pas qu’il y ait lieu de scinder les discussions financières au risque de retomber dans les crédits provisoires régime aussi importun au ministres qu’à nous-mêmes. Travaillons donc sans relâche à terminer les budgets, sauf à voir à quel projet doit ensuite nous occuper le premier.
Deux avis partagent l’assemblée : les uns demandent qu’on s’occupe immédiatement de la route en fer ; les autres réclament la préférence pour la loi provinciale. Auquel de ces deux projets également urgents faut-il donner la priorité ? A celui sans doute qui, ne demandant que la discussion la plus courte, retardera le moins longtemps la loi également importante qui se trouvera postposée. Cette raison assez naturelle acquiert une nouvelle force, si ce projet est précisément celui dont le retard offrirait le plus d’inconvénients. Si ce raisonnement est juste, je crois, messieurs, qu’il y a lieu de s’occuper de la route en fer préalablement à l’organisation provinciale.
Le premier de ces projets, malgré son importance, n’est pas de nature à exiger une discussion bien longue, puisqu’il n’offre qu’une seule question de principe ; je dis une seule, car l’utilité de la création d’un chemin de fer n’étant, que je sache, pas contestée, au moins ouvertement, toute la question se réduit à savoir s’il vaut mieux faire exécuter cet ouvrage par voie de concession qu’aux frais de l’Etat. Voilà l’unique point véritablement sujet à une controverse sérieuse. Les autres articles, peu nombreux d’ailleurs, ne sont que l’application de ce principe, et dépendent de la solution qui y sera donnée. Or, quelle que soit l’importance des intérêts qui se rattachent à cette solution, je crois qu’un terme de quinze jours, par exemple, est plus que suffisant pour décider un seul principe et pour entendre jusqu’à satiété toutes les opinions diverses qu’il peut soulever.
En est-il de même de la loi provinciale ? Je ne le pense pas. Ce projet, au lieu d’une seule question de principe, en présente une foule qui demanderont une longue discussion. Règles à suivre dans les élections et dans les assemblées du conseil ; attributions du conseil et de la députation permanente ; rapports du gouverneur avec le conseil ; intervention du gouvernement dans les actes de l’autorité provinciale ; toutes ces questions, messieurs, et plusieurs autres, que j’omets pour ne pas vous faire une analysé inutile du projet, ne sont pas faciles à résoudre et ne se décident point par oui ou par non, ainsi que celle de la concession ou la non-concession de la route en fer. Chacune d’elles peut donner lieu à divers systèmes très différents qu’il faudra successivement débattre. Je ne parle pas des détails, très importants aussi et très nombreux, puisque la loi, telle qu’elle est formulée dans le rapport, vous présente encore une masse de 128 articles.
La discussion d’une pareille loi est un ouvrage de longue haleine. Nous avons eu un échantillon de ce que j’avance dans la section centrale. Nous avons travaillé sans un seul jour de relâche, et malgré toute notre bonne volonté il nous a été impossible de terminer ce travail en moins de six semaines. Nous n’étions que sept cependant, et ce nombre restreint devait nécessairement abréger les discussions. Que sera-ce quand ce projet sera débattu dans une assemblée de cent personnes, et que, sur chaque question vitale, dix, quinze, peut-être vingt orateurs viendront apporter le tribut de leurs lumières, et présenter des systèmes plus ou moins différents ! Je crois, messieurs que si la chambre parvient à terminer cet ouvrage dans le même délai que la section centrale, elle n’aura pas perdu son temps, et qu’il y aura lieu de lui faire compliment sur sa diligence.
Vous conviendrez tous, messieurs, que la discussion immédiate du projet de loi sur la route en fer retardera beaucoup moins la loi provinciale que la discussion préalable de celle-ci ne ferait la première. Reste à voir auquel de ces deux objets un retard ferait essuyer le plus de dommage. A mes yeux, c’est évidemment au projet de route en fer.
J’ai supposé pour la discussion de cette loi le terme le plus long qu’elle puisse atteindre, quinze jours ; quel danger ou quel avantage y a-t-il pour l’Etat à ce que la loi provinciale soit votée quinze jours plus tôt ou quinze jours plus tard ? absolument aucun, Il y en a si peu que, si la chose est possible, nous aurons peut-être à examiner si, après ce qui s’est passé à Liége, il ne convient pas de donner à la loi communale la priorité sur la loi provinciale.
Renvoyer la discussion sur le chemin de fer après l’un de ces deux objets, et surtout après tous les deux, ainsi qu’il a été proposé, c’est véritablement la renvoyer aux calendes grecques, puisqu’il nous devient impossible de nous en occuper avant les vacances que la chambre prend ordinairement vers Pâques.
Si la loi provinciale doit passer la première et avant le mois de mai ou de juin ; si l’organisation communale doit encore précéder, où est alors le vote du sénat ? tandis qu’en nous en occupant immédiatement, le sénat peut connaître de ce que nous aurons décidé après le budget, et la loi peut être sanctionnée avant que nous ayons terminé la discussion générale sur la loi provinciale. Or, messieurs, tous ceux dont l’avis peut former autorité en cette matière vous attestent que, quelle que soit votre décision sur la question principale, il est important que la loi soit portée le plus promptement possible, afin que les travaux puissent commencer à l’entrée de la belle saison ; que si cette loi au contraire n’est rendue qu’en juillet ou en août, on perd une année tout entière.
Et n’est-ce rien que la perte d’une année quand il s’agit de voies commerciales ? Tandis que nous délibérons si nous discuterons, nos rivaux agissent. Prenez garde, messieurs, que le commerce ne prenne une autre route. Il est, qu’on me passe l’expression, il est un peu animal d’habitude, et quand une fois il a choisi un chemin, il n’est pas aisé de l’en détourner.
Jusqu’à présent, messieurs, notre attention a été presqu’uniquement absorbée par les questions politiques. Il est temps enfin de profiter du temps d’arrêt que nous donne la diplomatie pour nous occuper activement des intérêts matériels du pays. Ce serait bien mal récompenser la patience admirable avec laquelle le peuple belge nous a jusqu’ici tenu compte des obstacles qui ont paralysé notre bonne volonté à cet égard que de reculer encore, je dirai presqu’indéfiniment, le simple examen d’une question dont le commerce et l’industrie attendent la solution avec une si vive impatience. Je dirai plus ce serait nous exposer aux sifflets de toute l’Europe qui nous reprocherait que nos intérêts matériels trouvent plus de sympathie dans un cabinet étranger que dans la chambre des représentants de la Belgique elle-même.
Pour ces motifs je demande que la discussion du projet de loi sur la route en fer soit mise à l’ordre du jour immédiatement après les budgets.
M. Gendebien. - Je suis parfaitement de l’avis du préopinant ; je ne demande pas la remise indéfinie de la discussion des routes en fer ; mais je demande qu’on discute avant tout les budgets.
M. Dellafaille. - Je partage l’opinion de M. Gendebien ; je demande formellement que la discussion sur le projet de loi concernant les chemins en fer ait lieu immédiatement après les budgets.
M. Dewitte. - Le chemin en fer n’entre pour rien dans l’opinion que je me crois obligé d’émettre ; je pense qu’il est impossible que nous puissions entamer avec connaissance de cause la discussion d’un objet aussi important que le budget des finances. Lundi prochain, nous aurons tout au plus deux jours dont l’un sera un dimanche, pour examiner ce rapport et le confronter avec le budget.
Le temps que la section centrale a mis à préparer et faire son rapport en prouve toute l’importance. Je dois donc m’opposer à ce que cette discussion commence lundi ; il me faut un délai moral pour examiner ce rapport, et former et motiver les opinions que je pourrai avoir à émettre sur le budget et les articles qu’il contient, et deux jours ne peuvent suffire.
M. d’Hoffschmidt. - A toutes les observations que l’on vient de présenter se joint la considération tirée du temps. Nous sommes au 23 janvier ; si nous ne fixons pas la discussion du budget des finances à lundi ou à mardi, nous tomberons dans les crédits provisoires dont nous voulons sortir.
Tous les employés de l’administration des finances, c’est-à-dire les employés de la douane, les employés du domaine, des contributions, etc., se plaignent déjà de ce que l’on arrive à la fin du mois sans qu’aucun crédit soit ouvert pour payer leurs traitements. Il ne suffit pas que nous ayons voté le budget des finances, pour que l’administration puisse disposer des allocations ; il faut encore le vote du sénat : c’est encore là un motif pour hâter notre délibération. Commençons donc par le budget des finances.
