Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 25 juin 1832
(Moniteur belge n°179, du 27 juin 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A midi on procède à l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Liedts fait connaître l’objet de plusieurs pétitions adressées à la chambre. Parmi ces pétitions on remarque celle de M. Gendebien (père), qui demande que la chambre s’occupe incessamment de la loi sur les mines, adoptée par le sénat. Elles sont toutes renvoyées à la commission spéciale.
M. d’Huart écrit pour demander un congé de trois semaines ; le congé est accordé.
M. de Foere écrit que, blessé au pied par suite d’un accident, il ne peut se rendre la chambre.
L’ordre du jour est la reprise de la discussion du projet de loi sur l’armée de réserve.
MM. les ministres de la guerre, de l’intérieur, de la justice, et des affaires étrangères sont à leur banc.
M. Fallon. - Avant de rentrer dans la discussion, je crois qu’il faut adopter une autre rédaction de l’article 5, voté avant-hier.
M. Goethals. - Je demande la parole.
M. le président. - Je prie M. Fallon de rédiger son amendement... Je dois avertir la chambre que MM. Fallon et Goethals ont déposé ce matin chacun un amendement à l’article 6.
M. Goethals. - Il n’y a rien de nouveau dans mon amendement, sauf le premier paragraphe, par lequel je demande qu’il soit ouvert un appel aux personnes qui auraient été lésées par des décisions des conseils de milice, car je voudrais que les conseils de milice remplaçassent les députations des états.
M. le président. - Ces amendements sont-ils appuyés ?
- Personne ne répond.
M. Fallon a la parole et s’exprime en ces termes. - On est d’accord que le but du projet en discussion est tout à fait manqué, si l’opération de la levée ne peut se faire avec la plus grande célérité.
On ne peut également se dissimuler que l’on ne peut obtenir cette célérité sans recourir, en partie, au régime de la garde civique, et cependant le concours des lois sur la garde civique avec les lois sur la milice, produit nécessairement une confusion qui fait naître de nombreux embarras d’exécution.
Je conçois qu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de parer à tous les inconvénients ; mais il faut bien aussi que l’on convienne qu’il faut tout au moins aller au-devant de ceux que l’on peut prévoir.
C’est dans ce sens que j’ai essayé de concevoir une nouvelle rédaction de l’article 5 du projet, de manière à concilier les divers amendements proposés.
Le système de cet article est d’appliquer aux quatre premières classes le régime de la garde civique, comme plus propre à activer l’opération de la levée.
Ainsi, c’est le premier ban de la garde civique, déjà mis à la disposition du gouvernement, qui est appelé à fournir le contingent. C’est là la règle.
Avant de s’occuper des causes d’exemption, il faut donc d’abord déterminer la règle.
Tous ne se trouvent pas en personne dans ce premier ban, il en est qui n’y figurent que par remplacement.
Lorsque le remplaçant est en activité de service, il n’y a pas de difficulté, il est exempté et il exempte le remplacé. C’est la disposition de l’article 11 du projet.
Mais dans les cantons où la garde civique n’est pas en activité de service, que fera-t-on du remplaçant et du remplacé ?... M. Jacques a proposé d’insérer dans le projet que le remplaçant serait tenu de faire dans la réserve le service du remplacé.
Je ne pense pas que l’on puisse s’arrêter à cet amendement, quelle que soit l’affinité qui peut exister entre le service de la réserve et celui de la garde civique.
La raison en est qu’en fait, le service de la réserve n’est pas celui de la garde civique, et qu’en droit, il s’agit de conventions dont il n’appartient pas à la législature de régler les effets.
Il faut donc se borner à rédiger l’article de manière à ce que la charge de la réserve tombe soit sur le remplaçant, soit sur le remplacé, suivant la nature des engagements qui existent entre eux.
On a adopté, pour base de l’appel, l’ordre du tirage au sort pour la milice. Dès lors c’est la liste du tirage qui doit déterminer le contingent dans chaque commune, et, par conséquent, on ne peut prendre égard au changement postérieur de domicile.
Celui qui a tiré dans une commune où la garde civique n’est pas en activité, et qui se trouve domicilié aujourd’hui dans une commune où la garde civique est sous les armes, ne peut pas se plaindre s’il n’est pas lui-même sous les armes.
Celui qui a tiré dans une commune où la garde civique est en activité, et qui est domicilié aujourd’hui dans une commune où la garde civique n’est pas sous les armes, échappera effectivement à la réserve si on ne l’atteint par une disposition spéciale. Mais il me semble que c’est là un inconvénient qu’il vaut mieux souffrir que de multiplier les cas d’exceptions.
Quant au régime des exemptions, il peut être fort simple au moyen d’une légère modification. Tout semble prévu en exemptant ceux qui ont été définitivement exemptés de la milice et qui ont été exemptés définitivement ou temporairement du service du premier ban de la garde civique, et en n’admettant aucune autre exemption si ce n’est pour titres acquis postérieurement à la clôture de la session de cette année des conseils cantonaux ou bien pour l’une des causes prévues par les articles 11, 12 et 13 du projet.
L’on ne recourt au régime de la garde civique pour les exemptions que parce qu’il offre l’avantage d’éviter les lenteurs des opérations des conseils de milice ; par conséquent il faut éviter ce premier degré de juridiction et porter les réclamations et les remplacements directement aux députations des états.
M. Jacques a fait remarquer que des exemptions ont été légèrement accordées par des conseils cantonaux et, sur ce point, je partage son opinion. Rien n’empêche d’ouvrir aussi la voie de réclamation de ce chef dès que cela ne retarde pas la mise en activité.
C’est dans ce sens que j’ai essayé, en divisant l’article 5 et en le rédigeant différemment, tout en conservant son économie, de concilier les divers amendements, sans toutefois me flatter d’avoir prévu tous les embarras d’exécution d’une combinaison hérissée de difficultés.
Quant à l’article il resterait tel qu’il est, sauf le dernier paragraphe, qui devient inutile par suite de l’adoption de l’article 5.
M. le président donne lecture de l’amendement de M. Fallon :
« Art. 5. L’appel du contingent aura lieu par ordre des numéros obtenus au tirage au sort pour la milice. »
« Art. 6. Le contingent de chaque commune sur les classes de 1829, 1828, 1827 et 1826 sera fourni par les miliciens qui font partie du premier ban de la garde civique, soit en partie, soit par remplacement et sans égard aux changements de domicile qui peuvent avoir eu lieu depuis le tirage au sort.
« Ne feront pas partie du contingent ceux qui ont été exemptés définitivement du service de la milice et ceux qui ont été exemptés du service du premier ban de la garde civique, s
« Aucune autre exemption ne sera admise si ce n’est pour titres acquis postérieurement à la clôture de la session de cette année des conseils cantonaux, ou bien pour l’une des causes prévues par les articles 11, 12 et 13 de la présente loi.
« Les réclamations à fin d’exemption de service seront soumises directement aux députations des états.
« Il en sera de même des réclamations tendantes à faire réformer des exemptions illégalement obtenues. Le réclamant est à cet égard relevé de toute déchéance, mais sans qu’il puisse provisoirement être dispensé du service.
« Ceux qui voudront se faire remplacer s’adresseront également à la députation des états, qui statuera sur l’admission des remplaçants. »
« Art. 7. Comme à l’article 6 du projet, sauf à supprimer ce dernier paragraphe qui devient inutile par suite de l’adoption de l’article 5. »
M. Leclercq. - On dit dans l’amendement : « si les exemptions indûment obtenues » : on veut sans doute dire : « si les exemptions du premier ban de la garde civique indûment obtenues, » car il ne faut pas parler des exemptions de la milice.
M. Fallon. - C’est entendu comme cela.
M. Leclercq. - Il n’y a qu’à le mettre.
M. Jacques. - Je m’étais proposé, à l’ouverture de cette séance, de déclarer que je consentais à retirer tous les amendements que j’avais présentés afin d’abréger la discussion ; je voulais me borner à présenter une autre rédaction de l’article 5 : mais depuis, M. Fallon, ayant présenté un amendement qui rentre dans mes vues je n’ai plus rien à demander. Cependant si son amendement était rejeté, je proposerais la rédaction suivante pour l’article 5.
Je n’ai point d’objections à faire contre l’amendement de M. Fallon.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - M. Liedts avait proposé de mettre : « qui faisaient partie du premier ban de la garde civique à la date du premier avril dernier. » Il faut, je crois, fixer une date dans l’amendement de M. Fallon.
