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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 9 mars 1833

(Moniteur belge n°70, du 11 mars 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 11 heures.

M. le président. - Nous ne pouvons ouvrir la séance ; nous ne sommes que 47.

- Plusieurs membres. - On doit signaler les absents par la voie des journaux.

- A midi on procède à un nouvel appel nominal. La chambre est en nombre pour délibérer.

La séance est ouverte.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Projets de loi relatifs à la taxe des barrières

Discussion des articles

Article 3

L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les lois concernant les barrières.

La chambre en est à l’article 3.

« Art. 3. Les droits payés aux barrières sont exclusivement affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes. »

Il a été proposé par M. Legrelle d’ajouter à cet article la disposition suivante : « existantes, ainsi que la construction de routes nouvelles. »

M. Gendebien. - Il me semble que, puisque nous ne faisons qu’une loi temporaire, on ne doit pas changer. Dès qu’on ne change pas de principe, admettons l’article 3 du gouvernement pour un an. Que le produit des barrières soit un impôt, soit une taxe, il importe peu, puisque le gouvernement affectera exclusivement ce produit aux routes.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - L’intention du gouvernement a été de présenter des projets de loi pour une année seulement. Le défaut de cette condition explicite dans la loi paraît avoir induit en erreur quelques membres de l’assemblée.

M. de Theux. - Ce que vient de déclarer M. le commissaire du Roi diminue l’importance de la loi. Je croyais qu’il s’agissait d’une loi permanente. Quoi qu’il en soit, l’amendement de M. Legrelle oblige d’entrer dans quelques explications.

- Plusieurs membres. - Votons ! C’est une loi temporaire !

M. de Theux. - Je parle comme rapporteur de la section centrale.

A l’appui de l’amendement de M. Legrelle, on a dit que la taxe des barrières constituait un véritable impôt, et qu’en règle de bonne administration, cet impôt devait être à un taux suffisant pour rembourser les avances faites, entretenir et améliorer les routes. Ici il y a une erreur de fait trop importante pour la passer sous silence.

Vous avez entendu hier que la longueur des routes de première classe et de deuxième classe est de 622 lieues ; or, d’après le calcul le plus ordinairement admis, une lieue de route percée pouvait coûter, terme moyen, 200,000 fr., et une lieue de route ferrée, à peu près la moitié. Il suit de là que le capital qui aurait été employé jusqu’ici pour les routes serait de plus de 100,000,000 de fr. Je comprends les routes de première et de seconde classe.

Que trouve-t-on dans la recette ? 2,066,000 fr.

Que trouve-t-on au budget de l’intérieur pour l’entretien ordinaire et extraordinaire, pour le traitement des employés des ponts et chaussées ? 1,033,000 fr.

Il vous reste donc un excédant d’un peu plus d’un million. Ce million représente-t-il l’intérêt de 100 millions ? Non, certainement. Ce million versé dans les caisses de l’Etat, il y a encore déficit de 4 millions.

La question que vous avez à résoudre est celle-ci : Devez-vous, par une loi, vous obliger à employer tous les ans cet excédant de revenus à des constructions nouvelles ? Cette nécessité ne m’est pas démontrée. La section centrale a seulement proposé de déclarer en principe que le produit des routes fût alloué à l’entretien et à l’amélioration des routes existantes ; que, relativement aux routes nouvelles, c’est au gouvernement a en faire la proposition, sauf à la législature à autoriser pour cet objet l’emploi des fonds ou à les laisser disponibles pour d’autres besoins. Si l’on proposait d’employer un million à des routes qui seraient moins utiles à l’industrie, au commerce, à l’agriculture que ce million qu’il faudrait leur enlever au moyen d’un impôt, l’allocation serait refusée. Nous ne devons pas nous obliger à faire l’emploi d’une somme déterminée pour les routes : il arrivera des circonstances où il vous faudra un quart de million ; il arrivera d’autres circonstances où il faudra plus d’un million : ainsi tantôt vous ferez des épargnes et tantôt des avances.

L’amendement de M. Legrelle a plus d’étendue que la proposition du gouvernement. Je conclus donc, messieurs, au maintien de l’amendement présenté par la section centrale, qui est d’affecter en premier lieu les produits des routes à leur entretien et à leur amélioration.

Quant à l’entretien, il ne peut y avoir de doute ; quant à l’amélioration, lorsqu’elle est jugée nécessaire, il ne peut y avoir de doute non plus.

A l’article 4 nous nous occuperons des routes nouvelles.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Membre de la section centrale, je dois déclarer que par l’expression : « affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes, » je n’ai pas entendu que cette amélioration ne devait porter que sur des dépenses pour des routes existantes, parce que souvent, pour améliorer une route ancienne, il faut une route nouvelle. Ainsi, l’expression n’empêche pas que les fonds ne puissent être appliqués à des routes nouvelles.

M. de Muelenaere. - Messieurs, c’est justement parce qu’il ne s’agit pas ici d’une loi qui ne doit pas avoir une longue durée, qu’il est important de fixer votre attention sur la proposition qui vous a été faite par M. d’Elhoungne. Il ne vous a fait sa proposition qu’à cause des circonstances urgentes, et de la position pénible où se trouve le trésor. On ne peut pas admettre l’article 3 sous le prétexte seul que la loi doit se borner à l’exercice courant. C’est par cette considération même que la proposition de M. d’Elhoungne devrait être admise. Il est vrai que la question soulevée par cet orateur a dominé toute la discussion, et que c’est dans l’article 3 que se trouve tout l’intérêt de la loi qui vous occupe en ce moment. Cette proposition, qui me semble toute simple, toute naturelle, a rencontré une vive opposition.

J’ai mûrement médité sur les raisons pour et contre l’opinion de M. d’Elhoungne, et je me suis convaincu de plus en plus que l’intérêt bien entendu du pays exige que nous partagions cette opinion, et que l’article 3 disparaisse. Je tâcherai de prouver brièvement que cette suppression peut être très avantageuse dans les circonstances actuelles, et que dans tous les cas elle ne peut être nuisible.

Auparavant je dois répondre à quelques objections.

On a dit que la taxe des barrières était un impôt qui ne frappait que sur une catégorie d’individus, et nous avons répondu qu’il en était de même de plusieurs impôts ; que le même reproche pouvait s’adresser à l’impôt des patentes, à l’impôt foncier, et à une foule d’autres impôts. Un honorable préopinant, M. Jullien, soutenait que tout impôt devait nécessairement frapper sur un produit, sur un revenu, sur un bénéfice présumé, sur une matière imposable. Mais la lumière qui vous éclaire, le feu qui vous chauffe, la porte par laquelle vous entrez dans votre maison, vous procurent-ils un intérêt, un bénéfice ? Et cependant vous payez un impôt sur les portes, sur les fenêtres, sur les foyers. Au reste, en règle générale, le droit de barrière frappe sur un bénéfice présumé : car les directions des messageries, les directions des roulages n’offrent-elles pas à ceux qui les créent un bénéfice ? Ainsi l’argument de l’honorable membre frappe à faux.

On vous a dit encore que, d’après toutes les lois anciennes, le droit de barrière n’avait jamais été perçu au profit du trésor, et qu’aujourd’hui nous voulons changer tout ce système. Encore une fois M. Seron vous a démontré hier que cette assertion n’était pas rigoureusement exacte. Mais je veux bien avouer que jusqu’à présent il y a dans presque toutes les lois une affectation spéciale de ce produit à l’entretien, à l’amélioration des routes ; cependant vous savez aussi que sous l’empire, que sous le gouvernement précédent, cette affectation spéciale était une lettre-morte, et que le produit des barrières était versé dans la caisse sans qu’on en rendît compte. Toutefois j’avoue que la proposition faite par M. d’Elhoungne tend à changer momentanément les dispositions de la loi ; mais ce changement est pratiqué dans l’intérêt du pays, dans l’intérêt des contribuables.

Dans la séance d’hier j’ai entendu une foule de raisonnements qui m’ont convaincu que la proposition de M. d’Elhoungne n’avait pas été bien comprise. Il est donc utile que j’explique ma pensée sur cet objet.

Personne ne fera l’injure à M. d’Elhoungne, à qui l’on voudra bien reconnaître quelques connaissances en matière d’économie politique, de supposer qu’il n’apprécie pas toute l’importance des grandes communications entre les diverses provinces du royaume ; dès lors la question n’est pas telle qu’elle a été présentée hier.

