(Moniteur belge n°165, du 27 novembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi.
M. Jacques fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal, qui est adopté.
M. Lebègue analyse quelques pétitions. Elles sont renvoyées à la commission.
M. le président. - L’ordre du jour est le rapport des pétitions.
M. Destouvelles. - Je demande que la chambre fixe un jour pour entendre le rapport de la commission chargée d’examiner les demandes de naturalisation.
- La chambre décide qu’elle entendra ce rapport mercredi prochain.
M. Delehaye, rapporteur de la commission des pétitions, est appelé à la tribune.
« Le nommé Buran André, volontaire à la compagnie des amis du peuple, réclame la somme de 43 fr., accordée à chaque blessé. »
- Sur la proposition de la commission, la chambre déclare qu’il n’y a rien à décider sur cette pétition.
M. Delehaye, rapporteur. - « Plusieurs distillateurs de Bruges réclament contre l’impôt excessif sur les distilleries. Ils joignent à leur requête un mémoire détaillé relatif aux distilleries.
La commission propose le renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie et de commerce.
M. A. Rodenbach. - La Belgique est écrasée d’impôts ordinaires et extraordinaires. Les emprunts de 12 millions et de 10 millions se sont faits successivement, et n’ont profité en grande partie qu’aux agioteurs et aux maltôtiers. Il est plus que temps que le gouvernement s’occupe de notre industrie manufacturière, commerce et agricole.
Voilà plus d’un an qu’on réclame à grands cris une bonne loi sur les distilleries ; elle est faite depuis six mois, et elle reste enfouie dans les cartons ministériels. En attendant que cette loi soit votée, nos voisins profitent de notre apathie, de notre indolence. On expédie journellement en fraude, de Lille pour les Flandres, dix mille litres de spiritueux. Si quelque agent du fisc en doute, j’appellerai en témoignage plusieurs de mes collègues qui résident à l’extrême frontière, et qui sont indignés de cette scandaleuse contrebande, qui continuera aussi longtemps que nous n’aurons pas une nouvelle loi qui imposé modérément notre genièvre.
M. d’Huart. - J’appuie de toutes mes forces le renvoi de cette pétition à la commission d’industrie et, regardant l’objet auquel elle a rapport comme de la plus haute importance, je me permettrai de le recommander spécialement.
Tout le monde sait que la législation sur les distilleries est extrêmement vicieuse, et que les intérêts du trésor, aussi bien que ceux de l’agriculture et de l’industrie, réclament de grandes modifications à la loi de 1822.
Vers les derniers temps, le congrès avait créé dans son sein une commission à l’effet d’examiner un projet de loi présenté par M. Ch. de Brouckere, alors ministre des finances. Cette commission, dont l’honorable M. d’Elhoungne était le rapporteur, avait terminé son travail et se trouvait en situation de rendre compte de sa mission, lorsque le congrès s’est ajourné pour la dernière fois.
Il est à regretter que ce projet n’ait pas été discuté en assemblée générale et transformé en loi, parce que ses heureux effets se seraient déjà fait sentir sur tous les points du royaume. Les petits distillateurs auxquels, du consentement du ministre, le mode d’abonnement eût été applicable, auraient pu donner à leur industrie une extension que le système des déclarations et des visites continuelles des agents du fisc rendent impossibles aujourd’hui.
Le projet dont je viens de parler se trouver dans les archives de la chambre avec les observations de la commission qui l’a examiné. Votre commission d’industrie pourrait, en fort peu de temps, composer un travail complet de ces divers documents, et je demande à la chambre qu’elle veuille bien exprimer le vœu qu’un projet de résolution sur cette manière lui soit présenté le plus tôt possible.
Absorbée par les grandes questions politiques, la législature n’a guère pu jusqu’à présent s’occuper de l’amélioration du sort des classes industrielles, commerciales et agricoles ; mais le temps est venu de consacrer nos soins à cette œuvre, dont tous, sans doute, nous apprécions l’importance.
