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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 décembre 1831

(Moniteur belge n°187, du 19 décembre 1831)

M. Destouvelles, vice-président, occupe le fauteuil.)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal.

M. Dellafaille lit le procès-verbal, qui est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques analyse ensuite quelques pétitions qui ont été renvoyées à la commission.

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. - Il a été déposé sur le bureau une proposition signée par MM. de Robaulx et Seron. Elle sera renvoyée en sections.

Motion d'ordre

Absence d'inscription, dans le budget des voies et moyens, d'une somme due par la société générale, à compte de la liste civile du roi Guillaume

M. Pirson. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre.

En parcourant le budget des voies et moyens, qui nous a été remis par M. le ministre des finances, j’ai cherché en vain une allocation de 250,000 florins, si point de 500,000, que doit payer la banque de Bruxelles, à compte de la liste civile. En effet, messieurs, vous savez tous qu’en 1822 le roi Guillaume… (Interruption.)

M. le président. - Mais on ne s’occupe pas encore du budget des voies et moyens.

M. de Robaulx. - M. Pirson se plaint de ce que les 500,000 florins, pour lesquels le roi Guillaume dota la banque de Bruxelles des domaines qu’il s’était fait assigner par la majorité de la représentation nationale, ne se trouvent pas même portés au budget des voies et moyens.

M. le président. - Les sections ont examiné le budget des voies et moyens. Lorsque la section centrale fera son rapport, M. Pirson pourra faire sa motion d’ordre.

M. Barthélemy. - Je ferai observer, d’ailleurs, qu’on plaide avec la banque pour cet objet. C’est parce que c’est une chose litigieuse qu’on ne la porte pas.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L’ordre du jour est le rapport des pétitions ; mais je désirais qu’avant, la chambre, pour la régularité de ses travaux, voulût bien fixer l’ordre dans lequel les différentes propositions et projets de loi, qui sont déposés sur le bureau, seront examinés par les sections. (Oui ! oui !)

Voilà quels sont les projets et la date de leur présentation :

1° le 19 septembre, le projet de loi sur l’organisation judiciaire ;

2° le 3 octobre, celui sur les droits consulaires ;

3° le 12 octobre, celui sur les mines ;

4° le 8 novembre, la proposition de M. Jonet, relative aux droits de barrières ;

5° le même jour, celle de M. Nothomb, qui a été ajournée indéfiniment ;

6° le 24 novembre, le budget du ministre de la guerre ;

7° le 1er décembre, le budget de la dette publique, des dotations, etc. ;

8° le 2 décembre, le projet sur l’organisation provinciale ;

9° le 6 décembre, celui sur les naturalisations ;

10° le 10 du même mois, celui sur le transit des sucres ;

11° le même jour, le budget des voies et moyens ;

12° le même jour encore, celui sur l’aliénation des bois et domaines ;

13° le 13 décembre, celui sur les conseils de milice ;

14° le même jour, celui sur la prolongation du service du premier ban de la garde civique mobilisée ;

15° et enfin le projet de loi relatif à l’échange des récépissés de l’emprunt.


La chambre fixe l’ordre suivant :

1° Le projet de loi sur la prolongation du service du premier ban de la garde civique mobilisée ;

2° celui sur les conseils de milice ;

3° celui sur le transit des sucres ;

4° celui sur l’échange des récépissés de l’emprunt ;

5° celui sur l’aliénation des domaines ;

6° les budgets ;

7° le projet de loi sur les droits consulaires ;

8° celui sur l’organisation judiciaire ;

9° celui sur l’organisation provinciale ;

10° sur les naturalisations.

Sur la proposition de M. de Robaulx, la chambre décide que cette classification sera imprimée.

Rapports sur des pétitions

Ensuite, M. Helias d’Huddeghem monte à la tribune et fait, au nom de la commission des pétitions, le rapport de celles qui suivent :

« Le sieur Walt, à Schyn, énumère les services qu’il a rendus à la cause de la révolution, réclame de ce chef quelques avances faites par lui, et attend la récompense de ses services. »

- Sur la proposition de la commission, la chambre renvoie la pétition au ministre de l’intérieur.


M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Par pétition non datée, plusieurs officiers du bataillon des tirailleurs de la Meuse, commandés par le major Lecharlier, demandent à être replacés dans l’armée avec leurs grades primitifs. »

- Cette pétition est ajournée à huitaine.


M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Les sieurs L. Letot, lieutenant de l’ex-premier bataillon des tirailleurs de l’Escaut, Kensier et Wallin, capitaines au même bataillon, demandent de l’activité ou la demi-solde. »

- Cette pétition est également ajournée jusqu’au 23.


M. Helias d’Huddeghem, rapporteur. - « Les officiers du 3ème régiment des chasseurs à pied demandent la solde qu’ils prétendent leur être due légitimement. »

- Le renvoi au ministre de la guerre, demandé par la commission, est ordonné.


