(Moniteur belge n°193, du 11 juillet 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à une heure.
M. Dellafaille fait l’appel nominal et donne ensuite lecture du procès-verbal, qui est adopté.
M. l’abbé de Haerne. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, il est bruit depuis quelques temps de la clôture prochaine des chambres ; on dit même qu’elles seraient closes cette semaine. S’il en est ainsi, je crois qu’il conviendrait de faire au ministère, avant de nous séparer, quelques interpellations sur la situation du pays. Je regrette que M. le ministre des affaires étrangères ne soit pas présent ; à son défaut, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il est vrai que l’on se propose de clore prochainement la session.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - En réponse à la demande de l’honorable préopinant, je dois déclarer que jusqu’à présent aucune décision n’a été prise sur la clôture des chambres ; par conséquent, je ne puis rien dire à ce sujet.
M. Liedts présente l’analyse sommaire de quelques pétitions, entre lesquelles nous distinguons celle du sieur Félix Bastin, sergent au 2ème régiment de chasseurs à pied, qui demande à la chambre de lui faire obtenir la croix de Léopold. (Hilarité.)
- Cette pétition, ainsi que les autres, est renvoyée au comité des pétitions.
M. Destouvelles. - Messieurs, les nombreux travaux dont la chambre s’est occupée ne lui ont pas permis de réviser le décret du congrès du 20 juillet 1831. La force obligatoire de ce décret cesserait avec la session actuelle, s’il n’était expressément renouvelé. En conséquence, votre commission a été unanimement d’avis d’adopter le projet de loi qui vous est présenté avec un léger changement ; elle pense qu’il ne convient pas d’ajourner indéfiniment une révision dont le décret prémentionné avait spécialement charge la présente législature.
Elle vous propose la rédaction suivante :
« Article unique. Le décret précité du 20 juillet 1831 continuera à avoir force obligatoire jusques au 1er mai 1833 au plus tard. »
M. le président. - Je propose à la chambre de voter sur le projet, qui est très simple, immédiatement après le vote sur le crédit demandé par M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion sur le projet de loi relatif au traitement des membres de l’ordre judiciaire.
On en était resté à l’article 4, dont voici les termes :
« Art. 4. Le traitement des membres des tribunaux de première instance est fixé comme il suit
« Président : première catégorie : 6,000 fr. ; deuxième catégorie : 4,500 fr. ; troisième catégorie : 3,600 fr. ; quatrième catégorie : 3,050 fr.
« Vice-président : première catégorie : 4,000 fr. ; deuxième catégorie : 3,500 fr. ; troisième catégorie : - ; quatrième catégorie : -.
« Juge d’instruction : première catégorie : 3,800 fr. ; deuxième catégorie : 3,260 fr. ; troisième catégorie : 2,800 fr. ; quatrième catégorie : 2,450 fr.
« Juge : première catégorie : 3,400 fr. ; deuxième catégorie : 2,800 fr. ; troisième catégorie : 2,400 fr. ; quatrième catégorie : 2,100 fr.
« Procureur du Roi : première catégorie : 6,000 fr. ; deuxième catégorie : 4,500 fr. ; troisième catégorie : 3,600 fr. ; quatrième catégorie : 3,050. »
« Substitut : première catégorie : 3,400 fr. ; deuxième catégorie : 2,800 fr. ; troisième catégorie : 2,400 fr. ; quatrième catégorie : 2,100 fr.
« Greffier : première catégorie : 2,800 fr. ; deuxième catégorie : 2,000 fr. ; troisième catégorie : 1,800 ; quatrième catégorie : 1,700 fr.
« Commis-greffier : première catégorie : 1,700 fr. ; deuxième catégorie : 1,200 fr. ; troisième catégorie : 1,100 fr. ; quatrième catégorie : 900 fr. »
M. Dubus. - Messieurs, vous avez décidé dans une précédente séance que la première et la deuxième classe n’en formeraient plus qu’une seule ; il s’agit donc maintenant de déterminer le même traitement pour les juges appartenant à ces deux classes. La section centrale a proposé pour les présidents des tribunaux de première classe un traitement de 6,000 francs. Si ce traitement est maintenu, la proportion sera rompue, et il y aura trop d’intervalle entre la première et la troisième classe qui devient la deuxième par la fusion des deux premières.
Il me semble aussi qu’il faut partir du traitement des juges pour fixer ensuite celui des présidents et vice-présidents. Je demande donc que la discussion s’ouvre d’abord sur le traitement des juges de première classe. (Appuyé !)
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, dans le projet du gouvernement, le tribunal de Bruxelles formait une classe à part, et ceux d’Anvers, de Gand et de Liège, formaient la 2ème classe : par la décision prise par l’assemblée dans une précédente séance sur l’article 3, les première et deuxième classes se trouvent réunies en une seule. Ainsi l’on s’est écarté du projet du gouvernement. Je ferai observer que dans celui- ci, il y avait une graduation bien établie entre les diverses classes. C’était pour chacune d’elles une augmentation de 400 francs sur les traitements actuels, excepté pour le tribunal de Bruxelles où l’augmentation était de 600 fr. Je ne peux considérer la proposition de la section centrale que comme un amendement, et je déclare ne pouvoir m’y rallier.
M. Taintenier. - Messieurs, dans une précédente séance on a dit que le moment était arrivé de rendre une éclatante justice aux membres de l’ordre judiciaire qui depuis trop longtemps en effet remplissent des fonctions pénibles, avec un traitement minime et hors de toute proportion avec leurs services. Il est temps de réaliser les promesses qui leur ont été faites et d’éviter le plus grand des reproches que l’on serait en droit de vous faire, celui d’être injustes envers la magistrature. A ce motif s’en joint un plus fort encore, c’est celui de l’intérêt public dont nous sommes les organes, et cet intérêt exige que la justice soit bien rendue.
Le serait-elle si ceux qui sont chargés de la départir étaient mal rétribués ? Non sans doute, car à des fonctions mal payées on ne verrait arriver bientôt que des hommes peu dignes et peu capables. N’oublions pas à cet égard certaine maxime d’un auteur célèbre, celui qui a écrit le livre intitulé : « de la Richesse des nations. » Voici ses paroles : « Pour qu’un emploi soit bien géré, il semble que le salaire ou la récompense de celui qui l’exerce doit être proportionné, autant qu’il se peut, à la nature du service qu’il fait ; si ce service est mal payé, il souffrira, selon toute apparence de la bassesse et de l’incapacité de ceux qui en seront chargés. »
Tel est le langage que le profond Smith tient dans son ouvrage immortel.