Vous savez tous que nos voies et moyens sont au-dessous de nos dépenses ; vous savez tous que, pour ne pas entraver les services publics, vous serez obligés de créer de nouveaux impôts ou d’augmenter les impôts existants ; eh bien ! la proposition de M. d’Elhoungne a uniquement pour but de remédier en partie à ce mal.

Les adversaires de la proposition veulent que tout excédant du produit des barrières soit exclusivement affecté à la construction de communications nouvelles. Je vous demanderai quelles sont ces communications ; je vous demanderai si ces communications sont utiles, si elles sont indispensables, si elles sont urgentes. Je vous déclare que jusqu’à présent je n’en sais rien ; car on ne nous a pas indiqué quelles seraient les communications qu’on se proposerait d’établir au moyen de l’excédant du produit des barrières sur les dépenses.

Ainsi, vous voyez qu’en adoptant l’article, on vous lie en quelque sorte les mains à l’avance, et que vous mettez à la disposition du gouvernement, que dis-je ? que vous lui imposez l’obligation d’employer exclusivement tout l’excédant du produit des barrières à des constructions nouvelles dont vous n’avez pas apprécié l’utilité ni l’importance. Que veut M. d’Elhoungne ? Peut-il ne pas vouloir l’entretien des routes ? C’est une chose sacrée : M. d’Elhoungne veut que vous ne vous liiez pas les mains ; il veut que vous conserviez votre libre arbitre ; il veut que le produit des barrières soit versé comme tous les droits dans la caisse du trésor ; il veut que le gouvernement porte au budget des dépenses les sommes nécessaires pour la construction de nouvelles routes, de nouvelles communications.

Quand le gouvernement vous présentera le budget des dépenses, il indiquera les sommes nécessaires pour de nouvelles constructions, mais avec une affectation spéciale ; et c’est alors que vous pourrez, en pleine connaissance de cause, autoriser ces constructions ; ou bien, si ces constructions ne sont pas nécessaires, vous pourrez les ajourner à une autre époque.

Si l’état du trésor le permettait, messieurs, si je ne prévoyais pas que nous serons obligés de créer de nouveaux impôts pour venir incessamment au secours du trésor, moi-même, et probablement M. d’Elhoungne avec moi, nous proposerions que tout excédant du produit des barrières fût affecté à l’établissement de nouvelles routes ; car, nous aussi, nous savons que le pays ne saurait en avoir trop. Je ne serai jamais guidé par des idées étroites de province, et je donnerai mon adhésion pour une route à établir dans le Luxembourg, comme pour une route à établir dans les Flandres. Heureusement il y a peu de chose à faire sous le rapport des communications dans mon pays.

Dans l’alternative où nous sommes aujourd’hui, ou de créer de nouveaux impôts, on d’augmenter les impôts existants, ou de donner au gouvernement l’autorisation d’employer l’excédant des revenus des barrières, je crois que nous n’avons rien de mieux à faire que de supprimer l’article. 3. C’est dans ce sens que je voterai contre cet article, sauf, dans des temps plus heureux, à mettre le gouvernement à même d’établir toutes les grandes communications du royaume qui seraient jugées nécessaires, et dans l’intérêt de l’agriculture, et dans l’intérêt de l’industrie, et dans celui du commerce.

M. Tiecken de Terhove. - Messieurs, je ne concevrais pas pourquoi le gouvernement ne pourrait pas établir un droit, un impôt, si vous le voulez, sur les routes !

Mais, a dit hier un honorable orateur, on ne peut établir d’impôts que sur des matières imposables, et il n’y a de matières imposables que celles qui produisent. Mais, messieurs, vous établissez des droits de douanes ; vos marchandises paient des droits d’entrée et de sortie. Par la contribution personnelle, on paie l’air qu’on respire, le feu qui vous réchauffe, le toit qui vous abrite ; sont-ce là des matières qui produisent ? Loin de moi la pensée de vouloir être ici l’apologiste de cet impôt, dont je condamne les bases et sur lequel j’appelle des changements à cor et à cris. En vérité, messieurs, je ne sais comment vous couvrirez les dépenses de l’Etat, dont les besoins augmentent tous les jours, si vous allez encore supprimer cet impôt, qui pèse le moins, et qui est payé, non par une classe, non par les charretiers, mais par les consommateurs.

D’après des calculs établis dans cette chambre, le trésor perdra déjà un million et demi par la nouvelle loi sur les distilleries ; supprimez les barrières, et vous aurez, encore un déficit de deux à trois millions : où chercherez-vous la matière imposable, qui n’est pas imposée déjà pour les couvrir ? Ici au moins le gouvernement, en demandant un droit, vous rend un service en échange ; il vous rend les communications faciles, plus directes ; il abrège les distances, avantage immense pour le commerce, qu’il me semble qu’il peut bien payer par un faible droit.

L’assiette de cet impôt a un autre avantage ; c’est que les étrangers qui parcourent nos routes, le commerce de transit, le paient. Il atteint encore le luxe, si difficile à atteindre. Je dirai donc, comme l’honorable M. de Muelenaere, que si je pouvais successivement supprimer tous les impôts, l’impôt des barrières serait le dernier que je supprimerais. Quant à l’article 3 en discussion, je voterai contre ; il me semble parfaitement inutile.

Le droit de barrière est un revenu de l’Etat tout comme un autre, et pas plus que d’autres il ne doit avoir de destination spéciale. Tous les ans le gouvernement nous demandera une allocation pour l’entretien des routes et de nouvelles constructions, s’il y a lieu et si nous moyens nous le permettent. Il siège ici dans cette chambre des représentants qui viennent de toutes les parties du royaume ; nous connaîtrons l’état des routes et leurs besoins, et tous les ans nous pourrons voter un subside suffisant pour leur entretien et les améliorations nécessaires.

Je pense sans inconvénient pouvoir revenir un instant sur l’arrêté illégal qui prescrit aux villes l’entretien des traverses des grandes routes ; j’interpelle ici M. le ministre pour qu’il veuille bien s’expliquer à cet égard. Cet arrêté n’est pas seulement illégal, il est inique : le gouvernement prélève le droit de barrière et impose aux villes la charge d’entretien et de réparation. C’est une charge par trop accablante pour beaucoup de petites villes, déjà accablées par des prestations de toute nature, dont elles sont redevables indépendamment des frais d’administration, toute dépenses qu’elles ne peuvent couvrir qu’au moyen d’impôts municipaux accablants. Dès l’année passée, j’ai signalé cette injustice, et j’ai lieu d’être étonné qu’elle se perpétue.

Je reviendrai aussi un instant sur les bascules, dont l’année passée j’ai également sollicité la suppression comme inutiles, comme onéreuses pour l’Etat. Au lieu que ces bascules sont un moyen de conservation pour les routes, ils ne sont dans les mains de la plus grande partie des basculiers qu’un moyen de vexation et d’extorsion. Différentes plaintes, à différentes époques, me sont parvenues, et par des charretiers et des fermiers ; ils exigent de ceux-ci une rétribution moyennant laquelle ils passent, telle forte que puisse être leur charge ; s’ils ne veulent se soumettre à cette espère de contribution forcée, ils sont vexés, chicanés ; les procès-verbaux pleuvent, et s’ils échappent à l’amende, tout au moins on les arrête, on les retarde dans leur course, et on leur fait perdre un temps précieux. J’appuierai donc la proposition de mon honorable collègue, M. d’Elhoungne, qui en demande la suppression, suppression qu’il a motivée par d’autres considérations puisées dans la loi même.

M. Pirmez. - Je voterai contre l’amendement de M. Legrelle, et pour l’article 3 de la section centrale, tel qu’il est, et selon le sens que lui donnent les mots dont il est composé, parce que, selon ce sens, les routes actuellement construites seraient seules entretenues avec le revenu des routes, et on ne peut admettre le sens que lui a donné M. le ministre, qui a dit que la construction de route nouvelles était une amélioration pour les autres routes ; mais cela n’est pas exact : une route qui ne produit pas pour payer son entretien n’est pas une amélioration pour les autres routes, c’est une charge au contraire, et qui éloigne d’autant plus l’époque où on pourra diminuer l’impôt, que l’on construirait plus de routes de cette catégorie.

Car, qu’est-ce que c’est qu’une amélioration en matière de routes, c’est d’en rendre le parcours plus facile, c’est-à-dire moins coûteux ; et, de quelque manière que vous le construisiez, l’amélioration est dans le prix du parcours, elle n’est que là.