M. Jonet, autre rapporteur de la commission, rapporte les suivantes :

« Par pétition non datée, huit maîtres de carrières de l’arrondissement de Tournay demandent une modification de l’article 7, lettre I, de la loi du 6 mars 1831, relative à la perception de la taxe des barrières, qui ne dispense du droit que les voitures exclusivement chargées d’engrais. »

La commission propose le renvoi à la commission d’industrie et au ministre des finances.

M. Jaminé et M. de Robaulx demandent l’ordre du jour ; M. Goethals, le renvoi au ministre de l’intérieur ; M. Verdussen, le dépôt au bureau des renseignements.

- Après une légère discussion dans laquelle sont entendus, en outre, M. Pirson, M. Gendebien et M. Jonet, rapporteur, la chambre ordonne le renvoi au bureau des renseignements.


M. Jonet, rapporteur. - « Marie-françoise Uttenhove, veuve Daninck-Smerghem, demande que, lors de la discussion d’une loi sur les pensions, sa proposition soit prise en considération. »

- La chambre, sur la proposition de la commission, passe à l’ordre du jour.


M. Jonet, rapporteur. - « L’administration communale de Macter, district d’Audenaerde, demande que, lors de la nouvelle organisation judiciaire, on réunisse cette commune au canton de Horrebeke Sainte-Marie. »

- La commission propose le dépôt au bureau des renseignements, qui est ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « Louis Artmer, passementier à Bruxelles, se plaint de ce que la police a saisi chez lui, le 9 du mois de novembre, six écharpes et environ deux douzaines de cocardes oranges. Il demande que la chambre lui en fasse payer le prix, qu’il porte à 121 fl. 84 c. »

- La commission conclut à l’ordre du jour, qui est adopté par la chambre.

M. Gendebien demande la pétition et en prend lecture.


M. Jonet, rapporteur. - « Frédéric Braconnier adresse à la chambre des observations sur la loi du 24 avril 1810 sur les mines. »

La commission demande le renvoi à la commission des mines.

M. Leclercq propose le dépôt au bureau des renseignements, qui est adopté.


M. Jonet, rapporteur. - « Louis de Liuxe, ancien expert du cadastre, à Bottelaer, demande que la chambre lui fasse payer son salaire, pour les expertises qu’il a faites en 1828 et 1829. »

- Le renvoi au ministre des finances, proposé par la commission, est ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 3 décembre, la régence de Gand demande que les indemnités à payer par la ville aux particuliers, du chef de pillages et dévastations, lui soient remboursées par l’Etat. »

M. de Nef. - Les pillages et dévastations dont il est question ont eu lieu sous l’empire de la loi du 10 vendémiaire an IV, et dès lors je demande l’ordre du jour sur la pétition, en tant qu’elle a pour objet de provoquer une nouvelle loi, à laquelle serait attaché un effet rétroactif.

Comment ! messieurs, des personnes (par exemple, dans la ville que j’habite, et que, par convenance, je ne nommerai pas) ont fait tous leurs efforts, conformément à l’esprit de la loi du 10 vendémiaire an IV, pour empêcher les pillages, et leurs efforts ont été couronnés de succès ; et maintenant ces villes, ces communes, qui ont fait leur devoir d’après la loi en vigueur, seraient obligées à concourir encore au paiement de dégâts commis en d’autres communes, peut-être par négligence ? Mais, messieurs, je vous le demande, ne verrais-je pas là une bien grande injustice ? Je demande donc l’ordre du jour.

M. Jamme. - Je m’oppose de tout mon pouvoir à ce que l’on passe à l’ordre du jour ; je demande le renvoi de la pétition de la régence de Gand au ministre de l’intérieur.

Messieurs, la grande question de savoir par qui seront supportées les indemnités à payer aux victimes des émeutes populaires qui ont eu lieu pendant le cours de la révolution ne peut pas être ajournée plus longtemps. Ce n’est pas parce que cette question semble à certains membres de la chambre difficile à résoudre qu’il faille fermer les yeux : de cette manière on ne résout rien, et le mal augmente. Jusqu’à présent, les communes ont pu faire opposition aux actions qui leur sont intentées, et elles ont gagné du temps ; mais les poursuites se multiplient, et le malaise devient intolérable : il faut une solution.

Je demande donc le renvoi de la pétition au ministre, parce qu’il y a urgence ; que, d’ailleurs, une pétition identique a reçu la même destination, et que d’autres, ayant également pour objet la question des indemnités, vont encore être adressées à la chambre.

