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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 11 décembre 1833

(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

La séance est ouverte à midi et demi.

Après l’appel nominal, M. Dellafaille, l’un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal.

Pièces adressées à la chambre

Il est donné lecture d’une lettre de M. le ministre de l’intérieur qui annonce à la chambre qu’un Te Deum sera chanté, lundi 16 du mois, pour célébrer l’anniversaire de la naissance de Sa Majesté.

L’assemblée consultée décide qu’elle s’y rendra en corps.

Proposition de loi visant à faire commencer l'année budgétaire au 1er juillet

Lecture et développements

M. le président. - M. Verdussen est appelé à la tribune pour donner lecture de sa proposition. Elle est ainsi conçue :

« Art. 1er. L’année financière, en ce qui concerne les recettes et dépenses de l’Etat, courra du premier juillet au 30 juin inclusivement à partir du premier juillet 1835.

« Art. 2. Pour l’exécution de l’article précédent, il sera fait un budget particulier de six mois depuis le premier janvier jusqu’au 30 juin 1835 inclusivement. »

M. le président. - Quel jour M. Verdussen désire-t-il présenter ses développements ?

M. Verdussen. - Immédiatement, si la chambre veut me le permettre. (Oui ! oui ! parlez !)

Messieurs, après les développements que M. Pirson a donnés à sa proposition, et après le rapport que j’ai eu l’honneur de faire à la chambre au nom de la section centrale dans la séance du 7 de ce mois, je crois devoir me dispenser d’entrer dans de grands détails. Je me bornerai donc à quelques considérations sur ma proposition.

Je n’ai pas vu d’utilité à la faire précéder de considérants, par suite de la lecture même de ceux de l’honorable M. Pirson. J’ai divisé mon projet en deux articles : le premier est l’objet même de la loi, et le second tend à l’exécution et à l’introduction du principe posée dans le premier.

Indépendamment de cela, je dois faire remarquer que l’article premier est complexe en ce que la première partie concerne uniquement un principe général et la seconde l’application de ce même principe à l’année 1835. Pour faire sentir la nécessité du principe, je puis me renfermer dans ce qui a été dit précédemment, et surtout ce qui a été dit au nom de la section centrale. En effet, quand on considère que l’époque à laquelle les chambres se réunissent de plein droit chaque année, est fixée au second mardi de novembre, on est déjà convaincu qu’il est impossible de voter tous les budgets avant la fin de l’exercice, c’est-à-dire avant le 1er janvier suivant, d’autant plus que la chambre doit se livrer, dans ses premières séances, à d’autres travaux urgents et nécessaires, tels que la composition des bureaux, la vérification des pouvoirs tous les deux ans, des lois sur le contingent de l’armée.

En outre un autre besoin fortement senti, c’est de faire marcher la discussion du budget des dépenses avant celle des voies et moyens. Le moyen que j’indique est encore propre à écarter les crédits provisoires qui sont toujours nuisibles, non seulement au service de l’administration, mais encore à l’intérêt du pays, parce qu’il est impossible d’introduire des économies dans nos finances.

Enfin, un autre motif qu’a exposé l’honorable M. Pirson lui-même, un motif dominant pour reculer notre année financière de quelque mois, c’est la nécessité de donner au sénat la temps d’examiner convenablement les budgets. Remarquons qu’aujourd’hui, de tous les budgets qui nous ont été présentés de bonne heure par le gouvernement, nous n’avons pas même encore examiné celui des voies et moyens qui doit être indispensablement voté avant la fin de l’exercice, de sorte que la délibération précipitée du sénat, sera véritablement une dérision, pour me servir de l’expression de M. Pirson .

Je suis donc d’accord avec cet honorable membre sur l’utilité de la mesure, mais nous différons quant à son application. Il propose de l’introduire à partir du 1er juillet prochain, et moi je l’ajourne jusqu’au 1er juillet 1835. Les motifs de cette préférence consistent en quatre points que j’ai indiqués précédemment et sur lesquels je ne jetterai qu’un coup d’œil rapide.

1° L’impossibilité de discuter et de mettre en exécution les lois nouvelles d’impôts, avant le 1er juillet prochain, et moi je l’ajourne jusqu’au 1er juillet 1835.

2° L’obligation d’une deuxième discussion du budget ; car si nous bornons les crédits qui nous sont demandés pour l’exercice futur à 6 mois, il faudra voter un autre budget de 12 mois pour le 1er juillet, et cela est impossible en présence de tant de lois si vivement réclamées par le pays, parmi lesquelles je distingue les lois provinciale et communale, celle sur le chemin de fer, indépendamment des nouvelles lois fiscales que nous a promises M. le ministre des finances.

Une troisième considération qui doit aussi influer sur la décision de la chambre, c’est la difficulté du triage du budget des finances ; car ce budget ayant été rédigé dans le sens d’un exercice de 12 mois, il faudrait le diviser et déterminer la partie à exécuter dans un semestre, ce qui, outre beaucoup de peine, occasionnerait un retard nuisible au bien du pays.

Enfin, messieurs, le ministère peut à juste titre réclamer le temps nécessaire pour dresser son budget transitoire d’un exercice de six mois, dont les détails doivent être nécessairement différents de ceux d’un budget de 12 mois. Le temps qui nous presse sans cesse ne permet pas aux employés du gouvernement de se livrer de suite et sans préparation à ce travail extraordinaire, qui pourrait être mûri convenablement s’il n’était applicable qu’à l’exercice semestriel de janvier à juillet 1835.

Quant à l’article 2 de ma proposition, il n’est autre chose, je le répète, que le moyen d’introduire le principe établi par le premier. Il tend à faire voter un budget provisoire du 1er janvier au 1er juillet de la même année. C’est à tort que M. Pirson a dit que nous aurions à voter un budget de 18 mois, car l’article 111 de la constitution s’y oppose et ne donne de force que pour un an aux lois qui établissent les impôts.

Mais, pourra-t-on m’objecter : Si vous trouvez une inconstitutionnalité à voter un budget de 18 mois, n’est-il pas inconstitutionnel d’en voter un de 6 mois, puisque l’article 115 de la constitution dit expressément que la loi des comptes et le budget son votés annuellement ? Cette objection, messieurs, n’en est pas une pour moi, car je pense que l’article 115 de la loi fondamentale limite le pouvoir de la chambre, en ce sens qu’elle ne peut étendre la force d’un budget au-delà de 12 mois, mais ne l’empêcher pas de le restreindre à 6 mois, c’est ici le cas de dire que celui qui peut le tout, peut également la partie.

Il reste une autre difficulté qu’on pourrait opposer à mon système, c’est le prétendu désordre que le changement de l’ouverture de l’année financière porterait dans la comptabilité. Mais cela ne m’a pas effrayé ; je ne vois aucune raison fondée de crainte à cet égard.

Pourquoi ne clorait-on pas aussi facilement les comptes après un exercice de six mois qu’on le fait d’après le terme de douze mois ? J’ai consulté à cet égard des personnes versées dans la matière, et elles ne trouvent là aucun inconvénient.

Du reste, messieurs, mon projet n’est pas neuf ; une mesure analogue a été proposée en France dans l’année 1819. La chambre des députés l’avait même admise ; seulement elle a été repoussée par la chambre des pairs, non à cause des difficultés sur lesquelles j’ai moi-même attiré l’attention de la chambre, mais à cause de circonstances particulières à la France : telles que l’époque du renouvellement des chambres, la possibilité d’introduire immédiatement des changements dans les lois financières qui étaient déjà soumises alors à la législature.

Je crois pouvoir borner là mes observations. Je m’estimerai heureux si je parviens à faire adopter un projet qui sera d’une grande utilité pour la marche régulière de nos discussions de finances, et dont le pays tirera également profit.

Prise en considération

M. le président. - Quand la chambre entend-t-elle discuter sur la prise en considération.

- Plusieurs voix. - Tout de suite !

M. Pirson. - La proposition faite par M. Verdussen et d’autres membres s’accorde parfaitement avec la mienne sous le rapport du principe. Ces messieurs ont retranché les considérants ; je n’y tiens pas beaucoup, mais cependant il me semble qu’il est nécessaire d’expliquer les motifs de cette proposition.

J’avais donné la préférence à l’époque du 1er juillet 1834 sur celle du 1er juillet 1835, parce que M. le ministre des finances nous avait annoncé qu’il était prêt à présenter des lois nouvelles pour modifier notre système de finances. Prenant acte de cette déclaration, j’ai pensé qu’il ne fallait pas retarder le vote de ces lois de douze mois encore, car il est prouvé par l’expérience que plus on a de temps plus on en perd.

Mais, en supposant qu’elles ne pussent être discutées en 1834, cela ne serait pas un obstacle. Si l’on ne veut pas admettre l’époque du 1er juillet 1834, j’en indiquerai une autre qui se rapproche du désir émis par l’honorable M. de Robaulx quand il a proposé de voter un budget de 3 mois, et je demanderai que le changement commence à partir du 1er avril. De cette manière nous pourrons employer l’hiver à nos délibérations, et l’été nous pourrons nous rendre au sein de nos familles où notre présence est nécessaire.

M. de Robaulx. - Je ne crois pas qu’il faille interrompre la discussion du budget pour délibérer sur ces propositions. Je demande qu’elles soient renvoyées dans les sections.

M. d’Huart. - Il ne s’agit pas ici du fond de la question elle-même, mais seulement de la prise en considération. Or, comme la proposition est très importante, tout le monde, je pense, veut adopter la prise en considération. Il n’y a pas de difficultés à cet égard.

M. de Robaulx. - Je demande la jonction des deux propositions et leur renvoi aux sections.

- Le renvoi est ordonné.

Motion d'ordre

Renvoi d'une pétition de douze mille ouvriers de l'industrie cotonnière

M. A. Rodenbach. - Messieurs, douze mille ouvriers de Gand ont adressé à la chambre une pétition relativement à l’industrie cotonnière. Comme cette industrie est extrêmement intéressante, je crois que nous devrions engager la commission des pétitions à nous en faire le rapport vendredi prochain. Sans cela elle serait ajournée à 15 jours ; elle ne figure pas sur le feuilleton qui nous a été distribué. Il faut montrer par cet empressement notre sollicitude pour cette classe laborieuse de la société ; car certainement, si leur réclamation est fondée, la chambre y fera droit. (Appuyé.)