On peut, avec du talent et des subtilités, soutenir qu’une grande quantité de routes qui ne produisent rien sont cause que d’autres routes produisent beaucoup et que, par conséquent, celles-là doivent être construites aux frais de celles-ci. Cela peut se soutenir, mais on ne me le fera croire qu’en me prouvant qu’avec rien on peut faire quelque chose.

C’est le consommateur qui paie, dit-on ; cela ne serait peut-être pas encore vrai, s’il n’existait qu’un seul mode de consommation, et dans ce cas-là même ce serait le consommateur des contrées où les routes se construisent facilement qui paieraient pour les consommateurs des contrées où les routes se construisent difficilement ; ainsi, par exemple, l’habitant de Bruxelles paierait plus cher la houille pour que le Luxembourgeois brûlât à meilleur marché son bois.

Mais ce n’est pas le consommateur qui paie, parce qu’il est d’autres moyens de transport que celui des routes ferrées ou pavées. Il y a des canaux et des chemins en fer qui transportent aussi les marchandises au consommateur et qui empêchent que leur prix ne s élèvent au taux où l’aurait fait monter le droit de barrière, si ces nouvelles communications n’existaient pas. C’est donc l’industriel, le voiturier des pays où les routes produisent beaucoup au-dessus du coût et de l’entretien qui réparent et construisent les routes qui ne savent se suffire à elles-mêmes. Ce n’est pas le consommateur de houille de Bruxelles qui construit et répare les routes dans le Luxembourg ; c’est le voiturier du Brabant, du Hainaut, qui supportera cette charge jusqu’à ce qu’elle l’ait écrasé.

Je vous ai démontré avant-hier que la solidarité entre les routes était une injustice que rien ne pouvait justifier. Chaque contrée offre des avantages dont vous ne pouvez la dépouiller sans compensation. Que diriez-vous si je vous proposais d’établir une société entre les canaux, et de fixer le péage uniformément sur ces voies de communication, d’après la distance à parcourir ? Vous ririez de ma proposition, parce qu’un canal peut coûter ou produire dix fois plus qu’un autre ; eh bien ! ce que vous trouveriez absurde pour les canaux l’est pour les routes, car il y a autant de différence entre une route et une route qu’entre un canal et un canal.

Puisqu’on a marché longtemps dans le système de communauté entre les routes, maintenez ce qui est, j’y consens ; mais ne vous enfoncez pas davantage dans une pareille carrière. Si vous trouvez qu’il est de l’intérêt général (j’ai dit l’autre jour qu’on ne s’entendait pas sur la signification de ce mot) de construire des routes qui ne produisent rien, faites-les aux frais de la nation entière, et non aux frais de quelques contrées, et encore moins aux frais de quelques particuliers.

Je dois repousser, en finissant, l’intention qu’on m’a prêtée de vouloir que les routes soutinssent toujours la concurrence avec les canaux ; jamais je n’ai dit ni pensé de pareilles choses. Voici en deux mots qu’elle était mon idée sur cette concurrence : Réduire le péage aussi bas que le permettent le coût et les frais d’entretien de ces communications ; mais alors, que le plus faible succombe.

M. Fleussu. - Je me lève pour appuyer l’amendement de M. Legrelle, et je lui prêterai mon appui avec d’autant plus de conviction que j’aurais eu l’honneur de vous le présenter si je n’avais été prévenu par M. Legrelle.

Il ne me sera pas difficile de prouver que de nouvelles communications sont nécessaires en Belgique, et que le produit de la taxe des barrières doit être affecté à l’entretien des routes et à la construction des routes nouvelles, telle est la pensée du ministre ; mais, comme cette pensée n’est pas assez expressément stipulée dans la loi, je ne crois pas que le ministère s’oppose à l’amendement.

J’ai entendu longuement disserter pour savoir si le produit était reçu à titre d’indemnité ou à titre d’impôt ; les deux opinions ont trouvé des partisans dans cette assemblée. La qualification me paraîtrait indifférente si je ne prévoyais le but des orateurs qui prétendent que c’est à titre d’indemnité ; en cherchant à faire déclarer ce principe à l’assemblée, ils veulent arrivés à cette conséquence : Puisque c’est une indemnité, vous devez réduire la taxe au strict nécessaire. Ainsi c’est vouloir encore diminuer les ressources de l’Etat.

Est-ce bien le moment de diminuer les ressources du gouvernement ? Nous ne sommes qu’à moitié chemin de la crise révolutionnaire ; l’avenir est peut-être gros de tempête ; il est du moins surchargé de ténèbres ; nous avons une armée de 100,000 hommes à entretenir, et nous sommes obligés de recourir à des emprunts quotidiens ; et c’est alors que l’on voudrait diminuer les ressources du trésor.

Le congrès a déjà affaibli les ressources du gouvernement en mettant les diligences sur la même ligne que les autres voitures. Cependant, il est bien évident que les diligences ont un privilège ; car, quand les barrières sont fermées à toutes les voitures, elles sont ouvertes aux diligences.

Il y a quelques jours encore, vous avez porté une autre atteinte très grave, selon moi, au trésor, et dont le temps vous fera connaître le secret, en votant l’impôt sur les distilleries. Il est temps de s’arrêter dans cette voie, à moins qu’on ne puisse gouverner sans impôts. Il est aisé de diminuer les impôts, mais il faut trouver d’autres ressources.

Selon moi, messieurs, il ne peut y avoir de doute à cet égard ; le gouvernement n’a d’autres ressources que dans ses revenus ou dans les impôts que nous votons : la taxe des barrières est un véritable impôt ; M. Seron vous l’a démontré.

Mais, de ce que c’est un impôt, n’en tirez pas la conséquence que le gouvernement peut y puiser ce qu’il veut. Il nous est bien libre à nous de déclarer dans la loi que nous entendons que le produit de cet impôt soit affecté à tel ou tel impôt.

Et bien donc, nous votons l’impôt ; mais nous demandons que le produit en soit affecté à l’amélioration des routes déjà existantes, et que le surplus soit affecté à la construction de routes nouvelles. Il n’est pas nécessaire que le produit de la taxe des barrières soit versé dans une caisse spéciale.

On connaît quels sont ces produits. Dans le compte qui en est rendu chaque année, on voit à combien il s’élève, on voit de combien il a dépassé les dépenses. On peut donc s’assurer de ce qui a été perçu et de ce qui a été dépensé ; c’est un principe qu’il faudra insérer dans la loi, et quand nous discuterons les budgets, nous en ferons l’application. En discutant les budgets, le ministre nous fera connaître les routes qu’il faut construire, et nous verrons s’il faut voter des subsides pour cet objet. Voilà comme j’entends la loi.

Messieurs, il y a longtemps qu’on se plaint que la Belgique manque de moyens de communication ; c’est même à ce défaut de communication que l’on doit imputer le peu de progrès qu’ont fait chez nous l’agriculture et l’industrie. Un Anglais, examinant nos contrées, a été frappé de la différence du prix de location des terres entre l’Angleterre, ce pays-ci et la France ; et il attribue cette différence à la facilité des communications qui existent en Angleterre.

Pourquoi les propriétés qui sont le long des grandes routes et près des villes sont-elles plus productives que les autres ? C’est parce que le cultivateur qui se trouve près des canaux et des villes est toujours sûr de tirer parti de tous les produits de sa ferme, et voilà ce qui excite son zèle.

Le cultivateur, qui est au milieu de campagnes, ne cherche pas à tirer tout le parti possible de son exploitation ; il a déjà beaucoup de peine à placer les produits qu’il recueille. Le grand intérêt de la Belgique exige qu’il y ait le plus de communication possible entre ces contrées. Toute la Belgique profite des moyens de communication créés en un seul endroit ; car les richesses partielles contribuent au bien-être de tous. Une grande route sert à l’écoulement des produits du pays qu’elle traverse, et y amène les produits des contrées voisines.

On a fait valoir le capital engagé dans la construction des routes, et l’on a dit : Il faut tenir compte des intérêts de ce capital. On l’a évalué à 100 millions, et l’on a fait remarquer qu’il n’y avait qu’un million d’intérêt. Mais l’Etat n’a pas fait l’avance des routes ; il les a trouvées toutes faites, il en tire parti ; mais il ne peut pas vouloir rien demander pour ce chef, car il n’a pas déboursé le capital de 100 millions. Ainsi, nous pouvons appliquer le produit de la taxe de barrières à tel emploi que nous jugerons convenable.

