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Chambres des représentants de Belgique
Séance du dimanche 22 septembre 1833

(Moniteur belge n°268, du 25 septembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal.

M. de Roo. voudrait qu’on insérât dans le procès-verbal la réponse que M. le ministre de l''intérieur a faite hier à une demande qui lui a été adressée ; mais, espérant que le Moniteur en rendra compte, il n’insiste pas.

(Erratum inséré au Moniteur belge n°268, du 25 septembre 1833 : Nous avons à rétablir le sens de l’amendement proposé par M. de Roo dans la séance du 21 septembre, et inexactement reproduit dans notre n°266. (…) Dans la séance du soir, même date (n°267), M. de Roo a demandé si, dans l’allocation portée à l’article premier du chapitre XIII, budget du culte catholique, se trouvaient compris les traitements des desservants des cures annexes. Le ministre de l’intérieur ayant répondu affirmativement, M. de Roo a demandé que la réponse de M. le ministre fût consignée au procès-verbal du jour.

(Il a donné pour motif de sa proposition que, lors de la discussion du budget de l’an passé, il avait adressé la même demande ; que néanmoins plusieurs communes, après avoir rayé de leur budget la somme affectée à ce paiement, s’étaient trouvées dans la nécessité de cotiser les individus, afin de subvenir au traitement de leur curé ; que c’était là un abus, un acte contraire à l’article 117 de la constitution, qui porte en termes exprès que « les traitements des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat. » M. de Roo a demandé l’insertion de la réponse du ministre de l’intérieur au procès-verbal, afin d’y avoir recours, le cas échéant.)

- La rédaction du procès-verbal est adoptée.

Proposition de loi réorganisant l'académie des sciences et des belles-lettres

Lecture

M. Dumortier est appelé à la tribune pour donner lecture d’une proposition de loi, concernant l’académie, que dans la séance précédente il a déposée sur le bureau de la chambre.

Voici le texte de cette proposition

« Léopold, Roi des Belges,

« Vu les services rendus aux sciences et à l’histoire nationale par l’académie des sciences et belles lettres ;

« Considérant que, par suite de la révolution, près de la moitié des membres qui composent cette compagnie sont devenus étrangers à la Belgique ;

« Considérant qu’il est urgent de reconstituer ce corps scientifique et de le mettre en harmonie avec l’état du pays afin d’y faire fleurir les sciences, les lettres et les arts qui, en honorant ceux qui les cultivent, se rattachent à la gloire nationale et fortifient l’amour de la patrie ;

« De commun accord avec les chambres, etc.

« Art. 1er. L’académie des sciences et belles-lettres, fondée par l’impératrice Marie-Thérèse, prendra le titre d’Académie belge, et sera composée de trois classes, celles des sciences, celles des belles-lettres et celle des beaux-arts.

« le Roi est protecteur de l’académie.

« Art. 2. L’académie belge se compose :

« 1° De cinquante académiciens choisis parmi les savants et les artistes belges les plus distingués dont vingt pour la classe des sciences, seize pour celle des belles-lettres, et quatorze pour celle des beaux-arts ;

« 2° De vingt associés pris indistinctement en Belgique et à l’étranger, savoir ; dix pour la classe des sciences, cinq pour celle des belles-lettres et cinq pour celle des beaux-arts.

« Art. 3. L’académie jouira d’une dotation annuelle de 5,000 fr. pour payer les traitements des fonctionnaires de l’académie ainsi que pour des jetons de présence, les divers travaux littéraires, travaux, prix, médailles, impressions, etc.

« Art. 4. Les académiciens actuels qui, par suite des événements, sont devenus étrangers au pays, seront membres honoraires, par excédant.

« Les membres de l’académie résidant actuellement en Belgique compléteront les classes des sciences et belles-lettres par des élections successives, chacune de six membres pour les sciences et de quatre pour les belles-lettres.

« Ces élections auront lieu de mois en mois, jusqu’à ce que l’académie soit complétée, et de manière que les nouveaux académiciens prennent part à l’élection.

« Elles seront soumises à l’approbation du Roi.

« La première nomination de la classe des beaux-arts est réservée au Roi.