Apprécions maintenant l’importance de l’emploi dont il s’agit ici. Quel est cet emploi ? C’est le premier de tous dans un royaume constitutionnel, c’est celui de rendre la justice, d’où dépendent tant de biens précieux aux citoyens, leur fortune, leur vie, leur liberté : car, messieurs, c’est désormais le pouvoir judiciaire qui sera le principal soutien de nos institutions politiques. C’est ce pouvoir d’une part, et de l’autre une bonne organisation du système municipal et électoral qui seront les deux colonnes d’appui de notre nouvel état social.
Cette vérité, vous la sentirez tous, messieurs, et le moment est venu de la mettre en pratique, non pas avec prodigalité, mais par une juste appréciation des travaux auxquels sont obligés les membres de l’ordre judiciaire. Il faut leur donner l’indemnité de leurs veilles laborieuses, des dépenses auxquelles ils ont été obligés pour se rendre dignes de figurer dans les rangs de la magistrature, en un mot pour leur permettre d’occuper dans le monde le rang que leurs importantes fonctions leur assignent
C’est dans ce but que j’ai pris la parole ; je vous entretiendrai principalement des tribunaux de première instance, puisque déjà vous avez réglé le sort des tribunaux supérieurs.
Les tribunaux de première instance, quoique placée sous la censure des cours d’appel, comme celles-ci le sont sous celle de la cour de cassation, ont cependant toute juridiction, « plenam jurisdictionem, » sur toute sorte d’affaires. Il n’en est aucune quelque grave ou importante qu’elle soit, qui leur soit étrangère ; il importe que dans la plus petite ville, dans le plus chétif arrondissement, les juges soient mis à même de tenir un état sortable ; il faut par conséquent qu’ils soient placés au-dessus du besoin pour qu’ils jouissent de cette considération que l’on ne refuse pas à la vertu, mais qui souvent aussi n’est accordée qu’à la manière dont on vit. Il ne faut pas qu’un juge, dans quelque localité qu’il soit placé, se trouve, par de trop modiques appointements, placé dans la société au-dessous des plus minces bourgeois ; il faut de plus lui fournir le moyen de vivre honorablement, et de pourvoir aux besoins et à l’éducation de sa famille.
Il est donc naturel qu’en commençant par les juges de la dernière classe (et si je dis dernière classe, cela ne veut pas dire qu’il y ait, quant à la considération, aucune différence entre les magistrats des divers degrés : la différence n’existe que dans le tarif et dans la proportion de leur traitement), il est naturel, dis-je, qu’en commençant par les juges de la dernière classe on leur assigne un traitement qui les mette à même de figurer dans le monde d’une manière digne des fonctions qu’ils remplissent.
Ainsi, je crois que, pour les tribunaux de première classe, vous devez élever le traitement du président à une somme égale à celui d’un conseiller. Les tribunaux de Liége et de Gand jouiraient à cet égard de la même faveur que celui de Bruxelles, et elle s’étendrait au tribunal d’Anvers, puisqu’on a jugé que, par l’importance de cette ville et la cherté des choses nécessaires à la vie, son tribunal devait être assimilé aux trois autres.
Quant au traitement des juges, dans le chiffre de 3,400 fr. je ne vois pas de prodigalité, et cependant je crois y apercevoir le nécessaire. Cette fixation une fois adoptée, vous arriverez à un traitement un peu plus équitable pour les juges de 2ème classe. Pour ceux-ci, le chiffre de 2,800 fr. me semble présenter quelque chose au-dessous de ce qui est nécessaire. Je crois qu’il faudrait l’élever à la somme de 3,000 fr. De là à la 3ème classe, et en majorant ainsi graduellement, vous élèverez la dernière classe au-dessus de 2,100 fr., traitement évidemment trop minime et qui doit être porté à 2,400 fr. ou au moins à 2,300 fr.
Je me bornerai à ces observations, sauf à revenir sur chaque classe à mesure qu’elle sera discutée.
M. Lardinois. - Messieurs, dans votre dernière séance, vous avez décidé que les tribunaux d’arrondissements seraient rangés en quatre classes ; en conséquence je crois qu’il convient d’ouvrir la discussion sur les quatre premières classes du projet ministériel, en considérant la 5ème comme supprimée et non pas la première, ainsi que le demande M. le ministre de la justice. Je vais expliquer mes motifs en peu de mots.
Il y a peu de jours, vous avez organisé une cour de cassation et deux cours d’appel ; vous avez réduit le nombre des juges de ces cours ; mais vous leur avez accordé des traitements élevés : par là vous avez satisfait à ce qu’il convenait à l’administration de la justice. Maintenant il vous reste à statuer sur les traitements des tribunaux inférieurs.
Plus d’une fois vous avez reconnu qu’ils méritaient votre sollicitude et qu’il fallait les rétribuer suffisamment pour leur procurer une existence digne du rang qu’ils occupent dans la société. Alors que vous avez été généreux pour les cours, vous ne lésinerez pas, messieurs, pour les tribunaux, et vous élèverez les traitements de ces juges, qui sont les travailleurs de la magistrature, dans une proportion équitable. Je vous rappellerai une vérité qui a été énoncée plus d’une fois dans cette enceinte ; c’est que le pouvoir judiciaire bien organisé et convenablement rétribué suffira pour maintenir les libertés politiques et civiles, et pour rendre vains les envahissements du despotisme. Je demande que le traitement des juges de première classe soit fixé à 3,400 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, le préopinant propose de supprimer la dernière classe et d’ouvrir la discussion sur les premières ; je crois au contraire qu’il faudrait opérer graduellement en commençant par la dernière. J’ai proposé, je l’ai déjà dit, d’augmenter le traitement des juges d’une somme de 400 fr. ; il me semble que c’est là une augmentation suffisante. Il faut d’ailleurs avoir égard à une autre considération que voici : cette augmentation, la création de la cour de cassation et l’augmentation du traitement des membres des cours d’appel, augmenteront le budget d’une somme de 400,000 fr. ; si on augmente encore, le budget sera porté à des sommes très fortes, et il faut prendre garde de ne pas porter nos dépenses à des taux qui soient trop au-dessus de nos ressources.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, la considération que vient de nous soumettre M. le ministre de la justice mérite certainement toute l’attention de la chambre ; mais il me semble qu’elle serait destructive d’un intérêt bien majeur, celui d’une bonne administration de la justice, si nous refusions aux juges un juste salaire qui est la plus sûre garantie de leur indépendance.