On soutiendra que si les routes sont nécessaires, l’intérêt particulier est là pour les faire construire : je ne suis pas de cet avis. (Erratum inséré au Moniteur belge n°72, du 13 mars 1833 : ) Sans le gouvernement, on ne parviendra pas à faire de routes en Belgique ; nous n’avons pas d’assez grands capitalistes dans notre pays. Nous ne sommes pas encore habitués à de telles spéculations. N’allons donc pas plus vite que le temps, et tenons compte des leçons de l’expérience. Il est un exemple frappant qui montre combien des moyens de communication suffisants nous manquent.

Croiriez-vous que l’une des plus riches parties de la Belgique, qui renferme une fraction de la province de Namur, une fraction de la province de Liége, une fraction du Limbourg, une fraction du Brabant ; croiriez-vous que ce vaste pays n’est traversé par aucune route ? Cet espace dont je parle se trouve entre Namur et Liége, en suivant le littoral de la Meuse ; entre Liége et Bruxelles en suivant la grande route ; et entre Bruxelles et Namur. Il est évident que, si, dans ces contrées, des actionnaires avaient fait des routes, ils auraient retiré l’intérêt de leurs avances ; en bien ! les routes sont décrétées, et les actionnaires qui se présentent ne sont pas assez nombreux pour les entreprendre. Cependant, les provinces avaient voté des cents additionnels pour le confectionnement de ces routes, et il est certain que sans l’aide du gouvernement elles resteront en projet.

Dans l’intérêt de l’agriculture qui est la principale richesse du pays et dans l’intérêt de l’industrie, il faut que le produit des barrières soit affecté aux routes. Si vous en décidez autrement, si vous décidez que les revenu des barrières font partie des ressources de l’Etat, le gouvernement ne manquera pas d’occasions pour détourner le produit de routes à un autre emploi ; mais faites-lui une obligation d’appliquer les fonds à des communications nouvelles, et il sera lié par la loi.

Quand nous aurons doté suffisamment le pays de communications, alors, s’il y a du superflu, nous aviserons tous les ans à l’application qu’on pourra en faire. En attendant, il faut que le produit soit affecté aux routes nouvelles.

M. Marcellis. - J’insiste, messieurs, pour la conservation de l’article 3 ; de plus, pour l’amendement de M. Legrelle, et j’engage le ministère à adopter cet amendement, qui n’est que l’explication de sa propre pensée.

Et d’abord, puisque nous faisons une loi temporaire et annuelle, conservons autant que possible ce qui existe, conservons ce qui a existé dans toutes les lois sur la matière, depuis que le système des barrières a été adopté en France. On a dit : Puisque nous faisons une loi temporaire, changeons ; je renverse la proposition et dis avec plus de logique, ce me semble : Puisque nous faisons une loi temporaire, conservons. Nous ne devons innover qu’après une discussion approfondie.

Parlons du fond de la question, car ceci ne touche qu’aux dehors.

L’honorable M. de Muelenaere dit qu’il ne veut point ici de l’application spéciale du produit des barrières à cause de la détresse du trésor. J’approuve cette sympathie et je la partage ; mais elle cède à une sympathie plus vive, celle que je ressens pour la détresse de la nation.

Or, quels moyens avons-nous d’y obvier, si ce n’est la construction de communications nouvelles ?

Il disait encore, tout en se prononçant contre l’application spéciale de l’excédant du produit des barrières sur les frais d’entretien à des routes nouvelles, qu’on n’a jamais trop de communications. Je le dis aussi, et ma déclaration est bien aussi sincère. Je dirai plus : cette application spéciale est pour moi un minimum et non point un crédit qu’on ne puisse excéder, car des circonstances se présenteront où je presserai le ministre de ne point se borner à l’emploi de l’excédant du produit des barrières. Je ne veux l’affectation spéciale que pour avoir une sûreté de plus. C’est ainsi qu’en matière civile, pour raffermir une obligation, on la sort des expressions vagues, on veut une délégation expresse. C’est ainsi que les Anglais qui savent ce que vaut le crédit, pour rendre la dette nationale plus sacrée, lui affectent des revenus déterminés.

Mais à quoi bon, objecte-t-on, cette caisse spéciale ? Qu’on nous dise quelles sont les routes qu’il s’agit de construire. Je réponds que ce sont là des détails administratifs dans lesquels il est de notre sagesse de ne pas nous précipiter. L’honorable M. Fleussu vous a parlé du besoin de Hesbaye, il nous a communiqué des détails qui déjà étaient sur mes lèvres. La Hesbaye est pourtant un pays riche ; mais le mode de faire les fonds d’une route nouvelle est peu compris jusqu’ici.

Une autre objection a pu faire impression sur votre esprit. Mon honorable ami, M. de Theux, vous a exposé avec clarté et méthode des calculs sur le faible produit, pour le gouvernement, de 100,000,000 de francs employés dans la construction de 620 lieues de routes, qui, dit-il, ne rapportent qu’un p. c.

Il a parfaitement raison, tant qu’il se renfermera dans les calculs de la route et du produit des barrières ; mais nous devons y ajouter l’augmentation de la contribution foncière résultant de ces routes, l’augmentation de la contribution personnelle, l’accroissement des contributions indirectes et de tous les impôts sur la consommation ; enfin, ce qui l’emporte de bien loin sur tous ces résultats, l’accroissement des fortunes privées, source de la fortune publique.

Je le répète donc, je voterai pour l’amendement de M. Legrelle, mais surtout pour le maintien de l’article 3. (La clôture ! la clôture !)

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous nous rallions à l’amendement de M. Legrelle.

M. Jullien. - Je demanderai que M. le commissaire du Roi veuille bien dire à la chambre en quoi consistent les constructions nouvelles qui sont dans la pensée du gouvernement ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il s’agit ici du principe : les indications seront faites à la présentation du budget des dépenses ; ainsi ce n’est pas actuellement le moment de les faire.

M. Dumortier. - Puisqu’il ne s’agit que d’une loi pour une année, il me semble que l’indication demandée par M. Jullien est extrêmement importante.

M. Gendebien. - Il n’y a lieu ici que de parler pour ou contre la clôture. Il est évident que c’est dans le budget que nous verrons les dépenses à faire en raison du revenu que nous établissions maintenant.

- La chambre consultée prononce la clôture.

L’amendement de M. Legrelle est mis aux voix et rejeté.

La section centrale propose le retranchement du mot : « exclusivement. » Cet amendement est rejeté.

L’article 3 du gouvernement est mis aux voix.

Une première épreuve est douteuse. On procède à l’appel nominal.

Sur 53 membres présents, 27 votent l’adoption, 26 le rejet ; un membre s’abstient.

L’article 3 est adopté.

M. C. Rodenbach. - N’ayant pas assisté à la discussion, j’ai cru devoir m’abstenir, et d’autant plus que la question est fort délicate.

Ont voté pour : MM. Berger, Cols, Dams, de Haerne, Deleeuw, Dellafaille, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Renesse, de Sécus, Desmet, d’Hoffschmidt, Fallon, Fortamps, Gendebien. Hye-Hoys, Jonet, Jullien, Marcellis, Osy, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, Rogier, Teichmann, Watlet.

Ont vote contre : MM. Coppieters, de Brouckere, d’Elhoungne, W. de Mérode, de Muelenaere, de Roo, de Terbecq, de Theux, Domis, Donny, Dubois, Dumortier, Ernst, Lardinois, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pirmez, Raymaeckers, Seron, Ullens, Vanderbelen, Verdussen, Verhagen.

Article 4

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) déclare se rallier à la rédaction de l’article 4 du projet de la commission, ainsi conçu :

« Une loi déterminera ultérieurement la classification des routes. »

M. Fallon propose d’ajouter, après le dernier mot de cet article, ceux-ci : « et le placement des barrières. »

- Cette addition est adoptée.

L’article 4, ainsi modifié, est également adopté.

Article 5

M. le président. - Nous passons maintenant à l’article 5.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) déclare encore se rallier à la rédaction de la commission conçue en ces termes :

« L’emploi des fonds provenant de la taxe des barrières à établir sur les routes de première classe, sera proposé chaque année au budget du département de l’intérieur. »

M. de Brouckere. - Messieurs, et article est inadmissible dans une loi qui n’est que transitoire, qui n’est faite que pour une année ; car on ne peut pas disposer pour les autres années et cependant c’est ce que l’on ferait ici. L’article porte que l’emploi des fonds sera proposé « chaque année. » La commission centrale, en se servant de ces expressions, avait sans doute en vue une loi définitive ; mais adopter une rédaction, maintenant qu’on est convenu de ne faire qu’une loi provisoire, serait une absurdité.