M. de Robaulx. - Notre collègue, M. Jamme, croit que la question est difficile à résoudre ; mais il se trompe. Il n’y a aucune difficulté sur la loi de vendémiaire an IV, et, d’après ses dispositions, il est certain que les communes sont responsables des dégâts qui sont causés par leurs habitants. S’il s’agissait de faire une loi sur cet objet, je concevrais qu’on examinât si les dévastations doivent être faites à la charge des communes en particulier ; mais elle est toute faite. Et pourquoi voudriez-vous, s’il y a eu des dégâts dans quelques communes, que celles qui ont été assez heureuses, ou dont les autorités ont été assez sages et assez fermes pour éviter toute dévastation et maintenir la tranquillité chez elles ; pourquoi voudriez-vous, dis-je, que celles-là payassent aussi bien que celles qui ont été pillées ? Dans bien des localités, c’est à la négligence, à l’impéritie et à la faiblesse des fonctionnaires que ces événements déplorables peuvent être attribués. Il y a plus, messieurs, on pourrait citer des personnes qui se sont fait piller par spéculation. Eh bien ! tous les habitants de mon pays se sont tenus tranquilles chez eux : faudra-t-il qu’ils soient punis des excès des autres ? Un autre motif encore. Ces dégâts s’élèvent à 7 ou 8 millions de florins, et M. de Muelenaere, que j’ai interpellé à cet égard, m’a déclaré que les dévastations occasionnées par l’inondation des polders et par la guerre ne sont pas moindres de 15 millions. Je crois qu’il faut bien réfléchir avant d’admettre l’indemnité comme un droit.

M. Legrelle. - La question, selon moi, est très grave, et je n’oserais pas la décider ; mais je crois devoir répondre à une certaine observation que j’ai entendue. On a dit que les dégâts et les pillages avaient eu lieu par la faiblesse et la négligence des autorités locales. Il y a pourtant des localités où les fonctionnaires ont rempli fidèlement leur devoir, et n’ont pu empêcher ces dégâts. On sait que le pillage était organisé ; le pouvoir fermait les yeux et ne prenait aucune mesure pour l'arrêter. Eh bein ! croyez-vous que la loi de vendémiaire est ici applicable ? Il est impossible qu’il en soit ainsi.

M. Jullien. - Je ne m’attendais pas à prendre la parole sur cette pétition, parce que je ne pensais pas qu’on ferait difficulté de la renvoyer au ministre de l’intérieur, après avoir vu la chambre ordonner ce renvoi pour une autre pétition de même nature ; nous ne devons le faire que lorsque M. le ministre nous aura fourni ses explications. Je viens demander seulement que la chambre ne se prononce pas en cette occasion par un dédaigneux ordre du jour : car la question concerne un grand nombre de nos villes les plus importantes, Bruxelles, Liége, Verviers, Bruges, etc. Ces villes fondent leurs réclamations sur ce que les pillages ont été amenés par un motif politique. Puisque c’est dans l’intérêt de la révolution que les pillages ont été faits, et qu’elles en ont profité, il est juste que ce soit la révolution qui les paie. (Murmures.) Messieurs, il serait facile de prouver que ces pillages ont eu lieu dans un but politique. Par exemple, à Bruges, ils ont commencé par la maison de M. Sandelin, à cause de sa conduite parlementaire. Ceux qui s’y opposaient étaient regardés comme les ennemis de la révolution. Un honnête citoyen, père de famille, vit même dévaster sa demeure de fond en comble, parce que son fils avait tâché d’empêcher le pillage. Un honorable membre a dit que tout était resté tranquille dans sa commune, dont je ne connais pas la consistance. Il est certain que, s’il s’y avait eu des désordres de même nature que ceux dont il s’agit, l’autorité ne serait pas parvenue à les étouffer. Je citerai encore un autre exemple. Dans la ville d’Ypres, un colonel et plusieurs autres personnes, suspectées d’orangisme, ont vu leurs maisons envahies par la populace ; ils ont appelé la force armée. Eh bien ! la force armée est venue et a pillé aussi. Lorsque le grand jour de la discussion sera arrivé, j’aurai beaucoup d’autres observations à présenter : aujourd’hui je pense qu’il est raisonnable, et de toute justice, de renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur.

M. A. Rodenbach. - Je partage le sentiment de mon honorable collègue M. de Robaulx, que l’indemnité à payer aux particuliers, du chef de dévastations, ne doit point être remboursée par l’Etat, mais bien par la ville, en vertu de la loi de vendémiaire, si les gardes civiques ou bourgeois n’ont point empêché le pillage et la dévastation ; j’appuie d’autant plus l’opinion du député qui siège près de moi, qu’il est parvenu à ma connaissance que des hommes en place, contraires à la révolution, ont provoqué le pillage par spéculation. Je citerai un exemple. Dans une commune de la Flandre, un fonctionnaire public a fait dresser un inventaire, sur lequel il portait qu’on lui avait volé 4,000 bouteilles de vin, tandis qu’il était de notoriété publique que l’individu n’en avait jamais eu 100 en cave. (On rit.) Il prétendit également qu’on lui avait enlevé une somme de 20,000 francs ; personne n’ignorait cependant, dans la commune, que le susdit spéculateur n’avait jamais possédé 100 francs.