« Art. 5. L’académie belge présentera dans le plus court délai son règlement à l’approbation du Roi. Ce règlement contiendra, outre les dispositions jugées nécessaires, l’application des principes suivants :

« 1° L’élection des membres par l’académie, sauf l’approbation du Roi ;

« 2° La nomination directe des directeurs, secrétaires, trésorier et des commissaires chargés de la comptabilité ou des propriétés de l’académie ;

« 3° Comme condition d’éligibilité, l’obligation d’être auteur d’un ouvrage relatif aux travaux de l’académie ;

« 4° La nomination directe de correspondants en nombre double des académiciens de chaque classe ;

« 5° L’institution d’une séance publique et solennelle, chaque année, le 26 septembre, anniversaire de la délivrance de Bruxelles ;

« 6° Le droit de délibérer sur la proposition et le jugement des concours, déféré aux seuls membres de la classe ou des classes que la chose concerne. »

M. le président. - Quand M. Dumortier voudra-t-il présenter les développements de sa proposition ?

M. Dumortier. - Je suis prêt à en exposer les motifs, et je serai court.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’objet de la proposition est des plus intéressants ; mais je ne pense pas que ce soit pour discuter sur l’académie que bon nombre de membres se sont réunis aujourd’hui. Il faut que le ministre ait le temps d’examiner les considérations que l’on a fait valoir hier en faveur de l’académie. Le but de l’honorable membre est atteint ; il a saisi la chambre d’un projet de loi ; le ministre et les chambres devront s’en occuper. L’exposé des motifs prendrait sur le temps que la chambre doit consacrer à un autre objet, doit consacrer au budget.

M. Dumortier. - Je ne peux concevoir les motifs qui déterminent le ministre à s’opposer à ce que j’expose les motifs de ma proposition. Je sais bien que la chambre doit s’occuper d’objets importants ; c’est moi qui ai demandé une séance pour le soir et pour aujourd’hui.

L’exposé des motifs durera cinq minutes.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si j’ai fait une objection, c’est parce que, conformément au règlement, la prise en considération doit suivre les développements, à moins que la chambre n’en décide autrement. Si la chambre se décide à vouloir entendre l’exposé des motifs, je ne m’y oppose pas.

M. de Brouckere. - Je crois que M. Dumortier n’a pas de motifs pour insister.

M. Dumortier.- Mais la chambre sait que hier M. le ministre a dit qu’il réorganiserait l’académie par arrêté royal ; cette déclaration a jeté de la perturbation dans la société ; les membres de l’académie m’ont engagé à faire ma proposition. J’aurais déjà présenté l’exposé des motifs de cette proposition, si on avait voulu m’écouter.

Nous n’avons que quelques chapitres du budget de l’intérieur à discuter ; cette délibération prendra deux heures au plus. Ainsi, je n’occasionnerai aucun retard.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - La proposition, si elle était développée, donnerait lieu à une longue discussion et retarderait le vote du budget. La chambre d’ailleurs n’est pas prête à examiner la proposition ; le gouvernement lui-même n’est pas prêt à soutenir la discussion. Je m’opposerai à la prise en considération, ce qui allongera nécessairement le débat.

M. de Brouckere. - Je demande qu’on remette le développement des motifs de la proposition après la discussion du budget de l’intérieur.

M. Dumortier. - J’y consens.

Motion d'ordre

Dégâts infligés à certains polders par des militaires hollandais

M. Desmet. - Ce matin j’ai reçu des nouvelles de St.-Nicolas, par lesquelles on m’apprend que les soldats hollandais du fort de Liefkenshoek ont fait une sortie, et exercé des ravages et des actes de leur vandalisme connu dans les polders, aux environs de Doel.

La digue du polder du Grand-Doel est percée, et une grande partie de ce polder est déjà dans l’eau : les eaux avancent toujours, et le bourg du Doel est fortement menacé des désastres d’une inondation. C’est ce qu’on m’apprend.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de nous dire s’il est informé de ce nouvel acte d’hostilité que les troupes de Guillaume viennent de commettre, et si la nouvelle est comme on me l’a annoncée.

Je fais cette question à M. le ministre, pour l’engager à envoyer de suite une personne sur les lieux, pour s’assurer du fait, et connaître comment il a été commis ; pour prendre des mesures propres à faire fermer promptement la coupure, et voir s’il n’y a point moyen de tenir sur les digues des polders des stations militaires, afin de préserver les habitants et les propriétés du vandalisme et du brigandage des Hollandais.

