(Moniteur belge n°190, du 8 juillet 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A onze heures et demie, on procède à l’appel nominal.
M. Liedts donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Le sénat informe la chambre des représentants que, dans sa séance d’avant-hier, il a adopté la loi relative à l’armée de réserve, et que, dans sa séance d’hier, il a adopté la loi portant ouverture d’un crédit de quatre millions quatre cent mille florins au ministère de la guerre.
La deuxième et la quatrième section ayant autorisé la lecture de la proposition déposée par M. Zoude sur le bureau de la chambre, M. le président fait cette lecture. M. Zoude demande que : « par dérogation aux articles 15 et 16 de la loi du 21 août 1822, il ne soit plus délivré de permis d’exportation de sel raffiné avec restitution pour les pays ou l’importation du sel est prohibée. »
M. le président. - Il faut fixer le jour du développement. (Dans 15 jours ! dans 15 jours ! Demain ! demain ! Demain !) A demain.
L’ordre du jour est le second vote sur le projet de loi relatif à la création d’ordres nationaux.
L’article premier du projet de la section centrale est ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est créé un ordre national, destiné à récompenser les services rendus à la patrie.
« Il porte le titre d’ordre de Léopold. »
Dans le premier vote, c’est un amendement de M. Leclercq qui a été adopté en place de cet article. Voici la proposition de M. Leclercq :
« Il est créé un ordre militaire, destiné à récompenser les services éminents rendus à la patrie.
« Il porte le titre d’ordre de Léopold. »
M. Gendebien. - Messieurs, je ne sais s’il est bien parlementaire de garder un silence absolu pendant une discussion de plusieurs jours, et d’attendre qu’elle soit close pour entamer en dehors de la chambre et dans les journaux une polémique tout au moins inconvenante, et surtout la veille du jour où les débats parlementaires allaient offrir à chaque député l’occasion d’émettre son opinion et de combattre celle de ses collègues d’une manière parlementaire : il me semble qu’il y a tout au moins oubli des convenances et de cette noble franchise, qui est le distinct caractère de toute opinion consciencieuse.
Je ne relèverai pas, messieurs, les suppositions mensongères, les expressions inconvenantes, les injures mêmes qu’un député s’est permis d’adresser par la voie des journaux aux honorables membres de la chambre que, du haut de son omnipotence parlementaire, il a constitué en opposition. S’il faut en croire le député journaliste, « ils se sont permis des interprétations indirectes toujours fallacieuses, des interprétations obliques, des misérables arguties ; ils ont été même jusqu’à l’absurdité, ils ont placé la chambre sous l’influence de principes anticonstitutionnels et sous l’empire d’autres qui… Mais l’armée est aussi intéressée que tout autre membre de l’Etat au maintien de la constitution ; elle comprendra sa position ; la nation tout entière sentira… »
On ne se contente pas d’insulter une partie nombreuse de cette assemblée. On la menace ! Des menaces ! Et à qui les adresse-t-on ?
Pour moi je les méprise autant que je déteste les doctrines liberticides de ces caméléons politiques. Je renvoie ces injures et ces rodomontades à son auteur et à tous ceux qui ont violé la constitution en acceptant les 18 articles, et avec eux l’anathème de « faiblesse et de parjure » lancé solennellement par un ministre du régent, qui lui-même les accepta après les avoir reconnus inconstitutionnels. Je renvoie ces injures à tous ceux qui depuis lors ont violé vingt fois la constitution ; et si la nation et l’armée acceptent un jour l’intervention qu’on a si imprudemment provoquée, ceux-là n’ont rien à craindre qui ont défendu l’intégrité du territoire et de la constitution ; mais malheur à ceux qui se sont fait un jeu de vendre leurs frères et de fouler aux pieds une constitution que le peuple avait conquise au prix de son sang !
J’arrive à la question grave, qui seule mérite votre attention.
Est-il vrai, messieurs, que nous avons confondu toutes les notions sur les règles ordinaires de l’interprétation des lois et sur la distinction des pouvoirs politiques, exécutif et législatif ... ? Le reproche serait grave s’il était sérieux ; mais je ne puis croire que ce soit sérieusement qu’on ait eu la prétention d’adresser une aussi rude leçon de législation à des hommes qui ont étudié les lois ailleurs que dans le Missel, et qu’on a l’inconséquence de gratifier du titre honorable de jurisconsultes.
Sans faire profession d’humilité, nous tâcherons d’être plus modeste, et au lieu de trancher la question, nous tâcherons de la résoudre.
On est parti de suppositions mensongères pour arriver à des conséquences destructives de la constitution, ou plutôt de la souveraineté du peuple qui en est la base fondamentale, comme le dit textuellement l’article 25 de la constitution : « Tous les pouvoirs émanent de la nation. »
On a supposé que la majorité de l’opposition, comme on l’a dit obligeamment, fonde son refus pour les ordres civils sur le texte de l’article 76 de la constitution, qui interdirait au Roi de conférer ces ordres. Selon l’opposition, a-t-on, cet article (76) prescrit « aussi que le Roi ne peut conférer des ordres civils. »
Personne que je sache n’a avancé que l’article 76 prescrivit textuellement que le Roi ne peut conférer des ordres civils ; c’eût été une absurdité mais une absurdité plus grande, c’est de prétendue que l’article 76, tout en créant les ordres militaires, et ne disant mot de l’ordre civil, le Roi trouve dans la constitution le droit de créer un ordre civil comme des ordres militaires par une loi, et que c’est surtout dans le sens littéral de cet article 76, qui n’en dit mot, que ce droit se trouve consacré.
Telle est cependant la prétention de M. l’abbé de Foere qui s’exprime en ces termes : « Il s’ensuit que le sens littéral de la constitution est du côté des adversaires de l’opposition, et que celle-ci est réduite à tirer ses conclusions par voie d’induction. » Ce sont au contraire les amateurs de cordons et de rubans qui sont réduits à tirer leurs conclusions par voie d’induction, par analogie, alors même que le texte et l’esprit de la constitution y répugnent explicitement.
Ce n’est point sur des subtilités, encore moins sur des absurdités aussi palpables que nous avons démontré l’inconstitutionnalité du projet.
Nous avons soutenu, et j’ose dire victorieusement, que la monarchie belge est toute de prérogatives, par la raison qu’aux termes de l’article 25 « Tous les pouvoirs émanent de la nation, » que par conséquent la nation reste investie de tous les pouvoirs dont elle n’avait pas délégué l’exercice aux chambres et au Roi ; nous avons dit que cette conséquence toute logique avait été consacrée textuellement par l’article 29 qui donne au Roi le pouvoir exécutif tel qu’il est réglé par la constitution, et surabondamment par l’article 78 qui ne donne au Roi « d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution même. »
Au nombre des pouvoirs et prérogatives qui sont attribués au Roi par la première section du chapitre II, se trouve le droit de conférer des titres de noblesse (article 75), et le droit de conférer les ordres militaires ; celui de créer des ordres civils n’est pas compris dans la longue énumération de ce chapitre. Dès lors le Roi ne peut réclamer, et la législature ne peut lui octroyer le droit de conférer des ordres civils, puisque les articles 29 et 78, qui ne sont eux-mêmes que des corollaires de l’article 25, limitent expressément les prérogatives royales ; que l’article 25 combiné avec l’article 26 démontre clairement que le pouvoir législatif ne peut lui-même être exercé conformément à la constitution :
« Tous les pouvoirs émanent de la nation ; ils sont exercés de la manière établie par la constitution. » (article 25.)
Dans l’impuissance de répondre à des conséquences aussi logiques de dispositions aussi claires, on prétend substituer l’exception à la règle, et on avance hardiment, sans rougir, que tout ce qui n’est pas défendu par la constitution est permis ; c’est-à-dire que le Roi a tous les pouvoirs excepté ceux que lui refuse la constitution, ce qui est diamétralement en opposition avec les articles 25, 29 et 78.
Si ces théories aussi absurdes que dangereuses étaient admises, il faudrait désormais lire l’article 25 de cette façon : Tous les pouvoirs appartiennent au Roi, excepté ceux que la nation lui a expressément refusés. Il faudrait substituer à l’article 29, ainsi conçu : « Au Roi appartient le pouvoir exécutif, tel qu’il est réglé pas la constitution, » le texte suivant : « Au Roi appartient le pouvoir exécutif, tel qu’il est réglé par le pouvoir législatif, » au lieu de « par la constitution. » Cette métamorphose ainsi opérée, ce ne serait plus qu’un jeu de travestir l’article 78, et au lieu d’y lire : « Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertus de la constitution, » il faudrait substituer : « Le Roi a tous les pouvoirs, excepté ceux que lui refusent formellement la constitution et le pouvoir législatif. » Voilà où arrivera nécessairement le système interprétatif des adversaires de l’opposition comme ils se font gloire de s’appeler.