Je répondrai aux observations de mon collègue M. Jullien, que, si les gardes nationaux de Bruges ont, comme je n’en doute pas, employé tous leurs efforts pour empêcher le pillage de la maison de Sandelin, les tribunaux rendront à la ville de Bruges toute justice. Je n’ignore pas que, dans cette ville, les gardes bourgeoises ont fait leur devoir ; car, si j’ai bonne mémoire, je crois qu’elles ont même fait feu sur la lie du peuple qui pillait et incendiait l’habitation de l’ex-président du tribunal de Bruges.

M. Jullien. - M. A. Rodenbach ne connaît pas la loi de vendémiaire.

M. Jamme. - Je m’attendais peu à voir traiter aujourd’hui le fond de la question. Cette marche n’est pas selon le règlement, je ne suis pas conséquemment préparé pour cette discussion, qui est de la plus haute importance. Au reste, en attendant qu’elle soit régulièrement entreprise, je dois combattre les opinions de quelques-uns des honorables préopinants.

Je n’admets nullement, messieurs, que la loi du 10 vendémiaire an IV puisse être invoquée par les victimes des dévastations ; cette loi est une loi de circonstance, dont l’application directe et rigoureuse ne peut pas avoir lieu et ne serait pas même praticable.

Ces dévastations ont été organisées par un pouvoir caché ; elles ont eu lieu simultanément sur divers points de la Belgique. Les communes n’ont pas pu s’y opposer ; une force irrésistible a paralysé leurs efforts : ces dévastations étaient l’œuvre de la révolution.

Je ne cherche pas à m’expliquer plus clairement sur les causes de ces désastres déplorables : que l’on admette le principe de rigoureuse justice qui décharge les communes des indemnités à accorder, et je me tais ; mais si on m’y oblige, j’en chercherai l’origine : la chose ne sera pas difficile, et je la signalerai hautement.

Les pillages sont incontestablement un fait de la révolution ; donc ils sont une charge de l’Etat ; j’en appelle à la conscience des trois quarts de mes collègues. Dès lors où serait la justice que des communes qui ont tout souffert, Liége par exemple, Liége qui a fait tous les genres de sacrifices possibles, qui a donné jusqu’au sang de ses concitoyens pour assurer le succès de la révolution ; où serait la justice, dis-je, que Liége fût encore chargée isolément des dommages que cette révolution lui a causés, et que des districts entiers, paisibles spectateurs d’événements remplis pour elle de troubles, d’affreux désordres, et finalement couverts du deuil de ses enfants, viendraient recueillir sans frais, sans embarras, sans avoir souffert, les avantages de la révolution ? Non, j’en appelle, messieurs, à votre conviction ; il n’est peut-être pas un seul d’entre vous qui, dans ce moment, ne sente la vérité de mes arguments.

Je le répète, je demande le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur.

M. d’Elhoungne. - Je crois que nous perdons beaucoup de temps en discutant ainsi sur le fond de la pétition ; mais on a touché une question délicate sur laquelle je dois dire quelques mots. On a prétendu que tout le pays devait être responsable des dégâts, tandis que la loi de vendémiaire an IV les met à la charge des communes où ils ont eu lieu. Je ne me fait pas le défenseur de la loi de vendémiaire ; mais si on veut l’examiner de près, on verra qu’elle est fondée sur des motifs assez plausibles. Je ne pense pas qu’on puisse rendre toute la nation responsable des désordres qui ont eu lieu dans quelques communes. On a dit, d’un autre côté, que les pillages avaient eu lieu dans l’intérêt de la révolution, et que c’était à elle à les payer. J’avoue que je ne connais pas, messieurs, l’intérêt que la révolution avait à laisser commettre des crimes ; je pense, au contraire, que cela lui a fait le plus grand mal en éloignant d’elle des hommes d’honneur. Ainsi le pillage serait, en quelque sorte, le prix auquel nous aurions acquis notre indépendance ! Prenons garde, messieurs ; la révolution n’a pas été assez heureuse pour qu’elle le payât aussi cher. Les fruits en sont, sinon entièrement perdus, du moins gravement compromis. Puissions-nous même ne pas perdre bientôt toutes nos illusions et nos espérances sur la révolution ! Je désire me tromper, mais je crains bien que le temps nous prouve que je n’ai pas été mauvais prophète. D’ailleurs, messieurs, il s’agit ici de l’argent des contribuables. Ils sont déjà bien assez surchargés sans leur imposer encore une telle obligation.