M. Angillis. - J’appuie la motion faite par mon honorable collègue. Quand douze mille ouvriers s’adressent à la chambre, et qu’ils envoient une pétition revêtue d’autant de signatures, cette pétition veut bien sûrement dire quelque chose. Ces hommes s’adressent à nous avec une pleine confiance dans notre justice et notre patriotisme. Il est instant de faire cesser leurs plaintes s’il existe des moyens d’y parvenir.

M. Pirson. - Je crois qu’on doit faire attention à toutes les pétitions ; et sans doute, quand il s’en présente une signée d’un si grand nombre d’ouvriers, elle mérite encore une sollicitude plus particulière.

Mais prenez garde, messieurs ! Il est de fait que tous les amis de la restauration sont en mouvement, et cherchent à profiter de toutes les circonstances. Je ne veux pas dire que les ouvriers qui ont signé la réclamation soient des orangistes ; mais il serait possible qu’on se servît de ce moyen pour vous effrayer. On sait qu’il est aussi des peureux ; mais il en est d’autres qui n’ont pas peur. Voyez, messieurs , jusqu’où vont les craintes.

Deux ou trois officiers, dit-on, dans une orgie de jeunes gens, ont lancé quelques mots imprudents, et vite on s’en prévaut pour faire croire qu’il y a des orangistes dans l’armée.

Mais ce ne sont pas de véritables orangistes qui profèrent de pareils cris. Quant à moi, je ne crois pas qu’il y ait de parti orangiste dans la masse des citoyens, ni dans la masse de l’armée, qui est si belle et si bien disciplinée.

Il ne faut donc pas prendre une décision qui annonce la peur, et je demande l’ordre du jour, c’est-à-dire je demande que la commission examine cette pétition quand son tour sera venu.

M. de Brouckere. - Je ne pense pas que ce soit le sentiment de la peur qui ait dicté à l’honorable M. Rodenbach la proposition qu’il nous a faite. Quant à moi, qui n’ai pas peur, je viens l’appuyer.

Je n’ai pas lu la pétition, et je ne sais pas ce que les ouvriers de Gand demandent à la chambre ; mais il me semble qu’il est un peu trop tôt et pour chercher à jeter du discrédit sur leur réclamation. Si ce sont des sentiments politiques indignes d’un Belge, ce que je ne crois pas, qui l’aient suggérée, nous en ferons justice en la rejetant ; mais les ouvriers l’ont signée parce que leur position est réellement critique, alors nous examinerons la question avec tout le soin qu’elle mérite. Il ne faut émettre en ce moment ni avis favorable ni avis défavorable. Sans exprimer mon opinion sur le fond de la pétition que je ne connais pas, j’appuie la motion de M. A. Rodenbach.

M. Pirson. - Certes il n’et pas entré dans mon intention d’accuser M. Rodenbach d’être un peureux. Au contraire je le compte au nombre de ceux qui ont le moins de peur : il est de notre bord. Quant à ce qui regarde la pétition, j’ai commencé par dire que si toutes les autres devaient être examinées avec soin, celle-ci méritait une attention plus particulière encore parce qu’elle était revêtue des signatures d’un aussi grand nombre d’ouvriers. Je suis donc d’accord sur ce point avec le préopinant ; seulement j’ai émis le désir qu’on ne procédât pas à son examen avec trop de précipitation.

M. A. Rodenbach. - Si j’ai mis quelque empressement à parler en faveur des pétitionnaires, c’est que j’ai lu dans leur réclamation qu’ils manquaient de pain et qu’ils avaient été obligés d’envoyer leurs effets au mont-de-piété. Il y a peut-être là de l’exagération, mais il n’en est pas moins vrai que c’est un objet d’une grave importance et qui mérite un prompt examen.

Je n’ai pas été dirigé, en cette circonstance plus qu’en toute autre, par un sentiment de pusillanimité ; j’ai montré souvent dans cette enceinte que je ne parlais pas sous l’influence de la peur ; mais, quand une classe intéressante souffre et qu’elle s’adresse aux représentants de la nation, il faut se hâter d’examiner ses plaintes. J’insiste donc pour que ma demande soit admise.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, la crise de l’industrie cotonnière, qui a été signalée à la chambre par la pétition d’un très grand nombre d’ouvriers, est encore trop récente, pour que je pense$ que ces ouvriers puissent se trouver réduits à une misère aussi grande qu’on le dit. Sous ce rapport, je pense que la chambre n’a pas besoin de hâter trop l’examen de cette réclamation.

Quant aux sentiments qui peuvent l’avoir dictée aux signataires, je crois pouvoir assurer qu’ils ne sont pas de nature à influencer d’une manière défavorable l’opinion de la chambre.

Je n’examine pas quelle a pu être la pensée intime de quelques-uns de ceux qui ont poussé les ouvriers à pétitionner. Mais quant aux sentiments de la classe ouvrière, le gouvernement peut en répondre. Le pays sait que c’est dans cette classe qu’il rencontrera toujours le plus de dévouement, le plus d’énergie contre ses ennemis. Le gouvernement, comme vous pouvez le penser, messieurs, n’est pas resté inactif en présence de plaintes qui ont tout à coup surgi de la ville de Gand, pour de là se propager dans les villes de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale et aboutir à la capitale du royaume.

Des renseignements ont été pris auprès de différentes chambres de commerce. La commission supérieure d’industrie et de commerce de Bruxelles a été consultée. Différents remèdes ont été proposés. Ils feront l’objet de notre examen. Il paraît certain que la crise dont il s’agit ne date que de quelques mois ; que cette crise n’est pas seulement particulière à la Belgique, mais qu’elle existe aussi dans d’autres pays, et qu’en outre elle se présente presque toujours, chaque année, à la même époque.

Vous aurez à examiner, messieurs, quels seraient les moyens les plus propres à soulager une industrie qui souffre momentanément, mais qui, on ne pourra le nier, avait pris un essor brillant depuis un certain temps. Vous aurez aussi à apprécier des réclamations contraires. Car, si ceux qui fabriquent chez nous le coton demandent la prohibition de cotons étrangers, ceux qui les vendent voudraient que ces marchandises pussent entrer librement en Belgique ou du moins que le droit d’entrée qui les frappe fut tellement modéré que l’introduction n’en fût point gênée.

Du reste, le gouvernement est loin de s’opposer à ce qu’on examine, dans une des prochaines séances, la pétition des ouvriers de Gand.

M. Gendebien. - Les dernières paroles que vient de prononcer M. le ministre de l'intérieur me dispensent d’entrer dans les détails. Les longs développements qu’il vient de présenter prouvent qu’il n’y a nul inconvénient à ce que la chambre s’occupe vendredi de la pétition. Si la commission trouve qu’il n’y a pas lieu de prendre une décision ce jour-là, elle nous le fera savoir ; mais au moins nous aurons fait un acte de diligence et d’humanité, et nous aurons montré que la chambre, quoi qu’on en dise, soutient toujours les intérêts du peuple. (Aux voix ! aux voix !)

- La proposition de M. A. Rodenbach est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1834

Discussion du tableau des recettes

Contributions directes, douanes, accises, poids et mesures, garantie

Accises
Eaux-de-vie indigènes

« Eaux-de-vie indigènes : fr. 1,500,000. »

- Adopté.

Bières et vinaigres

« Bières et vinaigres (26 cents additionnels) : fr. 6,400,000. »

- Adopté.

Sucres

« Sucres (26 cents additionnels) : fr. 1,800,000. »

M. Hye-Hoys. - Messieurs, la section centrale se plaint à juste titre, dans son rapport, de la fraude des sucres à l’importation.

Je crois devoir faire remarquer, à cet égard, que cette fraude se fait bien plus sur les sucres raffinés français que sur les nôtres, au moyen d’une réexportation clandestine, après décharge des droits d’accises à l’exportation.

En effet, messieurs, le raffineur n’a point intérêt à faire rentrer en fraude les sucres exportés avec jouissance de décharge de l’accise ; il ne ferait en cela que se nuire à lui-même.

Si le raffineur peut soutenir avec avantage la concurrence sur les marchés étrangers, il ne fera pas réimporter frauduleusement ses sucres.

1° Parce qu’il préférera une voie d’écoulement, qui étend avec bénéfice ses relations aux dangers et aux avaries qui résultent de cette réimportation frauduleuse ;

2° Parce que s’il n’avait pas cet écoulement, cette réimportation aurait pour effet immédiat de produire dans l’intérieur une surabondance de sucres qui, dépassant le besoin de la consommation, les laisserait sans écoulement ; d’où suivrait nécessairement, indépendamment de la perte de l’intérêt des capitaux absorbés par cette surabondance une diminution dans les prix de sa denrée ;

3° Parce qu’à défaut d’écoulement il arrêterait lui-même sa production, et serait ainsi le propre artisan de la ruine de son industrie, puisqu’elle deviendrait forcément inactive.

C’est donc dans l’écoulement des sucres du raffineur qu’est nécessairement placé son véritable intérêt.

Le commerce clandestin a seul intérêt à cette fraude ; il est en cela autant l’ennemi du raffineur que du trésor qu’il subtilise.

Il est l’ennemi du raffineur, parce que, pour obtenir l’écoulement des sucres frauduleusement réimportés, il les donne et peut les donner à vil prix, au détriment du raffineur qu’il ruine en arrêtant ses ventes, et par suite sa production.

Mais il est absurde de prétendre que, pour arrêter la fraude, que le raffineur ne fait pas, qu’il n’a pas intérêt de faire, il faille arrêter dans sa source cette branche intéressante, autant qu’importante de l’industrie dans nos provinces ; c’est le fraudeur seul qu’il faut atteindre et punir.

Cette industrie est protégée par la loi, au moyen de la décharge de l’accise en cas d’exportation.

Il est clair qu’en autorisant et favorisant l’exportation, le législateur a entendu qu’elle pût s’opérer par les localités qui la rendent la plus favorable.

Tel est l’esprit de la loi ; s’en écarter, c’est la méconnaître et en paralyser les effets bienfaisants. Or, c’est dans son esprit que doit agir l’administration.

C’est à elle à prendre telle mesure de surveillance que réclame le but de la loi. On ne peut arguer contre l’industriel, qu’elle protège et favorise, de l’insuffisance des moyens qu’elle emploie pour assurer cette protection : qui veut la fin veut les moyens.

N’est-ce pas rendre l’exportation des produits de Gand illusoire, et dans tous les cas très onéreuse, que de la défendre par le chemin qu’elle veut prendre vers les lieux où elle a ses correspondants ?

Sous le précédent gouvernement, le bureau de Hertain était ouvert à l’exportation des sucres raffinés. Pourquoi n’en serait-il plus de même aujourd’hui ? Un gouvernement national ne peut moins faire, pour favoriser l’industrie belge, que n’a fait le gouvernement hollandais.