M. le président. - J’ai à vous soumettre quatre nouveaux paragraphes présentés par M. Goethals, puis l’amendement de M. Fallon. M. Jacques retire les siens.
M. Jacques. - Je retire les miens dans le cas où ceux de M. Fallon seraient adoptés.
M. le président. - Il y a encore un amendement de M. Rogier.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’adopte l’amendement de M. Fallon.
M. Goethals. - J’adopte aussi une grande partie des observations présentées par M. Fallon. Il y a cependant plusieurs questions à examiner. L’appel des décisions des conseils cantonaux sera-t-il porté devant les conseils de milice, ou devant les états députés ? Les remplacements se feront-ils devant les conseils de milice ou devant les états députés ?
Je demande que les paragraphes de l’amendement de M. Fallon soient mis aux voix séparément.
M. le président. - M. Fallon propose d’abord un article, en tout semblable à ce qui a été adopté dans la séance d’avant-hier. Voici la rédaction présentée par M. Fallon, pour l’article dont le principe a été voté.
« L’appel du contingent aura lieu par ordre de numéros. »
- Cette rédaction mise aux voix est adoptée, et fera l’article 5 de la loi.
M. Rogier. - Je voudrais que dans l’article 6, proposé par M. Fallon, on expliquât ces mots : « sans avoir égard au changement de domicile qui peut avoir lieu. »
M. Fallon. - C’est pour obvier à des inconvénients signalés dans les séances précédentes.
M. Dumortier. - J’ai entendu une autre expression : « soit en personne, soit par remplaçant ; » je demande quelle a été l’intention de l’honorable membre en insérant ces mots.
M. Fallon. - « Les contingents de chaque commune seront formés par les miliciens qui font partie du premier ban de la garde civique, soit en personne, soit par remplaçant, sans avoir égard au changement de domicile. » Cela fait un sens complet ; cela s’explique de soi-même.
M. Dumont. - Il faut mettre « soit en personne, soit par leurs remplaçants. »
M. Fallon. - Je me suis déjà expliqué sur ce point ; j’ai déjà dit que nous ne devions pas examiner les contrats faits entre les remplacés et les remplaçants. Quant aux individus qui font partie du premier ban de la garde civique, il en est parlé dans un autre article, et ce seront les états députés qui seront chargés de décider toutes les questions relatives à ce point.
M. Dumont. - Il me semble que la rédaction de ce paragraphe décide que celui qui est porté sur les rangs de la garde civique par un remplaçant devra marcher ; que ce n’est pas le remplaçant qui marchera, mais que c’est le remplacé.
M. Fallon. - Oui, c’est le remplacé qui marchera sauf à savoir si par la nature du conseil qu’il a passé, c’est son remplaçant qu’il pourra faire marcher à sa place.
M. Gendebien. - Ce n’est pas le nom du remplacé qui se trouve sus le tableau, c’est celui du remplaçant.
M. Goethals. Il est certain que les décisions prises par les conseils cantonaux portent le nom du remplaçant et point le nom du remplacé. Il y a de quoi se méprendre d’après la rédaction.
M. Leclercq. - Il me semble que toute la difficulté consiste uniquement dans la question de savoir si le gouvernement peut appeler le remplaçant, car l’obscurité est formelle. Si la loi décide qu’elle n’intervient pas dans les contrats entre les remplaçants et les remplacés pour savoir qui doit servir dans l’armée de réserve, devons-nous décider aujourd’hui que le remplacé servira dans cette armée sauf à lui à faire décider par les tribunaux les questions relatives aux engagements qu’il aurait pris avec son remplaçant ?
M. Dumont. - On a dit que ce serait porter atteinte aux contrats que de dire que le remplaçant doit servir en place du remplacé dans l’armée de réserve ; je suis porté à considérer les objections que ferait le remplaçant, comme une véritable chicane, parce qu’il n’y aura pas de différence entre le service de la garde civique et celui de l’armée de réserve. Vous devez éviter une injustice criarde, celle d’obliger le même individu à mettre à la fois plusieurs remplaçants jusqu’à ce que les tribunaux aient décidé lequel doit marcher du remplaçant ou du remplacé.
M. Destouvelles. - Voici comment je dirais, afin de lever toute difficulté : « Tout milicien servant pour son propre compte ou comme remplaçant, ne sera pas tenu de servir dans l’armée de réserve ; seront également exemptés les remplacés dans l’un et l’autre service et les miliciens mariés avant 1832. »
Si je ne me trompe, messieurs, voilà le moyen de résoudre la question. J’avoue que dans ces matières mes connaissances ne sont pas très profondes.
M. Leclercq. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. L’amendement de M. Destouvelles règle une question de rédaction et ne touche pas à la question de principe ; c’est cette dernière qu’il faut décider, l’autre viendra après.
Je demande que M. le président consulte la chambre pour savoir qui doit partir, le remplacé ou le remplaçant.
M. le président. - Voici la proposition de M. Fallon : « Le contingent de chaque commune sur les classes de 1829, 1828, 1827, 1826, sera pris parmi les miliciens qui font partie du premier ban de la garde civique, soit en personne, soit par remplaçants, et sans égard aux changements de domicile qui peuvent avoir lieu depuis le tirage au sort. »
M. Jacques. Je voudrais que l’on mît à part la question de remplaçants et de remplacés, et qu’elle fût ajournée.
M. Fleussu. - Terminons ! terminons.
M. Dumortier. - Je crois que la question serait absolument décidée si l’on mettait : « soit par leurs remplaçants. »
M. Jullien. - Ce serait la même chose.
M. Dumortier. - Vous me pardonnerez, ce n’est pas la même chose. Il y a une question qui s’élève : pouvez-vous ou non appeler les remplaçants portés sur les contrôles ? Il vaut mieux la trancher que de la laisser pour les tribunaux.
Voulez-vous innover des contrats ? L’amendement que je propose n’innove rien dans les contrats.
M. Fleussu. - Je crois qu’il importe de trancher la difficulté. Il faut qu’il y ait un homme que l’on puisse contraindre. La loi ne doit connaître que ceux qui par leurs numéros sont appelés au service. Si celui qui est appelé a fait un contrat avec un tiers, la loi ne doit pas connaître ce contrat.
Elle ne connaît que l’individu que le rang d’ordre appelle sous les drapeaux. Voyez à quel résultat vous arriverez si vous voulez faire marcher les remplaçants. Ces gens vous diront : j’ai un contrat pour faire le service de la garde civique, mais je n’en ai pas pour faire un service plus actif. La loi ne peut s’immiscer dans les contrats et les étendre. C’est aux tribunaux qu’il appartient de décider si le contrat de remplaçant peut être invoqué pour la réserve de l’armée. Il me semble qu’il ne peut y avoir de difficulté à cet égard. La loi ne connaît que celui qui est inscrit. (C’est juste ! c’est juste !)
M. Verdussen. - Ce discours du préopinant tend à faire marcher le remplacé ; je tiens à appuyer cette opinion, qui est basée sur l’article 11.
M. Gendebien. - L’article 11 ne décide rien.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si le remplacé devra marcher.
M. Legrelle. - Le service de l’armée de réserve sera-t-il plus pénible que celui de la garde civique ?
- Du banc des ministres. - Non ! non !
M. Legrelle. - On me répond, non ; donc c’est le remplaçant qui devra marcher. Un homme a donné de l’argent pour se faire remplacer. On ne peut l’obliger à payer une seconde fois pour se faire encore remplacer.
M. Goethals. - J’abonde dans le sens de l’honorable préopinant ; par le moyen qu’il propose, vous éviterez une foule de procès sur de véritables chicanes. En obligeant le remplaçant à marcher, il pourra réclamer toutes les indemnités qu’il aura stipulées selon le service qu’on l’aura obligé de faire.
M. Dumortier. - Je ferai la même observation que celle faite par M. Legrelle : le service n’étant pas plus pénible, il faut faire marcher le remplaçant.
M. Verdussen. - Le remplaçant a fait un contrat pour un objet déterminé, il peut refuser de marcher. J’ai contracté pour la garde civique, dira-t-il, et non pour l’armée de réserve.
- Plusieurs membres. - C’est la même chose.
