(Moniteur belge n°216, du 4 août 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Gendebien. - Il est une pétition, celle de la régence de Mons, dont je demande la lecture aujourd’hui. Si cette pétition, relative aux indigents, suit la filière ordinaire, elle arrivera trop tardivement : c’est demain que nous discutons la loi concernant l’entretien des indigents.
M. le président. - Nous nous occuperons tout à l’heure de cette proposition ; nous avons d’autres pièces à vous faire connaître.
M. de Renesse donne lecture de la lettre suivante :
« Bruxelles, le 1er août 1833.
« M. le président
« J’ai l’honneur de vous informer que le baptême du Prince royal aura lieu le 8 de ce mois à midi précis, dans l’église de Sainte-Gudule, et que des places seront réservées, dans le cœur de l’église, pour MM. les membres de la chambre des représentants.
« Si la chambre jugeait à propos de se rendre en corps à cette cérémonie, des ordres seront donnés pour qu’une escorte de troupes soit mise à sa disposition.
« Il est à désirer que les autorités qui assisteront à la cérémonie se trouvent à l’église de Sainte-Gudule à 11 heures et demie au plus tard.
« Le ministre de l’intérieur, Ch. Rogier. »
M. le président. - Ainsi M. le ministre consulte la chambre pour savoir si elle veut se rendre en corps à Sainte-Gudule.
M. Gendebien. - Une notification nous est adressée par M. le ministre de l’intérieur ; si un membre croit, à propos de cette notification, devoir faire une proposition, qu’il la fasse ; il en a le temps, et tout sera dans les termes du règlement.
M. d’Huart. - Je ne crois pas que la proposition qui nous est faite puisse suivre la filière ordinaire ; elle est contraire à nos usages ; la chambre ne se rend pas en corps dans les cérémonies ; ses membres s’y rendent individuellement.
M. le président. - M. le ministre ne demande pas que la chambre se rende en corps ; il avertit que des places seront réservées, dans le chœur de l’église, aux membres qui assisteront à la cérémonie. (Bien ! bien !)
M. Legrelle. - Quant à la pétition de la régence de Mons, je crois qu’on peut en différer la lecture jusqu’à demain, jour où nous discuterons la loi concernant les indigents.
M. Jullien. - Je demande lecture de la pétition aujourd’hui, parce que nous aurons par là le temps de réfléchir sur ce qui elle renferme.
M. de Renesse procède à cette lecture : (Le texte de cette pétition, insérée au Moniteur, n’est pas repris dans la présente version numérisée).
M. d’Hoffschmidt. - Par une simple lecture il est difficile d’apprécier tout ce que contient la pétition, cependant elle contient des vues importantes et elle agite des questions constitutionnelles fort graves ; je demanderai qu’elle soit imprimée et distribuée, afin que nous puissions en prendre une connaissance plus intime.
- De toutes parts. - Quelle soit imprimée dans le Moniteur ! dans le Moniteur !
M. le président. - Il n’y a pas d’opposition ? Elle sera insérée au Moniteur.
M. Brabant. - Je demande l’impression dans le Moniteur qui paraîtra demain, et non dans un supplément qui paraîtrait on ne sait quel jour.
M. de Robaulx. - Je demande que la pétition soit insérée au Moniteur à la place qu’elle doit occuper dans le compte-rendu de la séance.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) présente un projet de loi portant provisoirement règlement de compte des recettes et des dépenses pour l’année 1830 et les années antérieures, et pour l’exercice 1831.
M. le président. - Veut-on renvoyer la loi à une commission ou aux sections ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je pense que ce projet peut être renvoyé à la commission dont l’honorable M. Angillis est rapporteur (la commission des finances). Elle s’est livrée avec tant de sagacité et de zèle au travail qui lui a été confié qu’on peut lui soumettre la nouvelle loi.
M. Angillis. - Le renvoi à la commission des finances est inutile ; elle a examiné réellement le projet qu’on présente à la chambre, et vous avez entendu, par la lecture de son rapport, l’avis qu’elle émet sur cet objet.
M. Jullien. - Je ne révoque pas en doute que la commission des finances se soit livrée à l’examen du projet de loi ; mais cela ne peut satisfaire la chambre. Il faut que tout projet soumis à la chambre soit renvoyé ou aux sections ou à une commission, parce que la chambre ne peut statuer que sur des conclusions. Je demande donc que la chambre renvoie le projet à la commission des finances pour qu’elle nous en fasse un rapport spécial.
M. Dumortier. - La commission des finances a terminé son travail ; mais, dans une matière aussi importante que la liquidation des comptes de l’Etat, on ne peut s’entourer de trop de lumières, et je crois qu’il faut renvoyer le projet aux sections ; après avoir examiné et le rapport de M. Angillis et le projet de loi, chacun de nous pourra donner son avis.
M. Angillis. - La commission a examiné le projet de loi et si bien examiné que si M. Jullien avait écouté le rapport que j’ai présenté, il aurait vu que le projet est l’objet des conclusions du rapport. Toutefois j’appuie la proposition faite par M. Dumortier, car elle offre le seul moyen pour que chacun de nous ait la conscience éclairée sur notre état financier.
M. Jullien. - Il n’y a pas de doute que le projet ne doive être renvoyé devant les sections. Je conçois que M. le ministre des finances demande que la loi soit renvoyée à la commission des finances qui a donné son adhésion au projet ; mais pour que tous les membres soient parfaitement instruits, il faut admettre la proposition de M. Dumortier.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mon intention n’a pas été de soustraire mon travail à l’examen des membres de l’assemblée ; mon intention a été de hâter le travail de la chambre, en renvoyant le projet à une commission qui possède parfaitement la matière et qui a prouvé qu’elle se livrait avec le plus grand soin à l’examen des objets qui lui sont soumis.