La discussion sur le chemin en fer sera longue ; il s’agit d’un projet qui coûtera peut-être 60 ou 80 millions à l’Etat : il faut dans une circonstance aussi importante que les membres de la représentation nationale soient avertis ; il faut le concours de tous nos collègues ; nous ne saurions nous entourer de trop de lumières : je voudrais que M. Corbisier, que d’autres qui ont des connaissances spéciales, soient présents. Quoique le chemin en fer ne doive pas traverser ma province, ce ne sont cependant pas des motifs antipatriotiques qui me font demander l’ajournement ; je ne demande la remise que parce que la dépense sera immense pour mon pays, et que je ne saurais me résoudre à consentir à ce que l’Etat prît des engagements si exorbitants sans être assuré qu’il en retirera des avantages en proportion.
Je m’oppose par ces considérations, messieurs, à ce que la discussion sur le projet de loi relatif au chemin de fer soit fixée à lundi.
Quant à la proposition que vient de vous faire notre honorable collègue M. Dellafaille, de fixer cette discussion immédiatement après celle des budgets, je la crois prématurée, car nous ne pouvons dès maintenant nous lier pour l’avenir.
Certainement la création d’un chemin de fer est très importante pour le pays ; mais, messieurs, ne perdez pas de vue que les lois sur l’organisation provinciale et communale sont sollicitées et attendues avec impatience depuis trois ans par la nation entière, qui s’appuie à cet égard sur la constitution elle-même qui a prescrit que ces lois soient faites le plus tôt possible.
Ne fixons donc pas prématurément l’ordre dans lequel nos discussions auront lieu sans avoir mûrement pesé ces considérations ; attendons pour cela que nous ayons terminé les budgets ; ce sera seulement alors le moment de décider lequel projet doit avoir la priorité.
M. Devaux. - De toutes les manières vous arriverez à la nécessité d’ouvrir des crédits provisoires. Le budget des finances ne peut être voté avant la fin du mois dans les deux chambres. Le projet de la route en fer a été présenté il y a deux ans, il a passé par les sections, il a été examiné à loisir. Il s’agissait d’abord d’un projet par concessions. Voilà à peu près un an qu’un autre projet a été présenté ; jamais il n’en a existé qui fût entouré de plus de renseignements, d’enquêtes plus multipliées. Toutes les sections s’en sont occupées. Elles s’en sont occupées ayant sous les yeux l’avis des chambres de commerce, les rapports des ingénieurs ; et pour que rien n’y manquât, on a fait imprimer l’ancien projet dont le principe était l’exécution par concession. Ce n’est pas tout, de nombreuses brochures ont paru sur cette matière, et jamais nous n’avons été plus éclairés.
S’il s’agissait d’un projet en nombreux articles, ayant rencontré beaucoup d’opposition dans les sections, je concevrais qu’on pût douter de la convenance de commencer nos délibérations par une telle loi ; mais ce projet a obtenu de la généralité de nos sections une approbation presque unanime. Il n’y a qu’une question fondamentale a décider, c’est la question des concessions. Depuis deux ans nous connaissons les arguments pour ou contre cette question et nous pouvons la résoudre.
Il serait douloureux qu’un projet national fît ici antichambre pendant une année entière et qu’on ne pût l’admettre aux honneurs de la discussion. Huit jours de plus ou de moins ne feront rien sur les budgets, tandis que la discussion sur la loi des routes en fer fera un effet considérable sur le pays. Nous ne pouvons plus reculer. Quel rôle jouerions-nous ? quelle idée aurait-on du gouvernement représentatif si nous ne pouvons résoudre une question si vitale pour les intérêts matériels ? L’administration a conçu une pensée grande et utile ; cette pensée restera stérile parce que les chambres ne s’en seront pas occupées ! Les chambres, dira l’un, délaissent les intérêts du commerce ; un autre fera observer que, dans un pays où il n’y a pas de chambres, un projet semblable est déjà examiné et admis par le pouvoir, et que nous, nous en sommes encore à savoir si nous le discuterons et quand nous le discuterons.
Il ne faut pas renvoyer cette discussion après les budgets, parce que d’ici aux votes des budgets, il pourra se présenter des lois urgentes. Remarquez-le bien, il importe que le projet des chemins en fer soit voté immédiatement ; il est même malheureux qu’il ne le soit pas déjà. Il existe des plans semblables dans d’autres pays ; ces pays ne coordonneront pas leurs travaux avec les vôtres, si vous n’arrêtez pas de plan. Je demande que la discussion soit ouverte lundi. Il n’y a qu’une question, c’est celle des concessions ; il ne faut pas trois jours pour la décider : elle est très simple. Il est important, sous un autre rapport, de commencer par les chemins en fer, c’est qu’une opinion se répand dans le pays : on dit que le projet des chemins de fer, mis sur le seuil de notre porte, n’est qu’un leurre, et qu’on n’a réellement point dessein de rien faire en faveur de l’industrie et du commerce. Je crois que les budgets sont d’une importance bien inférieure aux chemins de fer ; ils ne sont qu’annuels, et ils ne peuvent être comparés à un projet qui doit avoir tant d’influence sur notre avenir.
M. Angillis. - Je pense avant tout à assurer le service des diverses branches de l’administration. Prenez garde de retomber dans les crédits provisoires, de retomber dans une mauvaise ornière : ce n’est pas une ornière en fer, c’est une ornière en argent. Si le rapport sur le budget des finances peut être distribués demain matin, je ne vois pas de motif pour qu’on ne discute pas lundi prochain. L’étude du budget des finances est déjà fait depuis plusieurs semaines, et chacun de nous est supposé avoir coopérer à l’examen préparatoire des budgets.
Les changements que peut proposer la section centrale ne doivent être que les changements indiqués par les sections ; ainsi nous n’avons rien de nouveau à examiner. Le ministre prétend qu’il ne pourra pas répondre lundi prochain ; le ministre doit se rassurer : on discute les budgets sous deux points de vue, sous le rapport politique et sous le rapport des chiffres ; le point de vue politique prendra deux séances au moins ; le ministre n’aura donc à répondre que mercredi prochain sur les articles.
Je ne vois pas de motifs pour retarder la discussion. Quant à la discussion du chemin en fer, elle doit avoir lieu. On prétend qu’elle ne sera pas longue ; je suis d’un autre avis. Il y a trois questions fondamentales dans cette loi : premièrement il faudra savoir s’il y aura chemin en fer, oui ou non : les opinions sur cette questions sont partagées. Si elle est résolue affirmativement, il y aura la question des concessions qui peut également être envisagées de plusieurs manières. La troisième question est celle des emprunts, laquelle peut donner lieu à de fort longues discussions. Sous tous les rapports le débat sera long. Ce n’est pas une raison pour ne pas l’entamer ; mais si on discutait les chemins en fer avant les budgets, ceux-ci seraient remis à une époque assez éloignée. A cause des nombreux renseignements que nous avons sur la route en fer, la méditation n’en sera que plus laborieuse.
J’ai examiné tous les documents, mais malgré ma bonne volonté, je ne pourrais pas prendre part immédiatement à la discussion. J’appuie la proposition tendante à renvoyer la délibération sur la route en fer après les budgets.
M. Dumortier. - J’ai entendu avec beaucoup d’étonnement que le ministre des finances ait reproché à la section centrale d’avoir mis six semaines à examiner le budget de son département : le ministre aurait dû se rappeler que hier matin, et aujourd’hui même, des renseignements venant de lui nous ont été remis. Il n’y a pas six semaines que je suis rapporteur de la section centrale, il n’y a pas un mois que j’ai été chargé de préparer le rapport. Quoi qu’il en soit, le ministre a révoqué en doute la possibilité d’opérer demain la distribution de mon travail. Eh bien, moi, je prends l’engagement de faire exécuter cette distribution pour demain soir. La chambre doit se rappeler que le rapport sur l’affaire de Zonhoven, qui était double de celui que je viens de déposer, a été imprimé et distribué à peu près du jour au lendemain ; il en sera de même à plus forte raison du rapport sur le budget des finances.
En ajournant la discussion des budgets, nous retombons dans les crédits provisoires que la chambre a flétris, et que le ministère a déclaré vouloir éviter.