Je suis informé positivement que ces digues ne sont presque pas gardées par des troupes, et c’est de quoi les habitants se plaignent amèrement. Je crois aussi qu’il serait utile que la chambre eût un rapport détaillé sur ces nouveaux désastres, avant le vote définitif du budget qui nous occupe, afin de pouvoir faire majorer les articles, s’il y a lieu, qui concernent les indemnités pour les dégâts faits aux polders, et les travaux à faire à la réparation des digues.

Messieurs, je ne discuterai point dans ce moment ce nouvel acte d’hostilité de la part de Guillaume ; mais je vous demande à quoi nous sert la convention du 21 mai, à laquelle notre gouvernement paraît avoir adhéré avec tant de complaisance ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il est en effet certain, d’après les rapports qui nous sont parvenus, que la rupture de la digue de Doel a eu lieu dans la nuit d’hier ; mais de savoir si c’est le fait des Hollandais, c’est ce qui ne peut être affirmé, bien que ce fait paraisse probable ; car nous ne connaissons pas de Belge qui, de gaîté de cœur, irait rompre les digues de nos polders. Il est possible aussi que des accidents naturels aient occasionné la rupture.

Quoi qu’il en soit, je dois annoncer qu’il ne sera pas nécessaire d’envoyer, comme on le demande, un commissaire spécial sur les lieux, attendu que les agents qui sont aux environs connaissent trop bien leurs devoirs pour ne pas remédier au mal et ne pas prendre les mesures convenables.

On dit que des troupe manquent dans ces contrées ; relativement à cette question, M. le ministre de la guerre pourrait y répondre mieux que nous ; cependant, je sais que le commandant militaire a établi les postes nécessaires pour empêcher le renouvellement d’un semblable guet-apens.

M. Dumortier. - Si je suis bien informé, il n’y avait pas de troupe sur les digues ; il devrait y avoir des hommes de 300 en 300 pas. Le fait malheureux qu’on vient de signaler est une infraction à la convention du 21 mai qu’on a trouvée si belle, si brillante. Des troupes seules peuvent imposer à nos ennemis ; qu’on s’en serve donc pour empêcher la rupture des digues.

M. Legrelle. - Ce n’est pas la première fois que les Hollandais ont fait des coupures à nos digues ; cependant nous faisons de grandes dépenses pour entretenir une armée : pourquoi ne pas nous servir de cette armée pour empêcher la ruine de nos communes et repousser les insultes de nos voisins ? Les dégâts doivent être considérables si une coupure a eu lieu ; il faudra les réparer ; tandis que nous nous efforçons à faire des économies ici, on nous cause des désastres ailleurs. Je demande que M. le ministre de la guerre soit invité à nous donner des renseignements sur les mesures militaires qui sont prises pour empêcher la ruine de plusieurs communes.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai craint qu’on ne nous ait pas compris quand nous avons dit que les mesures militaires regardaient le ministre de la guerre ; la rupture des digues ; le respect du territoire intéresse tous les ministres comme les chambres ; mais pour savoir si des troupes sont en assez grand nombre près des polders, on voit que nous ne pouvons donner des détails à cet égard. Le ministre de la guerre se rendra dans l’assemblée dès aujourd’hui si l’on veut ; mais si l’on veut remettre les explications à demain, on aura plus de détails.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il ne faut pas accuser prématurément le gouvernement de négligence. Je ferai observer qu’on ne peut pas mettre des troupes sur tous les points des digues, et que, quelque rapprochées que fussent les sentinelles, il serait toujours possible aux Hollandais de faire des ruptures la nuit.

- Un membre. - Et même le jour !

M. de Brouckere. - Puisque le gouvernement déclare qu’il ne peut aujourd’hui donner que les détails incomplets je fais la motion de renvoyer ce débat à demain ; la discussion est tout à fait oiseuse maintenant. (Appuyé ! appuyé !)

M. le président. - M. le ministre de la guerre sera invité à se rendre dans le sein de l’assemblée pour donner les renseignements demandés.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1833

Motion d’ordre

M. Watlet. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

J’ai été étonné, en parcourant ce matin le Moniteur, d’y trouver le commencement tronqué du discours que j’ai prononcé hier pour justifier l’amendement que j’ai eu l’honneur de votre proposer. Quoique je tienne en général fort peu à figurer au Moniteur, quoiqu’il me suffise de la conscience de remplir scrupuleusement mes devoirs de député et que j’attache fort peu d’importance aux articles furibonds de certain journal guidé ou influencé par je ne sais quelles passions haineuses, je tiens cependant, pour mon honneur et pour ma responsabilité vis-à-vis de mes commettants, à ce que le journal officiel ne me fasse pas tomber dans le ridicule, pour ne pas dire dans l’absurde ; et c’est ce qui doit arriver par la manière dont il rend mes paroles.