- La chambre décide que le projet sera soumis aux sections.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) présente un projet de loi ayant pour objet de payer des arriérés de solde pour les années 1830 et 1831, par le moyen des économies qui ont été faites dans le département de la guerre pendant l’exercice 1831.
M. le président. - Veut-on renvoyer le projet à une commission ou aux sections ?
- Plusieurs membres. - Aux sections ! aux sections !
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ordinairement la chambre renvoie de semblables lois aux commissions. Le projet est accompagné de tant de chiffres, que si vous les faites imprimer pour que tous les membres en aient connaissance, il en coûtera beaucoup trop à la chambre.
M. Dumortier. - Il est toujours nécessaire d’imprimer les pièces déposées sur le bureau ; au moment où de grandes modifications seront apportées dans l’armée, il est bon que nous ayons des documents qui nous fassent connaître sa composition. Quoi qu’il en soit, je demande l’impression des chiffres, et le renvoi du projet à une commission.
M. le président. - Veut-on renvoyer le projet à la précédente commission qui a examiné le projet de loi relatif à l’armée ?
M. de Robaulx. - Il faut une commission spéciale pour chaque objet ; il ne peut y avoir de commission permanente, excepté la commission de finances, et la commission d’industrie. Quand une commission a terminé son travail, ses membres se fondent dans l’assemblée.
- Le projet est renvoyé à une commission dont la nomination est confiée an bureau.
Le bureau désigne pour composer cette commission : MM. H. Vilain XIIII, Desmaisières, Brabant, Teichmann, de Theux, Corbisier, d’Huart.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) présente des documents propres à éclairer les délibérations de la chambre sur les lois de finances.
M. de Robaulx. - Je demande pardon à M. le ministre des finances si je l’interromps, mais les chiffres dont il donne lecture sont importants ; il faudra qu’ils soient imprimés. Je pense donc qu’il est inutile qu’il se fatigue davantage en restant à la tribune.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Les documents que je soumets à l’assemblée ne sont pas suivis d’un projet de loi ; ils ne sont fournis qu’à titre de renseignements.
- L’impression des documents est ordonnée.
M. le président. - La parole est à M. d’Huart, premier rapporteur de la commission des pétitions.
M. d’Huart, rapporteur. - « Le sieur Constant Debeel, ex-visiteur de la douane à Ostende, se plaint d’avoir été injustement destitué et demande sa réintégration. »
Conformément à la jurisprudence de la chambre, la commission des pétitions m’a chargé de vous proposer l’ordre du jour sur cette demande. Il appartient à l’administration des finances de nommer et de révoquer ses fonctionnaires, et il serait d’ailleurs absurde de vouloir lui imposer l’obligation de conserver à son service des hommes qui auraient perdus sa confiance.
- L’ordre du jour est adopté.
M. d’Huart, rapporteur. - « Un grand nombre d’habitants de la cinquième section extra muros à Anvers demandent à être indemnisés des pertes essuyées par eux lors du siège de la citadelle d’Anvers.
La commission vous propose le renvoi de cette pétition au ministre de la guerre dans les attributions duquel l’objet semble rentrer, afin qu’il fasse examiner jusqu’à quel point la demande est fondée, et si l’indemnité que l’on réclame doit équitablement être soldée par la Belgique.
M. Jullien. - Je ne viens pas m’opposer aux conclusions de la commission, mais cette pétition me rappelle celle de plusieurs habitants de Wilrick, qui avaient adressé des réclamations à la chambre sur une violation du droit de propriété à leur égard. La chambre, trouvant ces réclamations bien fondées, les avait renvoyées au gouvernement pour le mettre à même de donner des explications. Il y a trois semaines, pendant une séance, les explications nous furent données, et la chambre décida qu’elles seraient imprimées au Moniteur< ; elles l’ont été ; mais depuis, explications et Moniteur, tout est resté dans les cartons. Cependant, lorsque la chambre prend une décision comme celle-là, c’est sans doute qu’elle veut être appelée à délibérer et à prendre une décision définitive, sur les explications du ministre. Remettre, comme on l’a fait, les explications dans le carton, c’est rendre illusoire le droit de pétition. Je demande donc, en forme de motion d’ordre, que la pétition des habitants de Wilryck soit mise à l’ordre du jour de la première séance où il sera fait des rapports de pétitions.
En terminant messieurs, je dirai que pour ma part j’ai lu les explications données par M. le ministre de la guerre, et qu’elles m’ont semblé fort peu satisfaisantes ; il s’agit cependant d’une atteinte portée à la propriété ; le sujet a de l’importance, et la pétition dont il s’agit fournira à M. le ministre une occasion de donner des explications nouvelles.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Dans les explications que j’ai transmises à la chambre, j’ai annoncé que j’avais écrit au gouverneur pour qu’il rassemble une deuxième commission qui émettra son avis sur les bases de l’évaluation. Le gouvernement a répondu que la commission avait été nommée, et que les propriétaires avaient été invités à prendre connaissance de l’estimation. En effet, un délai de huit jours leur a été accordé pour se présenter, et dès que les derniers renseignements me seront parvenus, je pourrai répondre à la demande qui m’est faite.
M. Legrelle. - Malgré l’analogie que présentent ces deux pétitions, il existe cependant entre elles une différence assez importante : il s’agit de bois coupés pour le service de l’armée, et par conséquent d’objets qui regardent M. le ministre de la guerre. Mais ici il n’est question que de quelques pauvres jardiniers ruinés par les événements, et implorant des secours ; il me semble donc que la pétition doit être renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jullien. - Pour moi, je demande que les explications de M. le ministre de la guerre sur la pétition des habitants de Wilryck et cette pétition elle-même soient mises à l’ordre du jour de la première séance où il s’agira de pétitions, pour savoir si on les renverra à la commission des pétitions, ou à une commission particulière. Car enfin, quand des explications sont demandées, c’est pour que la chambre statue.