M. Duvivier. - Vous vous rappelez tous le travail important fait par M. Ch. de Brouckere, alors ministre des finances, pour rectifier notre législation en matière de distilleries. Il était impossible de prendre des mesures plus justes et plus efficaces. Il a correspondu avec les gouverneurs des provinces ; des réunions de distillateurs ont eu lieu, ; elle a nommé des distillateurs chargés de représenter tous les distillateurs dans une réunion générale qui devait se tenir à Bruxelles. Messieurs, trois séances consécutives de cette séance générale, présidée par M. Ch. de Brouckere, ont été consacrées à discuter les intérêts des distillateurs. On peut donc dire que cette loi est celle des distillateurs eux-mêmes. Diverses circonstances, dont je n’ai pas à rendre compte, ont pu retarder la discussion du projet de loi dans les chambres ; depuis lors ce projet n’a pas été reproduit : cela ne me regarde en rien. Quelque temps après, le gouvernement a nommé une commission pour la révision de l’impôt. Cette commission va réviser ce projet de loi ; quand il sera révisé, M. le ministre des finances le soumettra probablement à la chambre.
Quant à ce qu’a dit M. A. Rodenbach sur la fraude, je ne puis que répéter ce que j’ai déjà dit devant le congrès. L’administration tient compte de tous les avis qu’on lui adresse à cet égard, et elle donne sans cesse les ordres et les instructions les plus précises pour réprimer la fraude. Si cependant elle se fait (car vous savez que la fraude se fait en tout temps et en tout lieu), il faudrait, pour y remédier autant que possible, employer un nombreux personnel, et c’est à quoi on pensera quand les limites de notre territoire seront définitivement fixées.
Notre honorable collègue a dit aussi que je lui avait répondu devant le congrès d’une manière peu civile. Quoique son égal dans cette chambre, je suis cependant prêt à lui faire mes excuses, si le fait est vrai ; car mon intention n’a jamais été de manquer de civilité à l’égard de mes collègues. Seulement, je dirai que, si je l’ai fait, c’est à mon insu et dans la chaleur de l’improvisation.
M. Dumortier. - Messieurs, la loi sur les distilleries est une des lois les plus difficiles qui puissent occuper la législature. Pour faire une bonne loi sur les distilleries, il faudrait qu’on embrassât autant de systèmes qu’il y a de systèmes de distillation. Le système actuel est encore plus nuisible aux petites distilleries que tous ceux qui l’ont précédé ; car les grandes distilleries peuvent tirer plus de 30 p. c. d’alcool que les petites, et dès lors ces dernières ne peuvent pas soutenir la concurrence…
- Plusieurs voix. - Mais on ne discute pas la loi en ce moment.
M. Dumortier. - J’ajouterai, messieurs, qu’il est urgent de remédier à ce système pour un autre motif encore : c’est que, comme on n’exige pas de passavants, il en résulte pour le trésor une perte considérable.
M. A. Rodenbach. - Je crois, messieurs, qu’il serait possible d’empêcher la fraude sur la ligne de nos frontières sans augmenter le personnel des employés, ainsi que le veut M. Duvivier. Il suffirait pour cela d’établir un droit raisonnable ; car quand le droit est bas et modéré, les contrebandiers n’ont plus d’intérêt à faire la fraude. Si on diminue les droits, vous verrez bientôt cesser cette contrebande scandaleuse dont je vous ai parlé tout à l’heure. Ainsi, il ne serait pas besoin d’un personnel plus nombreux. En France, les contrebandiers qui sont saisis sont condamnés à la prison, tandis que les contrevenants belges sont relâchés et recommencent à frauder le lendemain.
Le système des droits d’entrée et de sortie est tellement vicieux en Belgique que, dans tous les magasins, les deux tiers des marchandises ont été passées par contrebande, et sont de production étrangère.
Je n’ai voulu adresser aucun reproche à M. Ch. de Brouckere ; je reconnais même que le projet qu’il a présenté est assez bien. Quoique je ne sois pas toujours d’accord avec ce ministre, j’approuve ses actes quand ils sont utiles, car je ne sais pas faire d’opposition systématique ; mais j’ai dit et je répète que le temps est venu où notre industrie manufacturière, commerciale et agricole doit être puissamment secondée ; car, en 1832, outre les contributions ordinaires payées par le pays, nous serons obligés de faire un emprunt de 50 millions à l’étranger, pour suffire aux besoins et aux dettes de l’Etat.