En effet, c’est au moment même qu’il semble que je vais entrer en matière, qu’il me fait terminer brusquement par une observation que j’avais jetée en passant dans le courant de mon discours. Cependant, vous vous souvenez parfaitement, messieurs, que j’ai démontré, pièces probantes à la main, les points que j’avais avancés ; que j’ai établi que vous ne rempliriez qu’un acte de rigoureuse justice en accordant le subside demandé, et que j’ai fini par vous démontrer que vous deviez peut-être plus aux habitants de cette contrée qu’à d’autres, en raison de leur conduite en 1831.

En vous faisant observer que le ministre avait accordé beaucoup au gouvernement, j’ai dit qu’il serait étonnant que l’on refusât une faible allocation à une ville qui a rétabli la tranquillité.

J’ai voulu protester contre la manière dont mes paroles ont été rendues ; car, par ce qui en est rapportée, je tombe dans le ridicule, pour ne pas dire dans l’absurde.

Je demande que MM. les questeurs tiennent la main à ce que le travail des sténographes soit à l’avenir plus exact.

M. Dumortier (questeur de la chambre). - Je regrette que le discours de l’honorable membre n’ait pas été rendu avec les développements convenables ; mais je ferai observer que hier il y a deux séances : l’une qui a été terminée à quatre heures et demie, et l’autre qui a commencé à 7 heures.

Dans ce court intervalle, il a fallu que les sténographes aient terminé leur travail relatif au compte-rendu de la première séance pour se rendre à la seconde ; or, le temps leur a manqué pour développer convenablement les opinions qui ont été émises dans la première séance. Je prie l’honorable collègue de vouloir bien s’entendre avec les sténographes pour que son discours soit publié intégralement.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre XIII (devenu chapitre XIV). Cultes

Article premier

« Art. 1er. Culte catholique : fr. 3,352,880 41. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Article 2

« Art. 2. Culte protestant : fr. 65,000. »

M. Legrelle. - En venant appuyer la demande de subsides faite pour le culte protestant, je ne crois pas être en contradiction avec mes principes : nous devons vouloir la liberté pour ceux qui professent des cultes différents du nôtre, et nous devons par conséquent vouloir que les subsides qu’on leur accorde soit suffisants.

Depuis la révolution la communauté protestante d’Anvers n’a cessé de réclamer pour obtenir une majoration de subsides. Différents avis ont été demandés à l’autorité provinciale et à l’autorité locale. Je ne sais ce qu’a répondu l’autorité de la province, mais l’autorité communale a été d’avis que le subside de 4,000 fr. pouvait être porté à 6,000. Je prierai M. le ministre de nous dire pourquoi ce dernier chiffre n’à pas été adopté dans la rédaction du budget. Si ses explications ne me semblent pas satisfaisantes, je proposerai l’augmentation de 2,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Toutes les explications ont été fournies à la section centrale ; elle a examiné la question avec impartialité, et elle n’a pas jugé à propos de majorer le crédit. Je suis aussi disposé que l’honorable M. Legrelle à protéger tous les cultes ; mais l’allocation me paraît suffisante, car le nombre des protestants à Anvers est de beaucoup diminué depuis le départ des Hollandais.

M. A. Rodenbach. - Je suis d’avis qu’il faut généreusement rétribuer le culte protestant. Mais, avant de majorer le chiffre de l’allocation, je voudrais savoir combien il y a de protestants à Anvers. Je crois qu’il en reste à peu près cent, et la somme de 4,000 fr. me paraît bien suffisante. En comparant le nombre total des protestants qui sont encore en Belgique avec le crédit de 65,000 fr., on trouve que cela fait 13 fr. par tête, tandis qu’en faisant la même opération pour le culte catholique on ne trouve que 80 centimes par catholique.

M. d’Huart. - Il semblerait, d’après M. Legrelle, que la section centrale a passé légèrement sur cet article, mais il était présent, et il sait qu’il y a eu une longue discussion à cet égard. La section centrale s’est fondée sur ce qu’autrefois il y avait 1,500 protestants à Anvers, et qu’aujourd’hui il n’y en a plus que 443.