M. d’Huart, rapporteur. - Il me semble qu’il ne serait pas convenable de fixer un jour. M. le ministre vient de nous dire que l’instruction n’était pas terminée, qu’il attendait de nouveaux renseignements demandés par lui avec instance, puisqu’un délai de huit jours seulement a été accordé aux propriétaires. D’après cela, il ne me semblerait pas prudent de fixer à l’avance un jour pour la discussion.
M. Jullien. - Je rappelle que les conclusions des explications de M. le ministre étaient qu’il y avait lieu à accorder des indemnités préalables ; maintenant, si M. le ministre croit obtenir de nouveaux renseignements d’où il pourra résulter de nouvelles explications, j’attendrai volontiers que ces documents lui soient parvenus.
M. Gendebien. - Il me semble que, sans fixer un jour, on pourrait décider que les pétitions et les explications seront mises à l’ordre du jour dès que les renseignements seront parvenus à M. le ministre.
Partant de ce point, j’irai plus loin, et je demanderai que l’on saisisse la chambre de la réponse qui a dû être faite par M. le ministre de l'intérieur au sujet de la réclamation de plusieurs habitants de Bruxelles, qui se plaignaient de pertes éprouvées à la suite de la guerre. Ces pertes sont d’autant plus dignes d’attirer l’attention de la chambre qu’elles ont été le signal de notre indépendance. Je demande enfin que le bureau s’assure si la réponse a été faite, et si elle a été faite, que le bureau la joigne à celle qui sera donnée par M. le ministre de la guerre, pour qu’il soit fait un seul rapport sur le tout. Si la réponse n’avait pas eu lieu, ou pourrait inviter le ministre à la faire.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Non seulement le gouvernement vous transmettra les procès-verbaux qui constatent les dommages dont la somme est évaluée à 341,000 fr., mais il vous transmettra encore divers procès-verbaux qui constatent les dégâts faits dans les jardins et surtout aux bâtiments. L’état de ces pertes s’élève à une somme de 200,000 fr. Le total des indemnités réclamées va donc au-delà de 550,0000 fr. Nous ne nous étions d’abord occupés que des dommages résultant de la coupe des bois pour le chauffage de l’armée ; mais si la chambre nous renvoie la pétition, nous ferons connaître le montant de tous les dommages causés par la présence de l’armée française.
M. Legrelle. - Je ferai observer qu’il y a ici deux objets essentiellement distincts. Dans une pétition, il s’agit d’une acquisition de bois : l’armée française en manquait ; il lui en fallait à tout prix. On a fait des réquisitions de bois pour chauffer l’armée pendant 3 jours ; on a coupé des arbres et il y a eu violation du droit de propriété, droit inviolable et sacré dans tous les pays. Remarquez, messieurs, la distinction à établir ici : il ne s’agit pas en effet de dommages causés par la guerre ; il y a eu livraison forcée, et c’est la valeur intrinsèque des bois que réclament les propriétaires, d’autant plus malheureux qu’ils ont perdu l’agrément de leurs promenades. Vous le voyez donc, c’est seulement le prix du bois, le prix taxé par les agents du gouvernement eux-mêmes, sans expertise contradictoire, dont ils viennent réclamer le paiement.
M. de Robaulx. - Je reconnais avec M. Legrelle que le châtelains des environs d’Anvers sont bien malheureux de ce que leurs promenades ont perdu de leurs anciens agréments ; mais il me semble que d’un autre côté les pauvres familles qui n’avaient qu’une bâtisse pour tout abri, et qui l’ont vu démolir dans la révolution, brûlée par les Hollandais, ne sont pas moins à plaindre que ces maîtres de châteaux. Oui, messieurs, il en est de plus heureux que ces châtelains, de plus heureux même que M. Meeus lui-même, et que d’autres grands propriétaires. Aussi, je demande, comme M. Gendebien, que l’on joigne ces deux affaires ; que le rapport de M. le ministre de l'intérieur soit provoqué s il n’est pas fait, et qu’on fasse une lettre de rappel. Lorsque nous discuterons ce rapport, M. Legrelle fera valoir les motifs de prédilection qui peuvent exister en faveur des châtelains ; nous ferons valoir ceux qui nous semblent recommander surtout les pétitionnaires de Bruxelles et d’Anvers, et la chambre prononcera.
M. de Brouckere. - Ce que je voulais dire rentre dans ce que vous a dit M. de Robaulx ; il est, je crois, des hommes dont la position est plus intéressante que celle des jardiniers d’Anvers. Ce sont ceux qui ont perdu toute leur fortune à la révolution. Quelques-uns réclament depuis trois ans. M. le ministre de l’intérieur avait promis un projet de loi concernant les indemnités à accorder, et ce projet promis n’est pas encore arrivé. Je saisis cette occasion de rappeler à M. le ministre des engagements formels.
Les fournisseurs de l’armée qui ont fait des entreprises n’ont pas encore été payés ; ils ont fait leur demande et n’ont pas encore été satisfait à l’heure qu’il est. Il y a aujourd’hui une pétition à l’ordre du jour qui en fait foi ; vous recevrez encore d’autres pétitions dans le même sens. Il est des fournisseurs auxquels on doit 60 et 80 mille francs depuis 1831. Je m’étonne après cela que l’on veuille nous apitoyer sur des jardiniers et des propriétaires.