Il est à remarquer que le traitement des juges de la dernière classe, selon le projet du gouvernement, auquel, sous ce rapport, a adhéré la section centrale, est seulement de 2,100 fr. Or, il est tel commis des accises qui jouit d’un traitement supérieur. Certainement, personne de vous ne fera à la magistrature l’injure d’assimiler des fonctions si différentes, pour les confondre, en ne leur attribuant que le même traitement. Si vous pouvez obtenir un commis des accises probe pour mille et quelques cents francs, vous ne trouverez certainement pas dans le barreau des juges probes et capables pour la modique somme de 2,100 fr. Là, messieurs, il faut surtout de la probité et de la capacité, et cependant tout le monde doit le sentir, quel est l’homme réunissant ces deux qualités qui voudrait accepter de pénibles et laborieuses fonctions pour un traitement aussi minime ? Il en est peu sans doute. Quelle garantie auriez-vous donc dans ceux qui les accepteraient ? Aucune.
Je pense donc que, tout en applaudissant aux vues économiques de M. le ministre de la justice. vous ne devez pas reculer devant la crainte d’augmenter le budget de quelques mille francs, pour donner au pays des juges intègres et capables. Il ne s’agit donc pas de savoir à quoi s’élèvera le budget, mais à quel taux vous pouvez obtenir les sujets dignes de rendre la justice et de devenir ses organes. Ce ne peut être pour un traitement de 2,100 fr. ; il me semble que le minimum doit s’élever à 2,400, et sous ce rapport je partage entièrement l’opinion de l’honorable préopinant qui a proposé une classification des tribunaux en quatre classes seulement, en adaptant aux quatre classes, sauf quelques légères modifications, les traitements portés dans les quatre premières classes du projet ministériel.
M. Destouvelles. - Messieurs, à l’appui de ce que vient de dire l’honorable préopinant, je ferai encore une observation, c’est que les juges qui, selon le projet ministériel, appartiendraient à la cinquième classe, font partie de tribunaux qui ne sont composés que de trois magistrats, qui par conséquent toute l’année vaquent à leurs fonctions et siègent sans relâche. Ce sont de tous les juges les plus occupés. Les affaires correctionnelles, les expropriations, les publications qui doivent être faites à jour fixe et ne peuvent être différées, ne leur permettent pas de prendre des vacations. Je crois que la chambre doit avoir égard à ces considérations, et elles sont assez puissantes, je pense, pour qu’elle fixe à 2,400 fr. le traitement de ces juges.
M. Helias d’Huddeghem. - L’augmentation de 400 fr. dont nous a parlé M. le ministre de la justice me paraît ne pas répondre à l’espoir qu’on avait justement conçu de voir élever le traitement des membres de l’ordre judiciaire à un taux raisonnable. Je suis fâché du reste que le tableau nous ait été présente en francs et non pas en florins : on aurait mieux vu la différence.
D’après le projet de M. Barthélemy, on attribuait aux juges 1,900 fl., et d’après le projet de loi du 18 avril 1827, c’était 2000 fl. Vous voyez, messieurs, que c’était bien supérieur à ce qu’on vous propose aujourd’hui. C’est avec plaisir que j'ai vu M. de Sécus dire hier au sénat : « Quand il s’agit de la stabilité de la couronne de la tranquillité du pays, quand il s’agit enfin d’une bonne administration de la justice, qu’importe quelques centaines de mille florins ? Cela dût-il coûter même un million de plus, ce serait une dépense que le public regagnerait bien vite par la sécurité que lui inspirerait la justice. » Je crois, messieurs, que nous ne pouvons mieux faire que d’adopter la proposition de la section centrale en supprimant la dernière classe.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - La proportion n’existera plus entre les diverses classes, par ce qu’on propose, tandis qu’elle existait dans le projet du gouvernement. Je dois d’abord faire cette observation, mais je crois aussi devoir répondre aux objections présentées par un préopinant à l’effet de faire augmenter, encore plus que ne le fait le projet, le traitement des juges.
On a dit que depuis longtemps on avait promis d’augmenter ce traitement ; cela est vrai, mais le projet améliore évidemment le sort des tribunaux. Vous ne pouvez refuser aux juges leur juste salaire, ajoute-t-on. Telle n’est l’intention de personne, et l’augmentation consacrée par le projet en est une preuve assez irrécusable. Mais, a-t-on dit encore, il faut réunir, pour être juge, capacité et probité. Sans doute, cela est à désirer, et il faut espérer que ce but sera atteint par le projet.
Je ne sais si on y réussirait davantage par une plus forte augmentation des traitements et j’en doute. Elle aurait en outre pour résultat d’augmenter démesurément le budget, et c’est une considération qu’il ne faut pas perdre de vue. On nous a dit qu’il y avait tel commis des accises dont le traitement était aussi considérable que celui d’un juge. Je ferai observer d’abord qu’il y a une très grande différence entre un fonctionnaire inamovible et celui qui est toujours placé à la merci d’un chef supérieur. Une autre considération bien plus puissante est celle de l’honneur. Sans doute un juge doit être convenablement rétribué ; mais l’honneur, et la considération dont la magistrature est et doit être environnée compenseront bien l’augmentation que l’on propose et à laquelle je ne saurais souscrire.
- La clôture est demandée, mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 3,400 fr. proposée pour le traitement des juges de première classe.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
M. le président. - On propose pour le juge d’instruction 3,800 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - On sait combien sont pénibles les fonctions d’un juge d’instruction, et en tout il faut observer une juste proportion. Puisque contre mon avis la chambre vient d’adopter pour les juges le chiffre de 3,400 fr., je pars de cette base pour proposer d’élever le traitement du juge d’instruction à 3,960. C’est le sixième en sus du traitement de juges, en négligeant les fractions.
M. Dubus. - Je pense de donner au juge d’instruction un traitement de 4,000 fr. J’ai présenté un nouveau tableau de classification des traitements, fondé sur la décision que vous venez de prendre. Vous avez augmenté de 600 fr. le traitement des juges de première classe, et je propose d’augmenter dans la même proportion le traitement des juges de toutes les autres.
- Le chiffre de 4,000 fr. proposé par M. Dubus, pour le juge d’instruction de 1ère classe, est mis aux voix et adopté.
M. Dubus propose ensuite, et la chambre adopte, le traitement du vice-président à 4,200 fr.
M. le président. - M. Dubus propose de fixer à 5,100 fr. le traitement du président.
M. Barthélemy et M. Lebeau. - 5,000 fr. ! 5,000 fr.
Le chiffre de 5,000 fr. est mis aux voix et adopté.
On adopte ensuite la proposition de M. Dubus de fixer le traitement du procureur du Roi à 5,000 fr., et celui du substitut, à 3,400 fr.