M. le ministre de l’intérieur a fait un appel à ma franchise ; je vais répondre à son appel et lui dire toute ma pensée. Il a demandé à quelle époque je consens fixer la discussion des routes en fer : je ne suis pas oppose à ce qu’il y ait un chemin en fer ; mais en conscience je ne crois pas devoir voter sur une question avant d’être éclairé et bien éclairé. Si l’on venait, comme il y a deux ans, demander un chemin en fer à établir par concessions, je l’accorderais sur-le-champ ; mais comme on demande de grever le pays de 30 ou 40 millions, je crois que cela mérite examen. La route en fer est sans doute d’une haute importance ; cependant je pense que la loi provinciale et communale est d’une importance plus grande encore en ce qu’elle se rattache non aux intérêts de quelques populations comme la première, mais aux intérêts de la Belgique entière. Voici où je vais prouver ma franchise à la chambre. Je déclare que je désire que nous ayons une loi provinciale et une loi communale ; mais je crains qu’après avoir voté les budgets et le chemin en fer, nous n’ayons pas cette loi provinciale et communale. (Bruit.) Vous voyez que je m’exprime franchement et loyalement. J’ai dit ma pensée tout entière.
je demande aux ministres si la chambre ne sera pas congédiée avant que nous ayons voté les lois organisatrices des administrations locales ?
Je voudrais que le ministre prît l’engagement de ne pas ajourner les chambres quand il aura les lois financières et la loi sur la route en fer. Lorsque je vois les ministres faire tous leurs efforts pour éloigner la discussion des lois provinciales et communales, je crains qu’ils ne veuillent se passer de ces lois.
Maintenant je vais répondre à M. Dellafaille. Je veux bien admettre qu’il ne faut pas 15 jours pour voter la loi chemin en fer ; mais il faut examiner si les locomoteurs inventés en Angleterre, et qui font quatre lieues à l’heure, ne pourraient pas être appliques en Belgique. Il faut voir enfin si nous ne pouvons pas éviter une dépense de 40 millions.
Je suppose que les ministres ne veuillent pas ajourner les chambres, voyons quel sera le sort de la loi provinciale cette année. En la votant après la loi sur le chemin en fer, à quelle époque aurons-nous terminé notre travail ? Elle a coûté six semaines d’examen à la section centrale, et il faudra à peu près le même temps pour l’examiner en assemblée générale et publique. Le sénat devra aussi délibérer sur cette importante loi ; il aura nécessairement des observations à présenter sur une loi organique, ainsi cette loi nous reviendra probablement du sénat avec des amendements. S’il faut six semaines au sénat pour le travail de sa commission et pour celui qu’il fera en assemblée générale, vous voyez à quelle époque la loi pourra être promulguée. Nous sommes à la fin de janvier, nous ne commencerons pas avant février la loi provinciale, et nous devrons être satisfaits si elle est promulguée au milieu du mois de mai. Cependant les assemblées provinciales aura lieu en juin ou au commencement de juillet ; ainsi nous n’aurons pas d’organisation provinciale si l’on apporte le moindre retard à la discussion sur cette organisation. Il est donc impossible de s’occuper de la route en fer immédiatement après les budgets.
Voilà trois ans que le projet provincial est fait ; voilà trois ans que nous l’attendons ; voilà deux fois qu’il a été examiné dans les sections. Ce n’est certainement pas à moi qui suis négociant qu’on reprochera de ne pas songer aux intérêts matériels du pays ; mais je considère que les intérêts moraux doivent être comptés pour quelque chose. Les intérêts moraux ne seront pas seulement lésés par l’absence de la loi provinciale dans tel ou tel pays, dans telle ou telle direction ; mais dans le pays tout entier.
Je le répète, je n’ai pas de garanties suffisantes contre l’ajournement des chambres après le vote du chemin en fer.
Lorsque le ministre est venu pour la première fois nous parler d’une route en fer, il s’agissait d’une route à établir par concessions, et on assurait qu’il se présentait des sociétés. Lorsque le ministère a été changé, il n’a plus été question de concessions sous le nouveau ministère ; on a parlé d’une route à créer aux dépens du pays, aux dépens des deniers publics. Je demanderai si le gouvernement a fait les enquêtes nécessaires pour savoir si des sociétés ne se présenteraient pas pour ériger elle-même la route en fer ? Cette question est d’une haute importance. Beaucoup de personnes penseront que le système des concessions serait préférable à celui de mettre toutes les dépenses à la charge du trésor public. Jusqu’ici on n’a pas répondu à notre demande. Avant de mettre la loi en discussion, le ministère aurait dû faire un appel à toutes les sociétés ; alors il viendrait nous dire : Les concessionnaires font des propositions avantageuses ou onéreuses au pays ; ou bien : il ne se présente pas de concessionnaires. Ainsi on veut nous faire voter sans savoir si nous n’imposerons pas trop de sacrifices au pays, et s’il n’y a pas d’autres moyens moins dispendieux de procurer les mêmes avantages à l’industrie. J’engage vivement le ministère, au nom du pays, an nom des intérêts commerciaux, de faire un appel aux sociétés particulières qui voudraient faire le travail sans qu’il en coûtât un sou à l’Etat.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, je n’abuserai pas de vos moments, je ne veux que relever une assertion de l’orateur. Il semble d’après son dire que je n’aurais remis à la section centrale que hier et même aujourd’hui les renseignements qu’elle m’aurait fait demander par son rapporteur ; je n’ai qu’un mot à dire, c’est que les renseignements m’ont été demandés successivement ; je n’ai jamais mis de retard à les fournir. Lundi ou mardi dernier, M. le rapporteur m’a remis le billet que voici pour obtenir de nouveaux renseignements ; je les ai donnés aujourd’hui.
M. Donny. - L’honorable rapporteur de la section centrale vous a déclaré de manière formelle qu’il était possible que son travail sur le budget des finances fût imprimé et distribué demain soir, et de là il a conclu qu’il fallait fixer à lundi la reprise sur les lois de finances. Vous pourriez croire l’honorable rapporteur a émis l’opinion de la section centrale ; il n’en est point ainsi. Je suis membre de la section centrale, et je ne partage pas cette opinion. Je pense que nous ne pouvons ouvrir lundi prochain la discussion sur le budget du département des finances.
M. d’Huart. - Ouvrons-la mardi !
M. Donny. - Il fait que chacun de nous puisse examiner le rapport, et puisse, ainsi que le ministre, prendre part à la discussion.
M. Davignon. - Permettez-moi, messieurs, de répondre une fois pour toutes au reproche de partialité que j’ai entendu à regret renouveler aujourd’hui dans cette enceinte, et qui, déjà dans une séance précédente, avait été adressé aux membres de la chambre qui appartiennent aux localités que la route en fer doit traverser. On a même cité les députés de Verviers.
L’espèce de blâme que j’ai entendu déverser sur cette opinion par un grand nombre de mes honorables collègues, a déjà fait justice de cette allégation, que je qualifierais d’injurieuse, si je ne savais que telle n’est pas l’intention de celui qui l’a lancée. Je me bornerai donc à dire, pour ce qui me concerne, que ce sont effectivement les électeurs du district de Verviers qui m’ont imposé l’obligation de les représenter. Respectant la volonté de mes concitoyens dans une circonstance aussi honorable pour moi, je m’y suis soumis. Mais, messieurs, voici en peu de mots le mandat qu’ils m’ont conféré : « L’intérêt général de pays avant tout ; dès qu’il s’en agit, il faut mettre de côté et l’esprit de localité et l’intérêt personnel. »
Voilà ma règle, messieurs, c’est celle de tout député consciencieux ; elle est invariable ; ma conduite parlementaire y sera toujours conforme, et spécialement dans la présente occurrence.
Abordant maintenant la question à l’ordre du jour, j’aurai peu de chose à ajouter aux considérations que j’ai eu l’honneur de vous présenter dans la séance d’avant-hier ; je vous dirai seulement, pour éviter des répétitions fastidieuses, et qui nous font perdre un temps qu’on pourrait si avantageusement employer, que l’exécution de cette belle entreprise, je répète la prompte exécution, peut exercer une grande, une salutaire influence sur les négociations qui vont s’ouvrir à Paris pour nos relations commerciales avec la France. Elle peut contribuer efficacement à la solution d’une question d’une importance vitale par le pays, qui se discute à Londres, malheureusement depuis trop longtemps. Vous me comprenez assez, messieurs, pour me dispenser d’entrer dans d’autres détails sur cet objet. La prudence m’impose là-dessus une sage réserve.