La question est importante, car que résultera-t-il de la stagnation inévitable, dans l’état des choses, de l’industrie du raffinage ? Que nous deviendrons de ce chef tributaires de l’étranger, sans pouvoir combattre sa prépondérance et l’affluence de ses produits sur nos marchés.

D’un autre côté, si les moyens de répression sont impuissants pour empêcher la réimportation frauduleuse des sucres exportés, ils le sont aussi pour arrêter l’importation frauduleuse des sucres français.

Or, il faudrait dans tous les cas renforcer ces moyens répressifs dans ce second but ; il ne sert à rien d’empêcher l’exportation des sucres indigènes par la crainte de leur réimportation frauduleuse, si vous n’atteignez pas en même temps l’importation des sucres étrangers ; car la fraude de ceux-ci ne s'en fera pas moins, et en arrêtant la production même pour la consommation intérieure, portera au fisc une atteinte bien autrement sensible que celle de quelques réimportations frauduleuses. C’est l’avantage qu’on trouve à importer les sucres étrangers qu’il faut pourvoir atteindre, comme étant la source du mal.

Or, les meilleurs moyens d’y parvenir, joints à une surveillance efficace, sont de maintenir la concurrence de nos sucres raffinés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

La décharge de l’accise peut seule conduire à ce résultat ; la concurrence sur les marchés étrangers préviendra les importations étrangères, et conservera ainsi à nos raffineries la consommation intérieure.

On voit dès lors que le taux de l’accise ne peut être réduit sans enlever au raffineur la possibilité de cette concurrence.

Elle n’aurait d’autre effet que de tendre à conserver au raffineur la consommation intérieure ; mais elle n’atteindrait ce but, d’ailleurs insuffisant, non seulement pour la prospérité, mais pour le maintien de nos nombreuses raffineries, que par une réduction de l’accise telle qu’elle devient inconciliable avec le besoin du trésor. Il faut donc renoncer à ce moyen qui ne serait qu’un vain palliatif.

Il est inconcevable qu’on ferme les bureaux d’exportation vers la France, lorsqu’elle reste le seul débouché de nos raffineries, et que cette exportation peut seule combattre et arrêter les importations frauduleuses étrangères, en soutenant nos raffineries par l’écoulement de nos produits, qui arrêteront d’autant l’écoulement des produits étrangers sur ses marchés.

Quant aux importations frauduleuses, c’est à nos lignes de douanes à les prévenir ; c’est à elles à assurer à nos raffineries la consommation intérieure.

Le motif qui a fait fermer aux exportations le bureau de Hertain existe également pour tous les autres, car on peut réimporter frauduleusement par toutes les localités ; on pourrait ainsi au même titre les fermer tous, si la loi n’y mettait obstacle.

Si le bureau de Hertain réclame une surveillance plus renforcée que celle d’autres localités, tout ce qu’il en résulte, c’est qu’il faut y pourvoir dans le double but d’arrêter et les réimportations et les importations clandestines ; car, si les premières portent atteinte au trésor (nous avons vu qu’elles nuisent aussi aux raffineries), les secondes ruinent les raffineries et portent un préjudice notable au trésor par la fraude de l’accise.

Le rayon de deux lieues actuel rend essentiellement la fraude plus facile, en abrégeant le terrain réservé à franchir, notamment pour les raffineries qui sont situées à proximité de ce rayon, et qui se trouvent affranchies des mesures de précaution auxquelles elles étaient soumises dans le précédent rayon de quatre lieues. La profondeur d’un rayon de douanes est certes un obstacle contre la fraude.

On a donné pour motif au rayon de deux lieues que c’était le resserrer, et le rendre ainsi plus salutaire.

C’est un erreur manifeste que plus on rapproche et resserre les lignes en profondeur, moins on les rend difficiles à franchir ; ce n’est pas la resserrer la surveillance, c’est ne diminuer au contraire les moyens. On ne resserre une ligne de douanes qu’en rapprochant ses postes dans sa continuité frontière, dans son étendue vers l’étranger ; or, c’est ce qu’on n’a pas fait.

Certes, ce n’est pas aux raffineries à en pâtir ; ce n'est pas à elles qu’on peut opposer comme fin de non-recevoir cet état de choses.

Les raffineries de Gand, en demandant la suppression des bureaux d’exportation ouverts vers la Hollande par l’arrêté du 7 novembre 1830, ont prouvé qu’ils ne voulaient pas s’en faire un moyen de fraude, d’autant plus facile qu’il était à leur portée, et que la ligne des douanes n’était encore qu’imparfaitement organisée.

Voilà un gage certain de la confiance qu’ils méritent, autant que de la bonne foi et de la loyauté désintéressée de leur allégations.

Les raffineurs indigènes ont d’autant plus besoin de protection pour les exportations en France, que là les importations vers la Belgique sont favorisées par un drawback beaucoup plus fort que ne l’est en Belgique la décharge de l’accise, mais contre lequel nos raffineries peuvent toutefois lutter avec avantage, sous la sauvegarde de cette protection, savoir les facultés d’exportation, et un service de douanes assez efficace pour prévenir les importations clandestines étrangères.

Il résulte de tout ce qui précède que mettre des entraves à l’exportation des sucres indigènes vers la France, c’est favoriser l’écoulement des produits des raffineries françaises, tant sur les marchés que sur les nôtres. En comprimant en sens inverse l’écoulement des produits de nos raffineries indigènes, lequel ne peut être arrêté sans les conduire à une ruine inévitable ; c’est ici pour elles une question d’existence ; pour la nation, celle de voir passer cette branche prospère de notre industrie en France, et de devenir, à prix d’argent, tributaire de la sienne.

On crie contre les raffineurs, comme si tous, indistinctement, se livraient à la fraude de la décharge de l’accise ; or, ce point de départ est absurde ; ils ont trop de dangers à courir et trop d’avaries à attendre du voyage chanceux de leurs sucres ; ce qui resterait d’ailleurs de bénéfice, même en cas de succès, serait par trop minime pour les tenter. L’hypothèse, ensuite, est offensante pour leur moralité. Qu’il y ait des exceptions, passe ; mais il est bien certain qu’elles ne seront pas nombreuses, vu les chances défavorables à courir. Tout le monde n’est pas disposé à jouer à la loterie de la fraude. La moralité de l’industriel est aussi une garantie qu’il en repoussera le moyen.

Celui d’entre eux qui fraudera devient dès lors l’ennemi de ceux qui ne frauderont pas : le corps entier des raffineurs probes et honnêtes à intérêt à ce que le fraudeur soit atteint et puni.

Il serait à désirer, par ces motifs, que M. le ministre des finances ouvrît à l’exportation des sucres raffinés les bureaux de Hertain et de Bruly, si vivement et depuis si longtemps sollicités par les raffineurs de Gand et d’Anvers : ce qu’il peut faire au moyen d’un arrêté à proposer au Roi, auquel cette faculté est accordée par la loi générale du 26 août 1822.

M. Coghen. - Messieurs, hier deux orateurs ont paru imputer au simple rayon de douanes établi sous mon ministère la fraude considérable qui se fait aujourd’hui. Pour ne pas interrompre la discussion, et concourir autant qu’il était en moi à hâter le vote du budget des voies et moyens, je me suis abstenu de répondre, bien que j’eusse des documents dans les mains. Mais l’honorable M. Hye-Hoys étant revenu sur la même question, je ne puis plus garder le silence.

Messieurs, loin que le résultat de l’établissement d’un simple rayon de douanes ait pu contribuer à l’augmentation de la fraude, il a produit une élévation dans les revenus des douanes, et à cet égard je prierai mes honorables collègues qui conserveraient quelque doute, de demander à M. le ministre des finances la communication des tableaux détaillés qu’il a dans ses bureaux.

Une preuve que je puis donner par moi-même, c’est la hausse considérable des primes d’assurance depuis cette époque. Sous l’ancien gouvernement, malgré les lignes de douanes, fortifiées par des détachements d’infanterie et de cavalerie, la prime d’assurance pour l’introduction frauduleuse dans le pays des marchandises étrangères ne s’élevait sur les tissus qu’à 4 p. c. Je crois que les informations qui me sont parvenues à ce sujet sont exactes. Aujourd’hui la prime pour l’introduction de la soierie, monte à 6 et même à 6 3/4 p. c., pour les indiennes à 13, pour les schalls de Nîmes à 11, et pour la bonneterie à 14. Voilà des faits authentiques.

Je ne veux pas dire pour cela qu’une fraude considérable n’ait lieu, personne ne saurait le contester. Les entrepreneurs de l’introduction frauduleuse des marchandises étrangères sont tellement sûrs de réussir, qu’ils garantissent de rendre en deux jours, des frontières de France, les marchandises à Bruxelles. Je suis loin d’en faire un reproche au personnel des douanes et à la négligence de l’administration ; cet abus vient, selon moi, de la position de notre pays qui, se trouvant ouvert de toutes parts sans aucun obstacle naturel, laisse des accès par tous les côtés en dépit de la surveillance la plus active. Ce qui se passe démontre l’indispensable nécessité d’augmenter le personnel des douanes par des brigades ambulantes. Le licenciement d’une partie de l’armée offre une de ces occasions si rares pour le faire.

Lorsque j’ai organisé la douane, on n’avait pas le choix des hommes ; mais maintenant qu’on renvoie dans leurs foyers un grand nombre de militaires, on peut choisir ceux qui se sont honorablement conduits dans leurs corps respectifs, afin de les incorporer dans la douane. Ils sont habitués à obéir, accoutumés à la discipline, aux fatigues, et seront parfaitement convenables pour le service de la douane. Je soumets cette observation à M. le ministre des finances, et je l’invite non seulement à le faire pour fortifier la ligne en général, mais pour établir une surveillance plus active vers le nord, vers les rives de l’Escaut, et surtout du côté des bords de la Meuse ; car la fraude est devenue très facile sur ce point depuis la liberté de communication de la Hollande avec Maestricht.

Ceux de mes honorables collègues qui habitent les frontières peuvent attester de quelle manière la fraude se fait et l’impossibilité de l’anéantir totalement. Mais le seul moyen de l’empêcher, c’est de réduire les droits sur les marchandises étrangères, de manière qu’ils ne soient plus un appât à l’importation frauduleuse ; on doit combiner ces droits avec une protection utile, plus réelle et nécessaire encore à notre industrie.

