(Moniteur belge n°79, du 20 mars 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et demie.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Plusieurs pétitions adressées à la chambre sont renvoyées à la commission spéciale.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - A l’occasion des pétitions dont on vient de dire sommairement l’objet, je rappellerai qu’il y a une disposition du règlement qui est tombée en désuétude ; cette disposition exige que les pétitions soient imprimées dans le feuilleton trois jours avant le jour où le rapport est sera fait. Cette disposition a son importance : le ministre doit pouvoir se préparer sur les questions que soulèvent les demandes adressées à la chambre, et cette préparation devient impossible quand le feuilleton n’est distribué que la veille ou le matin du jour où les rapporteurs entretiendront la chambre des pétitions ; il est nous impossible que, sur une masse de pétitions qui peuvent soulever des questions de droit, le ministre soit en état de soutenir la discussion.
- Plusieurs membres. - C’est juste ! c’est juste !
M. A. Rodenbach. - La nation attend la discussion de la loi provinciale et communale ; le monarque, dans son discours d’ouverture, en fait mention ; en conséquence, je prierai M. le président de s’entendre avec M. le ministre de l’intérieur pour savoir si ces lois seront présentées. Nous n’avons plus rien à faire dans les sections. On dit pourtant que le projet de loi municipal est rédigé depuis quelques semaines.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Messieurs, il est très exact de dire que le projet de loi communale est terminé. Un membre de la commission, M. Jullien, a bien voulu se charger d’en revoir la rédaction, et devait soumettre la rédaction définitive à cette commission ; après ce dernier examen, le projet devait passer dans les mains de M. le ministre de l’intérieur et arriver à la chambre. C’est peut-être l’absence de M. Jullien qui est la cause du retard éprouvé. Je me charge des instances à faire près de M. le ministre de l’intérieur pour hâter la présentation de la loi.
M. de Brouckere. - Puisque les sections n’ont en ce moment rien à faire, je demanderai qu’on leur soumette le projet de loi que j’ai présenté sur les avocats à la cour de cassation.
M. le président. - Les travaux dans les sections ont été réglés d’après une résolution prise par la chambre.
L’ordre du jour appelle la continuation de la discussion du projet de loi sur la naturalisation.
La chambre en est à l’article 3 ainsi conçu :
« Art. 3. La grande naturalisation sera toujours l’objet d’une disposition spéciale.
« Pour la naturalisation ordinaire, la même disposition pourra en comprendre plusieurs. »
M. Dumortier. - Dans la précédente séance, j’ai eu l’honneur de dire à l’assemblée que je proposerais un amendement, afin qu’une enquête fût faite pour les grandes naturalisations. Il m’a paru que cette disposition pourrait figurer dans la loi par un article séparé ; mais on fait observer que la mesure est réglementaire. Alors je demande que le procès-verbal fasse mention de ma proposition. Les antécédents sont conformes à ma demande.
- L’article 3, mis aux voix, est adopté.
« Art. 4. Dans les huit jours après la sanction royale, le ministre de la justice adressera à la personne qui a obtenu la naturalisation, une expédition, certifiée par lui, de la disposition intervenue. »
- Cet article est adopté sans discussion.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Messieurs, plusieurs honorables membres ont exprimé la crainte qu’en accordant trop facilement la naturalisation ordinaire, et ont même exprimé le vœu que les effets de la naturalisation ordinaire fussent moins étendus que ne les accorde l’article premier de la section centrale.
Je crois, messieurs, qu’un très bon moyen de se mettre en garde contre l’affluence des demandes en naturalisation ordinaire, c’est de faire revivre une disposition de la législation qui existait antérieurement, c’est-à-dire d’exiger un droit des impétrants. Je pense qu’il s’agit ici d’un impôt volontaire ; car personne n’est tenu de demander la faveur de la naturalisation, laquelle n’est pas une libéralité comme l’a dit la section centrale.
Je conçois que l’on considère la grande naturalisation comme une libéralité ; la grande naturalisation est accordée plutôt pour l’avantage du pays que pour l’avantage de celui qui la sollicite. C’est à la fois un acte d’estime et de gratitude nationale. Un acte de gratitude nationale : il est impossible de lui ôter ce caractère quand la loi exige non seulement de grands talents, non seulement des services éventuels, mais encore des services rendus. Sous ce rapport, donc, les considérations présentées par la section centrale, de repousser toute espèce de droit pour la grande naturalisation, me paraissent de toute justice. Mais il n’en est pas de même de la naturalisation ordinaire ; elle est surtout à l’avantage des impétrants. Je ne vois pas pourquoi quand le trésor public est obligé de chercher des voies et moyens nouveaux, nous pousserions la prodigalité jusqu’à repousser un impôt contre lequel personne ne s’est élevé.
Voilà la disposition ancienne ; elle formerait un article 5 nouveau :
« Tout étranger qui aura obtenu la naturalisation ordinaire devra déposer au trésor public une somme de 200 fr. au moins, et de 1,200 fr. au plus, à fixer par le gouvernement. »
C’est pour éviter des discussions publiques sur les moyens pécuniaires de celui qui demande la naturalisation ordinaire, discussions fâcheuses pour celui qui en est l’objet et sans dignité pour la chambre : il ne faut pas qu’une assemblée délibérante descende dans des recherches inquisitoriales.
J’attendrai les observations qui pourraient être présentées sur cette proposition. Mais je crois que la plupart des membres de l’assemblée, et je suis de ce nombre, ne veulent pas que la naturalisation ordinaire soit accordée à des demandes indiscrètes.
M. Dumortier. - Je suis loin de repousser l’amendement de M. le ministre, car il est un moyen d’empêcher que le bureau ne soit encombré de demandes, et nous savons que toutes les naturalisations ordinaires n’auront qu’un but, celui d’occuper des emplois. Mais je prierai M. le ministre de nous dire ce qu’il entend faire pour la grande naturalisation s’il frappe la petite d’un droit.
- Plusieurs membres. - Le ministre ne demande rien.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Il résulte suffisamment des termes de mon amendement que l’on ne demande rien pour la grande naturalisation ; le silence de la loi équivaut à l’affranchissement ; mais, si l’on doutait, on pourrait facilement ajouter un mot qui lèverait toute incertitude. Cette addition serait cependant inutile : un impôt ne se présume pas ; il faut qu’il soit établi d’une manière spéciale.
M. de Haerne. - Messieurs, l’amendement proposé par M. le ministre de la justice ne remplit pas tout à fait le but que je m’étais proposé par la proposition que j’avais soumise à l’assemblée sur l’article premier du projet de loi. Mon but n’était pas seulement de rendre l’obtention de la naturalisation ordinaire plus difficile, mais aussi d’empêcher qu’elle ne devînt à peu près semblable à la grande naturalisation.
Je ne puis pas cependant m’opposer à l’amendement de M. le ministre de la justice. Je crois qu’il est d’autant plus équitable d’astreindre à un droit la petite naturalisation qu’on ne requiert pas pour cette naturalisation les mêmes conditions que pour la grande. Vous avez exigé des services éminents pour la grande naturalisation, vous n’avez rien dit pour la naturalisation ordinaire ; il suit de là que vous devriez accorder la petite naturalisation par cela seul qu’elle serait demandée.
J’appuie l’amendement ; je ne sais même pas si la somme ne devrait pas être majorée.
