(Moniteur belge n°141, du 20 mai 1832)
(Présidence de M. Destouvelles.)
La séance est ouverte à une heure.
Après l’appel nominal, le procès-verbal de la dernière séance est lu, la rédaction en est adoptée sans réclamation.
Plusieurs mémoires adressés à la chambre sont renvoyés au comité des pétitions.
L’ordre du jour est la continuation de la discussion du projet de loi relatif aux mines.
L’article premier a été adopté. Sur le second article, il a été déposé un amendement par M. Chartes de Brouckere ; cet amendement consiste dans l’addition de paragraphe suivant : « La commission sera présidée par le ministre de la justice. »
La parole est à M. Fallon.
M. Fallon. - Dès lors que nous voulons remplacer le conseil d’Etat, tel qu’il agissait dans l’économie de la loi de 1810, par une institution qui donne à la nation les mêmes garanties, et c’est bien là, sans doute, ce que nous voulons, je ne vois pas moyen de résoudre, d’une manière satisfaisante, les difficultés qui ont arrêté hier la marche de nos discussions, si nous ne prenons le parti de soustraire l’acte de concession à l’intervention du chef de l’Etat.
En effet, si le chef de l’Etat doit intervenir à la délivrance de l’acte de concession, il faudra bien se soumettre à toutes les conséquences de l’article 64 de la constitution.
Suivant cet article, aucun acte du Roi ne peut avoir d’effet, s’il n’est contresigné par un ministre qui, par cela seul, s’en rend responsable.
Si donc le Roi intervient à l’acte de concession, il faut indispensablement qu’il soit contresigné par un ministre ; il faut qu’un ministre s’en rende responsable, et dès lors il faut qu’il ait la liberté d’accorder ou de refuser sa signature, ce qui veut bien dire qu’il pourra ainsi indirectement empêcher la délivrance de l’acte de concession, ou y surseoir indéfiniment, lorsqu’il ne partagera pas l’avis de la majorité du conseil.
On a dit que, dans ce cas, sa responsabilité ne sera pas engagée et que sa signature n’aura d’autre effet qu’une garantie de forme.
Mais cet accommodement ne me paraît pas admissible en présence de l’article 64 de la constitution, qui ne permet aucune exception, et qui ne connaît pas de contreseing de pure forme. Je pense, d’ailleurs, qu’il serait très dangereux de poser, dans ce cas, un antécédent dont on pourrait peut-être abuser dans d’autres circonstances.
D’un autre côté, si l’on ne dégage pas l’acte de concession de l’intervention royale, il faudra bien que le conseil soit présidé par un ministre, et alors il faudra nécessairement revenir sur nos pas.
Que deviendra, en effet, l’action de nos trois jurisconsultes en présence du ministre président et de deux de ses agents, de deux ingénieurs toujours portés à respecter fort peu le droit de propriété, et à trancher les difficultés de cette nature dans l’intérêt de l’art ?
L’intervention royale à l’acte de concession n’étant nullement exigée par notre constitution et n’ayant été introduite que par une loi, il me semble que nous écartons tous les obstacles qui nous arrêtent, en dégageant l’acte de concession de cette intervention qui ne me paraît pas du tout nécessaire.
Nous nous mettons ainsi à l’aise et nous avons toutes les garanties que nous voulons obtenir.
La loi de 1791 peut nous servir d’exemple. Elle n’exigeait l’intervention du chef de l’Etat que pour l’approbation de l’acte. Les concessions étaient délivrées par les administrations centrales.
Nous trouvons aussi un exemple à suivre dans notre constitution.
La cour des comptes est une institution qui statue sur des matières contentieuses administratives sans l’intervention royale, et nous ne tarderons pas probablement à créer une institution semblable, pour l’exécution de la loi monétaire.
D’après ces considérations je propose l’amendement suivant :
« Art 2. Cette commission nommera son président et son secrétaire. Elle ne pourra délibérer qu’au nombre complet de ses membres. Ses actes seront exécutés sans la sanction royale. »
M. Van Meeenen. - Je demande à présenter quelques idées générales sur la spécialité de la commission.
Nous avons entendu des hommes instruits sur la matière ; nous pouvons nous faire quelque idée sur la question soumise à la chambre ; vingt fois la matière nous a été présentées sous des points de vue divers, et vingt fois nous avons reculé devant deux questions.
La première était de savoir s’il y avait nécessité de réviser la loi de 1810 ; la seconde était de savoir comment nous pourvoirions désormais aux concessions, aux actes d’exploitation.
Je crois qui sur le premier point nous avons bien fait de reculer c’est-à-dire que nous avons bien fait de reculer sur la question de savoir s’il y a lieu ou non à révision, parce que dans l’exécution de la loi de 1810 personne n’a signalé des vices qui méritassent une réforme.
Nous nous croyions arrivés à la solution de la seconde question qui est celle de savoir par quelle autorité les actes concernant les concessions seront délibérés ; nous nous croyions, dis-je, arrivés à ce point lorsque, hier, en l’approchant de plus près, en la creusant plus profondément, on s’est aperçu qu’on ne s’était pas entendu. Pourquoi ne s’était-on pas entendu ? parce qu’on s’était renfermé dans un cadre trop étroit.
Que nous a-t-on proposé ? On nous a proposé de remplacer le conseil d’Etat dans les attributions, a-t-on dit, qui lui étaient conférées par la loi de 1810. La question ainsi posée ne pouvait rencontrer que des obstacles insurmontables.
Si nous ne conférions que les attributions données par la loi de 1810, nous n’aurions rien de fait ; car le conseil d’Etat, d’après la loi de 1810, n’avait pas d’attributions. Il n’était pas une autorité à laquelle les affaires devaient être remises : le conseil d’Etat devait seulement être entendu ; et la décision des questions appartenait au chef du gouvernement. Les décrets étaient portés, le conseil d’Etat entendu. Le conseil d’Etat était là, comme dans toutes ses fonctions, un bureau de consultation C’était un conseil que l’on devait entendre et dont on devait recueillir les avis et les lumières et auxquelles on n’était pas tenu à déférer. Le conseil d’Etat ne délibérait que sur les matières qui lui avaient été renvoyées par le chef du gouvernement. Quand le conseil d’Etat avait donné son avis, le chef de l’Etat statuait ; et quand il statuait, il disait, le conseil d’Etat entendu.
Maintenant sous la loi fondamentale, sous la charte, sous le dernier gouvernement, les choses se présentaient précisément sous la même forme. Il y avait alors aussi un conseil d’Etat. Il était bien dit que le conseil d’Etat devait être entendu ; mais on ajoutait que le Roi décidait seul. Ainsi sous le gouvernement français, le roi accédait après avoir entendu le conseil d’Etat.
S’il ne s’agissait que de remplacer simplement le conseil d’Etat, je ne vois pas l’importance de nos délibérations, car dans cette hypothèse, nos délibérations n’auront pour but que de donner au gouvernement un bureau consultatif, auquel on déférera ou ne déférera pas.