Plusieurs membres demandent aussi le retranchement de l’article.

- La chambre, consultée, décide qu’il sera supprimé du projet de loi.

Article 6

« Art. 6. Les dispositions de l’article 5 sont applicables aux routes de deuxième classe ; toutefois les produits des barrières établies sur ces routes, qui ont été concédés à des provinces, à des sociétés ou à des particuliers continueront de leur être attribués. »

M. d’Hoffschmidt. - Par suite du retranchement de l’article 5, l’article 6 devrait nécessairement subir un changement de rédaction ; mais il me semble que, sans le modifier, on pourrait le transposer après l’article 3, et dire : « Les dispositions de l’article 3 sont applicables, etc. »

M. de Brouckere. - Si la chambre a l’intention d’adopter le fond de cet article, il y a un moyen infiniment simple de le mettre en harmonie avec l’article précédent ; c’est d’en retrancher la première partie, à l’exception des mots de deuxième classe. Ainsi, il serait conçu en ces termes :

« Les produits des barrières établies sur les routes de deuxième classe qui ont été concédés à des provinces, à des sociétés ou à des particuliers, continueront de leur être attribués. »

M. Dumortier. - Messieurs, je dois maintenant motiver mon vote qui sera contraire à la proposition du gouvernement et à l’opinion que j’avais d’abord émise moi-même.

Lors de la discussion de l’article, je voulais que le produit des barrières fût une ressource, un revenu de l’Etat, et j’ai fait une proposition dans ce sens. Mais, maintenant que vous avez considéré le produit des barrières comme n’étant pas un impôt et comme devant être exclusivement affecté à l’entretien des routes, mon opinion doit changer entièrement, et je demanderai qu’on laisse aux provinces le produit des routes de deuxième classe ; car l’article 3, tel que vous l’avez voté, ne permet plus d’appliquer ce produit à des constructions nouvelles.

- Plusieurs voix. - Si ! si !

M. Dumortier. - Je vous demande pardon ; l’article porte que les droits payés aux barrières sont affectés exclusivement à l’entretien et à l’amélioration des routes. Or, il n’est point question ici de constructions nouvelles. Ce que je désirais avant tout, c’était de conserver les intérêts du trésor ; mais, maintenant qu’on a décidé la question dans un sens contraire, j’ajouterai une observation relativement à l’état de nos routes. Je ne disconviens pas que certaines localités, et notamment le Luxembourg, aient plus particulièrement besoin de communications nouvelles ; mais on se trompe si l’on croit que la province de Hainaut n’éprouve pas aussi ce besoin. Dans l’arrondissement de Tournay, il y a trois routes non achevées, trois routes extrêmement nécessaires. Il y a d’abord la route de Tournay à Valenciennes. Il est inouï que dans un pays civilisé, deux villes importantes de 20,000 âmes chacune, et entre lesquelles se trouve la ville de Saint-Amand qui compte 10,000 âmes, n’aient pas de point de communication. Il y a ensuite celle de Tournay à Roubaix, et enfin celle de Tournay à …

Vous voyez donc, messieurs, que l’argument qu’on a fait valoir en faveur de certaines provinces, peut aussi s’appliquer à celle du Hainaut.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je me rallierai à l’amendement de M. de Brouckere, s’il demeure bien entendu que le produit des routes de deuxième classe non concédées retournera au trésor, suivant l’intention formellement exprimée par le gouvernement.

Quant aux observations de M. Dumortier, pour justifier son changement d’opinion, je ferai remarquer que le moment n’est pas encore venu de discuter la convenance et la justice de toutes les routes à établir. C’est lorsque le gouvernement viendra demander l’autorisation d’employer le produit des barrières à de nouvelles constructions que l’honorable M. Dumortier et d’autres pourront faire valoir leurs réclamations. Mais il faut, dès à présent, prendre acte de la déclaration faite hier dans cette enceinte que, par « amélioration, » le gouvernement entendait aussi les constructions nouvelles : c’est ainsi qu’il l’entendait, et c’est son article qui a été adopté.

M. Dumortier. - Le gouvernement peut entendre tout ce qu’il veut par les expressions consignées dans l’article 3 ; mais il est certain que le mot « amélioration » ne veut pas dire « constructions nouvelles. »

Ce n’est pas au sens ministériel que nous devons nous attacher, mais au sens grammatical de ce mot. Du moment que vous avez admis, messieurs, que le produit des barrières sera exclusivement consacré à l’entretien et à l’amélioration des routes, l’article est conçu de telle manière que ce produit ne peut plus servir à des constructions nouvelles. Or, moi qui veux qu’on crée de nouvelles routes, je suis obligé de changer d’avis et d’en revenir à la proposition qu’on vous a faite de laisser le produit des routes de deuxième classe aux provinces.

M. d’Elhoungne. - Il me semble, messieurs, que l’article 6 est tout à fait inutile. De quelles routes devons-nous nous occuper ? Des routes de l’Etat. Quant à celles appartenant aux provinces et à des particuliers, nous n’avons pas le droit de le faire, puisque nous ne pouvons pas disposer sur la propriété d’autrui. C’est pourquoi je demanderai la suppression de l’article 6.

Quant à l’interprétation donnée par M. le ministre de l’intérieur de l’article 3, je pense qu’elle est inadmissible. On n’entretient, on n’améliore que ce qui existe. Sous ce rapport, l’interprétation ne serait donc pas exacte, et d’ailleurs ce n’est pas ici le cas d’interpréter.

M. Fallon. - Ce que viennent de dire MM. Dumortier et d’Elhoungne me force à expliquer mon vote. J’ai pensé qu’il s’agissait d’employer le produit des barrières, non seulement à l’entretien, mais à l’amélioration du système des routes, du système des communications. Si l’on entend autrement l’article 3, je déclare que je voterai contre l’ensemble de la loi.

D’un autre côté, je crois qu’il faut se mettre d’accord sur ce qu’on entend par les routes de deuxième classe. Je ne connais pas très bien la législation sur la matière, mais je pense qu’il en existe de deux espèces : d’abord, les routes de deuxième classe dont l’administration est confiée aux provinces, et ensuite, les routes de deuxième classe appartenant aux provinces. Or, il n’est question ici que de celles dont l’administration est confiée aux provinces ; c’est le fonds de celles-là qui doit être versé au trésor.

M. Jullien. - On agite une question de grammaire et d’interprétation. Quant à moi, j’admets le sens du mot amélioration tel qu’il a été appliqué. Quand je dis entretien des routes, j’entends qu’elles soient réparées et tenues en bon état ; mais, quand je dis amélioration des routes, j’entends qu’on y ajoute, en créant des embranchements, en leur donnant de l’extension.

M. de Brouckere. - Messieurs, après avoir discuté pendant trois jours sur un seul article, nous sommes tombés dans la contradiction la plus manifeste. Le gouvernement proposait cet article : « Les droits payés aux barrières sont exclusivement affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes. » Mais, par amélioration, il déclara qu’il entendait des constructions nouvelles. Comme cette interprétation était tout au moins obscure, un de nos honorables collègues présente une disposition additionnelle, explicative de l’intention du gouvernement. Eh bien, la chambre a rejeté la proposition de M. Legrelle. D’où il suit, de la manière la plus claire, la plus logique, qu’on a entendu voter dans un sens contraire. D’un autre côté, la section centrale proposait de retrancher le mot « exclusivement. » Cette proposition a été également rejetée, et la rédaction du gouvernement adoptée. Il ne peut donc plus y avoir de doute sur l’intention de la majorité, et il est impossible d’interpréter une loi quand il s’agit d’une disposition aussi claire.

Maintenant, messieurs, vous allez voir surgir des discussions interminables, sur le point de savoir s’il ne devient pas convenable de réduire le droit des barrières. Avant tout il faut être conséquent : voulez-vous que le droit des barrières soit un impôt ? Alors il faut le ranger sur la même ligne que tous les autres revenus de l’Etat. Voulez-vous, au contraire, qu’il soit uniquement affecté à l’entretien des routes ? Alors établissez-le de manière qu’il soit proportionné aux besoins nécessités par cet entretien. Vous avez adopté le système contraire à celui qu’ont soutenu M. d’Elhoungne et M. de Muelenaere, à celui que j’ai appuyé moi-même, c’est-à-dire que les produits du droit de barrière seraient affectés exclusivement à l’entretien des routes. Eh bien il faudrait, pour être conséquents avec vous-mêmes, réduire ce droit à ce qu’exigent les frais d’entretien, et comme ces frais ne sont que du tiers des produits, il s’en suivrait, il s’en suit qu’il y aurait une grande diminution à faire.