M. Legrelle. - Les préopinants se sont étrangement mépris sur mes intentions. J’ai le malheur de ne pas employer toujours le terme propre ; de là est venue sans doute la méprise de mes honorables collègues. Je n’ai pas cherché à détourner l’attention de la chambre ; au contraire, j’ai toujours cherché à exciter l’intérêt et la sympathie des chambres pour les pauvres ; j’en appelle à tous vos souvenirs, si j’ai jamais laissé passer une seule occasion de parler en faveur des pauvres. Mais cette fois, j’ai voulu vous faire remarquer qu’il y avait des droits incontestables et une liquidation commencée, qu’il ne fallait pas empêcher le gouvernement de mener à terme en amalgamant toutes les pétitions ensemble.
M. Gendebien. - Je ne demande pas qu’on amalgame toutes les pétitions ; je demande seulement qu’un rapport nous soit présenté, et que la chambre décide ensuite si elle doit s’occuper des deux choses à la fois.
M. Jullien. - Je me rallier à la proposition de M. Gendebien.
M. Gendebien. - Je me suis borné à demander que l’on fasse pour la pétition des habitants qui réclament depuis 3 ans, la même chose que pour la pétition dont M. Jullien a parlé, et qu’une lettre de rappel soit écrite au ministre.
M. Dumont. - J’appelle l’attention de la chambre sur les pétitionnaires qui ont fait des fournitures en 1831.
M. de Brouckere. - La chambre n’avait renoncé à demander des explications que sur la promesse de M. le ministre de l’intérieur de lui présenter un projet de loi. Je m’étonne que des engagements aussi positifs soient restés sans résultat. Du reste, comme les ministres, présents ici, rappelleront sans doute à M. le ministre de l’intérieur son devoir, la lettre de rappel devient inutile (M. Lebeau fait un signe affirmatif.) Le signe affirmatif de M. Lebeau me confirme tout à fait dans cette pensée.
M. Jullien. - Mais je n’ai pas vu moi le signe affirmatif de M. le ministre de la justice ; il me faudrait cependant une garantie.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Afin que personne ne s’y trompe, je prends volontiers l’engagement de rappeler à M. le ministre de l'intérieur les vœux émis dans cette enceinte ; je l’engagerai à les prendre en considération ; j’appuierai même par des considérations particulières les recommandations faites par la chambre.
- La chambre adopte les conclusions de MM. Gendebien et Jullien.
M. d’Huart, rapporteur. - « Le sieur A.-J. Carez, de Cerfontaines (Namur), prie la chambre de faire réformer la décision du conseil de milice de Philippeville qui exempte pour un an les individus qui s’étaient mariés avant le premier janvier 1833. »
« Même réclamation de la dame Céleste Mathieu, veuve Hauquart, et de Joseph Gillard, à Cerfontaines. »
Les députations des états étant, en matière de milice, investies du pouvoir de prononcer en dernier ressort, c’est près de cette autorité que les pétitionnaires auraient dû réclamer en temps utile ; par ces considérations, en se basant sur les décisions antérieurement prises par la chambre sur des pétitions analogues, la commission m’a chargé de vous proposer l’ordre du jour.
M. de Robaulx. - S’il ne s’agit en effet que d’intérêts personnels, la chambre est incompétente.
M. Poschet. - Il est une pétition où l’on demande la réforme de la législation. Je l’ai lue rapidement dans la commission ; il est vrai que M. le rapporteur n’était pas présent ; une des pétitions signale à l’attention de la chambre le scandale de ces jeunes gens qui me marient avec des femmes de 90 ans pour éviter la conscription.
M. de Robaulx. - C’est là un abus en effet.
M. d’Huart, rapporteur. - Chaque fois que la commission a été convoquée, je me suis présenté. Il est vrai que M. Poschet n’y est pas venu.
M. Poschet. - Je m’y suis présenté samedi à 10 heures ; je suis sorti à midi et demi, et je n’ai pas vu M. d’Huart que j’ai fait demandé trois fois.
M. d’Huart, rapporteur. - La chambre jugera ce fait.
- L’orateur donne ensuite lecture de la pétition qui signale comme un scandale le mariage de plusieurs jeunes gens avec des femmes de 90 ans.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
M. d’Huart, rapporteur. - « Le comte de Rangraff réclame contre un prétendu déni de justice commis envers lui par le procureur du Roi de Liége et sanctionné par M. le ministre de la justice. »
Le prétendu déni de justice dont le pétitionnaire se prétend la victime, consiste dans le refus qui lui a été fait par M. le procureur-général du Roi à Liége d’abord, et ensuite par M. le ministre de la justice, de lui donner communication d’une plainte portée faussement à sa charge par un nommé Mathieu, plainte dans laquelle on l’aurait, dit-il, diffamé de la manière la plus odieuse, en lui imputant une foule de faits qui n’ont jamais eu lieu, et en outre d’avoir voulu couper la gorge avec un rasoir à une jeune fille de 21 ans, d’avoir tenté de lui brûler sur la tête un chapeau (on rit). Pour s’assurer qu’il n’y a pas le moindre déni de justice dans le refus qu’a essuyé M. de Rangraff, et qu’au contraire ce refus est motivé par la loi, il suffit de lire la réponse du ministère public produite par le pétitionnaire lui-même.
Il s’est adressé postérieurement à M. le ministre de la justice et a persisté dans sa demande de communication des pièces, ce qui lui a été également refusé par ce magistrat.
La conduite de M. le procureur à Liége, approuvée par M. le ministre de la justice, ayant paru très légale à la commission, elle m’a chargé de vous proposer l’ordre du jour.
- Adopté.
M. d’Huart, rapporteur. « Huit entrepreneurs de Mons demandent que la chambre les fasse payer des fournitures qu’ils ont faites en 1831, lors de la première entrée de l’armée française en Belgique. »
C’est après d’inutiles et nombreuses réclamations près du gouvernement, que les pétitionnaires viennent réclamer votre intervention pour obtenir le paiement de fournitures qu’ils ont faites en 1831 à l’armée française sous la foi d’un contrat. Les demandes paraissant entièrement fondées, la commission, vu le long retard qu’ils ont déjà essuyé, vous propose le renvoi de la pétition au ministre de la guerre avec demande d’explications.