M. le ministre des finances (M. Coghen) annonce à la chambre que le projet de loi est, en ce moment, révisé par la commission nommée à cet effet, et qu’il sera probablement prêt la semaine prochaine.
M. Ch. Vilain XIIII. - En qualité de membre de la commission d’industrie, je ne puis admettre la seconde partie des conclusions de la commission. La commission d’industrie était chargée de l’examen de cinq branches différentes, savoir des distilleries, du sel, du lin, du fil et des toiles et des soieries. Ces cinq objets, dont l’examen exigeait de profondes méditations, nous auraient tenus plusieurs mois. Mais sachant que deux commissions spéciales avaient reçu la mission de préparer deux projets de loi, l’une sur les distilleries et l’autre sur le sel, nous avons pris la résolution de ne pas nous occuper de ces deux objets, pour ne pas faire double emploi. En conséquence, je demande que la pétition ne soit pas renvoyée à la commission d’industrie, mais au ministre des finances, et à la commission chargée d’asseoir l’impôt sur de nouvelles bases.
- La discussion se prolonge. On entend encore M. Duvivier, M. Delehaye, M. Gendebien, M. Jonet et M. de Robaulx.
Après quoi, les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur E. Jacquès, sous-lieutenant de la 7ème compagnie du 1er bataillon de la garde civique de Bruges, se plaint de ce que le colonel, chargé de l’organisation du premier ban, ait supprimé sa compagnie, en l’incorporant à la 3ème du même bataillon. Il se plaint aussi des vexations et d’un emprisonnement, résultat d’une mesure qu’il dit inconstitutionnelle. »
M. Jullien déclare connaître le pétitionnaire, que c’est un patriote des plus honorables et plein de dévouement ; il signale l’irrégularité des mesures prises par le colonel Fleury, et demande que le sieur Jacquès soit recommandé spécialement au ministre de la guerre.
Après de nouvelles observations présentées par M. de Robaulx et M. Gendebien, la chambre ordonne le renvoi : 1° au ministre de la justice ; 2° au ministre de la guerre, avec invitation de s’expliquer sur la pétition.
M. Leclercq. - La résolution que vient de prendre la chambre me rappelle que, le 25 septembre, il a été renvoyé à M. le ministre des finances, avec invitation de s’expliquer, une pétition de plusieurs citoyens d’Anvers qui se plaignaient d’abus dans l’entrepôt.
M. le président. - Cette pétition sera rappelée au souvenir de M. le ministre des finances.
M. Delehaye, rapporteur. - « M. Emery Audent, de Fontaine-l’Evêque, réclame contre l’arrêté de M. le gouverneur de la province de Hainaut, qu’il regarde comme inconstitutionnel. »
La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur et au ministre de la guerre.
M. de Robaulx revient sur les explications qu’il a données lorsque la pétition a été analysée par la chambre.
M. Rogier demande la lecture de l’arrêté du gouverneur du Hainaut.
M. Delehaye, rapporteur. - Voici en quel termes cet arrêté est conçu :
« Le gouverneur du Hainaut,
« Vu l’arrêté de S. M. du 15 septembre 1831, qui autorise le ministre de la guerre à appeler successivement à l’activité les bataillons du premier ban de la garde civique mobilisée ;
« Vu aussi les appels faits par le ministre aux gardes du premier banc de la province de Hainaut, se bornant à quatre bataillons seulement ;
« Considérant que les ordres données conformément aux instructions du ministre pour satisfaire aux dispositions ci-dessus rappelés, ont rencontré des obstacles résultant principalement du désir que manifestent les gardes de ne pas marcher l’un sans l’autre, et des difficultés qu’ils ont éprouvées dans cet appel partiel, pour désigner ceux d’entre eux qui demeureront disponibles, et ceux qui marcheront les premiers ;
« Voulant lever cet obstacle et faire cesser ces difficultés, assurer en même temps le déférant au désir général des gardes, arrête :
« 1° Un tirage au sort aura lieu, sans délai, dans tous les bataillons du premier ban de toutes les légions de la garde civique de la province.