M. Gendebien - Je pense, messieurs, qu’il faudrait renvoyer la pétition au bureau des renseignements, pour qu’on arrivât enfin à une disposition législative sur cet objet. Depuis 18 mois, la Belgique s’est vue dans des situations extraordinaires, des situations où la Vendée ne s’était pas même trouvée, et la loi de vendémiaire a été faite pour la Vendée. Mais, dans la Vendée, s’est-il rien vu de pareil à ce qui s’est passé ici ? Bruxelles a été assiégée pendant quatre jours. Les Hollandais s’étaient emparés d’une maison, il la quittent bientôt ; le peuple y rentre, il trouve trois ou quatre cadavres horriblement mutilés : ce spectacle l’irrite. Les Hollandais avaient mis le feu à la maison, et l’on avait d’abord engagé le peuple à éteindre l’incendie ; mais il se porta dans les caves, s’enivra, et bientôt toute la maison fut dévastée. Eh bien ! je le demande, qui aurait pu s’opposer à ce pillage ? Aucune force humaine n’eût été capable de l’arrêter. Certes, la loi de vendémiaire an IV n’avait pas prévu ce cas. Dans la même cité, par la faiblesse du pouvoir, la force armée a été insultée, et, ne pouvant s’opposer au pillage, elle a pillé avec le peuple. C’est encore un cas que ne prévoit pas la loi de vendémiaire. Vous voyez donc que c’est une question à examiner. Eh bien ! il s’agit de ne pas passer à l’ordre du jour, c’est-à-dire de ne pas décider qu’il n’y aura pas examen.

M. Poschet. - Messieurs, il y a toute nécessité de maintenir la loi de vendémiaire an IV. (Interruption.)

- Plusieurs voix. - Personne ne parle de l’abolir. (La clôture !)

- La chambre ferme la discussion.

L’ordre du jour demandé par M. de Nef est rejeté. Après l’épreuve et la contre-épreuve, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétitions du 2 décembre, plusieurs jurés de la Flandre occidentale, domiciliés hors de la ville de Bruges, demande que, par une loi, on accorde une indemnité de logement, de table, etc., à tout juré qui est obligé d’abandonner son domicile pour remplir ses fonctions. »

M. A. Rodenbach. - J’appuie fortement cette pétition ; il est de toute justice que l’on accorde une indemnité à tout juré qui abandonne son domicile pour remplir ses fonctions. Dans le district de Roulers, un cri d’indignation s’est élevé parmi la classe des citoyens aptes à faire partie du jury. En effet, messieurs, vous conviendrez qu’une absence de plusieurs semaines que chaque juré est tenu de faire forcément, et ce, à peine de payer 1,500, 1,000 ou 500 francs d’amende, n’est pas un bon moyen pour faire aimer cette institution vraiment libérale. Un père de famille, souvent sans fortune, doit abandonner sa maison, laisser languir son négoce pour se rendre dans le chef-lieu où il doit siéger gratuitement pendant quinze, vingt, trente et jusqu’à quarante jours ; tandis que, d’autre part, on remarque que quand les généraux, les intendants et les inspecteurs de la haute bureaucratie voyagent, on leur paie grassement leurs frais de séjour, et scandaleusement leurs frais de route !

La loi sur le jury réclame donc une prompte révision ; il faudrait que le même juré ne soit point tenu de siéger plus de quinze jours consécutifs, et que celui qui ne réside point dans le chef-lieu reçut la modique indemnité de 2 ou 3 fl. par jour. On rendrait par là la place de juré supportable, et on ferait cesser le mécontentement général qui s’élève à ce sujet.

M. Van Meenen. - Je crois devoir informer la chambre que, sous peu de jours, il sera probablement déposé sur le bureau un projet de loi qui portera que les jurés ne pourront être distraits de leurs affaires plus de dix jours. Ce projet obvierait à toutes difficultés et rend inutile la pétition. Cependant cela n’empêche pas qu’on la renvoie au ministre de la justice, et qu’on la dépose au bureau des renseignements.

M. Pirson appuie le renvoi au ministre de la justice.

- Le double renvoi est ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « Onze négociants et fabricants de Bruxelles donnent à la chambre des renseignements sur divers objets de commerce et d’industrie, et font des vœux pour qu’une bonne loi sur les primes d’exportation soit bientôt en vigueur. »

La commission propose le renvoi à la commission d’industrie et au ministre des finances.

- Ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 1er décembre courant, divers voituriers prétendent que la route que l’on construit de Dinant à Neupont par Vignée sera inutile au roulage ; ils demandent que l’on achève celle de Falmignoul à Beauraing, ainsi que celle de Beauraing Lomprez. »

- La chambre adopte les conclusions de la commission, qui demande le renvoi au ministre de l’intérieur, et le dépôt au bureau des renseignements.


M. Jonet, rapporteur. - « M. P. Henry, de Dinant, adresse à la chambre des observations sur le système métrique, et notamment sur les unités de mesure de longueur et monétaire. »

- Sur les conclusions de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 6 décembre, des ancien employés aux taxes municipales de Liége sollicitent l’intervention de la chambre, pour obtenir une pension de retraite. »

- La chambre passe à l’ordre du jour proposé par la commission.


M. Jonet, rapporteur. - « Pa pétition du 5 décembre, le sieur Geeraert, receveur des barrières dans le district de Tournay, propose des changements à la loi relative à la perception de ce droit.

- Le dépôt au bureau des renseignements, demandé par la commission, est ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 7 décembre, le sieur Verrassel, de Bruxelles, se plaint de ce que le commandant du génie mililaire à Termonde, s’est permis de faire couper à son insu les arbres et bois de raspe qui se trouvaient sur ses propriétés, sises près de la ville de Termonde, sans expertise contradictoire, et sans préalable indemnité ; il demande l’intervention de la chambre pour obtenir justice. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. de Terbecq demande le renvoi au ministre de la guerre.