M. le président. - On propose pour le greffier 2,800 fr.
M. Leclercq. - Je propose d’augmenter de 200 fr. le traitement des greffiers de première classe. Vous avez diminué le traitement du greffier de la cour de cassation et des greffiers des cours d’appel, et j’ai été moi-même de cet avis, ne croyant pas qu’il fût convenable de leur donner un traitement égal à celui d’un conseiller.
Cependant, il faut prendre garde de ne pas pousser trop loin les choses. Le travail de ces fonctionnaires, près les tribunaux, est considérable : c’est là que se fait la première instruction de toutes les affaires correctionnelles et civiles. Les greffiers sont ensuite assujettis à des dépenses considérables, et leur casuel, j’en ai la preuve, car j’ai été à même de vérifier le fait, ne suffit pas toujours à les couvrir ; il n’y aurait pas justice à ne pas augmenter de 200 fr. le chiffre proposé. J’ajouterai que le traitement d’un commis-greffier près d’une cour se trouverait supérieur à celui du greffier près d’un tribunal, sans avoir, comme celui-ci, ni dépenses à faire ni responsabilité à encourir.
M. Lebeau. - J’appuie les observations de l’honorable M. Leclercq. Je partageais, avant de faire partie de la section centrale, l’erreur assez généralement accréditée que le casuel des greffiers était considérable ; c’est sous l’influence de cette opinion que je proposais une réduction considérable sur leur traitement ; mais il nous a été fourni par M. le ministre de la justice un tableau sur l’authenticité duquel aucun doute n’est permis, et duquel il résulte que le casuel est très peu considérable et ne suffit pas toujours à couvrir les dépenses du greffe.
C’est ainsi que, d’une source qui ne peut m’être suspecte, j’ai acquis la preuve que le casuel du greffier du tribunal de Liège ne s’est élevé qu’à fl. 1,119-01, tandis que les dépenses s’élèvent à 1,005-18 : en sorte que le boni pour le greffier ne s’est élevé qu’à fl. 113-83 au-dessus de son traitement. Maintenant que l’opinion que le casuel des greffiers était considérable se soit accréditée, la chose s’explique facilement quand autrefois on voyait 20 et 25,000 causes portées au rôle ; aujourd’hui au contraire il n’y en a que 6,000 environ. Je ne sais à qui il faut faire honneur de cette diminution, mais le fait existe, soit qu’il y ait plus de transactions et par suite moins de contestations portées devant les juges, soit qu’une législation nouvelle enfantât des procès qui ne sont plus soutenables aujourd’hui par suite des nombreuses décisions survenues sur une multitude de questions auparavant douteuses. D’après ces considérations, je crois de toute justice d’appuyer l’amendement de M. Leclercq.
M. Barthélemy. - Il est question de savoir quel est le casuel des greffiers. Je pense que les renseignements qui ont été fournis par le ministre des finances et par le ministre de la justice ne sont pas convenables pour fixer les idées à cet égard. Il y a beaucoup de choses dans le casuel des greffiers qu’ils ne portent pas en compte. Par exemple, le gouvernement compte à tant de centimes par grosse ou feuille d’expédition ; mais le greffier peut avoir des scribes sur lesquels il gagne, et ce gain-là, il ne le fait pas connaître. En résultat, je sais de science certaine que le greffe de Bruxelles a rapporté 8,000 fr. ; que dans une autre ville le greffe du tribunal civil réuni au greffe du tribunal de commerce a rapporté 20,000 fr. Ce n’est pas seulement dans les remises que le gouvernement fait pour les droits de greffe que consistent les bénéfices pour les commis-greffiers ; il y a un casuel que l’on ne connaît pas : quand on veut avoir une expédition promptement, on donne 6 fr.
- Plusieurs voix. - C’est un abus ! c’est un abus !
M. Barthélemy. - Et j’ai su d’un commis-greffier que cela lui avait produit 2,000 fr. dans l’année. M. le ministre de la justice aura plus de requêtes pour les places de greffier que pour celles de président. Cependant je ne m’oppose pas à l’augmentation de 100 francs.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Pour les quatre greffiers de Bruxelles, d’Anvers, de Liége et de Gand, l’augmentation sera de 200 fr. pour chacun, en tout 800 fr. Cette augmentation est de toute justice. En fixant le traitement à 3,000 fr., ce sera un taux raisonnable.
Par la loi de l’an VII, le traitement du greffier était fixé au même taux que celui des juges ; l’augmentation de 200 fr. ne portera pas le traitement à ce niveau.
Des notes venant du ministère des finances ont été remises à la section centrale, et il en est résulté que les remises n’étaient pas aussi fortes qu’on se l’imaginait. On vient de vous dire que tout n’est pas compris dans ces remises qui se font sur les droits d’enregistrement : oui, messieurs, par le décret de juin 1811, il y a encore des remises d’autres droits ; mais toutes ces remises ne produisent pas un gros bénéfice. On nous a cité des droits qui ne seraient pas compris dans les tarifs ; s’il en est ainsi, ces droits sont illégalement perçus et l’on doit en réprimer la perception ; car ces tarifs qui ont force de loi doivent être exécutés et ne doivent pas être outrepassés.
M. Destouvelles. - Ce n’est pas seulement sur les calculs du ministre des finances que j’ai opéré. J’ai les comptes d’un greffier digne de la plus grande confiance ; il m’a été démontré que le casuel des greffiers suffisait à peine pour payer leurs commis. Je n’ai pas vu les registres de tous les greffiers, mais j’ai vu ceux de greffiers qui depuis 30 ans jouissent de la confiance des tribunaux auxquels ils sont attachés.
Quant aux scribes à bon marché sur lesquels on fait des bénéfices, ceci est une allégation du préopinant qu’il faudrait justifier ; il faut une certaine intelligence pour tenir la comptabilité très épineuse de l’enregistrement.
On donne quelque gratification aux commis-greffiers quand on est extrêmement pressé d’avoir une expédition, mais c’est une gratification volontaire ; c’est ce que j’ai vu et ce que j’ai fait plusieurs fois.
Il faut que les greffiers paient, indépendamment des expéditionnaires, les mêmes frais de bureau.
M. le président. -Je vais mettre l’amendement aux voix.
M. Devaux. - Je ferai remarquer que si vous augmentez le traitement du greffier de première classe, il faudra augmenter proportionnellement les autres greffiers qui même ont plus d’ouvrage que les premiers ; les greffiers de première classe n’ont pas les appels correctionnels ni les cours d’assises. Néanmoins je ne me décide ni pour ni contre.
M. le président. - L’amendement de M. Leclercq porte 3,000 fr.
- L’amendement mis aux voix est adopté.
M. le président. - M. Dubus propose 1,700 fr. pour les commis-greffiers.
- L’amendement de M. Dubus mis aux voix est adopté.