Remplacer le conseil d’Etat, c’est ne créer, en dernier résultat, qu’un bureau consultatif. De là, il suit qu’il y a erreur dans tous les projets qui nous ont été présentés jusqu’ici, y compris celui de la commission. En effet, la commission suppose que le conseil d’Etat avait des attributions ; et cependant, il n’avait, comme je viens de l’exposer, qu’une fonction consultative. Il ne décidait qu’en matière contentieuse. D’après le projet de la commission, on voit qu’elle abonde dans le sens erroné dans lequel ont abondé ceux qui avaient fait antérieurement des propositions sur le même objet. Si vous voulez faire mieux, il faut faire cesser l’abus qui a été fait de la loi de 1810, il faut faire cesser cet abus sans violer les droits acquis ; et pour cela il faut établir une institution quelconque, qui vous donnerait des garanties contre cet abus et des garanties suffisantes d’énergie et de lumières dans ceux qui seront chargés d’appliquer la loi.
Les projets du ministère n’ont pas le degré de maturité nécessaire pour être pris en considération. Il faut d’abord que nous nous déterminions à créer une autorité, et en créant cette autorité il faut que nous déterminions le cercle de ses attributions, pour qu’elles puissent remplir le but proposé.
Remarquez, messieurs, que l’autorité que vous allez créer aura tout à la fois les attributions judiciaires et administratives. Elle devra, comme administration, veiller aux travaux qui pourraient nuire à la salubrité ; elle devra veiller à ce que les mines soient exploitées convenablement. D’un autre côté, elle devra veiller à maintenir dans leurs possessions les anciens exploitants, les anciens concessionnaires ; elle devra accorder des concessions nouvelles, et en accordant des concessions nouvelles, elle aura tout à la fois des questions administratives et des questions judiciaires à résoudre en même temps.
Si c’est là ce que vous vous proposez, je répéterai ce que j’ai dit ; qu’il ne me paraît pas que le projet actuel ait le degré de maturité nécessaire pour être soumis à notre délibération, et je pense qu’il serait nécessaire de renvoyer de nouveau le projet à notre commission, pour qu’elle propose une autre mesure.
M. Gendebien. - Messieurs, la législature est toute puissante pour donner à la commission qui doit remplacer le conseil d’Etat telles attributions qu’il lui plaît ; mais il faut éviter de trop s’écarter du texte et de l’esprit des lois existantes, pour établir une disposition provisoire.
Il importe peu, dans le système de notre gouvernement, que le roi y intervienne ou n’y intervienne pas. L’intervention du roi n’est pas une condition essentielle ; cependant il n’y a pas de motifs plausibles pour s’écarte de ce qui s’est fait jusqu’à présent. On a dit que d’après la loi de 91, les administrations centrales concédaient sans l’intervention du Roi.
Messieurs, l’article 8 de cette loi s’explique nettement à cet égard, voici ce qu’il porte en substance, les concessions sont données par le département, mais elles ne sont exécutées que sur le consentement du Roi.
Vous voyez donc que le Roi devait intervenir, c’était une conséquence de l’article premier de la même loi, qui met les mines à la disposition de la nation et que nul ne peut les exploiter sans leur consentement. On vous a dit que le conseil d’Etat de France et des Pays-Bas ne faisaient que donner leur avis sur les demandes en concession. C’est une erreur. La loi de 1810 dit expressément que ces demandes seront « délibérées » en conseil d’Etat. Au reste, je ne tiens pas à la décision, son avis me suffit, puisqu’il ne s’agit que de confirmer des titres anciens, et il suffit, à cet effet, de vérifier le texte des anciens titres et de les comparer aux limites établies dans ces plans.
On a dit que cette commission était à la fois chargée de fonctions administratives et judiciaires ; qu’elle devait veiller à la bonne exploitation des mines, et à une infinité d’objets de sûreté publique et d’intérêt général.
Non, messieurs, ses fonctions se bornent, comme le conseil d’Etat, à donner des concessions, à connaître en appel des dispositions des états provinciaux, sur les interdictions et sur la fixation des droits proportionnels : voilà où se bornent leurs fonctions, et je pense que trois jurisconsultes et deux ingénieurs présentent toutes les garanties désirables. S’il s’agissait de lui accorder d’autres pouvoirs que ceux qui ont été désignés par les lois et décrets antérieurs, je me montrerais moins facile ; mais j’adhérerai, je le répète, à toutes institution qui doit remplacer le conseil d’Etat, parce que je ne vois pas d’inquiétude et même de possibilité d’abus.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - La proposition faite de donner à la commission des mines le droit de décider sans la sanction royale est contraire à la loi fondamentale, à la constitution.
Quant à la présidence de la commission, on dit que le conseil d’Etat devait être présidé par le ministre de la justice : j’ai montré que c’était une anomalie que de charger le ministre de la justice des fonctions du ministre de l’intérieur. D’après les sénatus-consultes j’ai prouvé que le ministère de la justice ne présidait que le comité du contentieux ; cela résulte évidemment du décret de juin 1806.
Dans le conseil d’Etat il faut distinguer deux choses : l’assemblée générale présidée par l’empereur, et l’assemblée de chaque comité présidée par un membre du conseil nommé par l’empereur ou par le Roi ; aussi pour se rapprocher de ce qui existait il faut donner au Roi le choix du président de la commission des mines ; ce choix était fait parmi les membres de la commission. L’article qui est soumis en ce moment à l’assemblée est donc tout à fait inutile et je crois que nous pouvons le retrancher.
M. Dumont. - La commission des mines sera appelé à déterminer l’indemnité due aux propriétaires du sol ; elle prononcera sur les questions du tien et du mien ; s’il existait des exploitants de bonne foi qui auraient fait des dépenses et qui n’auraient pas obtenu des concessions, les concessionnaires doivent le remboursement des travaux exécutés, et la commission sera appelée à statuer sur ces questions ; elle devra juger les demandes en maintenue : je ne puis, pour mon compte, confier des pouvoirs si importants à une commission ; je crois que nous devons confier ces pouvoirs au gouvernement, en l’assujettissant à consulter une commission, mais en ne l’obligeant pas à suivre ses avis. La formule : « Le conseil d’Etat entendu » est une formalité semblable à celle qui précède les actes judiciaires : « mandons et ordonnons. » Je désirerais que nous pussions donner à la commission des mines plus d’influence que n’en avait le conseil d’Etat, et que le gouvernement ne pût pas juger tout seul.
On pourrait donner à la commission le droit d’accorder des concessions, sauf l’approbation du gouvernement ; nous aurions alors la certitude que le gouvernement n’accorderait rien contrairement à l’avis du comité spécial des mines. Je vais proposer à la chambre une proposition dans ce sens. Je n’ai rien encore rédigé.
(M. Dumont s’empresse d’écrire son amendement.)