Les chambres de commerce, je crois, sont appelés à donner leur opinion sur le tarif actuel et les modifications à y apporter. Je désire qu’elles se pénètrent bien de l’idée que maintenir des droits élevés, c’est maintenir aussi la fraude, et que les pénalités ne pourront jamais la réprimer. Sous l’empire les fraudeurs bravaient les galères ; maintenant encore en Russie ils ne sont pas effrayés par la peine de l’exil, et même dans d’autres pays par la peine de mort.

Un honorable orateur a parlé du droit sur les esprits de vin. Je crois qu’il serait prudent de remettre cet objet jusqu’au moment où nous connaîtrons le résultat des négociations qui vont s’ouvrir entre le gouvernement français et le gouvernement belge pour modifier réciproquement le tarif des deux pays.

M. Hye-Hoys nous a entretenus du droit sur les sucres. Je crois, comme lui, qu’une révision à cet égard est nécessaire, et qu’il faudrait autoriser l’exportation par terre avec restitution. Nous avons beaucoup de raffineries en Belgique, et leur activité souffre naturellement de la difficulté d’exporter vers l’Allemagne ; car c’est là un de nos plus forts débouchés. L’exportation ne se fait plus vers ce point, comme du temps du gouvernement des Pays-Bas quoique la prime soit la même, et cela, parce que les frais de transport sont très considérables. Mais, du moment où la route en fer nous procurera une communication avec le Rhin, et où nous pourrons naviguer sur les eaux intérieures de la Hollande, nous aurons encore tous les avantages de cet important débouché.

Du reste, si l’on a fermé des bureaux d’exportation par terre, c’est par suite des réclamations qui se sont élevées contre la fraude scandaleuse qui se faisait, et sur la demande des raffineurs eux-mêmes. Je leur ai fait remarquer l’inconvénient qui en résulterait pour l’exportation ; mais ils ont persisté, et aujourd’hui ils peuvent apprécier le mérite de mes observations, parce que, pour éviter une faible réimportation, ils perdent la possibilité de la consommation des frontières françaises.

Projet de loi prorogeant le délai pour la nomination des juges de paix

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) demande la parole. Il présente un projet de loi tendant à proroger le délai de la loi du 4 août 1832, pour la nomination des juges de paix, jusqu’au 1er janvier 1834.

M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de cette présentation. Le projet de loi sera imprimé et distribué. La chambre veut-elle le renvoyer à l’examen des sections ?

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois, sans rien préjuger sur la décision à intervenir relativement au fond, que la chambre doit nommer une commission, parce qu’il s’agit d’une question de date et qu’il importe de ne pas distraire les sections, occupées en ce moment de travaux plus importants. Si l’opinion du gouvernement n’était pas admise, on aurait à peine le temps d’exécuter les dispositions de la loi.

- La chambre consultée renvoie le projet à une commission, dont ses membres seront nommés par le bureau.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1834

Discussion du tableau des recettes

Contributions directes, douanes, accises, poids et mesures, garantie

Accises
Sucres

M. A. Rodenbach. - L’honorable M. Coghen a dit que les entrepreneurs de l’introduction frauduleuse en Belgique des marchandises étrangères les rendaient à 6 et 6 3/4 p. c. dans les magasins de Bruxelles ; mais il en est d’autres qui le font aussi à 5 p. c. ; car cet honorable membre, qui est un des industriels les plus distingués du pays, doit savoir que des bureaux d’assurance ont tarifé leur prix à ce taux.

Cependant, je veux bien admettre le chiffre qu’il a posé. Toujours est-il que, si l’on introduit frauduleusement dans notre pays pour plusieurs millions de marchandises moyennant 6 p. c., cela prouve tout le vice du système actuel des douanes. J’ai vu dans les tableaux qu’il s’était exporté pour 7 millions de soie de France en Belgique. Je suis sûr qu’on n’en a pas déclaré deux millions. Je demanderai pourquoi on ne publie pas ici ces tableaux contrairement à ce qui se fait en France et en Angleterre.

Les fabricants de Gand se plaignent aussi que le système de douanes ne défend pas leur industrie, et je suis disposé à le croire, d’après les faits. Je vois dans le rapport du mouvement commercial de France qu’on a exporté pour 7 millions de coton en Belgique, et on n’en a pas encore déclaré deux millions.

On a parlé aussi des sucres. Je pense que M. le ministre des finances doit examiner avec la plus grande attention les observations de M. Hye-Hoys, et même faire procéder à une enquête, comme cela se pratique en France et en Angleterre.

Les raffineurs de Gand ont demandé il y a environ un an la clôture des bureaux de terre ; maintenant ils demandent qu’on les ouvre, et plus tard ils demanderont autre chose encore. Je dois dire que la fraude des sucres est considérablement diminuée ; ce n’étaient pas les raffineurs de Gand et d’Anvers qui s’y livraient, mais les contrebandiers de la frontières qui, après avoir acheté des sucres à Anvers et à Gand, faisaient ce qu’on appelle vulgairement passer la navette, de manière que le gouvernement remboursait deux ou trois fois le droit. Je pense donc qu’il ne faut pas accorder légèrement ce qu’on demande au nom des raffineurs, et qu’il importe de procéder par voie d’enquête.

M. de Robaulx. - La réponse que vient de faire M. Coghen à ce que j’ai dit relativement au simple rayon de douanes, prouve qu’il est à cet égard du même avis que moi. Seulement il prétend que le rayon unique a eu pour effet de faire hausser les primes d’assurance.

Je ne connais pas les prix courants ; MM. les négociants sont plus à même que moi d’en connaître les variations. Mais je ne crois pas qu’elles aient augmenté sur les eaux-de-vie de France.

M. A. Rodenbach. - Il n’y en a pas.

M. de Robaulx. - En effet, cette fraude se fait avec une telle facilité que personne ne songe à s’adresser à des bureaux d’assurance.

Quand j’ai reproché au gouvernement de s’être désarmé en réduisant le territoire réservé à deux lieues de profondeur au lieu de trois ou quatre, je n’ai pas voulu dire que ce fût là le seul vice de son système ; j’ai dit que, quelle que soit la profondeur du rayon, si le nombre des employés était insuffisant, vous n’obtiendriez aucun résultat ; et j’ai démontré que huit hommes ne pouvaient surveiller, d’une manière efficace une pantière, c’est-à-dire une lieue et demie de frontière.

Je voudrais donc qu’on augmentât les employés chargés de surveiller la frontière, et qu’on payât davantage ceux dont le service est le plus actif sur la frontière. J’ai rendu justice à ces derniers, je sais qu’ils remplissent leurs devoirs avec activité ; je puis l’affirmer du moins pour ceux de nos cantons.

On pourrait augmenter le salaire de ceux qui sont constamment en embuscade, sans qu’il fût besoin pour cela d’augmenter les dépenses des douanes, car il n’y aurait pas d’inconvénient à diminuer les employés qui n’ont à faire que des inspections à jours fixes. Ces inspecteurs sont plus propres à favoriser la fraude qu’à l’empêcher ; les fraudeurs connaissant le jour où les huit hommes sont réunis pour passer l’inspection, profitent, pour franchir la frontière, du moment où elle se trouve privée de surveillance. C’est à l’administration à examiner les vices que je signale et à aviser aux moyens de les faire cesser.

Cependant il est une chose sur laquelle je crois devoir insister, c’est qu’on ne pourra pas empêcher la contrebande, quelle que soit la profondeur du rayon, si on n’augmenter pas les compagnies mobiles qui apparaissent trop rarement sur les divers points des frontières.

M. Coghen vous a dit que le moyen le plus simple d’arrêter la fraude était de diminuer les droits. Je crains que si la Belgique adoptait seule ce système, elle n’en fût la dupe. En effet, si nous réduisons les droits sur les marchandises de la France et des autres puissances, sans faire des traités de commerce avec elles, lorsque nous voudrons en conclure, nous n’aurons plus rien à leur offrir en échange des concessions de droits que nous leur demanderons. Il y aurait donc de l’imprudence à la Belgique à prendre seule l’initiative du système dans lequel on veut la faire entrer.

Je pense que les eaux-de-vie de France devraient être frappées d’un droit plus fort que celui qui existe ; ce n’est pas pour favoriser nos distilleries que je dis cela, car l’eau-de-vie de France est employée à beaucoup de choses où elle ne peut pas être remplacée par l’eau-de-vie de notre pays ; il est impossible de faire aucun mélange avec nos eaux-de-vie, les liqueurs ne seraient pas potables. Il est reconnu qu’on ne peut employer que les eaux-de-vie de France ; c’est donc un objet de luxe et par conséquent une matière essentiellement imposable. Au lieu de diminuer les droits sur les objets de cette nature, on doit au contraire les augmenter.

Si sur d’autres objets vous jugez à propos d’opérer des réductions, il faut les offrir comme compensations aux puissances avec lesquelles vous ferez des traités de commerce. Il serait impolitique d’ouvrir nos frontières aux marchandises étrangères, lorsque nous sommes de toutes parts ceints d’un rayon que nous ne pouvons pas franchir ; les manufactures étrangères nous encombreraient de leurs produits, nos écus s’en iraient, et il ne rentrerait rien chez nous. C’est une véritable duperie en finances.

M. Delannoy, commissaire du roi. - Je n’ajouterai que quelques mots aux observations faites par divers membres de cette chambre, parce qu’il me paraît que la discussion sur la nécessité de renforcer le service de la douane, afin de s’opposer à la fraude que l’on prétend être plus considérable, sera plus opportune lorsqu’il sera question du budget des dépenses.

Je me bornerai donc à faire observer que ce n’est pas dans la profondeur du rayon frontière, ni par un personnel nombreux de douaniers, que l’on peut espérer de paralyser la fraude, mais bien lorsque nous aurons une bonne loi de douane. Oui, messieurs, c’est par de sévères mesures de répression que nous pourrons obtenir des résultats avantageux, l’expérience ayant constaté que le plus ou moins de succès de la fraude dépend plus spécialement des moyens de répression que la loi donne aux agents chargés de la surveillance des impôts, que du nombre des employés, de leur zèle ou de la bonne direction de leur surveillance.

Pour atteindre ce but, il faut que la loi des douanes applique des mesures autres que celles existantes contre la fraude, et surtout que toutes les opérations de déclaration et de vérification en douane s’opèrent à la frontière.

J’ai trop souvent dirigé, sur le terrain même, le service des brigades, pour ne pas être à même de vous affirmer qu’il est impossible de mieux exécuter la surveillance que ne le fait la douane dans ce moment.

