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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 21 mai 1832

(Moniteur belge n°144, du 23 mai 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à 1 heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dellafaille fait l’appel nominal ; il lit ensuite le procès-verbal, dont la chambre adopte les dispositions.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques présente l’analyse de quelques pétitions adressées à chambre.

Renvoi à la commission.

M. le président cède le fauteuil à M. Destouvelles.

Motion d'ordre

Retour à Bruxelles du ministre plénipotentiaire de Londres

M. l’abbé de Haerne. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Messieurs il est à votre connaissance que depuis quelques jours, notre plénipotentiaire à Londres est arrivé à Bruxelles. Quelque chose de très important semble être attaché à ce retour. Tous les journaux en parlent ; tous font des conjectures sur ce retour ; les uns disent qu’il a été rappelé de Londres ; les autres disent qu’il a seulement été appelé.

Il me semble qu’il importe que nous sachions à quoi nous en tenir, et que des explications devraient nous être données par le ministre des affaires étrangères sur le retour de M. Van de Weyer et de rassurer le pays sur les inquiétudes qu’il a conçus, et qui malheureusement ne sont que trop fondées.

Je demande donc à la chambre qu’elle veuille bien appeler M. le ministre pour l’entendre sur les questions relatives à la présence de M. Van de Weyer à Bruxelles.

M. le président. - La chambre veut-elle appeler le ministre des affaires étrangères ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

- D’autres membres. - Mettez la proposition aux voix.

- La proposition mise aux voix est adoptée.

Projet de loi relatif au conseil des mines

Second vote des articles

Article premier

M. le vice-président. - L’ordre du jour est le vote sur la loi des mines. Voici l’article premier : « Provisoirement et jusqu’à la révision de la loi du 21 avril 1810, les attributions conférées au conseil d’Etat, par cette loi et par les décrets des 6 mai 1811 et 3 janvier 1813, relatifs aux mines, seront exercées par un conseil nommé par le roi et composé de trois jurisconsultes et de deux ingénieurs.

M. Liedts. - Lisez l’article 2.

M. le président. - Le voici :

« Art. 2. Le conseil nommera son président et son secrétaire ; il ne pourra délibérer qu’au nombre de cinq membres au moins.

« Les décisions du conseil de cinq membres au moins. »

M. Liedts. - Il faut nécessairement changer la rédaction de l’article premier.

M. Gendebien. - Il faut augmenter la commission de deux membres ou de deux suppléants.

M. Poschet. - On était convenu à la dernière séance de composer la commission de sept membres.

M. le vice-président. - Si on a une proposition à faire, il faut la déposer sur le bureau.

- Plusieurs voix. - Cela a été décidé samedi.

M. le vice-président. - Rien n’a été décidé, il a été dit seulement qu’on y reviendrait ; veut-on qu’il y ait deux suppléants ? Il faudrait décider encore dans quelle catégorie on les prendra.

M. Fallon. - Il est nécessaire que ce soit dans celle des jurisconsultes, sans cela il arriverait souvent que les ingénieurs s’y trouveraient en majorité.

M. Bourgeois. - Il y aurait inconvénient à admettre deux suppléants parce que, comme l’a très bien fait observer M. Fallon, si on avait besoin d’appeler à la commission les suppléants et que ce fussent deux ingénieurs, le nombre des ingénieurs pourrait se trouver égal ou supérieur aux nombre de jurisconsultes. Il vaudrait mieux composer la commission de sept membres effectifs, savoir : 4 jurisconsultes et 3 ingénieurs, en ajoutant qu’elle ne pourra délibérer qu’au nombre de cinq membres.

M. Gendebien. - Il faut cinq jurisconsultes et deux ingénieurs.

M. Fallon. - La combinaison proposée par M. Bourgeois n’obvierait pas à l’inconvénient signalé, car si deux jurisconsultes étaient forcés de s’abstenir, il arriverait que la commission jugerait, composée de trois ingénieurs et de deux jurisconsultes ; c’est ce qu’il faut éviter.

M. le vice-président. - Voici un amendement par lequel on propose de dire au lieu de « 5 jurisconsultes », « 5 docteurs ou licenciés en droit ».

M. H. de Brouckere. - Je propose cet amendement parce que le mot « jurisconsulte » me semble trop vague ; celui de docteur ou licencié en droit ne présente pas le même inconvénient, et le sens de ces mots est parfaitement bien déterminé.

M. Gendebien. - Je craindrais encore plus le vague dans les mots « docteur ou licencié en droit » que dans celui de « jurisconsulte. » Je sais bien que ce dernier mot, pris à la lettre, n’a pas un sens très précis ; cependant on sait généralement qu’il s’entend d’un ancien avocat qui a exercé la profession et dont par conséquent les lumières présentent quelque garantie. Il y a, au contraire, des licenciés qui n’ont, en fait de science, que le parchemin qu’ils ont acheté, et on connaît des docteurs qui ont accroché par hasard un brevet de docteur sans avoir jamais étudié le droit. Je soutiens donc qu’il faut maintenir le mot jurisconsulte, par lequel on entend un ancien avocat, ayant exercé assez longtemps au barreau pour mériter ce nom.

M. H. de Brouckere. - Ce mot ne se trouve dans aucune loi.

M. Gendebien. - Il se trouvera dans celle-ci, il y a commencement à tout.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il vaudrait mieux adjoindre deux suppléants à la commission, que deux membres effectifs. Il est important aussi que ce soient deux jurisconsultes, parce qu’il est désirable que dans la commission ces derniers se trouvent en nombre supérieur. Vous l’aviez déjà décidé ainsi, en la composant de trois jurisconsultes et de deux ingénieurs. Il me semble donc qu’il faudrait décider qu’il y aura deux suppléants, qui devront être jurisconsultes.

M. le vice-président.- Il y a deux propositions ; par l’une on propose cinq jurisconsultes et deux ingénieurs, par l’autre quatre jurisconsultes et trois ingénieurs.

M. Verdussen. - Si on a signalé l’inconvénient qu’il y aurait à composer la commission de manière à ce qu’il y eût trop d’ingénieurs, le même inconvénient existe s’il y a trop de jurisconsultes. Si vous admettez que la commission se composera de sept membres dont cinq jurisconsultes, il pourra arriver, les deux ingénieurs s’abstenant, que la commission ne se trouvera composée que de jurisconsultes. Il me semble que le remède à cela serait de ne composer la commission que de six membres, dont deux ingénieurs, parce qu’alors il y aurait toujours au moins un ingénieur, qui prendrait part à la délibération.

M. H. de Brouckere. - C’est impossible, parce que quand la commission délibérerait au complet, s’il se trouvait que trois membres fussent d’un avis et trois d’un autre, il n’y aurait aucun moyen de vider le partage.

M. Poschet. - En nommant cinq jurisconsultes et deux ingénieurs, on pourrait décider que quand la commission jugera au nombre de cinq membres, il devra y avoir au moins un ingénieur.

M. le président. - Je vais poser la question de savoir si la commission sera composée de cinq membres.

M. Mary. - Je crois qu’il conviendrait de commencer trois ingénieurs, attendu qu’il y a trois districts de mine, un à Liége, un à Mons et l’autre à Namur, et il serait souvent utile d’avoir les avis de ces ingénieurs.

M. Poschet. - Si vous nommez trois ingénieurs, comme, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer dans une autre séance, ils sont toujours disposés à accorder des concessions, chaque fois qu’ils se trouveront en majorité dans la commission, la concession sera accordée comme ils sont surtout appelés dans la commission pour y donner des renseignements, je crois que un ou deux ingénieurs suffisent.

M. Gendebien. - J’ai encore une autre observation à faire ; ce n’est pas indispensable que les ingénieurs interviennent dans la délibération, attendu qu’aucune demande de concession ne part du conseil provincial, sans être accompagnée de l’avis de l’ingénieur de la province ; ainsi tombe l’objection de M. Mary ; je persiste à demander que la commission soit composée de cinq jurisconsultes et de deux ingénieurs.

- Cette dernier proposition est mise aux voix et adoptée.

M. H. de Brouckere. - M. le président, je demande que mon amendement soit mis aux voix.

M. Liedts. - L’amendement sur la dénomination de jurisconsultes ou de licenciés.

- L’amendement de M. H. de Brouckere est mis aux voix et rejeté.

L’article premier, amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 2

L’article 2 est pareillement adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble. En voici le résultat :

Membres présents, 66.

Oui, 59.

Non, 1.

Six membres se sont abstenus. Ce sont MM. Coghen, Dams, Davignon, de Gerlache, Leclercq et Seron.

M. de Gerlache reprend le fauteuil.

Projet de loi monétaire

Discussion générale

L’ordre du jour est la discussion de la loi sur les monnaies.