M. Devaux. - Je viens proposer un amendement semblable à celui de M. Dumont. Je crois que nous ne pouvons pas laisser le conseil des mines décider tout seul des questions qu’il aura à examiner. Je sais qu’il peut y avoir des inconvénients dans l’application de ce principe. Cependant, la commission ne peut prononcer sous appel : pour prononcer sous appel, il faudrait régler des incompatibilités. La commission mettra naturellement beaucoup de circonspection dans ses décisions, et le ministre aura beaucoup de peine à se prononcer contre la commission, lorsqu’il n’aura pas de raisons plausibles pour le faire ; voilà les avantages du système que j’embrasse.
Je crois que le concours de ces deux autorités, le comité spécial des mines et le ministère, est la mesure qu’il faut prendre. Ce qui eût peut-être mieux valu, c’eût été de laisser aux administrations provinciales à décider la question, sauf l’approbation du Roi ; mais on a cru qu’il y aurait quelques inconvénients à leur confier ce pouvoir. Je me réunis donc à l’amendement de M. Dumont.
M. Fallon. - Je me réunis aussi à l’amendement de M. Dumont, et je demande que l’article en discussion soit terminé par ces mots : « Les actes de la commission seront soumis à la sanction royale. »
M. Taintenier. se lève pour parler.
M. de Robaulx. - Il faut observer que la commission ne peut pas décider en dernier ressort : on fait des demandes ; on fait des oppositions à ces demandes ; si le ministre ne pouvait pas réformer les décisions que la commission prend dans ces divers cas, il faudrait que le contentieux fût ouvert pour vider ce différend.
M. le président. - La parole est à M. Devaux,
M. Taintenier. - Je l’ai demandée.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Taintenier. - L’assemblée a reculé devant l’idée de modifier la loi de 1810 ; elle à sous les yeux les immenses préjudices qui pourraient résulter de discussions morcelées. Eh bien tandis que vous avez procédé avec une sage circonspection, on vient cependant vous proposer actuellement le bouleversement de la législation. Il s’agit d’une mesure transitoire et de statuer provisoirement jusqu’à ce qu’on puisse remplacer ce qui est par un projet mûri. Dans ce projet, fruit de réflexions et d’un examen approfondi, les questions que l’on agite intempestivement seront traitées. Renfermons-nous donc dans le cercle qui a été tracé.
Pour les concessions nouvelles que fait-on ? On dispose du domaine de la nation, du domaine de l’Etat ; comment voulez-vous donner ce pouvoir à une commission ? Il ne peut être question que des anciennes concessions ; le principe en est consacré dans l’article 53 de la loi de 1810 ; c’est une chose de forme qu’il fait remplir. Ne créez donc votre commission que pour l’action sur les droits anciens. Tel est le problème à résoudre ; et on le résoudrait en disant : Voilà tel comité dont les lumières ne peuvent être mises en doute qui jugera ces questions.
La commission, dans cette hypothèse, n’aurait pas à décider sur les indemnités dues aux propriétaires de la surface, et sur plusieurs autres questions concernant la propriété.
La commission ne doit être établie que pour la conservation des droits acquis.
On s’est arrêté hier, à la fin de la discussion, sur les attributions du conseil d’Etat, mais on s’est trompé sur le sens de ces mots : « le conseil d’Etat entendu » ; le conseil d’Etat ne donne que son avis, c’est le chef de l’Etat qui, en réalité, dispose des biens de l’Etat et qui fait les concessions.
La question importante qui doit nous occuper principalement, c’est de conserver les droits acquis ; toutes les autres questions doivent être réservées pour la révision de la loi de 1810. La sagesse dit qu’il ne faut rien faire de plus actuellement ; qu’il faut réduire à ses termes les plus simples une question qui n’aurait pas dû occuper l’assemblée aussi longtemps. La question est celle-ci. Il s’agit de savoir si, temporairement, une commission, destinée à éclairer le gouvernement et à empêcher les abus qu’on a faits de la loi de 1810 existera.
M. Devaux. - Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant ; nous ne devons faire maintenant qu’une loi transitoire, nous ne devons faire que le strict nécessaire ; mais il est vrai qu’il nous faut ce strict nécessaire.
L’honorable préopinant n’a pas remarqué que, hier, à l’occasion des attributions du conseil d’Etat, il s’est élevé plusieurs questions. Parmi toutes ces questions, celle qu’il importait de résoudre, était celle-ci : la décision du conseil spécial des accises, enchaînera-t-elle le gouvernement ? On a fait remarquer, hier, que la décision du conseil d’Etat n’enchaînait pas le chef du gouvernement, nous voulons créer une commission spéciale pour remplacer le conseil d’Etat, nous devons dire quelle sera la forme et la portée de ces décisions.
Je ne vois qu’une objection à l’amendement de M. Dumont. On a demandé ce que l’on ferait, dans le cas où le gouvernement n’admettrait les décisions de la commission ; eh bien, alors on fera ce que l’on fait lorsque les décisions provinciales ne sont pas admises, comme l’on faisait lorsque les avis du conseil d’Etat n’étaient pas suivis, la question était sous solution.
Ainsi, lorsqu’une concession sera demandée et que l’avis de la commission ne sera pas confirmé, la concession ne sera pas accordée ; elle sera ajournée.
M. Taintenier. - Mais les droits particuliers peuvent en souffrir ainsi que l’intérêt public.
M. Devaux. - Il faut rester dans les termes de notre législation.
M. Van Meenen. - J’avais l’intention de présenter des observations semblables à celles que vient d’exposer M. Devaux.
M. Gendebien. - Si l’institution que l’on propose, en remplacement du conseil d’Etat, est chargée seulement de confirmer les anciennes concessions j’y consens, mais je ne puis admettre qu’elle accorde des concessions nouvelles.
M. Jullien. - Je désire savoir si le conseil des mines, dont il est parlé dans le projet de loi, existe ou n’existe pas ; on m’a dit qu’il n’y en avait point.
- Un membre. - Il n’existe que sur le papier.
M. Jullien. - S’il n’existe que sur le papier, c’est encore une lacune qu’il faut combler car on dit que la commission ne pourra délibérer que sur l’avis préalable du conseil des mines. (Non ! non !)
M. H. de Brouckere. - Je ferai observer à l’honorable membre, que j’ai présenté une proposition tendante à retrancher cette disposition de la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il faudrait savoir avant de rien décider sur ce point, quelles seront les attributions de la commission qui remplacera le conseil des mines, et nous ne le saurons qu’après ce qui aura été adopté relativement à l’article 3.
Quant à l’article 2 dont nous avons à nous occuper, il me semble que tout se concilie en disant que la commission nommera son président et son secrétaire, et ne pourra délibérer qu’au nombre de cinq membres.
M. Bourgeois. - Il faut nécessairement décider avant tout la question de savoir si la commission aura seulement la faculté de disposer sur les demandes en maintenue de concessions déjà accordées, ou si les attributions s’étendront jusqu’à donner de nouvelles concessions ; il faudrait donc discuter l’article 3 avant l’article 2.
M. Mary. - Il me semble que l’amendement de M. Fallon est bien à sa place ici, et que c’est maintenant que nous devons le voter.
- Il est donné une deuxième lecture de l’amendement de M. Fallon et de ceux de MM. Lebeau, Dumont et de Theux, conçus dans le même sens.