Avant de monter à cette tribune, M. le ministre de la guerre m’a dit que le projet qui vient de nous être présenté par M. le ministre des finances renfermait les moyens de faire face aux réclamations des entrepreneurs de Mons et à toutes les autres, en sorte que l’objet de la pétition me semble rempli.
M. Dumortier. - D’après ce que vient de dire M. le rapporteur, on pourrait renvoyer la pétition à la commission chargée d’examiner le projet.
M. Frison. - Je demande si les fournisseurs de vivres seront compris dans le projet.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Le crédit demandé par le gouvernement français pour payer les frais qui pouvaient retomber à sa charge ayant été refusé, toutes les réclamations successives nous ont été renvoyées. Nous avons fait un rapport à l’assemblée, et nous l’avons prévenue que le gouvernement demandait un crédit de 481,000 fr. pour solder ces frais, sauf à recourir contre qui de droit quand il s’agira des répétitions réciproques.
M. Gendebien. - Je sais cette occasion de rendre hommage à la délicatesse du bourgmestre de Mons. Dans une séance précédente, afin de presser M. le ministre de s’occuper des réclamations dont il s’agit, j’ai dit que des fonctionnaires publics avaient pris des engagements personnels, et que le bourgmestre de Bruxelles était sur le point d’être poursuivi ainsi que le bourgmestre de Mons. Cet honorable magistrat s’est empressé de m’écrire qu’il n’avait pris aucun engagement personnel ; mais que s’il en avait pris en effet, il n’aurait pas imité certain ministre, et qu’il aurait acquitté ses obligations. Je devais ne pas laisser passer cette occasion de rendre hommage à sa délicatesse.
M. de Robaulx. - Et à celle du ministre !
M. d’Huart, rapporteur. - Comme rapporteur, je n’ai pas le droit de changer les conclusions de la commission ; mais, comme député, je me rallie à la proposition de M. Dumortier.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée.
M. d’Huart, rapporteur. - « Le sieur J.-B. Vanderhagen, de Bruxelles, ex-employé des loteries, demande une pension ou un traitement d’attente. »
La commission a pensé qu’il appartenait au ministre des finances d’apprécier les droits du pétitionnaire ; elle a reconnu que celui-ci n’avait été employé que comme manœuvre ou comme tourneur de roue ; elle propose l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
M. d’Huart, rapporteur. - « Huit légionnaires de Bruxelles demandent la pension à laquelle il ont droit en cette qualité. »
Comme la chambre aura à s’occuper des légionnaires, la commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Le dépôt est ordonné.
M. d’Huart, rapporteur. - « Dix officiers volontaires demandent leur demi-solde ou à être employés. »
Par respect pour la décision prise par la chambre sur une semblable demande, la commission propose le renvoi au ministre de la guerre.
- Le renvoi est ordonné.
M. d’Huart, rapporteur. - « Le sieur Fariola, sergent de sapeurs mineurs,, né à Locarno (Suisse), étant au service de la Belgique depuis 1816, demande la naturalisation. »
La commission n’a pas cru devoir examiner les droits du pétitionnaire à la naturalisation : elle s’est bornée à proposer le renvoi de son mémoire à la commission qui sera chargée d’examiner les nombreuses demandes semblables qui sont déjà faites.
M. Legrelle. - A l’occasion de cette pétition j’appellerai l’attention de M. le ministre sur la nécessité de présenter une loi sur cet objet.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Elle sera présentée dans quelques jours.
- Le renvoi proposé par la commission est ordonné.
M. d’Huart, rapporteur. - « Monsieur Blyckaerts, d’Orsmael, ex-receveur des contributions se plaint d’avoir été destitué, et demande à être réintégré dans son emploi. »
L’administration ayant usé de son droit, la commission propose l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est adopté.
M. d’Huart, rapporteur. - « La chambre de discipline des huissiers de l’arrondissement de Termonde ; 15 huissiers attachés à la cour d’appel et au tribunal de première instance de Gand ; 21 huissiers du tribunal de première instance de Louvain ; 45 propriétaires de l’arrondissement de Termonde, et 10 propriétaires de St.-Nicolas, réclament contre la circulaire de M. le ministre de la justice, qui interdit aux huissiers le droit de procéder aux ventes des récoltes et fruits pendant par racine. »
On a dit que les explications de M. le ministre de la justice sur des pétitions semblables étaient parvenues à la chambre ; s’il en est ainsi, je crois que c’est le moment de les faire connaître, d’en donner lecture.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois aussi que c’est le moment de les lire.
M. d’Huart, rapporteur, à qui les pièces sont remises, fait cette lecture ; puis il ajoute. - N’ayant pas connaissance de ces explications, la commission pensait qu’il fallait renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice. Elle avait trouvé que la jurisprudence établie en Belgique était favorable aux pétitionnaires. Ils ont pour eux l’autorité de plusieurs jugements, de plusieurs arrêts d’appel et de cassation.
M. le ministre, dans sa circulaire, avait dérogé à cette jurisprudence en se fondant sur une jurisprudence étrangère. Je crois qu’il a commis une erreur, un abus de pouvoir, en prenant la décision qu’il a prise. Je dis cela comme membre de la chambre. Les conclusions de la commission doivent être changées, puisque le ministre, par sa seconde circulaire, annule la première, sans toutefois abandonner son opinion personnelle ; et je pense qu’il suffit d’ordonner le dépôt au bureau des renseignements.
M. Jullien. - La question qui est soulevée est très délicate ; il s’agit de savoir quand des fruits pendant par racines cessent d’être immeubles et deviennent meubles. Cette question a été très controversée par les intérêts opposés des huissiers et des notaires. Le ministre de la justice, dans une première circulaire, a cru devoir trancher la question ; il n’entrait pas dans les attributions d’un ministre de la résoudre.