M. de Theux. - Si les frais du culte protestant ne peuvent être entièrement couverts avec la somme qui y est affectée, la ville d’Anvers peut pourvoir à ce qui manquera. Il y a un décret spécial du 5 mai 1806 qui contient des dispositions formelles sur ce point. En voici les termes :

« Art. 1er. Les communes où le culte protestant est exercé concurremment avec le culte catholique, sont autorisées à procurer aux ministres du culte protestant un logement et un jardin.

« Art. 2. Le supplément de traitement qu’il y aurait lieu d’accorder à un ministre, les frais de construction, réparation, entretien des temples, et ceux du culte protestant seront également à la charge des communes, lorsque la nécessité de venir au secours des églises sera constatée. »

M. Legrelle. - L’honorable préopinant, en vous citant une loi qui semblerait prescrire aux villes l’obligation de donner des secours aux cultes, n’a pas eu présent à la mémoire l’article 117 de la constitution, qui porte : « Les traitements et les pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat. »

On vient m’objecter que le nombre des protestants est de beaucoup diminué à Anvers. Mais en admettant même le chiffre de 443 dont on a parlé, il ne s’ensuit pas qu’on ne doive allouer qu’un subside tellement minime qu’il ne puisse pas satisfaire aux besoins du service. Il importe peu que le nombre de communionistes soit diminué, il n’en faut pas moins un temple, des gardiens et des pasteurs. Mais, d’après ce qu’a dit M. le ministre de l'intérieur, je n’insiste pas sur ma proposition. Je crois qu’il reconnaîtra la nécessité d’allouer 6,000 fr. pour le culte protestant d’Anvers.

M. Jullien. - Une erreur est échappée à l’honorable M. Rodenbach qui ordinairement est très fort dans les calculs ; il a dit que les frais du culte catholique ne s’élevaient qu’à 80 c. par personne. Or, le budget de ce culte avec les pensions s’élève à 4,300,000 fr. et davantage, de sorte qu’en admettant même qu’il y ait dans le royaume 4,000,000 d’habitants, cela fera plus d’un franc par tête.

Quant aux frais du culte protestant, à l’occasion duquel M. Legrelle a dit qu’il représentait la ville d’Anvers, quoique j’eusse toujours cru qu’il était représentant de la nation, j’attendrai des explications avant de voter une majoration. L’année dernière j’étais membre de la section centrale, et je me souviens que c’est d’après des renseignements que nous avions demandés et qui nous ont été fournis sur le nombre des protestants qui se trouvaient à Anvers, que nous avons arrêté le chiffre du crédit tel qu’il est encore fixé aujourd’hui. S’il est survenu des changements, je serai le premier à demander une augmentation, mais je désire être éclairé sur ce point.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Autant que nous avons pu le savoir, car il est très difficile d’obtenir à cet égard des renseignements de MM. les pasteurs, le nombre des protestants appartenant à la ville d’Anvers s’élève un peu plus haut que 400, de manière que la somme de 4,000 fr. me paraît assez forte. J’ai dit que si des besoins nouveaux étaient reconnus dans le culte protestant, nous tâcherions d’y faire face avec les 10,000 fr. qui ont été portés au budget pour dépenses imprévues, mais je n’ai pas entendu prendre d’engagement pour ce qui regarde spécialement la ville d’Anvers. Sous ce rapport M. Legrelle m’a fait aller plus loin que je n’étais allé réellement.

M. A. Rodenbach. - L’honorable M. Jullien prétend que je me suis trompé dans mes chiffres. J’ai dit hier que la moyenne en Belgique pour le culte catholique ne pouvait guère s’élever au-dessus de 80 c. par Belge, tandis que M. Seron qui calcule fort bien a établi une statistique d’où il résulterait que les frais seraient de 1 fr. 07 c. Cet honorable membre avait raison en y comprenant les pensions ecclésiastiques et ce qu’on accorde aux religieuses ; mais sans cela je pose en fait que la moyenne va de 80 à 85 c. au plus. En France les dépenses du culte catholique, non compris les pensions, s’élèvent à 20 p. c. au-dessus de celles nécessitées par le nôtre.

Je ne crois pas m’être trompé sur ce point. Je sais que M. Jullien est un éloquent orateur. Mais il a pu lui-même errer dans ses calculs. (Aux voix ! aux voix !)