L’amendement de M. Fallon est adopté.
M. Ullens. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je demande que M. Vandenhove, qui est ici présent, soit admis à prêter serment. (On rit.)
- M. Vandenhove prête serment.
M. de Robaulx et M. H. de Brouckere font remarquer que, d’après la rédaction de M. Fallon, la commission devant être au complet pour délibérer, il s’en suivra qu’elle ne pourra le faire quand un de ses membres sera indisposé.
M. Devaux. - Comme la loi doit revenir à un second vote, je proposerai de dire que la commission délibérera au nombre de 5 membres.
M. Gendebien. - Personne ne s’oppose à ce que l’on fasse ce changement tout de suite, il faudrait mettre de 5 membres au moins.
- L’article 2, amendé par M. Fallon, reste ainsi rédigé :
« Cette commission nommera son président et son secrétaire et ne pourra délibérer qu’un nombre de 5 membres au moins. Ses décisions seront soumises à l’approbation du Roi. »
« Art. 3. Cette commission n’accordera provisoirement aucune concession nouvelle de mines ou de minerai de fer.
« Quant aux autres mines, elle se disposera que sur les demandes faites en vertu et conformément aux dispositions de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810, et sur les demandes en extension de concession qui se rattachent à celles-ci. »
Sur cet article, M. Pirmez a proposé un amendement que nous avons publié dans notre séance du 16 mai.
M. Pirmez. - Messieurs, mon amendement a déjà été développé lors de la discussion générale, je n’en dirai plus que quelques mots.
Quand le ministre vous proposa de remettre en vigueur la loi de 1810, presque tous les orateurs qui parlèrent sur cette proposition vous signalèrent les abus révoltants qui résultaient de cette loi. La grande majorité de l’assemblée n’en voulait plus permettre l’application avant qu’elle ne fût révisée.
Cependant tout le monde convint que les actes nécessaires pour régulariser les titres des anciens propriétaires de la mine devaient leur être délivrés avant la révision de la loi. Il n’y eut, messieurs, sur cette question aucune contestation, chacun voulut et veut encore que les anciens titres soient confirmés, et que toutes les promesses faites par la loi aux propriétaires des mines soient accomplies. La loi leur permet un acte de maintenue et de délimitation, personne ne s’oppose à ce que cela leur soit donné.
Mon amendement ne tend donc pas à enlever des droits acquis ainsi qu’on veut le faire croire ni à empêcher l’accomplissement des promesses de la loi, il tend à ce qu’il ne soit rien donné au-delà de ce que la loi a promis.
Les demandes en maintenue sont toujours faites pour obtenir non seulement la confirmation des droits que l’on est autorisé à exiger, en vertu des promesses de la loi, mais aussi pour obtenir des droits et des titres que l’on n’a pas encore, et que la loi n’a pas promis aux anciens propriétaires des mines ; c’est seulement sur les demandes tendantes à obtenir de nouveaux droits, que je voudrais qu’on ne prononçât qu’après la révision de la loi.
En adoptant ma proposition, vous réservez les droits que peut avoir à une partie de la mine, le propriétaire du sol. Je le répète, ce ne sont pas ceux qui résultent du code civil ni de la loi de 1791, mais d’un titre de concession.
Dans plusieurs localités, le propriétaire du sol a-t-il réellement un droit à la mine ? Pour moi j’en suis convaincu, mais on ne vous demande pas de le reconnaître, on vous demande seulement de ne point accorder la faculté de l’en dépouiller, dans la supposition que ce droit existe avant la révision de la loi. Et ne sentez-vous pas que si par suite de la vie que vous allez rendre à la loi, le propriétaire du sol se trouve dépouillé d’une mine qui lui appartient à juste titre, la révision ne pourra rien changer à sa condition, qu’il y aura alors droit acquis en faveur de celui à qui on aura donné sa mine.
Tout ce qu’on a dit du danger de laisser exploiter la mine par le propriétaire du sol, est entièrement hors de la question. Il ne s’agit pas maintenant de lui accorder cette faculté, il ne s’agit pas même de lui reconnaître un droit à la mine et remarquez bien que si vous lui aviez déjà reconnu ce droit, il se présenterait alors la question de savoir comment il doit en user dans l’intérêt général.
La plupart d’entre nous, messieurs, sont convaincus qu’il est résulté de l’application de la loi de 1810 les plus graves abus, que la légitime propriété des citoyens leur a été injustement enlevée. Tout en déplorant ces injustices, nous proclamons tous par respect pour les droits acquis qu’elles sont irréparables, et en même temps, sans aucune modification, sans aucun correctif, vous redonnez vie à une loi, d’où nécessairement découleront les mêmes injustices, et qui toutes seront aussi irréparables que celles qu’on vous a signalées.
Que ceux-là qui nient l’existence des actes de spoliation résultant de l’application de la loi de 1810, consentent à l’appliquer avant sa révision, je le conçois, mais lorsqu’on est convaincu que ces actes existent, que la même cause doit produire les mêmes effets, et que ces effets seront éternels, consentir à ressusciter la loi telle qu’elle est, c’est selon moi plus que de l’inconséquence.
M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, l’article 3 contient deux paragraphes dont le premier est ainsi conçu : « Cette commission n’accordera provisoirement aucune concession nouvelle de mines ou de minerai de fer. » Contre ce premier paragraphe je n’ai aucune objection à faire, et en voici la raison : c’est que, dans ma manière de voir, avec la loi de 1810 il est impossible de conférer de nouvelles concessions de mines de fer.
Pendant 10 ans le conseil d’Etat n’a jamais pu s’entendre sur les demandes en concessions ; jamais on n’a pu obtenir une délibération, et il y a même plus, c’est que la première concession qui a été accordée l’a été en dépit du conseil d’Etat lui-même. Ainsi donc je n’ai rien à objecter contre le premier paragraphe.
Mais je ne puis admettre la dernière partie du deuxième paragraphe, qui permet à la commission de disposer sur les demandes en extension de concession. Vous le savez, messieurs, du moins ceux qui ont une idée des mines le savent, les mines sont régulières dans des localités et très irrégulières dans d’autres.
Ici ce sont des bassins où les couches se trouvent exactement superposées ; mais là ce sont des zigzags et des veines coupées. De là, deux manières de concessions, les concessions par veines et celles par superficie. Les premières se bornent seulement à l’exploitation de la veine ; les concessions par superficie permettent d’exploiter toute la profondeur. Or, que va-t-il arriver si l’on donne seulement à la commission qui remplacera le conseil d’Etat le droit de disposer sur les demandes en concessions qui se rattachent aux concessions déjà faites ? C’est que vous accorderez tout à ceux qui ont déjà et rien aux autres, comme vous l’a dit hier mon voisin de gauche.