M. de Brouckere. - Mon intention n’est pas d’appuyer la proposition, ni de la combattre ; je vous avoue qu’en entrant en séance je ne m’attendais pas qu’un semblable amendement eût surgi. La section centrale s’était occupée de cette question, et l’avait résolue négativement par des moyens qu’à la première lecture j’ai regardés comme péremptoires. Ce n’est qu’un premier vote que nous émettons ; au second vote nous aurons à nous expliquer d’une manière définitive sur cette proposition. Je me réserve alors de la combattre.
Je dois cependant signaler dès aujourd’hui un inconvénient qui m’a paru attaché à l’amendement.
Le minimum est de 200 fr., le maximum de 1,200 fr. Des demandes en naturalisation nous seront adressées ; mais tel individu voudra bien se soumettre à un droit de 200 fr., et ne voudra ou ne pourra pas se soumettre à un droit de 1,200 fr.
La législature donnera la naturalisation, et le gouvernement pourra annuler le consentement législatif en exigeant le maximum, 1,200 fr. Il me semble qu’une pareille latitude laissée au gouvernement pourrait avoir de très graves inconvénients.
Voici encore un inconvénient ; c’est que la chambre est saisie d’une foule de demandes en naturalisation faites à une époque où les pétitionnaires ne pouvaient s’attendre à ce qu’on exigeât d’eux une rétribution. Parmi eux il s’en trouve qui ont des titres réels à la faveur qu’ils sollicitent. Vous allez les forcer à retirer leurs demandes.
Je crois que l’amendement de M. le ministre de la justice doit éprouver quelques modifications.
Je ne veux pas prolonger la discussion ; je me réserve de revenir sur l’amendement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je répondrai aux derniers motifs allégués par l’honorable préopinant, savoir : que ceux dont les pétitions ont été adressées tant à la chambre qu’au ministère de la justice ne devaient pas s’attendre à payer un droit, qu’ils devaient, au contraire, s’y attendre, car le droit existait : d’après la loi le droit était exigible, et il fallait un changement à la législation pour que le droit ne fût pas demandé. Il résulte de là que, généralement, ceux qui ont fait des demandes en naturalisation devaient croire qu’elle était soumise à un droit. Depuis dix ou douze années le droit était établi, et je ne fais qu’en demander la réintégration dans la loi nouvelle.
Un autre inconvénient est signalé par l’honorable préopinant ; il prévoit l’éventualité d’un changement dans l’opinion de ceux qui demanderaient la naturalisation ordinaire dans l’espoir de payer le minimum et de qui on exigerait le maximum. Je dirai qu’il faut la sanction royale pour que l’acte qui confère la naturalisation soit complet ; or, il est dans les droits et dans les devoirs du pouvoir de prendre des mesures pour s’assurer au préalable que le droit sera payé.
Au reste, M. de Brouckere n’a pas insisté, et après 24 heures de réflexion on pourra mieux apprécier la portée de mon amendement. Je ferai seulement remarquer que ce n’est pas une innovation.
M. de Brouckere. - Il m’importe de rectifier une erreur de fait dans laquelle M. le ministre est tombé. Selon lui, ceux qui vous ont adressé des demandes devaient avoir l’idée qu’ils seraient restreints à une rétribution quelconque, parce qu’une rétribution était exigée sous la loi ancienne. Mais, sous l’ancienne loi, ce n’était pas le pouvoir législatif qui accordait la naturalisation, c’était le pouvoir exécutif.
M. F. de Mérode. - Cela ne fait rien !
M. de Brouckere. - Cela ne fait rien ? Je vais tout à l’heure répondre à M. de Mérode.
Je dis qu’ils devaient croire que, la législation sur la naturalisation étant changée, le droit tombait. Tout le monde était dans cette opinion, excepté M. de Mérode.
Je lis dans le rapport présenté par l’honorable M. Fallon :
« Votre section centrale n’a pas hésité de reconnaître que cette loi spéciale, qui n’avait pour objet que des actes du pouvoir exécutif, ne pouvait recevoir d’application aux actes du pouvoir législatif que la loi générale sur l’enregistrement exempte de tout droit. »
Si la section centrale a pensé ainsi, voit-on maintenant que ceux qui ont adressé des demandes devaient croire qu’ils étaient exempts de toute rétribution ?
M. F. de Mérode. - Ce ne sont pas des jurisconsultes qui font des demandes en naturalisation. Quant à moi, je pense que ces personnes devaient croire qu’elles étaient soumises aux mêmes droits qu’on paie présentement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Il en est même qui ont demandé à payer.
M. Dumortier. - Membre de la section centrale, j’ai émis l’opinion, lorsqu’elle examinait le projet de loi, qu’un maximum et un minimum de rétribution fût exigé : je demanderai, par sous-amendement, que le minimum soit de 600 fr., et le maximum de 1,200 fr. Je le répète, on ne demande la naturalisation ordinaire que pour avoir une place.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je me rallierai volontiers à l’augmentation du minimum qui vient d’être proposée.
M. Dumortier. - L’année dernière la commission de naturalisation avait, dans son travail, proposé un droit. M. Destouvelles était président de cette commission ; sous le gouvernement provisoire, pareille rétribution était exigée, et cependant cette taxe était perçue au moment du danger : on ne peut pas faire maintenant la condition meilleure.
M. de Brouckere. - Je ne discute pas, je veux citer des faits. J’ai vu le travail de M. Destouvelles ; son projet comprenait beaucoup de personnes dont la demande en naturalisation était accompagnée d’une demande en exemption de droit ; avec la proposition de M. le ministre, on ne peut exempter personne. Il est des cas où des personnes ont été exemptées de la rétribution.
Je le répète, je ne veux pas discuter l’amendement qui est tombé impromptu au milieu de nous.
M. Nothomb. - J’avais demandé la parole pour rappeler le fait cite par M. Dumortier. J’ai fait moi-même des démarches pour que des personnes du grand-duché de Luxembourg ne payassent que le minimum du droit.
M. Dubus. - Il est des cas, dit-on, où il faut exempter du droit, et on ne pourra le faire ; l’assertion est inexacte : la constitution dit que toute modération d’impôt ne peut être accordée sans le pouvoir législatif ; vous pourrez donc, en rendant la loi qui accorde la naturalisation ordinaire, accorder en même temps l’’exemption ou la diminution.
M. Verdussen. - On a déjà vu que l’unanimité n’était pas, dans la section centrale, pour rejeter la rétribution. Membre de cette section centrale, je n’étais pas présent lors de la discussion de cette partie de la loi ; mais si j’avais été présent, je me serais prononcé pour établir le droit.
L’amendement de M. le ministre est la reproduction de l’article de l’ancienne loi, à l’exception que la grande naturalisation payait un droit. Cet article se terminait par une disposition qui permettait d’exempter l’impétrant du droit. Je voudrais que M. le ministre expliquât pourquoi il a supprimé cette partie de l’article.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je l’ai dit, je crois qu’une discussion publique sur les facultés pécuniaires d’un citoyen pouvait compromettre la dignité de la chambre, et livrer l’état privé de ce citoyen à une investigation pénible.
Ces raisons militent également pour que l’on ne mette pas dans la loi une disposition qui donnerait au pouvoir législatif plus de droits qu’il n’en a. La chambre est toujours maîtresse d’exempter du droit un particulier qui lui paraîtrait mériter cette faveur. Mais je crains qu’une disposition spéciale sur cet objet, introduite dans la loi, ne provoquât la demande de l’exemption. Cependant, si l’on persistait à demander l’insertion de l’ancienne disposition dans la loi, je ne m’y opposerais pas.