M. Verdussen. - Non, ce n’est pas la même chose, car vous feriez peut-être marcher à la fois le remplaçant et le remplacé.
M. Fleussu. - Je crois que le service de la réserve de l’armée est d’une toute autre nature que celui de la garde civique. Dans la garde civique, dès que l’individu a atteint un certain âge, il sort de la garde civique mobilisée ; tandis que dans notre armée de réserve, si la guerre continue, si les événements se compliquent, on pourra tenir l’homme sous les drapeaux. Voilà une grande différence dans le service.
Vous voulez prendre le remplaçant, en vertu de quel droit ? Parce que vous trouvez dans les contrôles la mention que j’ai remplacé un tel ? J’ai fait un contrat avec un tel ; mais, à vous, cela ne vous donne pas le droit de me faire marcher. Il n’y a que celui avec lequel j’ai passé un contrat qui peut me forcer à marcher,
M. le président. - Voici la proposition de M. Dumont : « Les remplaçants admis dans le premier ban de la garde civique en place des miliciens appelés dans l’armée de réserve, devront marcher pour leurs remplacés.
« Ils seront, s’ils le demandent, incorporés dans un bataillon de la garde civique en activité. »
M. Dumont. - Si réellement on trouve le service de l’armée de réserve plus pénible, plus onéreux, je demande qu’on laisse le remplacé opter pour le service dans la garde civique.
M. Gendebien. - Ce n’est qu’avec hésitation que je prends la parole dans cette question, qui est au moins très délicate : La chambre doit prendre une résolution. Je crois qu’il faut décider que c’est le remplaçant qui doit partir. Vous suivez pour l’armée de réserve l’ordre d’inscription de la garde civique ; cet ordre est la pierre angulaire de toute l’opération. Seulement, pour former le tableau, dans chaque commune, de la liste des individus, on prend les numéros.
Eh bien, dans ce tableau, on a inscrit les remplaçants au lieu et place des remplacés, et cela, en vertu d’un contrat passé entre le remplaçant et le remplacé, contrat pour l’exécution duquel l’autorité est intervenue. Le gouvernement ne connaît plus maintenant que le remplaçant, s’il est vrai que pour la garde civique on opère comme pour la milice. Le contrat du remplaçant et du remplacé n’est pas bilatéral, c’est un contrat passé entre trois parties. Sous cet aspect, c’est le remplaçant qui doit marcher.
Mais, dit-on, vous changez le contrat dans son exécution, par rapport au remplaçant, donc vous le changez dans sa nature ; je ne pense pas qu’il en soit ainsi. Le service de l’armée de réserve est assimilé à celui de l’armée de ligne ; mais le service de la garde civique mobilisée est assimilé aussi à celui de l’armée de ligne. La nature du contrat reste donc la même. Je le répète, le contrat est entre trois personnes et non entre deux ; il y a un droit acquis au gouvernement de faire marcher le remplaçant au lieu du remplacé.
Vous pouvez décider la question, et, vu l’urgence des circonstances, vous pouvez la décider. Quant à moi, ma conscience est à l’aise, et je puis voter pour faire marcher le remplaçant.
M. Rogier. - Je veux appuyer la proposition de M. Gendebien.
Le remplaçant a pris principalement l’obligation de marcher pour le remplacé, sous quelque motif qu’on rappelle ; le remplacé a fait des actes depuis son remplacement ; s’il s’est marié, qu’en ferez-vous ?
- Des membres. - Il sera exempt par la loi.
M. Rogier. - Et vous serez privé du remplaçant et du remplacé.
M. H. de Brouckere. - Est-ce le remplaçant ou le remplacé qui doit être appelé pour faire partie de l’armée de réserve ? Nous cherchons, en voulant résoudre cette question, à interpréter les termes d’un contrat, c’est-à-dire que nous remplaçons les fonctions d’un tribunal. Nous n’avons pas à nous mêler du sens, plus ou moins étendu donné à un contrat passé entre deux individus. C’est aux tribunaux et aux tribunaux seuls à décider cette question. Je crois que, dans la loi, nous ne pouvons rien mettre qui la résolve.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’ai toujours professé l’opinion émise par l’honorable M. Gendebien, que c’était le remplaçant qui devait partir, parce qu’il ne s’agit ici que d’un service absolument semblable, et dans son but et dans ses résultats, à celui du premier ban de la garde civique. L'équité parle en faveur du remplacé, à qui sans cela vous imposeriez une double obligation. Ce ne sont donc pas des contrats que nous interpréterons, nous désignons seulement les individus qui partiront pour l’année de réserve ; nous avons le droit et il y a nécessité de faire cette désignation, afin d’éviter toute difficulté.
M. Jullien. - Si on pouvait dire que la garde civique est destinée à faire partie de l’armée de réserve, il n’y aurait pas la moindre difficulté, parce que dans cette position il serait évident pour tous que le service est le même ; et aucun doute ne s’élevant, il n’y aurait pas non plus de réclamation ; mais alors reviendrait cette malheureuse question constitutionnelle qui a donné tant de peine aux auteurs rédacteurs du projet.
Les objections faites de part et d’autre sont de nature à embarrasser, car si d’un côté il est vrai de dire que les droits des parties n’ont d’autres limites que le contrat qu’elles ont souscrit, si le remplaçant dit avec raison : je me suis engagée à vous remplacer pour faire le service de la garde civique, je ne suis pas obligé à autre chose, il est certain que c’est là une question de laquelle la législation ne doit pas se mêler.
D’un autre côté, il faut convenir qu’il serait fort dur pour un remplacé d’être obligé de partir quand déjà il a un homme sous les drapeaux, parce qu’il plaît à la loi de donner un autre nom à la chose. Dans cette position, messieurs, je crois que ce qu’on peut faire de mieux c’est d’adopter l’amendement de l’honorable membre M. Dumont, qui permet au remplaçant qui refuserait de faire partie de l’armée de réserve, de se faire incorporer dans la garde civique mobilisée. Il paraît que ce plan ne déplut pas au gouvernement, puisque l’homme restera ainsi sous les drapeaux, et dans ce cas le remplaçant n’a rien à dire ; vous lui laissez l’option, il est le maître de sa condition et il n’a aucun motif de se plaindre. Je crois donc que si M. le ministre de la guerre y consent, il y a lieu d’adopter l’amendement de M. Dumont. (Appuyé ! appuyé !)
M. le président. - Désire-t-on que je mette aux voix l’amendement de M. Dumont ? (Oui ! oui !) Cet amendement suppose d’abord que les remplaçants devront marcher.
M. Lebeau. - On peut diviser l’amendement.
M. le président.- Veut-on d’abord décider si ce sera le remplaçant qui partira ?
M. A. Rodenbach. - C’est inutile maintenant, d’après l’amendement de M. Dumont.
M. Liedts donne lecture de l’amendement.
M. Lebeau. - Je crois qu’en mettant aux voix l’amendement de M. Dumont, il faut le diviser, parce qu’il contient deux dispositions bien distinctes ; par la première, il décide que c’est le remplaçant qui sera appelé ; par la seconde, il lui permet de choisir entre l’armée de réserve et la garde civique mobile. Je demande la division, parce que, même sans la restriction, je crois, avec M. Gendebien, que c’est le remplaçant qui doit partir, et je voterai contre la deuxième disposition.
M. H. de Brouckere. - J’ai déjà parlé sur la première partie de l’amendement de M. Dumont, et j’ai expliqué les motifs qui me feront voter contre. Quant à la deuxième partie, il s’élève un doute dans mon esprit : si cette disposition n’est pas inconstitutionnelle, et voici le motif de mes doutes.
Je suppose un remplaçant appartenant à la garde civique de la ville de Mons, obligé de partir pour l’armée de réserve ; il préfère servir dans le premier ban de la garde civique, vous l’incorporer dans un bataillon mobilisé qui se trouve être celui de Bruges : vous enlevez à cet homme le droit d’élire ses officiers (plusieurs membres demandent la parole) ; or, je ne crois pas que cela soit bien constitutionnel. Il est dans l’esprit de la constitution que chaque garde civique concoure à l’élection de ses officiers, et qu’il ne soit incorporé que dans son propre bataillon. Vous le privez d’un droit en le forçant à entrer dans un bataillon étranger, et c’est ce que vous ne pouvez pas faire.
M. Dumont. - Il résulterait, de ce que vient de dire le préopinant, que chaque fois qu’un nouveau garde civique entrerait dans un bataillon, il faudrait procéder à une nouvelle élection des officiers.