Le chemin de fer établira entre la Belgique et les provinces rhénanes une espèce d’association solidaire, qui bien décidément sera avantageuse aux deux pays, et qui peut avoir pour premier résultat une forte modification, si pas une entière abolition du transit qui pèse bien lourdement sur notre commerce.
Nous avons eu assez de temps pour nous éclairer sur le projet de chemin de fer, d’après les nombreux documents qui nous ont été distribués, d’après les renseignements qui nous ont été fournis par la discussion longue et approfondie soutenue par la presse. Cependant, pour qu’on ne nous accuse pas d’avoir brusqué une matière aussi grave, je me rallierai à la proposition faite par mon honorable collègue M. Dellafaille, bien entendu cependant, qu’il sera décidé d’une manière irrévocable que la discussion aura lieu de suite, et toute affaire cessante, après l’adoption des budgets. Sans cette condition, je me joindrais à ceux qui demandent la discussion immédiate.
(Moniteur belge n°25, du 25 janvier 1834) M. Jullien. - Je conçois que le ministère tienne beaucoup à avoir une loi qui mette incontinent à sa disposition 50 à 60 millions. Il vous demandera un emprunt pour faire cette dépense, et quand l’emprunt sera fait, il vous en rendra compte comme il vous a rendu compte de toutes les dépenses faites depuis 1830.
Ceux qui sont si pressés d’avoir un chemin de fer, s’ils pouvaient nous éclairer au moins sur les dispositions de la Prusse, nous rendraient un grand service ; car si vous n’avez pas la certitude de lier la Meuse au Rhin par ce moyen, votre chemin de fer ne sera qu’un cul-de-sac.
Je crois que s’il y a un pays qui puisse attendre quelque temps pour faire des routes en fer, c’est le nôtre, sillonné qu’il est dans tous les sens de superbes canaux sur lesquels on paie un fret moins considérable que le péage sur les routes en fer.
On va répéter sans doute que la Prusse connaît trop bien ses intérêts matériels, pour ne pas faire un chemin de Cologne à Anvers. Ce ne serait pas la première fois sans doute que vous auriez vu un gouvernement sacrifier les intérêts matériels des peuples à sa politique. Aussi longtemps qu’on ne nous donnera pas l’assurance que le chemin que nous entreprendrons sera continuer jusqu’à Cologne, nous ne consentirons pas à ce qu’on l’exécute, à moins que des concessionnaires ne s’en chargent à leurs risques et périls. Ce système, d’ailleurs, serait conforme à notre jurisprudence.
A la dernière session, lorsqu’il s’est agi de faire un chemin de Furnes à Dunkerque, pour établir cette superbe communication avec l’Angleterre par Calais, l’allocation demandée n’était que de 30 mille francs ; j’ai entendu l’honorable M. Legrelle, qui se distingue toujours par ses vues d’économie, demander qu’on n’accordât point cette somme sans la certitude que la France comblerait la lacune qui est à peu près d’une lieue pour correspondre avec le travail depuis Furnes jusqu’à l’endroit qui sépare les deux royaumes. Le crédit ne fut en effet accordé que sous la condition que le gouvernement belge ne commencerait les travaux que quand la France les aurait commencés aussi de son côté. C’est ce qui fait que, soit embarras administratif, soit à cause de la mauvaise saison, malgré la bonne volonté que peut avoir la France d’établir cette communication, rien n’est encore commencé. Cette mesure de prudence que vous avez cru devoir adopter pour une dépense de 30 mille francs, la croirez-vous inutile quand il s’agit de 50 ou 60 millions ? je ne le pense pas.
Tout le monde parle ici avec franchise, et je n’ai pas l’habitude de n’en pas avoir, mais je ne comprends pas très bien cette grande sollicitude que montre tout à coup le ministère pour les intérêts matériels, lui qui jusqu’à présent n’a paru occupé que des intérêts politiques.
Je ne crains pas, comme on l’a dit, qu’on dissolve la chambre après la discussion du budgets et avant le vote de la loi provinciale. La mesure a trop bien réussi une première fois pour que le ministère y revienne ; ce n’est pas cette crainte qui m’arrêterait jamais dans cette discussion et m’empêcherait d’émettre mon vote.
Je ne pourrai maintenant que répéter des considérations qui ont déjà été émises, car on a mis absolument la même question de priorité en discussion. Vous aviez cependant décidé qu’on ne s’occuperait aujourd’hui que de la question de savoir si on pourrait entamer le budget des finances, de l’intérieur, ou bien la loi provinciale avant la route en fer. Maintenant que nous avons la certitude que mardi au plus tard vous pourrez ouvrir la discussion du budget des finances, vous iriez adopter la proposition de vous occuper incontinent de la route en fer qui vous tiendra un temps que vous ne pouvez calculer !
Je ne nie pas l’avantage, la grande utilité qui doit résulter de l’établissement de ce chemin pour les intérêts matériels du pays, mais je persiste à soutenir que les budgets et la loi provinciale sont une nécessité. Entre une utilité et une nécessité, il n’y a pas à balancer. Si vous retardez le vote du budget, vous vous exposez à la nécessité d’avoir recours aux crédits provisoires, et si vous ne votez pas la loi provinciale vous êtes menacés de voir surgir l’anarchie dans vos provinces et de voir se renouveler les misérables débats qui ont eu lieu à l’occasion de ce qui s’est passé à Liége. Voilà des choses qui sont de véritables nécessités. Quant à la route en fer, c’est une question pour beaucoup de monde si c’est un besoin. Ce projet viendra à son tour ; quand on aura voté le budget et la loi provinciale. Alors je ne m’opposerai pas à ce qu’il soit mis en discussion. Mais je persisterai à demander la priorité pour les budgets et la loi provinciale.
Je terminerai par une observation sur notre singulière manière de procéder. On avait mis à l’ordre du jour d’aujourd’hui la discussion du projet de loi relatif à l’académie belge, et voilà que, depuis le commencement de la séance, nous discutons pour savoir ce que nous aurons plus tard à l’ordre du jour.
Ne serait-il pas plus raisonnable d’épuiser d’abord ce que nous avons à l’ordre du jour et de fixer ensuite ce qu’on mettra ultérieurement à l’ordre du jour ? C’est là la marche de tous les corps délibérants.
M. Davignon. - Je demande la parole pour un fait : l’honorable préopinant a paru révoquer en doute l’intention de la Prusse de continuer le chemin en fer jusqu’à Cologne. Je m’engage à fournir la preuve que l’autorisation de continuer ce chemin a été donnée à des concessionnaires par le cabinet de Berlin.
M. Jullien. - Le cabinet de Berlin a donné à des concessionnaires l’autorisation de continuer notre chemin. Il attend que nous ayons commencé, il est plus sage que nous.
M. Meeus. - Il sera bien difficile de discuter lundi le rapport de la section centrale sur le budget des finances ; mais je crois qu’en remettant cette discussion à mardi ou mercredi, il sera facile à tous les membres d’apporter dans cette discussion le tribut de leurs lumières.
Pour ce qui fait l’objet de la discussion actuelle, savoir quand on discutera le projet de loi relatif à la route en fer, je dois dire que je suis du nombre de ceux qui désirent que ce projet de loi soit discuté à l’époque la plus rapprochée possible. Dans mon opinion, cette loi est bien une des plus importantes dont la chambre ait à s’occuper, car le projet du gouvernement, depuis qu’il est connu du public, a arrêté en Belgique l’esprit d’association qui aurait pu donner beaucoup d’activité et de mouvement à son commerce et à son industrie. Toutes les spéculations sont suspendues.
Le projet qui nous est présenté tend à rendre le gouvernement entrepreneur de tous les grands ouvrages qui doivent s’exécuter en Belgique. C’est pour que ce principe soit résolu au plus tôt qu’il me tarde que le projet soit discuté afin que les sociétés qui voulaient et qui veulent encore se former, sachent si elles doivent renoncer à leurs projets. Sans doute la loi sur la route en fer soulèvera un grand nombre de questions, mais celle qui primera toutes les autres, et sur laquelle j’appelle l’attention de la chambre, est la question de savoir s’il vaut mieux que le gouvernement fasse dans l’intérêt commun ces grandes routes par lui-même ou en confie l’exécution à des concessionnaires, en stipulant des conditions dans l’intérêt du pays.