M. Verdussen. - La faculté d’exempter de tout droit la naturalisation était admise ; je crois qu’il faut la rétablir dans la nouvelle loi, ou qu’il faut laisser au gouvernement le moyen de fixer le droit si bas qu’une personne qui le mériterait en fût à peu près exempte. J’ai eu l’honneur de faire partie de la commission de naturalisation, et plusieurs pièces relatives à des demandes me sont tombées dans les mains : la commission était d’avis d’exempter de tout droit plusieurs personnes qu’elle voulait admettre à l’honneur de devenir Belges.
Il y a un professeur attaché à une académie de ce pays qui a été repoussé de sa place, sous le prétexte qu’il devait se faire naturaliser ; il est vrai, on l’a réintégré, mais je connais une autre personne qui est réduite à l’aumône pour s’être trouvée dans une situation pareille.
M. Desmanet de Biesme. - Je veux vous soumettre un doute que je conçois ; je suppose que des habitants des districts cédés en vertu des 24 articles demandassent à être Belges ; seraient-ils soumis à un droit en vertu de ces 24 articles que je n’ai pas là présents à la mémoire ?
M. Nothomb. - Ils sont Belges.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Les habitants des territoires cédés doivent être placés dans une catégorie à part. Je crois que les habitants de ces territoires qui voudront devenir Belges, le seront ipso facto. Il ne faut pas revenir sur un traité qui a été arraché à la législature par une nécessité douloureuse et impérieuse. A cet égard, il faudra une disposition particulière.
On a cru devoir garder le silence sur ce point. Déjà on a prononcé l’ajournement sur d’autres dispositions, par les mêmes raisons de convenance qui m’ont empêché de parler du cas dont il s’agit dans la loi en discussion.
M. Marcellis. - Je vois avec plaisir que l’on établit des conditions pour la petite naturalisation. J’avais remarqué qu’il ne suffisait pas d’établir des conditions pour la grande naturalisation, qu’il fallait en établir aussi pour la petite. Cependant, pour ne pas prolonger la discussion, je n’aurais pas parlé de ces conditions si le ministre n’avait pas attiré l’attention de la chambre sur cet objet. J’adhère aux conditions qu’il propose, et je crois que son amendement devrait faire suite à l’article 2. Cet article 2 stipule les conditions par lesquelles s’obtient la grande naturalisation, Il devrait donc être suivi des conditions requises pour obtenir la petite naturalisation.
On pourrait rappeler ici un amendement qui a été rejeté pour la grande naturalisation, c’est la condition de séjour. Pour les grands services rendus, je conçois qu’il est impossible de retarder la naturalisation ; mais, dans les circonstances ordinaires, lorsqu’un citoyen estimable, doué de quelque fortune, veut faire partie de notre association politique, on peut lui demander quelque garantie sous le rapport de la moralité, en exigeant qu’il ait demeuré parmi nous, en exigeant qu’il nous ait prouvé quelque stabilité dans ses principes.
Je demande donc formellement que, préalablement à l’amendement de M. le ministre, on discute celui-ci :
« La naturalisation ordinaire ne peut être conférée qu’à ceux qui, depuis 5 ans, sont domiciliés en Belgique. »
Après cet amendement, on mettrait celui de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Mon amendement n’est pas une condition.
M. de Brouckere. - il faut exiger aussi que le pétitionnaire ait 23 ans accomplis.
M. le président. - Voici alors comment l’amendement serait conçu :
« La naturalisation ordinaire ne peut être accordée qu’à ceux qui, ayant accompli leur 23ème année, sont depuis 5 ans domiciliés en Belgique. »
Le sous-amendement de M. Desmanet est celui-ci : « Néanmoins, les personnes qui ont omis de faire la déclaration prescrite par l’article 133 de la constitution, sont exemptes du droit. »
- L’amendement de M. Marcellis, mis aux voix, est adopté.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je ne crois pas qu’on puisse sérieusement considérer le paiement du droit comme une condition. Un homme qui veut exercer une industrie, ne paie pas un droit avant de commencer à l’exercer ; il l’exerce, puis le fisc lui fait payer patente.
Sauf le cas prévu par M. Desmanet, il serait impossible de rattacher mon amendement aux conditions que l’on exige pour devenir Belge. Les conditions sont attachées à la personne ; les mesures fiscales ne peuvent donc pas être des conditions.
M. le président. - L’amendement de M. Marcellis se classera plus tard.
M. Marcellis. - Mon amendement formera un article 3, ou un second paragraphe à l’article 2.
M. le président. - Voici l’amendement de M. le ministre de la justice :
« Tout étranger qui aura obtenu la naturalisation ordinaire devra verser au trésor public une somme de 200 francs au moins et de 1,200 francs au plus, à fixer par le gouvernement. »
M. A. Rodenbach. - Il y a un sous-amendement de M. Dumortier. Il demande que le minimum soit de 600 francs.
- Le sous-amendement de M. Dumortier, mis aux voix, est adopte.
L’amendement de M. le ministre de la justice, modifié par le sous-amendement de M. Dumortier, mis aux voix, est également adopté.
M. Desmanet de Biesme. - J’ai partagé l’avis de ceux qui voulaient rendre la grande naturalisation difficile ; mais je ne crois pas qu’on doive établir des difficultés à l’égard des personnes qui ont négligé de faire la déclaration prescrite par l’article 133 de la constitution. Il y a des personnes qui sont établies depuis plus de 20 ans en Belgique ; il me paraît juste de les exempter du droit.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Oui ! oui !
- Le sous-amendement de M. Desmanet est adopté.
L’article composé de l’amendement de M. le ministre de la justice et du sous-amendement de M. Desmanet, est adopté.
« Art. 5. L’impétrant se présentera, muni de cette expédition, devant l’officier de l’état-civil du lieu de son domicile, et prêtera entre ses mains le serment suivant :
« Je jure (promets) fidélité au Roi, obéissance à la constitution et aux lois du peuple belge. »
« Il sera immédiatement dressé acte de la prestation au bas de l’expédition prémentionnée. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Comme complément de l’amendement adopté, je reproduirai la disposition ancienne, contenue dans le projet proposé par M. Raikem, alors ministre de la justice :
« L’admission au serment pour obtenir la naturalisation ordinaire n’aura lieu que sur la production de la quittance, portant acquittement du droit fixé. »
M. Verdussen a la parole et prononce le discours suivant. - Lorsque dans la section centrale, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, le projet de loi qui nous occupe a été discuté, je me suis opposé à l’adoption de l’article 5, qui exige des naturalisés la prestation d’un serment semblable à celui prescrit par les lois antérieures aux fonctionnaires publics. Obligé par d’autres travaux de la chambre à me séparer momentanément de mes honorables collaborateurs, je n’ai pu leur développer les motifs de mon opposition, me réservant de les exposer devant vous, messieurs, dans l’espérance que vous partagerez l’opinion que j’ai émise contre un article que je n’hésite pas à vous signaler comme inconséquent, immoral et injuste.