De nombreuses saisies, l’accroissement progressif et de la prime d’assurance et du produit des droits, en est la preuve incontestable.

Je sais que l’on objecte que la fraude s’opère avec succès et intensité sur quelques objets. Cette assertion est exacte bien que très souvent exagérée. Cette fraude consiste principalement en objets tarifiés à des droits forts élevés qui présentent, sous un petit volume, une valeur assez considérable ; tels que les soieries, manufactures fines de coton et de laine, etc.

J’observe d’abord, quant aux soieries, qu’avec un droit d’entrée de 4 fl. le kilogramme, bien que nous en ayons fait hausser l’assurance jusqu’à 6 p. c., il y a encore trop d’avantage pour l’assurance pour espérer de pouvoir paralyser cette fraude. Il sera nécessaire de réduire de moitié ce droit. Quant aux étoffes de coton et de laine, l’assurance s’est élevée de 13 à 16 p. c. comme vous l’a fort bien observé l’honorable M. Coghen ; et, certes, cette prime d’assurance est déjà assez avantageuse pour notre industrie.

Empêcher la fraude est d’ailleurs la chose impossible, tous les efforts de la douane doivent se borner à produire une prime d’assurance telle que les objets importés en fraude ne puissent venir dans la consommation que chargés de cette augmentation de valeur. Ceci est le but que l’on doit s’efforcer d’atteindre ; c’est ainsi que la France, par son système de douane, est parvenue à protéger son industrie et à la rendre florissante.

L’honorable M. de Robaulx, lorsqu’il a avancé que l’on n’a pas dérangé un employé dans le pays qu’il habite, n’a pu parler que d’une localité fort circonscrite ; je puis lui affirmer que toutes les brigades du second rayon ont été placées dans le premier, que ce renfort qui a permis de donner plus d’ensemble dans la surveillance a produit le meilleur effet. Quant à la nécessité de renforcer le personnel intérieur de la douane, je partage entièrement avec lui cette opinion ; la nécessité d’apporter la plus grande économie dans les dépenses, la répugnance que la chambre elle-même a manifestée lors de la discussion des budgets antérieurs sur toute majoration de l’espèce, l’espoir d’un arrangement commercial avec la France, ont motivé jusqu’à ce jour l’ajournement d’une proposition d’augmentation du personnel de la douane.

Quant à l’assertion de l’honorable représentant M. Rodenbach sur l’utilité d’un second rayon de douanes où s’opéraient les saisies, je lui observerai que la loi générale du 26 août 1822 permet aux employés des douanes de poursuivre les transports frauduleux hors du rayon à l’intérieur, et d’en opérer la saisie lorsqu’ils les ont suivis sans les perdre de vue. Bon nombre des saisies de l’espèce ont été validées par divers jugements.

M. Smits. - Messieurs, hier, à l’occasion de la proposition faite par M. Eloy de Burdinne d’imposer les denrées coloniales, j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre quelques observations sur les anomalies que renferme le tarif des douanes, particulièrement en ce qui concerne les thés ; aujourd’hui que la discussion porte sur la question des sucres, je me permettrai également de faire quelques observations à cet égard. Le malaise de nos raffineries de sucre tient particulièrement à quatre causes : la première, le manque de moyens d’exportation par terre ; la second et la troisième, les vices du décret du 4 février 1831, qui fixe le droit d’entrée sur les sucres bruts et qui défend le transit des sucres pas sacs, nattes et casenattes ; et le quatrième, le défaut d’entreposage à bord des navires.

Pour ce qui concerne l’exportation par les frontières de terre, il est incontestable que le gouvernement doit favoriser, au lieu de restreindre, l’écoulement au-dehors des produits industriels. Je conviens qu’on a pu abuser de la faculté accordée anciennement, et je crois que le gouvernement a bien fait de fermer quelques bureaux pour empêcher les réintroductions clandestines. Cependant, je ferai remarquer que s’il ne peut pas empêcher la réintroduction des sucres exportés, il pourra bien moins prévenir les introductions étrangères. En effet, quand une marchandise est exportée, elle sort en état de suspicion de fraude ; on ne la perd pas de vue ; elle ne peut ni séjourner longtemps dans un même endroit, ni faire un long circuit.

Vous ne pouvez pas exercer la même surveillance sur les marchandises que les étrangers veulent introduire chez nous, ils ne viennent pas vous informer de leur dessein, et ils peuvent faire la fraude sur tous les points.

Un autre fait incontestable, c’est qu’avant la suppression du bureau d’exportation, la Belgique exportait en grande partie les produits de ses raffineries, et que depuis cette suppression les rôles sont changés : ce sont les sucres étrangers qui menacent de s’infiltrer sur nos frontières. Je ne peux dont assez recommander au ministre des finances d’aviser aux moyens de favoriser les exportations, tout en prenant des mesures pour prévenir la fraude.

Le second mal, messieurs, gît dans la loi du 4 février 1831. Cette loi fixe les droits d’entrée sur les sucres (je fais ici une distinction entre le droit d’entrée et les accises), cette loi donc a imposé à 2 fl. les 100 livres les sucres provenant de ports européens et importés par navires étrangers ; à 10 cents les sucres importés sous pavillon national, et à 80 cents les sucres provenant des Indes orientales et importées par navires étrangers.

Ce système était excellent alors que la Belgique était réunie à la Hollande. Aujourd’hui que le commerce est souvent obligé de tirer ses sucres des ports et entrepôts européens, ce système ne peut plus convenir. Il arrive fréquemment que sur les marchés de Liverpool, Hambourg… les sucres de la Havane, qui sont employés par nos raffineries, sont d’un florin 50 c. moins chers que sur les marchés nationaux. Comme le droit est de 2 fl. nos raffineurs ne peuvent pas profiter des fluctuations, et obligés qu’ils sont de payer plus cher la matière première, leurs produits ne peuvent soutenir la concurrence sur les marchés étrangers avec les peuples favorisés.

On dira peut-être que le droit de 2 fl. est imposé pour favoriser la navigation nationale. Je suis persuadé que si ce droit était réduit à 80 cents, il resterait encore une différence de 70 cents en faveur de la navigation nationale ; aucune voix ne s’élèverait contre cette modification ; et cette modification, je la réclame en faveur d’une des branches les plus essentielles et les plus intéressantes de l’industrie nationale, non seulement à cause des bras qu’elle emploie, mais d’une foule d’autres industries qu’elle féconde.

Cette même loi du 4 févier 1831 a autorisé le transit des sucres en tonneau, caisses et autres emballages de cette nature ; elle l’a interdit en sacs, nattes et casenattes. Ce sont précisément les sucres qui arrivent dans ces emballages, qui servaient au commerce de l’Allemagne ; les navires qui les apportaient ont cessé d’aborder dans nos ports. il en résulte un appauvrissement pour nos marchés, et nos raffineurs ne trouvent plus d’assortiments convenables, ce qui les met encore dans une position défavorable pour soutenir la concurrence sur les marchés étrangères.

Je crois qu’on pourrait contester la légalité de cette interdiction car elle ne se trouve pas dans le dispositif de la loi, mais dans la colonne d’observations. Je sais qu’on me répondra que cette précaution a été prise pour prévenir la fraude ; il est cependant plus facile de soustraire quelque chose d’un tonneau ou d’une caisse que d’un sac ; car ici le vide se fait tout aussitôt voir, et les employés peuvent mieux le constater.

Cette mesure est d’autant plus nuisible que nos bâtiments aux grandes Indes et dans les colonies espagnoles complétaient ordinairement leur chargement avec du sucre ; mais comme le transit dans les emballages que je viens de citer est interdit, et que ces colonies n’expédient pas leurs sucres autrement, c’est une ressource de moins pour notre navigation.

La quatrième cause du malaise de nos raffineries est la défense faite de laisser à bord des navires les marchandises en destination de l’étranger. En 1829, le gouvernement précédent avait pris un arrêté par lequel il autorisait les navires à cargaisons mixtes, abordant dans les ports de la Belgique, à débarquer la partie de leur cargaison qui nous était destinée, et à exporter immédiatement celle qui n’était pas pour nous. Il arrivait que les navires qui étaient aux Indes pouvaient prendre des marchandises pour nous en même temps que pour d’autres pays, sans que cela leur occasionnât une augmentation de dépenses, et il en résultait une grande économie dans le fret.

Mais aujourd’hui, comme on est forcé de débarquer toute la cargaison, et que la loi anglaise proposée par M. Huskinson ne permet de livrer à la consommation de l’Angleterre aucune marchandise qui ait été déposée sur le continent, beaucoup de marchandises et nommément les sucres cessent d’arriver dans nos ports, nouvelle cause d’appauvrissement de nos marchés, qui empêche nos raffineurs d’y trouver les assortiments qu’il leur faut.

Si on faisait cesser les vices que j’ai signalés, nos raffineries se relèveraient bientôt, et le trésor y gagnerait considérablement en ce qu’on ferait cesser la fraude dont on se plaint avec tant de justice.

M. Hye-Hoys. - Je répondrai à MM. Coghen et Rodenbach que l’expérience a prouvé que l’on a été en erreur de demander la fermeture des bureaux en question, puisqu’il en est résulté que depuis cette époque les demandes pour les sucres raffinés ont beaucoup diminué, que les prix ont baissé de ce chef, et que par conséquent nos raffineries sont en stagnation ; et, quoi qu’en dise M. Rodenbach, l’introduction est encore très considérable aujourd’hui.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, des observations viennent d’être faites sur le service des douanes, sur les lois, arrêtés et diverses dispositions réglementaires qui régissent cette matière. Comme je ne prévois pas que je pourrai répondre à tout du premier jet, car ces observations sont très nombreuses, je vais essayer de rencontrer les plus essentielles, et si j’en omettais quelques-unes, je prierais les honorables membres qui les ont faites de me les rappeler, car mon intention est de ne laisser aucune question sans réponse.

Messieurs, on est revenu sur le système des douanes ; on vous a dit qu’autrefois le rayon avait quatre lieues de profondeur, tandis qu’il se trouve aujourd’hui réduit à deux. L’auteur de cette mesure vous a fort bien développé les motifs qu’il l’ont déterminé à l’adopter, et je ne puis que reconnaître leur exactitude. Je prie la chambre de croire que cette$ n’a pas eu d’effet aussi désastreux que quelques membres l’ont prétendu.

L’honorable député de Bruxelles vous a dit qu’en réduisant la profondeur du rayon, la concentration qui en était résultée, avait rendu la surveillance plus facile. Je partage son avis, sans prétendre pour cela que la surveillance ne puisse pas être plus efficace.