Personne, comme l’a dit M. Jullien, ne contestera que multiplier les communications soit une chose utile pour le pays ; et comme le disait tout à l’heure l’honorable M. Dumortier, si on ne venait nous demander que d’autoriser les concessionnaires à établir un chemin de fer à leurs frais, nul doute que la chambre s’empresserait d’y consentir.
- Quelques voix. - Non ! non !
M. Meeus. - C’est mon opinion.
Quand vous aurez discuté cette question de principe, vous pourrez remettre à un mois, à six semaines, les questions de savoir par quelles localités la route devra passer, la manière dont la route devra être établie, enfin régler tous les détails d’exécution.
Pour ne pas prolonger la discussion, je me résume en demandant qu’on fixe à un de ces jours de la semaine prochaine la discussion de la question de savoir si la route sera exécutée par voie de concessions ou par le gouvernement. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Brouckere. - Si la chambre est assez éclairée et désire clore la discussion, je renoncerai à la parole. Il est vrai qu’on n’a fait que répéter ce qui a été dit dans une séance précédente et que nous perdons notre temps.... (Parlez ! parlez !)
On discute toujours la question de savoir si lundi on examinera le budget des finances ou le projet relatif à la route en fer. C’est mal placer la question. Une chose est avérée, c’est que nous ne pourrons nous occuper du budget des finances lundi...
M. Dumortier. - Si ! si !
M. de Brouckere. - Bien qu’on réponde : Si ! si ! je ne pense pas qu’on puisse le faire. Le ministre a déclaré qu’il était hors d’état de prendre part à la discussion lundi. Certes, nous ne le contraindrons pas à prendre part à la délibération.
Il y a des membres de la section centrale, qui sont aussi compétents que M. Dumortier, qui disent que, quel que soit le jour où le rapport sera imprimé, il sera impossible d’aborder la discussion lundi. Vous avez entendu l’honorable M. Donny, qui en ce moment encore confirme mes paroles.
M. Legrelle. - Je partage aussi cet avis.
M. de Brouckere. - C’est donc une chose avérée.
Mais, dit-on, on pourra toujours commencer la discussion générale, le ministre n’y prendra pas part, s’il ne le juge pas convenable, et il répondra les jours suivants si on l’attaque sur la discussion des articles.
Messieurs, sur quoi roule donc la discussion générale, si ce n’est sur l’ensemble du travail du ministre comparé avec celui de la section centrale ? Le ministre est-il plus étranger à cette discussion qu’à la discussion des articles ? Je vais plus loin, la discussion des articles n’est souvent que le corollaire de la discussion générale. Il serait extraordinaire de vouloir que le ministre ne pût prendre part qu’à la discussion des détails et de le mettre dans l’impossibilité de prendre part à la discussion sur l’ensemble.
Quant à ce qui a été dit des crédits provisoires, on y a suffisamment répondu en faisant observer qu’ils seraient également nécessaires, lors même qu’on ne s’occuperait pas de la route en fer la semaine prochaine. Je demande donc quelle difficulté sérieuse on peut trouver à ce que la discussion de la loi sur la route en fer soit fixée à lundi.
On a parlé de la multiplicité des documents ; on a dit qu’on ne connaissait pas la question qu’on allait traiter. En vérité, je ne sais pas quand on sera mieux à même de traiter une question que nous pourrons l’être lundi pour traiter celle dont il s’agit. Il y a longtemps qu’on s’occupe de cette question ; il n’y a plus un argument qui n’ait été mis en avant pour ou contre, soit dans des mémoires, soit dans des articles de journaux, des brochures, des écrits de toute espèce ; depuis deux ans il se fait une polémique presque journalière sur les constructions de chemins de fer, et lors même qu’on n’aurait pas eu la bonne volonté de s’en occuper, on aurait été contraint de le faire, pour peu que de temps en temps on eût pris un journal à la main ; car, je le répète, il ne se passait pas de jours sans que les bons journaux de Belgique. et les journaux français eussent des articles sur les routes en fer.
J’ai entendu un de mes honorables amis demander qu’on différât la discussion, à cause des nombreux documents qui nous ont été distribués. Mais ces documents sont depuis longtemps entre nos mains, et ils ont eu pour objet et doivent avoir eu pour résultat de nous éclairer. Nous connaîtrions beaucoup moins la question, si nous n’avions pas eu ces documents. Je ne crains pas de dire que je trouve cette opinion singulière. Mais, au reste, vous avez encore trois fois vingt-quatre heures pour les examiner, et cela doit suffire.
Cet honorable membre a fait une objection, il a dit qu’il ne fallait pas fixer la discussion à un jour trop rapproché, parce que beaucoup de collègues étaient absents et qu’il fallait qu’ils fussent prévenus pour pouvoir être présents à la discussion. Messieurs, à quelque distance que soient les membres absents, si nous décidons que la discussion aura lieu lundi, il dépendra d’eux d’être présents sinon lundi du moins mardi ; s’ils n’y étaient pas, ils ne pourraient pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus assez à temps.
De nombreuses questions, dit-on, vont être soulevées par ce projet : des questions de détails, oui sans doute, mais je ne crains pas de dire qu’une fois la question de principe tranchée, les questions de détails se décideront pour ainsi dire d’elles-mêmes. D’abord la question de savoir s’il y aura une route en fer ne se présentera pas ; car tous les membres, même ceux qui proposent d’en reculer le plus la discussion reconnaissent que c’est un établissement utile. Ainsi comme je le disais, cette question n’en est plus une.
La seule question qui donnera lieu à une discussion sérieuse est celle relative au mode d’exécution, la question de savoir si cette exécution sera confiée au gouvernement ou à des concessionnaires. Si on se décide pour le système des concessions, peu d’articles suffiront ; si au contraire le gouvernement est chargé de l’exécution, il va sans dire qu’il faudra un emprunt, car nous n’avons pas des revenus qui nous fournissent les moyens de subvenir à une pareille dépense. Nous aurons à examiner la manière dont cet emprunt devra être fait ; mais encore cette discussion ne pourra pas être bien longue, ce sera une chose fort simple. Vous voyez donc que la discussion sur le chemin de fer en somme, ne nous enlèvera pas beaucoup de temps.
Je demanderai la permission de faire ici une observation que je regarde comme assez grave. Aujourd’hui que la question de savoir quand on discutera le projet de loi relatif à la route en fer a été soulevée, si vous ne décidez rien, il arrivera que, par votre fait, vous accréditerez les bruits que certaines personnels sont intéressées à répandre, savoir l’impossibilité où nous sommes de construire cette route en fer, quoique nous la regardions comme étant de la plus haute importance pour les intérêts du pays. Ces personnes, qui ont tant d’intérêt à nous discréditer, vont jusqu’à dire qu’avec les moyens pécuniaires nécessaires pour l’établissement de cette route, nous n’oserions pas l’entreprendre. Si vous ne décidez rien, je le répète, vous allez autoriser ces bruits en même temps que vous découragerez le commerce, qui réclame cette communication et l’attend depuis deux ans avec impatience.
Il faut l’avouer, messieurs, le commerce n’a pas trop à se louer de notre sollicitude pour lui : nous nous sommes jusqu’ici plus occupés des questions morales que des questions matérielles, car nous avons bien peu fait pour les intérêts matériels du pays ; et pour mon compte, je crois devoir saisir l’occasion qui se présente de montrer que ma sollicitude pour les intérêts moraux n’est pas exclusive des intérêts matériels dont l’importance n’est pas moins grande à mes yeux
Je n’ai plus à répondre qu’à une objection tirée de l’empressement que le ministère met à faire voter cette loi.
On a paru craindre qu’il pût entrer dans ses intentions, non pas de dissoudre, mais de congédier la chambre avant que les lois provinciales et communales aient été votées. J’avoue que si le ministre pouvait oublier à ce point ses devoirs, il n’y aurait pas assez de voix dans le pays pour le condamner. Je le déclare, tout en m’exprimant d’une manière aussi forte, je pense que ces craintes ne sont pas fondées. Si quelqu’un dans le pays doit désirer que l’organisation provinciale et communale soit constituée, c’est le gouvernement, ce sont les ministres. Ils ont dû le désirer de tout temps, et bien plus depuis ce qui s’est passé à Liége. Les mêmes faits peuvent se présenter ailleurs, et le gouvernement se trouverait peut-être dans une position bien difficile et bien critique s’il ne se hâtait de faire en sorte que les lois provinciales et communales puissent être votées.