M. le président. - Nous passons maintenant aux juges de seconde classe. Le chiffre pour ces juges est de 3,000 fr.
- Ce chiffre est adopté sans discussion.
M. le président. - M. Dubus propose 3,500 fr. pour les juges d’instruction.
- Le chiffre de M. Dubus est adopté.
M. le président. - M. Dubus fixe le traitement du vice-président à 3,700 fr.
- Ce traitement est adopté.
M. le président. - Le traitement du président est porté par M. Dubus à 4,500 fr.
- Le chiffre de 4,500 fr. est adopté.
M. le président. - Les procureurs du Roi, 4,500 fr.
- Ce traitement des procureurs du Roi est adopté.
M. le président. - Pour les substituts, 3,700 fr.
- Ce chiffre est encore adopté sans discussion.
M. le président. - Les greffiers, 2,000 fr.
M. Dubus. - Il faut 2,200 fr. pour garder la proportion.
M. Lebeau. - Je voudrais savoir ce qu’ils ont aujourd’hui.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Aujourd’hui, ils ont 2,000 fr., du moins à Bruges. Il est vrai qu’il y a un peu de diversité ; ils ont davantage dans un endroit que dans un autre ; c’est par suite d’arrêtés particuliers, car sous le gouvernement français il y avait plus d’unité.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 2,200 fr. pour les greffiers des tribunaux de seconde classe.
- Le chiffre est adopté.
M. le président. - Commis-greffiers, 1,200 fr.
>Un membre. - Il faut mettre 1,400 fr.
- Le chiffre de 1,400 fr. est adopté.
M. le président. - Les juges de troisième classe, 2,600 fr.
M. Davignon. - L’augmentation doit être de 600 fr.
M. Lardinois. - Je demande que le traitement soit de 2,700 fr.
M. Dubus. - Il y a une augmentation uniforme de 600 fr.
M. Taintenier. - Cette augmentation uniforme est souverainement injuste ; car quand on va en descendant, on arrive trop bas : 1,600 fr. seront évidemment trop peu pour les juges de la dernière classe. Ce calcul arithmétique ne peut convenir dans l’espèce. Dans l’appréciation des traitements des tribunaux de la dernière classe, il ne faut pas vous baser sur ce qu’ils avaient 1,000 fr. sous l’ancienne législation ; quand vous doubleriez ces 1,000 fr., cela ne suffirait pas pour rétribuer un juge, qui est le premier officier dans les administrations d’un Etat ; car la justice est la première chose du monde.
M. Lardinois. - Je demande que le juge de troisième classe soit porté à 2,700 fr.
- Cet amendement est mis aux voix : une première épreuve est douteuse. Il est adopté à la seconde.
M. le président. - Juge d’instruction, 3,050 fr.
M. Barthélemy. - Je demande 3,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Il faut augmenter proportionnellement aux fonctions ; il faut mettre 3,100 fr.
- Le chiffre de 3,100 fr., pour le juge d’instruction, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Le président de troisième classe, 3,600 fr.
M. Davignon. - Je propose 4,000 fr.
- Le chiffre de 4,000 fr. est adopté.
M. le président. - Le procureur du Roi, par la même raison, sera à 4,000 fr.
- Adopté sans discussion.
M. le président. - Le substitut du procureur du Roi, 2,700 fr.
- Adopté sans discussion.
M. le président. - Le greffier, 2,200 fr.
M. Davignon. - Il faut mettre 2,000 fr.
- Le chiffre 2,000 fr. est adopté.
M. le président. - Le commis-greffier, 1,100 fr.
M. Barthélemy. - Somme ronde 1,200 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne sais pas si avec ce chiffre il y aura proportion entre la deuxième et la troisième classe : vous avez augmenté pour les villes où il fait cher vivre ; l’augmentation par ce motif doit avoir lieu ici.
M. Lardinois. - Je demande 1,300 fr.
M. Davignon. - Il est impossible qu’un commis-greffier subsiste à Verviers avec 1,200 fr.
- Le chiffre 1,300 fr. mis aux voix est rejeté.
Le chiffre 1,200 fr. est adopté.
M. le président. - Juge de quatrième classe, 2,300 fr.
M. Barthélemy. - Que l’on mette 2,400 fr.
- Le chiffre 2,400 fr. est adopté.
M. le président. - Juge d’instruction, 2,700 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Il faudrait 2,800 fr. Ce qui ferait un sixième en sus.
- Le chiffre 2,800 fr. est adopté.
M. le président. - Les présidents, 3,400 fr.
M. Dubus. - Il faut 3,600 fr.
- Le chiffre 3,600 fr. est adopté.
M. le président. - Procureur du Roi, 3,600 fr.
- Adopté sans réclamation.
M. le président. - Substitut, 2,600 fr.
- Adopté sans réclamation.
M. le président. - Les greffiers de quatrième classe, 1,700 fr.
- Plusieurs membres. - 1,800 fr.
M. Lebeau. - La proportion est-elle juste ? On n’a jamais réclamé contre le traitement actuel des greffiers et des commis-greffiers. Il faut prendre garde, messieurs, de céder à un principe d’arithmétique ; il faut ne céder qu’à des besoins réels.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - La proportionnalité vient en quelque façon d’être dérangée par les décisions de l’assemblée. D’après la loi de l’an VII, le greffier avait le même traitement qu’un juge ; maintenant on maintient le traitement du greffier à 1,700 fr., lorsque vous avez porté le traitement du juge à 2,400 ; il faut au moins mettre le traitement du greffier à 1,800 fr.
M. Gendebien. - Ce n’est pas pour m’opposer à une majoration de 100 fr. que je prends la parole ; je désire qu’elle soit accordée, mais c’est à condition que l’on surveillera les greffiers.
Il y a des abus, et tout à l’heure on m’en a signalé un par un billet qui m’est arrivé des tribunes. Je n’ai pas plaidé au correctionnel ; mais voici ce que l’on me dit : Lorsque l’on appelle des jugements rendus au correctionnel, quoiqu’il n’y ait aucun droit à exiger, on commence par demander une taxe pour l’inscription sus le registre ou l’on consigne les appels ; cette taxe est de 5 ou 6 fr.
J’invite M. le ministre à faire attention à cet abus ; car, après avoir rétribué chacun selon ses œuvres, je veux que les citoyens ne soient pas condamnés à de nouveaux impôts,
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Si ces abus existent, certainement il faut y mettre fin : je suis autant opposé aux abus que le préopinant. Toutefois je ferai observer que, d’après les lois existantes, les greffiers sont réprimandés par les juges de première instance ; c’est donc à ces magistrats à réprimer ces fonctionnaires révocables. On ne doit jamais tolérer des abus, et les cours et les tribunaux doivent exercer une grande surveillance. Je ne sais pas si des taxes illégales sont perçues dans certaines localités ; je sais qu’il n’en existe pas à Liége.
