(Moniteur belge n°164, du 13 juin 1833)
(Présidence de M. Pirson, doyen d’âge)
M. Liedts, l’un des secrétaires provisoires, fait l’appel nominal.
- La séance est ouverte.
M. Dubois, autre secrétaire provisoire, donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. le président. - La chambre veut-elle s’occuper de la formation du bureau ?
- Plusieurs membres. - Non ! non ! les élections de Liége !
- MM. Lebeau, Goblet, Duvivier, F. de Mérode, Rogier, sont au banc des ministres.
- L’ordre du jour appelle à la tribune M. Dumortier, rapporteur de la sixième commission ; mais cette sixième commission n’ayant pas terminé son travail, la séance est suspendue, pendant une heure environ.
M. Dumortier s’exprime en ces termes à la reprise de la séance. - Messieurs, dans une séance précédente, en vous rendant compte des élections de Liége, j’ai eu l’honneur de vous proposer, au nom de la 6ème commission, l’admission de MM. Raikem, Fleussu, de Laminne, Ernst cadet, dont les pouvoirs avaient pu être à l’instant vérifiés, et j’ai remis à aujourd’hui le rapport sur le cinquième élu, M. de Behr, président à la cour de Liége. Je viens m’acquitter de ce devoir difficile.
Cette élection, vous le savez, messieurs, a donné lieu aux discussions les plus irritantes, a soulevé plusieurs graves questions, et donné naissance à diverses protestations, et contre-protestations ; je tâcherai de vous présenter les faits avec toute l’impartialité dont je suis capable, et pour mieux vous mettre à même de rendre un jugement consciencieux, je laisserai, autant que possible, parler les documents officiels qui nous ont été remis.
Avant de passer au résultat général de l’élection, je commencerai par vous exposer les faits qui ont eu lieu dans les divers bureaux et qui ont donné naissance aux difficultés soulevées contre l’élection de M. de Behr.
Parmi les votes attribués à l’élu, il s’en est trouvé dans chaque bulletin un assez grand nombre portant ces mots de : de Behr, président. Des réclamations ont été faites ; on a observé qu’il existait un M. de Behr, président de la société dite du Casino ; que les suffrages portant de Behr, président, pouvaient s’appliquer à lui aussi bien qu’à M. de Behr, président à la cour de Liége, et que par conséquent ils ne pouvaient être attribués à ce dernier. Les bureaux ont unanimement écarté cette réclamation, et attribué à l’élu les votes dont il est question. Voici en quels termes le bureau principal a motivé cette décision :
« Le bureau principal, après en avoir délibéré, attendu que ces qualifications de président à la cour et de président se rapportent tous deux à une fonction publique, il ne peut y avoir de doute qu’elles ont été données au même candidat. »
Les motifs de décision des autres bureaux ne sont pas relatés. Le procès-verbal du deuxième bureau porte que, dans le nombre des votes attribués à M. de Behr, président à la cour de Liége, « le bureau a admis 88 bulletins portant de Behr, président, sans autre qualification. » Je rapporte les expressions du procès-verbal, parce qu’elles sont citées dans la protestation à propos d’un autre grief.
J’arrive maintenant, messieurs, à une seconde difficulté soulevée par suite de l’opération du deuxième bureau, et qui a donné naissance aux troisième et quatrième chefs d’annulation. Il résulte du procès-verbal de la deuxième section que « le nombre des bulletins s’est trouvé être de 276, égal à celui des votants. » Le procès-verbal ajoute plus loin : « Dans le nombre des 276 votants ont été compris les bulletins portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo, déclarés nuls par le bureau, comme ne contenant pas une désignation suffisante. »
Pour le moment, aucune contestation ne paraît avoir été soulevée de ce chef, et ces quatre bulletins ont été, avec les autres, brûlés en présence de l’assemblée.
Après cet exposé des faits antérieurs au recensement général sur lesquels reposent les protestations, nous allons examiner ce qui s’est passé au bureau principal, lorsque les membres des diverses sections apportèrent le résultat de leurs opérations.
Il résulte des procès-verbaux que le relevé général des votes a présenté le résultat suivant :
1ère section, 264 votants ;
2ème section, 276 bulletins dont 4 annulés, 272 votants ;
3ème section, 265 ;
4ème section, 242 ;
5ème section, 249 votants qui n’ont produit que 248 bulletins. (Il y avait eu 249 votants inscrits, mais il s’est trouvé un bulletin en moins.) ;
Nombre total d’après les calculs du bureau principal, 1,291 ;
Majorité absolue, 646.