- Le chiffre de 65,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Culte israélite : fr. 12,000. »

La section centrale propose 8,500 francs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, les israélites ont fait à Bruxelles l’achat d’un local qui leur a coûté près de 50,000 fr. C’est pour aider le culte israélite à payer cette somme que nous demandons cette année seulement un crédit de 12,000 fr.

M. Dubus, rapporteur. - Je pense effectivement qu’il y a lieu d’accorder au culte israélite un subside extraordinaire. La nécessité n’en était pas encore reconnue lorsqu’a été rédigé le budget, et la section centrale n’était pas instruite de cette circonstance. Aujourd’hui je ne m’opposerai aucunement au chiffre proposé par M. le ministre.

- L’allocation de 12,000 francs est mise aux voix et adoptée.

Article 4

« Art. 4. Secours : fr. 45,000. »

La section centrale ne propose pas de réduction.

- Adopté.

Chapitre XIV (devenu chapitre XV). Garde civique

Article premier

« Art. 1er. Prix à distribuer pour l’exercice au tir : fr. 20 000 fr. »

La section centrale a supprimé cet article.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - J’avais demandé ce crédit dans le but d’encourager les exercices des gardes civiques ; mais comme l’année est fort avancée et qu’on a déjà accordé à plusieurs cantons de la poudre et des cartouches, je remettrai ma demande à l’année prochaine.

- Cet article est supprimé.

Article 2 (devenu article premier)

« Art. 2. Frais d’inspection générale de la garde civique et frais d’administration de l’état-major général : fr. 12,400. »

La section centrale propose d allouer, 9,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) s’y rallie.

M. Dumortier. - Je ne demande pas la parole sur le chiffre de l’allocation, mais pour demander qu’un projet de loi sur la garde civique nous soit présenté. Il est nécessaire de reconstituer la garde civique et de lui donner une existence définitive. Je désirerais que M. le ministre nous présentât ce projet avant la fin de la session, afin que nous pussions l’examiner. Ensuite je lui rappellerai une pétition signée par un grand nombre de gardes qui réclament le changement de l’uniforme. La blouse a eu de très beaux jours ; mais il est de fait que l’on veut la quitter pour un autre uniforme. Je prie M. le ministre de prendre cela en considération.

- L’article, avec le chiffre de 9,000 fr., est adopté et deviendra l’article premier.

Article 3 (devenu article 2)

« Art. 3. Réparation et entretien des armes de la garde civique : fr. 30,000. »

La section centrale propose 16,000 fr.

- L’article, avec ce dernier chiffre, est adopté et formera l’article 2.

Chapitre XV (devenu chapitre XVI). Statistique générale

Articles 1 à 3

La section centrale ne propose aucune diminution sur ce chapitre. Les articles en sont successivement mis aux voix et adoptés en ces termes :

« Art. 1er. Confection des tables décennales des actes de l’état-civil, de 1824 à 1833 inclus : fr. 29,00. »


« Art. 2. Frais de publication des travaux de la direction de la statistique générale : fr. 2,640. »


« Art. 3. Achat de livres, abonnements aux ouvrages périodiques étrangers relatifs à la statistique : fr. 200. »

Chapitre XVI (devenu chapitre XVII). Subsides aux villes et communes

On passe au chapitre XVI.

Article premier

« Article 1er. - Subsides aux villes ou communes dont les revenus sont insuffisants : fr. 100,000. »

La section centrale propose d’allouer 50,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - J’annonce avec plaisir à l’assemblée que je puis me rallier à la proposition de la section centrale, car jusqu’à présent une somme de 2,000 fr. seulement a été dépensée. Il est plus que probable que la somme de 50,000 fr. sera suffisante.

M. d’Hoffschmidt. - Puisque M. le ministre dit que la somme de 50,000 fr. dépassera les besoins, je propose de réduire l’allocation à 30,000 fr., car il ne faut pas grossir inutilement le budget.

- Cette proposition, n’étant pas appuyée, n’a pas de suite.

Article 2

« Secours aux victimes des dégâts ou vols commis par les Hollandais (mémoire.) »

La section centrale propose de supprimer cet article.

M. de Brouckere. - Je voudrais savoir si M. le ministre nous présentera bientôt son projet de loi pour les indemnités.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Ce projet de loi est prêt. Aussitôt que le budget sera voté, je serai à même de le présenter à la chambre.

- L’article est supprimé.