Si aujourd’hui vous permettez qu’on donne des extensions dans des localités à certains exploitants, vous constituez en leur faveur une espèce de monopole. On dit qu’on sera sobre d’accéder aux demandes d’extension ; je ne le crois pas, je crois au contraire qu’on accordera celles qui seront faites, et ainsi l’on concentrera dans quelques mains toute la richesse publique. Je demande donc que la commission n’ait pas seulement le droit de disposer sur les demandes en extension, mais aussi sur les demandes en concession. Ce qu’il importe d’établir aujourd’hui, c’est qu’il n’y ait pas de privilège et monopole.
Maintenant on dit que la loi est mauvaise, en ce sens qu’elle ne conserve pas assez l’intérêt des propriétaires. Eh bien ! que l’on hausse le droit, et qu’on donne aux propriétaires une juste indemnité.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a présenté cet amendement : « Le Roi n’accordera que les maintenues des concessions en exécution de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Du moment que le gouvernement n’est autorisé qu’à accorder des maintenues, il n’est pas autorisé à faire de nouvelles concessions. J’ai proposé cet amendement parce que je ne vois aucun inconvénient à ce que les nouvelles concessions soient reculées jusqu’à la révision de la législation.
Dans mon opinion, il s’agit moins de faire des amendements à la loi de 1810 que de donner des explications sur plusieurs points de cette loi qu’on a appliqués et interprétés d’une manière si abusive pendant plusieurs années. Tel est aussi l’avis des députations des provinces de Namur. Toutefois, je conviens que si l’on ne mettait pas une limite aux explications à renfermer dans le projet de loi que nous discutons, de provisoire qu’il doit être, il pourrait devenir définitif, et il pourrait même se faire que quelques intérêts particuliers se coalisassent pour maintenir un état de choses qui leur conviendrait.
Tous les intérêts seraient parfaitement garantis si l’on mettait dans la loi cette clause : « La présente loi cessera d’avoir son effet à telle époque. » A cette époque, le monopole contre lequel on s’est élevé serait détruit.
Par ces motifs, je crois qu’il y a lieu d’adopter l’amendement que j’ai proposé, et que j’ai proposé comme me paraissant conforme aux opinions émises dans la séance précédente.
M. Jullien. - M. le président, veuillez relire, s’il vous plaît, l’amendement de M. le ministre de l'intérieur.
M. le président. - « Jusqu’à nouvelle disposition, le Roi ne sera autorisé à accorder que les maintenues des concessions faites en exécution de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810. »
Un autre amendement, poursuit M. le président, est présenté parM. d'Elhoungne. Le voici : « Cette commission ne disposera que sur les demandes en limitation des concessions antérieures à la promulgation de la loi du 18 juillet 1791, aux termes de l’article 53 de la loi du 21 avril 1810. »
M. d’Elhoungne. - On est d’accord qu’il faut borner les attributions de la commission à assurer l’exécution de l’article 53 de la loi de 1810 ; c’est-à-dire, qu’il faut délimiter les concessions anciennes pour lesquelles les propriétaires ne se sont pas conformes à la loi de 1791. Du moment que vous avez dit que la commission ne délibérera que sur les demandes en maintenues, on n’a plus besoin de dire que la commission ne fera plus de nouvelles concessions de mines et de minerais de fer.
Je pense qu’il ne s’agit que de déterminer simplement les limites des concessions anciennes ; et hier j’ai expliqué la nécessité de se borner à cette délimitation. C’est par ce motif que j’ai rédigé l’amendement qu’on vous a lu.
M. Gendebien. - Un des membres de la commission a considéré la disposition relative aux mines de fer comme la plus importante ; et c’est d’après cette idée que l’article 3 a été libellé. Aujourd’hui nous ne devons faire que ce dont nous ne pouvons pas nous dispenser ; telle est la règle de toute loi transitoire. Or, nous ne pouvons pas nous dispenser de régler les droits acquis, et nous pouvons refuser des concessions nouvelles, c’est-à-dire une faveur ; mais donner de l’extension avec une demande en maintenue, c’est à la fois faire une concession nouvelle et conserver une concession ruineuse. Cependant on ne peut se dissimuler qu’il y a des concessions qui ont besoin d’extension. Il est vrai que ce sont des cas très rares, et la législation ne statue pas sur des exceptions.
Quant à l’impossibilité qu’il y aurait de concéder des mines de fer, je ne suis pas d’accord avec le préopinant. Il y a des minerais de fer en filons dans le pays, ainsi que des minerais par alluvion. Les mines de fer en filons ont besoin de galeries et d’ouvrages d’art pour être extraites ; il y a donc nécessité de concession. Cependant je ne dis pas qu’il faille les accorder actuellement,
Relativement aux extensions, je dirai que, si les extensions devaient décupler, centupler, les exploitations des concessions nouvelles seraient inutiles. Or, les extensions sont possibles partout, car partout on peut doubler, tripler le nombre des ouvriers. Il n’y a qu’une chose à craindre dans ce cas, c’est que les exploitants ne s’entre-détruisent en tirant trop de richesses à la fois du sein de la terre. Ainsi je ne vois pas de grands inconvénients à craindre en donnant des extensions, quoiqu’il n’y ait pas nécessité de le faire
Quant aux bassins houillers, ils se ressemblent tous ; et sont des couches qui s’étendent sur une immense surface, et qui sont séparées par du calcaire, on ne sait pas trop comment : mais il est de fait que tous ces bassins sont semblables : seulement les couches sont plus épaisses dans certaines localités que dans d’autres. Quand on embrasse l’ensemble de toutes les exploitations, il y a conviction, je ne dirai pas pour les ingénieurs, mais pour les exploitants eux-mêmes, que la géognosie de la houille est toujours la même.
Quoi qu’il en soit, il est inexact de dire que les bassins houillers présentent des différences et qu’ils peuvent être exploités sans extension de concession. Par ces considérations, on peut admettre un des amendements présentés et particulièrement celui de M. d'Elhoungne.
M. H. de Brouckere. - Toute la discussion se résume en peu de mots : faut-il laisser au gouvernement le droit de donner les concessions nouvelles, ou bien faut-il lui donner seulement le droit de délimiter les concessions ? Quelques orateurs répondent affirmativement à la seconde partie de la question.
Mais plusieurs membres, et je suis de ce nombre, regardent la délimitation comme une injustice, comme établissant un monopole. M. le ministre a dit : Fixez dans la loi un délai pendant lequel elle restera en vigueur, et le délai expiré la loi tombera ; ainsi le monopole que vous auriez pu établir ne sera que provisoire. Ce remède n’en est pas un ; car, quand la loi aura cessé d’exister, il n’y aura plus de commission et nous nous trouverons dans l’état où nous sommes.