Il fallait que les notaires attaquassent les huissiers devant les tribunaux ; ceux-ci sont compétents pour prononcer.
La commission dit : Un nouveau renvoi au ministre de la justice avec demande d’explications devient inutile, puisque des explications sont données. Je ne pense pas qu’il en soit ainsi. La pétition pouvant contenir des renseignements nouveaux peut motiver une décision nouvelle, et je demanderai qu’elle soit renvoyée au ministre avec demande d’autres explications. La chambre prendra ensuite jour, un vendredi, pour examiner cette affaire.
Dans ma province, les huissiers avaient fait des fonds pour intenter des procès aux notaires. Vous voyez que la première circulaire ministérielle a été jetée là comme une pomme de discorde.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne m’oppose pas à ce que la pétition soit renvoyée à mon département. Cependant je dois dire que si on me demande de nouvelles explications, il me sera difficile d’en donner d’autres que celles qui sont sous les yeux le la chambre. L’assemblée me fera sans doute l’honneur de croire que ce n’est pas légèrement que je les ai données ; un nouvel examen de la question n’aurait vraisemblablement d’autre résultat que de me faire persister dans mon opinion.
Pressé pas de nombreuses députations de notaires de prévenir les huissiers qu’ils s’écartaient des lois constitutives de leur institution en procédant à des ventes de fruits pendant par racines, j’ai adressé aux officiers du parquet une première circulaire ; j’ai cru devoir déférer aux demandes des notaires réclamants.
Cependant, en présence de la jurisprudence belge invoquée par les huissiers, j’ai restreint l’étendue de ma première circulaire, et j’ai annoncé que les tribunaux devaient rester seuls juges du conflit.
Le sens de ma seconde circulaire est, en effet, que la question est entièrement du ressort des tribunaux.
Dès que le ministère public a rencontré de la résistance de la part des huissiers, il s’est abstenu ; c’est tout ce qu’il pouvait faire. Mais comme il ne me reste aucun doute sur le sens de l’article 520 du code civil, j’ai résolu de saisir la première occasion de faire soumettre à la cour de cassation les sentences à intervenir, et qui ne seraient pas conformés à mon opinion.
M. d’Huart, rapporteur. - Postérieurement à la circulaire contre laquelle on s’élève, le ministre a adressé une nouvelle circulaire aux officiers du parquet, et par laquelle il révoque la première. Par la première, les huissiers devaient être poursuivis s’ils procédaient à la vente de fruits pendant par racines : par la seconde, le ministre déclare que c’est aux notaires à poursuivre les huissiers devant les tribunaux ; ainsi le renvoi que l’on demanderait au ministre de la justice serait sans but.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Les instructions qui neutralisent l’effet de la première circulaire sont antérieures aux discussions qui ont eu lieu dans cette assemblée. Parmi les nombreuses affaires qui passent sous les yeux d’un ministre, il en est, on le comprendra, auxquelles il ne peut donner qu’une attention plus ou moins rapide.
Un ministre, préoccupé de graves et nombreuses questions, est souvent obligé de renvoyer des questions d’un intérêt secondaire à l’instruction des chefs de l’administration centrale. Il est possible que dans certains cas quelques décisions soient adoptées sans pouvoir être examinées aussi mûrement que je le désirerais toujours. C’est ce qui a pu avoir lieu pour une partie de la question dont il s’agit ; mais le ministre, aussitôt qu’il a entendu réclamer contre la décision prise, s’est fait un devoir d’examiner lui-même, et avec une scrupuleuse attention, l’état des choses.
Telle a été ma position, messieurs ; j’ai étudié de nouveau les motifs du conflit : c’est alors que j’ai cru devoir neutraliser ma première décision, en restreindre l’extension et déclarer que les tribunaux seuls devaient juger. Si les tribunaux décident dans un sens contraire à mon avis personnel, j’en référerai, comme je l’ai dit à la cour de cassation, qui peut mieux que le ministre, mieux que la chambre, prononcer sur ces matières avec l’efficacité nécessaire.
Cependant il n’y a nulle raison de frapper de l’ordre du jour les pétitions qui vous sont adressées ; elles peuvent renfermer des vues nouvelles. Quant à des demandes d’explications, elles seraient inutiles.
M. de Brouckere. - M. le ministre avoue que c’est avec légèreté qu’il a signé la première circulaire…
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai pas dit avec légèreté.
M. de Brouckere. - Ne m’interrompez pas... M. le ministre de la justice aurait dû commencer par où il a fini ; il aurait par là évité une bévue. On dit que la seconde circulaire neutralise la première ; cela n’est pas ; cela aurait dû être. La seconde circulaire est relative à un fait particulier ; elle n’est pas générale, elle ordonne seulement à un officier du parquet de ne pas poursuivre un huissier désigné. Ce que l’on appelle les secondaires ne sont que des lettres adressées à des officiers du parquet. De là il suit que la première circulaire conserve son effet à l’égard des huissiers.
Qu’on ne croie pas qu’une circulaire adressée aussi légèrement ait été sans résultat : c’est une pièce qui déconsidère la magistrature et le pouvoir. Cette circulaire ordonne des poursuites contre les huissiers ; ensuite les officiers du parquet reçoivent l’ordre de ne pas poursuivre et de laisser prononcer les tribunaux. Je le demande, une pareille conduite n’est-elle pas de nature à ôter toute considération au ministère public et au ministre lui-même ? Je désire que cette leçon puisse servir à M. le ministre et que dorénavant il ait soin d’examiner avant de prononcer.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne pouvais pas retirer la première circulaire tout entière, puisque l’opinion que j’y ai émise, je la conserve encore. Si cette opinion, soumise aux tribunaux, n’obtenait pas succès, ce serait à la cour régulatrice (car c’est toujours là qu’il en faut revenir) qui fixerait définitivement la jurisprudence.