Je partage aussi l’opinion de quelques membres qui pensent qu’en multipliant sur l’extrême frontière, et même sur la ligne intérieure, le service des brigades ambulantes, et en organisant bien ce service, on rendrait la fraude beaucoup plus difficile.

Il est reconnu que les fraudeurs prennent ordinairement les postes à dos par des chemins difficiles à parcourir. Les brigades à pied pouvant facilement être embusquées dans ces endroits, qui sont presque toujours impraticables pour les brigades à cheval, on a supprimé ces dernières pour les remplacer pour des brigades à pied.

Par ces moyens, et en augmentant les brigades ambulantes qui tombent à l’improviste sur des points où l’on ne s’attend pas à les rencontrer, la fraude sera rendue d’autant plus difficile, qu’on pourra surveiller davantage le service.

Je demanderai à la chambre la permission de lui rappeler ce qui s’est passé, il y a peu de temps, lors de la discussion du budget des dépenses. Nous n’avons cessé d’être, dans cette enceinte, l’objet des attaques les plus vives à cause de l’augmentation des dépenses de l’administration des douanes ; toute la discussion a porté sur les moyens de les réduire. Aujourd’hui que nous nous occupons des voies et moyens, je vois avec plaisir que, comme moi, tous les membres de cette chambre comprennent la nécessité d’augmenter ces dépenses, afin d’organiser une surveillance suffisante pour réprimer la fraude.

Ainsi il est démontré que le rétrécissement du rayon, au lieu de rendre la fraude plus facile en concentrant et rapprochant les moyens de surveillance, donne les moyens de la réprimer. D’un autre côté, comme la répression de la fraude augmentera les produits, nous trouverons largement les moyens de faire face aux dépenses que nécessitera l’augmentation du nombre des employés.

Je viens maintenant aux objets spéciaux, et j’attaque en premier lieu ce qui est relatif aux sucres, puisque c’est de cette matière qu’il a d’abord été question à l’origine de la discussion.

On vous a dit : Ce sont les raffineurs qui ont réclamé avec beaucoup d’instance la fermeture de certains bureaux, et on les a en effet fermés par suite de ces réclamations. Il est incontestable qu’il s’y faisait une très grande fraude. Aujourd’hui, à mon grand étonnement, on en réclame la réouverture : nous sommes dans un très grand embarras ; c’est une question extrêmement controversée où les opinions les plus divergentes viennent se heurter. D’un côté, on en demande la fermeture pour empêcher la fraude ; de l’autre, on dit que si cette voie d’exportation n’est pas rouverte, les raffineries de sucre seront ruinées. Il est très difficile de prononcer entre des opinions si différentes de la part de personnes qui doivent avoir le même intérêt.

Cependant, tous les bureaux d’exportation ne sont pas fermés ; on n’a fermé que ceux qui servaient à la fraude. Mais, dit-on, les industriels ne font pas la fraude. J’accepte avec plaisir cette assurance ; sans doute, ce ne sont pas eu qui la font ; mais des compagnies de fraudeurs achètent leurs marchandises, les exportent pour recevoir le remboursement des droits, et quand ils ont obtenu la décharge, il les font rentrer. C’est contre ceux qui exercent cet infâme métier de fraudeurs, qu’il faudrait prendre des mesures sévères.

Il est incontestable, messieurs, que la mesure qui a fermé les bureaux dont il s’agit, a fait augmenter de beaucoup la prime d’assurance sur les sucres.

On vous a dit : Comment se fait-il que vous ayez tant de difficulté à vous opposer à la fraude, puisque la restitution des droits n’est accordée qu’après que la sortie a été constatée ? Cette contradiction n’est qu’apparente. Il est constant qu’il sort davantage de sucre pour rentrer dans le pays que pour pénétrer chez nos voisins. En France, où la ligne de douane est plus impénétrable et la surveillance bien autrement concentrée qu’en Belgique, la même chose a lieu ; et nous savons, d’après les rapports de ce pays, que la prime accordée aux sucres raffinés porte préjudice aux droits dont les sucres sont frappés à l’importation. La raison en est que, malgré la surveillance la plus active, on n’en opère pas moins la réintroduction. Après avoir obtenu la prime, on sort par un bureau, on côtoie quelque peu la frontière er on rentre par un autre point ; c’est la même manœuvre qu’on emploie chez nous.

Il est un autre moyen de fraude qui porte le plus grand préjudice au trésor, mais cela tient à l’état particulier et momentané où se trouve l’Escaut ; cette fraude se fait d’une manière scandaleuse : des masses considérables de sucre sont déclarées exportées, l’exportation s’effectue ; mais bientôt, au moyen de la protection ennemie, la réintroduction s’opère, avec un succès malheureux, par les lignes de la Flandre orientale et de la rive de l’Escaut dans la province d’Anvers. Voilà les circonstances particulières qui occasionnent une diminution notable dans nos produits, circonstances qui ne sont que momentanées, mais auxquelles il est impossible de remédier entièrement quant à présent.

Quant à l’exactitude et au zèle avec lesquels le service se fait, je ne puis dire combien je suis satisfait d’avoir entendu l’honorable député de Soignies proclamer qu’il avait été en position de s’en assurer par lui-même. Un autre témoignage qui assurément n’est pas moins agréable pour mon administration, c’est celui d’un ministre d’Etat, gouverneur d’une de nos provinces les plus importantes et celle où la fraude est souvent exercée avec trop d’activité malheureusement pour la prospérité de notre industrie et de nos finances. Ce qu’il dit sur la situation des diverses branches du service dans la province n’est pas long ; je demanderai à la chambre la permission de le lui lire.

« Cette branche (la douane) offre une situation très satisfaisante. les recettes comparées de 1832 et 1833 présentent, pour les neuf premiers mois de cette dernière année, une augmentation de 407,460 fr. 34 c. On doit en tirer la conséquence que le service de répression de la fraude sur la frontière est exécuté de manière à assurer les intérêts du trésor et ceux de notre industrie.

« Pendant les neuf premiers mois de cet exercice, les préposés des douanes stationnés sur la frontière en regard de la France ont rédigé 310 procès-verbaux pour tentative d’importation ou d’exportation frauduleuse. Les marchandises saisies consistent principalement en étoffes de soie et de coton, et en esprit d’eau-de-vie. Leur valeur est de plus de 86,000 fr.

« Une des meilleures preuves à donner encore que jamais, sous le gouvernement précédent, le service de la douane ne s’est fait avec autant de régularité, c’est le taux de la prime d’assurance de fraude qui est maintenant bien plus élevée qu’elle ne l’a été de 1814 à 1830. Sur quelques marchandises même cette prime est doublée et les fraudeurs en général s’entourent de bien plus de précautions qu’autrefois. »

J’ai donné l’assurance que le service des douanes se faisait de la manière la plus satisfaisante. C’est un témoignage que je devais aux employés sous mes ordres, et il m’est agréable de trouver une occasion de leur rendre justice.

Un honorable député d’Anvers a attaqué, dans le cours de cette discussion, les diverses dispositions de la loi du 4 février 1831, et a demandé certaines modifications au tarif des douanes ; il s’est plaint de quatre dispositions particulières : l’une qui, selon lui, porte le plus grand préjudice aux raffineries de sucre, c’est le défaut d’exportation par terre ; cependant ce moyen d’écoulement est ouvert, si on veut en user se conformant aux lois et règlements de douanes. Si, au contraire, on ne veut faire que des exportations fictives, si on a reconnu des intentions de fraude, le gouvernement a dû s’y opposer. C’est ce motif qui a déterminé la fermeture de certains bureaux.

L’honorable député s’est plaint aussi que le transit des sucres en sacs, nattes et casenattes ne soit pas autorisé. Ce n’est pas sans motif qu’on a interdit le transit des colis de cette nature. Il était trop facile de se livrer à la fraude et trop difficile de la constater. L’objection qu’on a faite que le sac lui-même dénoncerait la fraude, est sans fondement, car on substitue au sucre enlevé d’autres matières pour lesquelles on n’aurait certainement pas entendu accorder de prime.

Une autre circonstance dont s’est plaint l’orateur auquel je réponds, c’est la mesure qui s’oppose à ce que les navires arrivant avec cargaison entière puissent se borner à décharger les portions de leur chargements destinées pour notre pays, en laissant le reste dans le navire.

Messieurs, les motifs de cette mesure sont faciles à expliquer. Il n’y a pas de douane possible sans déclaration générale et circonstanciée au premier bureau d’entrée. Il n’y en a pas davantage si les employés ne peuvent pas reconnaître que toutes les indications sont exactes, que toutes les marchandises déclarées existent réellement à bord ; en un mot si la déclaration ne peut être apurée par eux. Quand, dans certains cas particuliers, le port d’Anvers a demandé à être affranchi de cette mesure, et qu’on a pu le faire sans compromettre les intérêts du trésor, M. Coghen et moi nous nous sommes de l’accorder.

Un honorable membre a reproduit en partie les observations qu’il avait déjà faites hier ; il s’est plaint de ce que le ministre, dans le département duquel se trouve l’administration des douanes, ne faisait pas connaître le mouvement du commerce, en publiant le tableau des importations, des exportations et du transit. Je comprends l’importance de cette publication, et je conviens qu’elle pourrait être faite ; tous les éléments sont au ministère ; chaque mois des états nous arrivent ; mais le bureau chargé de ce travail n’est pas encore monté, le personnel n’est pas suffisant pour opérer le dépouillement des nombreux documents qu’il faut consulter pour faire les publications qu’on réclame.

Je bornerai mes explications, croyant avoir répondu à toutes les questions qui m’ont été adressées dans cette discussion.

M. A. Rodenbach. - Il paraît que j’ai été bien vague dans les observations que j’ai dites, puisque M. le ministre n’a pas pu me répondre. Je le prie de me dire pour combien de millions du coton et de soie, il est entré en Belgique. J’ai dit qu’il était sorti de France pour 7 millions de coton et pour autant de soie, et que ces marchandises étaient entrées en Belgique. Combien est-il entré de coton et de soie en acquittant les droits ? Une réponse précise sur ce point me paraît de la plus haute importance.

M. le ministre nous a parlé d’un rapport très flatteur sur la manière dont le service des douanes se faisait dans la Flandre occidentale. Il doit se rappeler que moi-même je lui ai dit que les employés faisaient leur service avec zèle ; mais il ne s’agit pas ici d’une fraude de 65 mille francs, comme celle dont parle le gouverneur de la Flandre occidentale ; il s’agit de millions.