M. Jullien. - J’ajouterai à cette observation, que le garde civique qui a voté une fois pour l’élection de ses officiers a épuisé son droit ; soit qu’il reste dans son bataillon, soit qu’il passe dans un autre, il ne peut pas nommer deux fois ses officiers.
M. H. de Brouckere. - Il ne peut pas nommer deux fois ses officiers, soit ; mais il a le droit, je crois, de rester sous les ordres des officiers qu’il a élus, et vous le faites passer dans un bataillon où il ne connaît personne. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et ordonnée.
M. Gendebien. - J’ai fait une interpellation à M. le ministre de l’intérieur pour savoir s’il partageait mon opinion et celle de M. Rogier ; il n’a pas répondu. (Il a répondu !)
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’ai dit expressément que j’étais de cet avis.
M. le président met successivement aux voix la première et la seconde parties de l’amendement de M. Dumont : elles sont adoptées.
M. Rogier. - Il est bien entendu que cela ne regarde que les remplaçants existants déjà (Oui ! oui !) ; c’est que l’article est conçu dans un sens très général.
M. Gendebien. - On pourra le rédiger de manière à faire disparaître toute équivoque ; nous ne l’avons adopté que sauf rédaction.
M. Dumont. - Je n’ai pas proposé mon amendement pour qu’il fût inséré textuellement dans la loi ; si je lui ai donné une rédaction, c’est afin de bien faire comprendre à l’assemblée ce dont il s’agissait. J’en abandonne la rédaction définitive à M. Fallon, à l’amendement duquel il se rattache.
M. le président. - Voici comment est conçu l’amendement M. Fallon, on verra la rédaction à lui donner.
M. Gendebien. - Il est inutile de nous en occuper maintenant, nous allons discuter une heure sans nous entendre, tandis que dans le silence du cabinet un instant suffira pour trouver une rédaction satisfaisante.
M. F. de Mérode. - M. Gendebien a raison, le principe étant admis, il est inutile de prendre autre temps à discuter sur la rédaction.
M. le président. - Je vais lire les deux amendements, pour voir l’influence de celui de M. Dumont sur celui de M. Fallon.
- Cette lecture est faite.
Les premier et deuxième paragraphes de l’amendement de M. Fallon sont mis aux voix et adoptés.
« § 3. Aucune autre exemption ne sera admise si ce n’est pour titres acquis postérieurement à la clôture de la session de cette année des conseils cantonaux, on bien pour l’une des causes prévues par les articles 11, 12 et 13 de la présente loi. »
M. Rogier. - Je demanderai à l’auteur de l’amendement s’il entre dans son intention que le milicien qui serait appelé à faire partie de la réserve ne sera pas exempté par la libération définitive de son frère. Je m’explique : le garde civique ayant un frère qui a fini son temps de service dans l’armée n’est pas exempté de ce chef, tandis que les miliciens dans cette position seraient exemptés du service. Je demande si un milicien qui serait exempté par la libération de son frère de servir dans la milice, ne sera pas exempté de servir dans la réserve.
M. Fallon. - Je renvoie cette interpellation au rapporteur de la section centrale, car j’ai pris textuellement cette disposition dans l’article 5.
M. Ch. de Brouckere. - Je n’ai rien à répondre. (On rit.)
M. Fleussu. - L’intention de la section centrale a été d’admettre tous les cas d’exemption reconnus par les lois sur la milice.
M. Ch. de Brouckere. - Si l’amendement de M. Fallon se contente de dire : « Aucune autre exemption ne sera admise, etc., » vous supprimez les articles 11, 12 et 13 du projet qui comprennent d’autres cas d’exemption.
M. Fallon. - Mais je m’en réfère expressément à ces articles.
M. Rogier. - Le cas n’est pas prévu dans les articles 11, 12 et 13.
M. Ch. de Brouckere. - C’est l’article 14 qui les prévoit tous en s’en référant aux lois sur la milice.
M. Rogier. - M. Fallon ne fait pas mention de l’article 14.
M. Fallon. - Il n’y a qu’à l’ajouter dans le paragraphe 3.
M. le président. met aux voix le paragraphe 3 avec cette addition : il est adopté.
« § 4. Les réclamations à fin d’exemption de service seront soumises directement aux députations des états. »
M. Goethals. - Messieurs, j’ai présenté un amendement sur ce point la semaine dernière, je désire qu’on le reproduise ; j’ai demandé que pour juger les réclamations, les conseils de milice fussent substitués aux états députés ; et je crois que la disposition serait autant dans l’intérêt public que dans l’intérêt du service. Si les réclamations sont en grand nombre, les états députés ne suffiront pas à la besogne. Il est beaucoup plus simple de répartir les réclamations, entre tous les cantons de la province et de les faire juger par les conseils de milice respectifs. A ces conseils d’ailleurs, se trouve toujours un membre de l’administration communale qui peut donner tous les renseignements dont on peut avoir besoin. Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si son opinion n’est pas conforme à la mienne.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - On a agité la question dans la section centrale et on s’est déterminé avec raison selon moi à attribuer la connaissance des réclamations aux états députés, afin d’abréger les délais et les opérations, attendu que les conseils de milice seront fortement occupés à l’examen des classes de 1830 et de 1831.
M. Goethals. - Je demande à ajouter un mot pour convaincre l’assemblée de la nécessité d’adopter mon amendement. Les opérations seront beaucoup plus longues, quoiqu’on en dise, en les faisant faire par les états députés. Quand ceux-ci en effet auront besoin de renseignements, ils les demanderont au conseil de milice, celui-ci sera à son tour obligé de les demander à l’autorité communale, et il faudra pour cela beaucoup plus de temps qu’il n’en faudrait au conseil de milice devant lequel comparaissent les parties et qui peut prononcer sans désemparer.
M. Verdussen. - Dans une précédente séance M. Ch. de Brouckere a dit que c’était pour faciliter la besogne qu’on en avait chargé la députation des états ; cependant la besogne sera très petite, puisqu’il est dit dans le projet que les décisions de tous les conseils cantonaux seront maintenues. Il n’y aura donc à décider que les cas survenus depuis. J’appuie donc l’amendement de M. Goethals.
M. Ch. de Brouckere. - Les opérations des conseils de milice pour les années 1830 et 1831 seront très longues. Maintenant, comment se font les opérations des conseils de milice ? On appelle tour à tour les divers cantons et on procède successivement à l’examen de chacun. Il faudra que le conseil fixe encore des jours différents pour chacune des classes de 1826, 1827, 1828 et 1829, et si vous y ajoutez les classes de 1830 et de 1831, les opérations se prolongeront beaucoup trop ; tandis qu’en faisant adresser les réclamations à la députation des états, elles seront jugées sans délai. Les états députés sont permanents, ils ont des bureaux organisés ; quand les demandes arrivent on les instruit promptement. Les états prennent jour et ils décident en l’absence même des parties. (Aux voix ! aux voix !)
M. Goethals. - Je demande la parole. Messieurs, je regrette d’être obligé d’occuper encore l’assemblée de cette question, mais j’ai la conviction que les conseils de milice peuvent seuls juger les réclamations. L’observation du préopinant qu’ils sont obligés de faire les opérations de plusieurs classes n’est pas un obstacle, car il sera bien simple de diviser le travail de manière à en rendre l’expédition prompte et facile, ce qui n’arrivera pas si les états députés en sont chargés. Comment, d’ailleurs les réclamants s’adresseront-ils à eux ? Sera-ce par mémoire ? Amèneront-ils leurs remplaçants avec eux ? Ce serait les exposer à faire peut-être 15 ou 20 lieues pour se transporter au chef-lieu de la province et à faire des frais souvent en pure perte, parce que les réclamations ne seront pas toutes admises.
M. Rogier. - L’amendement de M. Goethals bouleverserait toute la hiérarchie administrative. Les conseils de milice ne sont en effet que des espèces de tribunaux de première instance dont les décisions peuvent être réformées par les états députés. Il vaut certainement mieux s’en tenir à l’article qu’à l’amendement qui attribuerait aux conseils de milice le droit de juger en dernier ressort. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. Goethals est mis aux voix et rejeté.
Les paragraphes 3, 4, 5 et 6 sont ensuite adoptés sans amendement.