Mais ils ne s’arrêteront pas à cette conséquence ; ils sont forcés d’en accepter une autre beaucoup plus absurde : c’est que si la constitution n’avait pas textuellement autorisé le Roi, par les articles 75 et 76, à créer des nobles et des ordres militaires, il s’ensuivrait d’après leurs principes que tout ce qui n’est pas défendu est permis : le Roi pourrait créer non seulement des nobles, des ordres militaires, mais encore des ordres civils. En sorte que si la constitution n’avait accordé aucun droit au Roi, il pourrait en exercer beaucoup plus aujourd’hui qu’elle lui en accorde deux au lieu de trois qu’on prétend lui attribuer ; sans compter ceux que, par les mêmes principes, les adorateurs du soleil levant ne manqueront pas de lui offrir, par la seule raison que la constitution ne les lui accorde pas, et parce que la constitution n’a pas doté la couronne d’assez de prérogatives, comme le regrettent si ingénument certains hommes du pouvoir.
Le membre auquel je réponds aurait bien dû, avant de nous reprocher de confondre les notions et les règles ordinaires d’interprétation, s’apercevoir qu’il violait la première de toutes les règles d’interprétation, c’est-à-dire d’interpréter la loi de manière à la rendre complétement inutile. Or, si le pouvoir législatif peut étendre à volonté le pouvoir exécutif, s’il peut lui conférer tout ce qui n’est pas défendu par la constitution, il était bien inutile de décréter constitutionnellement les articles 75 et 76. Il était bien inutile de discuter en sections s’il y aurait des ordres civils. Il était bien inutile de décider, à la section centrale, qu’il y aurait des ordres militaires et de rejeter à l’unanimité les ordres civils. Qu’on veuille bien remarquer que M. Raikem, aujourd’hui ministre de la justice, faisait partie de cette unanimité et que c’est lui qui a présenté au congrès le rapport de la section centrale en ces termes : (La citation faite par l’orateur ne nous est pas parvenue.)
Qu’on veuille bien remarquer que le congrès, tout en approuvant le rapport et tout en admettant des ordres militaires, à une immense majorité, a aussi approuvé le même rapport qui rejetait à l’unanimité l’ordre civil. Il y a plus : pas une seule voix ne s’est élevée contre le rapport, pas une seule voix n’a réclamé un ordre civil, pas un amendement n’a été proposé, et l’on sait qu’à cette époque les amendements pleuvaient de toutes parts, sur les moindres propositions. C’est donc avec connaissance de cause et par réflexion que le congrès constituant a admis les uns et repoussé les autres. C’est dont ici le cas d’admettre la maxime : Inclusio unius est exclusio alterius : maxime que M. de Foere n’a pas plus comprise que les règles d’interprétation des lois, comme il est facile de s’en convaincre en lisant son épître à l’opposition.
Qu’on juge, d’après ce que je viens de dire, de la candeur et de la loyauté qui ont présidé à la rédaction de la première induction de la même épître. Il isole la moitié d’une phrase qui n’était qu’accessoire à la démonstration dont je viens de reproduire l’analyse ; puis, d’un ton triomphant, il m’accable, sans pitié, de tout le poids de sa consciencieuse logique.
« Pas un seul membre du congrès, dit M. Gendebien, n’a proposé un amendement à l’article 76, tendant à autoriser le Roi à conférer aussi des ordres civils. Donc, etc. »
On conçoit qu’en tronquant ainsi une phrase, en l’isolant de tout ce dont elle ne formait que le complément, on puisse ensuite se permettre de dire hardiment : « Il est impossible d’argumenter du silence du congrès avec plus de malheur, » expression qui prouve que M. de Foere est aussi modeste dans ses réfutations que loyal dans ses citations.
Je dirai à mon tour qu’on ne pouvait choisir avec plus de malheur le moment de laisser entrevoir certaines velléités d’usurpation sur le pouvoir constituant, alors même que la discussion semblait révéler une arrière-pensée qui a réuni une majorité courageuse. Quoi ! « beaucoup de membres du congrès, et M. l’abbé de Foere était du nombre, ont laissé au temps le soin d’apprécier l’opportunité d’un grand nombre de questions qui, si alors elles n’étaient pas posées comme pouvoirs politiques ou comme prérogatives royales, pouvaient être après résolues par les chambres en pouvoirs exécutifs ? »
M. de Foere aurait-il mission de préparer les esprits à l’œuvre du complément des prérogatives de la couronne et de la mise en action de la maxime si élastique et si attrayante pour le pouvoir : « Ce que la loi ne défend pas est permis » ?
J’aime à croire qu’il n’y a que préoccupation toute candide de la part de M. de Foere ; mais il n’est pas moins indispensable de nous mettre en garde et d’étouffer dans son germe une maxime liberticide dont nous ne tarderons pas à ressentir les effets, que le pouvoir royal et peut-être un autre pouvoir semi-politique chercheront à exploiter respectivement à leur profit : la dissertation insérée à l’Emancipation laisse entrevoir quelques désirs au retour vers une division de pouvoirs politiques, peu conformes à la volonté du pouvoir constituant.
Pour justifier la maxime la plus anticonstitutionnelle, selon moi, M. de Foere prétend « que tous les parlements attribuent chaque jour au pouvoir exécutif des pouvoirs qui ne sont pas déterminés par les constitutions, comme pouvoirs politiques. »
Si M. de Foere entend parler de l’Angleterre, il a raison ; mais dans ce pays le gouvernement est tout parlementaire, les trois branches du pouvoir parlementaire sont omnipotentes, la constitution elle-même est toute d’actes et de rétroactes parlementaires. Il n’y a donc aucune analogie entre le parlement anglais et le pouvoir législatif de la Belgique qui est tout d’attribution et de prérogatives. Seulement, qu’il cite une contrée quelconque soumise au régime du principe de la souveraineté du peuple, telle qu’elle est établie par l’article 25 de la constitution et par les articles 29 et 78 qui constituent évidemment une monarchie à prérogatives limitées ; et si sous un pareil régime des prétentions de la nature de celles résultant de la maxime « tout ce qui n’est pas défendu est permis » sont admises, je dirai qu’il y a des exemples de constitutions violées mais que ces exemples ne sont pas bons, à suivre. Dans toute hypothèse, je défie qu’on me cite un exemple dans les termes posés.
M. l’abbé de Foere nous défie de citer un article de la constitution qui défend à la législature de porter la loi particulière qu’on demande pour l’établissement de l’ordre civil. Les articles 25 et 78 répondent victorieusement à ce doute de commande ; la nation elle-même, aux termes de l’article 25, ne peut exercer les pouvoirs qui résident en elle, comme source de tous les pouvoirs, que de la manière établie par la constitution ; le pouvoir législatif ou plutôt les deux chambres qui sont ses mandataires ne peuvent donc agir, comme elle, que dans le cercle de leurs attributions constitutionnelles, car le mandataire ne peut avoir plus de droit que le mandant ; d’un autre côté l’article 78, comme nous l’avons déjà dit, ne donne au pouvoir exécutif d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue formellement la constitution, c’est-à-dire la section première du chapitre 2 de la constitution. Voilà des dispositions bien claires et bien précises.
Il est vrai que l’article 78 ajoute que les lois particulières portées en vertu de la constitution même peuvent attribuer des pouvoirs au Roi ; mais quelle conséquence peut-on tirer de cette disposition ? C’est que ce n’est pas à nous à prouver qu’une loi défend, mais au contraire que c’est à nos adversaires à citer l’article de la constitution qui autorise le pouvoir législatif à déférer au pouvoir exécutif des prérogatives laissées au libre arbitre de la législature par la constitution même. Ainsi, il ne suffit pas de dire qu’on cherche en vain dans la constitution une disposition qui défend à la législature de porter une loi particulière qui accorde au Roi des pouvoirs autres que ceux que lui attribue formellement la constitution ; il faut qu’on cite un article formel de la constitution qui autorise la législature à porter cette loi particulière.
Je pourrais suivre M. de Foere dans d’autres détails ; je pense que je puis me contenter d’avoir répondu en masse en attaquant la base de tous ses raisonnements.
Je terminerai en faisant remarquer que M. de Foere est tombé dans une singulière contradiction ; tandis que ses co-doctrinaires prétendent que c’est surtout pour récompenser les hommes de la révolution qu’il faut créer un ordre civil et qu’ils cherchent par là à captiver vos suffrages, M. de Foere trouve qu’il ne faut pas craindre les embarras résultant des prétentions nombreuses des hommes de septembre, parce que, dit-il, la loi n’aura pas d’effet rétroactif ; elle ne sera appliquée, comme les lois pénales, que pour l’avenir. Ainsi tandis que les uns, s’apitoyant hypocritement sur les justes prétentions des volontaires, donnent leur suffrage à la loi pour y satisfaire, M. de Foere vous adjure d’adopter la même loi par la raison que les volontaires n’auront aucun droit à ses faveurs. Ce n’est pas le seul point sur lequel nos adversaires sont en contradiction ; ils ne peuvent s’entendre sur la base même de leurs théories, tant elles sont constitutionnelles et positives. En résumé, le texte et l’esprit de la constitution repoussent l’ordre civil ; je ne puis donc l’admettre.
M. de Foere. - L’honorable préopinant me reproche d’avoir gardé le silence pendant la discussion de la loi et d’avoir parlé d’une autre tribune. J’ai pour règle de dire ici comme ailleurs ce que je pense et ce que je crois utile au pays ; mais il m’est arrivé presque toujours que, lorsque j’ai voulu prendre la parole devant cette assemblée, par lassitude on a demandé la clôture. Je n’ai pas voulu fatiguer la chambre en lui redisant pour la vingtième fois la même chose que ce qu’elle avait entendu.