Je conçois bien que, quand on met dans la loi fondamentale : Telle loi sera portée dans tel délai, la législature est forcée de s’occuper de la loi. Mais, dans une loi de cette espèce, on mettra ou on ne mettra pas un délai et la législature n’aura pas plus dans un cas que dans l’autre contracté d’engagement. C’est par ce motif que je persiste dans l’opinion que j’ai émise avant-hier
M. Mary. - Que vous demande-t-on aujourd’hui ? On vous demande de priver les provinces qui tirent une partie de leurs richesses des mines enfoncées sous leur sol, de leur prospérité, on vous demande de les empêcher de faire l’exploitation de ces mines. Pourrait-on empêcher des provinces fertiles de cultiver leurs champs ? Ainsi nous serions comme l’avare, ayant des trésors à ses pieds, et ne voulant en tirer aucun parti. On nous dit qu’il y a assez d’exploitations ; mais on juge la position du pays par son état actuel ; mais qui vous dira que prochainement un état politique plus stable, moins à la guerre, ne donnera pas plus d’essor à l’industrie ? Le gouvernement, dit-on, donnera les extensions de concession, ; mais ces maintenues ne font rien à la richesse du pays, car les personnes qui exploitent déjà ne demandent qu’un titre qui consolide leur position.
On a parlé, messieurs, des concessions de mines de fer ; mais on n’a pas fait attention que la loi de 1810 a prévu tous les cas possibles.
Quand la mine de fer est à fleur de terre, le propriétaire du sol peut l’exploiter ; s’il est nécessaire de creuser le sol, de faire des galeries souterraines, la loi porte qu’il y a nécessité de faire des concessions. Ainsi, pour établir des travaux de l’art, il faudrait, d’après les amendements, agir d’une manière illégale.
Nous grevons la postérité d’emprunts sans cesse renouvelés et nous empêcherions que les richesses de la terre soient mises à profit Nous déclarerions dans une loi que les mines qui font la prospérité nationale ne seront pas mises en exploitation ! C’est ce que je ne puis concevoir. M. le ministre de l'intérieur a cru devoir se rallier au projet de la commission ; je crois devoir faire remarquer sa position : comme député il a proposé un amendement, et comme ministre il soutient la commission. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que la chambre puisse consacrer le monopole.
M. Ch. de Brouckere. - Je veux m’expliquer sur le premier paragraphe de l’article en discussion. Par des motifs opposés à ceux qui viennent d’être exposés, je demande la suppression de ce premier paragraphe.
L’article 69 de la loi de 1810 dit qu’il y aura lieu à concession pour les minerais de fer, lorsque, avant d’avoir recours aux ouvrages d’art, on aura exploité à ciel découvert. Dans le cas de concession, elle doit être accordée au propriétaire de la mine. Mais, la fin des exploitations à ciel découvert n’étant pas près d’arriver, j’en conclus que le paragraphe est inutile.
M. Devaux. - Je conclus au rejet de tous les amendements et des articles 3 et 4 du projet. Nous avons fait ce que nous devions faire ; nous avons remplacé le conseil d’Etat par une commission ; la loi de 1810 peut être exécutée ; il ne s’agira plus maintenant que de savoir si nous devons la modifier en quelque point. Quant à moi, je ne le crois pas, parce que, pour la modifier, il faudrait une mûre délibération, un examen approfondi.
On vous propose un monopole pour ceux qui exploitent maintenant ; on vous propose d’écarter tous ceux qui voudraient exploiter ; on dit qu’il y a trop de mines : eh bien s’il y a trop de mines, laissez faire l’intérêt particulier ; il sait ce qu’il doit entreprendre, ce qu’il doit abandonner. Les industries, pense-t-on, se détruiront les unes par les autres. C’est l’argument avec lequel on soutenait autrefois les jurandes et les maîtrises, et tous les monopoles ; cependant on a détruit les jurandes et les monopoles : qu’en est-il résulté, ? C’est que l’industrie a fait des progrès immenses.
Je demande aussi le rejet des dispositions qui limitent la durée de l’exécution de la loi de 1810 ; je partage sur ce point l’avis de M. de Brouckere et l’avis de ses adversaires. A Charleroi, un établissement considérable a été fait pour exploiter des filons de minerais de fer : iriez-vous défendre d’obtenir des concessions de minerais à ceux qui ont fait de si grandes avances ? On dit qu’ils ont mis cinq cent mille francs dans leur établissement.
S’ils ne peuvent pas obtenir de concessions pour de nouveaux minerais, il faudra qu’ils se livrent à leurs concurrents pour obtenir la matière première, et il y aurait là une industrie entravée. En résumé, mon opinion est que nous ne devons pas toucher à la loi de 1810, à moins de la modifier entièrement. Nous avons fait, je le répète, tout ce qu’il y avait à faire. Cette loi a existé pendant 22 ans ; si elle a été la cause de beaucoup d’abus, on y remédiera.
J’oubliais, en m’emparant de l’opinion de M. Dumont, de voter le rejet du premier paragraphe. Ce premier paragraphe dit qu’on n’accordera aucune concession. J’en demande le rejet pur et simple.
M. de Robaulx. - M. Dumont a fait un argument sur la suppression du paragraphe relatif aux minerais de fer. Il as cité un mémoire pour appuyer son argumentation. Je n’ai jamais considéré un établissement comme étant l’industrie elle-même dont l’établissement s’occupe.
Je n’ai jamais considéré que les lois dussent se faire dans un intérêt privé. M. Willmar dit : « On a accordé des concessions de minerais de fer à plusieurs particuliers ; nous devons à présent nous adresser à ces extracteurs de mines ; nous devons passer par les mains de nos concurrents, et par conséquent nous devons leur fournir 30,000 florins de bénéfice. » Si M. Wilmar est dans cette position, c’est un malheur pour lui ; mais en faut-il tirer la conséquence que l’on doit continuer à disposer d’un manière illégale de la propriété d’autrui afin de favoriser une entreprise ? Doit-on m’attaquer dans ma propriété en faveur de M. Wilmar ?
La question est de savoir ce que l’on peut ou ne peut pas faire en vertu de la loi de 1810 ; M. de Brouckere dit que cette loi ne permet pas l’exploitation à ciel ouvert ; M. Mary soutient le contraire ; que fera le conseil des mines à cet égard ? Il restera dans les termes de la loi de 1810.
En forçant le sens de cette loi comme on faisait sous le roi Guillaume, on fera des concessions nouvelles.
Je dis que des concessions nouvelles ne sont pas possibles. Dans la province de Namur et dans la province de Hainaut il y a des émeutes occasionnées par des concessions. Aujourd’hui on n’est pas tranquille, parce qu’on est inquiet sur vos décisions ; on attend que vous vous prononciez : si vous ne vous décidez pas, on dira que votre belle révolution s’en est allée en fumée et qu’elle n’a point profité aux malheureux. Je veux que l’on favorise l’industrie, mais je ne veux pas qu’on attaque la propriété. Si les fourneaux n’étaient pas alimentés, je dirais qu’il faut prendre les moyens de donner de l’activité à cette industrie ; mais je soutiens que les concessions sont loin de parvenir à ce but et de pourvoir aux besoins des fourneaux.
Si vous laissez l’extraction libre, chaque propriétaire tirera de la mine parce qu’on la tire à peu de frais, et on alimentera les fourneaux, et on aura la mine à meilleur marché ; par là on détruira le monopole. Les industriels qui ont quinze cents bonniers de concession ne tirent de la mine que ce qu’il en faut pour la maintenir à un haut prix. Les concessions sont contraires au droit de la propriété et ne favorisent pas l’industrie.