M. le président. Avec l’amendement de M. Dumont cet article forme huit paragraphes, et devient l’article 6 du projet ; il s’agit maintenant de voter sur l’ensemble de cet article.
- L’article est adopté.
On passe à l’article 6 du projet, qui deviendra l’article 7, il est ainsi conçu :
« Art. 6 (devenu art. 7) Quant aux miliciens des classes de 1830 et de 1831, les conseils de milice créés pour la levée de 1832 seront convoqués pour procéder si l’examen de leurs réclamations.
« Les opérations de ces conseils se feront en deux sessions, dont les époques et la durée seront déterminées par le gouvernement.
« La première sera destinée à entendre et à juger des motifs d’exemption allégués.
« La deuxième session sera destinée à l’examen et à l’admission des remplaçants, et prendre une décision sur toutes les affaires qui n’auront pas été terminées dans la session précédente, et sur les demandes en exemption auxquelles l’article 12 de la présente loi donne ouverture.
« Les hommes des classes de 1831 et 1830 qui ne comparaîtront pas devant ledit conseil, pour faire valoir leurs réclamations, seront censés n’avoir aucun droit à l’exemption ou y avoir renoncé, et seront désignés définitivement,
« Ceux qui se croiront lésés par les décisions des conseils de milice, pourront appeler de ces décisions de la manière et dans les délais établis par la loi du 8janvier 1817 sur la milice nationale. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 7 (devenu art. 8). Les volontaires qui se présenteront pour servir dans la réserve, devront être reconnus aptes au service militaire, et n’avoir ni moins de 18 ans, ni plus de 45 ans.
« Ils compteront en déduction du contingent assigné à la commune dans laquelle ils sont inscrits. »
M. Gendebien. - Il me semble, messieurs, qu’il ne faut pas exclure les jeunes gens au-dessous de l’âge de 18 ans. Il y a des jeunes gens de 16 ans aussi forts que des jeunes gens de 18, et qui ont tout autant et souvent plus de courage. Nous en avons vu des preuves pendant la révolution. Seulement pour les jeunes gens au-dessous de 18 ans, il faudrait exiger le consentement de leurs parents. L’article pourrait donc dire les volontaires de 16 à 45 ans.
M. Dumont. Ce serait déroger à la loi du 8 janvier 1817, qui veut que les miliciens…
- Plusieurs voix. - Il ne s’agit pas de cela, il n’est question ici que des volontaires.
M. Fallon. - Ce n’est pas pour combattre l’amendement que je demande la parole, mais pour faire une observation. La loi sur la milice a déterminé la taille que devaient avoir les jeunes gens de 18 ans ; il faudrait, si on adoptait l’amendement, déterminer aussi la taille que devraient avoir les volontaires de 16 ans.
M. Gendebien. - S’ils n’ont pas la taille on ne les recevra pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Pour être reçu volontaire dans la milice, la loi exige 19 ans, pour la garde civique 18 ans ; je ne vois pas pourquoi on ferait une disposition différente et toute spéciale pour la réserve.
M. le président.- Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Gendebien.
M. Gendebien. - Je n’y insiste, pas, seulement je prie l’assemblée de considérer le courage montré par les pupilles de la garde civique impériale, et celui que des enfants de 16 ans ont montré dans les journées de la révolution. Nous en avons vu un grand nombre montrer une intrépidité bien plus grande que des hommes plus âgés.
- L’article 7 est adopté sans amendement.
Les articles 8, 9, 10, 11 et 12 sont ensuite adoptés sans discussion en ces termes :
« Art. 8. La convocation des hommes et leur remise à l’autorité militaire se fera de la manière établie, pour les mêmes opérations, par les lois sur la milice nationale.
« Cependant la convocation devra précéder de huit jours l’époque du départ. »
« Art. 9. Les miliciens désignés pour faire partie du contingent de leur commune, qui ne se présenteront pas au jour fixé pour le départ, seront poursuivis comme réfractaires ; s’ils justifient de causes d’empêchement jugées valables par la députation des états, ils seront remis à l’autorité militaire, pour être dirigés sur leur corps ; si, au contraire, les motifs allégués par eux pour justifier leur retard, sont trouvés insuffisants, ils seront tenus, sur la décision de la députation, de servir dans la milice nationale, pendant un an au moins ou deux ans au plus au-delà du service prescrit par la présente loi. »
« Art. 10. Les remplaçants pourront être admis jusqu’à l’âge de 45 ans, pourvu qu’ils soient reconnus aptes au service militaire et qu’ils produisent le certificat dont le modèle est annexé à la présente loi. »
« Art. 11. Tout milicien servant comme remplaçant, soit dans l’armée de ligne, soit dans la garde civique en activité, est exempté de concourir à la formation de la réserve ; il en sera de même de ceux dont le remplaçant sert dans la ligne ou dans la garde civique en activité. »
« Art. 12. Le frère de celui que s’est fait remplacer dans l’armée de ligne ou dans les bataillons du premier ban de la garde civique en activité de service, a également droit à l’exemption, s’il se trouve dans les cas prévus par l’article 24, paragraphe 10 de la loi du 22 juin 1831. »
La discussion est ouverte sur l’article 13, ainsi conçu :
« Sont exemptés du service les miliciens mariés avant le 10 juin 1832. Sont également exempts les miliciens dont les publications de mariage auront eu lieu avant cette époque, pourvu que le mariage s’ensuive dans le délai de trente jours.
M. Leclercq.- Je demande la parole. Messieurs, je viens proposer un amendement tendant à substituer dans l’article 13, la date du 11 juin à celle du 10 juin. En lisant l’article 13 on voit que le but a été d’exempter non seulement les miliciens mariés, mais encore ceux dont les bans étaient publiés avant la présentation de la loi, parce que ceux-ci ne peuvent pas être supposés vouloir se marier pour fraude à la loi. Comme la loi a été présentée le 11 juin, que le 10 était un dimanche et que c’est le dimanche que se font les publications des bans, je demande que ceux qui ont fait publier leurs bans la veille du jour de la présentation de la loi, profitent de l’exemption. (Appuyé ! appuyé !)
M. Verdussen. -Je demande qu’on mette dans l’article que l’exemption sera acquise à ceux dont la première publication de ban aura été faite ; car si vous laissiez les publications, au pluriel, on pourrait en induire que toutes les publications auraient dû être faites avant le 11 juin.
- Les amendements de MM. Gendebien et Verdussen sont mis aux voix et adoptés.
« Art. 14. Seront observées et exécutées, pour la présente levée, les dispositions des lois des 8 janvier 1817 et 27 avril 1820, pour autant qu’il n’y est pas dérogé par les articles précédents. »
- Cet article est adopté sans discussion.
« Art. 15. La réserve se composera de troupes organisées sur le même pied que les troupes de ligne : elles seront soumises à la même discipline et aux mêmes règlements, tant qu’elles resteront sous les armes. »
- L’article 15 est mis aux voix et adopté.
« Art. 16. Les corps qui formeront la réserve seront licenciés à la paix. »
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je suis satisfait de voir que par l’article 15, la réserve sera organisée sur le même pied que la troupe de ligne. Notre premier ban de la garde civique n’a point joui des mêmes avantages, qui lui étaient cependant garantis par la loi. Il n’y a pas bien longtemps, qu’on a vu des soldats citoyens sans souliers. J’ignore la cause de cette injuste partialité ; toutefois, je crois devoir le dire ici en passant, et en même temps faire remarquer au ministre et à la chambre que, d’un côté, l’un est prodigue tandis qu’ailleurs on lésine. Je ne citerai qu’un fait. Les généraux de brigade dans notre pays ont 150 florins par mois pour frais de représentation ou de table, et les généraux de division en ont 300. Il est inutile de dire ici comment ils représentent. En France les officiers supérieurs ne reçoivent rien pour cet objet. Je prie les ministres de faire attention à de pareilles observations.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour proposer une légère addition. L’article 16 porte que les corps formant la réserve seront licenciés à la paix : comment seront-ils licenciés ? L’article ne le dit pas, le seront-ils par un arrêté ? C’est ce qu’il faut dire, sans cela ces corps pourraient se croire autorisés à quitter les drapeaux de plein droit. Je propose en conséquence d’ajouter à l’article, les mots : par arrêté royal.
- Plusieurs voix. - Ça va sans dire.
- Autres voix. - On pourrait mettre : seront licenciés par le gouvernement.