M. le président. - Demande-t-on la parole sur l’ensemble de la loi ?

M. A. Rodenbach. - Je ne crois pas que pour donner de la nationalité à notre système monétaire, nous devions prendre le mot « livre » au lieu du mot « franc » employé ailleurs. Il ne faut pas donner une telle valeur aux mots que d’attacher de la nationalité à leur choix. Notre langue est la langue française, nous avons une origine commune avec la France, et je crois que le mot « franc » nous convient le plus. Nous avons en outre tant de relations de commerce avec la France que nous devons adopter les mêmes mesures. Dans la moitié de l’Europe, on a des relations commerciales avec la France et le mot « franc » et sa valeur sont parfaitement connus.

Il y aurait plusieurs inconvénients à adopter le mot « livre » qui n’a pas un sens bien déterminé : il y a la « livre gros », la « livre de change », la « livre parasis », etc. J’appuie donc l’amendement de la section centrale relative au mot « franc ».

M. Desmanet de Biesme. - Je demande la parole.

M. le président. - Est-ce sur l’ensemble de la loi.

M. Desmanet de Biesme. - Je demande si nous allons délibérer sur les amendements de la section centrale ou sur le projet du gouvernement.

M. d'Elhoungne. - La section centrale n’a pas proposé un nouveau projet de loi ; elle n’a eu pour but que de rédiger les amendements proposés dans les sections. Lors de la discussion, mon intention est de présenter des amendements au projet du ministère.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, j’espérais ne plus devoir prendre la parole dans cette enceinte comme ministre des finances ; mais une volonté auguste, à laquelle je sais obéir, m’a obligé de venir défendre le projet de loi sur le système monétaire. Je ne puis me rallier au nouveau projet qui a été présenté ; mais je suis prêt à répondre aux objections qui seront faites sur les articles, quand la discussion en sera ouverte.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - L’article premier du projet du gouvernement est ainsi conçu :

« Cinq grammes d’argent au titre de neuf dixièmes de fin 900/1000 constituent l’unité monétaire, qui sera nommée livre belge. »

M. A. Rodenbach. - Je propose un amendement ; je demande que l’on substitue le mot « franc » au mot « livre ».

M. le président. - Voici l’article du projet de la section centrale :

« Cinq grammes d’argent, au titre de 9 dixièmes de fin et d’un dixième d’alliage, constituent l’unité monétaire, sous le nom de franc. »

M. d'Elhoungne. - La section centrale propose deux amendements. L’une est la substitution du mot « franc » au mot « livre » ; l’autre est la suppression de l’article 3 du projet du gouvernement, parce qu’il est la répétition de l’article premier. La section centrale a cru convenable de fondre ces deux articles en un, d’après l’avis émis dans d’autres sections.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, quant à la dénomination de l’unité monétaire, le gouvernement se rallie à l’avis de la section centrale ; il adopte le mot « franc » ; quant à la suppression de l’article 3, je ne puis y consentir. L’article premier qu’on nous propose contient des répétitions : l’expression de neuf dixièmes de fin comprend nécessairement l’expression de un dixième d’alliage ; l’expression de neuf dixièmes de fin, employée seul, est l’expression scientifique.

L’article 2 dit quelle sera la valeur de chacune des pièces d’argent. L’ordre que nous avons suivi est celui qui a été suivi dans la loi française, et je crois que nous devons l’admettre si nous voulons être clairs.

- Un membre. - C’est juste.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - L’article premier pourrait être celui-ci : Cinq grammes d’argent au titre de neuf-dixièmes de fin, constituent l’unité monétaire, qui sera nommée franc. »

M. le président. - Vous consentez donc à l’admission du mot franc ?

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Oui, monsieur.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’article du ministre.

M. Jullien. - On peut mettre aux voix la rédaction de la section centrale ; cela ne peut déplaire au ministre des finances.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les deux amendements.

M. Jullien. - Je préfère la rédaction de la commission centrale.

M. le président. - M. le ministre consentez-vous à l’adoption de la rédaction de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Oui, monsieur ; j’y consens.

- L’article premier, proposé par la section centrale, et que nous avons rapporté ci-dessus, est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2 du gouvernement. Les pièces de monnaie d’argent, seront d’une demi-livre, d’une livre, et de cinq livres. »

« Art. 2 de la section centrale Les pièces de monnaie d’argent seront d’un demi-franc, d’un franc, de deux et de cinq francs.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, en présentant le projet de loi qui borne les pièces d’argent aux pièces d’un demi-franc, d’un franc et de cinq francs, j’ai cru que pour les besoins du commerce et l’usage journalier, ces pièces suffisaient, que la pièce de deux francs était inutile. L’habitude que j’ai des transactions commerciales et du mouvement des monnaies, m’a montré que la pièce de deux francs n’était pas nécessaire, et je l’ai supprimée. Toutefois, si la représentation nationale le désire, je n’ai pas de motifs sérieux pour m’opposer à l’admission de la pièce de deux francs, elle n’occasionnera qu’une dépense de plus pour la fabrication.

M. Devaux. - Je demanderai la parole pour un autre amendement.

M. Mary. - Nous devrions suivre l’usage adopté en France et en Italie, d’avoir des pièces d’un quart de franc, d’un demi-franc, d’un franc, de deux et de cinq francs. Si nous n’adoptons pas le quart de franc et les deux francs, nous manquerons aux analogies que nous voulons établir.

- L’article 2 de la section centrale est adopté.

M. Mary. - J’ai demandé le quart de franc.

M. Devaux. - Je demande aussi que la chambre adopte une pièce intermédiaire aux sous et au demi-franc.

Conservons le calcul décimal : mais pour les commodités de l’usage il faut nous rapprocher de ce qui existe. Or, dans ce pays on a des plaquettes des pièces de dix cents ; je préférerais donc des pièces de 20 centimes aux pièces de 25 centimes. La pièce de 20 centimes se divise plus facilement que la pièce de 25 centimes, qui est d’un usage incommode en France. Je propose d’ajouter à l’article 2 les pièces de 20 centimes.

- En ce moment M. le général baron Evain est introduit ; il est accompagné de M. de Mérode ; tous deux prennent place au banc des ministres.

M. le président. - On propose deux amendements.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je répondrai aux deux amendements. Si nous voulons suivre le système français, nous ne pouvons pas nous écarter du titre qui a été adopté. Pour avoir une pièce de 20 centimes, il faudrait altérer l’alliage. Les pièces de 20 centimes au titre de 9/10 seraient trop petites. Si on altère la pièce de 20 centimes, on aura une pièce analogue à celle de 10 cents ; mais je ne crois pas qu’une pièce semblable soit nécessaire aux usages ordinaires.

M. le président. - M. Devaux a la parole.

M. Devaux. - Je ne l’ai pas demandée.

M. Osy. - Je veux m’opposer à l’admission de la pièce de 20 centimes ;au titre de 9/10, elle est trop petite ; si nous devons créer une semblable pièce, attendons que nous en soyons à la discussion des monnaies de billon ; nous verrons alors si nous devons faire des pièces au titre de 500 millièmes. Ainsi je vote contre l’amendement de M. Mary.

Communication du gouvernement

Nomination du général de division Evain comme ministre directeur de la guerre

M. le président. - Je vais faire donner lecture à la chambre d’une lettre de M. le ministre de la guerre.

« Bruxelles, le 21 mai 1832.

« Monsieur le président,

« J’ai l’honneur de vous transmettre, sous ce couvert, pour être communiqué à la chambre, ampliation d’un arrêté du roi, portant la date du 20 de ce mois, par lequel M. le général de division baron Evain est nommé ministre directeur de la guerre.

« Agréez, etc.

« Le ministre d’Etat, chargé par intérim du portefeuille de la guerre.

« Signé : comte F. de Mérode. »

« Léopold, roi des Belges, à tous présents et à venir, salut :

« Vu la loi du 13 de ce mois qui confère au lieutenant-général baron Evain (Louis-Auguste-Frederic) des lettres de grande naturalisation en Belgique :

« Vu notre arrêté en date du 19 de ce mois, qui admet au service de la Belgique le baron Evain, avec le grade de général de division dont il était revêtu en France depuis le 4 janvier 1832 ;

« Vu notre arrêté de ce jour, qui détermine les fonctions de ministre directeur de la guerre ;

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Le général de division baron Evain est nommé ministre directeur de la guerre.

« Art. 2. Le ministre d’Etat chargé par interim du portefeuille de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté.

« Bruxelles, le 20 mai 1832.

« Signé : Léopold.

« Par le Roi : Le ministre d’Etat chargé par interim du portefeuille de la guerre.

« Signé : Comte F. de Mérode. »

Projet de loi monétaire

Discussion des articles

Article 2

M. d'Elhoungne. - Dans la section centrale, lorsqu’il s’est agi de savoir si nous aurions des pièces intermédiaires aux sous et aux pièces de 50 centimes, on a remarqué que nous avions déjà un grand nombre de pièces d’une valeur équivalente ; que nous avions la plaquette, la pièce de 5 escalins, la pièce de 8 sous, la pièce de 2 escalins, le quart de couronne, la pièce de 5 plaquettes. Au lieu de ces pièces nous pourrions n’avoir que le demi-franc, le franc et le double franc ; mais il en résulterait un inconvénient qui a été ressenti dans plusieurs parties de la France ; avec les pièces décimales on pouvait difficilement faire l’échange des pièces de 3 livres et de 6 livres contre de la petite monnaie. Pour avoir des monnaies au-dessous du demi-franc nous avons deux moyens ; c’est de maintenir le titre ou de l’altérer ; si vous l’admettez vous trompez la foi publique ; car la monnaie doit contenir la quantité d’argent relative à sa valeur. Si vous n’altérez pas le titre vous ferez de trop petites pièces.