Il me reproche aussi les termes dans lesquels j’ai écrit mon opinion : j’ai dit ma pensée dans l’Emancipation avec fermeté ; ma manière de m’exprimer est loyale et franche ; mais je regretterais de m’être écarté des convenances parlementaires. Les termes dont je me suis servi sont ceux qu’on emploie au barreau et dans les assemblées délibérantes ; on peut dire que des principes sont fallacieux, sans accuser les intentions de ceux qui les soutiennent ; mes termes n’attaquent que les doctrines, mais ils n’attaquent l’honneur de personne ni n’injurient personne.
On a prétendu que j’avais adressé des menaces à l’armée : j’ai dit que l’armée comprendra pourquoi, dans mon opinion, le Roi ne sanctionnera pas la loi telle qu’elle a été adoptée par un premier vote.
On a dit aussi que c’était ailleurs que dans le missel qu’on devait trouver des règles de raisonnement ; je n’ai suivi que les règles du raisonnement lui-même : au reste, chacun est libre de suivre les règles de conduite qu’il croit les meilleures.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je ne prends la parole dans ce moment que pour répondre à l’honorable orateur qui, dans le discours qu’il vient de prononcer, a rappelé que j’avais été rapporteur de la section centrale du congrès, qui a proposé l’article 6 de la constitution. Dans la précédente discussion, j’ai commencé moi-même par dire qu’en effet j’avais été rapporteur de la section centrale, et qu’elle avait été d’avis de rejeter à l’unanimité l’opinion de ne pas adopter les ordres civils, et d’adopter les ordres militaires. J’ai aussi été, lors du congrès, de l’avis de ceux qui ont rejeté les incompatibilités entre les fonctions de membres des chambres et d’autres fonctions publiques, et cependant les incompatibilités ont été prononcées depuis, parce que la constitution n’établissant pas la prohibition, c’était au pouvoir législatif à décider si les incompatibilités pouvaient ou non exister.
Soit qu’il s’agisse d’incompatibilités, soit qu’il s’agisse d’ordres civils, je ne vois rien d’inconstitutionnel dans les deux cas. L’inconstitutionnalité doit dériver de la constitution elle-même, et non de l’opinion des sections centrales.
Quant aux ordres civils dont on s’occupe en ce moment, il n’y avait rien dans le projet de la commission du congrès sur les ordres de chevalerie ; dans plusieurs sections on n’y avait pas pensé ; je faisais partie de la troisième section qui ne s’est pas occupée de cet objet. Les soirées, lors du congrès, étaient consacrées aux réunions de la section centrale, et c’est dans une soirée que la question des ordres a été décidée.
Dans une précédente séance, j’ai énoncé la réflexion qui m’avait particulièrement frappé relativement à l’ordre civil : il m’a paru étonnant et inconvenant que le Roi pût autoriser le port d’ordres étrangers, et qu’il ne pût pas conférer des ordres civils.
Je me bornerai à ces observations.
M. Dewitte. - Dans la question grave qui nous occupe, chacun a sa manière de voir ; je vais en peu de mots développer la mienne.
Quoique je n’aie pas assisté aux discussions qui ont eu lieu sur le projet de loi relatif à l’ordre national, j’ai examiné avec attention le projet, le rapport de la section centrale, la constitution, et les arguments produits pour et contre l’ordre civil dans cette enceinte.
J’y ai vu que les adversaires de l’ordre civil s’étaient sur deux motifs : d’abord sur une prétendue inconstitutionnalité ou violation de l’article 76 de la constitution, qui résulterait, d’après eux, de l’établissement de cet ordre ; ensuite sur la crainte que le Roi pourrait en abuser, crainte qu’ils tirent de l’abus qu’a fait le roi Guillaume d’un ordre de cette espèce.
Je me suis convaincu, messieurs, que l’un et l’autre de ces motifs sont chimériques : le démontrer ne sera pas difficile.
De quoi s’agit-il ?
De faire une loi qui établisse un ordre civil et autorise le Roi à le conférer.
La seule chose à examiner est donc si, d’après la constitution, nous avons le droit de faire une telle loi.
L’affirmative me paraît incontestable.
L’article 25 de la constitution porte : « Tous les pouvoirs émanent de la nation.
« Ils sont exercés de la manière établie par la constitution. »
L’article 26 : « Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi, la chambre des représentants et le sénat. »
L’article 27 : « L’initiative appartient à chacune des trois branches du pouvoir législatif. »
Il me paraît évident, d’après cela, que la nation a donné au pouvoir législatif le droit de faire des lois sur tous objets à l’égard desquels la constitution ne contient pas un veto absolu.
Y a-t-il maintenant dans la constitution un article quelconque qui défend au pouvoir législatif de faire une loi tendant à créer un ordre civil et à donner au Roi le droit de le conférer ?
Non, messieurs.
L’article 76 en contient-il la défense ?
Aucunement.
Cet article défend, et c’est la seule défense qu’il contient, de faire une loi portant création d’un ordre militaire, dont la collation ne serait pas attribuée au Roi.
Il ne défend sous aucun rapport la création, par voie de loi, d’un ordre civil ; il n’est pas limitatif.
Il laisse par conséquent ouverture à l’application de la maxime : Quod lex non vetat, licitum est.
En disant : « Le Roi conférera les ordres militaires, » il ne dit en aucune manière qu’il ne peut être créé d’ordre civil.
S’il avait dit : Il sera ou il pourra être établi des ordres militaires, sans dire mot d’ordre civil, alors il aurait été limitatif, et ce serait le cas d’appliquer la maxime Qui dicit de uno negat de altero.
La création d’un ordre civil n’offre donc rien d’inconstitutionnel ; violation aucune de la constitution.
La plupart de ceux-là même qui s’opposent doutent de son existence.
J’en trouve la preuve dans leurs discours.
S’ils étaient intimement convaincus que la mesure est inconstitutionnelle, qu’avaient-ils besoin de recourir, à l’appui de leur opposition, à un moyen subsidiaire tiré de l’abus qu’à fait le roi Guillaume d’un ordre de cette espèce ?
Mais, messieurs, peut-on sainement argumenter de ce qu’a fait le roi Guillaume à ce que fera le roi Léopold ?
Peut-on mettre en parallèle le roi qui avait été imposé à la Belgique par la force, dont presque tous les actes étaient des griefs pour les Belges, et le Roi que la nation belge s’est librement choisi, et dont les actes de bienfaisance se disputent le pas ?
Quant à moi j’ai confiance entière en la loyauté du roi Léopold, qui a uni sa destinée à celle de la Belgique. Je le crois incapable d’abuser des pouvoirs que nous lui conférons, celui sans lequel, disons-le franchement, nous serions depuis longtemps rentrés sous le joug que les Belges ont si glorieusement secoué.
Je voterai donc contre l’amendement et pour la création de l’ordre civil.
M. A. Rodenbach. - J’ai parlé au congrès des ordres ; j’en ai fait ressortir l’utilité. Je ne suis pas un menteur, les journaux sont là pour vérifier mon assertion. Si je vote en faveur de l’ordre civil c’est que je crains qu’on n’écarte les hommes qui ont fait notre révolution, qui ont chassé les Hollandais.
Par l’ordre militaire, on repousse les hommes de septembre et d’octobre ; déjà on les repousse partout : en créant un ordre civil, le ministère sera bien obligé de ne pas tant montrer de dédain envers eux.
- La chambre ferme la discussion sur l’article premier.
L’appel nominal est demandé par toutes les parties de l’assemblée.
M. le président. - Vous allez voter, par l’appel nominal, sur l’amendement de M. Leclercq exclusif de l’ordre civil.
- Le résultat de l’appel nominal donne 35 oui, ou 35 voix pour l’adoption de l’amendement de M. Leclercq, et 37 non, ou 37 voix contre cet amendement ; ainsi l’amendement est rejeté.
Voici les noms des membres qui ont pris part à la délibération :
Pour : MM. Taintenier, Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Lardinois, Leclercq, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron, Thienpont,Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Watlet, Zoude.
Contre : MM. Berger, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, de Foere, de Gerlache, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Duvivier, Goethals, Helias, Hye-Hoys, Jonet, Lebeau, Lefebvre, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vuylsteke.
M. le président. - Nous en revenons à l’article premier de la section centrale. (L’appel nominal ! l’appel nominal !) C’est la même question.
M. Helias d’Huddeghem. - Vous voterez à la fin.
- L’article premier est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier. - La section centrale a été d’avis, à la majorité de 5 voix contre 2, d’admettre un ordre civil. On a agité ensuite la question de savoir s’il fallait le donner à des étrangers et aux Belges : on a cru qu’on pouvait le donner aux agents diplomatiques étrangers, mais qu’on ne devait pas l’accorder aux Belges. Une disposition avait été rédigée dans cette intention, la voici : « L’ordre ne peut être conféré aux régnicoles que pour services militaires. » Dans la section centrale cette proposition fut approuvée par trois membres et repoussée par trois autres membres ; elle fut en conséquence écartée. Je la reprends, et la présente comme amendement à la chambre.
M. le président. - Envoyez-moi votre amendement.
M. Dumortier. - Il est imprimé dans le rapport.
M. le président. - M. Jonet demande que la décoration civile ne puisse être accordée qu’à cent personnes régnicoles.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, vous venez de décider par le rejet de l’amendement de M. Leclercq qu’il y aura un ordre civil.
