(Moniteur belge n°61, du 2 mars 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
A une heure un quart, M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal : il est adopté.
M. de Renesse analyse ensuite diverses pétitions adressées à la chambre entre lesquelles nous distinguons celle de trois distillateurs d’Ixelles et d’Etterbeck, qui demandent que le droit pour les distilleries agricoles soit réduit à 30 p. c., et que la loi ne soit mise à exécution que dans le mois d’octobre prochain.
M. Jonet. - Comme la dernière pétition a rapport au projet que nous discutons, je demande qu’il en soit donné lecture à la chambre, ou qu’elle soit renvoyée à la commission qui a rédigé le projet de loi.
- Plusieurs voix. - La lecture ! la lecture !
M. le président. - Je vais, puisque la chambre le désire, donner lecture de la pétition. (Le texte de cette pétition, inséré ensuite dans le Moniteur, n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
Désire-t-on le renvoi de cette pétition à la commission ?
M. Fleussu. - C’est inutile !
M. Jullien. - Le dépôt au bureau des renseignements -
M. de Muelenaere. - Je demande que la pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion, afin que l’on puisse y recourir au besoin.
M. d’Huart. - C’est inutile ; l’article auquel elle se rapporte est adopté.
M. de Muelenaere. - Cet article a été amendé ; et on pourra y revenir lors de la discussion sur l’ensemble.
M. le président. - Il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’elle reste sur le bureau. (Non ! non !)
M. A. Rodenbach. - Il y a d’autant moins d’inconvénient que les pétitionnaires demandent une chose sur laquelle la chambre n’a pas encore prononcé, c’est-à-dire que la loi ne soit mise à exécution qu’au mois d’octobre prochain. Quant aux autres arguments des pétitionnaires, ils ont été victorieusement réfutés dans cette enceinte ; nous avons consacré deux jours à discuter la question, il n’y a plus à y revenir. Quant à la mise à exécution de la loi au mois d’octobre, c’est différent ; on n’a pas encore examiné cette question, et sous ce rapport le dépôt sur le bureau peut être utile.
M. Jullien. - Je demande que la pétition reste déposée sur le bureau, d’autant plus que je crois, et je suis même certain que l’article auquel la pétition se rapporte a été amendé, et que par conséquent il y aura lieu de revenir sur cette question. Au surplus, comme on l’a déjà dit, ce dépôt ne présente aucun inconvénient.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, la pétition sera déposée au bureau des renseignements, et pendant la discussion actuelle elle restera sur le bureau.
L’ordre du jour appelle la discussion de la loi sur les distilleries. Nous en sommes restés à l’article 28, ainsi conçu :
« Art. 28. Pour jouir du bénéfice des dispositions qui précèdent, l’exportation devra se faire par les ports d’Anvers ou d’Ostende, et par bâtiments pontés jaugeant au moins 30 tonneaux métriques. »
Il y a plusieurs amendements sur cet article ; le premier est de M. le ministre des finances ; il consiste à remplacer les mots : « Pour jouir du bénéfice des dispositions qui précédent, » par ceux-ci :
« L’exportation mentionnée à l’article précédant ne pourra se faire que par les ports d’Anvers ou d’Ostende, et par bâtiments, etc. »
Le second amendement est de M. Donny ; il est ainsi conçu : « Pour jouir du bénéfice des dispositions qui précèdent, l’exportation devra se faire par les bureaux d’Anvers, d’Ostende ou de Nieuport. »
Le troisième et dernier amendement est de M. Coghen ; en voici les termes :
« L’exportation par terre sera aussi permise par les bureaux que le gouvernement désignera. »
M. Hye-Hoys. - Je demanderai à M. le ministre des finances pourquoi Gand ne serait pas mis dans la même position que Anvers et Ostende. Gand aboutit à la mer par un canal qui serait en notre possession aujourd’hui, si nous avions continué de nous maintenir en possession de la rive gauche de l’Escaut,que nous avons perdue par notre faute à l’époque de la révolution, et dont la perte est devenue définitive par l’acceptation des 24 articles. Je ne vois pas pourquoi Gand ne serait pas sur la même ligne que les autres ports.
M. Jullien. - Je crois, messieurs, qu’il avait été convenu, dans la séance d’hier, que M. le ministre des finances parlerait aujourd’hui pour nous dire les raisons qui selon lui empêcheraient de comprendre au nombre des bureaux d’exportation, le port de Bruxelles, comme l’a demandé hier M. Coghen ; le port de Bruges, comme je l’ai demandé ; le port de Gand, comme le demande M. Hye-Hoys. M. le ministre des finances a dit hier que c’était pour prévenir la fraude, et, cependant, il a ajouté que le droit était si modique que la fraude serait sans doute moins active. J’attendrai maintenant les explications qu’il nous a promises et qu’il va sans doute nous donner.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’exportation des genièvres n’est interdite par aucun bureau. On peut, au contraire, l’effectuer par tous les bureaux frontières tant du côté de la mer que du côté de la terre. Mais la remise de l’impôt formant une véritable prime d’exportation ne doit être accordée que par mer, par le motif facile à apprécier que c’est une espèce d’anomalie que de donner des primes d’exportation pour des marchandises expédiées vers des pays où elles sont repoussées et prohibées.
Nos frontières de terre avoisinent la France, la Prusse et la Hollande, et dans aucun de ces pays on ne permet l’importation de nos spiritueux. Ce n’est donc que par mer qu’ils peuvent être réellement exportés. En désignant donc les ports par lesquels la prime d’exportation pourra être acquise, ce n’est qu’indiquer les points où les liquides sortent du royaume.
Mais on peut, de tous les points du royaume et par toute espèce de moyens de transports, expédier en exportation sur ces points de sortie, qui sont ainsi ouverts aussi bien pour Bruxelles, Louvain, etc., que pour Hasselt, Liége ou Arlon. C’est au lieu du départ que se lèvent le permis d’exportation pour en effectuer la sortie à l’un des ports désignés où se fera la vérification et où se constatera l’exportation sur le permis obtenu, qui, reproduit déchargé, procurera à l’expéditeur le bénéfice de la décharge des droits sur son débet au bureau où il a son compte ouvert.
On ferait donc une désignation tout à fait inutile si l’on ajoutait Bruxelles, Louvain, ou tout autre lieu intérieur, aux bureaux de sortie, puisque dans ces lieux on ne sort pas du territoire du royaume, mais que l’on peut en expédier à l’exportation par les bureaux de sortie.
Je vais vous citer un exemple. On charge un navire à Bruxelles ; on y met une quantité de genièvre. On est autorisé à lever ici le permis d’exportation pour Ostende ou pour Anvers, puisqu’on peut par eau faire transporter la marchandise dans l’un ou l’autre de ces lieux ; mais ce n’est qu’à Anvers ou à Ostende qu’on peut obtenir le certificat constatant la sortie qui donnera droit à la décharge. C’est là, seulement, en effet, que les employés, après vérification de la marchandise, peuvent délivrer le « vu passer à l’étranger, » et c’est aussi sur ce seul vu qu’on peut obtenir la décharge du droit. Ainsi, le point de départ pour l’exportation est toujours parfaitement libre de tous les points du royaume ; mais ce n’est qu’au lieu et au moment où la marchandise sort du pays et passe à l’étranger qu’on peut réellement dire que l’exportation est consommée.
- Plusieurs voix. - Je demande la parole.
M. le président. - M. de Brouckere l’a déjà demandée.
M. de Brouckere. - M. le ministre des finances n’a rien dit pour les bureaux de terre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Pour ce qui est des bureaux de terre, je viens de dire les raisons pour lesquelles l’administration a désiré et obtenu de la commission qu’il n’en fût fait aucune mention dans la loi.