M. Jullien. - Il me semble, messieurs, que le préopinant voit les choses de bien loin (on rit) ; mais il me semble tout à fait inutile de faire une addition quelconque à l’article. Il dit tout ce qu’il doit dire. L’armée de réserve ne doit servir que jusqu’à la paix. La paix est un fait après l’accomplissement duquel et sans qu’il soit besoin de le dire, les corps de réserve se licencieront eux-mêmes.
M. Rogier. - Le gouvernement n’a pas intérêt à les retenir sous les drapeaux, une fois la paix faite.
M. Verdussen. - Mon observation n’est pas nouvelle. Elle a été faite dans une autre circonstance, à propos d’une loi où se présentait une question analogue et où l’on a cru devoir la résoudre.
M. Dumortier. - Le roi a le droit de faire la paix et la guerre ; c’est à lui de licencier l’armée quand la paix sera conclue.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Verdussen.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Cela est inutile. Aux termes de la constitution le gouvernement est obligé de faire exécuter les lois.
M. Fleussu. - J’ajouterai d’ailleurs que tous les ans la législature vote le contingent de l’armée et qu’elle saurait bien forcer le gouvernement à licencier l’armée de réserve.
- L’amendement de M. Verdussen est rejeté.
L’article 16 est ensuite adopté ainsi que l’article 17. Voici les termes de ce dernier.
« Art. 17. La nomination aux divers grades dans ces corps appartient au gouvernement.
« Les brevets qui seront délivrés aux officiers qui ne font pas actuellement partie de l’armée de ligne, ne leur donneront pas le droit de conserver leurs grades au-delà du temps de leur service actif. »
M. Gendebien. - J’ai proposé plusieurs articles additionnels qui doivent être placés après l’article 17.
M. Liedts donne lecture de ces articles, qui sont conçus dans les termes suivants :
« Art. 18. Les officiers de volontaires et des bataillons de tirailleurs francs seront immédiatement réunis en compagnie d’instruction, dans un local désigné par le gouvernement.
« Ils y recevront la demi-solde de leur grade.
« Ils seront successivement répartis dans les bataillons de l’armée de réserve, aussitôt qu’ils auront fait preuve de connaissances nécessaires ou d’aptitude et de bonne volonté à les acquérir.
« Art. 20. Ils pourront, pendant six mois, réclamer un examen secret ou public, à leur choix, à l’effet de constater qu’ils réunissent les conditions requises pour l’accomplissement des devoirs de leur grade, conformément au texte et à l’esprit de l’article premier de la loi du 22 septembre 1831.
« Art. 21. Ils seront incorporés dans l’armée de réserve, avec les droits et prérogatives qui leur étaient respectivement accordés par les arrêtés du régent, des 30 mars, 8 et 10 avril 1831.
« A. Gendebien. »
M. Gendebien. - Messieurs, je n’ai pas développé mon amendement dans la séance de jeudi dernier, parce que l’assemblée décida que tous les amendements seraient déposés sur le bureau et imprimés.
Je pense que la seule lecture du mien vous aura suffi, et il ne sera pas besoin de grands développements, pour prouver qu’il est fondé sur une rigoureuse justice. Cette justice on a, jusqu’à ce jour, refusé de la rendre aux officiers de volontaires. Je pense que le moment est venu de s’acquitter envers eux de la dette de la reconnaissance.
Je demande par l’article 18 que ces officiers soient réunis en compagnies d’instruction, afin de voir une bonne fois s’ils sont aussi incapables qu’on le dit ; quant à moi, messieurs, je sais qu’il y a parmi eux des hommes fort capables, qui comptent 19 ou 20 ans de service, soit comme sous-officiers, qui ont même été instructeurs dans les corps où ils ont servi, et cependant on n’a pas voulu jusqu’à ce jour les employer, ni reconnaître les droits qu’ils avaient acquis. Maintenant le gouvernement a une occasion de leur rendre la justice qui leur est due ; il augmente l’armée de 30,000 hommes, et il serait bien inouï que 120 officiers ne pussent pas y être placés.
Je sais, messieurs, qu’il y eu a parmi eux qui interrogés à l’improviste, la théorie à la main, n’ont pas pu répondre aux questions qui leur étaient faites. Mais cette épreuve est peu concluante. Il y a peu d’officiers, même ayant de longs services, qui sachent par cœur leur théorie, et je suis sûr que, si l’interrogé prenait à son tour la théorie en main pour faire des questions à l’interrogeant, celui-ci serait souvent tout aussi embarrassé que lui pour répondre. J’ai connu un homme, un ancien officier de l’armée française, qui avait servi dans un régiment de cavalerie, après être sorti de l’école de Versailles, la meilleure école de cavalerie qui ait existé, et cet officier m’assurait qu’après plusieurs campagnes il aurait été incapable de répondre à deux questions sur la théorie ; en s’y remettant au bout de trois ou quatre semaines, il y aurait répondu parfaitement ; il n’est donc pas fort étonnant après un tel exemple que quelques officiers de volontaires n’aient pas su répondre. Je demande qu’on les soumette à de nouveaux examens ; je sais qu’il y en a quelques-uns qui n’ont pas voulu s’y soumettre, parce qu’ils étaient officiers et que leur grade, personne n’avait le droit de le leur ôter ; mais maintenant, je suis certain qu’ils s’y soumettront, et qu’on pourra, ainsi que je le demande par l’article 19, les répartir aussitôt dans les bataillons de l’armée de réserve.
L’article 20 est extrait de la loi du 22 septembre 1831, par laquelle on soumettait tous les officiers de l’armée à un nouvel examen. Traitez les officiers de volontaires comme vous avez traité la ligne, et alors vous n’aurez plus de reproches de partialité et d’injustice à essuyer. Dans 24 heures on pourra se convaincre que la moitié au moins de ces officiers sont capables d’entrer dans l’armée ; et ceux qui ne le seraient pas actuellement, auront six mois pour réclamer un examen public ou secret. Je mets, public ou secret, à leur choix, parce que par timidité certains officiers peuvent vouloir être interrogés secrètement ; ceux qui craindraient l’injustice ou la partialité de leurs examinateurs, auront la garantie de la publicité.
Maintenant, l’article 21 porte : « Ils seront incorporés dans l’armée de réserve, avec les droits et prérogatives qui leur étaient respectivement accordés par les arrêtés du régent, des 30 mars, 8 et 10 avril 1831. » Vous vous rappelez qu’il y a une grande différence entre les droits donnés aux officiers de volontaires par ces arrêtés : les uns y sont assimilés aux officiers de l’armée de ligne. Ceux-là doivent conserver leur grade même après la paix. Quant aux officiers des tirailleurs francs, ils ne doivent conserver leurs grade que jusqu’à la paix, et ils subiront en cela la même condition que l’armée de réserve.
Quand on exige de nouvelles charges du pays, il faut rendre aux braves qui l’ont bien servi la justice qui leur est due. Je crois que M. le général Evain rendra aux officiers pour qui je parle, la justice qu’ils ont vainement réclamée jusqu’à ce jour. Le besoin d’ailleurs lui en fait une loi, et c’est ici le cas de dire le besoin a bientôt rapproché les distances et fait disparaître l’humeur. Ici donc la nécessité vient à l’appui de la justice et lui prêter sa force.
Si quelques-uns de ces officiers n’avaient pas toute l’instruction nécessaire, je suis certain que c’est le plus petit nombre, mais dans tous les cas ils sont tous bien capables de conduire les troupes à l’ennemi ; ils l’ont prouvé dans toutes les circonstances, et leur courage et leur bravoure ne sauraient être mis en doute. Je crois qu’il est enfin temps de réparer une erreur, pardonnable peut-être dans le tourbillon où nous étions au mois de septembre dernier, mais depuis neuf mois on a eu le temps de réfléchir. Je crois donc que la chambre n’hésitera pas plus que le ministère à donner son adhésion à mes articles additionnels.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je ne fais aucun doute que, si parmi les officiers de volontaires, il se trouve des hommes capables de rendre des services à la patrie, M. le ministre de la guerre ne se fasse un devoir et un plaisir de les employer. Mais les articles tels qu’ils sont rédigés ne me semblent pas susceptibles de pouvoir être admis ; je dirai même qu’ils me paraissent inconstitutionnels, en ce qu’ils forceraient le gouvernement à employer activement des officiers qu’il doit toujours être en droit de tenir en disponibilité, comme il est en droit de mettre en disponibilité tous les officiers de l’armée.