Quant aux routes de deuxième classe, je suppose que M. le commissaire du Roi voudra bien nous expliquer ce qu’on entend par là, et alors nous serons à même de savoir quelle décision nous devons prendre.

M. Poschet. - Si l’article 3 devait être interprété comme vient de le dire M. de Brouckere avec d’autres orateurs, je déclare que je voterais contre la loi. Je pense que ceux qui se sont levés contre l’amendement de notre honorable collègue M. Legrelle, l’ont fait parce qu’ils ont cru comme moi que l’article dont il s’agit présentait un sens clair.

Oui, messieurs, je voterai contre la loi si l’on entend que l’on ne pourra pas faire de constructions nouvelles, car je suis très partisan des nouvelles routes. Je demanderais même pour cela 20,000,000 si nous pouvions les affecter à cet objet, tant je suis convaincu que l’amélioration du système de communications tourne au profit de la prospérité nationale. Je pourrais prouver que la route de Charleroy rapporte autant chaque année qu’elle a coûté en capital, et même je pourrais prouver qu’elle rapporte beaucoup plus. Et quel bénéfice en est résulté pour les propriétaires particuliers ? Je ne puis pas en faire en ce moment le calcul ; mais, sur une étendue de 8 à 9 lieues, combien d’hectares de terre avoisinant la chaussée ont augmenté de valeur ! Les propriétés de Loveilal et de Haut-sur-Heure, appartenant à nos deux honorables collègues MM. de Mérode, pourraient à elles seules payer les frais de la chaussée, et ils ne perdraient rien. (Rire général.)

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je ferai observer que par le mot « amélioration, » contenu dans l’article, le gouvernement entendait soit les travaux aux routes existantes, soit ceux nécessaires pour remplir les lacunes ou pour prolonger les communications. Il est évident, en effet, que, lorsqu’une route n’aboutit qu’à un cul-de-sac, et que vous l’étendez jusqu’à une autre route ou à une ville, vous l’améliorez. Voilà ce que, dans le sens du gouvernement, signifie le mot « amélioration. » Par conséquent, si, par le rejet de l’amendement de M. Legrelle, vous entendez avoir adopté le contraire, je demanderai qu’on remette aux voix cet amendement.

M. d’Elhoungne. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, nous perdons inutilement notre temps. Il est nécessaire de renvoyer le projet soit à la section centrale, soit à une commission spéciale, ou bien d’en revenir à la proposition de M. Dumortier, de proroger la législation existante pour 1833 ; autrement nous discuterons pendant 15 jours sans nous entendre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La chambre ne peut pas avoir consacré en pure perte trois jours à la discussion d’un projet de loi sur lequel la majorité est d’accord. Il est certain que la plupart des membres ont interprété le mot « amélioration » ainsi que l’entendait le gouvernement. Sans cela ils auraient commis une absurdité, alors qu’ils voulaient soutenir la système du gouvernement, de voter pour un article contraire à ce système.

Aussi je déclare que le gouvernement ne se regarde comme nullement lié par le rejet de l’amendement de M. Legrelle, attendu que cet amendement n’était qu’explicatif et surabondant. Mais il n’ajoutait ni n’ôtait rien à la signification du mot « amélioration, » pour ceux qui entendent le langage des ponts et chaussées. Au reste, je crois qu’il y aurait moyen de mettre tout le monde d’accord, ce serait de réunir l’article 3 et l’article 5, et de dire : « Les fonds provenant de la perception du droit des barrières seront, après le prélèvement des frais d’entretien et de surveillance ordinaires, appliqués à la construction de routes nouvelles. »

M. Gendebien. - Messieurs, je propose l’amendement suivant :

« Les produits des barrières de deuxième classe et ceux des routes qui ont été concédées à des provinces, à des sociétés ou à des particuliers, continueront à recevoir la destination qui avait été consacrée par le décret du congrès du 6 mars 1831. »

Il me semble que, dans le conflit d’idées où se trouve la chambre, et qui ne peut amener aucun résultat, il faut revenir sur ce qui a été fait. On veut priver toutes les provinces de leurs ressources et engloutir toutes ces ressources dans le gouffre général, c’est-à-dire dans le trésor public.

Mais vous ne pouvez pas changer aussi brusquement tout un système. Dans plusieurs provinces, des travaux sont commencés ; allez-vous les laisser inachevés ? Ils ont été entrepris dans la prévoyance d’une continuité de système. On vous a cité les routes de Tournay à Valenciennes, à Roubaix et beaucoup d’autres. Priverez-vous toutes ces localités de communications ? Attendez au moins que le petit poisson soit devenu grand, et vous le mangerez ensuite si vous le voulez ; mais n’allez pas précipitamment, par une mesure provisoire et à titre d’essai, bouleverser toutes les combinaisons de longues années. Sans garantir les provinces qui sont sans ressources, vous voulez dépouiller celles qui en ont. Cela est de toute injustice.

- L’amendement de M. Gendebien est appuyé.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Messieurs, il n’est nullement question de retirer aux provinces les routes qui leur appartiennent L’article indique que les routes de deuxième classe, dont il y est question, sont celles désignées dans le tableau jouit au projet de loi. Eh bien, il n’y a pas une seule route de deuxième classe, désignée à ce tableau, qui ait jamais appartenu à une province. Ce sont des routes construites sur les fonds de l’Etat. L’administration et les revenus en ont été conférés aux provinces, par un arrêté du gouvernement précédent ; et le congrès national y a ajouté une seconde faveur à l’avantage de quelques provinces et au détriment de quelques autres. C’est pour redresser cette injustice que le gouvernement demande que la disposition de l’excédant du produit lui soit abandonnée. L’emploi de cet excédant serait présenté chaque année à la chambre.

J’ai besoin de dire quelques mots sur la classification des routes. On n’a pas suivi de principes bien exacts pour cette classification et c’est pour cela que le gouvernement a promis de présenter un projet contenant une classification nouvelle.

Il a des routes qui sont d’un intérêt national. Je place dans cette première classe de routes celles du royaume qui s’approchent le plus directement possible des pays voisins.

Il y a ensuite des routes qui ne sont pas d’une importance aussi notable, mais qui s’étendent sur le sol de plusieurs provinces. Il est évident qu’il y aurait tout au moins de l’imprudence à laisser à l’administration provinciale l’entretien et l’amélioration de ces communications ; car il pourrait arriver qu’une communication fût très utile à deux provinces, et ne le fût pas autant à une troisième.

Ce sont là les routes de deuxième classe et c’est à la représentation nationale de juger de l’emploi des fonds en provenant.

Enfin, il est une troisième classe de routes : ce sont celles dont le point de départ et le point d’arrivée sont sur le sol d’une seule province. Il est certain que l’administration de ces dernières routes appartient à la province qui y est intéressée. Aussi le gouvernement ne demande-t-il pas à intervenir. M. Gendebien s’est trompé en le pensant ; il a confondu les routes provinciales avec les routes de deuxième classe.

Cela me donne l’occasion de relever une observation que l’honorable M. d’Elhoungne a faite dans une précédente séance. Il a dit qu’il était absurde de faire figurer dans les routes de première classe celle de Maestricht vers Wesel. Sans doute, cela est absurde, et c’est pour cela qu’il est besoin d’une nouvelle classification. Il y a des routes de deuxième classe, qui, à cause de leur importance, devront passer dans la première.

Cette classification doit être faite dans l’intérêt de l’Etat et des provinces ; non pas dans le système du congrès, mais dans le système de l’ancien gouvernement auquel le projet de loi actuel tend à vous ramener.

M. de Theux. - Je crois que l’on peut retrancher l’article 6 ; car la loi du 8 mars de l’année dernière, qui a prorogé le décret du congrès, expirera bientôt, et l’on en reviendra au droit commun ; tandis que si vous admettez la proposition de M. Gendebien, vous renouvellerez en faveur des provinces la donation qui leur a été faite par le congrès. Nous n’avons rien autre chose à faire que de retrancher l’article 6 pour rentrer dans le droit commun qui existait avant le décret du 6 mars 1831.