Si vous changez la quantité d’argent qui doit entrer dans une pièce au-dessous du demi-franc, vous augmentez l’alliage pour la prendre plus pesante et en augmenter la dimension, vous occasionnez au trésor deux genres de perte ; la perte de la matière que vous ajoutez à l’argent ; la perte de la main-d’œuvre.

Il est impossible d’apporter dans l’exécution des petites pièces, la précision qu’on apporte dans les grandes ; ainsi la fabrication des petites apporte véritablement une altération dans le titre monétaire de l’argent.

Des personnes qui ont parcouru l’Italie m’ont assuré qu’il y a une grande masse de pièce d’un quart de franc en circulation, et qu’on ne s’y plaignait pas de cette circulation, qu’au contraire on en retire de grands avantages. Cependant en fabricant des pièces d’un quart de francs on s’éloigne du système décimal. Les pièces de 20 centimes rentreraient davantage dans ce système, mais seraient trop petites. Elles pèseraient exactement un gramme puisque la pièce de un franc ou cent centimes pèse 5 grammes.

Adoptez le quart de francs ou le cinquième de franc, mais n’altérez pas le titre.

M. Mary. - Je veux présenter quelques observations à l’appui de ce qu’a dit le préopinant. Nous ferons grand usage de pièce de 25 centimes ou des pièces de 20 centimes ; du moins je le crois.

On dit que les pièces de 25 centimes rompent le système décimal ; il y a erreur ; elles entrent dans ce système. Les pièces de 25 centimes donneront plus de variété dans les monnaies ; elles nous rapprocheront davantage du système monétaire des Français et des Italiens. D’ailleurs, en admettant une grande variété de pièces, le gouvernement sera toujours libre de prendre en plus grand nombre les pièces qu’il trouve plus avantageuse pour les usages ordinaires. Je demande que nous adoptions le quart de franc.

M. Osy. - Cette pièce d’un quart de franc, on ne s’en sert pas en France parce qu’elle est trop petite ; je pense qu’il faut faire une pièce de monnaie de billon.

- Une voix. - Non ; c’est de la fausse monnaie.

M. Legrelle. - Je ne crois pas qu’il soit utile de faire des pièces au-dessous d’un demi-franc.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Il est reconnu que les pièces de 25 centimes ne sont pas d’usage en France. Toutefois on peut les admettre, et si l’expérience apprend qu’elles peuvent être utiles, on en fabriquera. Nous avons des pièces de 10 et de 25 cents qui tiennent lieu des petites pièces qu’on pourrait faire.

M. Devaux. - Je retire mon amendement. Il m’est indifférent que ce soit en argent ou en billon ; je choisirais pourtant pour la monnaie de billon parce que la forme en serait plus commode.

- Le quart de franc, en argent de titre, mise aux voix est rejeté.

L’article 2 de la section centrale est adopté.

Articles 3 et 4

« Art. 3. Le poids de pièce d’un demi-franc sera de deux grammes cinq décigrammes ; celui de la pièce d’un franc, de cinq grammes ; celui de la pièce de deux francs, de dix grammes ; celui de la pièce de 5 francs, de 25 grammes. »

- Cet article est adopté sans discussion. Il tient bien de l’article 4 dans le projet du gouvernement

Article 5

« Article 5 (du gouvernement). Les pièces d’une demi-livre seront la taille de 400 pièces au kilogramme ; celui d’une livre à la taille de 200 pièces, et celles de cent livres à la taille de 40 pieds au kilogramme. »

M. d'Elhoungne. - La section centrale a demandé la suppression de cet article qui n’est évidemment que la répétition de l’article précédent. Avoir dit le poids d’une pièce, c’est avoir dit sa taille.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - L’article 5 est copié textuellement de la loi française ; il est un renseignement donné au commerce. Je ne sais pas néanmoins quel inconvénient il y aurait dans sa suppression.

M. Osy. - Je ne vois pas non plus d’inconvénients à laisser cet article dans la loi. Il faut, messieurs, que le public soit instruit de la valeur des pièces de monnaie.

M. d'Elhoungne. - L’article n’est pas dans la loi française. Le public illettré comprend mieux quand on lui dit : telle pièce pèse tel poids. Cet article est tout à fait superflu.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - On peut le supprimer sans inconvénient.

- L’article 5 n’est pas admis.

Article 6 (du gouvernement)

« Art. 6 (du gouvernement). La tolérance du titre sera, pour la monnaie d'argent, de trois millièmes en dehors, autant en dedans. »

- Adopté sans discussion.

Article 7 (du gouvernement)

Art. 7 (du gouvernement). La tolérance du poids sera, pour la pièce d'un demi-franc, de sept millièmes en dehors, autant en dedans. Pour les pièces d'un franc, de cinq millièmes en dehors, autant en dedans, et pour les pièces de 5 livres, de trois millièmes en dehors, autant en dedans. »

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Comme vous avez admis les pièces de deux francs, il faut adopter l’article de la section centrale.

Article 5 (de la section centrale)

« Art. 5 (de la section centrale, et qui devient l’article 7 de la loi). La tolérance du poids sera, pour la pièce d'un demi-franc, de sept millièmes en dehors, autant en dedans ; pour la pièce d'un franc et de deux francs, de cinq millièmes en dehors, autant en dedans, pour la pièce de cinq francs, de trois millièmes en dehors, autant en dedans. »

Article 8 (du gouvernement) et article 6 (de la section centrale)

« Art. 8 (du gouvernement). Il sera fabriqué des pièces d'or de vingt francs. »

« Art. 6 (de la section centrale). Il sera fabriqué des pièces d'or de vingt et de quarante francs. »

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, il m’a paru qu’une seule d’or suffisait à la circulation, par vue d’économie dans la fabrication, j’ai supprimé la pièce de 40 francs, qui demandera un poinçon séparé. Si toutefois la législature veut des pièces de 40 francs, il n’y a pas d’inconvénient à les admettre.

M. Gendebien. - Il ne me semble pas qu’il y ait grand inconvénient à admettre les pièces de 40 francs. Il me semble, à moi, qu’il a économie à avoir des coins, dont l’un produit le double de l’autre. Il faut, il est vrai, un coin de plus ; mais il y a économie, dans la main-d’œuvre.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, pour la fonte les frais sont les mêmes ; mais en ne faisant qu’une pièce, on économie un poinçon et un peu de main-d’œuvre.

- L’article 6 de la section centrale est adopté. Ainsi, il y aura des pièces d’or de quarante francs.

Article 9 (du gouvernement).

« Art. 9. Leur titre est fixé à neuf dixièmes de fin et un dixième d'alliage. »

- Adopté.

Article 10 (du gouvernement) et article 7 (de la section centrale)

« Art. 10 (du gouvernement). La pièce de vingt francs sera à la taille de cent cinquante-cinq pièces au kilogramme. »

L’article 8 de la section centrale remplace l’article 10 du gouvernement. Voici cet article :

« Les pièces de vingt francs seront à la taille de cent cinquante-cinq pièces au kilogramme, et les pièces de quarante francs à celle de soixante-dix-sept et demi. »

M. d'Elhoungne. Cet article est en conséquence du poids de la pièce.

- L’article 8 de la section centrale est adopté.

Article 11

« Art. 11. Le poids de la pièce de vingt francs sera de six grammes, quarante-cinq centigrammes. »

M. Liedts. - Je demande la suppression de cet article, qui dit la même chose que l’article précédent.

M. Osy. - Il faut le retrancher.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je ne m’y oppose pas.

- L’article est retranché.

Articles 12 et 13

« Art. 12. La tolérance du titre de la monnaie d'or est fixée à deux millièmes en dehors, autant en dedans. »

« Art. 13. La tolérance du poids est fixée à deux millièmes en dehors, autant en dedans. »

- Ces deux articles sont adoptés sans discussion.

Article 14

« Art. 14. Il sera fabriqué des pièces de cuivre pur, de un centime, de deux centimes, de cinq centimes et de dix centimes de franc. »

M. d'Elhoungne. - Messieurs, la section centrale avait proposé de transporter ici toutes les dispositions tendant à déterminer tout ce qui est relatif aux espèces que les particuliers voudraient faire fabriquer dans les hôtels des monnaies. On avait donc fait suivre l’article 14 des articles 31 et 32 du projet. Cependant, si M. le ministre tient à consacrer la distribution primitive de son projet de loi, je ne m’y opposerai pas.

M. Gendebien. - Je ne sais de quelle utilité peut être la pièce de un centime, j’en demande la suppression.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Il est impossible d’abandonner la fabrication des centimes. Cette petite pièce est nécessaire pour les appoints. Sans cela il serait impossible de parfaire aucun compte.