Chapitre XVII (devenu chapitre XVIII). Récompenses honorifiques et pécuniaires

Articles 1 et 2 (projet du gouvernement)

« Art. 1er. Pour exécution de la loi du 10 février 1833 : fr. 25,000. »

« Art. 2. Frais de confection de médailles ou croix en fer à décerner aux citoyens qui, avant l’inauguration du Roi, ont été blessés ou ont fait preuve d’une bravoure éclatante dans les combats soutenus pour l’indépendance nationale, ou ont rendu des services signalés au pays : fr. 15,000. »

« Article 3. 3,500. »

« Ensemble : fr. 43,500. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je propose de mettre à la place des mots ; avant l’inauguration de Roi, ceux-ci, depuis le 25 août 1830 jusqu’au 1er janvier 1831.

M. A. Rodenbach. - Je m’oppose à la dernière date posée par M. le ministre de l'intérieur ; le traître Grégoire a été battu à Gand le 2 février. C’est à cette époque que des héros ont anéanti cette bande qui voulait une contre-révolution, et replacer Guillaume sur le trône de la Belgique. Je demande que la date du 1er janvier soit changée en celle du 3 février 1831.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il est bien entendu qu’en fixant la date du 1er janvier je n’ai pas voulu exclure les services dont il s’agit. Il est même dans mes intentions de faire étendre l’arrêté du 6 octobre sur les pensions aux hommes qui ont été blessés ou ont péri à cette époque. Nous adopterons, je crois, d’un commun accord, la date du 4 février.

M. Boucqueau de Villeraie. - Je ne voudrais aucune date.

M. Dumortier. - C’est ici une affaire de circonstance ; l’époque ne peut s’étendre à perpétuité, ni les récompenses se distribuer à l’infini.

M. Verdussen. - Je ne comprends pas quelle a pu être l’intention de M. le ministre en proposant une date fixe. Mais des services éclatants ne pourraient-ils pas avoir été rendus les 5 et 6 février par exemple ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je crois que la chambre a compris mes motifs. (Oui ! oui !)

- Les articles 1 et 2 du chapitre de la section centrale, avec la rédaction, les chiffres et la date du 4 février que nous avons indiqués, sont mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - M. Dumortier propose un paragraphe additionnel ainsi conçu : « La croix de fer est décernée, au nom du peuple, aux membres du gouvernement provisoire. »

M. Dumortier. - Messieurs, c’est une simple adjonction que je propose au crédit demandé. Je vois avec plaisir que le gouvernement se met en mesure de récompenser les hommes qui ont fondé notre indépendance nationale dans les journées dont nous commençons l’anniversaire. Mais il me semble que nous avons encore un devoir, c’est de témoigner publiquement notre reconnaissance pour les membres du gouvernement provisoire qui nous ont préservé de l’anarchie, qui ont consolidé notre révolution.

J’aurai voulu reprendre dans ma proposition les membres qui ont voté l’exclusion perpétuelle des Nassau ; car, messieurs, ces hommes ont rendu un immense service au pays, en compromettant leur tête. Mais plusieurs de ces honorables membres siègent parmi nous, je connais leur délicatesse, ils s’abstiendraient de voter, et il n’y a pas de résolution possible.

Quant aux membres du gouvernement provisoire, le gouvernement devra les consulter pour savoir quels sont les hommes qui ont le mieux défendu et servi la cause de l’indépendance et du patriotisme. Ils devront se taire sur leurs propres services et nous ne les verrions pas figurer sur la liste des décorés, si nous n’adoptions pas la résolution que j’ai l’honneur de vous soumettre.

M. Fleussu. - Le motif donné par l’honorable M. Dumortier est louable ; je ne combattrai donc pas sa proposition, car je rends hommage comme lui au dévouement et au patriotisme des membres du gouvernement provisoire. Mais je voudrais qu’on laissât à la chambre le soin d’examiner jusqu’à quel point la législature peut décerner des récompenses, et de voir si ce n’est pas attenter aux prérogatives royales. Le congrès, lui, a pu décerner des récompenses, il réunissait tous les pouvoirs ; mais aujourd’hui il existait un pouvoir royal, un pouvoir exécutif avec ses prérogatives spéciales. Je demanderais donc que l’amendement fût ajournée, ou qu’il devînt l’objet d’une proposition séparée du budget.

M. de Brouckere. - Les observations que vous venez d’entendre sont pleines de justesse ; j’avais eu l’honneur d’en soumettre de semblables à M. Dubus.