Il ne faut pas poursuivre les huissiers d’office, dis-je dans mes dernières instructions ; mais je n’hésite pas pour cela à répéter que les huissiers n’ont pas, à mon avis, le droit de faire des ventes de fruits pendant par racines. Je puis me tromper, mais dans les actes de mon administration je n’ai pas pour mission de faire prévaloir l’opinion de M. de Brouckere ou celle de tel autre membre de la chambre, mais la mienne ; C’est à cette condition que j’accepte la responsabilité de mes actes.
Je ne répondrai point aux expressions acerbes dont le préopinant a trouvé bon de se servir en examinant mes actes ; je sais que pour M. de Brouckere l’urbanité parlementaire n’est pas de mise quand il s’agit d’attaquer les ministres Toutefois, je féliciterais celui qui accablé d’affaires, absorbé par de longues séances et chargé d’un département ministériel, pourrait toujours traiter et approfondir par lui-même toutes les questions qui se rattachent aux nombreuses attributions d’un ministère, alors même que sa santé altérée ne l’obligerait point parfois à s’en rapporter à des subordonnés pour l’examen de ces questions. Il est possible que l’honorable membre, grâce à une organisation privilégiée, saurait suffire toujours à tant et de si divers travaux ; quant à moi je n’en suis pas capable, et je n’en ai pas la prétention. Dans mes dernières décisions, j’ai surtout été déterminé par la considération que les lois ne comminaient pas de peine contre les huissiers, sauf les dommages-intérêts en faveur de tiers lésés. Or c’est à ceux-ci à agir…
M. de Brouckere. - Il n’y a pas de sanction dans la loi contre les huissiers et cependant on dit dans la circulaire de poursuivre sévèrement quand la loi ne punit pas.
M. Jullien. - Je suis de l’avis du ministre, qu’une seule personne ne peut pas examiner toutes les questions qui se présentent dans un ministère. Néanmoins il faut savoir jusqu’à quel point l’opinion personnelle d’un ministre doit être imposée comme loi. Je respecte l’opinion d’un ministre comme je respecte toute opinion personnelle ; mais cette opinion ne peut faire règle.
Il est de la loyauté d’un ministre qu’il fasse connaître sa seconde circulaire. Il faut que les huissiers de toutes les provinces en aient connaissance. Rien n’est plus désorganisateur de l’administration que ces divergences d’avis dans le pouvoir.
Malgré les grandes occupations qui surchargent les ministres, il est des mesures qu’ils ne doivent pas prendre à la légère. Quand il s’agit d’extradition, ils nous disent qu’il n’y a pas de loi, et ils agissent contrairement aux lois et aux principes ; et ils font des extraditions.
Maintenant ils pensent que les fruits pendant par racines sont immeubles, et ils ordonnent des poursuites quand ce n’est pas à eux à prononcer. Beaucoup de procès sont nés ou prêts à naître de la première circulaire ; donnez donc de la publicité à la seconde afin de les éteindre.
M. d’Huart, rapporteur. - La publicité sera suffisance par les débats qui ont lieu et dont les journaux rendront compte : ce point est assez important pour qu’il ne soit pas passé sous silence. Je crois que dans l’intérêt de la dignité de la chambre il ne faut pas demander de nouveaux renseignements, mais seulement le renvoi de la pétition au ministre.
M. Gendebien. - On a parlé du mauvais effet des mesures prises par le ministre : en voici une que je crois devoir signaler. On a exigé que tous les huissiers vinssent prendre copie de la première circulaire et qu’ils donnassent reçu de la copie, afin de ne pouvoir prétexter d’ignorance.
Je demande s’il n’y a pas lieu d’employer, quel qu’en soit le scandale, le même moyen pour réparer le tort commis ? Au reste, qu’on l’emploie ou qu’on ne l’emploie pas, les huissiers sauront qu’ils ne doivent pas se soumettre sans examen aux décisions prises par certains administrateurs.
M. Jullien. - Vous oubliez donc que les malheureux huissiers sont révocables à la volonté du gouvernement ?
- Le renvoi de la pétition au ministre de la justice est ordonné.
M. d’Huart, rapporteur. - « Vingt-cinq propriétaires d’Anvers réclament des modifications aux lois existantes sur le déguerpissement. »
La commission propose le renvoi à la commission chargée de faire un rapport sur la proposition de M. Liedts.
- Le renvoi est ordonné.
M. d’Huart, rapporteur. - « Le sieur Jobard, de Bruxelles, dénonce de nouveau la violation de la loi du 25 janvier 1817, sur les brevets d’invention. »
Dans la séance du 12 mars dernier, il a été passé à l’ordre du jour sur une pétition présentée par le même M. Jobard, sur l’objet pour lequel il réclame de nouveau aujourd’hui.
Cette décision a été motivée de la manière suivante : « 1° Parce que l’objet rentre dans les attributions du ministère de l’intérieur ; 2° Parce que le pétitionnaire ne paraît pas avoir qualité suffisante pour réclamer, puisqu’il le fait au nom de deux ingénieurs français. »
Les mêmes motifs existent aujourd’hui pour la pétition qui nous occupe ; c’est un simple appel formé contre la décision que je viens de rappeler, dans lequel le pétitionnaire ne se présente avec aucune qualité nouvelle, et ne produit aucun fait nouveau. En conséquence, la commission m’a chargé de vous proposer l’ordre du jour.