Le bureau principal a ensuite opéré le dépouillement général des votes obtenus par chaque candidat, et il en est résulté ce qui suit :
MM. Raikem, procureur-général, 685
Fleussu, conseiller à la cour, 679
de Laminne-Bex, 669
Ernst, cadet, 661
de Behr, président à la cour, 646
Tielemans, ex-gouverneur, 643
Delfosse, avocat et teinturier, 618
Marcellis, ex-député, 604
Burdostas, 588
de Robaulx, ex-député, 572
Après cela viennent beaucoup de voix perdues, parmi lesquelles quatre pour M. de Behr, président du Casino, et une pour M. de Behr, sans autre désignation.
Laissons maintenant parler le procès-verbal du bureau principal.
« Le résultat ci-dessus étant proclamé à haute voix et aucun membre de l’assemblée n’ayant fait d’observation, dit le procès-verbal, le président proclame représentants MM. Raikem, Fleussu, de Laminne, Ernst jeune, et de Behr, président à la cour.
« Les opérations du bureau principal étaient parvenues à ce point, et le secrétaire rédigeait le procès-verbal, lorsque des électeurs qui surviennent requièrent le bureau de recevoir deux protestations qu’ils présentent à M. le président, contre l’admission de M. de Behr.
Ces protestations se fondent : « 1° Sur ce que le bureau central s’est séparé et dissous avant que le procès-verbal fût clôturé ; 2° sur ce que des bulletins portant M. de Behr, président à la cour, d’autres de Behr, président du Casino et un autre sous cette désignation : de Behr, président de la cour et non du Casino, les bulletins en grande majorité portant exclusivement : de Behr, président, ont été attribués exclusivement à M. de Behr, président de la cour ; que sur l’observation faite par M. Muller à M. de Behr, président du Casino, au bureau central, qu’il s’était mis sur les rangs, celui-ci lui a répondu en présence de toute l’assemblée, et notamment de MM. Félix Bayet et Elias, qu’il avait simplement dit que si son frère, le président à la cour, ne se mettait pas sur les rangs, il se porterait candidat, ce qui a pu décider en sa faveur les votes désignés de Behr, président ; 3° Sur ce que le nombre des votants inscrits a été de 1,295, celui des bulletins déposés dans l’urne de 1,295 ; que si des votes ont été annulés comme suffrages faute de désignation suffisante, ils ont dû compter pour former la majorité absolue comme bulletins, la loi électorale ayant toujours soin de distinguer le suffrage nul du bulletin nul, en sorte que la majorité absolue était de 648 voix, et que M. de Behr, président à la cour, n’en a eu que 646. »
En conséquence, les réclamants demandent une décision nouvelle et un scrutin de ballottage.
Le bureau principal, invité à délibérer sur ces réclamations, a rendu le jugement suivant :
« Considérant 1° : que le bureau de la seconde section a déclaré 4 bulletins nuls :
« Que, suivant l’article 32 de la loi électorale, les bulletins nuls n’entrent pas en compte pour fixer le nombre des votants ; que ce bureau était juge de cette nullité, que le bureau principal est sans qualité pour statuer sur la réclamation élevée sur cette décision ;
« Le bureau principal se déclare incompétent.
« Considérant, 2° : qu’il a été statué par chaque bureau respectif sur la question de savoir qu’elles étaient les votes à attribuer légalement à M. de Behr, candidat proclamé, et que le bureau principal a statué sur cette question en ce qui le concernait, lors du dépouillement du scrutin de sa section, ainsi qu’il conste du présent procès-verbal.
« Décide qu’il n’y a pas lieu à statuer de nouveau. »
Après la signature du procès-verbal du bureau principal, une nouvelle réclamation fut faite ; elle est consignée dans les termes suivants :
« Lecture ayant été donnée du procès-verbal et avant la signature, M. . J. Forgeur a fait observer qu’il avait formé la demande expresse qu’il fût donné lecture du procès-verbal de la section du sud, afin de vérifier le fait matériel de savoir s’il existait des bulletins nuls aux termes de la loi, pour avoir été signés par des électeurs ou déposés imprimés, ou si au contraire les bulletins déclarés nuls n’étaient pas des suffrages nuls ; et il a fait remarquer que le bureau principal avait omis de prononcer sur cette demande.» Le bureau ajoute que, « pour satisfaire à ladite réquisition, il a été donné lecture dudit procès-verbal. »
J’ai voulu, messieurs, vous faire part de cette dernière protestation afin de vous mettre à même de connaître toutes les pièces du procès que vous êtes appelés à juger.