M. Gendebien. - Tout à l’heure on a trouvé qu’il y avait inconvénient de fabriquer des pièces d’argent de vingt à vingt-cinq centimes, à cause de leurs petitesse ; la pièce de un centime sera plus petite encore. On a admis d’abord cette monnaie en France, et ce n’est pas à cause de son utilité. J’ai eu occasion d’en parler à M. Ramel, sous le ministère duquel les centimes furent émis, il m’expliqua que c’était moins dans un but d’utilité publique que pour accoutumer le peuple au système décimal. Toutes les pièces étaient si petits et si peu en usage que bientôt elles ont toutes disparu de la circulation. Aujourd’hui le motif de leur création n’existe plus, le peuple a commencé à s’accoutumer au système décimal. Les centimes sont parfaitement inutiles.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Le gouvernement ne fera battre de centimes que la quantité rigoureusement nécessaire aux transactions journalières. Il n’est pas possible de s’en passer, car si vous voulez un système complet, il vous faut partir de l’unité.

M. Osy. - On n’en frappera que le nombre nécessaire.

M. Verdussen. - L’existence des demi-cents prouve l’utilité du centime. Pour les consommateurs il est nécessaire d’avoir des pièces de cette valeur, et vous pouvez voir par l’usage fréquent que vous faites des demi-cents qu’on en peut guère s’en passer.

M. Gendebien. - En France on n’en trouve plus dans la circulation.

M. Devaux. - Je demande le maintien du centime, que je trouve très utile. Il est possible que les classes aisées de la société puissent s’en passer ; mais il est indispensable pour l’usage journalier qu’en fait la classe pauvre qui achète de petites quantités de provisions, et par petites subdivisions de poids. Dans toutes les petites boutiques cette petite monnaie se perçoit très bien.

M. A. Rodenbach. - J’appuie les observations de M. Devaux : je demande aussi le maintien du centime ; sans cela, quand le pauvre irait payer ses contributions, et le percepteur profiterait des centimes au-dessus de l’appoint.

M. le président. - Je vais metrte aux voix l’amendement de M. Gendebien.

M. Gendebien. - J’y renonce. C’était plutôt de ma part une observation qu’une proposition.

M. le président. - La section centrale a proposé la suppression du décime.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - En France le décime existe, et je l’ai cru utile.

M. Verdussen. - Je crois que la section centrale a eu raison de proposer la suppression du décime de cuivre si on doit le remplacer par une pièce de billon de la même valeur. Cette question se lie à celle de M. Osy qui a proposé d’établir une monnaie de billon. Il faudrait donc savoir si cette proposition sera accueillie avant de supprimer le décime si on ne créait pas des pièces de billon, j’aimerais mieux pour ma part que l’on conservât le décime de cuivre. Je demande donc qu’on ajourne la discussion sur ce point jusqu’à la décision de la chambre sur la proposition de M. Osy.

M. le président. - Je vais consulter la chambre pour savoir si on supprimera le décime de cuivre. (Non ! non !)

M. Verdussen. - On pourrait adopter l’article, sauf à l’amender plus tard, quand la proposition de M. Osy aura été discutée.

M. Gendebien. - Je ne conçois pas la répugnance de la section centrale pour la pièce de dix centimes ; c’est bien assurément la pièce la plus décimale de toutes. On la trouve trop lourde, dit-on ; mais deux pièces de cinq centimes réunies feront le même poids. Ce sera absolument la même chose, sous ce rapport, de porter une pièce de dix centimes ou deux de cinq. Je ne vous donc pas d’inconvénient à conserver le décime, j’y vois au contraire un avantage pour le trésor, qui épargnera sur la fabrication ; car on a aussitôt battu une pièce de dix centimes qu’une de cinq, et il n’y aura aucun embarras de plus pour la circulation.

M. d'Elhoungne. On a été préoccupé, en proposant la suppression du décime, de l’idée de cette masse énorme de gros sous en circulation en France, et c’est pour cela que les sections ont manifesté le désir de ne pas avoir une telle monnaie. Mais quand on réfléchit que deux pièces de cinq centimes forment le même poids que la pièce de dix, on voit qu’il n’y a pas plus d’inconvénient à adopter l’une que l’autre. On peut donc maintenir le décime ; mais alors je proposerai une autre mesure, ce serait de borner la quantité de pièces d’un décime que le gouvernement serait autorisé à faire frapper, à la somme strictement nécessaire pour le besoin de la circulation.

M. Gendebien. - Je ne pense pas que le ministre soit disposé à en faire frapper plus qu’il n’en faudra. Mais je ferai observer que, si en France, il y a excédant de gros sous, c’est que pendant la révolution on fondait les cloches pour battre monnaie, et qu’on en fit autant que dire la matière. Maintenant la même raison de craindre un excédant n’existe pas, car au lieu de fondre les cloches on en fait de nouvelles tous les jours. (Hilarité).

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Jamais le gouvernement n’embarrassera la circulation par une trop forte émission de monnaie de cuivre, et quoiqu’il y aurait avantage pour le gouvernement dans cette émission, on ne battra de décimes que pour l’usage journalier rigoureusement nécessaire. Pour 4 ou 500,000 francs tout au plus.

M. A. Rodenbach. - En France, il y a en effet trop de gros sous, et c’est un inconvénient, car dans les paiements faits avec cette monnaie on perd 3 p. c. J’appuie l’amendement de M. d'Elhoungne.

M. Devaux. - Tout le monde est d’accord sur le maintien de la pièce de 10 centimes, mais on diffère sur le point de savoir si elle sera de cuivre pur ou en billon. C’est la question qu’il faudrait d’abord résoudre. La plus forte, la seule objection qu’on fasse contre le décime de cuivre, c’est son poids ; cet inconvénient disparaîtrait si on se décidait à mettre des pièces de billons. Il me semble donc qu’il faudrait commencer par agiter cette question.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - En France et en Angleterre on a dû abandonner la monnaie de billon, par la facilité qu’il y a de la contrefaire. Nous courrions ici le même risque qu’en France, où il y a une masse de pièces de 10 centimes, qui ne sont autre chose qu’un morceau de cuivre blanchi.

M. Ch. de Brouckere. - Il y a un inconvénient des deux côtés. Le ministre vous a signalé l’inconvénient des pièces de billon ; ces pièces sont, en effet, sans aucune valeur ; autant vaudrait un morceau de papier. D’un autre côté, les pièces de 10 centimes sont trop lourdes et je n’en vois aucunement l’utilité. Car vous avez des pièces de 5 centimes, qui servent tout aussi bien que le décime ; il ne s’agit que d’en prendre deux au lieu d’une. En général, il faut éviter la fabrication des pièces de cuivre, pour deux raisons : d’abord, à cause de l’usance qui s’opère rapidement ; 2° parce que le cuivre ne représente jamais la valeur réelle de la pièce ; ainsi une pièce de cuivre ne vaut que les 7/80 de la valeur qu’elle représente. Quant au billon, il ne représente rien du tout, je demande donc la suppression du décime.

M. Legrelle. - Je prie l’assemblée d’être bien persuadé que le trop grand poids d’une pièce de cuivre est un grand inconvénient. En 1814, on fit frapper à Anvers des pièces de cuivre, qui portaient le nom de monnaie « obsidionale » ; c’étaient des pièces extrêmement lourdes : aussi, dès que le siège fut levé, personne n’en voulait, et pour ma part, je fus obligé d’en faire fondre pour trois cents francs, environ qui m’était restée.

M. A. Rodenbach. - J’appuie les observations de M. Ch. de Brouckere. Quant à la monnaie de billon, les faux monnayeurs ont à la contrefaire une trop grande facilité.

M. Verdussen. - Je le répète encore ; si vous ne faites pas frapper des pièces de billon, ; il faut nécessairement avoir le décime en cuivre, sans cela vous n’auriez fait que détruire le système décimal, sans utilité aucune ; car comme l’ont fait observer plusieurs orateurs, l’inconvénient du poids est le même, que vous ayez deux pièces de 5 centimes ou une de dix. Je crois donc, comme je l’avais dit d’abord, qu’il faut décider avant tout s’il y aura une monnaie de billon.

M. Leclercq. - Je crois aussi qu’il faut d’abord décider s’il y aura une monnaie de billon ; mais notre discussion se prolonge beaucoup trop et elle se prolongera indéfiniment si personne ne fait de proposition.

M. Ch. de Brouckere. - D’après le raisonnement de M. Verdussen, on pourrait battre des pièces de 60, de 80, de 100 francs, sous prétexte que de telles pièces ne pèseraient que trois, quatre ou cinq fois autant qu’une pièce de 20 francs. Ce raisonnement pourrait aller à l’infini. Je répète, moi, que le décime est parfaitement inutile, j’en demande la suppression.

M. Osy. - Je propose que l’on fasse fabriquer des pièces de billon de la valeur de 10 et 20 centimes. Si ma demande est appuyée, je propose qu’elle soit renvoyée à la commission, car on ne peut ni improviser un système à cet égard, ni le discuter subitement.