On m’a dit que ce n’était pas sur l’extrême frontière, où les employés font bien leur service, qu’une pareille fraude se fait. Loin de moi l’intention d’accuser personne, mais un fait grave m’a été signalé ; je ne l’affirme pas, mais il est de mon devoir de le faire connaître afin qu’on puisse le faire cesser ou le prévenir.

On m’a dit que souvent, dans les ports de mer, les armateurs fraudeurs disent au capitaine du navire : Vous ne ferez la déclaration en douane que quand je vous l’indiquerai. Ils attendent un jour où un employé de leur connaissance sont de visite, et ils déclarent des étoffes en laine qu’il ne paient que 34 fl., tandis que les cotons paient 80 fl. et 100 quand ils sont imprimés.

Je sais que c’est difficile ; mais comme ils savent le jour où tel employé sera de service, en l’intéressant à l’entreprise, ils aplanissent les difficultés. Peut-être ai-je été mal informé, mais je prie toujours M. le ministre de tenir la main pour faire cesser, si elle a lieu, cette fraude abominable qui ruine le pays.

Je demande, pour la troisième fois, pour combien il est entré de soie et de coton en payant les droits. Si on ne me répond pas, je renouvellerai ma demande dix fois s’il le faut.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne puis pas répondre sur-le-champ à la demande faite par l’honorable préopinant ; mais je promets de faire faire le travail toutes affaires cessantes ; et dès qu’il sera terminé, je le ferai connaître à la chambre ou je le ferai inséré dans le Moniteur.

Quant au genre de fraude qui vient d’être signalé, j’avouerai qu’il a quelquefois eu lieu ; mais ceux qui l’ont fait s’en sont fort mal trouvés. Je n’ai qu’un bonheur à souhaiter, c’est de savoir ceux qui se le permettrait encore, ils s’en souviendraient ; je donnerais volontiers, pour les connaître, la prime qu’on donne pour faire faire la fraude. Mais maintenant la surveillance est tellement multipliée, qu’il faudrait que la connivence s’étendît à trop de personnes et fût bien adroite pour y échapper.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne m’attendais pas à prendre la parole dans cette circonstance ; mais quand j’ai entendu M. le ministre dire que si la fraude avait lieu, il fallait l’attribuer à la discussion violente à laquelle on s’était livré dans cette enceinte contre le personnel des douanes, et qu’on n’avait pu employer tous les moyens de répression nécessaires pour la faire cesser, j’ai cru de mon devoir de rompre le silence et de renvoyer à M. le ministre les accusations qu’il lançait à la chambre.

Je ne dirai qu’une chose, c’est que dans aucune circonstance la chambre n’a proposé la moindre réduction en ce qui concerne le service actif des douanes. Il y a plus : nous avons toujours accordé au ministre des sommes plus fortes qu’il n’a pu en employer. Si vous jetez les yeux sur les comptes, vous verrez qu’il y a toujours eu des excédants de crédit d’une centaine de mille francs. S’il y a eu fraude, ce n’est pas à la chambre, mais au gouvernement qu’il faut s’en prendre.

J’ai entendu faire l’éloge de la manière dont le service des douanes se fait, je dirai que j’ai reconnu que sur plusieurs points il y avait eu des améliorations ; mais ces améliorations ne sont pas aussi grandes qu’on a bien voulu le dire, car sur un grand nombre de points, il y a encore beaucoup à faire pour que le service se fasse contre en France et en Prusse surtout, où la fraude est presque impraticable.

Je crois que M. le commissaire du Roi a mis le doigt sur la plaie quand il a dit que les mesures répressives manquaient et qu’il fallait les augmenter. Une répression sévère est sans doute un des moyens les plus efficaces ; je partage son opinion sur ce point, mais je pense qu’il ne faut pas envelopper dans les mêmes peines le fraudeur de profession avec le négociant honnête qui peut se trouver à son insu en contravention à la loi.

Vous n’ignorez pas que les raffineries de sucre constituent une branche importante d’industrie à Gand ; la privation de débouchés rend cette industrie très périclitante. Ce sont les sucres français que l’on consomme maintenant chez nous. Tout le temps que les bureaux, dont on a parlé, ont été ouverts à l’exportation, les raffineries de Gand et de Tournay ont été florissantes, dès qu’ils ont été fermés, les raffineurs de ces deux villes ont été obligés de renvoyer leurs ouvriers.

J’ai entendu dire que c’était à la demande des raffineurs eux-mêmes que les bureaux avaient été fermés. J’ai connaissance d’un grand nombre de pétitions qui demandent, au contraire, qu’ils fussent ouverts. Dans la session dernière, une pétition vous fut adressée par les raffineurs de Gand et d’Anvers, et vous l’avez renvoyée au ministre des finances, avec demande d’explications ; depuis lors, la chambre attend encore la réponse qui devait être faite dans le plus bref délai.

A cette époque, il y avait des conférences entre les raffineurs de Gand, d’Anvers, de Tournay et de Bruxelles ; ils étaient d’accord pour demander au ministre des finances l’ouverture des bureaux, et le ministre paraissait vouloir accorder cette demande. J’ai été étonné que l’on n’ait rien fait depuis dix mois. J'espère que le ministre voudra bien revoir les propositions qui lui furent faites.

On s’est plaint de ce que la fraude se faisait sur les bords de l’Escaut ; mais il est extrêmement facile de remédier à cet inconvénient. Le bureau de sortie pour l’Escaut est à Anvers, tandis qu’il devrait être à l’extrémité de la frontière. C’est là un principe en matière de douanes. Or, comme notre bureau de visa est à Anvers, et que les navires, après avoir chargé, ont quatre à cinq lieues pour river à la limite du territoire, ils déchargent à droite et à gauche. Il faut donc prendre une précaution ; c’est de placer un bureau au bout du territoire.

On a parlé de l’élévation de la prime pour la fraude ; on a comparé cette prime à celle que l’on donnait en 1830 et 1831 ; mais alors la ligne de douanes était disloquée ; il faudrait comparer la prime actuelle à la prime accordée sous le roi Guillaume et l’on verrait qu’elle lui est inférieure et que l’on faisait moins de fraude sous l’ancien gouvernement que sous le gouvernement actuel.

Il me semblera toujours que l’on a fait une grande faute en diminuant la profondeur du rayon de la douane ; multiplier les douaniers à la frontière était sans doute un bon moyen d’empêcher la fraude, mais un des meilleurs moyens qu’on puisse empêcher c’est la création de brigades à cheval. J’habite les frontières ; je suis négociant, et j’entends toujours dire aux fraudeurs qu’ils ne craignent que les douaniers à cheval de France. Créez donc des brigades à cheval, placez les bureaux à l’extrême frontière, prenez des mesures répressives, et vous diminuerez la fraude.

Mais en compensation le gouvernement doit prendre toutes les mesures convenables pour protéger le commerce loyal.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il n’a pas été donné suite aux conférences dont vient de parler l’honorable préopinant, parce que rien n’est plus difficile que de régler à la satisfaction de tous l’affaire des sucres. Au moment où nous paraissions tomber d’accord sur les mesures à prendre, lesquelles avaient pour résultat l’ouverture d’un bureau à la frontière, il arrivait des demandes pour la fermeture du même bureau. A l’époque même de la conférence, un fait remarquable eut lieu ; c’est qu’un honorable député, qui a coutume de parler avec des connaissances pratiques sur cette matière, m’a communiqué une lettre écrite par des personnes respectables de la province qu’il représente, et où l’on combattait le projet de rouvrir les bureaux fermés.

M. A. Rodenbach. - C’est vrai !

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Vous venez de signaler une fraude faite au trésor, qui s’exécute sur l’Escaut ; mettez, dit-on, un bureau à l’extrême frontière. Ce principe est vrai, en matière de douane, qu’il faut avoir des bureaux aux limites du territoire, pour les marchandises qui doivent les franchir. Les douaniers doivent avoir un pied sur un territoire et un pied sur l’autre, relativement aux marchandises exportées. Mais il est impossible de placer autrement le bureau d’Anvers.

Ce bureau d’Anvers sera à Lillo, quand Lillo nous sera remis. En attendant, un service de pataches est organisé sur l’Escaut, et atténue autant qu’il est possible le mal, sans remédier, il est vrai, à tout le mal. Une de ces pataches est vis-à-vis le fort Lacroix, point signalé comme étant celui où se fait ordinairement la fraude.

Quant aux brigades à cheval, dont j’ai combattu l’organisation pendant la discussion de la loi sur les douanes, je pense qu’elles ne pourraient être utiles que dans un très petit nombre de localités. Dans le grand duché de Luxembourg, dans les rochers escarpés de la province de Namur, autour de Liége, les brigades à cheval sont impossibles ; dans le plat pays du Hainaut et dans la Campine, on pourrait, au contraire, en établir avec efficacité. (Aux voix ! aux voix ! aux voix ! la clôture !)

M. Smits. - Je n’abuserai pas des moments de la chambre… Le ministre a soutenu que la fraude était plus facile pour les emballages, sacs et casenattes, parce qu’on en extrayait la marchandise pour la remplacer par des matières sans valeur ; mais on peut faire la même choses dans des caisses.

C’est à l’administration des douanes à prendre des mesures pour empêcher la fraude par ces moyens ; mais il ne faut pas détruire un transit qui fait notre principal commerce avec l’Allemagne.

Relativement à l’entreposage, le ministre a dit qu’il fallait faire une déclaration générale des marchandises contenues dans les navires ; mais qui empêche de faire la vérification des marchandises à bord des navires, au lieu d’obliger à les décharger pour les recharger ensuite ? Ce déchargement empêche souvent de profiter des prix favorables des places, en ce qu’il fait perdre un temps précieux, et ensuite parce que les lois anglaises défendent l’entrée de toute marchandise qui a été déposée à terre.

Il faut que notre ancienne législation soit remise en vigueur : elle est suivie en Hollande, et il faut chez nous prendre des mesures non moins favorables au commerce, soit quoi nous ne pourrons soutenir la concurrence.

L’honorable M. Dumortier a demandé que des bureaux fussent établis à l’extrémité de la frontière ; c’est ce qui est impossible, parce que la rade de Lillo ne présente pas d’ancrage. Supposez qu’il arrive de Flessingue une dizaine de voiles, qu’il en parte autant d’Anvers ; il y aurait des avaries dans la rade de Lillo, avaries qui compromettraient les cargaisons, qui occasionneraient des sinistres.