Depuis qu’il est généralement reconnu que la révolution belge a été moins faite dans l’intérêt matériel de la nation que dans son intérêt moral ; depuis que le grand principe de la liberté en tout et pour tous a été si hautement proclamé par le titre second de notre pacte fondamental, et notamment, la liberté des cultes et des opinions par l’article 14, on peut s’étonner avec quelque raison de voir une nouvelle disposition législative venir réhabiliter l’asservissement de la pensée d’une manière aussi absolue que le propose l’article que je combats.
Qu’on se rappelle l’immorale profusion du serment sous le gouvernement précédent et le dégoût qu’en éprouvaient les Belges, qu’on se rappelle surtout l’accueil favorable qu’ils ont fait à l’arrêté du gouvernement provisoire du 17 octobre 1830, par lequel le serment en matière de succession a été aboli, et on se convaincra facilement que le peuple a vivement désiré que la législation future en fût extrêmement sobre.
Cet arrêté-loi auquel mes honorables collègues MM. Félix de Mérode, Rogier et Gendebien ont, avec d’autres, eu le bonheur de pouvoir apposer leurs signatures, cet arrêté, dis-je, et surtout le considérant qui en expose les motifs, furent dictés sous la première influence de l’indignation publique contre l’oppression morale, et rend parfaitement l’esprit d’une nation impatiente de soustraire l’opinion religieuse individuelle à l’empire tyrannique de la loi civile : il prouve que ce serait un pas rétrograde vers un système justement flétri, et que vous commettriez une inconséquence capitale, si, par l’adoption du serment pour les naturalisés, vous vouliez chercher dans un acte purement spirituel la garantie d’une fidélité dont il n’est permis de juger que par les actes extérieurs de l’homme.
J’ai proféré le mot d’opinion religieuse ; j’ai parlé du for intérieur, messieurs, et je n’ai pu m’en empêcher : cette seule mention devrait vous montrer combien la question qui nous occupe est peu de notre ressort. En effet les légistes comme les théologiens, d’accord sur la définition du serment, y voient « un acte religieux dans lequel on prend la divinité à témoin de la vérité de ce qu’on affirme ou de la sincérité de ce qu’on promet. » La divinité ! mais songez, messieurs, qu’au vœu de la loi il ne faut pas y croire : un athée peut constitutionnellement siéger même parmi vous.
Je sais que la formule d’invocation : « Que Dieu me soit en aide ! » ne se trouve plus explicitement dans les serments que nous prêtons, ce qui, suivant quelques auteurs, les transforme en simples promesses ; mais je sais aussi que, suivant l’opinion commune, elle y est toujours renfermée implicitement ; et voulût-on même contester cette vérité, il suffit que tel ou tel individu l’y trouve encore maintenue pour qu’elle exerce son influence sur lui, et dès lors la liberté illimitée de la pensée, que notre constitution libérale établit si péremptoirement, se trouve violée à son égard.
On me dira peut-être que les considérations générales auxquelles je viens de me livrer, s’appliquent à tout serment prescrit par la loi et semblent tendre à ne plus l’exiger dorénavant, pas même des fonctionnaires publics. Cette opinion-là pourrait être soutenue comme une autre, elle le serait peut-être victorieusement ; mais je ne vais point jusque-là, messieurs, et, sans sortir de la question, je soutiens qu’en présence de notre nouvelle loi fondamentale et de nos antécédents, on ne peut sans inconséquence imposer le serment pour sûreté de l’accomplissement des obligations communes à tout Belge, même à celui qui ne jouit point de tous ses droits politiques.
Quoi ! messieurs, par l’arrêté du 17 octobre 1830, vous avez délivré les consciences des Belges du fardeau d’un serment qui pouvait être en opposition avec leurs intérêts matériels, et vous voudriez le réimposer aux étrangers que vous jugez dignes de vous être associés comme frères ? Ce serait détruire votre ouvrage en réintroduisant le serment non seulement dans la loi des successions, mais en l’insérant virtuellement pour les naturalisés dans toutes les autres lois ; ce serait rendre notre législation toute partiale, tyrannique pour les uns, libérale pour les autres ; car je vous prie de remarquer, messieurs, que, d’après le projet de loi, tout naturalisé doit jurer non seulement fidélité au roi et à la constitution, mais encore observance exacte de toutes les lois présentes et futures, des devoirs qu’il connaît et de ceux qu’il ignore.
Je peux concevoir une semblable exigence vis-à-vis de ceux que vous vous attachez par des bienfaits dont vous récompensez leur fidélité, ou de ceux dont vous réclamez des services spéciaux et circonscrits, parce que les obligations que leur impose leur serment ont pour bornes les limites de leurs emplois ou de leurs attributions ; hors de là ils rentrent dans la classe commune des citoyens, et les fautes qu’ils commettent comme tels ne les rendent au moins par parjures.
Mais l’étranger devenu Belge, s’il a le sentiment de l’honneur, de la probité et du respect dû à la déclaration solennelle qu’il va proférer, ne peut sans frémir, envisager l’opprobre dont il se couvrirait à ses propres yeux en se parjurant par la plus chétive peccadille contre la plus vexatoire de nos lois fiscales. C’est ainsi par exemple, qu’à l’égard de l’impôt personnel, il peut croire avoir faussé son serment en recelant un meuble, en ouvrant un foyer, en attelant une seule fois le cheval de sa charrue à une voiture suspendue, on en faisant vergeter son manteau par l’ouvrier de l’usine : contraventions qu’il est presque ridicule de mentionner tant elles sont futiles, et qui néanmoins peuvent être envisagées comme des crimes par les conséquences absurdes du serment contre lequel je m’élève. A ces vétilles, me dira-t-on, le nom de parjure ne peut s’adapter ; mais encore une fois, messieurs, cela n’est pas de notre ressort ; il ne nous appartient pas de poser des limites aux scrupules d’un homme, ni de juger de la portée que dans sa pensée il donne au serment qu’il a prêté.
En traitant de l’inconséquence de l’article 5, j’ai été presque involontairement entraîné à traiter aussi de son immoralité, du moins sous quelques points de vue ; mais il est d’autres considérations qui justifient encore le reproche que je lui fais à cet égard, et pour vous en convaincre, messieurs, il suffit de jeter les yeux sur le considérant de l’arrêté-loi du 17 octobre 1830, que j’ai déjà cité, et qui, entre autres motifs de l’abolition du serment, dit textuellement : « Que le système de chercher dans le serment une garantie de la sincérité des déclarations en matière de succession est entaché d’immoralité, puisqu’il tend à placer les citoyens entre leur intérêt et leur conscience. » Et si ce principe est d’une vérité incontestable, s’il a été appliqué avec tant de justesse à une circonstance particulière, à un fait isolé, combien plus justement encore ne s’applique-t-il pas lorsque l’engagement par serment s’étend sur tous les devoirs que le citoyen doit remplir envers l’Etat ?
Pour donner au serment toute l’importance qu’il mérite, ne le prodiguons pas, et pénétrons-nous de l’esprit de l’article 127 de la constitution qui a jugé qu’il ne fallait rien moins que tout l’appareil d’une loi spéciale pour l’imposer et pour le formuler ; gardons-nous donc de l’exiger, si ce n’est dans des cas solennels et par conséquent infiniment rares, et notamment dans ces cas où la position particulière du citoyen, en lui imposant des devoirs essentiellement moraux, peut aussi légalement exiger de lui une garantie toute morale : telles sont, par exemple, les conditions du juge, de l’expert, du juré.