Quant aux mines de charbon, je ne suis pas d’avis de détruire le droit de concession, parce qu’il faut de grandes mises de fonds et des travaux considérables pour les exploiter ; mais faut-il mettre actuellement des dispositions à cet égard dans la loi en discussion ? Je m’en rapporte à votre sagesse.
Je vous assure que si vous ne déclarez pas dès aujourd’hui qu’une commission sera nommée pour réviser la loi de 1810, il y aura augmentation des inquiétudes qui tourmentent nos provinces. C’est dans l’intérêt de l’industrie, c’est dans un intérêt politique que la révision doit avoir lieu. Je demande cette révision. Créez, comme l’a dit M. Devaux, la commission qui doit mettre la législation existante à exécution ; mais nommez en même temps une commission pour examiner la loi de 1810, car sans cela vous n’aurez rendu justice à personne et vous retournerez chez vous après avoir beaucoup parlé et rien fait.
M. Gendebien. - Dans l’opinion même de M. de Brouckere et de M. Devaux, je crois qu’il y aurait lieu à maintenir l’amendement de M. d'Elhoungne, et d’interdire temporairement toute concession nouvelle. Dans l’opinion de M. de Brouckere, il serait impossible de concéder des mines de fer d’après la loi de 1810. Oui, si l’on s’en tient judaïquement au texte de la loi ; mais si l’on consulte son esprit, cette opinion n’est pas soutenable.
Il ne peut, dit-il, y avoir lieu à concession qu’autant qu’on a exploité du minerai à la superficie du sol ; c’est une erreur, car il peut n’y avoir pas du minerai à la surface et y en avoir à 50 et 100 pieds sous terre. Vous voyez donc que vous forcez le principe, et qu’il y a toujours lieu à concession, soit que le minerai se trouve ou non à la superficie.
Mais, dit-on, il y a nécessité, utilité, à ce que des concessions puissent être faites. Non, il n’y a pas utilité, ni nécessité ; il y aurait, au contraire, danger, parce que les concessions favorisent le monopole. Remarquez, en effet, que par les concessions vous concédez, non seulement les mines qui exigent des travaux d’art, mais encore celles qui peuvent s’exploiter à la superficie. Qu résulte-t-il de là ? C’est que, les propriétaires ne pouvant exploiter sur leur propre sol, le monopole s’établit en faveur des concessionnaires. C’est ce qui est arrivé toutes les fois que des concessions ont été faites, et le seul bénéfice qu’en ait retiré l’industrie c’est l’augmentation du prix du minerai au profit de quelques personnes.
Qu’on cesse donc de parler au nom de l’humanité et de craindre le monopole. Il n’est à craindre que par les concessions. Adressez-vous à tous les maîtres de forges de bonne foi, et il en est peu qui vous diront qu’il faut faire des concessions. On a cité un établissement qui réclamait une concession ; cet établissement, je l’ai vu, il est admirable, gigantesque ; il mérite toute l’attention du gouvernement, mais il n’a pas besoin de concession : le propriétaire a dû connaître d’avance qu’il existait du minerai près de son usine. Si les propriétaires ne l’exploitent pas il peut l’exploiter lui-même. La loi de 1810 lui fournit le moyen de forcer les propriétaires à exploiter la mine, et, en cas de refus, de l’exploiter lui-même. Que lui faut-il de plus ?
Je ne redoute pas autant les concessions que sous l’ancien régime, parce que maintenant qu’elles ne seront accordées que sous la responsabilité d’un ministre il y regardera à deux fois ; cependant, messieurs, des abus peuvent être la conséquence de la loi. Eh bien ! tranchons net à tous ces abus en interdisant provisoirement toute concession nouvelle ; ce sera en même temps un encouragement aux propriétaires expropriés pour faire valoir leurs droits, et faire annuler les concessions accordées illégalement. Je pense que nous sommes arrivés maintenant au terme de la discussion, et qu’il y a lieu d’adopter l’amendement de M. d'Elhoungne.
M. Poschet. - Je n’ajouterai qu’un mot à ce que vient de dire M. Gendebien. M. Vilmar, a-t-on dit, dépendra de ses voisins ; mais il en dépendra toujours. S’il peut se procurer du minerai chez eux, et s’il peut s’en procurer ailleurs, il n’a pas besoin de concession. Comme on l’a très bien dit, les maîtres de forges n’ont jamais été d’avis que l’on fît des concessions. Lorsqu’en 1811 le gouvernement, pour avoir de l’argent, annonça l’intention d’en faire, les maîtres de forges envoyèrent une députation à Paris, et ils donnèrent de l’argent au gouvernement, qui ne voulait pas autre chose, pour qu’il ne fît pas de concessions nouvelles. Pour que les concessions n’entraînassent pas d’inconvénients, il faudrait en accorder à tous ceux qui y droit ; et je vous réponds que s’il en était ainsi, personne n’en voudrait. Si quelqu’un a demandé une concession, c’est moins dans un but d’utilité générale que pour faire le monopole.
Après cela, dit-on, la loi de 1810 ne peut pas entraîner d’inconvénients ; mais elle en entraînera toujours, parce que les ingénieurs qui trouvent le moyen de se fourrer (on rit) dans toutes les entreprises, prétendront toujours qu’il y a lieu à concession. On a prétendu qu’on ne pouvait pas abuser de ces concessions : la preuve, messieurs, qu’on peut en abuser, c’est que, dans toutes les communes où il en a été fait, des réclamations se sont élevées, de la part de tous les habitants.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, l’amendement que j’ai proposé a été attaque par plusieurs honorables membres, dans ce sens qu’il tendait à empêcher l’exploitation de richesses certaines enfouies dans la terre. S’il s’agissait de maintenir la prohibition pour un long temps, je n’hésiterais pas à le combattre moi-même ; mais nous sommes placés dans un cas tout spécial.
Nous avons besoin d’exécuter l’article 53 de la loi de 1810 ; on ne le peut que dans une mesure transitoire ; dès le moment que l’inconvénient que l’on redoute doit tomber devant la révision de la loi de 1810, il faut adopter mon amendement, car si vous rejetiez tous ceux qui tendent à restreindre momentanément l’effet de la loi à l’exécution de l’article 53, vous allez donner à la commission que vous nommerez le pouvoir de se perpétuer, et elle se perpétuera parce que, remplissant les fonctions du conseil d’Etat, il n’y aura presque plus de nécessité de remanier la loi ; tandis que si vous restreignez le droit d’accorder des concessions, le besoin d’en avoir de nouvelles se faisant sentir, les demandes surgiront de tous les côtés, et alors on sera bien obligé de réviser la loi.
Je pense donc que le seul moyen de nous tirer de l’embarras où nous sommes, c’est d’adopter un des amendements qui restreignent l’exécution de la loi de 1810 à celle de l’article 53 ; sans cela, comme je l’ai déjà dit, la commission se perpétuera et la loi ne sera jamais révisée.