M. Goethals. - Le minisre de la guerre a promis de faire droit à la demande du pétitionnaire quand il produirait des titres en règle ; je demande en conséquence l’ordre du jour.

- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.


M. Gendebien. - Je désirerais que l’on suspendît le rapport, parce que j’ai une interpellaiton à faire à M. le ministre de l'intérieur relativement à une pétition sur laquelle la chambre vient de passer à l’ordre du jour ; c’est celle du sieur Artmer, passementier. Je viens de lire attentivement cette pétition, et je m’aperçois que M. le rapporteur ne l’a pas examinée sous toutes ses faces. Le pétitionnaire signale des abus fort graves. Il se plaint d’une violation de domicile, sans ordonnance de juge et sans formalités préalables. Je demanderai au ministre de quel droit on viole ainsi la demeure d’un citoyen. Qu’il ait des cocardes couleur orange ou rouge, etc., peu importe ; ce n’est pas une raison pour forcer son domicile, protégé par la loi. Certes la couleur orange ne n’est pas agréable, j’en ai donné des preuves ; mais je ne voudrais pas que ce fût une cause de confiscation ou de séquestration arbitraire. S’il y a des poursuites à faire contre le sieur Artmer, à la bonne heure ; que l’on conserve ces cocardes comme pièces de conviction ; mais, s’il n’y a pas de pouruites, il faut lui restituer ces objets, car autrement ce serait une odieuse confiscation. Je demande que la chambre revienne sur sa décision, et qu’elle ordonne le renvoi au ministre de l’ntérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - La violation de domicile dont vient de parler l’honorable membre ne fait pas l’objet de la pétition. Le sieur Artmer demande seulement la restitution des objets saisis chez lui. Au surplus, comme c’est un fait antérieur à mon administration, j’ignore entièrement ce qui s’est passé. Je ne m’occuperai donc de répondre que sur la restitution demandée par le pétitionnaire. Il résulte des renseignements que j’ai pris, et de l’aveu même du sieur Artmer, que les cocardes et écharpes couleur orange, saisies chez lui, étaient destinées à l’armée hollandaise. On a trouvé des lettres dans lesquelles se trouvaient de nombreuses commandes de cocardes et même de schakos militaires. Je demande si c’est à la Belgique à fournir ces objets à ses ennemis… (Rires et interruption.) Je ne le pense pas, messieurs, et je crois que la chambre reconnaîtra que le gouvernement a prudemment agi en cette occasion.

M. Van Meenen. - Il me semble que si le sieur Artmer a à se plaindre d’une violation de domicile et d’une confiscation injuste, ce n’est pas à nous qu’il doit s’adresser ; car nous ne sommes pas les redresseurs de tous les torts. D’un autre côté, je ne suis pas d’accord avec M. le minitstre, qui s’effraie de commandes de cocardes oranges faites par les Hollandas. Je crois, moi, que si nous pouvions fournir toute l’armée hollandaise, il faudrait le faire ; car ce serait une preuve que nos ennemis trouvent notre industrie préférable à la leur.

M. Gendebien. - Sans être redresseurs de torts, nous pouvons renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur, pour qu’il fasse cesser cet abus. Quant aux commandes de cocardes faites par nos ennemis chez nos fabricants, je me félicite aussi que les Hollandais trouvent notre industrie meilleure que la leur. Je crois, d’ailleurs, qu’on aurait beau faire pour rétablir les couleurs de l’ancien gouvernement, on n’y parviendrait pas. On a fait maintes fois des tentatives. Le peuple a toujours dit non, et dira toujours non. Laissez donc fabriquer des cocardes oranges, laissez-les circuler ; le peuple ne s’en occupera que pour s’en moquer. Du reste, je ne tiens pas au renvoi à M. le ministre de l'intérieur ; car la discussion qui vient d’avoir lieu l’a éclairé sur mon intention, et mon but est rempli.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ce n’est pas sans surprise, messieurs, que j’ai entendu M. Van Meenen déclarer que nous devrions fournir des cocardes à toute l’armée hollandaise, si elle le demandait. En abondant dans son sens, on pourrait aussi dire que nous devrions aussi lui fournir des armes… (Dénégation.)

M. Dumortier. - J’approuve ce qu’a fait le gouvernement ; car si quelqu’un allait promener dans les rues un drapeau orange, faudrait-il laisser ce fait impuni… ? (Interruption.)

M. F. de Mérode. - On a dit que nous devions nous réjouir de ce que les Hollandais commandaient chez nos fabricants des écharpes et cocardes oranges, parce que cela favorisait notre industrie. Croyez bien qu’il n’en est pas ainsi. Si la Hollande commande ici ces objets, c’est pour s’en servir au besoin, et dans notre pays.