M. Dumortier. - Il est certain que la fraude se fait sur le bas Escaut d’une manière scandaleuse. On a dit qu’en face de Doel il y a plusieurs bâtiments hollandais prêts à jeter des marchandises sur notre territoire.

Ce qui se passe au Doel se passe au Luxembourg. Un raffineur d’Anvers a montré, dans les conférences dont j’ai parlé, une lettre où on lui proposait une partie considérable de sucres français.

M. Hye-Hoys et d’autres raffineurs vous disent que leur raffineries sont closes. Il ne faut pas s’en étonner quand la fraude se fait par masses. La fraude par infiltration est impossible à empêcher : on ne peut pas empêcher que des individus emportent du sucre dans leurs poches ; mais il faut s’opposer à la fraude en grand, ce qui rendra aux raffineries leur ancienne splendeur. Sous le gouvernement des Pays-Bas, les raffineries marchaient. Pourquoi sont-elles fermées maintenant ? C’est que sous le gouvernement des Pays-Bas la fraude était réprimée : aux environs de Tournay, à peine en trois ans on y fit trois saisies.

L’honorable député d’Anvers dit que l’ancrage est difficile à Lillo ; cependant toutes les lois ont ordonné que la dernière visite se ferait à Lillo, soit sous le gouvernement autrichien, soit sous le gouvernement français.

Si vous n’avez pas Lillo, vous avez le fort Lacroix, vous avez le Doel ; établissez le dernier bureau au Doel.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Sous le régime français, c’est à Lillo que toutes les opérations se faisaient ; mais à Anvers on veut de forts bénéfices et beaucoup de commodité, comme on l’a dit. Il y a des exigences qui ne sont pas toujours raisonnables, je suis obligé de le dire. (La clôture ! la clôture !)

M. Smits. - Je demande la parole contre la clôture. Il y a encore quelques remarques à faire : on vous a dit que, sous le gouvernement français, le dernier bureau était à Lillo…

M. le président. - Permettez-moi de vous faire observer que vous ne pouvez parler que contre la contrôle.

M. Smits. - Il me semble que la question est trop grave pour ne pas continuer à l’examiner.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je viens appuyer la demande de la clôture, parce que je pense que cette discussion sera mieux à sa place dans le budget des dépenses. Lorsque vous en viendrez aux sommes demandées par le gouvernement pour assurer les revenus publics, si dans l’organisation de la douane, vous trouvez des modifications à proposer, c’est alors que vous les ferez connaître et que vous en présenterez les motifs. (Appuyé ! appuyé ! appuyé !)

- La chambre ferme la discussion.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les articles de recettes :

« Sucres : fr. 1,800,000. »

- Adopté sans discussion.

Timbres collectifs

« Timbres collectifs : fr. 1,480,000. »

- Adopté.

Garantie

« Droits de marque des matières d’or et d’argent : fr. 110,000. »

- Adopté.

Poids et mesures

« Vérification des poids et mesures : fr. 100,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Droits d’entrepôt : fr. 20,000. »

- Adopté.

« Remboursement pour instruments fournis par l’administration : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Produits bruts des saisies, amendes et confiscations : fr. 120,000. »

- Adopté.


« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 9,000. »

- Adopté.

Enregistrement

Droits additionnels et amendes

« Timbre : fr. 2,000,000. »

- Adopté.


« Enregistrement : fr. 7,600,000. »

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il a été question de proposer un amendement tendant à remettre en vigueur la disposition de la loi relative aux droits sur la vente des bois et des fruits pendant par racine. Je ne sais s’il faudrait un projet de loi pour rétablir cet impôt ; mais la question a été agitée dans le conseil, et il en est résulté qu’on proposerait d’abord un amendement à l’article en délibération.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’amendement a même été rédigé en forme de loi spéciale ; mais on peut l’introduire dans la loi de finances. Je demande le temps nécessaire pour vous le présenter. Demain il vous sera soumis. On peut renvoyer à demain la délibération sur l’article concernant l’enregistrement.

- L’enregistrement est renvoyé à demain.


« Greffe : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Hypothèque : fr. 650,000. »

- Adopté.


« Successions : fr. 3,225,000. »

- Adopté.


« Additionnels (26 p. c.) : fr. 3,550,000. »

- Adopté.


« Amendes : fr. 150,000. »

- Adopté.

Domaines

« Produits des canaux : fr. 425,000. »

- Adopté.


« Fermage des biens-fonds et bâtiments ; chasse, pêche et passage d’eau : fr. 175,000. »

- Adopté.


« Arrérage de rentes, prix de coupes de bois et autres produits domaniaux : fr. 1,100,000. »

- Adopté.


« Intérêts et recouvrement sur le capital du fonds de l’industrie : fr. 706,000. »

« Recouvrement des avances faites au séquestre des biens de la maison d’Orange-Nassau jusqu’au 30 juin 1833 : fr. 208,000. »

M. Dumortier. - J’aurais quelques observations à faire sur le premier de ces deux derniers articles ; malheureusement je ne tiens pas ici les documents qui y sont relatifs. Je demanderai la remise de la délibération à demain sur le fonds de l’industrie.

J’ai aussi quelques observations à présenter sur le second article. J’ai demandé au rapporteur de la section centrale sur quoi il établissait le chiffre qui est du tableau, le chiffre 208,000 fr. ; il a répondu qu’il basait ce chiffre sur des renseignements donnés par le ministre.

Mais je ne puis m’expliquer comment il se fait que le ministre ait deux chiffres à sa disposition quand il s’agit du séquestre. On nous dit cette année qu’on a avancé 208,000 fr. au séquestre ; l’année dernière on nous disait qu’on avait avancé 574,764 fr. ; la différence est de plus de 300,000 fr. Je ne puis me l’expliquer. La manière peu claire dont on m’a répondu exige une explication. Il me semble que M. le commissaire du Roi peut la donner.

M. Angillis, rapporteur. - Messieurs, les pièces qui ont été fournies à la section centrale consistent d’abord en un tableau assez détaillé de tous les biens appartenant au roi Guillaume et au prince d’Orange, ainsi que de sa part dans quelques sociétés, moins cependant les actions de la banque appartenant au roi Guillaume.

Quant aux dépenses, on les a fournies en masse ; elles ne sont pas détaillées. ; elles sont telles que celles que la section centrale vous a indiquées.

La section centrale aurait voulu des renseignements plus amples ; mais le désir manifesté par les sections de voir terminer notre examen a précipité le rapport que j’ai fait au nom de la section centrale. On nous a dit que le séquestre avait payé des dettes du roi Guillaume ; c’est ce que j’ignore ; mais s’il en est ainsi, le séquestre a agi imprudemment. Je me joins à M. Dumortier pour obtenir du ministre des finances des éclaircissements complets sur ce point.

M. Faider, commissaire du Roi. - Messieurs, je ne pourrai pas vous expliquer les causes de la différence que présente le chiffre pour l’exercice 1833 au chiffre, pour l’exercice 1834.

Ce que je sais, c’est que le chiffre fourni récemment est le résultat du dépouillement du compte ouvert dans le bureau de l’administration centrale des domaines, administration à laquelle on peut s’en rapporter. Ce chiffre contient les dépenses jusqu’au 30 juin 1833, lesquelles s’élèvent à 317,380 fr. Le relevé des recettes est de 108,438 fr. ; il en résulte donc un déficit de 208,941 fr., au remboursement duquel nous travaillons aujourd’hui.

Si les comptes ouverts à l’administration centrale présentent quelques omissions, résultant de ce que les renseignements des provinces ne nous sont pas parvenus, il n’en peut résulter aucun préjudice pour le trésor ; car si les dépenses ne figurent pas complètement dans ce chiffre, nous n’en sommes pas moins obligés d’en fournir le montant ; et comme le séquestre est soumis à un compte de clerc-à-maître, nous aurons facilement l’occasion d’opérer les recouvrements, s’il en reste à effectuer. Je crois que le chiffre fourni à la section centrale est un chiffre auquel on peut se rapporter.

Jusqu’ici je n’en ai pas eu d’autres de l’administration des domaines, et je ne saurais pas où en prendre un autre. Et, effet, l’année dernière nous avons pétitionné une somme de 80,000 fr. pour faire face aux dépenses, dans la supposition que nous ne pourrions pas toucher aux objets matériels du séquestre, c’est-à-dire aux valeurs capitales ; nous sommes revenus de cette considération que les arrangements qui devaient terminer les affaires de la Belgique avec la Hollande pouvaient être ajournés jusqu’à une époque qu’il est difficile de fixer.

Je le répète, s’il y a quelque différence dans l’énonciation du chiffre avec le chiffre réel, elle ne serait pas aussi considérable que celle indiquée par l’honorable M. Dumortier, et cette différence ne peut causer préjudice au trésor : il y aura réalisation des sommes suffisantes pour solder toutes les avances.

M. Dumortier. - Ainsi il est manifeste que l’on a remis à la section centrale au mois d’août une somme de 574,764 fr., et que cette année on présente une dépense moins considérable. Comment se fait-il que l’administration ait deux tiroirs. Il faut que l’on tire cette affaire au clair.

On a fait des paiements pour la maison d’Orange : c’est un fait que beaucoup de paiements ont été effectués pour le gouvernement déchu : on a payé des dettes à des actrices… (on rit ), à des faiseurs d’habits, à des fabricants de meubles. Comme l’a dit l’honorable rapporteur de la section centrale, peut-être réclamera-t-on contre ces paiements.

La question est plus importante qu’elle ne le paraît : il faut que nous sachions comment le séquestre s’est conduit. Je conçois que messieurs du séquestre aiment à avoir une belle poire à peler, et désirent qu’on leur fasse toutes les avances ; mais si vous ne trouvez pas assez d’argent dans les revenus, vendez, messieurs, vendez Tervuren, vendez le palais du prince d’Orange.

Il est vrai qu’alors vous n’aurez plus de séquestre, et voilà ce qu’on veut éviter. Je demande un compte détaillé et un compte à l’appui du chiffre 574,764 fr. ; car je tiens que c’est là le chiffre véritable.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il est naturel que je m’en sois rapporté aux renseignements donnés par la spécialité qui gère le séquestre. Mais si l’on veut m’accorder jusqu’à demain, je présenterai des renseignements satisfaisants. Quant au paiement des artistes du théâtre, c’est l’exécution d’un jugement ; il n’était pas possible à l’administration de s’y soustraire.

M. Dumortier. - Je demande les pièces à l’appui du compte du séquestre.

- La séance est levée à quatre heures et un quart.