M. de Brouckere. - Je désire qu’on en revienne à la motion d’ordre de M. d’Elhoungne, car nous passerons ainsi plusieurs séances sans nous entendre.

M. Fallon. - Je crois que la discussion n’est pas encore assez avancée, car il s’agit ici d’un principe très important, et il convient de savoir quelle est l’opinion de la chambre pour faire l’application de ce principe. M. Gendebien a confondu les routes qui appartiennent à l’Etat avec celles qui appartiennent aux provinces.

Il faut vider la question avant d’ordonner le renvoi à une commission.

M. de Muelenaere.- Ceci prouve précisément qu’il n’y a pas lieu de renvoyer à une commission.

D’abord, quand à l’amendement de M. Gendebien, rien ne s’oppose à sa discussion ; et je crois que, d’après les observations de M. le commissaire du Roi et de M. Fallon, l’assemblée est assez éclairée pour le voter. Quant au doute prétendu que laisserait l’article 3, il est impossible de se méprendre sur les intentions des membres qui ont repoussé l’amendement de M. Legrelle. Il faudrait que ces vingt-sept membres n’eussent pas su ce qu’ils faisaient. C’est après que M. le commissaire du Roi avait expliqué l’article 3 dans ce sens que l’excédant des produits des barrières serait employé à de nouvelles constructions, que l’amendement de M. Legrelle a été rejeté. Je pense donc que nous pouvons continuer la discussion.

M. Gendebien. - A propos de motions d’ordre, on discute la question et l’on perd son temps. Délibérons sur les motions d’ordre.

M. Jullien. - Je m’oppose au renvoi devant une commission, parce que l’assemblée doit être convaincue que la principale difficulté était dans l’article 3. Cette difficulté étant résolue, on peut sans inconvénient continuer la discussion de la loi. Nous touchons au terme fatal. Il faut terminer cette discussion. L’impôt des barrières cesse à la fin de l’année. La moitié des membres de la chambre a compris le mot « amélioration » comme on devait le comprendre, comme l’a expliqué M. le commissaire du Roi Quant à l’amendement de M. Gendebien, je crois que les explications données par M. le commissaire du Roi et par M. Fallon ont dû satisfaire les esprits et qu’il ne sera pas donne suite à la discussion.

M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Je demande que chaque membre ne parle que deux fois sur le même objet, et que M. le président applique sévèrement cet article du règlement (Appuyé ! appuyé !)

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement ne peut concevoir les embarras qui paraissent peser sur la chambre. On vient d’adopter le principe de l’affectation spéciale des produits des barrières ; restait le second principe, d’après lequel il s’agit de savoir si le produit des routes de deuxième classe, que, par erreur, le congrès national avait résolu affirmativement la question ; je ne vois pas d’où viendraient les objections.

On a parlé de spoliation des provinces par l’Etat ; c’est la contraire qui est arrivé ; c’est l’Etat qui a été spolié par les provinces. Le gouvernement sait que le pays a besoin de communications, sait que la chambre n’accorde pas très facilement les fonds qui ne sont pas strictement nécessaires ; eh bien, il veut que le produit des routes de deuxième classe lui revienne, afin qu’il puisse le répartir sur tout le pays. Voilà ce que demande le gouvernement. Ce que vous avez adoptée sections, je réclame que vous l’adoptiez en assemblée.

- Plusieurs membres, M. Dumortier, M. Deleeuw, M. de Brouckere et d’autres, parlent à la fois sur la motion d’ordre.

M. de Brouckere. - Je retire ma motion.

M. Dumortier. - Je la fais mienne. Sans cette motion nous ne ferons que du gâchis. Il faut savoir ce que signifie l’article 3. L’article 6 dépend entièrement de l’article 3. Il faut renvoyer la loi à une commission. (Aux voix ! aux voix !)

- La chambre prononce la clôture sur la motion d’ordre.

Le renvoi à une commission est ordonné.

La chambre invite le bureau à nommer la commission.

Ce sont les deux premiers projets de loi sur les barrières que la commission aura à coordonner d’après les principes votés par la chambre.


La chambre passe ensuite à la discussion du projet relatif au cahier des charges.

Projet de loi. Cahier des charges pour la perception de la taxe des barrières

Discussion des articles

Articles 1 à 3

Les articles 1, 2 et 3 sont successivement adoptés en ces termes :

« Art. 1er. Le droit de percevoir la taxe des barrières sera adjugé publiquement, et pour chaque barrière séparément.

« Art. 2. L'adjudication aura lieu par devant le gouverneur de chaque province ou un membre de la députation des états ; délégué par lui, en présence de l'ingénieur en chef des ponts et chaussées et du directeur de l'enregistrement, à l'extinction des feux, par hausses successives, sur une mise à prix indiquée par le conseil d'adjudication, et pour le terme d'une année, commençant au 1er avril 1833, à minuit, et finissant au 31 mars 1832, aussi à minuit.

« Art. 3. L’adjudication ne sera définitive qu'après l’approbation du département de l'intérieur. »

Article 4

On passe à l’article 4, ainsi conçu :

« Art. 4. Le gouverneur donnera avis aux adjudicataires de l'approbation donnée à leurs marchés ; ceux-ci verseront, dans les trois jours, sous peine de nullité, 5 p. c. du prix du bail dans les bureaux du gouvernement de la province, pour couvrir les frais de timbre, d'enregistrement et adjudication ; dans les dix jours, ils fourniront un cautionnement, soit en numéraire, soit en immeubles.

« Le cautionnement en numéraire consistera dans un quart du prix annuel du fermage. Le décompte en sera fait à la fin du bail, de sorte que le fermier n'ait plus aucun paiement faire pour les trois derniers mois.

« Le cautionnement en immeubles sera consenti par acte authentique, en justifiant : 1° par un certificat de l'autorité communale, que les immeubles sont au moins d'une valeur égale à la moitié du prix d'une année de bail ; et 2° par un certificat du conservateur des hypothèques que lesdits immeubles sont libres de toutes charges.

« Les frais qui résulteront de cet acte et de l'inscription hypothécaire, qui s’ensuivra, seront à la charge du fermier.

« Si l'adjudicataire reste en défaut de fournir le cautionnement exigé, il sera procédé à une réadjudication, à ses risques et périls, ou bien, l'avant-dernier enchérisseur pourra être déclaré adjudicataire, si l'administration le juge à propos. A cet effet, l'avant-dernier enchérisseur sera considéré au même titre que l'adjudicataire et ne sera libéré de toute obligation que par l'approbation de l'adjudication.

« Dans l'un ou l'autre cas, le fermier déchu devra payer immédiatement le montant de la folle enchère, à peine d'y être contraint, par les voies autorisées pour le recouvrement des revenus domaniaux. »

M. Dubois propose de dire au dernier paragraphe de cet article : « recouvrement » des revenus domaniaux, au lieu de « remboursement » des revenus domaniaux.

- Cette proposition n’a pas de suite.

M. Jonet. - Je propose deux amendements à cet article ; et ils m’ont été suggérés par des personnes très capables d’apprécier l’inconvénient d’en adopter toutes les dispositions. La hauteur du cautionnement en numéraire empêche une foule de personnes de concourir à l’adjudication ; c’est pourquoi je pense qu’il faudrait diminuer ce cautionnement en numéraire du quart au sixième. Je demande que le paragraphe 2 soit modifié dans ce sens.

Le deuxième changement que je propose est relatif à l’avant-dernier enchérisseur. Le paragraphe 5 porte que l’avant-dernier enchérisseur, dans le cas où l’adjudicataire reste en défaut de fournir le cautionnement exigé, pourra être déclaré adjudicataire, si l’administration le juge à propos. Qu’en résulte-t-il ? C’est que l’avant-dernier enchérisseur, ne sachant pas si la première barrière lui restera, n’enchérit plus sur la seconde, parce qu’il n’a pas les moyens suffisants pour en payer deux, et souvent il arrive qu’il n’en a pas du tout. Par ces motifs, je demande le retranchement de la disposition relative à l’avant-dernier enchérisseur.

- Ces amendements sont appuyés.

Le premier, qui consiste à réduire le cautionnement en numéraire du quart au sixième du prix annuel du fermage, est mis aux voix et adopté.

La disposition concernant l’avant-dernier enchérisseur est retranchée.

Sur la proposition de M. Fallon, les mots « dans l’un ou l’autre cas » sont également retranchés.