Mais certes on ne peut rien imaginer de plus propre à atténuer le respect dû à une déclaration aussi imposante que de la rendre commune à tous ceux que la nation envisage comme si le hasard les avait fait naître sur le sol de la Belgique, tandis que vous ne léguez à la majeure partie de ses enfants adoptifs qu’une faible portion des droits que vous reconnaissez aux indigènes obscurs, parmi lesquels ils sont destinés à vivre sans éclat et sans distinction publique.
Enfin, messieurs, l’immoralité du serment dont il s’agit ici se montre encore en ce que la rigueur de cette disposition atteint spécialement les hommes qui méritent le plus vos égards et qu’elle les frappe toujours plus douloureusement en raison du plus de droits qu’ils ont à votre estime : ce n’est point l’être immoral, avili, pour qui la conscience, l’honneur et les devoirs sociaux ne sont que de vains mots, qui reculera devant la majesté du serment ; mais c’est l’homme consciencieux scrupuleux et délicat qui sera alarmé et troublé dans son âme à la seule vue de la possibilité d’un parjure ; et cet homme-là est précisément celui pour lequel les garanties et les sûretés nous sont moins nécessaires.
Cette dernière considération m’amène naturellement à vous démontrer que l’exigence du serment peut, dans le cas présent, être taxée d’injustice. En effet, que craignons-nous, messieurs ? L’oubli de devoirs graves dans le cœur de l’honnête homme, et que l’homme sans principes transgresse chaque fois que son intérêt l’y pousse. Et quelle sûreté exigeons-nous ? Une garantie morale qui n’est point un frein pour celui-ci, et qui pour des minuties peut jeter le tourment du remords dans l’âme de celui-là. Ces effets sont précisément l’inverse de ce que toute bonne loi doit produire.
Le projet de loi, en admettant de substituer, dans certains cas, aux mots « je jure » les mots « je promets, » et en n’exigeant plus la formule d’invocation, a sans doute eu en vue de tranquilliser toutes les consciences, et de respecter toutes les opinions ou croyances religieuses. Mais par là il a, sans contredit, également établi de fait des catégories distinctes, ou, pour mieux dire, il a admis une espèce de privilège en faveur de ceux qui, dans le serment sans invocation, ne voient plus qu’une simple promesse, ou de ceux à qui le serment fait horreur.
Avec ces idées libérales que feriez-vous, messieurs, pour les sectaires auxquels, non seulement tout serment répugne, mais qui vous déclareraient ne pouvoir dans leur croyance admettre aucune formule qui le remplace ? Evidemment, d’après nos principes constitutionnels d’une liberté illimitée, vous devriez exempter ces religionnaires du devoir du serment ou de ce qui le remplace ; car nous ne voulons faire violence à l’opinion de personne : voilà donc votre loi, terrible pour les uns, lâche pour d’autres et nulle pour un petit nombre.
Comment concilier de semblables anomalies avec la grande maxime de l’article 6 de la constitution : que tous les Belges sont égaux devant la loi ? Une disposition législative peut-elle être admise, qui n’aurait pas une égale portée pour tout le monde, qui opprimerait le juste et serait favorable au scélérat ?
Il ne me reste qu’à dire deux mots du motif qui paraît avoir déterminé principalement la majorité de la section centrale à conserver le serment dans le projet de loi, motif que M. le rapporteur a reproduit dans une séance antérieure et qui repose sur l’antécédent relatif à la naturalisation du général Evain. Je répondrai en premier lieu qu’il s’agit aujourd’hui d’établir la règle, dont un antécédent isolé ne peut être envisagé que comme l’exception ; en second lieu, que si un fait particulier devait à jamais tracer la ligne à suivre, il ne faudrait plus établir la règle ; troisièmement que le système de se croire lié par tout antécédent rendrait le perfectionnement de nos lois impossible et porterait une sorte d’atteinte à l’indépendance de la législature ; enfin, qu’il est très rationnel de supposer que, dans la discussion d’une naturalisation particulière, on n’a pas traité à fond une question de principe de cette nature, qui trouve naturellement sa place dans la discussion d’une loi réglementaire.
J’ai taxé l’article 5 d’inconséquence, d’immoralité, d’injustice ; je crois avoir suffisamment démontré qu’il est entaché de tous ces vices : ce résultat sera toujours le même chaque fois que dans un projet de loi on s’écartera des principes de la distinction des pouvoirs tracée explicitement et implicitement dans la constitution chaque fois que la loi civile confondra l’homme physique avec l’homme moral, chaque fois enfin que la législation humaine voudra pénétrer dans le sanctuaire de la pensée. Gardons-nous, messieurs, de tomber dans de semblables erreurs ; quant à moi, je les estime d’une nature tellement grave que la seule conservation de l’article 5 me suffirait pour rejeter toute la loi : puissiez-vous en juger de même !
M. de Foere. - J’avais demandé la parole pour émettre la plupart des observations que vient de vous faire connaître le préopinant ; pour économiser notre temps, messieurs, je me bornerai à prouver en peu de mots que 1’article 5 est absolument inutile.
Les individus qui obtiendront la naturalisation seront appelés à des fonctions publiques ou ne le seront pas ; s’ils sont admis à des fonctions, ils seront forcés de prêter serment en qualité de fonctionnaires ; il y aurait double emploi. Dans l’autre cas, s’ils ne sont appelés à aucunes fonctions, ils seront sur le même pied que tous les autres Belges, et seront soumis comme eux aux dispositions du code pénal. En cet état de choses, je considère l’article 5 comme inutile.
M. Olislagers. - Messieurs, je viens aussi m’opposer au serment auquel les personnes qui obtiendront la naturalisation seraient soumises par l’article 5 du projet de loi en discussion ; la nécessité de soumettre les naturalisés à cette solennité ne m’est pas assez évidemment prouvée. Eh ! pourquoi, messieurs, soumettrions-nous le Belge naturalisé à contracter des obligations de conscience que le Belge du naissance ne contracte pas ?
D’après mon opinion, il faut faire un usage très rare du serment et ne l’exiger que dans des circonstances indispensables : comme, par exemple, pour des hauts fonctionnaires le serment peut avoir un but ; mais, dans cette circonstance, je n’en vois pas l’utilité, et il faut bien prendre garde de ne pas exposer les personnes à se rendre parjure.
On m’objectera peut-être, messieurs, que la chambre a déjà admis le principe dans la loi du 3 mai dernier, relative à la naturalisation du général Evain ; j’aurais honneur de vous observer, messieurs, que, d’après mon avis, ceci ne peut pas être admis comme un antécédent : ce n’était qu’un fait particulier auquel nous n’avons peut-être pas fait assez attention ; mais à présent que nous discutons un projet de loi générale, nous devons être bien prudents de ne pas admettre trop facilement dans la loi un principe aussi délicat que la prestation du serment : cette considération m’engage à demander la suppression de l’article 5, et si, contre mon attente, la chambre n’admettait pas ma demande, je déclare que je voterai contre la loi, à moins que la discussion ne me prouve évidemment la nécessité du serment.
M. Nothomb. - Je crois avec les honorables préopinants qu’il ne faut pas prodiguer le serment prescrit par la constitution ; je reconnais avec eux les abus commis sous le gouvernement déchu, où on l’imposait mal à propos et en vertu d’un simple arrêté. Mais les discours de ces honorables membres tendraient à proscrire le serment dans tous les cas, et ces discours auraient trouvé leur place, non dans la discussion actuelle, mais dans celle de l’article 127 de la constitution ; c’est alors que s’est élaborée la question de savoir s’il y aurait un serment : alors on aurait pu opposer au fond toutes les raisons qu’on nous présente.