Tels sont, messieurs, les faits résultant des procès-verbaux et des réclamations y annexées. Nous devons à la vérité d’observer que rien n’indique que les réclamants aient cherché jusque-là à établir que les quatre bulletins annulés par le 2ème bureau, pour cause de désignation insuffisante, contenaient en outre d’autres noms suffisamment désignés. L’argument sur lequel reposent les réclamations faites le jour de l’élection est que les bulletins ne portant pas de désignation suffisante doivent être annulés comme suffrages, mais doivent contribuer à former la majorité absolue. Au contraire, dans la pétition adressée à la chambre des représentants en date du 4 juin, on a cherché à établir que ces quatre bulletins portaient, indépendamment des votes annulés, d’autres votes déclarés valables par le bureau. C’est donc un quatrième moyen de nullité contre l’admission de M. de Behr, et nous devons regretter que ce moyen n’ait pas été présenté avant la séparation des membres des bureaux, qui auraient pu sur-le-champ statuer à cet égard.
Maintenant, messieurs, je dois vous rendre compte de deux pétitions de Liége, en date des 4 et 5 juin, demandant, l’une l’annulation, et l’autre le maintien de l’élection de M. de Behr.
(Note du webmaster : suivent ensuite les considérations relatives aux moyens avancés par les pétitions pour l’annulation ou le maintien de l’élection ainsi le procès-verbal de la section électorale liégeoise du sud et le texte de diverses déclarations d’électeurs. Ils ne sont pas repris dans la présente version numérisée).
Messieurs votre commission a longtemps hésité à donner une solution à la question de droit née de la question électorale ; mais enfin, après une très longue discussion, elle s’est décidée d’après des précédents de la chambre. On s’est rappelé que, pour d’autres élections ayant eu lieu aussi à Liège, des bulletins qui ne portaient pas désignation suffisante avaient été supprimés, et n’avaient pas été comptés dans le nombre des votants. Prenant ces circonstances en considération, la majorité de la commission propose l’admission de M. de Behr. Je dois dire qu’il y a eu partage dans la commission, et que deux voix ont été opposées à l’avis des trois qui forment la majorité.
Je dois de plus faire observer que les opinions de la commission ne sont pas tellement arrêtées qu’elle ne soit prête à les modifier si de la discussion qui va s’ouvrir il surgit des idées nouvelles, fortes de justice et opposées à celles que nous venons d’émettre.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il serait bien difficile d’entrer dès à présent dans la discussion d’une question aussi grave. Je dois faire remarquer que la partie ne se trouverait pas égale pour tout le monde. En effet, on nous a distribué ce matin seulement la pétition de ceux qui demandent l’annulation de l’élection, tandis qu’on a distribué clandestinement depuis 3 jours une contre-pétition à plusieurs membres de cette chambre. Mes honorables amis ne l’ont pas reçue non plus que moi.
- Nombre de voix. - Ni moi ! ni moi !
M. Gendebien. - Je crois donc que pour remettre les chances égales, il convient de faire imprimer le rapport que nous venons d’entendre ainsi que la contre-pétition. Il n’y a rien de si urgent que vous ne puissiez avoir 24 heures pour préparer votre décision.
Le district de Liége n’aura pas à souffrir beaucoup d’un aussi léger retard dans l’admission des membres de sa députation.
Je demande donc l’ajournement et l’impression du rapport avec la contre-pétition. (Appuyé ! appuyé !)
M. Dumortier, rapporteur. - D’après le vœu manifesté par l’assemblée, je dois dire que je m’étais présenté ici dimanche pour faire copier la pétition et la contre-pétition, et les livrer ensuite à l’impression. Mais n’ayant trouvé personne pour faire ce travail qui devait être fort long, rien n’a été imprimé dans le Moniteur. Il serait très facile d’ordonner maintenant l’impression de toutes les pièces.
M. Gendebien. - Je n’ai nullement entendu inculper la conduite de M. le rapporteur. Une preuve de son impartialité, c’est qu’il n’a pas plus fait imprimer la contre-pétition que la pétition elle-même.
M. Verdussen. - La pétition ayant déjà été imprimée séparément, on pourrait se borner maintenant à l’impression du rapport et de la contre-pétition.
M. H. Vilain XIIII. - Je demanderai aussi l’impression du procès-verbal du 2ème bureau. C’est une pièce importante pour asseoir notre jugement. (Appuyé ! appuyé !)