J’insiste donc pour qu’on fixe une époque quelconque où on s’occupera de la route en fer. Quant à moi, je ne vois pas de motif pour qu’on ne mette pas cette discussion à lundi. Je voterai pour qu’il en soit ainsi.
M. de Muelenaere. - Je conviens avec l’honorable député de Verviers, dont l’opinion, en matière d’économie politique, est toujours pour moi d’un grand poids, que la route en fer dont il est question doit exercer une heureuse influence sur la prospérité matérielle du pays et particulièrement sur nos relations avec l’étranger ; mais cette question me paraît infiniment plus grande que quelques membres de l’assemblée ne paraissent le penser.
On a parle d’un des points culminants sur lesquels doit porter la discussion. Je pourrais citer plusieurs questions qui ont la même importance et une foule d’autres qui en découlent et devront donner lieu à d’assez longs débats. Quant à moi, je crois qu’il est utile et désirable que la question puisse être envisagée sous toutes ses faces, que les partisans du projet puissent faire ressortir les avantages qui doivent en résulter pour le pays, et que les adversaires puissent également en toute liberté contester ces avantages et montrer les charges que son exécution entraînerait pour le trésor public.
Toutes ces questions ne pourront pas être vidées en quelques jours. Nous sommes, il est vrai, tous d’accord sur l’importance du chemin en fer, elle n’est contestée par personne ; mais nous savons tous par expérience combien il importe d’éviter les crédits provisoires, et de nous occuper au plus tôt de la discussion des budgets qui nous restent à voter.
Je crois qu’on a perdu de vue la proposition de l’honorable M. Dellafaille et les bonnes et solides raisons dont il a appuyé sa proposition. Si elle avait été bien comprise, la chambre et le ministère auraient dû s’empresser de l’adopter. Sentant toute l’importance qu’il y avait à fixer irrévocablement le jour auquel on s’occuperait de cet objet, mais voulant concilier tous les intérêts du pays en même temps, il a proposé de ne pas scinder la discussion des budgets, de terminer cette discussion et de fixer immédiatement après celle sur le projet de loi relatif à la route en fer. Je crois qu’en adoptant cette proposition, nous prouverons en même temps à la nation l’importance que nous attachons à l’établissement de cette route et d’éviter les crédits provisoires, si souvent et à si juste titre flétris dans cette assemblée.
J’approuverai donc la proposition de M. Dellafaille, de nous occuper immédiatement de la discussion des budgets et de renvoyer immédiatement après cette discussion l’examen du projet de loi sur la route en fer avant tout autre projet de loi, à moins qu’ultérieurement on ne reconnaisse l’urgence d’accorder la priorité à telle ou telle question.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demanderais à mon tour pardon à la chambre de prolonger cette discussion, s’il ne s’agissait d’un objet qui mérite toute sa sollicitude et toute son attention. Nous voulons (personne peut-être n’en doute, si ce n’est l’honorable M. Dumortier), nous voulons, dis-je, sortir de l’état provisoire où nous sommes placés relativement à l’organisation provinciale et communale, et nous en voulons sortir le plus tôt possible. Les derniers faits portés à votre connaissance pourraient vous rassurer sur nos intentions, et si ce n’était pas un devoir pour le gouvernement de hâter l’organisation des provinces et des communes, ce serait son intérêt. L’honorable M. Dumortier peut donc être parfaitement tranquille : nous prenons, s’il en est besoin, l’engagement formel de ne pas ajourner la chambre avant quelle ait terminé les travaux dont elle est saisie. Nous ne pouvons pas, d’ailleurs, répondre des éventualités, des désirs de la chambre elle-même ; mais toujours est-il qu’elle restera assemblée aussi longtemps qu’elle le voudra.
J’avais demandé à l’honorable opposant s’il voulait la route en fer ; il m’a répondu affirmativement. : mais quand je lui ai demandé l’époque à laquelle il la voulait, sa réponse a été telle que j’ai pu croire qu’il n’en voulait pas ; car l’époque était tellement éloignée, que mille accidents pouvaient venir en empêcher l’exécution.
Le même orateur a dit que la question était grave et pleine de difficultés : mais est-ce que les chambres belges ont l’habitude de reculer devant les questions graves et remplies de difficultés ? N’avons-nous pas eu à traiter depuis trois ans les questions les plus graves et les plus difficiles qui aient été agitées en Europe depuis des années ? L’obstacle n’est pas un motif pour reculer, c’est au contraire pour des hommes de cœur un motif d’aller en avant.
Au surplus, ces obstacles, si colossaux qu’on les représente, après les discussions qui les ont mis au jour, peuvent se réduire à un seul. Voici quelle sera la véritable difficulté : « La route se fera-t-elle par voie de concessions ou par le gouvernement ? » Les membres qui sont pour le système des concessions, avaient l’occasion belle il y a deux ans, lorsque le gouvernement est venu offrir de faire exécuter le chemin de fer de cette manière. Ceux qui alors n’ont pas voulu appuyer ce système viendront-ils le défendre aujourd’hui ? je l’ignore ; mais je me hâte de déclarer que le gouvernement n’est pas, en règle générale, hostile à ce système : tous les jours il met en adjudication des constructions de route par voie de concessions.
Mais, dans cette circonstance, il a pensé que l’intérêt du pays exigeait que la route fût faite par le gouvernement ; que si on en confiait l’exécution aux caprices ou aux timidités de l’intérêt privé, il pourrait arriver que la route ne se fît pas ou ne se fît que très lentement. D’ailleurs, cette question qui n’est pas nouvelle est la seule qui pourra arrêter quelque temps la chambre dans ses délibérations, et encore c’est une question que chacun de vous est à même de discuter aussi bien lundi que dans quinze jours.
Je ne sais dans quel but on s’est plu à exagérer la dépense que doit nécessiter la construction de cette route. D’après les devis adoptés par la section centrale, la route de Verviers à Anvers doit coûter 18 millions, et l’embranchement d’Anvers à Ostende 8 millions, ensemble 26 millions. Aux yeux de certains membres, la dépense a paru d’abord devoir être portée à 30 millions, puis à 40, à 50, et enfin l’honorable M. Jullien l’a portée jusqu’à 60 millions. Je conçois, dit cet honorable membre, que le gouvernement soit empressé d’être en possession d’une telle somme, surtout quand on rend ses comptes comme le fait le gouvernement.
A entendre le spirituel représentant de Bruges, ne semblerait-il pas qu’il ne s’agit pour le gouvernement que de prendre 60 millions dans les coffres de l’Etat et de les mettre en poche, ou de les jeter par les fenêtres ; que toute cette somme sera absorbée sans aucune espèce de revenu ? Je rappellerais, si tout le monde ne le savait, que de toutes les dépenses de l’Etat, il n’en est pas de plus reproductives que celles qui ont pour objet de faciliter et de multiplier les communications. Il a été établi, et ceci sera ultérieurement démontré, que la route dont il s’agit se suffira à elle-même.
Qu’on ne répète donc plus qu’il s’agit de grever le peuple d’un emprunt de 40 ou 50 millions.
On a paru s’étonner de la sollicitude qui prend si subitement au ministère pour les intérêts matériels. Cette sollicitude, en supposant que le ministère n’en eût pas fait preuve avant cette époque, remonte, du moins pour ce qui me concerne au 18 juin 1833, c’est-à-dire à sept ou huit mois. Je m’étonnerai de mon côté que l’honorable représentant de Bruges, qui s’occupe si souvent des intérêts du peuple, ne se soit pas saisi plus subitement de cette occasion de les servir ; qu’il ait attendu le 23 janvier 1834 pour s’occuper d’une route qu’il reconnaît devoir être très avantageuse pour les intérêts du pays.
Il a parlé de nos superbes canaux qui rendaient inutile la construction du chemin en fer…
M. Jullien. - J’ai dit qu’ils permettaient d’attendre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Passe pour le magnifique canal de Bruges à Ostende ; mais, de Louvain à Liége et de Liége à Verviers, j’avoue que j’ai eu beau chercher, je n’en ai rencontré ni sur une carte ni sur le terrain. Mais, en supposant que le gouvernement, à qui on reproche tant de méfaits, eût été saisi d’une sollicitude subite pour les intérêts du pays, n’était-ce pas le cas de le prendre au passage, au lieu de favoriser l’apathie qu’on lui suppose injustement, et qui, si elle était vraie, pourrait bientôt renaître si la chambre ne profitait pas de cette soudaine disposition ?