Aujourd’hui, nous devons nous borner à l’examen de la constitution ; nous y trouvons le serment en principe ; la question est de savoir dans quel cas nous devons appliquer la disposition de l’article 127, et je crois que la naturalisation est dans ce cas. Je crois que l’individu qui vient chercher une patrie parmi nous, doit contracter avec sa patrie nouvelle, doit faire une manifestation solennelle de ses intentions.
La liberté de conscience ne subit pas ici la moindre atteinte ; pour ceux qui auront des scrupules religieux, il y aura une formule particulière : « Je promets. » Les consciences sont en paix ; on pourra mettre la formule ou prêter serment, suivant les rites religieux ; alors toutes les difficultés disparaissent.
Enfin, messieurs, la discussion n’est pas nouvelle ; nous avons déjà accordé le serment dans diverses circonstances ; les officiers étrangers y sont assujettis aux termes de la loi du 22 septembre 1831 ; on n’a donc fait que reproduire une disposition déjà consacrée.
Je ne pense pas qu’on puisse trouver une garantie suffisante dans le fait de la naturalisation ; car, lorsque nous entrons dans cette enceinte, nous devons promettre publiquement de maintenir la constitution et les lois. En résumé, je crois que la discussion est intempestive.
M. de Foere. - Messieurs, l’honorable préopinant vous a dit que l’opinion de l’honorable M. Olislagers et la mienne tendaient à proscrire le serment ; bien au contraire : notre opinion tend seulement à maintenir les serments qui sont prescrits par les lois actuellement en vigueur ; nous ne voulons pas qu’il soit dilapidé, qu’il soit prodigué. J’ai dit qu’en ce qui concernait l’article 5, la disposition du serment était tout à fait inutile par la raison que si le naturalisé est admis à des fonctions publiques, il prête le serment prescrit par la loi, et que, s’il n’y est pas appelé, tout serment est inutile.
M. Angillis. - Messieurs, je pense aussi que, dans le cas présent, le serment est inutile, sinon dangereux.
Le serment est l’acte le plus redoutable à la conscience de l’homme de bien, il n’est qu’une simple formule aux yeux des autres. L’ancien gouvernement, en plaçant constamment le contribuable entre son intérêt et le mensonge, en introduisant le nom de Dieu dans les misérables débats du fisc avec l’habitant pour lui arracher quelques florins de plus, a causé à la société un mal qui ne sera pas réparé de sitôt. N’imitons pas ce gouvernement ; à l’exception des actions judiciaires, réservons le serment pour fortifier les obligations attachées à des fonctions nécessaires. Ne prodiguons pas le serment ; car, si dans tous autres cas vous faites attester le ciel et lever la main à l’homme de bien, c’est une mesure inutile ; si c’est à un méchant que vous demandez le serment, vous faites faire un parjure.
Le véritable lien politique n’est pas dans le serment, ce lien réside dans l’immense intérêt des hommes à maintenir un gouvernement : sans gouvernement point de propriété, point de sûreté, point d’industrie. Ces vérités sont connues de toutes les classes de la société. Pour tenir le peuple dans le devoir, il n’est pas nécessaire de faire jurer les habitants : faites de bonnes lois, créez de sages institutions, et chacun sera attaché au sol qu’il habite. Le gouvernement est le premier percepteur du peuple : s’il désire que le peuple soit soumis aux lois, il faut qu’il observe scrupuleusement toutes ces obligations, et qu’il regarde la justice comme la base de tous ses actes ; il faut qu’il donne l’exemple en tout : cet exemple sera modèle pour le peuple, et alors la tranquillité est assurée. Mais si la loi devient le masque de la tyrannie, et le pouvoir instrument du despotisme, tous les serments possibles ne maintiendraient pas la tranquillité ; car, si alors elle pouvait exister, elle ne serait plus que la patience honteuse des esclaves, ou la servitude de l’ignorance.
Je voterai donc pour la suppression du serment, qui ne peut opérer aucun bien, tandis qu’il peut devenir la source d’une grande impiété.
En conséquence, j’ai l’honneur de proposer une nouvelle rédaction de l’article 5 en ces termes : (Ici, l’orateur donne lecture de son amendement, qui est appuyé.)
M. le président donne lecture des deux amendements de MM. Olislagers et Angillis ; ils sont appuyés.
M. le président. - Voici un autre amendement de M. Donny : « Je promets sur l’honneur fidélité au Roi, et d’observer la constitution et les lois du peuple belge. »
M. Donny. - Messieurs, j’ai toujours désiré, et je désire encore, que la législation écarte du serment tout caractère religieux, parce que je n’aime pas que les affaires de ce bas monde viennent se mêler à la divinité.
On vous a parlé de l’article 5 ; on vous a dit qu’il consacrait une déclaration solennelle et officielle. Cet argument me semble de peu de poids, puisqu’on trouve dans la formule une obligation religieuse ; c’est ce qui m’a engagé à présenter une rédaction qui véritablement n’est qu’une déclaration solennelle.
- L’amendement de M. Donny n’étant pas appuyé, ne sera pas mis en discussion.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je commencerai par déclarer, messieurs, que, généralement parlant, je tiens peu à la formalité du serment.
Je crois qu’il y a du vrai dans le dilemme posé par plusieurs orateurs : si le serment est exigé d’un honnête homme, il est inutile ; s’il est demandé à un homme immoral, il est inutile aussi.
Mais, comme on l’a déjà fait observer, cet argument va beaucoup plus loin que la spécialité du cas actuel ; il s’en suivrait qu’on devrait l’abolir dans tous les cas prévus par la constitution, par la législation. Non seulement pour les fonctionnaires publics, mais aussi pour les simples citoyens qui, par l’effet du serment, sont quelquefois placés entre leur conscience et leur intérêt : par exemple, le serment « litis » décisoire qui, depuis la législation romaine jusqu’à nos jours, est inscrit dans les lois. Certes, si jamais un homme fût placé entre sa conscience et son intérêt, c’est celui qui est appelé à prêter un serment d’où peut dépendre le gain ou la perte d’un procès important.
S’il s’agissait de redemander le serment en matière de succession, je concevrais qu’on refusât de le consacrer, parce que la loi ne doit pas sanctionner une provocation continuelle à la corruption et au parjure ; mais si, pour protéger les citoyens contre ce danger, vous croyez devoir supprimer tout à fait le serment, vous bouleverseriez la législation. Ainsi, serment « litis » décisoire, serment supplétoire, serment de jurés, serment de témoins, tout devra disparaître.
Je pense donc, messieurs, que s’il ne faut pas prodiguer le serment, s’il ne faut pas y attacher une importance exagérée, il faut cependant considérer les mœurs et les habitudes d’un pays. Je crois que si on proposait aujourd’hui la suppression de tous ces serments spéciaux, on n’obtiendrait pas l’assentiment de l’assemblée.