Evidemment l’amendement de M. Dumortier n’est que la reproduction de l’amendement rejeté. En décidant que l’ordre ne peut être accordé aux régnicoles que pour services militaires, vous détruisez ce que vous venez de faire.
J’aurais conçu qu’en adoptant l’amendement de M. Leclercq on parvînt au résultat que propose l’honorable orateur, c’est-à-dire qu’on aurait pu donner au Roi le droit de conférer l’ordre à des étrangers pour d’autres services que les services militaires. Mais si vous adoptez la proposition, vous détruisez, je le répète, ce que vous venez de faire un instant auparavant.
M. Dumortier. - Je crois que le ministre se trompe grandement. L’amendement de M. Leclercq reposait sur la question de constitutionnalité. Cette question est écartée, reste la question de convenance. Et ici on peut avoir une opinion différente de celle du ministère. Plusieurs personnes dans les sections n’ont pas cru à l’inconstitutionnalité ; mais le plus grand nombre ont été convaincues de l’inopportunité.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ce que dit l’honorable préopinant n’est pas exact.
L’amendement de M. Leclercq reposait également sur la question de constitutionnalité et d’opportunité. C’est par ces deux motifs que l’amendement a été appuyé. Au moment du vote, M. le ministre de la justice avait proposé de mettre la question aux voix de cette manière : « L’ordre civil est-il ou n’est-il pas constitutionnel ? » La question ainsi posée a été écartée pour voter à la fois sur la question de constitutionnalité et d’opportunité.
M. Bourgeois. - Je ne pense pas qu’on puisse écarter l’amendement de M. Dumortier par une fin de non-recevoir ; mais je ne conçois pas l’amendement lui-même. Il porte : « L’ordre ne peut être conféré aux régnicoles que pour services militaires ; » je n’ai pas voulu d’ordre civil, mais le contexte de cet amendement me paraît être un non-sens. Pour les services militaires, il y a un ordre créé ; il me paraît qu’il est impossible qu’on donne aux militaires, pour services militaires, un ordre civil. Quand un individu a une décoration pour services militaires, c’est l’ordre militaire qui lui est décerné. L’amendement est composé de phrases qui se détruisent l’une l’autre.
M. Van Meenen. - Vous venez de créer un ordre national ; vous n’avez pas dit que l’ordre fût civil ou militaire, vous avez dit simplement qu’il était national. Il est vrai que le réduire à n’être que militaire, c’est contraire au vote qui vient d’avoir lieu ; quoiqu’il en soit, vous n’avez pas déterminé la nature de l’ordre, et c’est mal à propos qu’on prétend écarter l’amendement par une fin de non-recevoir.
Maintenant cet amendement, au fond, est-il justiciable ? Quant à moi, je pense qu’oui : quand vous avez déterminé la création d’un ordre national, vous avez ensuite droit de déterminer les services pour lesquels l’ordre sera conféré. Faut-il le borner aux services militaires ? Je le pense fortement.
Il y a nécessité de créer un ordre militaire ; mais dans les circonstances où nous nous trouvons, il y a convenance d’établir un ordre civil. Règle générale, les récompenses civiles doivent être écartées d’un gouvernement représentatif ; c’est aux électeurs à décerner des récompenses.
- La chambre ferme la discussion.
L’amendement de M. Dumortier, mis aux voix, est rejeté.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Jonet : « Il ne pourra être accordé que cent décorations aux Belges non militaires. »
M. Jonet. - Je crois que la constitution ne défend pas un ordre civil ; j’ai donc voté contre l’amendement de M. Leclercq ; mais en partant de cette idée, je n’adopte pas le principe dans toute son étendue.
On a souvent parlé d’abus dans la délivrance de semblables décorations. A l’égard des étrangers, je ne vois pas pourquoi on restreindrait la faculté accordée au Roi de donner des décorations ; mais pour les Belges il en est autrement. Dans certains cas, il est utile que les diplomates portent des décorations ; il peut exister d’autres personnes qui peuvent les porter ; le nombre n’en est cependant pas très étendu ; je voudrais le restreindre autant que possible. En conséquence, il me paraît que le nombre cent est suffisant. Plus on restreindra la distribution des décorations, plus elles auront de mérite.
D’un autre côté le nombre étant restreint, il faudra attendre des décès : il y aura beaucoup de prétendants, et le gouvernement choisira les plus capables.
Dans plusieurs pays il existe des ordres dont le nombre des membres est fixé. L’ordre de la Jarretière a un nombre limité de membres, et c’est par suite de cette restriction qu’il est plus recherché.
M. Ch. de Brouckere. - J’ai voté contre le principe d’un ordre civil et militaire ; je voterai pour l’amendement de M. Jonet ; cet amendement est restrictif, et autant que possible je dois être conséquent avec mon principe, et quoique je voterai contre la loi, je dois chercher à l’améliorer. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)
M. H. de Brouckere. - En restreignant les membres de l’ordre civil à cent, va-t-on déterminer en même temps le nombre des grands cordons, des commandeurs, des simples chevaliers ? Si vous ne déterminez pas tout cela, l’amendement est une inconséquence.
- On procède aussi à l’appel nominal pour voter sur cet amendement ; mais il n’obtient que 19 voix en sa faveur, et il est rejeté.
L’article 5 du projet de la section centrale avait été supprimé, il est ainsi conçu : « Sera soumis à une réélection tout membre des chambres qui accepte l’ordre à un autre titre que pour motifs militaires. »
M. le président. - Un amendement a été présenté sur l’article 5. M. Dubus propose cette disposition : « La décoration civile ne peut être accordée aux membres des chambres, des conseils provinciaux, de l’ordre judiciaire, aussi longtemps qu’ils seront en fonctions. »
M. Dubus. - Cet amendement avait été proposé par la section dont je faisais partie. Il est dans l’esprit de notre constitution qui veut que le pouvoir n’ait pas d’influence sur les membres des chambres, des conseils provinciaux et de l’ordre judiciaire.
On a fait remarquer qu’accorder au Roi la nomination d’un président de première instance, c’était laisser au Roi trop d’influence ; vous voyez que l’on a voulu enlever absolument toute influence au pouvoir sur l’ordre judiciaire. Le Roi a les premières nominations ; mais passé cela, l’avancement des magistrats n’a lieu que par les suffrages de leurs concitoyens et de leurs collègues. En donnant au chef de l’Etat le droit d’accorder des décorations aux membres de l’ordre judiciaire, on lui donne beaucoup d’influence.
On dira que des rubans sont peu importants, que ce sont des hochets, des futilités ; s’il en est ainsi, à quoi bon l’ordre lui-même ? La majorité bien faible qui a adopté l’ordre civil en juge autrement ; elle croit que c’est un moyen puissant de gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je pense que l’honorable préopinant accorde aussi trop de puissance aux décorations ; elles ne peuvent être que la récompense de grands services, et point un moyen de gouvernement.
M. Van Meenen. - J’appuie l’amendement de M. Dubus ; mais il faudrait supprimer le mot « civile. » Vous n’avez créé qu’un ordre national sous le titre d’ordre de Léopold, et destiné à récompenser également les services militaires et les services civils.
M. Zoude. - Je demanderai la division de l’amendement.
M. le président. - Je mets aux voix la première partie de l’amendement.
« La décoration ne peut être accordée aux membres des chambres aussi longtemps qu’ils sont en fonctions. »
- Presque tous les députés se lèvent pour l’adoption ; un très petit nombre se lèvent contre.
M. Brabant., en riant. - Il y a majorité cette fois.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - On s’est trompé ; il faut renouveler l’épreuve.
M. d’Elhoungne. - La chambre a décidé ; on ne peut faire l’injure aux membres de la chambre qui se sont levés pour l’adoption de croire qu’ils se sont trompés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ce n’est pas une injustice, ce n’est pas la première fois qu’on se trompe et que l’on recommence l’épreuve.
M. Gendebien. - Si des personnes n’ont pas bien compris la question, qu’elles se lèvent.
M. Poschet. - Je n’ai pas bien compris.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Moi-même je n’ai pas bien compris.
M. le président. - Si plusieurs personnes réclament, on va recommencer l’épreuve.
- Plusieurs membres. - Il y a décision ! il y a décision !
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faut faire au moins la contre-épreuve.
M. F. de Mérode. - Il faut faire la contre-épreuve.
M. Brabant. - La contre-épreuve a été faite ; MM. Verdussen et F. de Mérode se sont levés contre.
M. Verdussen. - Je me suis levé contre et j’ai très bien compris. (L’appel nominal ! l’appel nominal ! Non ! non !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faudrait, je crois, voter par appel nominal.
M. le président. - Si on veut recommencer l’épreuve, nous sommes dans les termes du règlement. (Il y a décision ! il y a décision ! il y a décision !)
M. Lebeau. - S’il y a majorité, le renouvellement de l’épreuve ne fera que la confirmer.
M. le président. - Je vais mettre aux voix les trois parties de l’amendement :
« 1° La décoration ne peut être accordée aux membres des chambres aussi longtemps qu’ils seront en fonctions. »
- Adopté.
« 2° La décoration ne peut être accordée aux membres des conseils provinciaux aussi longtemps qu’ils seront en fonctions. »
- Adopté. (On rit.)