M. Verdussen propose au paragraphe 3 un changement, consistant à effacer les mots « de toutes charges » et à les remplacer par ceux-ci : « jusqu’à concurrence d’une valeur double du montant du fermage. »

Je propose cet amendement, parce que, si on laissait subsister le paragraphe tel qu’il est, on ne pourrait apporter en cautionnement un immeuble qui dépasserait de beaucoup le prix du fermage, et cela parce qu’il ne serait pas entièrement libre de toutes charges.

Plusieurs membres font observer que cet amendement n’atteint pas le but proposé.

M. de Muelenaere propose de rédiger ainsi l’article :

« Le cautionnement en immeubles sera consenti par acte authentique en justifiant par un certificat de l’autorité communale et par un certificat du conservateur des hypothèques, que les immeubles, déduction faite des charges dont ils sont grevés, sont au moins d’une valeur égale à la moitié du prix d’une année de bail. »

- Cette rédaction est adoptée.

L’article 4 avec toutes ces modifications est également adopté.

Articles 5 à 15

Tous les articles suivants sont successivement adoptés sans observations, en ces termes :

« Art. 5. Aussitôt que les fermiers auront justifié auprès du gouverneur de l'accomplissement des obligations à eux imposées par l’article 4, il leur délivrera un permis de perception.

« Les fermiers prêteront dans ses mains le serment de n'exiger d'autres taxes que celles établies par la loi, et de remplir fidèlement toutes les obligations qui leur sont imposées.


« Art. 6. Les fermiers feront connaître, à l'ingénieur en chef des ponts et chaussées, l'endroit qu'ils ont choisi, dans les limites indiquées par le tableau approuvé par le ministre de l'intérieur, pour y placer le poteau de perception. Ce poteau ne pourra ensuite être changé de place qu'avec l'autorisation de la députation des états, donnée d'après l'avis de l'ingénieur en chef.


« Art. 7. Les fermiers qui voudront faire opérer leur recette par des préposés, indiqueront à l'ingénieur en chef les personnes qu'ils ont l’intention de déléguer à cet effet. Ce fonctionnaire, après s'être assuré qu'elles ont les qualités requises pour s'acquitter de leurs devoirs, les présentera au gouverneur de la province, pour être admises à prêter le serment entre ses mains.


« Art. 8. Les fermiers devront se pourvoir à leurs frais d'une habitation, sans pouvoir prétendre de ce chef à une indemnité quelconque, soit durant le bail, soit après son expiration.

« Les habitations existantes aux barrières et celles qui pourront être construites pendant la durée du bail et appartenantes à l’Etat, sont adjugées en même temps que les barrières.

« Les adjudicataires de celles déjà existantes s'y établiront en même temps qu'ils prendront possession de la barrière, et ceux des maisons à construire dès l’instant qu'elles seront habitables.

« La durée de la jouissance de ces habitations sera égale à celle des barrières.

« Les fermiers devront entretenir ces habitations pendant la durée de leur bail, et en payer, toutes les charges auxquelles les lois en vigueur sur la matière assujettissent tous locataires de maisons et bâtiments.


« Art. 9. Ils reprendront, pour leur compte, des fermiers actuels et sur estimation, les poteaux et lanternes qui sont la propriété de ces fermiers. Si ceux-ci refusaient de céder ces objets, ils devront s'en pourvoir sur-le-champ ailleurs. Si les poteaux, barrières, lanternes, etc., sont la propriété de l’Etat, ils seront cédés aux fermiers à la condition de les entretenir convenablement et de les remettre à la fin du bail en bon état.

« Les poteaux devront tous être semblables au modèle adopté par l'arrêté du l3 février 1816.


« Art. 10. Les fermiers verseront, dans les dix jours de chaque mois, dans la caisse du receveur de l'enregistrement et des domaines, le douzième du prix annuel, ainsi que les sommes qui auraient pu être consignées en leurs mains, par suite de contraventions aux réglements sur la police des routes, et cela sans que, dans aucun cas, ils puissent exiger la moindre déduction ou différer le versement, soit à titre d'indemnité, de pertes ou autres causes. En cas de retard dans ces paiements, ils seront poursuivis par les voies usitées pour le recouvrement des revenus domaniaux, et notamment par contrainte et saisie-exécution des biens meubles et effets mobiliers, et sans que les fermiers puissent prétendre que le recours soit exercé préalablement sur le cautionnement.

« Le fermier se soumettra, à défaut de remplir les conditions de son bail, à ce qu'il soit procédé à la résiliation de celui-ci et à une nouvelle adjudication à la folle enchère. A cet effet il suffira de lui faire une dernière sommation annonçant la susdite adjudication.


« Art. 11. Les fermiers sont sous la protection spéciale de l'autorité publique, qui leur prêtera aide et assistance et, en cas de besoin, main forte. Ils toucheront le quart de toutes les amendes versées dans les caisses de l’administration, pour contraventions qu'ils auront constatées à leur bureau de barrière. Cette quote-part leur sera payée, à l'expiration de chaque semestre, sur des états à rédiger par les receveurs de l'enregistrement et des domaines.


« Art. 12. Lorsqu'en cas de dégel, le gouvernement jugera nécessaire, pour la conservation des routes, d'y interdire, pendant un certain temps, la circulation des voitures chargées, les fermiers devront se conformer à cette mesure, sans pouvoir de ce chef prétendre à aucune indemnité, et seront obligés de tenir la main à l'exécution des lois existantes et des ordres donnés à ce sujet. Ils encourront une amende de cinquante francs pour chaque chariot ou voiture qu'ils auraient laissés passer malgré la défense.


« Art. 13. Les fermiers et leurs délégués seront, pour tout retard, recette illégale ou voie de fait, et en général pour toute contravention aux présentes conditions, d'après les circonstances, condamnés à une amende de vingt à deux cents francs, ou a un emprisonnement d'un jour au moins et de quinze jours au plus, ou bien conjointement à une amende et à un emprisonnement dont le maximum ne pourra excéder 100 francs d'amende et 8 jours de prison, indépendamment des dommages et intérêts et de l’application éventuelle des lois pénales, ainsi que de la résiliation immédiate de leur bail, d'après les stipulations mentionnées à l'article 10.

« Dans le cas où les délégués des fermiers seraient hors d'état de payer les amendes, dommages et intérêts auxquels ils seraient condamnés, ces amendes, dommages et. intérêts seront recouvrés sur les fermiers eux-mêmes. Ceux-ci resteront, sous ce rapport, responsables, pour leurs délégués.


« Art. 14. Les fermiers des barrières seront soumis, pour ce qui concerne leurs fonctions, à la surveillance et aux ordres de l'administration des ponts et chaussées, et seront spécialement tenus de lui donner connaissance de tous les faits concernant la police et la conservation des routes sur lesquelles sont placées leurs barrières. Ils recevront les consignations pour contravention à la voirie, sur récépissé. Ils adresseront, à la fin de chaque mois un extrait certifié du registre de service à l’ingénieur de l’arrondissement.


« Art. 15. Toutes contestations sur les conditions ci-dessus seront du ressort des tribunaux. »

Projets de loi relatifs à la taxe des barrières

Discussion des articles

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Tout le monde reconnaît l’urgence de la loi. Si M. Poschet est absent demain, il ne le sera pas ce soir. Il faudrait pouvoir délibérer demain sur la loi ; on ferait une chose utile au trésor.

M. Osy. - Dans le second projet de loi proposé, le tarif est en francs. D’après ce que j’ai appris hier de personnes attachées à l’administration des monnaies, il n’y a pas assez de cuivre en circulation. Je crois que la commission ferait bien de consulter le ministre des finances pour savoir si on établira les tarifs en centimes ou si on les laissera en cents. Il n’y a que pour 14 mille francs de centimes frappés ; on ne peut pas mettre les tarifs en centimes. Je fais cette observation afin d’éviter une perte de temps pour la discussion de la loi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il est impossible que les modifications à la loi soient considérables ; la commission peut terminer son travail ce soir ; et demain la chambre se réunirait.

- Plusieurs membres. - Il est inutile d’indiquer une réunion pour demain, on ne viendrait pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) fait de nouvelles instances ; mais la majorité de l’assemblée se prononce pour une réunion à lundi à midi précis.

- La commission chargée de l’examen des deux premiers projets de loi sur les barrières est désignée par le bureau. Elle est composée de MM. Deleeuw, Dumortier, Jullien, Fallon, de Theux, Jonet, Poschet.

La séance est levée à quatre heures.