M. Jonet, rapporteur. - Je demande la parole pour un fait personnel. M. Gendebien a dit que je n’avais pas rapporté exactement la pétition. Messieurs, j’ai raconté tout ce qui s’était passé. J’ai dit que le pétitionnaire, interrogé sur la question de savoir s’il n’avait pas reçu de commande de la part de la Hollande, a répondu : Oui ; et qu’après son interrogatoire par M. le commissaire de police, il avait été relâché, et c’est ce qu’il déclare lui-même. D’ailleurs, il ne demande rien relativement à sa détention ; il ne réclame que le paiement des objets saisis chez lui. J’ai proposé, au nom de la commission, l’ordre du jour, sur le motif que les tribunaux étaient saisis de la question. Je crois que M. Gendebien n’avait pas le droit de m’adresser aucune espèce de reproche à cet égard.

M. Gendebien. - J’ai dit que M. le rapporteur n’avait pas examiné la pétition dans toutes ses faces. Il n’y a là rien de dur, et ce n’est pas un reproche que j’ai voulu lui faire. J’ai fait cette observation, parce que le pétitionnairre se plaint d’avoir été arrêté illégalement chez lui, et conclut, indépendamment de la restitution des objets saisis, à ce qu’on mette désormais sa personne à l’abri des vexations.

- La chambre maintient l’ordre du jour sur la pétition.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 1er décembre, les héritiers C.-J. Van de Nieuwenhuysen, de Malines, demandent que, par une loi, on déclare les ventes faites en 1794 et 1795, pour satisfaire aux contributons militaires, valides et inattaquables. »

- La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la justice et au dépôt au bureau des rensienements, qui sont ordonnés par la chambre.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 4 décembre, Jean-Mathieu Delsape, médecin-chirurgien à Dalhem, signale des abus qu’il dit exister dans la composition des administrations communales. »

- Sur la proposition de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 15 octobre, le sieur Vincent Pourbaix, de Soignies, ancien chirurgien-major, âgé de 76 ans, demande une pension. »

La commission propose le revoi au ministre des finances.

M. Duvivier demande le renvoi au ministre de la guerre, parce qu’il faut avant tout examiner la durée du service du pétitionnaire.

- Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition du 7 décembre, la régence de Bruges demande que les dommages occasionnés par les pillages et les incendies, pendant la révolution, soient supportés par l’Etat. »

- Sur les conclusions de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.


M. Jonet, rapporteur. - « Des patrons et propriétaires de navires, et des négociants de Gand, se plaignent de ce que les habitants de Wetteren s’attribuent le droit exclusif de conduire les bateaux qui descendent ou remontent l’Escaut. »

La commission demande le renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements.

M. H. Vilain XIIII. - Je ne puis qu’appuyer le double renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements ; le sujet de plaintes de quelques patrons de navires de Gand est un objet dont plus que tout autre, je puis donner des renseignements. Cette difficulté entre quelques riverains de l’Escaut sur le droit de conduite et de pilotage ne s’élèvent point seulement envers les habitants de Wetteren, mais aussi envers d’autres communes le long du même fleuve. A Tournay, à Audenaerde, à Gand même, les pilotes et les tireurs de bateaux prétendent avoir le droit exclusif de conduite les navires jusqu’aux contrées de leur territoire. A Gand, le corps de pilotage est organisé en espèce de corporation, et là, comme ailleurs, ces pilotes refusent aux étrangers le droit de guider la navigation. Je suis loin de condamner entièrement le droit d’exclusion, puisque nul ne peut mieux connaître les embarras et les écueils du fleuve que le marin qui le fréquente le plus habituellement. C’est là aussi le motif que font valoir les habitants de Wetteren ; mais, enfin, ce droit, qui ne repose sur aucune législation existante, porte atteinte à la libre concurrence et à la franchise des rivières. Cependant des rixes s’élèvent chaque jour entre les marins, et des jalousies de commune à commune prennent ainsi naissance. On ne peut assez tôt les faire cesser ; et, en demandant le renvoi au ministre de l’intérieur, on espère que celui-ci provoquera, au plus vite, soit une mesure réglementaire pour toutes les provinces où semblables difficultés ont lieu, soit une loi générale sur le droit de pilotage dans toutes les rivières navigables du royaume.


M. Jonet, rapporteur. - « Le sieur Conrard Raikem, fils, de Grivegnée, près de Liége, demande que l’on introduise des hommes de lois dans les tribunaux de commerce. »

- Le dépôt au bureau des renseignements, demandé par la commission, est ordonné.


M. Jonet, rapporteur. - « La régence de Neufchâteau, fait connaître à la chambre que la supplique qu’elle a adressée au Roi, le 24 août dernier, pour faire cesser les travaux de la route de Neupont à Dinant, n’est que l’effet de l’erreur. »

- La chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.


M. Lardinois demande un congé de huit jours pour les affaires de son district.

- Accordé.