Quant à l’article 21, il se rattache à une discussion qui a eu lieu il y a quelque temps et à la suite de laquelle la chambre vota une somme de 60,000 florins pour servir d’indemnité aux officiers de volontaires. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de faire droit aux articles additionnels, mais en fait je suis certain que M. le ministre de la guerre emploiera tous ceux qu’il jugera capables de servir utilement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, sur cinq à six cents officiers des volontaires et des tirailleurs francs qui existaient à la dissolution de ces corps, dont une partie concourent à l’organisation des nouveaux régiments qui furent formés, deux à trois cents de ces officiers furent reconnus pouvoir servir dans l’armée de ligne, ils furent placés ; une moitié a donc été placée ; l’autre a donné sa démission ou pour d’autres causes n’a pas pris de service. Une commission ayant été nommée pour examiner les réclamations faites par ces officiers, cent cinquante ont justifié de leurs titres et de leurs droits à avoir part à l’indemnité qui, par le vote des chambres, leur a été allouée.
J’ai eu l’occasion de voir un assez grand nombre de ces officiers ; j’en ai remarqué plusieurs capables de rendre de bons services quand on organisera la réserve à l’instar de la ligne avec la levée, je ne doute pas qu’il ne soit possible de trouver dans ces officiers des hommes en état de reprendre du service, et je me ferai un devoir de les occuper de toutes parts (Bien ! bien ! Très bien !)
M. Gendebien. - J’ai confiance dans la bonne foi, dans les lumières du ministre de la guerre, je n’insisterai pas pour mon amendement ; mais je prends acte de la présentation de cet amendement pour rappeler au ministre de la guerre l’engagement qu’il a pris ici.
M. Dumortier. - Je crois devoir expliquer les motifs…
- Plusieurs membres. - C’est assez ! c’est assez !
M. Dumortier. - Une somme de 60 mille florins a été votée pour les officiers ; mais ceux des volontaires qui rentreraient dans les rangs de l’armée ne peuvent toucher l’indemnité.
Je dois soumettre cette observation à M. le ministre de la guerre.
M. Leclercq. - Je demande pourquoi nous discutons maintenant.
M. Gendebien. - L’indemnité accordée aux volontaires n’est pas pour l’avenir ; la commission, à l’unanimité, a reconnu qu’ils avaient des droits. Quant à moi, je persiste à croire et je soutiendrai toujours qu’ils avaient les mêmes droits que les officiers de l’armée de ligne ; ils avaient des droits acquis au prix de leur sang ; beaucoup d’officiers de la ligne ne pourraient pas en dire autant.
- La chambre ferme la discussion.
L’article 18 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Messieurs, il y a un modèle de certificat après les articles de la loi. Le voici :
« Nous soussignés, bourgmestre et échevins (assesseurs) de la commune de … certifions, sous notre responsabilité personnelle, que … né … province de … profession de … fils de … et de…, lequel se présente pour être admis comme remplaçant de … pour le service dans la réserve de l’armée fait partie de la garde civique de cette commune ; qu’il s’est conduit en honnête homme, et qu’il n’est point à notre connaissance qu’il se soit rendu coupable de quelque délit.
« A … le … 183.
« L’échevin (assesseur ) L’échevin (assesseur.) Le Bourgmestre.
« A cette pièce doivent être joints :
« 1° L’acte de naissance du remplaçant ;
« 2° Le certificat constatant qu’il a satisfait aux lois sur la milice.
« 3° Consentement de la femme, s’il est marié.
« 4’ Son congé militaire s’il a servi. »
M. Helias d’Huddeghem. - Il y a dans le certificat ces mots : « Sous notre responsabilité personnelle ; » il y a quelque chose de répugnant à admettre cette expression. Un magistrat délicat se trouve là dans une fausse position. Pour éviter tout désagrément, quelques magistrats refuseront de signer. A quoi bon cette responsabilité qui n’a pas de soutien dans la loi ; les magistrats diront : je ne sais pas.
M. Rogier. - L’expression est déjà dans la loi sur la milice et la garde civique.
M. Fallon. - C’est dans la loi, lettre F.
M. Ch. de Brouckere. - Le magistrat ne peut pas dire, je ne le savais pas ; il faut qu’il sache ; on est magistrat pour savoir ce qui est ; il faut qu’il signe après avoir pris des informations.
M. Helias d’Huddeghem. - Dans de grandes communes comment voulez-vous que le magistrat connaisse tout le monde ?
M. Legrelle. - « Sous sa responsabilité personnelle » est une pure formalité qui existe déjà dans d’autres lois.
M. Lebègue. - D’après l’article 10, pour être apte à remplacer il faut exiger le certificat ; or à la fin du certificat, je vois ces mots : « Qu’il se soit conduit en honnête homme, et qu’il n’est point à notre connaissance qu’il se soit rendu coupable de quelque délit. »
Cependant il pourrait se faire qu’on eût commis un délit sans être bien coupable, et le bourgmestre pourra-t-il faire mention de ces délits qui n’attaquent pas la probité, un délit de chasse par exemple ?
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, on a reproduit textuellement la disposition de la loi sur les milices. Cette loi termine ainsi : « qu’il s’est conduit pendant ce temps en honnête homme, en citoyen paisible, et qu’il n’est pas à notre connaissance qu’il se soit rendu coupable d’aucun délit. » Il me paraît qu’on ne doit pas s’écarter des dispositions existantes.
M. Rogier. - Il faudra introduire quelques changements dans la rédaction relativement au mot « délits. » En fait on se contente d’un certificat de bonne conduite, et on admet les hommes qui ont commis un délit de chasse et de fraude des droits de la régie. Ajoutez à ces considérations qu’on admet les remplaçants jusqu’à l’âge de 45 ans, et faites attention qu’à cet âge on ne fait pas partie de la garde civique.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Cela peut être retranché.
M. Rogier. - Je demande que deux conditions soient imposées aux remplaçants : « Le consentement de sa femme et le congé militaire. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ces conditions ont été ajoutées.
M. Gendebien. - Par ces conditions on intervertit toutes les idées sur le mariage. C’est la femme qui est sous l’empire du mari ; si on veut faire du saint-simonisme, je le veux bien. Je voudrais, si le remplaçant est un homme aisé, qu’il produisit un certificat de l’autorité communale, constatant qu’il a pourvu au sort de sa femme pendant son absence. Je vais faire un amendement dans ce but.
M. Ch. de Brouckere. - Pour les services militaires, la femme ne peut suivre son mari et le consentement qu’elle donne est une espèce de consentement de séparation. Quand un officier veut se marier, il faut que la femme signe une pièce d’après laquelle elle déclare qu’elle ne suivra pas son mari au camp ni aux armées. Voilà par quelles considérations on a demandé le consentement de la femme.
M. Fallon. - D’après la législation existante, l’amendement de M. Gendebien est inutile.
M. Fleussu. - Il faut retrancher du certificat les mots « fait partie de la garde civique de cette commune. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - C’est convenu.
M. Fleussu. - Il est des hommes nés dans un temps pour lesquels l’acte de naissance n’existe pas ; il faut dire que l’acte de notoriété peut le remplacer.
M. Gendebien. - Je retire mon amendement.
M. Lebègue. - Mais je le répète, on ne pourra pas être admis à remplacer pour un délit de chasse.
M. Legrelle. - Je crois qu’il faut spécifier le délit ; il faudrait dire « délits de vol, escroquerie, abus de confiance. »
M. Ch. de Brouckere. - L’amendement de M. Lebègue ne peut pas passer.
M. Rogier. - On peut dire « les délits mentionnés dans les art. 330, 331, 334, 335, 405 du code pénal. »
M. Lebeau. - On peut supprimer les mots « qu’il n’est point à notre connaissance qu’il se conduit en honnête homme » doit suffire.
M. Jullien. - Il faut laisser le certificat comme il est. Si le bourgmestre n’a pas connaissance d’un délit commis, il ne dira rien ; s’il a connaissance d’un délit commis, il dira quel délit et l’on jugera si ce délit peut empêcher de remplacer.