M. d'Elhoungne. - La question du billon a été agitée et décidée dans la section centrale. Mon rapport en fait mention, dès lors tout le monde a pu se préparer à soutenir ou combattre ce système.

M. le président relit la proposition de M. Osy.

M. Devaux. - Je ne tiens pas autant à la pièce de 10 centimes qu’à celle de 20, mais je tiens à ce qu’il y ait une monnaie intermédiaire entre la pièce de cinq centimes et celle de 50, sans cela notre système aura une peine infinie à prendre. Il faudrait autant que possible, tout en conservant le système décimal, se rapprocher de ce qui existe. Or, vous avez maintenant les pièces de 10 liards la plaquette ; le peuple y est accoutumé, il faut faire pour lui quelque chose d’approchant. Sans cela, comme je le disais, notre système ne réussira que très difficilement. J’aimerais mieux les pièces de 20 centimes que celles de 10 ; mais comme je ne peux pas plus que M. Osy improviser un système, je demande comme lui le renvoi à la section centrale.

M. le président. - Je vais consulter l’assemblée pour le renvoi à la section centrale.

M. H. de Brouckere. - Ces messieurs veulent que l’on décide d’abord en principe s’il y aura des pièces de billon.

M. Osy. - C’est ce que j’ai demandé ; que l’on décide d’abord le principe, et s’il est adopté, que l’on renvoie à la section centrale.

M. Devaux. - La division.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Créer une monnaie de billon, c’est s’exposer à la contrefaçon. L’exemple des autres nations est là : l’Angleterre l’a abandonné et la France n’en fera plus ; et remarquez que ce n’est pas le riche qui y perd, mais le pauvre, qui manquant d’instruction est exposé plus que personne à être trompé, parce qu’il n’a pas le moyen de reconnaître et distinguer les pièces fausses. C’est une raison puissance pour renoncer à la monnaie de billon.

M. Devaux. - Je demande la division.

M. le président. - Puisqu’on demande la division, je vais mettre aux voix d’abord s’il y aura des pièces de billons de 20 centimes.

- Cette proposition est rejetée.

M. Desmet. - Il n’y aura pas de monnaie de billon.

- Plusieurs voix. - Des pièces de 20 centimes, mais on n’a pas décidé pour celles de 10.

M. le président consulte l’assemblée pour savoir s’il y aura des pièces de 10 centimes.

- Cette proposition est rejetée.

On met ensuite aux voix la suppression du décime.

Cette suppression est rejetée.

L’article 14 est adopté.

Article 15

« Art. 15. Les pièces d’un centime seront à la taille de 500 pièces au kilogramme ; celles de deux centimes, à la taille de 250 pièces au kilogrammes ; celles de cinq centimes, à la taille de 100 pièces au kilogramme ; et celles de dix centimes, à la taille de 50 pièces au kilogramme. »

M. d'Elhoungne. - La section centrale, conformément à la décision prise sur l’article 5, a demandé la suppression de l’article 15, qui est conçu dans les mêmes termes que l’article 16.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je consens à la suppression.

- Elle est ordonnée.

Articles 16 et 17

Les articles 16 et 17 sont adoptés sans discussion en ces termes ;

« Art. 16. Le poids d’un centime sera de deux grammes ; celui de deux centimes, de quatre grammes ; celui de cinq centimes, de dix grammes, et celui des pièces de dix centimes, de vingt grammes. »

« Art. La tolérance du poids sera, pour les pièces de cuivre, d'un cinquantième en dehors. »

Article 18

On passe ensuite à l’article 18 ainsi conçu :

« Art. 18. Le type des monnaies est réglé comme suit, pour les pièces d’or et d’argent.

« Elles porteront d’un côté l’effigie du roi, entourée de la légende : « Léopold Ier, roi des Belges » ; de l’autre, les armes du royaume placées entre la valeur nominale, et ayant au-dessous l’année de la fabrication.

« La tranche des pièces portera en creux la légende : « Dieu protège la Belgique », avec les abréviations si elles sont nécessaires. »

A cet article, la section centrale a proposé un amendement, ainsi conçu :

« Les pièces de monnaie d'or, d'argent et de cuivre porteront l'effigie du monarque avec son nom et l'inscription : « Roi des Belges ».

« Sur le revers, l'indication de la valeur de la pièce, le millésime et l’emblème qu’un jury aura trouvé le plus convenable, après sa mise au concours.

« Les pièces d'argent au-dessous de deux francs, et celles en cuivre, seront cordonnées. Les pièces de deux, de cinq, de vingt et de quarante francs porteront sur la tranche et en creux la légende : « Dieu protège la Belgique. »

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, la section a désiré que le type des monnaies d’or, d’argent et de cuivre, portassent l’effigie du roi ; cela serait fort dangereux. Qu’on le mette sur l’argent et l’or, en changeant le buste de face, d’accord ; car si les faux monnayeurs doraient une pièce d’argent, la contrefaçon serait aisément reconnue ; mais sur le cuivre ce serait dangereux, parce que vous n’avez pas trois manières de tourner l’effigie du roi : par conséquence la pièce de cuivre ressemblerait sous ce rapport, soit à l’or, soit à l’argent, et en la dorant ou l’argentant, on commettrait aisément la fraude.

La section centrale a désiré qu’on ne s’expliquât pas sur la question de savoir si la légende sera en creux ou en relief. Jusqu’en 1831, en France elle a été en creux ; de cette manière la contrefaçon est plus difficile. En relief, au contraire, le cordon s’use et la contrefaçon devient facile. Je pense que la légende en creux est préférable. Quant au revers, si on ne veut pas les armes du royaume, je proposerai d’y placer la valeur nominale entre deux branches de chêne ; mais je ne peux consentir à ce que ce soit mis au concours, parce que tel dessin pourrait être bien fait et agréable à la vue, qui serait inexécutable sur la monnaie. Il faudrait donc laisser le soin de l’exécuter à l’artiste qui exécutera les coins.

M. d'Elhoungne. - Je me rallier à M. le ministre des finances, pour ce qui concerne la légende. Je pense que le changement qu’il y a eu en France à cet égard tient plutôt à une cause politique qu’à l’idée des inconvénients attachés à la légende en creux. Quant à l’effigie du roi, la crainte manifestée par M. Le ministre, qu’on ne dore les pièces de cuivre, est un inconvénient trop facile à éviter pour s’y arrêter. Au lieu d’avoir une seule empreinte, on pourra en avoir deux d’une grandeur différente, et de cette manière, au simple aspect, on verra bien que la pièce n’est pas d’or : en second lieu, le danger me paraît assez éloigné, car sous Bonaparte, sous le gouvernement français, sous le gouvernement autrichien, toujours l’effigie du monarque a été sur les monnaies de cuivre, et jamais on n’en a abusé. Je crois donc que le danger n’est pas réel et qu’on s’effraie d’une chimère.

Quant à l’emblème à placer au revers, on peut choisir entre les deux systèmes de la section centrale : ce serait ou deux branches de chêne ou d’olivier, ou le lion au repos ; ce dernier emblème pourrait être d’une belle exécution que l’art et le goût pourraient également avouer.

M. Ch. de Brouckere. - Je ne vois pas de motif pour graver le buste du roi sur les pièces de cuivre. L’honorable préopinant a dit que cela s’est toujours fait sans inconvénient, mais nous savons le contraire par expérience, car depuis le système hollandais, nous avons vu cent fois des pièces d’un cents qu’on argentait et qu’on faisait passer pour des pièces de 25 cents. Cependant l’un et l’autre portaient un double W bien différent, car l’un était en trait d’imprimerie et l’autre en trait d’écriture ; on sent combien il serait facile d’être trompé, à moins de prendre des précautions excessives ; et d’abord on serait obligé, toutes les fois qu’on recevrait une somme, de tourner les pièces des deux côtés, de les vérifier l’une après l’autre, quand on les mettrait en pile : or, il faut éviter, surtout quand on met la monnaie en pile, qu’on ne puisse pas mêler deux espèces de pièces. Il n’y a donc aucune raison pour graver le buste du roi sur la monnaie de cuivre, et quand d’une autre part on y voir de si grands inconvénients, je ne conçois pas qu’on insiste sur ce point.

M. d'Elhoungne. - Je n’insiste pas ; mais quand au motif qui avait décidé la section centrale à placer l’effigie du roi sur la monnaie de cuivre, il est facile à deviner d’après l’opinion généralement reçue : le peuple ne reconnaît le prince que par le portrait empreint sur les monnaies ; et ce ne sera ni sur les pièces d’or ni sur les pièces d’argent qu’il sera à même de le voir, mais sur les pièces de cuivre. Pour moi personnellement, je ne vois pas d’inconvénient à le supprimer, et je pense que la section centrale n’y tient pas davantage. (Aux voix ! aux voix !)