Vous ne voulez pas prodiguer le serment, vous avez raison ; mais voulez-vous prodiguer les naturalisations ? Non sans doute ; l’importance de cet acte a été si bien appréciée par vous, que vous l’avez entouré de précautions, en exigeant des uns qu’ils aient rendu des services éminents à l’Etat, des autres la garantie d’un séjour de cinq années. Vous ne prodiguez donc pas le serment, si vous l’attachez à une faveur que vous voulez considérer comme grande et dont vous vous montrez avares.
Je ne conçois, dans la formule du serment demandé, rien qui soit de nature à blesser les croyances religieuses ; c’est une formule qui peut être adoptée, même en l’absence de tout culte ; c’est une simple déclaration civique qui ne peut pas plus blesser les consciences que ne le fait l’obligation imposée à chacun de vous avant de prendre part à nos délibérations.
Mais, a dit un honorable préopinant, on pourrait souvent vous demander le serment d’observer des lois contre lesquelles votre conviction protesterait. Je répondrai que chacun a le droit de demander l’abrogation d’une loi par voie de pétitions, par la presse on par l’initiative parlementaire, s’il est membre du corps législatif ; mais, à côté de ce droit, est, pour chaque citoyen, le droit d’observer la loi même qu’il juge mauvaise aussi longtemps qu’elle subsiste.
La formule proposée n’est qu’une promesse civique, et pour en faire disparaître, dans l’opinion de certaines sectes, tout caractère religieux, on a mis le mot « promets ». Si on pousse le scrupule trop loin, on peut arriver jusqu’à dire qu’il ne faut pas exiger de serment d’un étranger naturalisé, de peur de blesser sa conscience s’il se fait contrebandier, parce qu’on le met entre son intérêt et son devoir. L’exemple que je suppose a été, en quelque sorte, indiqué par un honorable préopinant.
On tient trop peu de compte de l’influence du serment comme obligation morale. Une classe d’homme, dans laquelle les scrupules religieux ne sont pas portés très loin, c’est l’armée ; eh bien ! quand vous faites un appel au serment du soldat, à l’engagement d’honneur qu’il a contracté, celui même qui n’y répondrait pas, comme on pourrait le désirer, sera tout au moins assailli de doutes et de scrupules ; il hésitera. Si vous le dispensez de cette formalité, je ne dis pas que vous le dégagerez à ses yeux de toute espèce d’engagement ; mais vous aurez effacé pour lui une idée qui se lie intimement à la conscience de son devoir.
On a dit qu’il était inutile d’exiger le serment d’un naturalisé, puisqu’on ne l’exigeait pas d’un Belge. Suivant l’article 8 du projet, tant que le serment n’est pas prêté, la naturalisation n’est pas parfaite ; le serment la consacre, il en est le complément ; il n’y a pas de naturalisation sans serment.
Mais, dit-on, vous n’exigez pas de serment des indigènes ; vous n’en avez le droit que quand ils acceptent des fonctions publiques. La différence est sensible : chez l’indigène, il y a présomption d’attachement aux lois, aux institutions du pays, au gouvernement qui le régit, aussi longtemps qu’il n’y a pas preuve contraire, tandis que pour le naturalisé la présomption est tout autre.
Il doit donner cette preuve solennelle que son intention est de s’attacher à son pays d’adoption, de s’y dévouer de cœur ; je ne sais pas si jamais on a poussé l’exigence moins loin qu’en demandant une formalité qui ne saurait blesser la croyance du naturalisé, qui est toute volontaire, toute spontanée, puisque rien ne l’oblige à quitter sa patrie. Je ne puis donc admettre, comme on l’a prétendu, que ce serment soit inquisitorial, absurde, inconvenant, et ces réclamations ne me semble fondées sur rien.
M. de Brouckere. - Faut-il exiger le serment, oui ou non ? Je partage l’opinion de ceux qui regardent le serment comme inutile, comme immoral, comme dangereux.
Je ferai observer au seul orateur qui ait soutenu le système du ministère, que personne n’a voulu proscrire les serments en général ; bien loin de là, M. de Foere a posé un dilemme, d’où il résulte qu’il admet le serment pour les fonctionnaires.
Plusieurs orateurs, et je suis de leur avis, veulent qu’on assujettisse au serment quand il présente quelque utilité. Les témoins prêtent serment parce qu’ils peuvent être poursuivis pour avoir violé leur serment : les fonctionnaires prêtent serment parce qu’ils peuvent également être poursuivis pour avoir violé leur serment.
Vous faites le procès au serment, a dit le même orateur, et cependant vous avez astreint les officiers étrangers à prêter serment : c’est que nous avons été conséquents avec nous-mêmes : ces officiers devenaient fonctionnaires et nous voulons que les fonctionnaires prêtent serment.
J’ai dit que le serment était inutile de la part des étrangers naturalisés. Lisez la formule du serment.
Je suppose que l’étranger viole le respect qu’il doit à la constitution et aux lois du peuple belge, mais que l’acte par lequel il aura manqué ne soit point punissable d’après les lois qui nous régissent ; quelle action aurez-vous contre ce parjure ? Vous serez forcés au silence : d’où il résulte que l’article est tout à fait illusoire, sans sanction.
Voulez-vous prodiguer la naturalisation ? Non : croyez-vous qu’un étranger s’abstiendra de demander la naturalisation parce qu’il sera obligé au serment ?
Non ; et cette réponse fait tomber les arguments.
Supposez que dans l’état actuel de notre législation un naturalisé soit appelé à faire une déclaration de succession, et ne la fasse pas complète ; il y aura lieu à le poursuivre par suite de nos lois fiscales, et il y aura de plus lieu à le poursuivre comme parjure, parce qu’il aura violé une loi. Il y aura donc deux sortes de mesures : l’une contre les nationaux, qui ne sera que fiscale ; l’autre contre les naturalisés, qui sera la poursuite contre les parjures.
Le serment que l’on veut exiger n’est pas un acte religieux ; c’est une simple promesse civique : et qu’est-ce donc qu’un serment, si un serment n’est pas un acte religieux ? Mais voyez donc la définition du serment : « C’est un acte par lequel vous prenez Dieu à témoin que vous ne violerez pas la promesse que vous faites ; » toute autre définition est fausse.
Le mot « je jure » signifie qu’on prend Dieu à témoin du serment ; le serment est un acte religieux, et s’il n’est pas un acte religieux, il n’est rien.
Que craignez-vous, dit-on ? le serment ne sera qu’un acte volontaire, qu’un acte spontané ; mais le serment est toujours un acte spontané, excepté pour les témoins et pour les jurés ; pour les fonctionnaires, il est un acte spontané.
Le serment est donc évidemment inutile et injuste.
Dans le code civil on indique les moyens de récupérer la qualité de Belge qu’on a perdue, et là il n’est pas question du serment. Le serment ne s’attache pas à tous les actes de la vie, le serment est toujours quelque chose de spécial.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - J’ai commencé par dire que j’attachais en général peu d’importance au serment ; je suis bien aise de répéter cette pensée puisqu’on a paru ne pas la saisir ; mais je ne vais pas jusqu’à dire que le serment est toujours inutile, toujours immoral, toujours injuste, toujours absurde ; tel est le résumé du discours de M. Verdussen. Cette doctrine ne va rien moins qu’à condamner la constitution et toutes les lois civiles et criminelles que j’ai cru devoir rappeler dans cette discussion.