- La chambre, consultée, se prononce pour l’impression de toutes les pièces dont la demande a été faite.
M. le président. - A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion ?
- Nombre de voix. - A jeudi ! à jeudi !
- Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
M. Van Hoobrouck. - Je ferai observer que le Moniteur ne nous sera distribué que demain à midi, et que, par conséquent, il n’est pas possible de commencer la discussion avant jeudi.
- La chambre décide que la discussion aura lieu jeudi.
M. le président. - La chambre va procéder à la nomination de son président. Je vais donner lecture des articles du règlement relatifs à l’opération qui va avoir lieu :
« Art. 5. La chambre, après la vérification des pouvoirs, procède à l’élection d’un président, de 2 vice-présidents et de 4 secrétaires. »
« Art. 6. Toutes ces nominations sont faites à la majorité absolue ; celles des vice-présidents et des secrétaires, au scrutin de liste. »
« Cependant, au 3ème tour de scrutin, qui est celui de ballottage, la majorité relative suffit.
« Dans le cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est nommé. »
« Art. 7. Les secrétaires vérifient le nombre des votants ; des scrutateurs tirés au sort dépouillent le scrutin. »
- Après cette lecture, on procède au tirage au sort des scrutateurs chargés de dépouiller le scrutin.
La chambre vote ensuite, en scrutin secret, pour la nomination du président.
Voici le résultat du scrutin :
Le nombre des votants était de 84, et la majorité absolue de 43 voix.
M. Raikem a obtenu 59 suffrages.
M. Fallon 21
M. Coppieters 1
M. Dubus 1
M. Zoude 1
M. Dumont 1.
M. Raikem, ayant obtenu la majorité des suffrages, est proclame président de la chambre des représentants.
On passe ensuite à un scrutin de liste pour la nomination de deux vice-présidents.
Le nombre des votants et la majorité absolue étant les mêmes que tout à l’heure, le résultat du scrutin a donné 65 suffrages pour M. Dubus, 39 pour M. Fallon, 42 pour M. Coppieters et 10 pour M. Gendebien.
M. Dubus, ayant seul obtenu la majorité des suffrages, est proclamé premier vice-président.
Il est ensuite procédé à un second scrutin de liste pour la nomination d’un deuxième vice-président.
En voici le résultat :
Nombre des votants 80
Majorité absolue 41.
M. Coppieters a obtenu 45 suffrages.
M. Fallon en a obtenu 35.
En conséquence, M. Coppieters a été proclamé 2ème vice-président.
Pour que la formation du bureau fût complète, il restait à nommer 4 secrétaires. Un scrutin de liste a eu lieu, dont voici le résultat :
Nombre des votants 78
Majorité absolue 40
M. Liedts a obtenu 61 suffrages.
M. de Renesse 50
M. H. Dellafaille 55
M . Quirini 47.
En conséquence, MM. Liedts, de Renesse, H. Dellafaille, Quirini, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, sont proclamés secrétaires.
M. le président. - Le bureau est constitué. Il va être procédé maintenant à la nomination des questeurs.
- Voici le résultat du dépouillement du scrutin :
Nombre des votants 72
Majorité absolue 37.
M. Dumortier a obtenu 61 suffrages.
M. de Sécus en a obtenu 56.
En conséquence, MM. Dumortier et de Sécus sont nommés questeurs de la chambre.
MM. Dumortier et de Sécus prennent place au bureau.
M. Pirson cède le fauteuil à M. Raikem.
M. Raikem se lève et prononce le discours suivant. - Messieurs, après l’honneur insigne auquel vous venez de m’appeler, permettez-moi de vous exprimer ma vive et sincère reconnaissance. Mes efforts tendront à accomplir le devoir que ma nouvelle fonction m’impose. Les lois dont nous avons à nous occuper exigent un travail assidu, je tâcherai d’y coopérer autant qu’il sera en mon pouvoir de le faire ; mais pour cela j’aurai besoin de l’indulgence que vous l’avez déjà montrée ; aussi je la réclame de nouveau pour les fonctions à la fois difficiles et honorables que vous m’avez conférées par vos votes. (Applaudissements.)
Je vous propose de voter des remerciements à notre digne doyen d’âge ainsi qu’à MM. les secrétaires provisoires. (Appuyé !)
Si la chambre le veut, on se réunira demain pour la nomination de plusieurs commissions et notamment de celle qui doit rédiger le projet de réponse au discours du trône. (Oui ! oui !)
- L’ordre du jour de demain est ainsi fixé.
La séance est levée à 4 heures 1/2.