M. Verdussen. - Puisque M. d'Elhoungne n’insiste pas, j’aurai peu de choses à dire, mais je prie la chambre de remarquer qu’on avait fondu les articles 18 et 20 dans l’article 16 de la section centrale, et je demande qu’on en fasse la division de nouveau. Quant à tous les autres amendements, j’adopte la rédaction de la section centrale qui me semble à tous égards préférable à celle du ministre.

M. le ministre des finances (M. Coghen) donne lecture d’un amendement.

M. le président. - Il me semble qu’il faudrait décider avant si l’effigie du Roi sera gravée sur la monnaie en cuivre.

M. Legrelle. -M. d'Elhoungne y a renoncé.

- La question de savoir si l’effigie du Roi sera gravée sur les pièces de cuivre est mise aux voix et résolue négativement.

M. le président. - Voici le paragraphe premier de l’amendement de M. le ministre des finances : « Le type des monnaies est réglé comme suit pour les pièces d’or et d’argent. »

M. d'Elhoungne. - Il me semble qu’en écartant la proposition de la section centrale relative à l’effigie du Roi sur le cuivre, on pourrait conserver le premier paragraphe de son article. Par là vous éviterez de répéter les mots « Roi des Belges », et puis vous éviterez une indication, celle du nom même du roi, qui cesse d’être juste par la succession des temps.

- Voix - Il faudrait faire une nouvelle loi.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le premier paragraphe de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je ne m’oppose pas à la suppression réclamée par la section centrale, mais je ferai observer que dans toutes les lois monétaires le nom même du Roi sous lequel elles ont été faites y est porté.

M. d'Elhoungne. - Le nom du Roi se trouvera dans le mandement d’exécution de la loi.

- Plusieurs voix. - C’est juste !

M. le président. - Voici le deuxième paragraphe de l’amendement de M. le ministre ; « De l’autre la valeur nominale et le millésime entre une couronne de chêne. »

M. d'Elhoungne. - Je me rallie à l’amendement de M. le ministre des finances en faisant disparaître le mot relatif ; « l’autre », et en y substituant ceux-ci : « sur le revers », etc.

M. Lebeau. - Au lieu de « valeur nominale », il faut mettre dans l’article « l’indication de la valeur de la pièce » : il ne s’agit pas en effet ici de valeur nominale, ce serait bon si on parlait de papier monnaie ; mais les pièces ont une valeur réelle.

M. le président - Voici comment le paragraphe sera conçu : « sur le revers l’indication de la valeur de la pièce et le millésime entre une couronne de chêne. »

M. Van Meenen. - « Entre une couronne de chêne » ne peut pas se dire.

M. Fallon. - En effet, c’est une locution vicieuse ; « entre deux branches de chêne » il faudrait dire.

M. Seron. - Entouré, c’est ça !

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Il est nécessaire que le millésime soit entouré ; sans cela il y aurait un trop grand espace entre la couronne et le bord de la pièce. (Appuyé !)

M. le président. - C’est le sens de l’article.

- Le paragraphe ainsi amendé est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Voici le troisième paragraphe de M. le ministre des finances. « Les pièces d’argent au-dessous de deux francs, et celles en cuivre, seront cordonnées. Les pièces de 2, 5, 20 et 40 francs porterait sur la légende : « Dieu protège la Belgique. »

M. Ch. de Brouckere. - Il y a vice de rédaction dans ce troisième paragraphe : on s’y occupe de la pièce de cuivre dont nous n’avons pas encore parlé. Il allait avec le reste de l’article, avant que nous n’en eussions fait disparaître ce qui était relatif aux pièces de cuivre, mais n’ayant pas encore déterminé le type des monnaies de cuivre, il faut retrancher ce mot.

M. d'Elhoungne. - On peut retrancher la première partie et dire : « Les pièces de 2, 5, 20 et 40 fr. porteront sur la tranche etc., etc. »

M. Devaux. - Il faut parler des pièces d’argent au-dessous de 2 fr. qui doivent être cordonnées.

M. Osy. - On peut dire : les pièces d’argent au-dessous de 2 fr. seront cordonnées, et effacer « et celles en cuivre. »

M. le président relit le paragraphe ainsi amendé.

M. Jullien. Il faudrait mieux mettre le commencement à la fin.

M. le président. - Il faudrait renverser les deux parties du paragraphe, et dire : les pièces de 2, 5, 20 et 40 francs, porteront sur la tranche la légende : Dieu protège la Belgique ; les pièces au-dessous de 2 fr. seront cordonnées.

M. Mary. - Au lieu de dire les pièces au-dessous de 2 francs seront cordonnées, je demande qu’on dise les pièces au-dessous de cinq francs ; ce serait alors comme en France, où les pièces de 2 francs, sont cordonnées et ne portent pas de légende.

M. le président. - C’était la rédaction proposée par M. Osy.

M. Osy. - Pas du tout, je veux au contraire une légende sur les pièces de 2 francs, mais je voudrais qu’elle fût en creux, comme le portait le projet ministériel.

M. Lebègue. - Il y a erreur de fait de la part de M. Mary quand il dit que la légende n’existe pas en France sur les pièces de 2 francs ; elles portent au contraire la légende.

- Plusieurs voix. - Non, pas les nouvelles.

M. Mary. - Je persiste à demander que les pièces au-dessous de 5 francs soient cordonnées, ainsi que cela se pratique en France j’en ai la preuve en main.

M. Bourgeois, tenant une pièce à la main et la montrant à l’assemblée. - Voilà la preuve de ce qu’avance M. Mary. (On rit).

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Cordonnez les pièces de 1 franc, il n’y a pas de danger, mais il commence à y en avoir aux pièces de deux francs ; on peut contrefaire le cordon avec trop de facilité, je l’ai vu faire en ma présence et je peux en parler savamment.

M. Lebeau. - Je demande qu’on dise au lieu de « porteront la légende en creux » ; « porteront sur la tranche et en creux la légende », etc.

Le paragraphe 3 ainsi amendé est adopté ; il reste définitivement conçu en ces termes : « Les pièces de 2, 5, 20 et 40 francs, porteront sur la tranche et en creux la légende : Dieu protège la Belgique.

« Les pièces d’argent au-dessous de 2 francs seront cordonnées. »

Projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire au budget du département de la guerre

Dépôt

M. le président. - M. le ministre de la guerre a la parole.

- M. le général Evain monte à la tribune et s’exprime ainsi au milieu d’un profond silence.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, depuis l’époque à laquelle vous avez discuté et voté la loi du budget du département de la guerre, les événements politiques, qui se sont si rapidement succédé, ont suffisamment motivé les mesures qui ont été prises par le gouvernement, pour augmenter l’effectif de l’armée de ligne, en hommes et chevaux, et porter cet effectif au grand complet de guerre, fixé par la loi du 30 décembre 1831, qui se trouve supérieur à celui qui ressortirait des allocations du budget réglé par la loi du 29 mars suivant.

L’impulsion donnée aux diverses branches du service a nécessité l’emploi d’une forte partie des fonds assignés à quelques services spéciaux : ainsi, les nouveaux ouvrages défensifs élevés sur divers points de notre territoire, la mise en état de défense des places de Hasselt et de Lierre, les travaux de perfectionnement effectués aux ouvrages élevés sur la frontière des Flandres, ceux qui ont été récemment exécutés dans la place d’Anvers et ceux qui y restent encore à faire, et surtout les indemnités à payer aux propriétaires des terrains sur lesquels on a élevé des ouvrages défensifs, ont déjà absorbés une grande partie des fonds alloués par le service du génie, et qui avaient été reconnus très insuffisants pour les mesures de défense intérieure qui restaient à prendre.

L’augmentation du nombre de batteries attelées, les nouvelles commandes d’armes, devenues nécessaires, la fonte de gros canons à bombes, et de leurs projectiles, destinés à renforcer les moyens de défense de l’Escaut, le nombreux matériel d’artillerie construit à l’arsenal d’Anvers, pour compléter l’armement de cette place, et les équipages de campagne, la formation d’un équipage de ponts à la suite de l’armée, des achats d’approvisionnement de guerre de tout genre, devenus indispensables, ont aussi employé la majeure partie des fonds alloués pour les différentes dépenses du service de l’artillerie qui n’avaient pas été calculées sur ce nouveau déploiement de force et de moyens.

L’appel sous les drapeaux des miliciens de 1832, les nombreux enrôlements volontaires qui se sont accrus encore depuis que l’état de guerre a pris plus de probabilité, ont élevé l’effectif de l’armée de ligne au-delà du complet fixé par les allocations du budget, mais sans dépasser, toutefois, les limites posées par la loi du 30 décembre, et le gouvernement, loin de s’être cru dans l’obligation de se restreindre au chiffre fixé par le budget, a pensé, au contraire, que les circonstances politiques où nous nous trouvions, lui imposaient celles d’augmenter encore l’effectif de l’armée, en laissant un libre cours aux enrôlements volontaires.