M. Leclercq. - Le certificat engage en ce que celui qui aura commis un délit ne pourra pas en obtenir. Ainsi, un délit de chasse, la part qu’on aura prise à une rixe, et d’autres délits semblables suffiront pour qu’on vous refuse le certificat, et pour vous empêcher d’être remplaçant. Je suis de l’avis de M. Lebeau, qu’il faudrait supprimer les derniers mots, et qu’il suffit de l’attestation que le porteur du certificat s’est conduit en honnête homme. Et certainement, quand il aura commis un délit grave, l’autorité communale lui refusera cette attestation.
M. Jullien. - De cette manière, vous ne trouverez pas un seul bourgmestre qui puisse donner un certificat ; comment voulez-vous qu’un bourgmestre atteste qu’un individu qu’il ne connaîtra pas la moitié du temps se conduit en honnête homme ; il se présentera, par exemple, en vagabond échappé de sa commune ; croyez-vous que l’autorité de celle qu’il sera venu habiter pourra déclarer qu’il s’est conduit en honnête homme ? Cela est impossible. Il est bien aisé à un bourgmestre de dire qu’il est ou qu’il n'est pas à sa connaissance que le demandeur du certificat ait commis ou non un délit ; mais déclarer qu’il est un honnête homme, cela est beaucoup plus difficile, surtout quand il s’agit d’individus de la classe de ceux qui font métier de remplacer les autres à l’armée.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les observations de l’honorable M. Jullien sont fondées sur les lois de la milice. Les certificats pour les remplaçants dans la milice sont absolument semblables à celui-ci ; je ne vois pas qu’il y ait nécessité d’en retrancher les derniers mots.
M. Lebeau. - Je ne tiens pas à mon amendement ; j’ai la conviction qu’il n’y aura aucun inconvénient dans la pratique.
M. Fallon. - J’ai longtemps assisté aux séances des conseils de milice, je n’ai jamais vu d’exemple qu’il se soit élevé des difficultés à propos des certificats.
- La clôture est prononce.
Le retranchement demandé par M. Lebeau est rejeté.
M. Dumont propose et développe un article additionnel tendant à déduire du contingent assigné à chaque commune les miliciens appelés en vertu de la présente loi, qui servent actuellement dans la garde civique.
M. Ch. de Brouckere pense que l’article serait inexécutable.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) soutient que l’article est fondé en équité.
M. Rogier appuie l’amendement de M. Fallon, qui lui paraît fondé en justice.
M. Leclercq. - On a objecté contre ma proposition, non qu’elle soit vicieuse, mais la difficulté de l’exécution ; eh bien, je crois qu’elle sera d’une exécution extrêmement facile.
Je parle des miliciens qui ont obtenu une exemption de service dans l’armée de réserve ; il s’agira d’un fait tout récent, je demande que cet homme bien connu compte dans le contingent de la commune. Je ne vois pas de difficulté dans l’exécution de cette disposition.
M. Ch. de Brouckere. - M. Rogier n’a pas saisi toute la portée de l’amendement. Par l’exemption que demande M. Dumont, je suppose qu’il y ait 60,000 miliciens sous les armes ; il y a 3,000 communes ; c’est sur le pied de 20 miliciens par commune ; et bien, chacun de ces 20 miliciens n’est pas inscrit aux registres de la garde civique. L’honorable M. Dumont demande que, pour chaque commune, ces 20 hommes viennent en déduction du contingent que vous allez lever.
Messieurs les gouverneurs des provinces vont répartir les contingents aux communes ; cette répartition sera, je suppose, proportionnelle au contingent total de 10,000 hommes ; la répartition pour chaque commune sera du sixième de 20, ou de trois hommes : s’il y a 20 hommes en déduction, vous n’aurez pas un homme ; il faudrait demander 70,000 hommes pour en avoir 10,000.
M. Dumont. - Il s’agit des miliciens exemptés du service de l’armée de réserve ; il ne s’agit que de cela. J’ai eu le malheur de ne pas me faire comprendre. Quant aux autres miliciens, il n’en est pas question. Au surplus, je retrancherai volontiers quelque chose de mon amendement.
M. Legrelle. - L’amendement me paraît juste.
M. Fallon. - On va, au contraire, diminuer les hommes qui sont sous les armes, comment remplira-t-on ce vide ? On demande que les miliciens qui sont sous les armes soient en déduction des contingents demandés.
M. Dumont. - Si pour réparer la perte il faut trois hommes de plus, je crois qu’il y aurait encore justice en cela, parce que ce ne seraient pas les individus de la même commune qui auraient à la réparer et que la généralité des hommes du royaume feraient les remplaçants.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les amendements de M. Dumont ont trop d’étendue. D’après les explications que l’honorable membre vient de donner, son amendement devrait être restreint à quelques miliciens, pendant qu’il prétend à tous. Voici comment je propose de le rédiger :
« Les miliciens d’une commune qui devraient être désignés par leurs numéros, en vertu de la présente loi, et qui servent déjà activement dans le premier ban de la garde civique, seront déduits du contingent assigné à leurs communes. »
Par cette disposition je réduis l’amendement de M. Dumont aux miliciens d’une commune qui sont déjà en activité.
M. Fallon. - Cette restriction ne lève pas la difficulté. Si le gouvernement a besoin de 30,000 hommes, avec l’amendement vous ne les aurez pas.
M. Gendebien. - Si on veut avoir un contingent approchant de 30,000 hommes, et si on veut déduire les contingents des miliciens déjà appelés, je ne vois pas d’inconvénient ; autrement il y en aurait de grands.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Le nombre des hommes qui tomberont dans l’exemption n’est pas très considérable et il n’en résultera aucun inconvénient.
- La chambre ferme la discussion.
M. Dumont. - Je réunis mon amendement à celui de M. le ministre de l’intérieur.
M. le président lit l’amendement du ministre.
M. Leclercq. - Je demande la parole contre l’amendement.
M. le président. - La chambre a clos la discussion.
- De toutes parts. - Parlez ! parlez ! parlez !
M. Leclercq. - L’amendement a été dicté par un sentiment de justice. Mais il y a tel homme qui est dans la garde civique, parce qu’il a changé de domicile, et il a été mis en activité à cause de sa nouvelle habitation. Comment voulez-vous que cet homme puisse compter en déduction pour la commune qu’il a quittée ? C’est un privilège que vous allez établir.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je ne conçois pas de privilège en faveur de la commune ; il y a une fluctuation de population qui empêche le privilège.
Les miliciens conservent pour la milice le lieu où ils sont primitivement inscrits ; tandis que pour la garde civique on a égard au lieu du domicile actuel.
M. Ch. de Brouckere. - Dans l’amendement de M. Dumont il y a un principe de justice ; mais le principe n’existe plus dans celui de M. le ministre de l’intérieur. Que veut M. Dumont ? Que les hommes qui servent aujourd’hui dans la garde civique en activité et qui par leurs numéros seraient appelés à faire partie du contingent soient portés en déduction de la commune où ils sont. M. le ministre de l’intérieur veut, au contraire que les hommes qui servent dans la garde civique pour une commune viennent en défalcation pour les miliciens d’une autre commune.
Ces individus s’ils n’avaient pas changé de commune, eux qui par leurs numéros ne seraient pas appelés, donneraient une exemption à ceux qui sont restés au domicile ; ce n’est pas possible. Il ne peut y avoir de défalcation que pour les hommes du premier ban de la garde civique.
M. le président donne lecture de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - M. le président, veuillez ajouter à mon amendement : « désignés par leurs numéros, » de manière à ce qu’on lise :
« Les miliciens d’une commune qui devraient être désignés par leurs numéro, etc. »
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
L’article proposé par M. le ministre de l’intérieur est ensuite adopté.
M. Fallon. - L’amendement étant, admis il faudra je crois retrancher le premier paragraphe de l’article 5.
- Plusieurs voix. - On verra d’ici au vote définitif.
M. le président. - Demain, le vote définitif sur la loi judiciaire.
M. Ullens. - Je demande la parole. Nous pourrions commencer demain de bonne heure, à 10 heures par exemple ; il serait possible de finir dans une séance (Non ! Non !)
M. le président. - La section centrale a du travail demain ; c’est impossible ; la séance commencera à midi.
- La séance est levée à 4 heures.
Membres absents sans congé à la séance du 25 juin : MM. Angillis, Barthélemy, Brabant, Dams, Davignon, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, de Robaulx, Dewitte, de Woelmont, Domis, Gelders, Hye-Hoys, Jaminé, Pirmez, Polfvliet.