L’honorable M. Dellafaille a propose un moyen que nous appellerons un moyen terme. En désespoir de cause, le gouvernement pourrait s’y rallier. Mais prenez bien garde que ce moyen pourra ne pas réussir comme le désire l’honorable proposant
En effet, qui répond qu’après les budgets, pendant même la discussion des budgets, il ne se présentera pas des questions très urgentes qu’on ne pourrait pas remettre, et pour lesquelles on demandera la priorité ? Après les budgets encore il sera indispensable que vous vous occupiez de la loi des barrières.
M. Eloy de Burdinne. - Et la loi sur les céréales !
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’entends M. Eloy de Burdinne qui dit : « Et la loi sur les céréales ! » Vous voyez déjà les inconvénients ; il y a pour un certain nombre de représentants des lois particulières qui sont aussi urgentes que la loi provinciale, notamment la loi sur les lins.
La représentation nationale sait que la loi sur les barrières peut avoir de grands développements, et qu’il faut cependant qu’elle soit adoptée pour le premier avril. Vous voyez que nous courons risque de voir arriver le printemps, sans pouvoir mettre la main à l’œuvre. Si, dès maintenant, le gouvernement avait l’assurance de l’adoption de la loi, il pourrait faire un grand nombre de travaux préparatoires et prendre ses dispositions de manière que la pioche pût frapper la terre que la route en fer doit féconder, dans les premiers jours d’avril, si pas avant. Mais l’état d’incertitude où vous le laissez paralyse toutes ses bonnes intentions.
J’ai dit que une c’était une économie de temps que de mettre cette loi à l’ordre du jour. Je vais justifier cette opinion. Le sénat, dont on paraît oublier ici l’intervention, le sénat, si la chambre votait la loi sur le chemin de fer en huit jours, pourrait en être immédiatement saisi ; il s’occuperait ensuite du budget des affaires étrangères, des finances et de l’intérieur, dont vous continueriez la discussion, tandis qu’il s’occuperait de la route en fer. Aujourd’hui le sénat n’a rien à faire, et vous-mêmes vous allez vous trouver pendant huit jours les bras croisés.
M. Dumortier a assuré, il est vrai, qu’il a été contredit par plusieurs membres de la section centrale ; mais il a assuré que lundi on serait à même de discuter le budget des finances : d’autres membres ont dit mardi, et il en est qui ont été jusqu’à jeudi. Admettons qu’on soit à même d’entamer cette discussion jeudi. Il est probable que le rapport de la section centrale donnera lieu à un autre rapport de la part de M. le ministre des finances ; c’est ce qui a toujours eu lieu, et ce n’est pas aller trop loin que de dire qu’avant la fin de la semaine prochaine, vous ne pourrez pas commencer la discussion du budget des finances. Je vous demande ce que d’ici là vous ferez, et ce que fera la semaine suivante le sénat ? Vous éviteriez toute cette perte de temps, et vous feriez quelque chose d’utile au pays, si lundi ou mardi la question du chemin en fer était entamée.
Il y a huit mois que le projet est soumis à la chambre ; je pense que le gouvernement est en droit d’insister pour qu’il soit mis à l’ordre du jour, puisque le moment est favorable pour que la chambre s’en occupe immédiatement
- Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix ! La clôture ! la clôture !
M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, on ne peut pas laisser sans réponse les observations du ministre de l’intérieur. Je voudrais présenter en peu de mots les raisons que j’ai de m’opposer de toutes mes forces à ce qu’on mette en discussion le projet de loi sur le chemin en fer. Je veux en appeler à votre bonne foi.
Il n’y a que deux jours qu’on nous présente ce projet comme urgent, tandis que depuis le commencement de la session on est impatient de voter les budgets et les lois d’organisation municipale et provinciale. Il semble en vérité, que depuis trois jours on se soit entendu quelque part pour trouver cette loi urgente et surprendre la décision de la chambre, sans qu’une partie de ses membres ait pu se mettre en mesure de prendre, en connaissance de cause, une part active à la discussion.
Si la majorité décidait que la discussion aura lieu lundi, je regarderais cette décision comme un acte de despotisme, et je croirais de mon devoir de m’abstenir de venir lundi dans cette enceinte. Voilà le parti que je me croirais obligé à prendre.
M. Devaux. - Il y a deux ans que le discours du trône réclame ce chemin comme une nécessité.
M. Dumortier. - Il y a trois ans que la constitution nous a prescrit de nous occuper au plus tôt de l’organisation communale et provinciale.
M. Gendebien. - Vous ne pouvez pas refuser la parole à l’honorable M. Dubus. Le dernier orateur qui a parlé est un ministre ; il est contraire à tous les usages parlementaires de fermer une discussion quand un ministre vient de parler, et qu’un membre demande à lui répondre. Vous ne ferez pas à l’honorable membre qui réclame la parole le reproche de prolixité ; vous semblez que votre cause est très mauvaise, et si vous vous refusez à entendre cet orateur, c’est que vous craignez que sa logique serrée ne pulvérise tout ce que vous avez dit jusqu’à présent.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement ne veut pas étouffer la discussion ; nous ne nous opposons pas à ce que M. Dubus prenne la parole, si la chambre juge à propos de l’entendre. (Parlez ! parlez !)
M. Dubus. - Je n’avais que peu d’observations à faire, je les ai indiquées dans le peu de mots que je viens de dire, je renonce donc à la parole.
- La chambre consultée ferme la discussion.
M. le président. - Trois propositions sont faites : M. Devaux propose de fixer à lundi la discussion du projet de loi. M. Meeus propose de ne fixer à lundi que la discussion du principe, c’est-à-dire la question de savoir si l’exécution du chemin en fer sera confiée au gouvernement ou à des concessionnaires ; M. Dellafaille propose de fixer la discussion du projet immédiatement après le vote des budgets.
M. d’Hoffschmidt. - M. le président, j’ai fait aussi une proposition, c’est celle d’ajourner jusqu’après le vote des budgets la fixation du jour où le projet de loi relatif à la route en fer sera mis en discussion.
M. de Brouckere. - Il y a erreur, sans doute, dans la proposition de l’honorable M. Meeus ; nous sommes appelés à voter sur des projets de loi, et non sur des principes. On ne peut donc mettre à l’ordre du jour la discussion du principe de la loi, sans y mettre en même temps le projet de loi. Lorsqu’on discutera le projet, l’honorable M. Meeus présentera toutes les considérations qu’il jugera convenables sur le principe, qu’il croira devoir être la base de la loi ; c’est un droit qu’on ne peut lui contester. Mais il est impossible de mettre à l’ordre du jour la discussion du principe sans y mettre en même temps celle des articles.
M. Meeus. - C’est comme cela que je l’entends.
M. de Brouckere. - Alors retirez votre proposition.
M. Meeus. - Soit, je la retire quant à présent.
M. A. Rodenbach. - Avant que la chambre ne prononce, je demanderai si, quel que soit son vote, comme je l’ai entendu dire, le gouvernement sera obligé de demander des crédits provisoires.
- Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. Gendebien. - Messieurs, M. Meeus avait fait une proposition ; il vient de la retirer. Je ne puis penser qu’il ait voulu, comme lors de la discussion des 18 articles, faire ce qu’on a appelé un point d’arrêt. Cette proposition avait exercé une grande influence sur l’assemblée et sur moi en particulier, car j’étais disposé à m’y rallier.
Ce qu’on vous a dit pour en justifier le retrait, qu’il s’agissait de voter une loi et non un principe, ne me satisfait nullement. La loi a toujours pour but de proclamer des principes ; celle qui nous est proposée présente, comme on vous l’a dit, deux principes, deux points essentiels : la question de savoir si le chemin de fer sera exécuté par voie de concessions, ou par voie de régie, sous la direction du gouvernement. Voilà deux principes qui doivent d’abord être discutés, et entre lesquels il faut choisir. Il est indispensable de se prononcer pour l’un ou l’autre de ces deux modes, avant d’aller plus loin, le reste devant être subordonné à cette première décision.