M. Delehaye. - Il me paraît, messieurs, que nous allons finir cette discussion comme nous l’avons fait il y a 4 ou 5 mois. A cette époque je présentai une pétition qui demandait la révision de la loi de 1810, la discussion de cette question fut ajournée indéfiniment. Aujourd’hui je ne voudrais pas qu’il en fût de même. Que vous permettiez ou non à la commission d’accorder des concessions, il y aura toujours de graves abus.
Il serait plus prudent de laisser la loi de 1810 telle qu’elle est, de faire remplacer le conseil d’Etat par la commission dont parle l’article premier, et de nommer une autre commission chargée de réviser la loi de 1810. De cette manière, nous mettons un terme à une discussion qui nous occupe depuis longtemps, et, sans léser les intérêts qui souffrent de l’absence du conseil d’Etat, nous nous mettons à même d’améliorer la loi de 1810.
M. Devaux. - Je ne suis pas touché de cet argument, qu’il faut faire souffrir des intérêts provisoirement pour obtenir plus tôt la révision. Il me semble, messieurs, que c’est un assez singulier moyen que de faire une mauvaise loi pour faire crier ceux qu’elle lèse, afin d’obtenir ensuite une meilleure loi. J’ai cité un établissement, je n’en connais pas le propriétaire, je n’ai ni relations ni intérêts qui m’attachent à des propriétaires de mines ; mais il me semble que c’est déjà un assez fort argument de trouver un établissement de cette importance qui, dès le premier pas, nous fait voir la nécessité de nouvelles concessions.
Quoiqu’il en soit, il faut poser le principe d’une manière nette et précise. Si l’on veut réviser la loi, il faut que ce ne soit qu’après une mûre délibération, et il faudrait d’abord qu’une commission examinât la question de savoir s’il y a lieu de la réviser.
M. Poschet. - M. Devaux vient de nous parler encore de M. Vilmar ; j’ai déjà dit que M. Vilmar dépendait de ses voisins et qu’il en dépendrait toujours, et s’il ne trouve pas de minerai à proximité de son usine, une concession ne lui en fournira pas davantage. M. Vilmar demande une concession parce qu’il voudrait accaparer ; mais, si on lui accorde une concession à lui, il faudra en accorder à tous. M. Spitaels, qui a un bel établissement voisin du sien en demandera une aussi.
(Ici l’honorable membre prononce quelques phrases que nous n’avons pu saisir et qui excitent l’hilarité de l’assemblée ; il termine en disant que ceux qui connaîtraient un peu la matière ne voudraient pas de concession.)
M. de Robaulx. - MM. Delehaye et Devaux viennent de se réunir à ce que j’avais dit dès le principe, qu’il fallait nommer une commission pour réviser la loi de 1810. Quant à ce qu’a dit M. Poschet, qu’on ne pouvait pas exploiter sans faire des travaux d’art, je dirai qu’il n’y a que M. Hanonet qui en ait fait de ces travaux ; et quand on a dit que le travail à ciel ouvert exigeait des travaux d’art, et qu’on a ajouté que des trous qui coûtent à creuser 12 ou 15 francs doivent être considérés comme tels, je dis que M. Poschet a sacrifié la vérité au plaisir de faire un jeu de mots. Je vous le demande, en effet dès qu’un malheureux fait un trou qui coûte une douzaine de francs à creuser, pour y trouver du minerai, est-il possible de dire que ce sont là des travaux d’art ? Du reste, tout en ayant l’air de combattre notre opinion, M. Poschet est du même avis que nous.
Je ne veux pas engager la chambre à porter une décision qui pourrait la lier plus tard. Ce que j’ai demandé dès le commencement de la discussion et ce que je demande encore, c’est qu’on ne fasse pas du provisoire qui devienne du définitif, mais qu’on nomme, dès aujourd’hui, une commission chargée de recevoir les plaintes de l’industrie et des propriétaires, et de faire sur cela un travail définitif pour faire cesser tous les abus de la loi de 1810 ; et il en existe, quoi qu’on en dise.
M. Gendebien. - Je demande la parole pour faire une seule observation. Loin de m’opposer à la nomination d’une commission, j’y adhère complétement ; mais en attendant, je ne crois pas que l’intention de M. de Robaulx soit de tenir en suspens les droits des anciens concessionnaires.
M. de Robaulx. - Je consens bien à ce qu’une commission remplisse provisoirement les fonctions du conseil d’Etat.
M. Gendebien. - Il pourra être accordé des concessions ?
M. de Robaulx. et quelques autres. - Sans doute.
M. H. de Brouckere. - Nous sommes tous d’accord.
M. le président. - Je vais donner lecture de l’amendement de M. Pirmez.
M. Pirmez. - J’y renonce.
M. H. de Brouckere demande qu’on mette aux voix la suppression de l’article.
M. de Robaulx. - On peut consulter la chambre pour savoir si une commission sera chargée de réviser la loi de 1810 ; en cas d’affirmative, l’article 3 tombe de lui-même.
M. le président. - Je dois mettre avant tout les amendements aux voix ; s’ils sont rejetés, on votera sur l’article.
M. H. de Brouckere. - Il est inutile de voter sur des amendements, si, en définitive, l’article devait être supprimé. Je conçois que quand il ne s’agit que d’un article, on ne mette pas aux voix la suppression parce que ceux qui voudraient la suppression peuvent voter contre ; mais comme ici il y a plusieurs amendements, pourquoi voter sur ces amendements quand d’un seul coup l’article sera peut-être supprimé ? Je demande donc que la suppression de l’article soit mise aux voix. Il y a des précédents qui autorisent cette manière de procéder ; cela s’est fois plusieurs fois sur ma propre demande.
M. Lebeau. - La question préalable sur l’article !
M. Poschet. - Si vous mettez la suppression de l’article aux voix, on ne la votera pas si on n’est pas convaincu que vous avez un amendement à mettre à la place.
M. Delehaye. - Je pense que la question préalable ne porte que sur l’article et non pas sur ma proposition.
- Plusieurs voix. - Oui ! oui !
- La question préalable sur l’article 3 est mise aux voix et adoptée. Demandée sur l’article 4, elle est adoptée pareillement.
M. le président lit la proposition de M. Delehaye ainsi conçue : « Je propose de nommer une commission chargée de réviser la loi de 1810 et de faire son rapport à la chambre en indiquant les modifications qu’elle jugera convenable.
M. Devaux fait observer qu’il faudrait d’abord que la chambre décidât s’il est nécessaire de réviser la loi de 1810 ; il demande qu’on ajoute à la proposition de M. Delehaye et après le mot : « réviser », ceux-ci : « s’il y a lieu. »
- Cette modification est adoptée et ensuite la proposition de M. Delehaye.
La chambre décide que la commission sera composée de 7 membres, qui seront désignés par le bureau.
La séance est levée à 4 heures.
Noms des membres absents sans congé dans la séance du 18 mai : MM. Angillis, Barthélemy, Berger, Brabant, Dams, Devaux, Dumortier, Fleussu, Gelders, Jamme, Seron, Ch. Vilain XIIII.