« 3° La décoration ne peut être accordée aux membres de l’ordre judiciaire aussi longtemps qu’ils seront en fonctions. »
- Adopté. (Hilarité générale.)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faut mettre aux voix l’article dans son entier, après en avoir voté les parties.
M. Leclercq. - Vous ne pouvez pas mettre d’article aux voix. On proposé un amendement à la chambre. On en a demandé la division ; d’un article on en a fait trois.
Pourquoi en a-t-on demandé la division ? Parce que l’article comprenait trois choses. Si maintenant vous votez sur leur ensemble, vous détruisez la division. La constitution dit positivement que les chambres ont le droit de diviser les articles.
M. Devaux. - L’opinion de M. Leclercq est contraire à tous les usages, à tous les antécédents ; vous pouvez avoir adopté chaque partie de l’article et ne pas vouloir de l’article dans son ensemble, et tel qu’il se trouve composé. De même qu’il faut voter sur l’ensemble d’une loi après avoir voté sur les articles, de même il faut voter sur la réunion des parties de l’article. Il y a manifestation de l’opinion de la majorité de la chambre sur chaque partie et non sur leur réunion.
M. Leclercq. - Il ne s’agit pas de savoir ce qui est conforme aux antécédents : il s’agit de savoir ce qui est raisonnable. Quand la division est demandée, elle est de droit. L’on fait d’un article plusieurs articles. Demander la division pour voter ensuite sur l’ensemble serait une absurdité.
M. Nothomb. - Quand un article comprend plusieurs amendements, nous votons sur l’ensemble de l’article après que les amendements ont été successivement adoptés. Il faut procéder de la même manière sur l’amendement divisée en trois : l’article proposé a été fractionné en trois paragraphes ; il faut voter sur l’ensemble des paragraphes.
M. Verdussen. - Il est impossible qu’un article soit adopté paragraphe par paragraphe et que l’ensemble soit rejeté. Dans une assemblée de 90 membres, par exemple, il peut s’en trouver 60 pour le premier paragraphe, autant pour le second, autant pour le troisième ; mais comme dans ceux qui ont voté pour chaque paragraphe il s’en trouve qui n’admettent pas les deux autres ils se réunissent pour faire échouer l’article.
M. le président. - On vote toujours sur l’article après avoir voté sur les parties.
M. Ch. de Brouckere. - Je ne sais plus à quoi sert la division, si après avoir divisé l’article on vote sur l’ensemble. Si on divise un article, c’est parce que la question est complexe. Je dis que l’on a adopté trois articles qui seront les articles 5, 6, 7 de la loi.
M. Gendebien. - On vient de nous présenter de faux calculs sur une assemblée composée par hypothèse de 90 membres ; la majorité de cette assemblée étant de 46 ne rend pas le rejet possible quand 60 membres ont voté l’adoption des paragraphes. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)
M. le président. - Voici l’article 5 d’après l’amendement : « La décoration ne peut être accordée aux membres des chambres, de conseils provinciaux, de l’ordre judiciaire, aussi longtemps qu’il seront en fonctions. »
- On procède à l’appel nominal sur cet article.
Cet appel nominal donne pour résultat 34 oui, 38 non ; cet amendement est rejeté.
Voici les noms des membres qui ont voté pour et contre l’amendement.
Pour l’amendement : MM. Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Desmet, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Goethals, Jonet, Lardinois, Leclercq, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron, Thienpont, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Watlet.
Contre : MM. Berger, Taintenier, Boucqueau, Coghen, Cols, H. de Brouckere, de Gerlache, F. de Mérode. de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Duvivier, Helias, Hye-Hoys, Lebeau, Lefebvre, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vuylsteke, Zoude.
M. le président. - Voici l’article 5 ancien :
« Sera soumis à une réélection tout membre des chambres qui accepte l’ordre à un autre titre que pour motifs militaires. »
- Cet article est mis aux voix.
Une première épreuve est douteuse. Une seconde paraît également douteuse.
On procède à l’appel nominal.
41 membres présents répondent oui, 30 répondent non.
L’article est adopté.
Voici les noms des membres qui ont voté pour et contre l’article 5.
Pour : MM. Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch. de Brouckere, de Foere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmet, Destouvelles, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Goethals, Jonet, Lardinois, Leclercq,, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron, Thienpont, Vanderbelen, Van Innis,Van Meenen, Vergauwen, Verhagen et Watlet.
Contre : MM. Berger, Taintenier, Boucqueau, Coghen, Cols, H. de Brouckere, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Duvivier, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Lebeau, Lefebvre, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vuylsteke, Zoude et de Gerlache.
M. le président. - On a effacé un mot dans l’article 6.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’amendement a été consenti.
M. le président. - On va procéder à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
37 membres présents répondent oui.
35 membres répondent non.
La loi est adoptée et sera renvoyée au sénat.
Voici les noms des orateurs qui ont voté pour et contre la loi :
Pour : MM. Berger, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, de Foere, de Gerlache, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Duvivier, Goethals, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jonet, Lebeau, Lefebvre, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vuylsteke.
Contre : MM. Taintenier, Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Lardinois, Leclercq, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron, Thienpont, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Watlet, Zoude.
La suite de l’ordre du jour est la discussion du projet de loi portant règlement du traitement des membres de l’ordre judiciaire.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je ne puis pas me rallier à tous les amendements proposés par la section centrale sur le projet de loi destiné à fixer les traitements des membres de l’ordre judiciaire.
Ce n’est pas messieurs, que je ne désire voir améliorer le sort des membres de cet ordre respectable. Mais, comme j’ai déjà eu l’honneur de l’annoncer dans l’exposé des motifs du projet, nous devons aussi porter notre attention sur nos ressources financières.
Le projet, tant pour la formation de la cour de cassation, que pour l’augmentation de traitement des juges de première instance et des juges de paix, donnera lieu à une augmentation de dépense de près de 400,000 francs.
J’en ai remis le calcul à l’honorable rapporteur de la section centrale. Nous avions cru ne pas devoir aller au-delà.
Je ne ferai maintenant que quelques courtes observations sur les articles amendés par la section centrale.
Le taux des traitements dépend d’une certaine gradation qui doit être observée. Et, puisque la section centrale a élevé le taux du traitement des membres des cours d’appel, je conçois qu’elle ait élevé celui des membres de la cour de cassation. En effet, il est à désirer que l’on appelle à cette cour les jurisconsultes les plus instruits de toutes les parties du royaume. Il faut donc qu’ils trouvent plus d’avantage à la cour de cassation, que dans les cours d’appel. Il faut au moins qu’ils y trouvent un avantage qui compense le déplacement auquel ils peuvent être obligés.
C’est le but qu’on avait tâché d’atteindre par le projet.
Si le traitement des membres de la cour de cassation reste tel qu’il y est fixé, il y aura également lieu de maintenir celui fixé dans le projet pour les cours d’appel. Toutefois, je ne m’opposerai pas à la proposition de la section centrale de fixer le traitement des avocats-généraux comme celui des présidents de chambre.
Des sections avaient proposé d’admettre une augmentation pour les membres de la cour d’appel de Bruxelles par le motif que le séjour de la capitale occasionnerait un surcroît de dépense. L’assemblée appréciera cette proposition. J’observerai que la remarque que je viens de faire ne leur est pas applicable. Ils ne seraient sujets à aucun déplacement, s’ils venaient ensuite à être appelés à la cour de cassation. .
Quant aux tribunaux de première instance, la section centrale propose de réunir les deux premières classes, en portant le traitement de la seconde à celui de la première. Le projet contient déjà une augmentation à l’égard de la deuxième classe. Et, dans les circonstances actuelles, je ne vois pas de motif d’augmenter davantage.
Je ne vois pas non plus de motif d’augmenter le traitement des présidents de la troisième classe du projet, qui forme la deuxième de la section centrale.
Elle propose, en outre, de porter la ville de Tournay dans cette classe. Les motifs qui ont été énonces à la section centrale seront appréciés par l’assemblée.
Quant aux juges de paix, la section centrale porte tous les chefs-lieux d’arrondissement judiciaire dans la seconde classe ; et elle augmente le traitement des greffiers.
Le juge de paix doit sans doute réunir des connaissances qu’on n’exige pas dans un greffier. C’est le motif de l’augmentation des premiers.
La section centrale encore fait quelques changements au projet. Il y en a auxquels je ne m’opposerai pas. Mais, comme nous ne sommes pas d’accord avec la section centrale sur les bases principales du projet, je demanderai que le projet du gouvernement soit soumis à la discussion, et que les dispositions proposées par la section centrale soient discutées comme amendements.
Personne ne demandant la parole sur l’ensemble de la loi, la discussion générale est close, et l’on passe à la discussion des articles.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - M. le ministre de la justice demande que l’on suive l’ordre du gouvernement et non celui de la section centrale. Le gouvernement procède par les sommités pour arriver au dernier degré de l’échelle judiciaire.
M. Lebeau. - Ce que la section centrale propose est l’ordre que vous avez suivi lors de la discussion de la loi sur l’organisation judiciaire : vous avez pensé que, pour déterminer le personnel des cours et tribunaux, il fallait suivre une progression croissante ; par analogie, dans la dénomination des traitements, il faut suivre la même marche et commencer par fixer le traitement des juges de paix. C’est le moyen qui nous a paru le plus facile pour maintenir la hiérarchie judiciaire.