Proposition de loi tendant à restituer les routes qui ont été nationalisés lors de la période française

Prise en considération

L’ordre du jour appelle la discussion sur la prise en considération de la proposition de M. Barthélemy, tendante à restituer aux provinces, aux communes et aux particuliers, les routes et canaux qui leur appartenaient en 1794.

M. Verdussen fait remarquer que la discussion sur la prise en considération ne saurait s’ouvrir aujourd’hui, puisque la liste des routes appartenant à l’Etat en 1794, qu’on avait demandée au ministre de l’intérieur, n’a pas été distribuée aux membres de la chambre.

(Moniteur belge n°188, du 20 décembre 1831) M. Fallon. - Messieurs, il n’est pas de projet de loi qui mérite plus les honneurs de la prise en considération que celui de l’honorable M. Barthélemy.

Ce projet a pour objet de mettre en action deux principes : un principe de stricte justice, et un principe d’économie évidente.

Plusieurs villes ont été injustement spoliées des routes qu’elles avaient fait construire à leurs frais, pour lesquelles elles avaient levé des capitaux considérables, et dont elles paient encore les intérêts.

Il s’agit de savoir si justice leur sera enfin rendue, ou si la spoliation sera consommée sous l’empire d’une constitution qui proclame les principes les plus libéraux.

Il s’agit de savoir si ces routes leur seront rendues, ou bien si elles obtiendront les indemnités dont la liquidation était presque achevée, lors des événements de septembre de l’année dernière.

Tout le monde reconnaît que le personnel du waterstaat est trop nombreux, et qu’il existe là un luxe ruineux.

Il s’agit de savoir si cette administration sera supprimée, ou bien si son personnel sera au moins réduit.

Une question de haute administration se rattache à ce système d’économie, c’est de savoir s’il faut continuer à centraliser l’entretien des routes de première classe.

Je ne dis pas que je partagerai en tous points l’opinion de l’auteur du projet, dans l’application qu’il fait de ces principes ; mais il est une vérité qu’on ne peut méconnaître, c’est que ce projet livre à notre examen des questions d’une haute importance que nous ne pouvons nous refuser d’examiner, sauf à y faire les amendements qui seront trouvés convenables.

Je supplie, en conséquence, la chambre de le prendre en considération.

Cependant, avant de l’envoyer aux sections, je pense qu’il conviendrait de leur fournir tous les documents propres à en faciliter l’examen.

Sur la question de savoir s’il vaut mieux conformer l’expropriation des routes dont il s’agit et payer la juste indemnité de la dépossession, plutôt que de les rendre à leurs anciens propriétaires, il importera de savoir quelles sont ces parties de routes et quelles sont les indemnités auxquelles elles pourront donner ouverture.

Sur ce point, il existe au ministère des renseignements certains, puisque la liquidation était presque achevée au moment de notre révolution.

Sur la question d’économie dans l’administration du waterstaat, il sera nécessaire d’avoir le tableau du personnel de cette administration, des traitements qui y sont attachés, et de ses différents services, tant dans l’administration des provinces que dans l’administration générale de l’Etat.

Tous ces renseignements ne pourront être fournis aux sections que par les soins d’une commission spéciale.

Je propose donc de nommer cette commission, sur le rapport de laquelle le projet pourra alors être renvoyé, avec fruit, à l’examen des sections.

(Moniteur belge n°187, du 19 décembre 1831) M. Verdussen renouvelle son insistance.

M. Barthélemy soutient qu’il est inutile d’attendre la liste dont on parle, car il n’en existe pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) combat la prise en considération, par des motifs que nous aurons occasion de reproduire plusieurs fois, et dont il serait inutile aujourd’hui d’entretenir nos lecteurs.

M. Barthélemy lui répond.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, la question est tellement grave, et la chambre manque tellement de renseignements qui lui seraient indispensables pour l’examiner mûrement, qu’il me semble indispensable d’ajourner indéfiniment la discussion, même sur la prise en considération.

Il ne s’agit de rien moins que d’enlever à l’Etat toutes les communications du royaume. Poser ainsi simplement une telle question, c’est en faire sentir toute la gravité. On dit que les communes ont été dépouillées de leur propriété par des lois injustes. Eh ! messieurs, depuis quarante ans, combien de propriétés ne reposent-elles pas sur des lois que l’on pourrait taxer d’injustice ! Voulez-vous nous faire remonter à quarante ans tout d’un coup, et nous remettre dans l’état où nous étions en 1794 ? Allons-nous entrer dans un système d’indemnité comme on l’a fait en France pour les émigrés ?

On ne peut pas traiter de semblables questions sans renseignements. Je demande donc l’ajournement indéfini de la discussion. En attendant, le bureau de la chambre pourra se procurer les documents nécessaires pour en faire la distribution, et nous discuterons plus tard en connaissance de cause. (Appuyé ! appuyé !)

Ajournement de la prise en considération

- La proposition de M. d’Elhoungne est adoptée.

La séance est levée à 3 heures et demie. Il n’y aura pas de séance lundi.