Si la chambre, par exemple, admet le principe de concession, tous les articles du projet du gouvernement découlant du principe contraire devront être écartés ; il faudra faire une autre loi. L’honorable M. Meeus a reconnu que si l’on discutait la question de principe et si on décidait que l’exécution aurait lieu par voie de concessions, il n’y aurait aucun inconvénient à donner à chacun de nous le temps de peser toutes les conséquences de ce projet au bout duquel je vois, en définitive, une dépense de 50, 60 et même 80 millions. (Mouvement.)
Oui, même 60 à 80 millions, si vous voulez agir dans l’intérêt de tous, à moins que vous ne vouliez ruiner la province du Hainaut au profit de la province de Liége et d’Anvers, ce qui arriverait si en même temps vous ne faisiez pas un embranchement pour l’arrondissement de Charleroy, qui vaut peut-être mieux que tout le reste de la Belgique. Il faut aviser aux moyens de faire l’un et l’autre en même temps, et je suis sûr que, pour le chemin vers Charleroy, vous trouveriez des concessionnaires au moins aussi facilement que pour l’autre.
Mais si vous commencez par décréter qu’un chemin en fer d’Anvers jusqu’à Verviers sera fait aux frais du gouvernement avec des privilèges spéciaux, résultant des sacrifices que veut faire le gouvernement, quels concessionnaires trouverez-vous pour l’embranchement vers l’arrondissement de Charleroy ? Je ne crains pas de citer des localités : je suis député du Hainaut. Il est vrai ; mais je suis député de Mons et non de Charleroy.
Député de Mons et non de Charleroy, je crois de mon devoir de venir, en cette circonstance, défendre cet arrondissement qui, je le répète, est plus important que tous les autres ; car il est la source de tous les éléments de prospérité de la Belgique, et votre projet ne tend pas à moins qu’à tarir cette source,
Il est donc de la plus haute importance qu’on discute d’abord la question de principe ; nous pourrons l’examiner à froid, et, après mûre réflexion, nous prononcer sur le mode d’exécution le plus utile pour tous.
Je dois vous avertir d’une chose, parce que je veux remplir mon devoir tout entier, c’est que la province du Hainaut ne souffrira pas qu’on la ruine au profit d’autres localités.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Nous ne craignons pas les résistances locales !
M. Gendebien. - Vous ne la contraindrez pas à venir apporter son contingent dans les 60 millions que coûtera la route en fer ; vous ne la contraindrez pas à contribuer à sa ruine au profit de quelques intérêts égoïstes, ; vous n’y parviendrez pas : ce serait un assassinat de l’industrie qui donne la vie à toutes les autres. C’est déjà bien assez que la province du Hainaut fournissent, sur le produit de ses routes, de quoi construire des routes partout. Cette province fournit, par le produit de ses routes, plus de profit au trésor que toutes les autres provinces ensemble ; cependant le gouvernement y fait moins de dépenses que partout ailleurs. Si elle a su faire jusqu’ici des sacrifices, si elle s’est laissée dépouiller au profit des autres provinces, elle ne souffrira pas que vous la frappiez d’un surcroît d’impôt pour établir une route en fer qui doit la ruiner, si on adopte le projet du gouvernement. Vous voyez donc que la question est plus importante que beaucoup d’honorables membres ne l’ont pensé d’abord. C’est une question de vie ou de mort pour la province du Hainaut, toute l’économie de la loi réside dans la solution de la question de régie ou de concession.
Je défendrai d’autant plus les intérêts de Charleroi que je trouve moyen de le faire sans sacrifier personne. Faites la route, si vous le voulez, pour le Hainaut, aux frais du gouvernement en même temps et de la même manière que pour Ostende, Anvers et Verviers, ou faites la route par concessions pour tous, et vous trouverez dans le Hainaut, comme partout ailleurs, des hommes qui sauront réunir assez de capitaux pour faire l’embranchement, et sans demander aucun secours au gouvernement : pas plus que les autres provinces elle ne demande de privilèges, mais elle défend ses droits.
Je répète de nouveau, afin qu’on en tienne bonne note, que la province du Hainaut ne souffrira pas qu’on la sacrifie à des intérêts qui ne sont pas les siens, qu’elle ne consentira jamais à payer les verges avec lesquelles on la fouetterait.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ferai observer que le système de concession serait plus funeste aux intérêts du Hainaut que l’exécution par le gouvernement.
- Plusieurs membres. - C’est le fond de la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je sais que je ne puis le démontrer qu’en entrant dans la discussion du fond, c’est pourquoi je m’arrête. Mais j’ai cru devoir dire ceci pour rassurer l’honorable représentant du Hainaut. Je ne crois pas d’ailleurs avoir besoin de rassurer personne contre les espèces de menaces qu’on nous a faites de la part de la province du Hainaut.
M. Devaux. - Je demande la parole sur la position de la question. Avant de savoir sur quoi portera d’abord la discussion, il faut décider le jour où la discussion aura lieu.
M. Dumortier. - Ce que vient de dire l’honorable M. Gendebien vous prouve combien il faut apporter de maturité dans l’examen de la question dont il s’agit. Je demande quant à présent la priorité pour la proposition de M. d’Hoffschmidt. C’est la seule qu’on puisse mettre aux voix. Il est inutile qu’une chambre se lie aussi longtemps à l’avance pour la fixation de l’ordre de ses travaux. Quand les budgets seront votés, la question sera entière ; nous aurons eu quelque temps pour nous recueillir sur cette matière importante, et de plus d’examiner s’il ne convient pas de nous occuper premièrement des lois provinciales et communales. J’appuie donc la proposition de M. d’Hoffschmidt, qui d’ailleurs, aux termes du règlement, a droit à la priorité.
M. Meeus. - Je n’ai pas renoncé à ma proposition ; je me réserve de représenter ma motion, lorsque le projet de loi sera mis en discussion.
M. Gendebien. - Si M. Devaux, auteur de la proposition, admet cette explication que lundi on discutera la discussion de principe…
- Plusieurs membres. - Oui ! oui ! C’est de droit.
M. Gendebien. - C’est de droit, c’est bien ; mais encore était-il mieux de s’entendre sur le sens de la décision, afin que lundi on ne vînt pas nous reprocher de vouloir renouveler la discussion d’aujourd’hui. Dès l’instant que la question reste entière, je suis satisfait.
M. Lardinois. - Pour que la discussion ait lieu avec une plus grande maturité et qu’on ne puisse pas nous reprocher d’avoir agi par surprise, je demande la priorité pour la proposition de M. Dellafaille.
M. Devaux. - En faisant ma proposition, mon intention a été de fixer à lundi la discussion du projet de loi, la seule chose qui puisse être mise en discussion.
Quant à la priorité, je pense qu’on doit la donner à ma proposition, parce que, si elle n’est pas adoptée, les personnes qui ne voudront pas qu’elle ait lieu à un terme aussi rapproché la repousseront et voteront ensuite pour que cette discussion soit fixée après le vote du budget.
M. Dumortier. - Cette proposition est contraire au règlement. Cette de M. d’Hoffschmidt est un ajournement ; elle a de droit la priorité.
- La proposition de M. d’Hoffschmidt est mise aux voix et rejetée.
Celle de M. Devaux, qui propose de fixer la discussion à lundi, est ensuite mise aux voix.
Après deux épreuves douteuses on passe au scrutin, dont voici résultat :
Nombre des votants, 71.
Non, 36.
Oui, 33.
La proposition est rejetée.
Ont répondu non : MM. Angillis, Bekaert, Brabant, Brixhe, Dautrebande, de Foere, H. Dellafaille, de Muelenaere, de Puydt, de Renesse, C. Vuylsteke, de Roo, de Smet, de Stembier, de Terbecq, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dugniolle, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Gendebien, Hye-Hoys, Jullien, Lardinois, Morel-Danheel, Olislagers, Thienpont, Trentesaux, Van Hoobrouck, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke.
Ont répondu oui : MM. Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, Coppieters, Dams, Davignon, de Behr, de Brouckere, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, Devaux, Dewitte, Donny, Duvivier, Ernst, Fleussu, Jadot, Lebeau, Legrelle, Meeus, Milcamps, Nothomb, Poschet, A. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderheyden, Verdussen, Watlet, Zoude et Raikem.
M. le président met ensuite aux voix la préposition de M. Dellafaille.
- Sur la demande d’un grand nombre de membres, on procède à l’appel nominal ; mais le bruit qu’on fait pendant cette opération ne nous permet d’en saisir que le résultat.
Nombre des votants, 67.
Oui, 61.
Non, 6.
La proposition est adoptée.
La séance est levée à quatre heures et demie.