Cependant je ne m’oppose pas à ce que l’on consigne dans le budget la proposition de la section centrale et celle de M. Dumortier ; déjà plusieurs fois nous avons eu des discussions pour savoir comment il fallait reconnaître les services de ceux qui se sont distingués dans notre révolution, et ces discussions n’ont jamais amené de résultat ; cependant voilà trois années que la révolution est faite, et il est plus que temps de songer à récompenser les hommes auxquels la patrie doit de la reconnaissance. Une occasion nous est offerte, il faut la saisir.

Dans ce qu’on a dit des prérogatives royales, il y un peu de vrai ; cependant M. le ministre est là pour défendre ces prérogatives, et s’il n’a pas demandé la parole, c’est sans doute qu’il ne craint rien pour elles. M. le ministre de l’intérieur doit peut-être s’abstenir comme membre du gouvernement provisoire, mais son collègue aurait pu nous avertir du danger.

M. Dumortier. - Je croyais que la chambre voterait à l’unanimité et dans un élan patriotique la proposition que je lui ai soumise ; je ne pensais pas qu’on hésitât pour décorer enfin la poitrine d’hommes qui se sont sacrifiés pour le pays ; messieurs, nous sommes à l’anniversaire des belles journées de notre révolution, et nous devons voter ces marques de juste reconnaissance par acclamation.

M. Fleussu. - J’avais demandé l’ajournement ou une proposition spéciale, mais je n’insisterai pas.

M. d’Huart. - D’ailleurs il y aura un second vote et nous pourrons revenir sur la proposition.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Sans doute, messieurs, que si l’on prenait l’habitude d’insérer de pareilles dispositions dans le budget, on mettrait le gouvernement dans la plus fausse position.

Car, messieurs, la sanction du budget est forcée et il ne pourrait pas en séparer les propositions qui lui sembleraient mauvaises. M. le ministre de l'intérieur avait, pour s’abstenir dans cette discussion, un motif que vous comprenez tous. Pour moi, je déclare que la proposition étant appuyée sur des motifs exceptionnels, et ne pouvant former aucun précédent dangereux, je ne m’oppose pas à son adoption. (Bien ! bien !)

- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée à) l’unanimité. (Applaudissements.)

Article 3

M. le président. - A l’article 3, la section centrale propose 3,500 fr., au lieu de 5,000 fr. demandés par le ministre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, il est des hommes qui ont fait preuve d’un courage et d’un dévouement héroïques et que nous devons récompenser avec des sommes d’une modicité extrême, lorsque leur pauvreté exige que nous ajoutions un secours à la décoration nationale ; 25 ou 50 fr., c’est tout ce que nous pouvons donner à des hommes dont, je le répète, la bravoure a été vraiment héroïque ; vous comprenez, messieurs, que la somme de 5,000 fr. n’est pas trop considérable.

M. Dubus, rapporteur. - Je ne m’oppose pas particulièrement au chiffre du ministre.

- Le chiffre 5,000 est adopté.

Chapitre XVIII (devenu chapitre XIX). Dépenses imprévues

Article unique

« Article. unique. Crédit ouvert pour dépenses imprévues : fr. 60,000. »

La section centrale propose 51,000 fr.

- Ce dernier chiffre est adopté.

Chapitre VIII. Canaux, ports et côtes, polders

Article additionnel

M. de Theux. - J’ai présenté un amendement dans l’une des précédentes séances ; il a été renvoyé à la section centrale. Je crois que demain elle pourra présenter un rapport sur cette proposition. Je proposerai à l’assemblée de renvoyer le vote définitif sur le budget de l’intérieur à mercredi, afin que la chambre ait le temps de délibérer sur mon amendement.

M. Dubus, rapporteur. - La section centrale s’est assemblée déjà plusieurs fois pour examiner l’amendement ; dans chacune de ses réunions, elle a reconnu que des renseignements étaient nécessaires ; elle les a demandés au département de l’intérieur. Hier ces renseignements lui sont parvenus. Je pense que, dans sa réunion de demain, la section centrale pourra prendre des conclusions et les soumettre à la chambre.


M. le président. - La parole est à M. Dumortier, pour présenter l’exposé des motifs de sa proposition. (A demain ! à demain !)

- Plusieurs membres. - Demain, que la séance ait lieu à dix heures. (Oui, à dix heures !)

- La séance est levée à 2 heures et demie.