M. d’Elhoungne. - Je ne crois pas qu’il y ait lieu d’augmenter le traitement des greffiers. D’après la loi française, le commis-greffier n’était pas à la solde de l’Etat, mais à celle du greffier. L’augmentation que vous allez faire va être considérable, car vous salariez les commis, puis vous allez donner encore 100 fr. : vous allez rompre toutes les proportions de la législation française. On s’est plaint de la modicité du traitement des juges, mais jamais on ne s’est plaint du traitement des greffiers ; en accordant 1,700 fr., on leur accorde plus qu’ils n’avaient sous la loi française.
M. Bourgeois. - L’on a parlé des abus qui se commettent dans les tribunaux : je ne sais s’il s’en commet dans les greffes civils, mais il s’en commet dans les greffes des tribunaux de commerce, et il faut que M. le ministre de la justice fasse promptement un règlement. J’avais préparé un travail pour séparer les droits des greffes civils et des greffes de commerce ; mais comme il ne s’agit pas actuellement de lois sur cet objet, j’ai renoncé à mon travail.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, les abus dont on vient de parler, il n’y a que quelques jours qu’on me les a signalés ; auparavant ils m’étaient inconnus.
M. Destouvelles. - On a dit que sous le gouvernement français un greffier touchait 17,000 fr. et qu’il payait le commis-greffier ; mais alors on le laissait l’arbitre du traitement des commis-greffiers, tandis qu’aujourd’hui vous fixez ce traitement. Il me paraît que le traitement de 1,800 fr. n’excède pas celui qui doit être alloué.
M. Dubus. - Je tiens ici le tableau des greffiers pour la France ; en 1830, les greffiers des dernières classes ne recevaient que 1,000 fr. Ce n’est que dans les grandes villes de Nantes, Toulouse, etc., qu’ils reçoivent 1,200 fr.
M. Barthélemy. - Dans un projet d’organisation judiciaire que j’avais présenté à la seconde chambre des états-généraux, j’avais distingué les tribunaux en classes, et nous avions pensé que dans certains tribunaux il n’était pas nécessaire d’y mettre un procureur du roi et un commis-greffier. Nous avions proposé 800 fl. pour les greffiers ; mais si vous mettez un substitut et un commis-greffier, vous faites, dans beaucoup de cas, une dépense inutile. Dans un tribunal où il n’y a pas 50 ou 60 affaires par an, à quoi bon ce luxe dans le personnel ? Je vous citerai des tribunaux de la province du Limbourg où il n’y a guère que 30 affaires par an ; là y a-t-il nécessité de mettre un substitut, un commis-greffier ? Que peuvent faire ces personnages ?
M. Van Meenen. - L’observation faite par M. Barthélemy trouverait sa place si nous nous occupions de déterminer le personnel des tribunaux ; ce personnel est fixé, et nous fixons maintenant les traitements. La fixation du traitement n’ôte pas la valeur des réflexions qui nous sont soumises ; là où il n’y aurait pas de substitut et de commis-greffier, le traitement ne sera pas donné.
M. le président. - M. le ministre propose 1,800 fr. pour les greffiers de quatrième classe.
- Le chiffre de 1,800 fr. est rejeté.
Le chiffre de 1700 fr. est adopté.
M. le président. - Commis-greffier, 900 fr. Désire-t-on le porter à 1,000 ? (Non ! non ! Non !)
- Le chiffre de 900 fr. est adopté.
L’article 4, dans son ensemble est mis aux voix et adopté.
« Art. 5. Le traitement des juges de paix et des greffiers des justices de paix est fixé comme il suit :
« 1° A Bruxelles, Anvers, Gand et Liège : Juges, 1,600 ; greffiers, 480 fr.
« 2° Dans les autres villes, chefs-lieux d’arrondissement judiciaire : Juges, 1,400 ; greffiers, 400.
« 3° Partout ailleurs : Juges, 1,200 ; greffiers, 400. »
M. Tiecken de Terhove. - Il me semble que le traitement des greffiers est extrêmement minime ; il faudrait mettre ce traitement à 600 fr. pour ceux de première classe, et à 500 fr. pour ceux de deuxième et troisième classe. Les greffiers de deuxième et de troisième classe sont ceux qui font les inventaires dans les campagnes, et la plupart du temps gratuitement.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Les traitements des juges de paix avaient été fixés par une loi de l’an IV, à la valeur d’une mesure métrique de froment ; par la loi de ventôse an VII, le traitement des juges de paix, pour les communes de 50,000 âmes et au-dessus, était de 1,200 fr. ; dans toutes les autres communes il était de 800 fr. Le traitement du greffier était le tiers de celui du juge. Si l’on porte le traitement du greffier de première classe à 600 fr., la proportion n’existera plus.
M. le président. - On propose 1,600 fr. pour les juges de paix de première classe.
- Le chiffre de 1,600 fr. est adopté.
M. le président: M. Tiecken de Terhove propose 600 fr. pour les greffiers de première classe.
M. d’Elhoungne. - La plus forte partie du traitement des greffiers des juges est payée par les rétributions des justiciables, et jamais les greffiers n’ont adressé de plaintes sur la modicité de leurs traitements. Ces places sont partout recherchées, et elles le sont d’autant plus que les greffiers peuvent vendre les biens-meubles concurremment avec les notaires, les huissiers. Ils peuvent se procurer une existence très honnête et très convenable au titre de greffier. S’il devait y avoir des modifications à la proposition du ministre de la justice, elles devraient tomber sur les traitements des juges et non sur les traitements des greffiers.
M. le président. - On propose 600 fr. pour les greffiers des juges de paix de première classe.
- Le chiffre de 600 fr. est rejeté.
M. le président. - La section centrale propose 480 fr. pour les mêmes greffiers.
- Ce chiffre de 480 fr. est adopté.
M. d’Elhoungne. - Il me semble que les modifications apportées par la section centrale ne sont pas motivées. Elle comprend dans la seconde classe les chefs-lieux d’arrondissements judiciaires…
M. Dubus. - Je voulais faire remarquer que ce qui a déterminé la section centrale, c’est qu’il lui a été impossible d’assimiler les juges de paix des villes à ceux des campagnes. Dans une ville où autrefois il y avait deux juges de paix, il n’y en a plus qu’un ; la besogne est double. On doit encore considérer que les arrondissements des villes sont plus considérables que ceux des campagnes.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Il y a plusieurs juges de paix dans un grand nombre de villes ; Courtray en est une. Par la suite on pourra réduire le nombre de ces juges. On a dit qu’il fallait payer les juges en proportion de la grandeur des arrondissements ; mais quand l’arrondissement est plus grand, le casuel est plus grand.