M. Angillis. - Je propose le dépôt au bureau des renseignements. La loi sur les brevets d’invention mérite d’être révisée. Pour les brevets d’invention il y a un fonds connu, et il y a un fonds caché et dont nous ne connaissons pas la destination. Il faut établir un précédent en envoyant la pétition au bureau des renseignements. Un jour je viendrai avec une proposition toute nouvelle sur les brevets d’invention.
M. d’Huart, rapporteur. - La pétition ne signale la violation d’aucune loi ; elle dit qui la loi est violée, mais ne dit pas comment.
M. de Brouckere. - Dès qu’on dit que la loi est violée, il appartient à la législature de rappeler le ministre à son devoir.
M. d’Huart, rapporteur. - Mais on ne dit pas en quoi la loi est violée.
M. de Theux. - Il y a dans la pétition des expressions inconvenantes envers le ministre et même envers la chambre : il faut passer à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - Il me semble que nous pouvons, sans manquer à notre dignité, nous occuper de la pétition alors même qu’il y aurait quelques expressions un peu vives.
Un homme qui est victime d’une injustice flagrante peut ne pas garder toute mesure dans ses termes. Ne tenons pas aux formes alors que du fond d’une pétition peut jaillir une étincelle de lumière. Renvoyons celle dont il s’agit au bureau de renseignements.
M. de Theux. - En aucune occasion la chambre n’a toléré que les pétitionnaires lui manquassent d’égards.
M. de Robaulx. - Je me rappelle qu’au congrès une personne beaucoup plus insolente avait envoyé une pétition ; on l’a méprisée. Le rapporteur dit : « Un tel exprime au congrès tout le mépris que lui inspirent ses actes. » On n’a rien dit. Que dit la pétition dont nous nous occupons ? Il faut savoir enfin si un citoyen peut obtenir la justice qu’il réclame…. Eh bien, il n’y a pas là de quoi être blessé. Au reste, qu’importe une légère faute si la pétition contient de bons avertissements ? N’avez-vous pas, vous, commis beaucoup de fautes ? Dussiez-vous me rappeler à l’ordre, je veux vous rappeler que vous n’avez pas été sans vous abandonner à de graves erreurs. Mettez donc de côté les erreurs des autres.
Renvoyez la pétition au bureau des renseignements, et, croyez-moi, elle sera là bien enterrée. (On rit.)
M. Dumont. - Je ne m’oppose pas au dépôt au bureau des renseignements, mais je voudrais qu’on fît connaître ce que la pétition indique d’utile.
M. de Brouckere. - Le pétitionnaire, rappelant la législation existante sur les brevets, dit qu’elle est violée à son égard dans la circonstance particulière où il se trouve.
M. d’Huart, rapporteur. - J’ai ici des documents qui prouvent que la marche suivie au ministère de l’intérieur sur les brevets d’invention est la même que celle qui est suivie en France. Au reste, ce que vous avez à décider, c’est de savoir si vous devez revenir sur votre première décision.
M. Jullien. - Le pétitionnaire s’adresse à une nouvelle chambre. Il est possible que la chambre dissoute, fatiguée par une longue discussion, ait passé à l’ordre du jour sur cette pétition sans l’avoir suffisamment examinée, soit parce que la susceptibilité d’un chef de division ait été éveillée par quelque expression un peu vive, soit parce que la chambre y a trouvé elle-même quelque expression irritante. Quoi qu’il en soit, renvoyons la pétition au bureau des renseignements.
M. d’Huart, rapporteur. - La première pétition n’existe plus, puisque la première chambre l’a écartée par l’ordre du jour. Elle n’a été exhumée que pour voir ce qu’elle contenait. On ne pourra trouver aucun renseignement dans cette pétition qui ne précise rien.
- De toutes parts. - Aux voix ! aux voix ! la clôture !
- La chambre consultée ferme la discussion.
La chambre passe ensuite à l’ordre du jour sur la pétition.
M. d’Huart, rapporteur. - « Seize huissiers près le tribunal de première instance et de commerce à Anvers demandent que la chambre fasse cesser les dispositions du décret impérial du 14 juin 1813, en ce qu’elles concernaient l’établissement d’une communauté et d’une bourse commune entre tous les huissiers de chaque arrondissement. »
- Renvoi au ministre de la justice et dépôt au bureau des renseignements, sur les conclusions de la commission.
M. le président. - Plusieurs sections s’abstiennent, parait-il, d’examiner le projet de loi sur l’organisation provinciale, sous le prétexte que probablement la session sera close avant qu’elle puisse discuter cette loi, attendue depuis si longtemps et dont l’espèce d’ajournement indéfini est inconcevable. Car, messieurs, vous savez comment et par qui sont administrées nos provinces en attendant cette loi : dans les unes, les députations des états provinciaux sont encore celles de l’ordre des campagnes, des villes et de l’ordre équestre, distinctions qui devraient avoir disparu depuis longtemps ; et dans d’autres, les députations sont composées de personnes nommées par le gouvernement, ce qui ne pouvait être admis que pendant un provisoire qui depuis longtemps n’existe plus.
Mais il est inutile de vous détailler les motifs qui rendent la loi provinciale urgente ; chacun de vous, messieurs, les conçoit ; je ne bornerai donc à demander qu’elle soit discutée immédiatement dans toutes les sections, afin que, avant notre séparation, la section centrale puisse au moins faire son rapport à l’assemblée, ce qui nous procurerait l’avantage de pouvoir étudier ce rapport pendant nos vacances, pendant lesquelles nous pourrions recueillir toutes les données dont nous devons nous entourer avant de voter une loi aussi importante ; et alors nous pourrions, dès le commencement de la session prochaine, doter notre pays d’institutions qu’il réclame inutilement depuis la révolution.
La sixième section, présidée par notre honorable collègue M. Liedts, et à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, est fort avancée dans l’examen de cette loi.
- Cette motion d’ordre n’a pas de suite.
La séance est levée à 5 heures.