La formalité du serment n’a pas été introduite par moi dans le projet de loi ; elle a été insérée dans le projet présenté par M. Raikem, qui, en fait de conscience religieuse, peut faire autorité… (Bruit.) Je serais fâché de provoquer la moindre hilarité. Je parle très sérieusement, car je professe pour la sincérité des convictions de l’honorable M. Raikem, et pour la franchise avec laquelle il les avoue, la plus haute estime.
Quant aux objections de l’honorable préopinant, je ferai remarquer que lorsqu’un fonctionnaire révocable manque à ses devoirs, il est placé sous le coup d’une révocation, circonstance d’où l’on pourrait induire la superfluité du serment à leur égard.
Pensez-vous, a-t-on dit, qu’un seul étranger reculera devant la nécessité de prêter serment ? La question n’est pas là. Il s’agit de savoir si l’on abusera de la faculté d’accorder la naturalisation, et non si on fera abus de la faculté de la demander. Or, il n’est dans l’intention de personne de prodiguer la naturalisation.
On a parlé du serment sur les successions : j’ai partagé l’opinion de ceux qui ont abrogé cette législation, qui était une provocation continuelle à la corruption des citoyens. Vous avez aboli cette législation pour les indigènes, et l’on veut, dit-on, la faire revivre pour un étranger. L’orateur qui a fait cette objection peut-il dire où il trouvera la sanction de ce parjure dans la loi pénale ?
Un fonctionnaire public prête aussi serment ; s’il contrevient à la loi, non comme fonctionnaire, mais comme contribuable, vous lui faites payer des amendes ; mais vous ne dites pas qu’il a violé son serment de fonctionnaire, car le fonctionnaire n’est qu’un particulier quand il acquitte pour son propre compte le droit de succession. Il en est de même pour le naturalisé ; les contraventions qu’il commettrait aux lois fiscales ne seraient pas la violation de son serment de naturalisation Du reste, il connaîtrait ces lois ou il ne les connaîtrait pas. Dans le premier cas, il serait sur la même ligne que l’indigène. Dans le second, il ne mériterait aucun blâme.
Le serment est un acte religieux, dit-on, aux yeux de la constitution et du législateur. Il n’y a pas de culte à considérer ; dans tous les actes de la vie publique, dans tous les actes de la vie civile, la loi n’a pas le droit de s’enquérir si celui qui prête serment accomplit un acte religieux, ou un acte purement moral.
Dès que le serment viendrait à être considéré comme un acte religieux, il serait dépourvu de tout sens si celui qui le prête ne déclarait en même temps quelle est sa profession de foi religieuse ; cependant la constitution fait abstraction des sentiments religieux. Aux yeux de la constitution, qui a déclaré la liberté des cultes, la liberté de conscience, le serment n’est pas religieux. La société politique n’a pas compétence sur les consciences ; ce n’est pas sa mission.
Qu’on ne vienne pas toujours insister sur l’assimilation du Belge naturalisé avec le Belge indigène ; le Belge naturalisé change de position : il est présumé conserver des arrière-pensées, il n’a pas donné des gages de sa nationalité. Voilà pourquoi vous avez le droit d’exiger de lui une déclaration solennelle qu’il se dévoue sans arrière-pensée à son nouveau pays.
M. Dumortier. - J’ai peu de chose à ajouter à ce que vient de vous dire mon honorable ami M. H. de Brouckere, qui a rencontré en grande partie toutes mes objections ; mais je viens demander au ministre s’il persiste dans son opinion que le serment n’est pas un acte religieux : suivant lui, la constitution n’a pas de cultes, elle est athée…
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je n’ai pas dit cela, j’ai dit qu’elle ne s’occupait pas des cultes.
M. Dumortier., continuant. - Je dois m’opposer à un tel système, que je repousse d’abord, parce que qu’est-ce qu’un serment, sinon un acte religieux ? Un acte civil ? Si vous le dépouillez de son caractère, ce n’est plus qu’un vain mot, qu’un son qui frappe l’air. Le ministre vous a dit qu’il lie l’honneur : je demanderai qu’est-ce qu’un serment qui lie l’honneur, s’il n’est pas consciencieux ?
Pour moi, messieurs, je déclare repousser tout serment politique qui n’a pas d’effet immédiat ; nous prêtons un serment à la constitution, mais c’est par un motif imminent, pour empêcher les ministres d’enfreindre la constitution.
Mais, vous a-t-on dit encore, le serment est volontaire ; il est loisible à celui auquel il est imposé de le refuser. Comment conciliez-vous la faveur que vous voulez lui faire avec cette obligation ? Vous dites que le serment est volontaire et vous le forcez de se mettre à genoux afin de recevoir sa naturalisation : certes, il n’y a pas là de volonté.
Ce qui prouve que le ministre a eu grand tort quand il a dit que la constitution ne s’est pas occupée des cultes, c’est précisément parce qu’elle a admis le serment, et qu’on en a fait un acte religieux ; si elle ne parle pas des cultes, elle ne maintient pas moins le serment : aussi les conséquences que le ministre a voulu tirer de la constitution sont contraires à son interprétation exacte.
Je m’oppose à un serment qui ne lie à rien ; s’il est demandé à un homme immoral, il ne se croira pas lié, et si c’est à un honnête homme, ses antécédents nous garantissent qu’il remplira ses devoirs envers le pays. Je terminerai en reproduisant l’observation de M. de Foere, que le serment ne liera pas si le naturalisé n’est pas fonctionnaire public, et s’il l’est, il prêtera serment en cette qualité.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau). - Je demande la parole pour une simple explication. Je n’ai pas dit que la constitution est athée ; j’ai dit seulement qu’elle ne s’occupait point des cultes ou de la croyance des citoyens. L’athéisme est la négation des cultes ; l’athéisme peut aussi dégénérer en fanatisme et vouloir la proscription de tous les cultes. J’ai dit que la constitution ne s’occupe pas des cultes quand elle prescrit le serment ; si elle en avait fait un acte religieux, vous, députés de la nation, quand vous vous présenteriez dans cette enceinte, il faudrait qu’on vous demandât si vous avez une religion, si vous êtes catholiques, protestants, luthériens ou israélites, enfin si vous appartenez à un culte quelconque. Car, si le serment est un acte religieux, il serait absurde de le demander à quiconque serait sans religion. Or, ni la constitution ni les lois ne demandent à quelqu’un s’il est ou non religieux, et ne vous permettent de lui poser cette question.
Une dernière observation : on insiste toujours sur l’assimilation du naturalisé et de l’indigène. Mais, encore un coup, le naturalisé n’est pas dans la même condition que l’indigène ; il ne dépend pas de moi d’être Belge, le hasard seul m’a fait naître sur ce sol : ce fait est étranger à ma volonté. Mais si vous imposez une formalité publique à celui qui veut acquérir cette qualité de Belge, alors il est libre d’accepter votre condition ou de la refuser.
Je déclare, au reste, que je n’attache pas une extrême importance au serment du naturalisé ; mais j’avais à cœur de défendre l’opinion de mon prédécesseur, celle de la section centrale, et de protester contre des doctrines trop exclusives, qui ne vont à rien moins qu’à faire le procès à la constitution et à nos lois civiles et criminelles. (La clôture ! la clôture !)
M. le président. - La parole est à M. de Haerne. (Aux voix ! aux voix !)
Je ne crois pas que nous puissions mettre la clôture aux voix, car nous ne sommes pas en nombre. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)
M. Dellafaille fait l’appel nominal pour constater les noms des membres absents.
- La séance est levée à quatre heures.