M. Lebeau. - Un juge de paix qui siège à Tournay ou à Verviers, dans un chef-lieu de province ou dans un chef-lieu d’arrondissement, je n’y vois pas grande différence. Le ministre a consenti l’amendement de la section centrale avec la rédaction du second paragraphe de l’article 5 ; du moins il ne s’y est pas opposé.
M. Brabant. - On a réclamé pour certaines villes dont la population était assez forte. Toutes les villes de la seconde et de la troisième classe sont assez importantes pour que les juges de paix y soient traités de la même manière.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’opinion du préopinant tendrait à n’établir que deux espèces de juges de paix ; ceux des villes et ceux des arrondissements ruraux. La chambre appréciera les observations qui lui sont soumises.
M. le président. - Voici un amendement proposé par M. Brabant : « En place du second paragraphe de l’article 5 on mettrait : Dans les chefs-lieux d’arrondissements des deuxième et troisième classes, 1,400 fr. pour les juges de paix. »
- L’amendement de M. Brabant mis aux voix est adopté.
M. le président. - Greffiers, 400 fr.
- Ce chiffre est adopté.
M. le président. - Partout ailleurs, 1,200 fr. pour les juges de paix.
- Le chiffre 1,200 fr. est adopté.
M. le président. - 400 fr. pour les greffiers.
- Le chiffre de 400 fr. est adopté.
L’art. 5 dans son ensemble est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Il n’est rien innové quant aux traitements des greffiers des tribunaux de commerce et de simple police. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 7. Le traitement ne sera payé aux fonctionnaires désignés dans la présente loi qu’à partir du premier jour du mois qui suivra la prestation de leur serment. »
- Cet article est également adopté sans discussion.
« Art. 8. Les traitements fixés par la présente loi ne prendront cours, quant aux fonctionnaires désignés aux articles 1, 2 et 4, qu’après l’installation de l’ordre judiciaire, et quant aux fonctionnaires désignés à l’article 5, qu’à partir du premier janvier 1834. »
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - La section centrale a changé l’ordre des dispositions pour les articles 7 et 8.
M. Devaux. - Vous venez de décider qu’il y aurait d’assez grandes augmentations de traitements pour l’ordre judiciaire, ou plutôt vous venez de prendre des mesures dans l’intérêt de la justice. Je crois cependant qu’en admettant l’augmentation vous ne voulez pas la faire peser sur le budget de cette année ; les charges des contribuables sont assez fortes ; d’après le projet ministériel l’augmentation était de 400,000 fr. Par suite des amendements qui ont été faits, cette augmentation est de cinq à six cent mille fr. Je demande que l’augmentation de traitement ne soit payée qu’à partir du 1er janvier 1833, et que les traitements restent comme ils sont jusqu’à cette époque.
M. Helias d’Huddeghem. - Mais comment paierez-vous la cour de cassation qui n’existe pas encore ?
M. A. Rodenbach. - Par sous-amendement à l’amendement de M. Devaux, je propose de ne payer les augmentations qu’à partir de 1834.
M. Devaux. - A l’égard de la cour de cassation, il y a deux partis à prendre ; ou de payer les juges du jour de la nomination, ou de les payer comme les conseillers des cours d’appel.
M. Bourgeois. - Et la cour d’appel de Gand qui n’existe pas encore, comment la paiera-t-on ?
M. Devaux. - Comme celles qui existent.
M. Dubus. - Je crois que cet amendement que l’on propose comme paragraphe additionnel à l’article 7, ne peut s’appliquer qu’à l’article 8.
M. Devaux. - L’amendement, comme disposition transitoire, peut s’appliquer à l’article 7. Je ne m’oppose pas à ce qu’il s’applique à l’article 8.
M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. Devaux : « Les augmentations de traitements établies par la présente loi ne profiteront aux membres de l’ordre judiciaire qu’à partir du 1er janvier 1833. La présente disposition n’est pas applicable à la cour de cassation.
M. Van Meenen. - Et la cour de Gand ?
M. Devaux. - Mais qu’on lise l’amendement, et l’on verra que la cour de Gand doit être payée comme les autres cours d’appel.
M. Bourgeois. - Mais il y aura un président à la cour de Gand ; lui donnerez-vous 14,000 fr., ou ne lui donnerez-vous que 9,000 fr. selon la nouvelle loi. On vient de me faire observer que l’économie qui résulterait de l’amendement était très mince, puisque l’organisation judiciaire n’aurait lieu qu’en octobre.
M. Devaux. - Mon amendement lève la difficulté : les augmentations ne peuvent être faites qu’à partir de juillet 1833 ; mais la réduction en profite au trésor dès ce moment.
M. Bourgeois. - Je reviens à mon observation : à Gand, il n’existe pas de président ; il sera payé à raison de 9,000 fr. selon la loi que nous portons, et les conseillers ne seront pas diminués ; il y aura une injustice. Je ne vois pas le moyen d’exécuter l’amendement.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement.
M. Lebeau. - Il ne faut pas exclure de la rédaction de l’article 8 la partie qui le termine : « Et quant aux autres fonctionnaires désignés à l’article 5, qu’à partir du premier janvier 1834. »
M. Dubus. - Je crois qu’il faudrait dire : « Les augmentations de traitements établies par les articles 2 et 4 de la présente loi ne profiteront aux membres de l’ordre judiciaire qu’à partir du 1er janvier 1833. »
M. Helias d’Huddeghem. - Nous révoquons donc les anciens tarifs ; il faudra dire comment seront payés les membres de la cour de cassation.
M. H. de Brouckere. - D’après la présente loi.
M. A. Rodenbach. - C’est un marché aux poissons ; c’est un scandale !
M. Taintenier. - Nous oublions le but de la loi, c’est d’améliorer le sort des juges. Il s’agit d’une loi organique concomitante avec celle que vous avez portée. Le public était indigné de l’état dans lequel on tenait depuis longtemps la magistrature. Dites que les augmentations n’auront lieu qu’à partir du premier janvier 1833, mais ne faites pas de diminutions.
M. Devaux. - Il faut être d’une grande susceptibilité pour qu’on ne veuille pas qu’il soit question d’argent dans une loi d’argent.
M. le président. - Je vais mettre l’amendement aux voix.
- L’amendement est adopté.