- La chambre consultée décide qu’elle suivra la progression croissante, et qu’elle commencera par la cour de cassation.
« Art. 1er. (présente par la section centrale) :
« Le traitement des membres de la cour de cassation est fixé comme il suit :
« Premier président : fr. 15,000.
« Président de chambre : fr. 12,000.
« Conseiller : fr. 10,000.
« Procureur-général : fr. 15,000.
« Avocat-général : fr. 10,000.
« Greffier : fr. 6,000.
« Commis-greffier : fr. 3,500. »
M. Verdussen. - Je demande la division.
M. Gendebien. - Je voudrais qu’on me dît pourquoi le greffier aura 6,000 francs ?
M. Dumortier. - Il y a quelque chose de bien notoire, c’est que dans plusieurs sections on a demandé des réductions, et voilà que la commission nous propose des augmentations. Je demande que le premier président de la cour de cassation ait 12,000 fr., les présidents de chambre 10,000 fr., et les conseillers, 8,000 fr.
M. Lebeau. - Si la section centrale n’est que l’archiviste des autres sections, elle doit faire purement l’office d’un secrétaire ; eh bien, tel n’a pas été le rôle de la section centrale.
Il se peut que numériquement les sections aient demandé des réductions ; mais la section centrale peut avoir recours à ses lumières. On a considéré que le premier président de la cour de cassation était le chef d’un des trois pouvoirs de l’Etat ; qu’il doit rester dans la capitale ; que si son traitement ne le met pas en état de tenir une position convenable, il sera effacé par tous les pouvoirs parallèles.
Vous donnez ici 15,000 fr. au premier président de la cour de cassation, tandis qu’en France il en a 60,000 ; 15,000 fr. est le traitement des conseillers.
M. Dumortier. - La section centrale doit avoir égard à l’opinion de la majorité des sections. La section centrale devait augmenter les traitements des juges de paix, des juges de première instance, et non les traitements des sommités.
Le premier président de la cour des comptes n’a que 6,000 fr. ; les ministres n’ont que 20,000 fr., et ils ne sont pas inamovibles comme le premier président.
M. Gendebien. - Je crois que le moment est venu de réparer une grande injustice envers le pouvoir judiciaire. Pour avoir des hommes indépendants, il faut avoir des hommes capables et des hommes qui ne soient pas dans une position fâcheuse.
Je ne trouve pas trop élevé le traitement de 15,000 francs pour le premier président. Vous donnez à un général de division 8,860 florins, non compris les vivres de campagne ; à un général de brigade vous donnez 6,150 florins ; vous donnez 10,000 florins à un archevêque ; il ne peut pas être plus qu’un premier président, qui est le chef d’un pouvoir, il a plus de besogne qu’un archevêque, et sa position suppose bien d’autres connaissances.
Vous avez doté richement la liste civile. Vous lui avez donné 1,300,000 florins, et vous voulez mettre l’ordre judiciaire dans une situation inférieure aux généraux et aux évêques. Malheureusement pour le commerce des hommes on ne juge que sur l’apparence, que sur l’éclat extérieur.
M. Lebeau. - Il faut s’entendre accuser tour à tour de parcimonie et de prodigalité avec la même injustice : lorsque naguère je soutenais qu’il fallait dans les personnes des juges la qualité plutôt que la quantité, on m’accusait de lésiner ; mais nous avons dit qu’en diminuant le nombre des juges, on pouvait améliorer le sort des magistrats.
Quant à l’opinion de M. Dumortier que la section centrale est inviolablement liée à l’avis des sections…
M. Dumortier. - Je n’ai pas dit cela !
M. Lebeau. - C’est le sens de vos paroles ; nous ne faisons pas constater devant notaire les mots employés… La section centrale n’est pas liée par l’opinion des sections.
M. Dubus. - Il faut assurer l’indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire ; mais cette indépendance ne tient pas aux traitements des hauts fonctionnaires, elle tient à un traitement suffisant pour ceux qui sont dans les degrés inferieurs. Je crois que le projet du gouvernement établit une juste proportion.
M. A. Rodenbach. - Il faut rétribuer convenablement les juges de paix ; ce sont eux qu’il faut rendre indépendants. En France où il y a 32 millions d’habitants, on peut rétribuer chèrement les magistrats ; songez qu’ici il n’y a que 3 millions 700 mille habitants. J’appuierai le chiffre ministériel qui est déjà trop élevé.
M. le président. - M. Zoude a proposé 12,000 fr. pour le premier président de la cour de cassation.
- L’amendement de M. Zoude est rejeté.
M. Dubus. - Il faut mettre aux voix 14,000 fr., chiffre du ministère.
M. le président. - Il faut mettre aux voix 15,000 fr., amendement de la section centrale.
Le chiffre de 15,000 fr. est rejeté.
Le chiffre de 14,000 fr. mis aux voix est adopté.
Le chiffre de 11,000 fr. pour les présidents de chambre est adopté.
Le chiffre de 9,000 fr. pour les conseillers est mis en délibération.
M. Dumortier. - J’ai proposé huit mille francs.
M. le président. - Vous n’avez rien déposé.
L’amendement de M. Dumortier mis aux voix est rejeté.
Le chiffre de 9,000 fr. est adopté.
Le chiffre de 14,000 fr. pour le procureur-général est adopté.
M. Gendebien. - Je ne puis admettre le chiffre de 8,000 fr. et de 6,000 fr. pour le greffier, qui est un simple particulier qui n’a rien à faire et qui n’a pas même besoin de savoir grand-chose. Il signe, voilà tout.
M. Lebeau. - Il a une responsabilité.
M. Gendebien. - Quelle responsabilité dans une cour qui rendra 60 ou 80 arrêts par an ! Je demande qu’on donne 4,000 fr., par an au greffier. Il a un casuel.
M. Bourgeois. - Je crois qu’il y aurait inconvénient et injustice dans l’amendement de la section centrale et dans les autres amendements.
Ce greffier ne jouit en aucune matière des droits de greffe.
Ni la loi du 21 ventôse an VII, ni les lois subséquentes ne lui allouent des indemnités pour les expéditions qu’on délivre au greffe de la cour de cassation.
On a suivi à Bruxelles l’usage existant à Paris, c’est de percevoir pour chaque rôle d’expédition d’arrêt en matière civile seulement 50 centimes, desquels le greffier paie à l’expéditionnaire 12 centimes.
Dans la supposition que l’on expédierait pendant une année 70 arrêts, chacun évalué a 20 rôles, ce qui ferait 1,400 rôles à 50 centimes, déduction faite de ce qui se paie à l’expéditionnaire, le greffier aurait de ce chef un bénéfice net de 532 fr.
En matière criminelle et correctionnelle, toutes les expéditions se délivrent sans émoluments pour le greffier, tandis que celui-ci est tenu de payer de sa bourse les expéditionnaires et sans doute un employé supérieur chargé de recevoir les pourvois.
Une observation qui milite encore en faveur du greffier pour que son traitement soit égal à celui des conseillers est qu’il lui faudra deux expéditionnaires, lesquels ne se contenteront point d’une somme de 8,168 fr., valeur de 1,400 rôles d’écritures en matière civile, et encore être astreint.
Je voterai le maintien du chiffre de l’article.
M. Barthélemy. - Je ne comprends pas cette tendresse pour les greffiers. Il y a quatre ans on voulait les réduire à leur juste valeur.
Le greffier de la cour de cassation va avoir deux commis-greffiers ; je demande ce que ces personnages vont faire ? Il y aura cent pourvois par an en matière criminelle, autant en matière civile ; le greffier mettra à l’encre rouge pour dater le jour de la présentation du pourvoi, il enregistrera ce pourvoi, et le fera remettre au conseiller-rapporteur. Il n’ira pas à l’audience. Les deux commis sont de trop, car il y aura à peine deux ou trois audiences par semaine ; quant aux arrêts, ce sont les rapporteurs qui donnent les motifs. Remarquez que les commis-greffiers sont payés par le trésor public. D’après ces considérations je pense qu’on peut réduire considérablement le traitement du greffier.
M. d’Elhoungne. - Je me rangerai à la proposition ministérielle, mais je rétracterai le traitement des commis-greffiers qui, étant des employés, doivent être salariés par lui. C’est ce qui a lieu en France.
Je demande qu’on accorde 8,000 fr. et qu’on retranche ces traitements des commis-greffiers.
M. Bourgeois. - Je suis étonné que M. Barthélemy nous objecte une grande tendresse pour les greffiers ; M. Barthélemy, ministre de la justice, avait une autre tendresse pour eux, et à la tendresse qu’il leur montre actuellement, j’opposerai la tendresse qu’il leur a portée dans un autre temps.
M. Barthélemy. - Le projet que j’avais présenté comme ministre de la justice, et où naturellement il était question de greffier, ce projet n’était pas de moi seul, il était du gouvernement.
M. Destouvelles. - Je voterai pour le maintien du chiffre ministériel. Il faut des conditions pour être greffier et commis-greffier ; il faut être licencié en droit, avoir suivi le barreau pendant quelques années ; de tels hommes ne peuvent être considérés comme de simples expéditionnaires. Si le greffier était obligé de payer les commis-greffiers, il ne lui resterait rien.
M. d’Elhoungne. - Le greffier peut n’avoir à salarier qu’un commis-greffier. Je demande le retour à l’ancien régime.
Les commis-greffiers sont salariées en France par le greffier. Le greffier mettra les traitements à leur taux exact, tandis que le gouvernement ne peut atteindre à l’économie des particuliers.
M. Dubus. - L’honorable préopinant a perdu de vue la loi sur l’organisation judiciaire ; selon l’article 4, il y a un greffier et deux commis-greffiers. Le greffier n’aurait pas la faculté de se restreindre à un seul commis-greffier. Il n’est pas moins libre dans ses choix puisque, pour être commis-greffier, des conditions sont nécessaires. Cinq sections ont proposé de réduire le traitement du greffier à 6,000 fr., traitement égal à celui d’un conseiller de cour d’appel.
M. Leclercq. - Si on donne 8,000 fr. au greffier, il faudra un faible conseil pour qu’il ait autant qu’un conseiller à la cour de cassation. Sa responsabilité est cependant moins grande que celle du conseiller ; il n’a pas besoin d’une aussi grande instruction. Il me semble que le traitement des conseillers à la cour d’appel suffit au greffier, c’est-à-dire, 6,000 fr.
M. Destouvelles. - Un conseiller à la cour d’appel n’a pas besoin de toucher à son traitement ; le greffier doit avoir des expéditionnaires, il faut qu’il fournisse les choses nécessaires à son bureau. En recevant 8,000 fr., il faudra qu’il en défalque 2 ou 3 mille pour chauffage et traitement des expéditionnaires.
M. Jonet. - Le greffier ne paie pas les expéditionnaires ; les expéditionnaires sont payés par les rôles qu’ils font ; le greffier a même un bénéfice sur les expéditionnaires.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Il me semble que l’on ne peut pas réduire le traitement du greffier à 6,000 fr. Il y aurait disproportion trop grande entre le traitement des membres de la cour de cassation et celui du greffier. Il faut avoir de bons greffiers aussi bien que de bons conseillers : et si vous voulez avoir de bons greffiers, ii faut les rétribuer.
M. Devaux. - Je crois que si vous allouez 6,000 fr., c’est tout ce qu’il faut au greffier. Des conseillers de cour d’appel n’ont actuellement que 5,000 fr.
Quand un greffier de la cour de cassation n’aurait que 5,000 fr., déduction faite des faux frais, ce serait assez. C’est peut-être près de la cour de cassation que les fonctions de greffier exigent le moins de haute capacité. Le greffier est un secrétaire. Il n’a pas de décisions à prendre.
M. Gendebien. - Le greffier mettra en poche la totalité du traitement qu’il aura. Il expédiera un grand nombre de rôles par cause, et avec 50 causes, il pourra avoir 5,000 fr. de bénéfice. Il prendra deux expéditionnaires sur lesquels il fera encore 3,000 fr. de bénéfice.
L’expérience prouve que les greffiers ne savent rien et n’ont besoin de rien savoir. Je connais tel greffier qui ne savait écrire ni le flamand ni le français, et qui gagnait, disait-on, 18,000 fr. par an : je veux bien mettre qu’il ne gagnait que 15,000 fr. Je refuserai tout, excepté 5,000 fr. ou 6,000 fr. au greffier.
Je suis prêt à donner 10,000 fr. au greffier, à condition qu’il paiera les commis-greffiers.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne crois pas que nous ayons l’intention d’avoir des incapacités pour greffiers ; ils sauront écrire le français ou le flamand. En fixant légalement le traitement des greffiers et commis-greffiers, c’est le moyen d’en avoir de bons. Je crois qu’on a beaucoup exagéré les bénéfices des greffiers. M. Bourgeois a présenté des calculs auxquels on n’a pas répondu.
M. Gendebien. - Ce que j’ai dit était pour prouver que, pour être greffier, il ne fallait pas une grande capacité. A quoi bon de la capacité dans les greffiers ? Voulez-vous faire une académie de greffiers ? (On rit.) Avec un homme médiocre le greffe marche très bien. Ici je demande des diminutions. Quand il s’agira des tribunaux de première instance, je demanderai des augmentations ; j’en demanderai à chaque pas.
M. Bourgeois. - Je voudrais répondre. (La clôture ! la clôture ! la clôture !)
- La chambre consultée ferme la discussion.
M. le président. - Il y a trois amendements : 1° M. Gendebien propose 5,000 fr. ; 2° M. Jonet propose 8,000 fr. à condition que le greffier paiera les commis-greffiers ; 3° la section centrale propose 6,000 fr.
- L’amendement de M. Jonet est d’abord mis aux voix et rejeté.
L’amendement de M. Gendebien est ensuite mis aux voix.
Deux épreuves successives par assis et levé sont douteuses ; on procède à l’appel nominal.
30 membres répondent oui ;
30 répondent non.
L’amendement est rejeté.
L’amendement de la section centrale est adopté.
On met en délibération le traitement des commis-greffiers porté à 3,500 fr.
M. Gendebien. - Les commis-greffiers sont deux sinécures, ce sont des faveurs qu’on crée. Quand le budget viendra, vous aurez à payer.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ce ne sont pas des sinécures. Le projet du gouvernement porte, comme celui de la section centrale, 3,500 fr.
M. Gendebien. - Mettez 3,000 fr.
- Le chiffre de 3,000 fr. est adopté.
« Art. 2. Le traitement des membres des cours d’appel est fixé comme il suit, pour les trois cours :
« Premier président : fr. 9,000 ;
« Président de chambre : fr. 7,000 ;
« Conseiller : fr. 6,000 ;
« Procureur-général : fr. 9,000 ;
« Avocat-général : fr. 7,000 ;
« Substitut : fr. 5,000 ;
« Greffier : fr. 4,000 ;
« Commis-greffier : fr. 2,500.
« Indemnités aux conseillers délégués pour présider les assises ailleurs que dans le siège de la cour d’appel : fl. 90. »
M. Van Meenen. - La règle générale qu’on a adoptée n’est pas équitable. Les résidences de Liége, de Gand, de Bruxelles sont différentes quand je considère les populations et la nature des affaires que ces cours d’appel sont appelées à juger. Je crois qu’il ne faut pas d’une base fixe et invariable,
A la cour de Bruxelles, on devra traiter à la fois les affaires en français et en flamand. Il y a une grande différence entre la cour de Bruxelles et celle de Liége. Cette différence qu’il faut établir ne tend pas à mettre les conseillers de la cour de Liége dans un état d’infériorité vis-à-vis des autres. A Gand il y a les mêmes observations à faire. Je soumets ces considérations à la chambre.
M. Helias d’Huddeghem. - Vous avez restreint le nombre des conseillers à Gand ; il n’y en a que 15, tandis qu’il y en a 18 à Bruxelles. La population du ressort est plus considérable que celle du ressort de Bruxelles.
Bruxelles et Liége ont toujours été mis sur le même rang pour les tribunaux de première instance.
M. Gendebien. - J’appuie les considérations exposées par M. Van Meenen ; les loyers, les contributions, la vie sont plus chers à Bruxelles qu’à Gand et à Liége. Bruxelles est capitale, et cette circonstance exigera des dépenses de la part des conseillers.
M. Bourgeois. - La différence existe entre les deux ressorts. A Bruxelles, le premier président à 14,000 fr. ; à Liège, il a 12,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - A différentes époques il y a eu de la différence entre les ressorts. Les premiers présidents ont d’abord eu 10,000 fr. à Liége et 15,000 fr. à Bruxelles ; maintenant ils ont 12,000 fr. à Liége et 14,000 fr. à Bruxelles.
M. Gendebien. - Il existe des différences, il faut les conserver. Il faudrait une différence de 1,500 fr. au moins pour les premiers présidents et une différence de 500 fr. pour les conseillers.
Il y a anomalie à donner au premier président d’une cour d’appel et au conseiller à la cour de cassation le même traitement ; si vous laissez le traitement le même, le premier président voudra être membre de la cour de cassation ; là il aura moins de besogne à faire et plus d’honneur. Je crois qu’il faut augmenter les premiers présidents et les procureurs-généraux de manière qu’ils n’aient rien à désirer.
M. Nothomb. - Nous ne savons pas au juste sur quoi nous discutons maintenant ; il n’y a pas d’amendement déposé. Sur le principe qui découle des observations présentées, on ne peut pas improviser un chiffre pour chaque ressort.
Il faut d’abord savoir si le principe sera adopté, puis on renverra à la section centrale la graduation des traitements.
M. Dumortier. - A traitement égal il est plus avantageux de le recevoir à Liége qu’à Bruxelles où toutes les dépenses sont plus fortes. Ensuite un premier président d’une cour d’appel est dans une position plus favorable que celle d’un conseiller à la cour de cassation qui n’est que de second ordre. Aussi un premier président ne désirera pas venir à Bruxelles.
J’aurais désiré que le traitement des conseillers pût être fixé comme le proposait le ministre de la justice. Il aurait fallu mettre 500 fr. de plus pour les conseillers qui sont à Bruxelles, à cause des loyers. Je voudrais qu’on donnât 5,000 fr. aux conseillers de Liége et de Gand et 5,500 fr. à ceux de Bruxelles.
M. Gendebien. - Je proposerai un amendement dans le même but.
Quand un premier président de cour deviendra âge et n’aura plus toute l’activité désirable, cependant cet homme versé dans la science du droit pourra être un excellent conseiller ; dans ce cas ce serait pour lui une retraite bien honorable que celle de conseiller à la cour de cassation. Je ne vois pas de motif pour ne pas placer un premier président d’appel sur la même ligne qu’un conseiller de la cour de cassation.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Vous avez vu quel était le système du projet du gouvernement, c’était de placer sur la même ligne les premiers présidents de cour d’appel et un conseiller à la cour de cassation. On conviendra que la cour de cassation est supérieure dans la hiérarchie judiciaire, c’est ce qui est établi par nos lois. Je pense que le traitement d’un premier président doit être le même que celui de conseiller à la cour de cassation ; il faut qu’un premier président d’appel ait l’espoir de devenir président de chambre à la cour de cassation ; un premier président de cour ne peut parvenir ainsi sans le suffrage de ses collègues.
M. Gendebien. - Il ne faut pas une grande activité pour être président ; un premier président n’est pas obligé à rédiger les arrêts. Il faut que tous les conseillers de la cour de cassation aient cette capacité, sans quoi la besogne tombe sur quelques-uns qui sont bientôt fatigués, et les affaires sont retardées ou la besogne est mal faite.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Un conseiller peut toujours faire un rapport ; l’âge n’empêche pas de remplir ce devoir ; on le voit à la cour de cassation de France.
M. Helias d’Huddeghem. - La cour de Bruxelles est séparée en deux ; le motif disparaît de faire une différence entre Liége et Bruxelles.
Gand, Bruxelles et Liége, ont toujours été dans la même classe. C’est une erreur de prétendre que la vie animale soit moins chère à Bruxelles qu’à Gand.
La population de la cour de Gand est le tiers du royaume ; Gand n’a que 15 conseillers, tandis que Bruxelles a 28 conseillers. Donc surcroît de besogne pour Gand, et les conseillers seraient moins rétribués ! Il y a de l’injustice.
- La chambre ferme la discussion.
M. le président. - M. Gendebien demande que les premiers présidents des cours d’appel aient 1000 fr. de plus à Bruxelles qu’à Liége et à Gand ; de même pour les procureurs-généraux.
M. Gendebien. - Je demande en outre une augmentation de 500 fr. pour les conseillers d’appel qui sont à Bruxelles.
M. Dumortier. - Je demande que les premiers présidents de toutes les cours aient une augmentation de 1,000 fr. sur les conseillers de la cour de cassation.
- Les amendements de M. Gendebien sont successivement mis aux voix et rejetés.
Le traitement de 9,000 fr. pour les premiers présidents est mis aux voix et adopté.
Il est quatre heures. La suite de la discussion est renvoyée à demain.
Avant de se séparer, MM. les députés entendent un rapport de la section centrale sur un projet de loi concernant les concessions de péages. Voici comment s’exprime l’honorable rapporteur :
M. Dellafaille. - Messieurs, les avantages résultant de la confection des travaux publics au moyen de péages accordés aux entrepreneurs ont engagé tous les gouvernements à employer ce mode d’exécution qui multiplie les débouchés du commerce et de l’industrie sans grever le trésor de l’Etat.
Jusqu’à ce jour le pouvoir exécutif s’est attribué le droit d’accorder les concessions de ce genre ; et, dans un temps où ses limites étaient ou mal définies ou sans cesse étendues par de nouvelles usurpations, il a pu aisément exercer cette prérogative sans qu’il s’élevât aucune réclamation. Mais aujourd’hui que la constitution a tracé ces limites d’une manière nette et précise, des doutes se sont élevés sur la légalité de cette prétention, et l’on a contesté au gouvernement un droit dont il semblait se croire l’héritier. C’est, comme il vous l’a dit, dans la vue de faire cesser toute incertitude à cet égard, que M. le ministre de l’intérieur vous a présenté le projet de loi sur lequel votre section centrale m’a chargé de vous faire le présent rapport.
Quatre sections ont admis purement et simplement l’ensemble du projet ; la troisième a agité la question de savoir si, pour accorder un péage même temporaire, il ne fallait pas un acte du pouvoir législatif ; cependant elle s’est déterminée pour la négative, à la majorité de trois voix contre deux.
La cinquième s’est demandée si la concession des péages ne constituait pas un impôt qui, aux termes de l’article 113 de la constitution, ne saurait être imposé au profit d’un particulier. Après quelque discussion, ajoute le procès-verbal, cette discussion est décidée négativement.
Votre section centrale a naturellement fixé en premier lieu son attention sur ces deux questions. Elle a partagé à l’unanimité l’avis définitif de la cinquième section, se fondant sur ce qu’un péage n’était pas un impôt au profit de l’Etat, et qu’en tout cas, les premiers mots de l’article invoqué : « hors les cas formellement exceptés par la loi » laissaient à cet égard toute la latitude désirable.
Quant à l’observation consignée au procès-verbal de la troisième section, deux questions ont été soulevées : la première sur la constitutionnalité, la seconde sur la convenance de la faculté laissée au pouvoir exécutif d’accorder des concessions temporaires.
Les articles 110 et 78 de la constitution ont été invoqués pour établir que cette faculté pouvait être accordée ; mais votre section centrale a pensé que les péages ne constituant pas un impôt au profit de l’Etat, ce n’était pas l’article 110, mais l’article 113 qu’il fallait ici consulter.
Elle a de plus reconnu que l’article 78 ne devait former aucun obstacle puisque le Roi, en accordant les concessions, agirait, non en vertu de sa prérogative, mais en exécution de la loi, ce qui rentre dans les attributions du pouvoir exécutif.
Sur la question d’utilité, on a observé qu’en Angleterre et aux Etats-Unis, toute concession était l’objet d’une loi ; mais on a répondu qu’en Angleterre surtout presque toutes les concessions sont perpétuelles ; que pour celles d’une faible importance, les débats parlementaires ne sont souvent qu’une vaine formalité, et qu’au contraire les concessions d’une importance majeure deviennent excessivement coûteuses par les enquêtes auxquelles elles donnent lieu, frais qui s’élèvent parfois au tiers de la dépense totale.
La section centrale a pensé que s’il était bon de réserver à la loi les concessions perpétuelles et celles dont la durée équivaudrait à une aliénation, il n’en est pas de même de celles qui sont accordées pour un terme plus court. Pour constater leur utilité, il faudrait ou se contenter des recherches faires par le ministère, ainsi qu’il se pratique en France, lorsque la loi exige l’intervention des chambres (et dans ce cas autant vaut l’autoriser à les accorder lui-même), ou, à l’exemple de l’Angleterre, ouvrir des enquêtes parlementaires, moyen onéreux qui nécessiterait la majoration des péages, et serait par conséquent directement contraire aux intérêts de l’industrie et du commerce que notre but est de favoriser.
Votre section centrale a donc décidé affirmativement ces deux questions ; la première à l’unanimité, et la seconde à la majorité de six voix contre une.
L’article premier du projet, admis par toutes les sections, a également été admis par la section centrale à l’unanimité.
L’article 2 a été trouvé trop vague par toutes les sections.
La première demande que le terme des concessions que le Roi est autorisé à accorder soit limité à 50 ans.
La deuxième réduit ce terme à 30 ans, ainsi que la troisième.
La quatrième propose 99 ans.
La cinquième adopte le terme de 90 ans.
Enfin la sixième propose 60 ans.
La section centrale à l’unanimité a pensé que l’article 2 définissait mal ce qu’il fallait entendre par concession temporaire ; qu’une trop longue durée équivaudrait à la perpétuité et qu’en conséquence il importait d’en fixer le terme. Les divers termes proposés ont été successivement mis aux voix ; ceux de 30, 50 et 60 ans ont été rejetés par 6, 5 et 4 voix celui de 90 ans a été adopté par 6 contre 1.
Sur une observation consignée au procès-verbal de la première section, un membre a demandé que toute concession pour canalisation fût réservée à la loi ; cette demande a été rejetée par 5 voix contre 2. La même majorité a écarté une demande tendant à réserver également à la loi les concessions pour amélioration des ouvrages déjà existants ; mais elle a admis à l’unanimité une proposition qui a partagé la cinquième section, celle d’exiger pour les concessions temporaires une adjudication avec concurrence et publicité.
En conséquence, votre section centrale a l’honneur de vous proposer l’adoption du projet de loi avec les modifications suivantes :
« Projet de loi
« Léopold, roi des Belges,
« Nous avons, etc.
« Art. 1er. Les péages à concéder aux personnes ou sociétés qui se chargent de l’exécution des travaux publics sont fixés pour toute la durée de la concession. »
« Art. 2. La perception des péages est autorisé par le Roi lorsque la durée de la concession n’excède pas quatre-vingt-dix ans.
« Aucune concession ne peut avoir lieu que par voie d’adjudication avec concurrence et publicité. »
« Art. 3. Les concessions à perpétuité ainsi que celles dont la durée excède quatre-vingt-dix ans sont autorisées par une loi. »
Absents sans congé, à la séance du 6 juillet : MM. Angillis, Coppieters, Dams, Delehaye, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Robaulx, de Woelmont, Dugniolle, Fallon, Gelders, Jacques, Jaminé, Jullien, Legrelle, Pirson, Rogier, de Tiecken, Ch. et H. Vilain XIIII.