La mise de l’armée sur pied de guerre, dès les premiers jours de ce mois, la réunion et la concentration des troupes qui ont quitté leurs garnisons et ont pris des cantonnements sur les frontières de la Hollande, exigeront un supplément de dépenses, par la substitution des vivres de campagne à la ration de pain en garnison, ou par l’indemnité accordée aux habitants qui nourrissent les troupes en cantonnement.

Les moyens de transport et de campement dont tous les corps viennent d’être pourvus, ont aussi entraîné des dépenses extraordinaires et non prévues au budget ; il est encore quelques autres articles, dont le montant avait été calculé sur le pied de simple rassemblement et qui doit nécessairement recevoir l’extension résultant de la mise sur le pied de guerre de toutes les troupes qui composent l’armée.

Les régiments de cavalerie reçoivent, non seulement le complet en hommes et en chevaux, fixé par le budget, mais encore l’augmentation reconnue nécessaire, et même indispensable, pour porter l’effectif de cette armée au taux proportionné à celui de l’armée tel qu’il est déterminé par la loi du 30 décembre 1831.

Il résulte de toutes les mesures prises jusqu’à ce jour, et de celles dont le gouvernement s’occupe encore, un accroissement de dépenses évalué à la somme de …, lesquels sont justifiées par les comptes, états et documents qui seront communiqués à la commission que nous vous proposons de nommer, pour les examiner et vous en rendre compte.

Cette somme se compose de deux parties distinctes ; la première concerne les dépenses déjà faites, et la seconde, celles qui sont à faire pendant les huit derniers mois de l’année, si le gouvernement se trouve dans l’obligation de conserver l’armée sur le pied où elle est aujourd’hui.

Nous devons vous faire remarquer à cet égard, que la somme de 29,554,000 allouée par la loi, qui a réglé le budget du département de la guerre, comprend les dépenses de solde et d’entretien d’une armée de 59,600 hommes et de 10,000 chevaux jusqu’à la fin de l’année 1832, et que, dans le cas où les négociations pourraient être entamées avant cette époque, et qu’elles fussent de nature à permettre une réduction dans l’effectif de notre armée, la diminution des dépenses qui devrait en résulter viendrait en compensation de l’augmentation que nous vous demandons en ce moment.

Les mêmes motifs peuvent également rendre inutile une partie du crédit extraordinaire et éventuel que nous vous proposons d’accorder au département de la guerre ; mais le gouvernement a besoin de cette latitude de crédits, qu’il attend de votre confiance, pour lever les obstacles qu’ils rencontreront dans l’exécution des mesures qui restent encore à prendre, obstacles qui proviendraient des limites assignées par la loi à chacun des articles de dépenses, dans lesquelles elle lui prescrit de se renfermer, et qui le mettraient dans la double alternative, également fâcheuse, sous tous les rapports, ou d’ajourner l’exécution de ces mesures, afin de se tenir strictement dans ces limites, ou de les outrepasser, pour ne pas manquer aux devoirs qui lui sont imposés, pour assurer la défense de l’Etat et son indépendance.

Dans la situation où l’Europe se trouve encore placée, et jusqu’à ce que nous puissions réduire notre état de guerre, le gouvernement vous déclare qu’il est dans la ferme et immuable résolution de ne rien épargner, ni négliger, pour mettre et tenir notre armée sur le pied le plus respectable, et prête à agir selon les occurrences qui peuvent se présenter. Par les mesures que le gouvernement a déjà prises, et par celles qu’il était d’avis de vous proposer, il n’a fait que devancer les intentions que vous avez manifestées dans l’adresse que vous avez présentée au roi ; leur expression aussi franche que loyale nécessite de votre part que vous le secondiez dans le but qu’il se propose, que vous lui accordiez l’ouverture des crédits éventuels dont il fait aujourd’hui la demande en vous proposant le projet de loi, dont je suis chargé de vous donner communication, et en vous invitant, messieurs, à le renvoyer immédiatement à l’examen d’une commission à laquelle je soumettrai les faits et documents que motivent cette proposition.

Je ne veux pas terminer mes premiers rapports avec vous, sans vous exprimer, messieurs, ma profonde reconnaissance des témoignages honorables que j’ai reçus du sénat et de la chambre des représentants, par l’adoption unanime de ma naturalisation en Belgique et les marques de confiance dont je suis honoré, j’espère reconnaître les uns et les autres par le plus sincère dévouement aux intérêts de ma nouvelle patrie.

- Voix nombreuses. - Bien ! très bien.

« Léopold, roi des Belges, etc. ;

« Vu les articles 27 et 115 de la constitution, etc.

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre, sur les fonds de l’exercice courant, en sus de ceux affectés à ce département par la loi du 29 mars dernier, un crédit extraordinaire de la somme de trois millions de florins.

« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à répartir provisoirement ce crédit extraordinaire, entre les neuf chapitres qui composent le budget des dépenses de ce département.

« Art. 3. Cette répartition sera proposée en forme de loi à la prochaine session.

« Bruxelles, le 21 mai 1832.

« Signé, Léopold.

« Par le Roi : le ministre d’Etat, chargé par interim du portefeuille de la guerre, Comte Félix de Mérode.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il vient d’être proposé à la chambre, par M. le ministre de la guerre, de vouloir bien nommer une commission ; M. le ministre de la guerre soumettra à cette commission tous les documents, toutes les pièces, fera connaître tous les faits qui justifient la demande du gouvernement. Mais vous savez tous, messieurs, qu’il serait impossible, dans l’état actuel des choses, de donner publiquement ces renseignements. Il ne faut pas révéler à nos ennemis, sans motifs, l’état de nos forces, notre situation militaire. Ainsi, la chambre comprendra la nécessité de chargé sa commission de lui faire un rapport consciencieux, sans entrer dans des détails qui pourraient nous nuire. (Bien ! bien ! très bien !)

M. le président. - Y a-t-il obstacle à ce que l’on renvoie le projet à la commission du budget de la guerre ?

- Plusieurs membres. - Il y a des membres de cette commission qui sont absents.

M. le président. Demain, à l’ouverture de la séance, on avisera à ce qu’il convient de faire…

Motion d'ordre

Retour à Bruxelles du ministre plénipotentiaire de Londres

M. le président. - M. l’abbé de Haerne, vous avez demandé des explications au ministre des affaires étrangères ; M. le ministre est présent.

M. l’abbé de Haerne. - Messieurs, vous vous rappelez que dans une de nos précédentes séances, M. le ministre des affaires étrangères nous fit une communication dans laquelle il désavouait assez clairement la conduite de notre plénipotentiaire à Londres ; car il disait formellement que M. Van de Weyer avait outrepassé ses pouvoirs. On a fait observer au ministre que son devoir était alors de remplacer notre plénipotentiaire ; M. le ministre a répondu à cette interpellation d’une manière tant soit peu équivoque ; il a fait entendre que si notre plénipotentiaire n’avait pas été rappelé, il pouvait l’être sous peu ; s’il n’a pas déclaré cela d’une manière bien explicite, c’est le sens de ses expressions ; c’est du moins l’opinion que je m’en suis faite.

Ce rappel était le vœu de la chambre, et ce vœu a été solennellement exprimé par la rédaction et par le vote de l’adresse au roi. Je désirerais donc savoir, maintenant que M. Van de Weyer est à Bruxelles, à ce qu’assure la notoriété publique, si c’est par suite d’un rappel formel du gouvernement qu’il est sur les lieux, ou si c’est par d’autres motifs. S’il est rappelé, c’est qu’en effet il aurait outrepassé ses pouvoirs.

C’est encore que la ratification conditionnelle de la Russie est en contradiction avec les pouvoirs que les chambres législatives ont conféré au gouvernement, c’est qu’il est en contradiction avec la loi sur les 24 articles. Messieurs, je désirerais que le ministre des affaires étrangères s’expliquât à cet égard et dît quelle conduite il doit tenir dans la situation où se trouve le pays. Il me semble qu’il doit protester contre les protocoles séduisants à l’usage de la Russie. Si M. le ministre veut se tenir dans la voie qu’il a tracée, il faut qu’il s’appuie sur la France, il faut qu’il admette la ratification de la France, et qu’il la considère comme exécutoire pour nous.

La ratification pure et simple de la France constitue-t-elle un traité ? J’ai interpellé plusieurs fois M. le ministre sur cette question, il n’a pas répondu catégoriquement, et cependant il a déclaré avoir suffisamment répondu. J’ai pris cette déclaration pour une adhésion à mon opinion. Or, je demande l’exécution des 24 articles, et je crois qu’il n’entre ni dans les idées de la chambre, ni dans les idées de la nation, de s’en départir en quoi que ce soit.

A cette occasion, je désirerais, puisque le protocole n°60 est connu, tous les journaux l’ayant publié, avoir des explications sur quelques points de ce protocole.

