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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 février 1832

(Moniteur belge n°42, du 11 février 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure et demie.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dellafaille fait l’appel nominal et lit le procès-verbal, qui est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue analyse plusieurs pétitions qui sont renvoyées à la commission.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1832

Rapport de la commission

L’ordre du jour est le rapport de la commission chargée de l’examen du budget de la guerre.

M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, je viens au nom de la commission que vous avez chargée de l’examen du budget de la guerre, vous présenter le rapport sur ses opérations. Des réductions de crédit s’élevant à une somme de 1,877,078 florins sont le résultat de son travail ; et, si l’économie n’a pas été poussée plus loin, c’est que, dans l’état actuel des choses, nous avons craint de laisser le service en souffrance. J’arrive aux détails. (Note du webmaster. Ce détail n’est pas repris dans la présente version numérisée).

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Il me semble que la chambre doit fixer le jour de la discussion.

M. de Robaulx. - Il est nécessaire d’attendre tous les rapports, et qu’une discussion soit ensuite ouverte sur tous les budgets.

M. Fleussu. - Je ferai remarquer à notre collègue que le budget de la guerre est une loi particulière, indépendante des autres budgets.

M. Delehaye insiste pour qu’il y ait une discussion générale sur tous les budgets.

- En conséquence, la chambre ordonne seulement l’impression et la distribution du rapport.

M. Jullien. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Il y a trois semaines, j’avais fait une proposition relative au marché Hambrouck. Vous l’avez renvoyée à l’examen des sections. Cependant je ne m’aperçois pas qu’on s’en soit occupé ; j’attribue cela à ce qu’elle n’a pas été portée sur le bulletin de l’ordre du jour fixé pour nos délibérations. Toutefois, messieurs, comme il résulte de cette proposition, si elle est fondée, que la nation perd plusieurs mille florins par jour, je demande qu’elle soit examinée dans les sections.

M. le président. - Elle viendra après les budgets.

M. Jullien. - M. le président ne m’a pas bien compris ; je demande que les sections s’occupent dès demain de l’examen de ma proposition.

M. de Robaulx. - Nous avons reçu deux mémoires de la part des fabriques sur la question soulevée par les propositions de MM. Brabant et Dubus. Dans la discussion sur la prise en considération, on a dit que cette question était extrêmement grave ; et qu’il s’agissait d’une interprétation. Eh bien ! si c’est un objet aussi important je demande que le gouvernement nous dise, par l’organe de M. le ministre des finances, quels sont les motifs qui l’ont engagé à exercer des poursuites contre les fabriques, et quel sont ses moyens de poursuites ? Je désire que M. le ministre des finances nous fournisse de son côté un mémoire explicatif.

M. Jullien. - Je ne comprends pas pourquoi, à l’occasion d’une motion sur le marché Hambrouck, on vient nous parler des fabriques… (on rit.)

M. de Robaulx. - C’est une autre motion d’ordre que je fais.

M. Jullien. - Mais il n’est question en ce moment que de la mienne. Je demande que M. le président consulte la chambre pour savoir si elle entend adopter ma motion, tendante à ce que la proposition que j’ai faite, il y a trois semaines, soit examinée, dès demain, par les sections.

- La chambre, consultée, se prononce pour l’affirmative.

M. de Robaulx. - Comme M. le ministre des finances est absent, je n’insiste pas sur ma motion. Je crois que, quand il saura ce que je viens de demander, cela suffira pour qu’il y satisfasse.

Etat des négociations diplomatiques

Réponses du gouvernement

La suite de l’ordre du jour appelle les explications de M. le ministre des affaires étrangères sur les questions qui lui ont été posées par MM. Gendebien et Osy.

M. Gendebien donne lecture des quatre questions qu’il avait adressées dans la séance du 21 novembre dernier (voyez plus bas le discours de M. le ministre des affaires étrangères), et il ajoute : Telles sont les questions que j’avais adressés à M. le ministre, il y a trois mois. Sentant qu’il y avait de l’inconvénient à exiger alors une réponse catégorique, je les ai ajournées à un temps plus opportun ; je crois maintenant que ce temps est arrivé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, vous venez d’entendre les interpellations que m’adresse M. Gendebien ; il me demande : 1° de déposer les deux notes remises par le plénipotentiaire belge à la conférence, tendantes à obtenir des modifications aux 24 articles.

Le texte de la première de ces notes se trouve textuellement à la page 122 du rapport que j’ai eu l’honneur de vous faire le 14 janvier dernier. La seconde, exclusivement relative à la dette française n’a pas été publiée. Elle est assez longue ; mais, si la chambre ou M. Gendebien le désire, je la déposerai sur le bureau.

M. Gendebien me demande : 2° les demandes et prétentions ou modifications adressées à la conférence par le roi de Hollande, et au sujet desquelles une réponse a été faite par la conférence dans les termes identiques employés à l’égard du ministre belge.

Messieurs, deux notes ont été adressées par le gouvernement à la conférence pour obtenir des modifications sur les 24 articles ; ni l’une ni l’autre n’ont été l’objet des délibérations de la conférence, parce qu’elle a répondu que le traité du 15 novembre était final et irrévocable. Dès lors ces notes n’ont pas été communiquées à la partie adverse. Mais, depuis, les prétentions de la Hollande ont été longuement développées dans le mémoire du 14 décembre, qui se trouve à la page 2 de mon mémoire. Si, en outre, on désire connaître toutes les prétentions de la Hollande, on peut consulter le mémoire de la conférence du 4 janvier, qui se trouve à la page 21 de mon rapport, et de plus la dernière note de la Hollande, que j’ai fait insérer dans le Moniteur et que je déposerai, si l’on veut, sur le bureau.

3° M. Gendebien demande des explications sur le sens dans lequel on doit entendre la ratification et l’échange à faire dans le terme de deux mois.

J’ai déjà eu l’honneur de vous dire, dans mon rapport du 19 novembre, que l’échange des ratifications n’est qu’une simple formalité diplomatique, dès qu’il est constant que les plénipotentiaires des cinq cours s’étaient renfermés dans les limites de leurs pouvoirs. Je persiste encore dans cette opinion. Ainsi, un refus de ratification ne pourrait être motivé que sur un excès de pouvoir commis par les plénipotentiaires respectifs des puissances ; car les mandataires ont évidemment engagé les mandants par leur signature. On me dira : mais à quoi tient donc le retard de trois des puissances ? Je crois qu’il tient à des prétendues convenances politiques, aux liens étroits de famille qui lient le roi Guillaume avec un monarque du nord, et qui font employer auprès de lui tous les efforts pour l’engager à accéder au traité.

4° Enfin, M. Gendebien demande quelles seraient les conséquence d’un refus de ratification des cinq puissances ou de l’une d’elles. Heureusement le premier cas ne peut plus se présenter : la France et l’Angleterre ont ratifié. Quant à l’Autriche, à la Prusse et à la Russie, les conséquences de leur refus me semblent en dehors des prévisions humaines. Chacun peut faire là-dessus telles conjectures que bon lui semble. Quant à moi, je déclare qu’il m’est impossible d’en prévoir le résultat. Mais il est bon, outre sa propre opinion, de consulter celle des autres, et de savoir comment on envisage la ratification de l’Angleterre et de la France dans les autres pays.

En Angleterre, à la séance de la chambre des communes du 3 février, lord Palmerston, interpelé à l’occasion de ce traité, s’est textuellement exprimé ainsi : il a dit qu’un traité signé par les plénipotentiaires des rois de l’Europe, et ratifié par le roi d’Angleterre, devenait un « engagement de tout point complet et obligatoire pour toutes les parties. » Vous voyez, que, dans l’opinion du gouvernement britannique, il suffit que le traité ait été signé par les plénipotentiaires de puissances, et même que le roi d’Angleterre l’ait signé seul, pour qu’il soit définitif et obligatoire, non seulement vis-à-vis de l’Angleterre et de la Hollande, mais encore pour toutes les autres parties. (Sensation.)

Lord Palmerston, interpelé de nouveau sur la possibilité d’une refus de la part des autres puissances, a dit encore « qu’il entretenait l’espoir le mieux fondé que les ratifications des autres puissance arriveraient aussi. » Je le répète, il est libre à chacun, tant que les faits ne sont pas accomplis, de s’attendre à une issue différente.

Quant à moi, je pense que, depuis le 31 janvier, nos affaires ont fait un pas immense, et que les ratifications de la France et de l’Angleterre sont d’un heureux augure pour la conclusion prochaine et définitive du traité.

M. Osy. - je demande que M. le ministre veuille bien s’expliquer aussi sur la question que je lui ai posée relativement à l’évacuation d’Anvers.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - M. Osy m’avait, en effet, adressée une demande dans une de nos dernières séances ; mais je l’avais prié, ainsi que M. Gendebien, de la déposer sur le bureau, et la chambre l’avait elle-même ordonné. M. Osy n’ayant pas satisfait à cette formalité, j’ai cru qu’il se désistait de sa demande. Il est vrai pourtant qu’il m’a fait parvenir ce matin une petite note, par laquelle il renouvelle cette question. Dans cette position, je pourrais me dispenser d’y répondre ; mais, si M. Osy le désire et si la chambre le permet, je veux bien m’expliquer en quelques mots ; ce ne sera pas long.

L’exécution du traité du 15 novembre est garantie par les puissances. Jusqu’à présent la France et l’Angleterre seules ratifient le traité. Le roi de Hollande persiste à refuser d’y accéder, et il est probable qu’il est confirmé dans son obstination par le retard des puissances du Nord. Comme il se trouve en possession de la citadelle d’Anvers, ce n’est que par la force seule qu’il pourrait être contraint à l’évacuer. En droit, je crois que nous pourrions invoquer l’appui de la France et de l’Angleterre pour cette évacuation ; mais, vous le savez, le siège de la ville, qui a été retardé jusqu’ici par considération pour ses habitants, les exposerait aux malheurs d’un bombardement ; il s’agit de savoir non ce qu’on est en droit de faire, mais ce qu’il convient de faire. Dans cette situation, je demande à M. Osy s’il est d’avis de procéder par la force, ou s’il ne vaut pas mieux attendre le résultat des négociations pacifiques qui ont lieu entre les puissances.

(Supplément au Moniteur belge non daté et non numéroté) M. Gendebien. - Messieurs, depuis un an, on nous annonçait que le rôle de la diplomatie serait très court. Lors de 18 articles, on nous dit que nos affaires avaient fait un pas immense, et on l’a répété aujourd’hui. Vous pouvez juger du pas immense que nous avions fait alors par les 24 articles qui sont venus ensuite. S’il en est de même aujourd’hui, il nous en arrivera encore douze, et d’ici à dix années, en faisant toujours des pas immenses, nous arriverons à un traité définitif, si toutefois nous ne périssons pas auparavant de consomption.

Je commence par remercier le ministre des affaires étrangères d’avoir déposé sur le bureau la note du gouvernement belge remise par notre plénipotentiaire à Londres ; seulement, je regrette qu’il ne l’ait fait plus tôt. Quant à celle du gouvernement hollandais, M. le ministre a dit qu’il l’avait fait insérer dans le Moniteur. Il ne me reste qu’une seule question à lui faire, c’est celle de savoir si cette note est exactement conforme à celle remise par le plénipotentiaire hollandais à la conférence, ce dont j’aime à ne pas douter.

J’ai demandé, dans le temps, des explications sur le sens dans lequel on devait entendre la ratifications et l’échange à faire par les puissances, parce que l’article 3 additionnel du traité, qui en est le 27ème, ne me paraissait pas clair. Cet article est ainsi conçu : « Le traité sera ratifié et les ratifications en seront échangées dans le terme de deux mois, ou plus tôt si faire se peut. » Ce texte, dis-je, ne me paraissait nullement clair : l’explication est arrivé trois mois après ; les événements ultérieurs prouveront si je l’avais bien interprété. Par ces mots « le traité sera ratifié, » j’ai compris que les plénipotentiaires des puissances n’avait traité que sauf ratification, et j’en tirai la conséquence qu’il ne portait rien de définitif : l’expérience a démontré que je ne m’étais pas trompé. C’est dans ce sens qu’un ministre prudent eût entendu la chose, et il se serait abstenu de donner à la nation de fausses espérances. (Ici l’orateur lit la dernière phrase du rapport de M. de Muelenaere, dans laquelle le ministre dit que le traité est irrévocable, et que l’échange des ratifications n’est plus qu’une simple formalité.) Le ministre, ajoute-t-il, persiste encore dans cette opinion, bien que trois mois d’attente nous aient fait voir que ce n’est pas ainsi qu’on entendait l’article 27.

Eh ! messieurs, rappelez-vous que lorsque le traité fut signé à Londres le 15 novembre, le ministre vous disait qu’il avait été arrêté un mois auparavant, c’est-à-dire le 15 octobre ; et il vous faisait remarquer que, puisqu’il s’était écoulé assez de temps entre ces deux époques pour que les puissances eussent envoyé leurs instructions à chacun de leurs représentants, il s’ensuivait que leur signature était une véritable ratification ; Je faisais observer, moi, que si un mois avait suffi pour que les puissances prissent connaissance du traité et fissent parvenir leurs intentions à leurs plénipotentiaires, il était étonnant que l’on demandât encore deux mois pour l’accomplissement de ce qu’on n’appelait qu’une simple formalité. Je faisais observer en outre que c’était un piège, et l’on a donné dans ce piège. Eh bien ! au bout de trois mois nous voyons que ma prévision est confirmée : seulement nous avons donné le temps aux puissances d’organiser leurs forces.

On vous a dit aussi qu’un refus de ratification ne pouvait être motivé que sur un excès de pouvoir des plénipotentiaires représentant les puissances à Londres. C’est une erreur grave, messieurs : il ne peut pas y avoir d’excès de pouvoir, puisque le traité a été fait après l’échange des pouvoirs. Disons-le nettement, le refus d’adhérer au traité n’est que la conséquence de ce traité lui-même, et, si le ministère avait voulu y voir, il ne serait pas tombé dans l’erreur et n’aurait pas trompé la nation ; il aurait reconnu que le traité n’était définitif qu’avec les ratifications.

M. le ministre est venu nous annoncer que les causes du retard que mettaient les puissances à ratifier étaient de certaines convenances politiques ; mais ces prétendues convenances n’existaient-elles pas il y a trois mois comme aujourd’hui ? Pourquoi donc nous dire que le traité est irrévocable ? Vous voyez que cette réponse n’a pas plus de force aujourd’hui qu’elle n’en avait il y a trois mois. Depuis lors, de graves événements ont eu lieu. La Pologne a été écrasée. Malheur aux peuples maintenant qui n’auront pas la force de se défendre, et qui continueront à suivre la carrière bourbeuse de la diplomatie !

J’ai demandé ensuite quelles seraient les conséquences d’un refus de ratification de la part des cinq puissances ou de quelques-unes d’elles. Le ministre n’a pas hésité à répondre que le traité était obligatoire pour toutes les puissances. C’est se perpétuer volontairement dans une erreur grossière ; car, encore une fois, lisez l’article 27, et vous verrez que leur ratification est nécessaire. La France et l’Angleterre ont ratifié, mais elles pourront toujours venir dire : Il fallait l’adhésion de toutes les puissances ; et, comme nous ne sommes que deux qui donnons cette adhésion, le traité est non avenu. Voilà pourquoi j’avais demandé que la nation se mît en mesure de repousser la force par la force, qu’elle comptât sur elle-même, et non sur les fallacieuses promesses de la diplomatie. Eh bien, on s’est soumis à tout ce qu’a prescrit la conférence, et nous sommes toujours dans le même état !

Relativement à la question qu’avait faite M. Osy, M. le ministre a demandé s’il était bien sage de contraindre par la force le roi de Hollande à évacuer Anvers, et l’on nous a représenté les malheurs d’un siège. Mais, en abondant dans le sens de M. de Muelenaere, puisque le ministère anglais et le nôtre pensent que le traité est désormais obligatoire pour tous, je ne vois pas pourquoi il serait besoin de faire le siège et d’incendier Anvers afin de parvenir à l’évacuation. Dès lors, nous n’avons qu’à déplorer les sacrifices honteux que nous avons faits, puisque nous ne sommes pas plus avancés et que nous sommes toujours dans la même nécessité de recourir à la force.

Je sais faire la part de la position du ministère, je sais qu’elle est pénible ; mais je regrette qu’il n’ait pas senti plus tôt qu’il était dans l’erreur, et qu’il avait eu tort de faire une promesse trompeuse ; je regrette qu’il n’ait pas réalisé le désir que j’exprimais de le voir se mettre en mesure.

M. Jullien. - Messieurs, il est difficile, après avoir entendu les communications données par M. le ministre des affaires étrangères, de ne pas se sentir humilié du rôle que nous fait jouer ici la conférence de Londres, avec ses 55 protocoles. (Hilarité.) Il est temps cependant, messieurs, que tout le monde sache que, si notre bonne foi est extrême, notre crédulité du moins a des bornes ; il est temps de repousser les déceptions, de quelque part qu’elles viennent, et de cesser d’abuser le pays en nous abusant nous-mêmes. Nous avons appris à nos dépens jusqu’où peut mener une aveugle confiance : ne nous exposons pas à une seconde surprise, car elle pourrait être mortelle ; et puisque le passé est la leçon de l’avenir, invoquons un instant nos souvenirs, et examinons avec calme, sans récriminations, sans prévention, quelle est notre position actuelle, où nous sommes, où nous allons.

Pour prendre la diplomatie en flagrant délit, je n’aurai pas besoin de remonter au-delà des 18 articles. Rappelez-vous seulement le langage qu’on vous tenait alors. « Si vous refusez, vous disait-on, vous déchaînez la guerre avec tous ses fléaux, vous allumez l’incendie qui menace d’embraser le monde, tandis qu’en acceptant, vous consolidez la paix générale, vous assurer à jamais votre indépendance ; » et, comme si les plus chers intérêts de la patrie n’eussent pas suffi pour vaincre vos résistances, on vous faisait crier par une voix polonaise : « Le sort de la Pologne est dans vos mains ; Belges, sauvez la Pologne ! » (Mouvement.)

Eh bien ! ces 18 articles, vous les avez acceptés, et la question de la paix s’est compliquée d’un protocole de plus (nouvelle hilarité), et votre indépendance est devenue plus précaire que jamais, et vous savez si la Pologne a été sauvée !

Pendant qu’on vous adressait ces paroles trompeuses, on préparait à ce peuple héroïque de sanglantes funérailles, dont l’Europe est destinée à porter longtemps le deuil.

Cette combinaison ainsi épuisée, une autre devait lui succéder. Les 24 articles furent livrés à vos discussions ; pour cette fois, c’était l’arrêt du destin ; les conditions étaient finales, irrévocables, et il nous fut déclaré, de par la conférence, que les cinq puissances étaient résolues à en amener elles-mêmes l’acceptation pleine et entière, et à user de tous les moyens en leur pouvoir pour obtenir notre assentiment.

C’est alors que, pour soutenir le grand œuvre, vous avez vu accourir le ban et l’arrière-ban de notre diplomatie, chargée de vous révéler, dans le secret de nos délibérations, les hautes pensées qui semblaient avoir animé le grand aéropage.

Je ne vous rappellerai point de pénibles souvenirs ; nos débats sont encore présents à votre mémoire, et, si les intentions de la minorité ont été méconnues et ses prévisions dédaignées, on vous rendra du moins la justice de dire que, tout en acceptant les 24 articles, vous avez protesté à la face du monde que vous ne cédiez qu’à la contrainte et à l’impérieuse loi de la nécessité. Vous n’avez pas oublié sans doute l’anxiété avec laquelle on attendit le résultat de l’acceptation, jusqu’à ce qu’on vous eût annoncé le traité du 15 novembre ; et alors, chose bizarre !, peu s’en fallut qu’à la différence du grand peuple qui n’allait au capitole rendre grâces aux dieux que dans des jours de triomphe, que nous ne fussions en corps entonner un Te Deum, et remercier le Tout-Puissant de ce que la conférence avait daigné agréer le traité qu’elle-même nous avait imposé et nous avait contraints d’accepter un mois auparavant.

Ce traité, augmenté de trois articles, porte, article 27, qu’il sera ratifié ; et les ratifications en seront échangées dans le terme de deux mois, ou plus tôt si faire se peut.

Après tant de combinaisons, tant de lenteurs calculées, tant d’espérances trompées, le terme paraissait bien long ; mais comment douter de la sincérité de la conférence ! Ecoutez plutôt notre diplomatie ; c’est elle qui va parler : « Le traité ayant été conclu par des ministres munis de pleins pouvoirs qui ont été échangés et trouvés en bonne et due forme, l’échange des ratifications et la ratification elle-même ne sont plus que de simples formalités diplomatiques ; le traité est dès à présent définitif et irrévocable. » Ainsi le traité devait être échangé au plus tard le 15 janvier dernier ; mais, au lieu de ratifications, c’est un protocole du 11 janvier, portant le numéro 54, qui nous annonce que le délai est prorogé au 31. Du reste, pas le moindre embarras dans la diplomatie ; les choses sont toujours à la même place, et c’est seulement la difficulté des communications, à cette époque de l’année, qui est la cause du retard.

Enfin, le 31 janvier arrive, et avec lui le protocole du même jour, n°55 ; plus les ratifications de S. M. le roi des Français et de S. M. britannique ; et, quant aux ratifications des trois autres puissances, les distances et les explications dont le traité du 15 novembre a été suivi n’ont point laissé à ces cours le temps de les expédier à leurs plénipotentiaires ; mais on a l’espoir fondé qu’elles viendront, et, en attendant, ces plénipotentiaires ont demandé que le protocole restât ouvert, et la conférence a décidé que le protocole resterait ouvert. (Hilarité.)

Vous ne me demandez pas, sans doute, de commentaires sur toutes ces déclarations : les faits parlent, et vous pouvez facilement les apprécier ; mais je proposerai ce dilemme :

Ou bien les plénipotentiaires des cinq grandes puissances étaient munis de pleins pouvoirs échangés et trouvés en bonne et due forme ;

Ou bien ces plénipotentiaires ne pouvaient traiter que sous l’approbation de leurs cours.

Dans le premier cas, notre gouvernement a eu raison de nous dire que l’échange des ratifications et les ratifications elles-mêmes n’étaient plus que de simples formalités de chancellerie.

En effet, messieurs, c’est un principe du droit civil et qui n’est pas méconnu, que je sache, par le droit des gens, qu’on est censé faire par soi-même ce qu’on fait par son mandataire.

Si donc les plénipotentiaires étaient munis de pleins pouvoirs en bonne et due forme, il est incontestable qu’en signant le traité du 15 novembre ils ont obligé irrévocablement leurs souverains.

Dans le second cas, et si notre gouvernement nous avait induits en erreur, c’est à lui que nous devrions nous en prendre ; mais la justice veut que je dise que le traité même semble détruire cette supposition, puisqu’on y lit que c’est après avoir échangé leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme que les plénipotentiaires ont arrêté et signé les articles qui suivent.

Maintenant, messieurs, j’examine dans quelle position nous placent les ratifications de la France et de l’Angleterre, ce qu’elles nous laissent à craindre ou à espérer.

Tout à fait étranger à la diplomatie, c’est vous dire assez que je ne mettrai dans cet examen que simplicité et bonne foi.

Ne perdez pas de vue que, d’après l’article 24 du traité du 15 novembre, ce n’est qu’après l’échange des ratifications du traité à intervenir entre la Hollande et la Belgique que nous pouvons espérer l’évacuation de notre territoire ; et, d’après l’article 25, ce sont les cours d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, qui garantissent à S. M. le roi des Belges l’exécution de tous les articles du traité.

Or, le roi des Français n’a fait autre chose, par l’acte déjà signé depuis le 24 novembre, que ratifier le traité conclu entre l’Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie d’une part, et S. M. le roi des Belges qui s’est « associé aux intentions des cours ci-dessus mentionnées. » Faites bien attention à ces expressions.

Que ratifie, à son tour, S. M. britannique par l’acte portant la date du 6 décembre ? Elle ratifie le même traité entre elle et ses bons frères l’empereur d’Autriche, le roi des Français, le roi de Prusse et l’empereur de toutes les Russies d’une part, et son bon frère le roi des Belges d’autre part ; et elle l’exécutera dans tout son contenu, « pour autant qu’il est en son pouvoir. »

Il paraît donc évident, quoi qu’on en dise, que, bien loin de se séparer des trois autres puissances, ces deux cours restent unies avec elles dans les liens du même traité ; ce qui veut dire qu’aussi longtemps que ces trois puissances n’auront pas ratifié, ce traité restera incomplet, et aucune des parties contractantes ne sera pas plus obligée qu’elle ne l’était le 15 novembre au jour de la signature.

Toute la différence qu’il y a, c’est qu’alors des délais étaient fixés pour la ratification, tandis qu’à présent le protocole est ouvert.

Voilà, messieurs, notre position telle que je peux la comprendre ; je ne demande pas mieux qu’on nous la présente sous un plus beau jour ; mais, de quelque manière qu’on cherche à l’expliquer, c’est au gouvernement à réclamer, avec toute l’énergie que donne le bon droit, l’exécution du traité. S’il est, comme on l’a dit, définitif et irrévocable, qu’il ne craigne pas de rappeler à des rois cette belle maxime d’un de leurs pareils, que : « Si la bonne foi était bannie de la terre, c’est dans le cœur des rois qu’elle devrait se retrouver. »

Si nous ne pouvons pas déployer une grande force, montrons au moins de la dignité.

Qu’avons-nous gagné jusqu’à présent à nous abaisser, à nous humilier devant les puissances ? Voyez, comparez et jugez.

La Hollande a compris que c’en était fait de l’indépendance d’un peuple quand il souffrait qu’on intervînt jusque dans son administration intérieure, et qu’on lui dictât des lois avant de l’avoir vaincu. Elle n’a pas voulu reconnaître le jugement d’arbitres qu’elle ne s’était pas donnés, et le roi Guillaume a fait, le 14 décembre, des remontrances énergiques à la conférence.

Aussi, voyez, par la réponse du 4 janvier, comme la conférence lui parle chapeau bas, avec quelle attention délicate, quelles paroles flatteuses on réfute ses arguments, comme on craint de blesser sa susceptibilité, avec quelles protestations de considération, de respect, on termine la note en des termes que je ne peux m’empêcher de reproduire :

« Loin de vouloir faire descendre le roi des Pays-Bas du haut rang qu’il occupe en Europe, les cours représentées à la conférence n’ont eu en vue que de l’y maintenir dans toute sa dignité, dans toute son influence, dans toute sa considération. »

Voilà, messieurs, ce qu’obtiennent la fermeté et le courage, tandis que nous, véritable partie lésée, c’est à peine si on a daigné répondre, de la manière la plus sèche, qu’il n’y avait rien à changer ni à modifier aux 24 articles. Dites-moi maintenant, messieurs, si nous devons croire très rapprochée l’époque où les grandes puissances, ensemble ou séparément, emploieront des moyens coercitifs contre leur bon frère le roi des Pays-Bas.

Messieurs, ce n’est pas en se mettant à genoux qu’on obtient grâce ; et l’exemple d’un ennemi est quelquefois bon à suivre. J’espère que les ministre m’entendront, et qu’ils feront bientôt cesser cet état d’inquiétude et d’anxiété dans lequel la nation gémit et s’épuise depuis longtemps.

(Moniteur belge n°42, du 11 février 1832) M. Osy. - M. le ministre des affaires étrangères a éludé la question que je lui avais faite, en nous parlant des malheurs qui résulteraient d’un siège pour la ville d’Anvers. Je crois qu’il serait très embarrassé de nous dire si la France et l’Angleterre sont décidées à faire exécuter le traité ; mais il me semble qu’en tous cas la nation ne devrait pas continuer de se laisser traîner à la remorque de la conférence, et prendre d’autres moyens pour contraindre la Hollande. Nous avons fait ce qui nous a été prescrit, et cependant nous n’en sommes pas plus avancés. Eh bien ! maintenant, parlons-lui d’une manière énergique et non plus chapeau bas, comme le disait tout à l’heure M. Jullien ; déclarons-lui qu’à dater du 15 janvier nous déduirons de la dette hollandaise les frais du pied de guerre auxquels nous force l’obstination du roi Guillaume ; vous savez tous que ce serait une somme considérable ; il ne s’agirait de rien moins que de 15 millions. Voilà ce qu’il faut faire. Si nous n’avons un ambassadeur à Londres que pour rester dans l’antichambre de la conférence, c’est inutile. Parlons enfin avec fermeté. (Appuyé ! appuyé !)

M. de Robaulx. - Je n’ai jamais aimé la diplomatie, et je proteste contre tous ses actes ; mais j’éprouve le besoin de faire ici une observation. Dans le temps, lorsqu’il y avait dans le peuple une énergie révolutionnaire, lorsque nos volontaires marchaient en avant, je demandais la guerre. Eh bien ! M. Osy et compagnie m’ont répondu : « Que voulez-vous faire ? Voyez quelle sera la position déplorable des villes d’Anvers et de Maestricht ! » Mais aujourd’hui je viens de voir M. Osy prendre une attitude belliqueuse… (Hilarité générale.)

M. Osy. - Je demande la parole.

M. de Robaulx. - Eh bien ! moi je réponds : C’était avant qu’il fallait demander la guerre ; mais aujourd’hui qu’il n’y a plus d’énergie, et que, par votre décision pusillanime, vous avez découragé les patriotes, vous n’avez plus le droit de prendre cette attitude martiale ! Le ministère, que vous voulez faire agir aujourd’hui par la force, a été chargé par vous d’un rôle tout contraire. Oubliez-vous donc que vous avez envoyé un ambassadeur à Londres pour rester dans l’antichambre de la conférence, qu’il est là le complice involontaire de la mystification qu’on vous y prépare, et qu’il arrive, quand tout est fini, pour dire Amen ? (On rit.) Voici ce que je réponds à ceux qui veulent la guerre aujourd’hui. Je dis : Le mouvement de l’Europe aura lieu, et vous subirez la conséquence de votre honteuse décision. Grâce à Dieu, je n’ai point eu l’ignominie d’y prendre part ! mais la prudence aujourd’hui veut que nous ne nous lancions pas seuls dans la guerre. La France est là ! C’est à elle qu’est confiée la cause des résolutions. Nous nous réunirons à elle quand il en sera temps.

M. Osy. - M. de Robaulx dit que je veux la guerre. Non, messieurs, je ne la veux pas ; loin de là ; je crois que nos affaires s’arrangeront sans la guerre. Je désire seulement, pour hâter cette conclusion, que l’on déclare à la conférence et à la Hollande qu’à dater du 15 janvier nous déduirons le pied de guerre du pied de paix sur la dette qui nous est imposée, puisque c’est par l’entêtement de Guillaume que nous sommes forcés de faire des dépenses extraordinaires.

M. Nothomb. - Messieurs, il se passe parmi nous des choses bien singulières, je pourrais même dire une chose inouïe dans les fastes parlementaires : nous voyons d’intervalle en intervalle, d’époque en époque, quelques hommes faire le procès, non pas au gouvernement, mais à la majorité, flétrir ses décisions, révoquer en doute, non pas les doctrines, mais des faits qui sont de notoriété en Europe. Les orateurs que vous venez d’entendre ont parcouru toutes les phases de la diplomatie ; ils n’y ont vu que des actes honteux et déshonorants, des décisions désastreuses. Si un étranger nouveau venu parmi nous, ignorant l’histoire de notre révolution, assistait à cette séance, il pourrait croire que nous sommes encore dans le provisoire, qu’il n’y a pas de Belgique ; qu’après avoir parcouru un cercle fatal nous sommes arrivés, de désappointement en désappointement, à ce moment où l’on se voir arrêté par l’impossible. Eh bien ! il n’en est rien. La Belgique existe, elle s’est constituée pacifiquement avec un roi de son choix ; et ici, messieurs, j’aborde la discussion qui a été si inopinément soulevée. Je regrette que celui qui a parlé immédiatement avant moi ait quitté cette enceinte.

M. Seron. - Il va revenir. (On rit.)

M. Nothomb. - J’aurais pris son opinion pour point de départ.

M. Seron. - Je vais le chercher.

L’honorable membre se lève en effet, et se dirige vers la salle des conférences. (Hilarité générale. Interruption.)

MM. Seron et de Robaulx rentrent immédiatement.

M. Nothomb poursuit ainsi. - Je dois rendre hommage, non pas au système de l’honorable préopinant, mais à sa marche conséquente, mais à la persistance qu’il a mis à la suivre. Il a compris qu’il y avait deux systèmes : celui de la propagande et de la guerre générale, le système pacifique et de négociations. C’est entre ces deux systèmes que l’Europe s’est trouvée partagée dès la révoluton de juillet. Il y a des hommes qui se sont placés tour à tour dans l’un ou l’autre, suivant leurs préjugés ou leurs intérêts du moment, réduits ainsi à blâmer alternativement ce qu’ils avaient précédemment adopté, à louer ce qu’ils avaient auparavant rejeté. Je comprends donc l’indignation qui animait tout à l’heure l’honorable préopinant, lorsqu’il vous signalait la position équivoque et contradictoire de ces hommes.

Messieurs, la diplomatie comme la guerre a ses marches et ses contremarches ; mais je vois souvent un progrès là où les honorables préopinants ne voient que des mouvements rétrogrades ; C’est ainsi que je regarde les 18 articles comme un grand progrès ; et les événements sont là pour me justifier. Rappelez-vous dans quelles circonstances les préliminaires ont été, non pas imposés au congrès, mais librement acceptés par lui. Il fallait trouver une transaction telle que l’avènement du roi choisi par nous fut possible sans rompre avec l’Europe. C’est cet acte sagement adopté par nous qui a rendu une Belgique possible et une royauté possible en Belgique ; et en effet, effacez pour un moment cet acte qui vient se placer si heureusement entre les premières bases de séparation et le traité définitif ; la Pologne, dont je déplore les malheurs autant qu’un autre, la Pologne n’en aurait pas moins péri ; notre révolution aurait eu le même sort : le point d’arrêt qui devait nous rattacher au système européen nous eût manqué. La France se serait trouvée dans l’alternative, ou de nous conquérir, ou de nous abandonner : de nous conquérir, en entreprenant une guerre générale ; de nous abandonner, en consentant à une restauration. L’Italie, la Pologne ont succombé, parce qu’elles n’ont pas eu le bonheur, comme nous, de pouvoir, par la diplomatie, concilier leur révolution avec les exigences d’une politique européenne. Je suis presque confus, messieurs, d’entrer dans tous ces détails, qui ne sont ignorés de personne, et qui, pour un moment, ont semblé effacés du souvenir des préopinants.

Un des grands défauts de leurs discours est le manque de conclusion. Je leur demanderai ce qu’ils veulent, où ils vont ? Je leur poserai de nouveau cette éternelle question de la paix ou de la guerre ? Dites-le, et de grâce concluez une fois. Voulez-vous la guerre ? Dites-le, et de grâce concluez une fois. Voulez-vous le système pacifique ? Parlez, et dès lors félicitez-vous avec nous du dernier résultat que nous venons d’obtenir, de cette double ratification qui implicitement opère entre l’Angleterre et la France cette alliance appelée par les vœux de tous les amis des libertés constitutionnelles. Je vous disais que les discours auxquels je réponds manquent de conclusions : je me trompe. M. Osy a conclu. Il vous a dit : Déclarons à la conférence de Londres que, pour chaque jour de retard apporté à la ratification par le roi de Hollande, nous décompterons, du total de la dette, une somme égale à la dépense que nous occasionne le maintien de l’armée sur pied de guerre. Cela me rappelle qu’à l’époque de la discussion des 18 articles, un honorable préopinant proposait au congrès d’obtenir l’évacuation de la citadelle d’Anvers, en déclarant au général hollandais que, si à tel jour elle n’était pas évacuée, la garnison serait passée au fil de l’épée. (On rit<.) Cette déclaration n’est pas plus ridicule que celle que vous propose M. Osy. Quel moyen coercitif avez-vous, en effet, hors la guerre, contre le roi de Hollande ? Or, M. Osy ne veut pas la guerre. (Rire et agitation.) Pour donner quelque valeur à cette déclaration, il faut la faire suivre d’une autre qui serait une inconséquence dans le système pacifique. Il faudra ajouter, si le roi de Hollande ne consent pas à supporter cette espèce d’amende : Nous l’y forcerons, nous lui ferons la guerre. M. Osy, qui avait jusqu’ici voulu la paix, prend donc maintenant une attitude belliqueuse. (Nouveau rire<.)

M. Osy. - Je demande la parole.

M. Nothomb. - Je crois n’avoir rien dit de trop. Votre volonté ne suffit pas pour vous délier de vos engagements quant à la dette. S’il suffisait de dire : Je ne paierai pas, il y a longtemps que nous l’aurions dit. Ce n’est que par la force que nous pourrions soutenir cette prétention injuste en elle-même. Je ne reviendrai pas sur les autres faits qui ont été dénaturés par les préopinants. Depuis le premier acte diplomatique, quinze mois se sont écoulés ; en terminant, je demanderai à mon tour : Qu’avons-nous gagné ? L’existence que nous n’aurons jamais eue par la guerre générale ; car cette guerre nous eût rendus à la Hollande ou à ce qu’on appelle la grande nation.

M. Osy. - Je suis étonné que, malgré la déclaration que je viens de faire, M. Nothomb ait persisté à dire que je voulais la guerre. Je le répète, je suis loin de vouloir la guerre ; mais je demande que l’on fasse à la conférence une déclaration ferme et énergique.

M. de Robaulx. - je n’ai pas quitté la salle pour éviter d’entendre l’honorable membre auquel, d’ailleurs, je rends justice. Il a reconnu que mon système était le meilleur…

M. Nothomb. - Non pas ; j’ai reconnu que vous aviez été conséquent dans votre système.

M. de Robaulx. - Tandis que beaucoup d’autres ne l’étaient pas.

M. Nothomb. - Précisément. (On rit.)

M. l’abbé de Haerne demande si, dans le cas où les trois puissances du Nord refuseraient leur ratification, le traité serait encore indissoluble et obligatoire pour nous.

M. Gendebien. - On vous a dit qu’il y avait dans la chambre, comme dans le congrès, deux systèmes différents. On nous a interpelés pour savoir si nous voulions la guerre immédiate. Je vous prie de remarquer, messieurs, que c’est toujours la même accusation : ici ce n’est à vrai dire qu’une insinuation. Chaque fois que dans le congrès nous prédisions ce qui arrive aujourd’hui, on nous répondait : Vous voulez la guerre ; Eh bien ! j’ai déclaré plusieurs fois que je n’étais pas d’avis de faire la guerre, parce que nous n’étions pas en mesure. Aujourd’hui je ne pense pas que nous soyons abattus. Quand on cessera de renier la révolution, quand on cessera d’être injuste envers ceux qui ont conquis notre indépendance, et que les patriotes ne seront plus renvoyés sans pain, on verra alors que la nation ne manque pas d’énergie ; il manque des hommes de talent pour en tirer parti. Mais il ne faut pas effrayer les citoyens par des paroles pusillanimes ; c’est un langage même qu’il faut tenir au peuple, et surtout à un peuple brave comme le nôtre. On a beaucoup parlé contre la guerre de principe et de propagande. Eh bien ! si la France avait voulu, le drapeau brabançon flotterait en ce moment sur les rives du Rhin et du Waels.

Aujourd’hui, les puissances laissent tomber leur masque ; car il n’est plus douteux qu’il existe une dissidence au sein de la conférence. Si elles ne sont plus d’accord, ce que nous avions prévu est près de se réaliser, c’est-à-dire la guerre générale, où la France et la Belgique auront à lutter contre toute l’Europe. Eh bien ! n’effrayez plus la nation, et soyez sûrs que, quand vous ne refuserez plus au peuple le fruit qu’il a voulu retirer de la révolution, il fera son devoir, croyez que la France et la Belgique se montreront dignes d’elles, quand elles auront leur honneur et leur indépendance à défendre.

Je me résume. Je regarde comme calomnieuse toute assertion qui tend à faire croire que je vous dise autre chose que ceci : Préparez-vous à la guerre, car la guerre est proche.

M. de Haerne répète sa question à M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il me semble qu’il y a une confusion d’idées relativement à ce qui a été dit sur l’obligation du traité. J’ai dit qu’il ne suffisait pas d’avoir son opinion personnelle, mais qu’il importait surtout de savoir l’opinion des autres puissances de l’Europe ; et j’ai eu l’honneur de citer les paroles de lord Palmerston à la séance de la chambre des communes du 3 février, desquelles il résulte qu’il considère le traité obligatoire pour toutes les parties. Je prie M. de Haerne de ne pas insister, parce que je désirerais ne pas exprimer mon opinion personnelle avant que les négociations soient terminées.

M. de Haerne. - Je regrette de ne pouvoir me rendre à l’invitation de M. le ministre. Mais, puisqu’il n’ose pas dire que les clauses du traité soient indissolubles et irrévocables pour nous, j’en conclus qu’elles ne le sont pas non plus pour l’Angleterre.

M. Gendebien. - Si M. le ministre croit devoir se taire en raison de la publicité de la séance, je demanderai que la chambre se forme en comité général.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai aucun renseignement ultérieur à donner à la chambre, car je me suis empressé de lui faire connaître tous ceux qui me sont parvenus. Je ne pourrais répondre à M. de Haerne que suivant mon opinion personnelle, et je ne pense pas que M. Gendebien tienne à la connaître.

M. Gendebien. - Ce n’est pas comme membre de la chambre, mais comme ministre, que je désire savoir si M. de Muelenaere peut nous fournir d’autres explications.

M. l’abbé de Haerne se lève pour parler.

M. de Robaulx. - On ne peut pas forcer quelqu’un de parler quand il ne le veut pas.

- De toutes parts. - la clôture !

M. le président. - Il n’y a rien à mettre aux voix. Nous allons passer à la suite de l’ordre du jour, qui est le renouvellement des sections.

- La chambre procède au tirage des sections.

La séance est levée à 4 heures.