Outre la raison indiquée hier par moi, et reproduite aujourd’hui par M. Jullien, qui est celle de prévenir la fraude, j’ai ajouté, tout à l’heure, celle-ci c’est que comme, en général, on ne pourrait exporter de chez nous que vers des pays d’où nos eaux-de-vie sont repoussées, il est à craindre qu’on ne simule des exportations d’eaux-de-vie, pour les faire rentrer dans le pays, ainsi que cela se pratique à l’égard d’autres marchandises. C’est donc pour ne pas voir diminuer les produits du trésor au moyen de cette fraude, que j’ai demandé que l’exportation n’eût pas lieu par terre.
M. de Brouckere. - Messieurs, je dois avouer que je m’attendais à un autre langage de la part de M. le ministre, et, d’après ce qu’il nous avait dit hier, j’étais en droit de m’y attendre.
En effet, quand hier l’honorable M. Coghen et moi nous avons témoigné le désir de voir insérer dans la loi une disposition qui autorisât le gouvernement à permettre l’exportation par certains bureaux avec restitution des droits, M. le ministre des finances paraissait n’avoir aucune objection à faire contre cette demande, et c’est sur ma proposition même que la discussion fut renvoyée à aujourd’hui, parce que la question ne paraissait pas souffrir de grandes difficultés. Cependant aujourd’hui M. le ministre des finances s’oppose à ce que l’exportation puisse avoir lieu par la voie de terre.
Je conçois que pour ce qui concerne Bruges, Gand, Bruxelles ou Louvain, les objections de M. le ministre soient fondées, parce que ces villes peuvent, par leurs canaux, communiquer facilement avec les ports ouverts à l’exportation. Pour le Limbourg, le Luxembourg, et même pour Liége, qui, sous certains rapports, peut leur être assimilé ; mais, pour le Limbourg et le Luxembourg, dis-je, vous les mettez dans une position à rendre impossible toute exportation de leur part. En effet, je vous le demande, comment croire que dans le Limbourg l’exportation serait praticable ? Si on a de l’eau-de-vie à faire sortir de ce point, ce sera le plus souvent pour l’expédier en Prusse. Voulez-vous qu’on envoie l’eau-de-vie à Anvers pour de là la faire arriver en Prusse ? Mais ce serait lui faire faire un circuit ridicule et inutile. La loi serait donc impraticable pour le Limbourg, parce que la navigation de la Meuse est interdite.
Mais, dit M. le ministre des finances, l’eau-de-vie est interdite à l’entrée par la Prusse, la Hollande et la France ; je ne vois pas, en vérité, pourquoi la sollicitude de M. le ministre s’étendrait jusqu’à l’étranger, ni pourquoi il agirait avec tant de délicatesse vis-à-vis de ces puissances, et surtout de la Hollande.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je demande la parole.
M. de Brouckere. - Ma proposition n’avait rien d’hostile au gouvernement. Nous ne voulons autre chose, M. Coghen et moi, sinon que l’exportation puisse être permise par certains bureaux des frontières de terre.
Je dois le dire, messieurs, et ce n’est pas que je veuille défendre, comme on le dit souvent ici des intérêts de paroisse, mais l’arrondissement de Ruremonde serait horriblement lésé par une telle prohibition. Cet arrondissement est séparé du reste de la Belgique par l’interruption de la navigation de la Meuse. On y compte un grand nombre de distilleries par une raison très simple, c’est qu’on y défriche beaucoup ; il sera donc impossible à ce district d’exporter ses eaux-de-vie ; car, comme je l’ai déjà dit, il est impossible de songer à les envoyer à Anvers pour les faire arriver en Prusse. Puisque M. le ministre ne veut pas accéder à notre proposition, je proposerai un amendement pour que l’exportation par les bureaux de terre puisse être permise.
M. Coghen. - J’ai déjà proposé un amendement dans ce sens.
M. de Brouckere. - Ah ! Je vous demande pardon. Dans ce cas j’appuierai cet amendement, et s’il est adopté, je déclare que je ferai auprès du gouvernement toutes les démarches possibles pour qu’un bureau soit ouvert à l’exportation sur la frontière du Limbourg, et je crois en cela avoir exprimé ici la pensée de tous les représentants de cette province.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, je me suis bien gardé de parler des pays qui entourent le nôtre, autrement que pour vous signaler la législation qui les régit, et qui repousse nos eaux-de-vie. Je n’en ai pas parlé dans le but de protéger ces pays contre la fraude ; mais j’ai dit et j’ai dû dire que les exportations qui se feraient du côté de ces pays ne seraient que simulées, comme elle le sont malheureusement sur d’autres points, et que la réimportation s’effectueraient dans notre pays soit par infiltration, soit par grandes quantités, et qu’ainsi les coups les plus notables seraient portés au trésor, en le privant de produits sur lesquels il doit compter.
M. Mary. - Quel est donc, messieurs, le but avoué de la loi ? Ce n’est pas seulement de rendre la fraude inutile en lui ôtant tout appât, mais c’était surtout de protéger nos distilleries autant que possible, en d’autre termes d’augmenter la production. Veut-on que toute cette production soit consommée dans le pays ? Non, certainement. Il n’est pas un seul de nous qui désire qu’il se boive en Belgique un seul verre d’eau-de-vie de plus après qu’avant la loi. Nous ne voulons que donner à l’industrie une nouvelle extension. Or, la proposition de M. le ministre des finances irait directement contre ce but, en ne permettant l’exportation que par deux ports, ou ce n’est pas une prime qu’on accorde, mais une simple restitution du droit.
Il a dit que l’exportation ne devait pas être permise par terre.
Mais, messieurs, pourquoi abdiquerions-nous aujourd’hui une faculté que la loi de 1822 elle-même consacrait ? Nous ne demandons pas que l’on prodigue ces bureaux ; mais on pourrait en ouvrir au moins sur les rivières ou les fleuves qui traversent le royaume : sur la Lys, l’Escaut, la Sambre ou la Meuse.
Mais, dit M. le ministre, nos voisins repoussent nos eaux-de-vie. C’est une erreur, tous ne les repoussent pas. Tous les frappent de droits plus ou moins forts, mais tous ne les prohibent pas d’une manière absolue. Ainsi donc, mettons toutes nos provinces sur une même ligne et n’allons pas, en n’admettant que deux bureaux, rendre toute exportation impossible.
A moins que la discussion ne m’éclaire et ne me fasse changer d’opinion, je proposerai un amendement tendant à ouvrir 9 bureaux sur la frontière de Prusse et 5 sur la frontière de France.
M. Dubois. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour rappeler votre attention sur l’amendement que vous a proposé mon honorable collègue M. Donny, amendement qui tend à autoriser l’exportation des eaux-de-vie par le port de Nieuport et, sous ce rapport, par mettre celui-ci sur la même ligne des ports d’Ostende et d’Anvers.
Dans tout ce que vient de dire M. le ministre des finances, il n’a pas touché un mot relatif à cet amendement ; il n’a rien dit pour motiver son éloignement à l’adopter : je ne vois réellement pas pourquoi. J’ignore pour quelle raison on n’accorderait pas au port de Nieuport la faveur que la loi donne à ceux d’Ostende et d’Anvers.
Hier cependant le ministre a dit : « Quant aux ports de mer situés dans l’intérieur du pays, ce sont les mêmes raisons qui les ont fait exclure de la disposition, parce que le trajet d’un port situé en avant dans le pays jusqu’au port de la sortie donnerait lieu à une fraude considérable. »
Et voilà pourquoi on refuserait à Nieuport un bureau d’exportation ? Mais, messieurs, le ministre n’a exposé que les motifs qui devraient le faire admettre. Sans doute, il ne connaît pas cette localité ; il ignore que Nieuport est une ville située d’un côté sur la mer et que de l’autre elle touche aux frontières de la France ; il ignore que presque sous les murs de cette ville il existe des postes de douanes belges, il l’ignore, ou bien il a une bien faible confiance dans les agents de son administration.
Il est donc évident que rien n’empêche d’établir un bureau d’exportation à Nieuport.
Indépendamment de ces considérations générales, je réclame cette disposition pour l’intérêt des distilleries situées ou qui pourraient être établies dans le voisinage de cette ville.
Dans le rapport qui vous a été lu par M. Zoude, j’y vois la chambre de commerce de la ville d’Ypres qui demande cette faveur ; la ville de Bruges demande la même chose, et je le conçois ; le canal d’Ypres à Nieuport donne toute facilité d’exportation pour cette première ville. Il existe également des canaux et des routes menant à Nieuport pour les distilleries situées dans le district de Dixmude et pour celles qui pourraient s’établir dans les villes voisines.
Ainsi, messieurs, les intérêts généraux du royaume et les intérêts particuliers des localités réclament cette faveur et s’opposent à ce que cette petite ville soit mise hors de tout droit commun.
J’attendrai les explications de M. le ministre pour vous soumettre d’autres considérations relatives à l’objet.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, jusqu’ici je n’ai pour ainsi dire parlé que comme dans une discussion générale sur l’article. Mais je me proposais, quand l’amendement de M. Donny viendra, si on m’eût demandé, comme c’est d’usage, si je me ralliais à cet amendement, je me proposais de répondre oui. Je n’ai pas le projet de m’opposer à ce que Nieuport jouisse de la même faveur qu’Anvers et Ostende.
M. Hye-Hoys. - Je demanderai de nouveau à M. le ministre pourquoi le port de Gand ne serait pas mis sur la même ligne ? Gand est un port de mer. (Hilarité.)
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je répondrai à l’honorable membre en lui rappelant l’exemple que j’ai cité tout à l’heure. On demande à Gand ou à Bruxelles un permis d’exportation ; il est accordé sans difficulté. Mais de là il faut arriver au port où l’exportation se consomme, et ce n’est que dans ce dernier qu’on peut délivrer le certificat sur lequel la restitution du droit peut être opérée.
Je vois qu’il règne une erreur dans la discussion, de la part de quelques membres ; on prend le point de départ pour le lieu de l’exportation réelle, et il n’en est pas ainsi : de tous les points du royaume on peut obtenir la faculté d’exporter, de sorte que les ports intérieurs n’ont pas besoin d’être compris dans l’article.
M. de Muelenaere. - M. le ministre des finances a dit que la désignation des ports à l’intérieur, comme ceux de Louvain, Bruxelles ou autres, comme bureaux d’exportation, serait inutile. D’abord, j’avais demandé la parole pour appuyer les observations de mon honorable ami M. Dubois, relativement à Nieuport, qui est bien réellement un port maritime. Ce qu’a dit, tout à l’heure, M. le ministre des finances à cet égard me dispense d’assister. Mais je viens en outre appuyer la proposition de l’honorable M. Jullien, de comprendre Bruges au nombre des bureaux d’exportation.
De tout temps, Bruges fut considéré comme un port de prime abord. Jusqu’au mois de floréal an XI, les navires venant d’Ostende à Bruges n’étaient assujettis qu’à faire leur déclaration en gros ; ce n’est que depuis l’an XI qu’ils ont été obligés de faire la déclaration en détail.
La seule objection faite contre la proposition de M. Jullien, c’est que cela pourrait favoriser la fraude. Mais cette objection ne peut s’appliquer à la proposition de M. Jullien ; d’abord, les navires venant d’Ostende peuvent arriver à Bruges sans aucune allège. Ceux qui partent de Bruges peuvent être convoyés, et leurs écoutilles peuvent être plombées jusqu’à Ostende, et là, si les plombs sont trouvés intacts, on permet l’exportation sans difficulté. En un mot, par le canal qui aboutit de la mer à Bruges, cette ville peut être considérée comme port de mer ; et, en effet, comme j’ai déjà eu l’honneur de le dire, Bruges a toujours été considéré comme port de prime abord. C’est sous ce rapport que j’appuie la proposition de M. Jullien, sauf à y ajouter des observations ultérieures si cela était nécessaire.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Le bénéfice que réclame l’honorable préopinant en faveur de Bruges, cette ville le possède. On peut déclarer dans ce port les marchandises à l’exportation, et l’orateur vient d’expliquer lui-même comment l’exportation se consomme. Les écoutilles sont plombées, les degrés sont constatés, les vaisseaux sont comptés, leur contenance respective déterminée ; le bâtiment se rend à Ostende, où s’opère la véritable vérification pour l’exportation. Le bénéfice que l’on réclame ne saurait empêcher les dernières opérations qui se font à Ostende, opérations après lesquelles les préposés mettent : « vu passer à l’étranger. »
Tous les ports de la Belgique jouissent du même bénéfice de l’exportation.
M. de Muelenaere. - Mais jouira-t-on de ce bénéfice à Bruges ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Non, je m’y opposerai tant que je pourrai. Les acquits d’exportation ne peuvent se décharger par les employés qu’à cheval sur la frontière des deux pays ; c’est là où l’employé doit dire : « vu passer à l’étranger » Tous les bureaux de terre et de mer jouissent du même privilège d’aller à l’extrême frontière.
M. Coghen. - D’après les explications données par le ministre des finances, j’insisterai davantage pour qu’on accorde à Gand, à Bruges, et à d’autres villes la faculté d’exporter avec décharge des droits. On peut exporter dès aujourd’hui, il est vrai ; mais il n’est pas permis de décharger les droits.
La ville de Bruges a fait de grands frais pour son canal ; à Gand on a dépensé quatre millions pour créer un canal ; pourquoi établir des entraves ? Elles sont sans équité. Que l’administration prenne toutes les mesures pour empêcher la fraude ; qu’elle fasse convoyer les navires sujets à l’accise. Il me paraît impossible de vouloir empêcher plusieurs villes de jouir des avantages que vous accordez à deux ports exclusivement.
Quant à l’exportation de terre, M. Mary l’a très bien exposé, c’est afin de refouler les liquides de l’étranger que vous avez établi un droit minime ; mais ce droit ne doit pas frapper nos liquides qui vont à l’étranger : s’il est vrai que nos spiritueux soient prohibés dans les pays qui nous environnent, cela peut être vrai aujourd’hui et peut ne l’être pas demain.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je ne peux qu’insister sur les observations que j’ai présentées. Il n’est aucun point maritime, il n’est aucune ville posée sur canaux, rivières, qui n’ait la faculté que l’on réclame ; mais il est impossible de commencer l’exportation à Bruxelles : par exemple, à l’Allée-Verte, à l’entrepôt. Ce n’est pas de là qu’on peut dire : « vu passer à l’étranger, » après avoir quitté Bruxelles. C’est à Ostende ou dans un autre port semblable que se consomme la sortie.
Anvers est dans une position particulière ; Anvers ne peut pas faire sortir de ses bassins sans faire vérifier à un bureau de sortie. Il y a des employés attachés à la sortie qui sont indépendants de ceux attachés à l’importation. C’est par les trois ports d’Ostende, de Nieuport et d’Anvers que se consommera réellement l’acte du passage à l’étranger.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que l’article 28 tel qu’il est amendé, en substituant le mot « bureau » au mot « port », satisfera aux demandes de nos honorables collègues. Mais si l’on voulait soustraire le bâtiment qui chargera des eaux-de-vie à Bruxelles, à Gand, à Bruges, à toute visite ultérieure à leur passage au dernier port du pays, certainement ce serait anéantir la loi. On obtiendrait des décharges pour toutes les eaux-de-vie ; on ouvrirait la porte à la fraude. Vaudrait mieux décréter qu’il n’y aura pas d’impôt.
Quant aux bureaux de terre, pour toutes les personnes qui connaissent les tarifs de Hollande, de Prusse, il est évident que nous ne pouvons pas soutenir la concurrence avec ces pays, si nos eaux-de-vie doivent supporter les droits de douane dont elles sont grevées. Mais le gouvernement doit prendre toutes les mesures convenables pour que l’on ne fasse pas rentrer la denrée que l’on déclare exporter. Il faut donc limiter le nombre des bureaux par où l’on exportera.
Quant aux douanes étrangères, elles sont prévenues que des exportations doivent se faire près de leurs bureaux ; d’ailleurs, ces exportations doivent se faire quand le soleil est sur l’horizon, et avec d’autres formalités ; je demande, d’après cela, s’il y a possibilité d’introduire un litre d’eau-de-vie à l’étranger ?
- Un membre. - Je le crois.
M. d’Elhoungne. - On croit qu’on pourrait transiter à travers les pays étrangers ?
Mais la France a 300 lieues d’étendue ; la Prusse s’étend jusqu’aux frontières de la Russie : si nous devons tous porter nos eaux-de-vie à travers des territoires aussi étendus, y aurait-il possibilité de les vendre ? Le prix de transport en élèverait trop le prix.
Prenez garde que, sous le prétexte de favoriser les exportations, on ne favorise que la fraude à l’intérieur : les prétendus exportations ne tendraient qu’à faire décharger les eaux-de-vie fabriquées des droits, et les distillateurs, après avoir obtenu décharge, les réintroduiraient dans le pays, quoiqu’il soit à regretter que les lignes des douanes entravent le commerce. Dans l’état actuel de l’Europe, il faudra encore supporter quelque temps ce système ; il n’appartient pas à la Belgique seule de le changer.
M. Gendebien. - Messieurs, je conçois que dans le transport de Bruges à Ostende de Gand à la mer, et si l’on veut de Bruxelles à Anvers, il y ait des chances de fraude à craindre ; mais de ce qu’il y a des chances de fraude, s’ensuit-il que l’on doive priver Bruxelles, Gand, Louvain même, de la faculté d’exporter à partir de leurs magasins ? Il me semble qu’il y aurait moyen de tout concilier : qu’on vérifie les chargements à Bruxelles, à Gand, à Louvain ; que les bâtiments soient plombés ; qu’ils soient accompagnés, surveillés ; qu’ils soient soumis à une vérification à Ostende, à Anvers, et je crois qu’il restera peu d’inquiétude sur la fraude.
Si vous envoyez de ces diverses villes des chargements sans vérification au moment, si vous en faites seulement la vérification à Ostende, par exemple, il sera facile alors de faire passer une plus grande quantité de marchandises. J’aimerais mieux que l’on donnât des acquits à caution à Gand, Bruges, Bruxelles, Louvain. Les résultats de cette manière d’opérer ne sauraient être désavantageux au trésor.
M. Hye-Hoys. - Je demande que M. le ministre des finances dise catégoriquement quelle différence il fait entre les divers ports.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je ne peux réellement que répéter qu’on demande une faveur non contestée à aucun port de l’intérieur. La déclaration de l’exportation est suivie de la reconnaissance par les employés des objets indiqués dans l’acquit. Les acquits portent le temps, à raison de la distance, pendant lequel le transport doit être effectué. Si un navire est chargé pour transporter des produits de Bruxelles, l’exportation étant au moment d’être consommée, la vérification sera faite. L’acquit est renvoyé au bureau ; l’expéditeur reçoit alors les bénéfices de l’exportation. Si vous voulez que Gand soit un bureau de sortie, faites, par amendement, que le bureau soit établi à Zelzaete.
M. Coghen. - Les explications données doivent suffire. Pour compléter l’amendement de M. Donny, il faudrait mettre Zelzaete en faveur de Gand, et dire : Bruxelles, Louvain, par Anvers ; Bruges par Ostende, et Gand par Zelzaete.
M. Osy. - En ajoutant seulement Zelzaete, Gand sera apaisé ; et en mettant dans l’amendement « bureau » au lieu de « port, » tout sera concilié.
M. Dumortier. - Il ne faut pas mettre Anvers dans l’amendement, il faut mettre Lillo. Quant au bureau de Zelzaete, j’approuve qu’on l’insère dans la loi. Cependant je ne suis pas sans inquiétude, car vous savez que par un tour de goblet on escamote de ce côté nos marchandises comme on y escamote nos hommes.
Si les ports de Bruxelles, de Bruges, de Louvain sont désignés dans la loi, je demande que le port de Tournay y soit aussi ; car de Tournay on va à Flessingue.
Je terminerai en faisant observer qu’il est indispensable de mettre le bureau de Lillo au lieu d’Anvers.
M. de Brouckere. - Je crois que si l’on adopte l’amendement de M. Coghen, tous les ministres seront d’accord. Le ministre ne fera de ces dispositions de la loi que l’usage qu’une bonne administration lui permettra d’en faire. S’il a de bonnes raisons pour empêcher l’exportation par tel bureau, il l’empêchera. On lui laisse une faculté ; ce n’est pas un ordre.
M. Jullien. - Messieurs, on se trompe considérablement sur la situation du port de Bruges ; on peut l’assimiler aux différents ports de l’intérieur, à cause des communications qu’ils peuvent avoir avec la mer ; mais je prie tous ceux qui ont connaissance des localités de se souvenir, et les autres d’apprendre, que le port de Bruges a été considéré jusqu’en 1823 et 1824 comme port d’exportation pour le sel.
Vous ne chargez pas à Bruxelles et à Louvain pour prendre la mer, tandis que le port de Bruges est à 4 lieues de la mer : les bâtiments y remontent, et les bâtiments de Bruges vont directement à la mer. L’avantage que le port de Bruges réclame, il en a joui jusqu’en 1824. Nous réclamons non seulement dans l’intérêt de la localité, mais encore pour favoriser les exportations, et par conséquent dans l’intérêt des distilleries. S’il existait la moindre crainte de fraude, on pourrait s’opposer à cette demande. Il faut donc ajouter le port de Bruges à ceux d’Ostende, Anvers et Nieuport.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’avantage que réclame l’honorable préopinant appartient à la ville de Bruges. On peut y déclarer la sortie ou l’exportation de toutes les marchandises, mais pour se rendre à Ostende, il n’y aurait aucun avantage à déclarer Bruges pour d’exportation, car les marchandises n’en seraient pas moins soumises aux mêmes visites de la part des employés d’Ostende, que s’il n’y avait pas eu déclaration. Bruges peut rester dans la position où elle est sans préjudice pour les opérations d’exportation.
M. Jullien. - La seconde visite n’est pas nécessaire. Du moment que la marchandise est plombée sous écoutilles, il n’y a pas besoin de vérification à Ostende.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Aussitôt que vous vous présentez à l’extrême frontière, il faut présenter vos acquits ; il faut que les marchandises subissent la visite.
M. Gendebien. - Je regrette de ne pas pouvoir appuyer l’amendement de M. Jullien : il y aurait privilège pour Bruges, et il n’y aurait pas de raison pour que le même privilège ne fût réclamé par Bruxelles, Louvain, et par tout port qui peut expédier directement à la mer. Toutes les fois qu’il y aura des bureaux plus rapprochés de la frontière que celui du départ, vous êtes obligés à une dernière visite. Nous avons à Bruxelles plusieurs armateurs qui vont, je ne dirai pas aux Indes, mais dans le Nord, et même dans la Méditerranée ; depuis que notre canal a été élargi, nous avons à peu près les mêmes bâtiments qu’à Bruges. (La clôture ! la clôture ! la clôture !)
M. le président. - M. Coghen sous-amende la proposition de M. Donny en y ajoutant cette disposition :
« L’exportation par terre sera autorisée par les bureaux que le gouvernement désignera. »
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Il faut dire : « L’exportation par terre avec décharge, etc. »
M. d’Elhoungne. - Il y a deux questions : la voie par mer, la voie par terre ; il faut séparer les deux questions. Je demande la division.
M. Dumortier. - Il faut substituer le mot « Lillo » au mot « Anvers, » puisque vous remplacez le mot « port » par celui de « bureau. » Vous ne devez indiquer que le bureau extrême de la frontière.
Les lois de douane exigent que ce bureau soit établi à Lillo ; si vous mettez le port d’Anvers en place, vous aurez quelques lieues pour faire la fraude.
M. Osy. - Je ne crois pas qu’il soit possible de mettre Lillo.
M. Coghen. - Messieurs, l’amendement de M. Donny et celui que j’ai présenté sont pour remplacer l’article 28 ; et pour que la rédaction de mon amendement soit claire, il faut le faire précéder de celui de M. Donny.
- Le sous-amendement relatif à l’addition de Zelzaete est mis aux voix et adopté.
Le sous-amendement relatif à Bruges, proposé par M. Julien, n’est pas admis.
L’article 28, d’après les amendements de MM. Donny et Coghen, est ainsi conçu :
« Pour jouir du bénéfice des dispositions qui précédent, l’exportation devra se faire par les bureaux d’Anvers, d’Ostende, de Nieuport ou de Zelzaete.
« L’exportation par terre sera aussi permise par les bureaux que le gouvernement désignera. »
- Cet article mis aux voix est adopté.
« Art. 29. Le montant des droits est évalué, pour les cas énoncés à l’article précédent, sur le pied de 4 francs l’hectolitre d’eau-de-vie marquant 50 degrés, et les qualités inférieures ou supérieures en force, proportionnellement à cette base. »
M. le président. - M. le ministre des finances propose deux modifications : mettre « article 27 » au lieu des mots « article précédent, » et après le mot « degré, » mettre « d’après l’alcoolomètre de Gay-Lussac. » Il y a un amendement de M. Zoude qui demande qu’on mettre 6 fr. au lieu de 4 fr.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - C’est probablement par erreur que l’on a inséré à l’article 29 les mots « à l’article précédent, » au lieu d’y rappeler l’article 27, auquel il se rapporte réellement. L’amendement a pour but de rétablir ce rapport. Deuxièmement, après la mention des degrés de force, il est convenable d’ajouter que c’est à l’alcoolomètre de Gay-Lussac.
M. Zoude. - Messieurs, votre commission, en vous proposant de n’accorder à l’exportation qu’une décharge de quatre francs, était convaincue que le droit de fabrication s’élevait au moins à cinq francs ; c’est aussi ce que notre honorable collègue M. d'Elhoungne a eu soin de vous dire dans son rapport, et votre commission avait voulu suivre en cela la marche adoptée par plusieurs gouvernements voisins qui n’accordent guère que la restitution de deux tiers de la quotité apparente du droit perçu.
Mais vous venez de majorer l’impôt ; mais la Hollande, avec laquelle nous devons concourir à l’étranger, accorde la restitution entière du droit, c’est-à-dire qu’elle accorde une prime ; car il est bien connu que le gouvernement hollandais, plein de tendresse pour ses distillateurs, n’était sévère que pour les fabrications belges, et il pourrait bien se faire que le droit de 16 fl. 63 cents est aussi nominal en Hollande qu’il l’est en Belgique depuis les actes du gouvernement provisoire, les décrets du congrès et des chambres.
Cependant, messieurs, par votre loi vous appelez toutes les distilleries au travail, et bientôt une production immense sera le résultat de cet appel ; que ferez-vous de l’excédant de ces productions sur le besoin de la consommation intérieure ? Si cet excédant ne peut se verser au-dehors, votre œuvre sera incomplète ; vous aurez provoqué des fabrications qui deviendront une charge aux producteurs.
D’ailleurs, l’augmentation du droit de sortie a été réclamée par les chambres de commerce d’Ostende, Bruges, Liége, Ruremonde, et par les distillateurs qui ont adressé des observations à la chambre.
Plusieurs en ont appelé aux lumières de l’expérience, il est vrai ; mais c’est le gouvernement qui acquerra le premier cette expérience ; c’est lui qui jugera bientôt si, avec la décharge proposée, l’exportation est possible et jusqu’à quel point il sera nécessaire d’élever la restitution.
En lui accordant l’autorisation que j’invoque, vous n’avez pas à craindre qu’il en abuse ; vous avez pour garantie l’intérêt du trésor qu’il doit ménager, et la garantie morale qu’il a assumée en se ralliant à notre projet.
J’aurais voulu d’abord que cette autorisation cessât avec la réunion des chambres pour la session de 1834, mais le temps qui s’écoulera entre l’époque de la mise à exécution de la loi et la convocation des chambres sera trop court pour recevoir des leçons de l’expérience ; il faut un temps moral pour réunir les approvisionnements, établir des relations au-dehors, faire les premiers essais d’exportation ; voilà les motifs pour lesquels je n’ai pas fixé de limite à la durée de l’action du pouvoir ; le gouvernement, lorsqu’il sera suffisamment éclairé, aura intérêt lui-même à couvrir sa responsabilité par une mesure législative.
M. Berger. - Je propose de substituer la somme de 5 fr. à celle de 4 fr. M. Zoude demande de majorer la restitution à 6 fr. Quel que soit l’amendement auquel vous donniez la préférence, il me semble que vous ne pouvez laisser l’article 29 tel qu’il est, parce que vous avez changé la quotité de l’impôt dans la discussion de l’article 2. Mon amendement présente une base fixe ; de sorte que le distillateur, dans ses rapports avec l’administration, n’aura aucune difficulté à craindre. L’amendement de M. Zoude paraît plus en rapport avec la nature des choses ; nous ne pouvons, aujourd’hui, déterminer d’une manière positive quel est le taux de l’impôt ; à cet égard, nous n’avons que des données incertaines. J’ai la conviction que l’impôt s’élèvera au-delà de 4 fr. ; mais je ne puis dire s’il s’élèvera à 5 fr. ou à 6 fr. Il faudrait donc laisser quelque latitude à l’administration.
M. Mary. - Si le droit était établi sur la matière fabriquée comme en Angleterre, la restitution que l’on réclame aujourd’hui ne présenterait aucune difficulté ; mais nous sommes dans une position toute différente ; l’impôt est mis sur la matière première. D’après les discussions qui ont eu lieu, vous avez vu que l’on pouvait macérer en 24 heures ; le droit serait alors de 2 fr. 50 c. Si l’on macère en deux jours, le droit serait de 5 fr. Trois jours de macération élèvent encore le droit, et, s’il s’agit de la macération des pommes de terre, le droit peut aller de 10 à 12 fr. Il est vrai qu’on hâterait les macérations. Depuis 1822 on n’a pas eu intérêt à accélérer la fermentation, parce que les droits se prélevaient sur le résultat de la distillation, présumé être dans le rapport de 1 à 13 ou 14 avec la matière macérée employée. On va maintenant chercher les moyens d’obtenir une fermentation rapide. Il faudrait prendre le terme moyen entre 4 et 5 fr. ; ce qui représenterait une macération de 36 heures à peu près.
Je repousse l’amendement de M. Zoude ; il laisse une latitude aux employés, ce qui peut entraîner les plus graves abus. Les employés pourraient protéger tel ou tel distillateur, et l’impôt ne produirait rien au trésor.
Nous avons un exemple sous les yeux des abus qui peuvent résulter de la restitution des droits. Le bureau de commerce, en Angleterre, a déclaré que le remboursement des droits sur les sucres était plus fort que la recette faite à la douane ; ainsi l’Etat a dû ajouter une prime pour l’exportation. Nous arriverions au même résultat si nous fixons une restitution plus haute que celle que je propose. Le trésor est dans la crainte de ne recevoir qu’un million d’un impôt qui en rapportait ordinairement trois. Restons dans les limites posées par la commission.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, j’appuie les observations présentées par l’honorable préopinant, et je conclus de toutes mes forces à ce que l’article, tel qu’il est rédigé dans le projet de loi, obtienne la sanction de la chambre. M. Berger vous a dit, avec beaucoup de raison, qu’il y avait incertitude dans le résultat de l’exécution de la loi : on ne sait réellement pas comment les choses se passeront, parce qu’on ne sait pas quel temps qu’on emploiera pour les macérations. Je crois que le meilleur calcul est celui qui a basé les décharges sur 38 heures de macération. Quelques chambres de commerce avaient proposé de majorer le chiffre 4, mais le plus grand nombre l’a trouvé assez exact.
Comme, à chaque loi des voies et moyens, il y aura lieu à majorer le taux de l’exportation, je crois qu’il est prudent de laisser maintenant le chiffre tel qu’il est dans la loi.
M. Coghen. - Messieurs, la décharge du droit à 4 fr. est déjà considérable. Le commissaire du Roi nous a dit hier que le droit serait de 2 fr. 50 c. par hectolitre, en supposant la macération opérée en vingt-quatre heures ; j’accorde trente-six heures, et le droit sera de 3 fr. 7 c., en supposant le produit de un sur treize. Ainsi, on doit écarter la proposition de M. Zoude et celle de M. Berger. Mieux vaudrait déclarer les distilleries libres que d’élever la restitution ; car le gouvernement ne retirerait pas de quoi payer les frais d’administration.
M. d’Elhoungne. - Nous devons attendre que l’expérience nous ait éclairés, afin de fixer le chiffre de la restitution ; c’est l’opinion de toutes les chambres de commerce, de celles d’Anvers, de Bruxelles, et d’autres dont les avis doivent être de quelque poids.
Je crois cependant qu’on ne peut pas se borner au chiffre de 4 fr. L’impôt a été augmenté de 1/8 ; dès lors vous voyez que la restitution doit aussi être augmentée de 1/8. En portant à 4 fr. 50 c. la restitution, l’administration ne court aucun risque.
Quand on dit qu’avec 14 hectolitres de matière macérée on tire l’hectolitre d’eau-de-vie, on est dans l’erreur : on se sert, pour établir cette proportion, des déclarations des distillateurs ; or, tout le monde sait que les distillateurs fraudent aujourd’hui, ou sont forcés de frauder environ un tiers ; ainsi il faut 21 hectolitres de matière macérée.
Quant à la durée de la fermentation, que l’on s’adresse à tous les distillateurs, à tous les chimistes, et tous vous diront que la fermentation ne peut être accélérée qu’au détriment du produit ; que, pour tirer l’alcool en plus grande quantité et en meilleure qualité d’une proportion déterminée de farine, il faut la délayer fortement et prolonger la macération au moins jusqu’à la fin du deuxième jour, et même jusqu’au troisième jour.
L’amendement de M. Zoude est inadmissible par rapport à la latitude qu’il accorde à l’administration. En France, je sais fort bien que le législateur investit le gouvernement de la faculté d’apporter des modifications aux tarifs des douanes ; mais on entoure cette faculté de précautions. Le gouvernement ne peut prendre de telles mesures que par des ordonnances royales insérées au Bulletin des Lois, afin que, tout le monde étant averti, la mesure ne devienne pas une faveur.
Le gouvernement ne peut rendre ces ordonnances que quand les chambres ne sont pas assemblées. Les actes de cette nature doivent être soumis aux chambres dans les trois mois après leur réunion et ils perdent force de loi s’ils ne sont pas sanctionnés par la législature dans ce délai. L’amendement de M. Zoude serait inconstitutionnel ; le vote de l’impôt est non seulement pour nous un droit, mais il est un devoir, et nous ne pouvons pas le déléguer.
La restitution proposée par M. Berger est trop forte ; la restitution portée à 4 fr. 50 c. me paraît approcher de la vérité.
M. Jullien. - Messieurs, la question de restitution mérite toute votre attention, surtout depuis que vous avez adopté l’exportation par les bureaux de terre ; il se fait des fraudes telles, qu’au moyen des restitutions on rendrait tout à fait illusoire le droit à percevoir sur les matières macérées.
Dans les nombreuses pétitions soumises à la chambre, on signale particulièrement un genre de fraude sur lequel j’appelle l’attention du ministre. On dit que lorsqu’on exporte des spiritueux, on peut obtenir plusieurs fois la restitution des droits pour la même marchandise. Lorsque les esprits ont passé par le dernier bureau, on le mélange avec de la gomme ordinaire et on les fait rentrer, par même bureau, sous le nom de vernis, de drogues qui ne paie pas de droits.
Quand les esprits sont rentrés, on les passe à l’alambic ; ils redeviennent dans l’état où ils étaient auparavant, et on peut les réexporter. Les explications données par le pétitionnaire que je cite sont très pertinentes.
D’après ces considérations, le taux le plus bas pour la restitution est celui qu’il faut adopter. Nous ne connaissons pas au juste le produit de l’impôt ; nous ne connaissons pas la quotité du droit ; les chambres de commerce ont varié de 3, 4, 5, 6, 7 et même 8 francs ; dans cette perplexité, à quoi voulez-vous vous attacher ? Au droit inférieur : si l’on découvre que le droit est plus fort que trois ou quatre, on sera libre de déterminer alors la quotité de la restitution à un taux plus élevé. Mais, jusque-là, je crois qu’il est sage à la chambre d’adopter le chiffre le moins élevé, afin de ne pas donner aliment à la fraude sur des objets qui font la navette dans les bureaux de l’extrême frontière. J’admettrai le taux de 4 francs.
M. Berger. - Quoi que je pense que la restitution devrait être supérieure à 4 fr., surtout pour les distillateurs qui, voulant exporter, auront à soigner davantage la qualité de leurs eaux-de-vie, cependant, par considération pour les intérêts du trésor, j’aime mieux que ce soit les distillateurs qui perdent un centime par litre que le trésor lui-même. En conséquence je retire mon amendement.
M. A. Rodenbach. - Les observations que vous a présentées notre honorable collègue M. Jullien sont de toute justesse. Il y a en effet une grande divergence sur le produit du droit. Les uns le fixent à 4 fr., et d’autres à 5, 6 et même 8 fr. Je vais expliquer d’où vient cette divergence qui n’existe pas seulement dans l’opinion, mais qui est réelle.
D’abord, on distille à la flamande, puis à la manière hollandaise, puis encore avec des appareils distillatoires, et enfin au bain-marie. Au moyen de certain mode accéléré de fermentation, le droit ne s’élèverait peut-être qu’à 4 fr. ; mais si l’on travaille à la hollandaise, il peut s’élever jusqu’à 8 fr. Il est vrai qu’on ne restituera que 4 fr. ; mais il faut faire attention à une chose, c’est que les distillateurs qui se serviront du mode accéléré n’auront que des produits de mauvaise qualité, tandis que ceux qui useront du procédé hollandais fabriqueront du bon genièvre pour l’exportation. Je ferai remarquer d’ailleurs qu’il y a un droit à la sortie de 20 cents par hectolitre ; ce qui porte le droit à peu près à 4 fr. 50 c., comme l’a proposéM. d'Elhoungne. Je pense que par ces motifs l’assemblée adoptera le chiffre éventuel de 4 fr. 50 c.
M. Osy. - Comme il y a beaucoup d’incertitude pour la quotité de la restitution du droit, j’appuie l’amendement de M. Zoude ; mais je voudrais l’entourer de toutes les précautions convenables pour empêcher qu’il donne lieu aux abus qu’a signalés M. Mary. C’est pour cela que je présenterai la rédaction suivante :
« Néanmoins, le gouvernement est autorisé, pendant que les chambres ne sont pas réunies, à élever le taux de la décharge du droit jusqu’à 6 fr. L’arrêté royal qui contiendra de semblables dispositions sera inséré au Bulletin officiel, et ne conservera de force que jusqu’à la fin des trois premiers mois de la réunion des chambres. »
- Cette proposition, n’étant pas appuyé, n’a point de suite.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je prends la permission d’appeler l’attention de la chambre sur les réflexions que lui a présentées l’honorable M. Jullien, réflexions pleines d’exactitude et qui doivent faire maintenir le chiffre fixé dans le projet de loi. Ce chiffre appartient à la commission elle-même. Puisqu’il y a autant d’incertitude dans l’esprit des distillateurs, des membres des chambres de commerce, et des hommes les plus capables dans cette assemblée, je crois que le taux de 4 fr. est une espèce de juste-milieu qu’il importe d’adopter.
M. Coghen. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’opinion de M. Jullien et combattre celle de MM. Osy, d’Elhoungne et Rodenbach. Hier, M. le commissaire du Roi nous a déclaré qu’en admettant 24 heures de macération, le droit serait de 2 fr. 52 c. Eh bien ! je suis plus généreux, et je mets 36 heures de macération ; le droit sera de 3 fr. 78 c. D’après cela, la restitution de 4 fr. me semble suffisante. Sous l’ancien régime, la décharge était de 12 fr., tandis que le droit était de 16 fr. 63 c.
M. Gendebien. - L’honorable M. Coghen vient de dire à peu près ce que je voulais dire moi-même. Je prie de remarquer, messieurs, qu’en Hollande le droit s’élève à 16 fr. 63 c., et qu’on ne restitue que 12 fr. D’où il suit qu’il y a une différence en moins de 4 fr. 63 c. Ainsi les distillateurs belges auront encore de l’avantage sur les Hollandais.
A moins de vouloir nous exposer à la fraude, nous ne pouvons fixer le taux de la restitution plus haut que 4 fr. La restitution est une des causes principales de la fraude. Je connais telle ville fermée où l’on a fraudé et où l’on fraude encore en plein jour, de telle sorte que le produit de l’impôt est négatif, c’est-à-dire qu’on restitue plus qu’on ne reçoit. Je vous demande, messieurs si nous devons accorder une prime d’encouragement à la fraude. Si je me trompe, qu’on me démontre mon erreur ; mais d’après l’état de choses existant en Hollande, nos distillateurs auront encore l’avantage sur ceux de ce pays. On dira peut-être qu’on fraude en Hollande ; mais croyez-vous qu’on ne le fasse pas chez nous ? Je connais telle distillerie, que je ne désignerai pas certainement, et qui a des cuves de macération à de très grandes distances, de manière à échapper au plus fin employé. Par ce moyen, on fraudera très facilement. Il ne faut pas se faire illusion ; moins la quotité de la restitution sera forte, moins il y aura d’appât pour la fraude.
M. Zoude déclare retirer son amendement.
- L’amendement de M. le ministre des finances est adopté.
L’article ainsi modifié est également adopté.
« Art. 30. L’épalement des cuves à macération aura lieu, soit par le jaugeage, soit par le mesurage au moyen de l’empotement ou dépotement, au choix de l’administration et par ses agents, le distillateur présent ou dûment appelé.
« En cas de contestation sur l’exactitude du jaugeage, la vérification se fera toujours par empotement ou dépotement. »
- Cet article est adopté ainsi que l’article 31, ainsi conçu :
« Art. 31. Le distillateur est tenu de fournir les hommes de peine, l’eau et les ustensiles nécessaires à l’opération. »
« « Art. 32. Les employés dresseront procès-verbal en double de l’épalement, et ils inviteront le distillateur à le signer.
« Cet acte contiendra la désignation de l’usine, la description de chaque vaisseau, l’indication du numéro qu’il porte et ses diverses dimensions.
« Il mentionnera le concours du distillateur à l’opération, sa présence ou son absence, et sa réponse à l’interpellation de signer.
« Le double lui sera remis sur-le-champ, et en cas de refus de signer ou d’absence, il sera déposé à la maison commune. »
M. le ministre des finances (M. Duvivier) propose d’ajouter à la fin du paragraphe 2 les mots : « ainsi que sa capacité, » et de faire le changement ci-après à la première ligne du paragraphe 4 : « Le double lui sera remis dans les trois jours, et en cas de refus, etc.
Il développe cet amendement ainsi qu’il suit. - La capacité étant la base de l’impôt, il faut nécessairement la faire indiquer dans le procès-verbal de jaugeage.
L’opération du jaugeage exigeant des calculs assez longs et dont il faut assurer l’exactitude, il est difficile que le double du procès-verbal soit remis immédiatement ; il convient de limiter un délai moral pour faire cette remise. Celui de trois jours est suffisant.
M. d’Elhoungne. - Il n’y a pas eu d’opposition à cet amendement de la part de la commission. Seulement je proposerai de rédiger la fin du paragraphe 2 de l’article de cette manière : « l’indication du numéro qu’il porte, ses diverses dimensions et sa capacité. »
L’article est adopté avec cette modification.
Les articles 33, 34, 35, 36, 37 et 38 sont successivement mis aux voix et adoptés en ces termes :
« « Art. 33. Les cuves à macération sont numérotées, établies dans l’intérieur de l’usine, affectées à un atelier spécial, et auront une place fixe.
« Le distillateur devra les représenter à toute réquisition des employés, même celles qu’il n’aurait pas comprises dans la déclaration des travaux courants. »
« Art. 34. Chaque série de cuves à macération aura sa marque distinctive, en couleur à l’huile, et chaque cuve portera, de la même manière, l’indication de sa capacité. »
« Art. 35. Lorsque le distillateur voudra faire réparer, changer ou remplacer une ou plusieurs cuves à macération, il devra en faire la déclaration préalable au receveur du ressort, et il ne pourra s’en servir de nouveau avant qu’elles n’aient été préalablement épalées. »
« Art. 36. Il lui est défendu d’employer dans ses usines des cuves à macération, dont les parois seraient entaillées ou échancrées. »
« Art. 37. Tout possesseur d’une distillerie en non-activité, d’appareils de distillerie, de chapiteaux alambics ou serpentins, est tenu d’en faire la déclaration au receveur de son ressort. »
« Art. 38. Sont dispensés de cette obligation :
« 1° Les directeurs des ventes à l’encan, les chaudronniers et autres artisans qui, par état, vendent, fabriquent ou réparent ces ustensiles, pourvu qu’ils ne soient pas maçonnés ou autrement fixés à demeure.
« 2° Les pharmaciens et les chimistes quand la capacité des vaisseaux ne dépassera pas les 50 litres et qu’ils ne s’en servent pas pour fabriquer des eaux-de-vie. »
On passe ensuite à l’article 39, ainsi conçu :
« Art. 39. Les distillateurs et les détenteurs d’ustensiles mentionnés dans les deux articles qui précédent, ne pourront les vendre, louer, prêter, ou autrement les céder à des tiers, sans en faire la déclaration au receveur des accises, dans les 24 heures. »
M. d’Elhoungne. - Messieurs, une chambre de commerce, dans les observations qu’elle a présentées, a exprimé l’opinion que cet article était attentatoire au libre exercice des professions, et qu’on pouvait l’éluder en empruntant un nom étranger. Cette remarque a été prise en considération par la commission, et on a résolu, à la majorité, de le retrancher du projet de loi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Cette disposition se trouvait dans l’ancienne loi ; elle en formait l’article 8. Je ne vois pas d’inconvénient à la laisser ici.
- L’article 39 est mis aux voix et adopté, après une double épreuve.
« Art. 40. Les appareils hors de service seront mis sous scellé par deux employés et aux frais de l’administration. »
M. le ministre des finances (M. Duvivier) propose ce changement de rédaction :
« Art. 40. Tous les appareils d’une distillerie en non-activité, autres que ceux désignés à l’article 38, seront mis sous scellé par deux employés et aux frais de l’administration. »
Il développe sa proposition en ces termes. - Les mots « hors de service, » de la rédaction du projet, n’expriment pas bien l’idée « hors d’activité, » qu’ont sans doute eue en vue les auteurs du projet. Il ne s’agit pas, en effet, d’ustensiles qui ne peuvent pas servir, soit par vétusté ou autrement, mais de ceux dont on ne fait pas usage.
- La rédaction proposée par M. le ministre des finances est adoptée et remplacera l’article 40.
Les articles 41, 42 et 43 sont successivement adoptés dans les termes qui suivent :
« Art. 41. Les employés ne pourront procéder à cette opération qu’après avoir prévenu les détenteurs, et ils en dresseront procès-verbal contenant la désignation des ustensiles, le lieu du dépôt, le nom du dépositaire, et le nombre des scellés ou cachets qu’ils auront apposés sur chaque ustensile. »
« Art. 42. Le dépositaire est tenu de reproduire, à toute réquisition, les ustensiles ainsi mis sous scellé. »
« Art. 43. Le procès-verbal contiendra mention expresse de la présence, de l’absence et de la réponse du dépositaire sur les interpellations de signer l’acte.
« Copie lui en sera remise au même moment, à moins qu’il ne soit absent ou qu’il refuse de signer l’original ; dans ces cas, la copie sera déposée entre les mains de l’autorité communale du lieu. »
« Art. 44. Dans le territoire réservé, nul ne pourra transporter des eaux-de-vie en quantité supérieure à deux litres, sans passavant, pourvu que la quantité n’excède pas le demi-hectolitre sans acquit à caution, pour toute quantité supérieure. »
M. A. Rodenbach. - Je propose un amendement tendant à porter à 4 litres la quantité d’eau-de-vie qui pourra entrer sans passavant dans le territoire réservé. Messieurs, lorsque l’impôt est très élevé, je conçois que les mesures rigoureuses soient nécessaires ; mais l’impôt étant aujourd’hui très minime, je ne vois pas pourquoi on userait d’une si grande rigueur et pourquoi on astreindrait à un passavant pour deux bouteilles d’eau-de-vie seulement.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - La quantité fixée dans cet article pour la circulation des eaux-de-vie dans le territoire réservé est conforme à l’article 187 de la loi générale. Cette quantité est fixée dans l’intérêt des distillateurs eux-mêmes ; c’est pour protéger la fabrication intérieure contre la fraude par infiltration. Du reste je m’en rapporté à cet égard à la sagesse de la chambre.
M. A. Rodenbach déclare retirer son amendement.
- L’article est adopté sans changement.
Les articles 45, 46, 47 et 48 sont ensuite successivement mit aux voix et adoptés en ces termes :
« Art. 45. Le receveur ne délivrera ces pièces que pour des eaux-de-vie dont le possesseur est détenteur en vertu, soit de déclarations de fabrication, soit de permis ou acquits antérieurs, d’une date qui ne remonte pas au-delà de six mois.
« L’administration pourra renouveler ces documents. »
« Art. 46. Lorsque l’expédition des eaux-de-vie viendra de l’intérieur, le permis requis pour circuler dans le territoire réservé sera levé, soit au bureau du lieu du départ, soit au dernier bureau de passage en deçà de la ligne.
« Sous peine de nullité, ces permis seront visés sans frais par les employés du premier poste sur le territoire réservé. »
« Art. 47. Le coût des acquits à caution et des autres permis nécessaires au transport et à la circulation des eaux-de-vie, sera de 50 centimes pour un à dix hectolitres et d’un franc pour toute quantité supérieure.
« Ces acquits, exempts du timbre, seront délivrés gratis pour toute quantité au-dessous de l’hectolitre.
« Le passavant, également exempt du timbre, sera aussi délivré gratis. »
« Art. 48. Les receveurs délivreront quittance sur un timbre fixe de 25 centimes. »
M. le président donne ensuite lecture de l’article 49, ainsi conçu :
« Art. 49. Seront punis, comme contraventions, les faits ci-après détaillés, et leurs auteurs encourront les peines suivantes, savoir :
« 1° Pour l’absence de l’écriteau à l’une des issues de l’usine, s’il n’est pas apposé dans les deux fois 24 heures après un premier avertissement, par écrit, donné par le receveur des accises du ressort, une amende de 10 fr.
« 2° Pour la non-reproduction ou le déplacement d’une cuve à macération, ou l’emploi d’une cuve ne portant pas la marque prescrite, une amende d’un franc par hectolitre de la capacité du vaisseau.
« 3° Pour toute vente, cession ou prêt d’ustensiles, sans déclaration, et pour la non-représentation de l’ampliation, une amende de 25 francs contre le vendeur, prêteur, ou cessionnaire.
« 4° Pour dépôt non déclaré d’un alambic, d’un chapiteau ou d’un serpentin, et pour tout essai de fausser, par des voies clandestines, le résultat d’un épalement, une amende de 100 francs.
« 5° Pour le bris ou l’altération des scellés apposés sur des ustensiles de distillerie ; pour la non-reproduction d’une des pièces scellées, une amende de 100 à 200 francs.
« 6° Pour dépôt clandestin d’un appareil de distillerie en non-activité, une amendé de 200 francs avec confiscation de tous les ustensiles.
« 7° Pour dépôt de hausses mobiles chez un distillateur, une amende de 20 francs par pièce.
« 8° Pour l’emploi de hausses mobiles et d’ustensiles semblables, ou de tout corps solide ayant l’effet d’augmenter la capacité des cuves à macération, une amende de 10 francs par hectolitre de la capacité de la cuve ainsi agrandie.
« 9° Pour refus d’exercice, une amende ainsi graduée :
« Lorsque l’usine possède moins que pour 20 hectolitres de capacité en cuves à macération, une amende de 100 francs ;
« De 20 à 50 hectolitres, 200 francs ;
« Pour 50 à 100 hectolitres, 300 francs ;
« Et pour plus de 100 hectolitres, 400 francs.
« Il y a refus d’exercice lorsqu’on n’ouvre pas aux employés après qu’ils auront sonné a trois reprises, chaque fois avec un intervalle de trois minutes.
« 10° Pour avoir, sans déclaration préalable, démonté, réparé ou autrement changé, au préjudice du trésor, la capacité des cuves à macération ; pour avoir substitué aux cuves épalées d’autres de plus grande dimension, une amende égale au quintuple du droit à percevoir pour l’emploi de ces vaisseaux pendant un travail de 15 jours, sans que l’amende puisse excéder 600 fr.
« 11° Pour tout travail de distillation et de rectification des matières fermentescibles sans déclaration ; pour tout dépôt de matières macérées chez un bouilleur ou un distillateur, ailleurs que dans les cuves à macération déclarées, ou leur introduction du dehors dans l’usine ; enfin, pour tout fait ayant pour résultat de soustraire à l’impôt la matière imposée, une amende égale au quintuple du droit qui serait dû en raison des vaisseaux pour un travail de 15 jours, sans que l’amende puisse excéder 1,000 fr.
« L’amende sera double lorsque les faits se passent dans un lieu non déclaré. »
« 12° Pour l’anticipation de plus d’une heure des travaux déclarés, et pour leur prolongation au-delà d’une heure dans le même cas, une amende égale aux droits qui seraient dus pour un travail de deux jours. »
M. le président. - Plusieurs amendements sont présentés sur cet article. Nous les discuterons paragraphe pas paragraphe.
Voici l’amendement proposé par M. le ministre des finances sur le 1er paragraphe. Il propose de rédiger ainsi ce paragraphe :
« Seront punis, comme contraventions, les faits ci-après détaillés, et leurs auteurs encourront les peines qui suivent ; les distillateurs sont responsables des contraventions commises dans leurs usines ; les propriétaires ou locataires le sont des contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent, savoir :
« 1° Pour l’absence, etc. »
M. d’Elhoungne. - La commission a été d’avis d’admettre cet amendement, mais il me semble qu’il devrait précéder l’article 49.
M. Jonet. - Je crois qu’il vaudrait encore mieux le placer tout à fait à la fin. (Appuyé ! appuyé !)
- Cet amendement est remis jusqu’après la discussion des divers numéros.
M. le président annonce que deux autres amendements ont été présentés, l’un par M. A. Rodenbach sur le n°1, et un autre de M. Helias d’Huddeghem sur le n°9.
M. Desmet demande que, vu l’importance de l’article, on remette la discussion à demain, pour que les amendements soient imprimés et distribués.
- La discussion est renvoyée à demain à midi.
La séance est levée à 4 heures.