La conférence ne reconnaît pas formellement l’injustice de l’arrestation de M. Thorn, elle semble dire : Si vous voulez qu’on élargisse M. Thorn, élargissez aussi les prisonniers de la bande Tornaco. La conférence ne reconnaît pas la violation du droit des gens dans l’attentat commis sur la personne de M. Thorn. Je crois que si M. le ministre des affaires étrangères est conséquent avec lui-même, il doit repousser le protocole.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Si je n’ai pas communiqué le protocole n°60 à la chambre, c’est que ce protocole, à mon avis, ne m’a pas paru donner à la Belgique la satisfaction qu’elle a droit d’exiger ; c’est que j’ai été affligé de voir que l’intervention des cinq grandes puissances, près du roi Guillaume, n’ait pas produit le résultat auquel on doit prétendre ; et ne l’ait pas rendu plus docile.

Quant à la question qui concerne notre ministre plénipotentiaire, j’ai eu l’honneur de dire à la chambre, et je le répète aujourd’hui, c’est que ce ministre n’avait pas autorisé à échanger une ratification pure et simple contre une ratification conditionnelle ou partielle.

Mais vous savez tous, messieurs, que depuis plusieurs jours le roi s’occupe d’arrangements ministériels. La position dans laquelle je me trouve personnellement, ne me permet pas de m’expliquer ultérieurement sur ce qui pourrait concerner l’honorable M. Van de Weyer. Je demande que toute interpellation sur ce point soit ajournée juqu’à ce que le roi ait fait usage de son droit constitutionnel.

M. l'abbé de Haerne - Je crois que M. le ministre peut répondre pour les actes qui le concernent.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Un désaveu, un rappel ne peut être fait qu’avec l’autorisation du roi. En pareille circonstance, tout ce que peut faire un ministre, c’est de donner sa démission. Lorsque le roi aura usé de ses prérogatives, le ministre, mon successeur, fera les explications qu’il jugera convenables.

M. Legrelle se lève. - C’est pour appuyer entièrement ce que vient de dire M. le ministre que je prends la parole.

- Plusieurs voix. - Il n’y a pas d’opposition.

- D’autres voix. - Parlez ! parlez !

M. Legrelle. - C’est, si l’on veut, une opinion individuelle que je manifeste ; mais je pense que la chambre sera très fâchée de voir un changement dans le ministère. (Bruit.)

M. Gendebien. - La nomination des ministres ne regarde que le roi.

Projet de loi monétaire

Discussion des articles

La chambre reprend la discussion de la loi sur les monnaies.

Article 19 (du gouvernement) et article 17 (de la section centrale)

M. le président. - Nous en sommes à l’article 19 du gouvernement : « Sur les pièces d’or, le buste regardera la droite ; sur celles d’argent, il regardera la gauche. »

M. d'Elhoungne. - La section centrale, dans l’article 17, a proposé des modifications qui, je crois, seront adoptées par l’assemblée, voici cet article 17 de la section centrale : « Sur les pièces d’or et de cuivre la tête regardera la droite du spectateur, et sur les pièces d’argent elle regardera à gauche. »

M. Verdussen. - L’amendement me semble incomplet.

M. Jullien. - La droite ne peut être relative qu’au spectateur ; c’est inutile de le dire, je préfère le projet du ministère à la rédaction de la section centrale.

M. Devaux. - Pourquoi parler du spectateur ; une monnaie n’est pas un spectacle.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Celui qui tient la monnaie à la main voit ce qui est à sa droite ou à sa gauche. Quant au mot « buste » on l’a mis parce qu’on représente plus que la tête.

M. d'Elhoungne. - Quand vous employez le mot « droite », il faut dire si c’est la droite de la pièce, ou la droite de celui qui la regarde. La rédaction que la section centrale propose est celle de la loi du 16 germinal article 11, et qui est pour ainsi dire une règle.

- L’article de la section centrale est adopté.

Article 20 (du gouvernement)

« Art. 20. Le type des monnaies de cuivre est réglé comme suit :

« L’une des surfaces portera les armes du royaume ; l’autre, la valeur nominale entre deux branches d’olivier et de chêne, et au-dessous le millésime. »

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je proposerai une autre rédaction de cet article.

M. le président. - Voici la rédaction que me fait remettre M. le ministre des finances.

« Art. 20. Les pièces de cuivre ne seront cordonnées, et porteront, d’un côté, le millésime et le lion belge appuyé sur la table de la constitution ; de l’autre, le chiffre du roi, surmonté d’une couronne royale. »

L’amendement de M. le ministre des finances est adopté.

Article 21 (du gouvernement) et article 18 (de la section centrale)

« Article 21 (du gouvernement). Le diamètre de chaque pièce sera déterminé par un règlement d’administration publique. »

« Art. 18 (proposé par la section centrale, pour remplacer l’article 21) : Le diamètre de chaque pièce sera conforme à celui des monnaies de France et d’Italie, de la même manière, du même titre et du même poids. »

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je propose l’amendement suivant :

« Article 21. Le diamètre de chaque pièce est déterminé ainsi qu’il suit :

« Pièces de 5 fr. 37 millimètres.

« Pièces de 2 fr. 27 millimètres.

« Pièces de 1 fr. 23 millimètres.

« Pièces de 1/2 fr. 18 millimètres.

« Pièces d’or de 40 fr. 26 millimètres.

« Pièces d’or de 20 fr. 24 millimètres.

« Pièces de cuivre de 10 c. 32 millimètres.

« Pièces de cuivre de 5 c. 28 millimètres.

« Pièces de cuivre de 2 c. 22 millimètres.

« Pièces de cuivre de 1 c. 17 millimètres. »

Ces dimensions sont celles des monnaies de France, je les ai mesurées d’une manière très précise avec une mesure exacte.

- L’article 21, proposé par M. le ministre des finances, est adopté.

Article 22 (du gouvernement) et article 24 (de la section centrale)

« Art. 22 (du gouvernement). Les pièces d’argent des Pays-Bas, frappées sous l’empire de la loi du 28 septembre 1816, seront reçues au trésor de Belgique, et y circuleront sur le pied de 17 1/4 centièmes du florin des Pays-Bas pour un franc. »

« Art. 24 (de la section centrale, pour remplacer l’article 22 du gouvernement). Jusqu’à disposition législative ultérieure, les pièces de monnaie en circulation dans le royaume, frappés soit dans les provinces, soit en exécution de la loi du 28 septembre 1816, continueront d’y avoir cours, et seront reçues sur le pied des tarifs existants, en raison de 47 cents et un quart pour un franc. »

M. Osy. - Je m’opposerai à l’adoption de la rédaction de la section centrale. On peut toujours recevoir l’argent des Pays-Bas pour 47 1/4 ; mais je crois que l’on peut mettre un terme pour l’or ; car, sans cela, on vous emporterait vos pièces pour les remplacer par des pièces d’or de dix et de cinq florins. On vous emporterait même les pièces de cinq francs. Je crois qu’il fait conserver l’or à 48.

M. d'Elhoungne. - Dans plusieurs sections la majorité a émis l’opinion que les nouvelles pièces ne soient pas faites aux dépens des possesseurs des pièces anciennes ; on a cru que la refonte devait être faite aux dépens de l’Etat et non des particuliers ; mais si nous continuons à mettre en circulation des monnaies d’or on nous enverra de Hollande les monnaies de ce pays ; car on gagne 1/2 pour cent sur nos pièces en les fondant en pièces de 5 et de 10 florins. Cet inconvénient peut être évité par la proposition de la commission.

Sans cette proposition on provoquerait le public à faire l’agio. En faisant estampiller dans les hôtels des monnaies et dans les bureaux des finances, les monnaies de 5 et de 10 florins, antérieures à 1830 et en en recevant les autres qu’au cours, on évitera l’agio : et il n’y aura plus de possibilité de nous renvoyer des pièces de 5 et de 10 florins.

La mesure qu’on vous propose de démonétiser, à partir de 1832, les anciennes monnaies des Pays-Bas, quel en sera le résultat ? sur la totalité des monnaies d’or, d’argent et de cuivre, il y en a les onze treizièmes en or, que ferez-vous de cette masse énorme d’or si vous la démonétiser ? une foule de personnes, qui en vertu des lois, recevront de l’or en paiement, seront forcées le lendemain d’aller à la bourse et chez les banquiers pour changer leur monnaie :mais il n’y aura pas assez de monnaie d’argent pour faire l’échange ; il y aura par conséquent agio ; vous avez vu ce que c’est que l’agio en 1820 quand on a déclaré démonétisées les monnaies de France.

L’expédient que je combats est contraire à la loyauté de la nation et aux principes de la chambre.

Quand on fait une refonte, elle doit être faite aux frais du public : car c’est sous la foi publique que la monnaie a été émise et reçue. L’inconvénient qui a été signalé par M. Osy, vous pouvez l’éviter en ordonnant l’estampillage, qui empêchera d’affluer dans nos provinces les guillaumes et les demi-guillaumes.

Epargnez au public l’agiotage en décréditant, à une époque rapprochée, les anciens guillaumes, au-delà de 2 pour cent.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, si la chambre désire prolonger la séance, je répondrai : mais si la chambre ne veut rester encore en séance qu’une demi-heure, je demanderai la remise à demain, parce qu’il est nécessaire d’entrer dans de grands détails.

- La discussion est continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures.