(Moniteur belge n°191, du 23 décembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi un quart.
M. Jacques fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal de la dernière séance. Il est adopté.
M. Jacques fait l’analyse de plusieurs pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
M. Vanderbelen demande un congé de dix jours, parce que des affaires pressantes l’appellent à Louvain.
- Accordé.
M. Fallon annonce à la chambre que la maladie de son fils nécessite sa présence dans sa famille.
M. le président annonce que les sections ont autorisé la lecture de la proposition de MM. de Robaulx et Seron.
M. Seron. - Je demande la parole pour une explication. Nous avions l’intention, mon honorable ami M. de Robaulx et moi, de développer aujourd’hui, avec la permission de la chambre, la proposition dont il s’agit ; mais nous avons appris que le gouvernement avait nommé une commission chargée de préparer un projet de loi sur l’instruction publique, et particulièrement sur l’instruction primaire. Nous n’avons été mus, en présentant notre proposition, ni par la démangeaison de parler, ni par le désir de nous donner de l’importance ; notre dessein était uniquement de faire cesser la négligence déplorable à laquelle est livrée l’instruction publique. Si l’on veut l’amélioration des masses, messieurs, il faut les instruire. Aussi, mon honorable ami et moi, nous adhérerons à toutes les mesures du gouvernement qui auront ce but utile. Nous prions la chambre de décider qu’elle entendra les développements de notre proposition dans sa séance du 20 janvier prochain, pour donner à la commission, nommée par le gouvernement, le temps d’achever son travail.
M. Dellafaille lit la proposition.
M. le président. - La section centrale s’est occupée de différents projets de lois ; plusieurs rapports sont déjà prêts, d’autres le seront demain. Si M. Leclercq veut faire le rapport sur les voies et moyens, qui est le plus important, je pense que la chambre sera d’avis de l’entendre le premier.(Oui ! oui !)
M. Leclercq monte à la tribune, et présente, sur le budget des voies et moyens, un rapport dans lequel il conclut à l’adoption, sauf quelques amendements, dont l’un est relatif aux patentes, et les autres tendent : 1° à rendre les droits sur les vins étrangers qui arrivent par terre égaux à ceux qui viennent par mer ; 2° à lever l’interdiction mise à l’entrée des vinaigres et eaux-de-vie par les frontières de terre ; 3° et enfin à réduire de 5 p. c. l’impôt foncier pour les Flandres.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quel jour entend-on fixer la discussion ?
- La chambre, consultée, décide que la discussion aura lieu samedi prochain.
M. Leclercq. - On m’a remis, de la part du ministère, une note fort étendue, relative à la modification des droits d’entrée sur les vins, les eaux-de-vie et les vinaigres, proposée par la commission. Si la chambre le désire, j’en ferais la lecture.
- Plusieurs voix. - Non ! non ! L’impression !
M. Gendebien. - Je demande que le rapport de la section centrale soit imprimé séparément, et distribué demain au soir, pour qu’on ait le temps de l’examiner avant la distribution.
M. Lebeau. - Si le ministre croit sa note utile, il peut la faire imprimer ; mais il ne faut pas surcharger les comptes d’impression de la chambre.
- Plusieurs membres demandent la lecture de la note.
M. Jacques la lit.
M. Destouvelles. - Je désirerais que M. le ministre fît faire dans ses bureaux cinq copies, qui seraient déposées sur le bureau de chaque section.
M. d’Elhoungne. - Les observations faites par le ministère sont très importantes et méritent la plus grande attention. Si l’on n’en fait que cinq copies, ce sera une chose tout à fait illusoire, et deux ou trois personnes, tout au plus, dans chaque section, pourront en prendre connaissance. Si l’assemblée pense que la note mérite d’être examinée mûrement, il faut en ordonner l’impression ; si on juge, au contraire, qu’elle est de peu d’importance, il faut la laisser dans les cartons de la chambre.
M. Destouvelles. - On n’a pas pu juger par un lecture rapide si la note dont il s’agit mérite, ou non, d’être imprimée. D’un autre côté, comme on a fixé la discussion à samedi, il est douteux que l’impression du rapport et de la note puisse avoir lieu à temps. Je pense qu’il vaudrait mieux que M. le ministre en fît faire dans ses bureaux cinq copies pour les sections.
M. Jamme. - En matière de douanes et d’accises, il n’y a rien qui ne soit de la plus haute importance. C’est pourquoi j’appuie de toutes mes forces la proposition qu’a faite M. d’Elhoungne, d’imprimer la note.
M. Ch. Vilain XIIII. - Il me semble que, d’après le contrat passé avec le Moniteur, il est tenu d’imprimer les rapports de la chambre…
M. le président met aux voix la question de l’impression de la note.
La chambre décide que cette impression aura lieu.
M. Jonet fait le rapport du projet de loi sur les conseils de milice. Il en propose l’adoption.
La discussion de ce projet est fixée à demain.
M. Dumortier fait un autre rapport sur le projet de loi relatif à l’échange des récépissés des deux emprunts. Il conclut, au nom de la commission, à l’adoption pure et simple.
M. le président. - La sixième section demande que l’on accorde au ministère un nouveau crédit provisoire pour trois mois, et que l’on ajourne la discussion du budget.
M. Legrelle. - Je ne veux plus entendre parler de crédits provisoires.
M. Dumortier. - Messieurs, la sixième section a cru qu’il serait impossible d’examiner les budgets d’ici au 1er janvier. D’ailleurs, ceux du ministre de l’intérieur et ceux du ministre de la justice sont subordonnés à ce qui sera décidé relativement aux projets de lois sur les états provinciaux et sur l’organisation judiciaire. >D’un autre côté tout le monde sent le besoin de faire des économies : eh bien ! si nous adoptons les budgets à la hâte, il nous sera impossible d’en ajourner la discussion des budgets après les projets sur l’organisation judiciaire et provinciale, et d’accorder, en attendant, des crédits provisoires aux ministres.
M. H. de Brouckere. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. L’opinion de la sixième section que vient de nous lire M. le président n’est pas une proposition sur laquelle on puisse discuter. Je crois aussi, malgré la répugnance que j’éprouve à voter de nouveaux crédits provisoires, qu’il sera nécessaire de le faire ; mais je ne crois pas qu’aucune disposition du règlement autorise la marche suivie par la sixième section. Que l’on fasse la proposition formelle d’accorder des crédits provisoires, si l’on veut que nous discutions.
M. Dumortier. - Ce n’est pas une proposition, mais une simple motion d’ordre, et je crois qu’une motion d’ordre suffit en cette circonstance, et qu’une proposition n’est pas nécessaire.
M. H. de Brouckere. - Je demande pardon à l’orateur, c’est une proposition qu’il faut faire ; car les deux choses l’une : ou nous devons accorder de nouveaux douzièmes provisoires, ou nous devons voter le budget. Si l’on ne fait pas une proposition tendante à ce que nous votions ces douzièmes provisoires, force nous est d’examiner le budget. Je conçois que si M. Dumortier avait dit : « Plusieurs projets ont été renvoyés à la section centrale, je demande la priorité pour telle proposition, » je conçois qu’alors c’eût été une simple motion d’ordre ; mais ici, je le répète, c’est une proposition que n’autorise pas le règlement et sur laquelle aucune discussion ne peut s’établir.
M. Gendebien. - Je ne sais pas pourquoi les budgets n’ont pas été présentés plus tôt ; il y a bien certainement dans ce retard de la faute du ministère. Si l’on veut encore voter des douzièmes provisoires, nous serons obligés de le faire sans examen. Je m’oppose à ce qu’on reste plus longtemps dans cet état, et je désire qu’on discute les budgets pour qu’on entre enfin dans le définitif et dans le système d’économie.
M. Bourgeois explique que l’intention de la sixième section n’a pas été de faire une proposition, mais d’engager les ministres à présenter des projets de crédits provisoires.
M. de Robaulx. - Je suis aussi de l’avis de M. Gendebien ; il est nécessaire de sortir de l’état provisoire où nous sommes depuis si longtemps. Je n’examine pas à qui on peut en attribuer la faute ; mais toujours est-il certain que nous voilà arrivés au 21 décembre, et qu’il n’y a pas encore de budget suffisamment élaboré pour que l’on puisse proposer des économies bien entendues et sagement raisonnées. Cela nous est impossible, parce qu’il faut accorder au gouvernement les ressources nécessaires pour suffire aux besoins de l’Etat, avant le 1er janvier. Il y a encore une autre considération, messieurs. Vous savez tous que la révolution a été amenée par un principal grief, la mauvaise assiette de l’impôt. Eh bien ! si nous votons immédiatement les budgets, nous serons obligés d’ajourner cette réforme jusqu’à 1833. Je crois pourtant que c’est le cas ou jamais d’examiner ce point important ; mais, je le répète, il nous sera impossible de le faire, si nous discutons sur-le-champ, car il faut qu’ils soient votés avant le 1er janvier. Ainsi il faut étrangler en quelques jours la discussion des budgets, ou bien encore nous décider à voter de nouveaux crédits provisoires. De deux maux, je préfère le moindre. Les crédits provisoires prolongeront, il est vrai, le mauvais système de l’impôt, mais pendant trois mois seulement ; tandis que si nous votions tout de suite les budgets, nous le continuerions pendant l’année entière. En outre, on nous a fait observer que les budgets des ministres de la justice et de l’intérieur pourraient recevoir des modifications, selon ce qui sera décidé sur l’organisation judiciaire et l’organisation provinciale. Je regrette que MM. les ministres ne soient pas ici pour profiter des observations faites dans le sein de la chambre, et pour nous dire s’ils n’ont pas l’intention de nous présenter des projets de crédits provisoires pour 2 ou 3 mois.
M. Legrelle. - J’éprouve la plus grande répugnance à accorder de nouveaux crédits provisoires. Cependant, d’après les développements dans lesquels vient d’entrer M. de Robaulx, je consentirais à voter un crédit pour un mois seulement ; car autrement nous arriverions encore de provisoire en provisoire jusqu’à la fin de l’année. Je répondrai, d’ailleurs, un mot à ce qu’a dit M. de Robaulx. Il n’est pas nécessaire que les budgets soient votés pour le 1er janvier, mais seulement à la fin de ce mois ; car les ministres ont des fonds jusqu’au 31.
- Plusieurs voix. - Et le recouvrement de l’impôt !...
M. A. Rodenbach. - Et moi aussi je suis d’avis que l’on ne vote que des crédits mensuels, parce que notre système financier est ruineux ; il est ruineux surtout pour la classe bourgeoise, car les droits de douane qui frappent sur les objets consommés par cette classe s’élèvent à 2,400,000 florins, tandis que les droits sur la bière s’élèvent à une somme égale et frappent tous sur les dernières classes de la société. Le système d’impôt personnel qui nous régit encore est ruineux aussi, et très injustement réparti ; il me serai facile de la prouver. Je ne serai pas en peine de citer, dans la rue de la Madeleine, vingt marchands, dont chacun paie plus d’impôts personnel qu’un ministre.
M. Delehaye. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre. M. H. de Brouckere a dit avec raison qu’il n’y avait pas de proposition régulière sur laquelle on pût discuter, et cependant la discussion a déjà duré une demi-heure. Je demande que la chambre s’occupe des objets qui sont à l’ordre du jour.
M. Lebeau. - Je crois que nous pouvons passer à l’ordre du jour, car la sixième section n’a exprimé son opinion que pour l’instruction du gouvernement. Nous avons été frappés de l’impossibilité physique de discuter les budgets avant le 1er janvier. Le budget du ministère de la justice, par exemple, qui a été présenté en premier, est abandonné à la décision que l’on prendra sur l’organisation judiciaire. Vous savez qu’il est question d’établir une troisième cour et une cour de cassation, et de réunir une partie du personnel des cours de Liége et de Bruxelles. Ces changements nécessiteront une augmentation de dépense, et il n’en est pas même question dans le budget du ministère de la justice. Il en est de même pour celui du département de l’intérieur, qui doit subir des modifications résultant de la nouvelle organisation provinciale. Voilà ce qui a motivé l’opinion de la sixième section : comme le ministère en aura été instruit par la discussion qui vient d’avoir lieu, notre but est atteint.
La chambre passe à la suite de l’ordre du jour.
M. Goethals présente un rapport sur le projet de loi relatif au transit des sucres, et conclut à l’adoption avec un article additionnel, que nous ferons connaître lors de la discussion.
M. le président. - Quel jour la chambre veut-elle indiquer pour la discussion de ce projet ?
M. Verdussen. - Je crois qu’il faudrait ajourner ce projet, parce qu’il serait nécessaire d’avoir l’avis des chambres de commerce sur la mesure proposée.
M. Delehaye. - Je ferai remarquer à M. Verdussen que toutes les chambres de commerce ont demandé depuis longtemps le changement proposé par le ministère. Plus de 100 pétitions ont été adressées à la chambre sur ce point.
M. Verdussen. - Je dois déclarer que j’ai été engagé à proposer l’ajournement par des chambres de commerce.
M. Jamme. - Je demande 24 ou 48 heures de remise, à cause de l’importance de la question.
M. Delehaye. - Le projet a pour objet de prohiber la fraude ; il me semble qu’il est dans l’intérêt de tout le monde.
- La chambre décide que la discussion aura lieu dans la séance de demain.
On passe ensuite à la discussion du projet de loi relatif à l’échange des récépissés de l’emprunt.
Personne ne demandant la parole sur l’ensemble, les articles 1, 2 et 3 et les considérants du projet sont successivement mis aux voix et adoptés en ce termes :
« Léopold, Roi des Belges, à tous présents et à venir, salut.
« Vu le décret du congrès national du 8 avril dernier (Bulletin officiel, n°34), et la loi du 21 octobre suivant (Bulletin officiel, n°108) ;
« Considérant que l’échange des récépissés de l’emprunt de douze millions ne pourra être terminé le 31 décembre courant, époque fixée par l’article 9 du décret précité ;
« Considérant, en outre, qu’il est de l’intérêt des porteurs des récépissés provisoires de l’emprunt créé par la loi susmentionnée, du 21 octobre dernier, de rapporter, autant que possible, l’époque de l’échange de ces pièces ;
De l’avis de notre conseil des ministres ;
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er. Les récépissés de l’emprunt de douze millions seront encore admis à l’échange pendant le mois de janvier 1832.
« Art. 2. Les récépissés provisoires, dont l’échange n’aurait pas été demandé avant le 1er février 1832, seront reçus en paiement des contributions de 1833, dans les bureaux où ils auront été délivrés.
« Art. 3. L’échange des récépissés provisoires, de l’emprunt du 21 octobre dernier, prendra cours à partir du 1er février 1832. »
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté à l’unanimité.
La séance est levée à trois heures.
Noms de MM. les représentants absents sans congé à la séance du 21 décembre 1831 : MM. Dams, de Woelmont.