M. le président. - Voici un autre amendement de la section centrale : « Et quant aux fonctionnaires désignés en l’article 5, qu’à partir du premier janvier 1834. »
M. Gendebien. - Je sais que dans la loi sur l’organisation judiciaire on dit que les juges de paix seront nommés avant 1834 ; mais on pourrait peut-être les nommer avant 1833. Les juges de paix sont les fonctionnaires les plus utiles du pays, d’après le but du législateur, et je ne vois pas pourquoi on ne les appellerait pas à profiter des avantages de la loi de 1833 ; c’est un siècle que d’attendre 18 mois,
M. H. de Brouckere. - Je m’oppose à l’amendement de la section centrale…
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Cet amendement a été consenti par le gouvernement.
M. H. de Brouckere. - Si c’est pour le pouvoir une obligation de nommer les juges de paix avant janvier 1834, il est vrai de dire qu’il pourra nommer ces fonctionnaires au commencement de 1833 ; mais quand même la nomination ne se ferait qu’à la fin de 1833, je ne vois pas pourquoi la faible augmentation ne profiterait pas au titulaire actuel. On reconnaît que les juges de paix ne sont pas payés convenablement. Pourquoi ne ferait-on pas justice envers eux comme envers les autres ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Le traitement des juges de paix est augmenté d’une somme très minime pour chacun d’eux, mais qui pour le trésor est considérable. A cette considération s’en joint une autre.
Les justices de paix ne sont pas bien distribuées ; ii faut établir de nouvelles circonscriptions. C’est pourquoi dans la loi sur l’organisation judiciaire on a fixé le délai jusqu’à 1834 pour la nomination des juges de paix. Déjà on a commencé le travail relatif aux circonscriptions, et nous avons reçu beaucoup de renseignements. Aussi le retard a été motivé sur le besoin qu’on a de terminer ce travail important. Je pense que le nombre des juges de paix pourra être diminué, ce qui compensera pour le trésor l’augmentation de traitement. J’ai cru que l’exécution des deux lois devait coïncider, fixant dans l’une et dans l’autre le premier janvier 1834. Les personnes qui voudront de ces fonctions seront averties du traitement qui y est attaché.
M. Gendebien. - Je dois faire remarquer l’anomalie qui existe entre la loi et le langage du ministre. Il dit que le nombre des juges sera réduit, mais qu’il fallait attendre à fixer les traitements quand les juges sauront quelle besogne ils ont à faire. Quand on n’a pas de vues arrêtées, on procède en jurisprudence pièce à pièce, comme l’habit d’arlequin : il fallait, pour respecter la législature, ne pas la mettre ainsi dans une position fausse. Je regrette que vous ayez voté l’article 5 ; quant à moi, je voterai contre la loi.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Un tableau nouveau de circonscription n’apportera aucun changement dans les attributions des juges de paix. Seulement, les cantons qui ont peu d’habitants seront augmentés.
On a présenté le projet de loi en discussion avec des vues arrêtées ; je concevrais les objections du préopinant s’il s’agissait de changer les attributions.
- La chambre ferme la discussion.
La dernière partie de l’article 8, ou l’amendement de la section centrale, est mis aux voix et adopté.
L’article 8 nouveau, dans son ensemble, est mis aux voix et adopté.
M. Jonet. - Mais on ne devrait pas dire que l’augmentation de traitement ne profitera... Les juges seraient donc sans traitement ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - C’est le nouveau traitement des cours qui profitera ; donc, c’est l’ancien qui sera reçu.
« Art. 9. Les pensions des membres actuels de l’ordre judiciaire, qui seraient admis à faire valoir leurs droits à la retraite, seront liquidées d’après les dispositions de l’arrêté du 14 septembre 1814.
« Néanmoins, l’article 17 de cet arrêté est abrogé. »
M. H. de Brouckere. - Quel est cet article 17 ?
- Plusieurs membres. - C’est un article qui consacre l’arbitraire, le bon plaisir
- L’article 9 est adopté.
M. le président. - Nous ne pourrons voter sur l’ensemble de la loi qu’après-demain.
Nous allons passer à la délibération sur la loi portant ouverture d’un crédit de 35,000 florins pour le ministère de la justice, projet de loi dont M. Brabant a présenté le rapport.
M. Helias d’Huddeghem. - A demain ! à demain !
M. le président. - Il y a urgence !
M. Gendebien. - Je ne sais pas quelle est la destination du crédit que l’on demande ; je voudrais que M. le ministre la fît connaître ce n’est pas pour la police ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - La police n’est pas dans les attributions du ministre de la justice ; le crédit est demandé pour les frais de la justice pour l’exercice 1831, et qui ont excédé les prévisions à cause de plusieurs procès politiques : quand des témoins ont été assignés, quand des frais sont faits, il faut payer.
- Le projet de loi, conçu dans un article unique, est mis aux voix et adopté.
Il est soumis à l’appel nominal, attendu l’urgence, et il est adopté à l’unanimité.
M. le président. - Nous allons terminer par la délibération sur le projet de loi concernant la presse.
M. Destouvelles. - Ce projet est entre les mains d’un des sténographes du Moniteur ; nous n’avons pas les pièces : comment délibérer ?
M. le président. - C’est une copie qui a été remise au Moniteur ; voici la loi :
« Le décret du 20 juillet 1831 continuera d’avoir force obligatoire jusqu’au premier mai 1833. »
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je me rallie à l’amendement de la section centrale, qui a fixé le délai du 1er mai 1833. Il est plus nécessaire de réviser les lois sur le jury que les lois sur la presse ; j’espère que ces deux lois seront révisées avant l’époque fixée pour la presse.
M. H. de Brouckere. - J’avais demandé l’impression de la loi parce que je ne voyais pas de délai dans l’article unique qu’elle renferme ; mais le délai étant déterminé, je n’ai pas d’objections à faire.
M. Destouvelles. - La section centrale n’a pas pu fixer un délai plus rapproché parce que les lois de finances tiendront beaucoup de temps, surtout si l’on établit de nouveaux modes de perception pour l’impôt.
- Le projet de loi mis aux voix est adopté.
Attendu l’urgence, il est soumis à l’appel nominal.
53 membres votent l’adoption.
2 contre ; ce sont MM. de Haerne et Desmet.
M. d’Elhoungne s’abstient.
Le projet est adopté et sera envoyé au sénat.
M. d’Elhoungne. - Sur le billet de convocation que j’ai reçu, il n’est pas porté à l’ordre du jour le projet de loi sur la presse ; je ne me suis donc pas occupé de ce projet, et je n’ai pas voulu voter sur des souvenirs vagues.
- La séance est levée à quatre heures.