« 2° Le tirage se fera par compagnie, par les soins des officiers commandants et des bourgmestres ou délégués des communes auxquelles appartiennent les hommes ou une partie des hommes composant la compagnie.
« Les autres officiers, sous-officiers et gardes, pourront, s’ils le désirent, assister à l’opération.
« 3° Le rang de chaque garde étant ainsi fixé par le sort, les sous-lieutenants, sergents, caporaux et tambours de la compagnie, tireront également au sort, grade par grade.
« 4° Le tirage au sort terminé, le capitaine fera, sans désemparer, le contrôle de la compagnie où seront placés les officiers, sous-officiers, caporaux et tambours, dans l’ordre que le sort leur aura assigné, ainsi que les capitaine, lieutenants, sergent-major et fourrier.
« Néanmoins, la substitution des mesures sera admise entre les gardes, grade par grade, entre les officiers, sous-officiers et caporaux, appelés au tirage au sort de la compagnie.
« 5° La même opération étant achevée dans toutes les compagnies, il y aura, en présence du chef de la légion ou d’un officier supérieur délégué et du major commandant le premier ban, un tirage au sort grade par grade, entre les capitaines, lieutenants en premier, sergents majors et fourriers de toutes les compagnies du premier ban.
« La substitution des numéros dans les grades dont il s’agit pourra également être admise sur l’avis des officiers supérieurs de la légion et des bataillons, mais seulement dans le cas où il serait fait un appel partiel au premier ban auquel ils appartiennent.
« 6° Il sera dressé procès-verbal des opérations du tirage, dans la forme suivie pour la milice, lequel sera signé, pour les compagnies, par les magistrats et les officiers présentés, et pour les bataillons, par les officiers supérieurs dont la présence est requise par le présent.
« Un double de ces procès-verbaux sera déposé aux archives de la légion ; un autre sera remis au major du premier ban ; un troisième sera adressé au gouvernement provincial.
« Fait à Mons, en l’hôtel du gouvernement, le 5 novembre 1831.
« De Puydt. »
M. Gendebien appuie le renvoi au ministre de l’intérieur, parce qu’il y a violation de la constitution.
- Le double renvoi au ministre de la guerre et au ministre de l’intérieur est ordonné.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le nommé Willems réclame contre les dispositions de la loi de 1822 sur les sels. Il présente un mémoire à l’appui de sa demande.
La commission propose le renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie et de commerce.
M. A. Rodenbach. - Ce que j’ai dit relativement aux distilleries peut s’appliquer aux raffineries de sel. Voilà déjà plusieurs mois que M. de Brouckere, étant encore aux finances, fit un projet que je crois bon. Pourquoi tant tarder de nous le soumettre ? Veut-on peut-être prolonger les visites domiciliaires chez les marchands de sel, et veut-on continuer les formalités gênantes dans l’intérieur du pays, en exigeant, pour la circulation du sel, des documents, passavants, etc., véritables menottes mercantiles.
Un honorable membre qui occupe au ministère des finances la place de directeur-général des droits d’entrée et de sortie, etc., vient de nous dire que le personnel manquait sur la ligne pour empêcher la fraude. Qu’on s’empresse donc de nous soumettre de suite la loi sur le sel, puisqu’on y supprime les arbitraires visites domiciliaires ; plusieurs employés de l’intérieur pourront aller grossir le nombre des préposés à la douane.
- Après une légère discussion, la chambre ordonne le double renvoi proposé par la commission.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur François Grenier réclame l’exécution de la loi du 24 décembre 1829, relative à l’exemption de l’accise sur le sel destiné à l’engrais des terres, etc. »
La commission propose le renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie et de commerce.
- Adopté.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Cabooter demande qu’il soit interdit au ministre d’accorder encore à l’avenir, et à la charge du trésor, le versement de la somme qui est accordée de toute notoriété aux instituteurs et aux maîtres d’école. »
En d’autres termes, le pétitionnaire demande qu’il ne soit plus accordé, dans les communes, et à leur frais, des pensions, logements, etc., aux instituteurs ; l’enseignement étant libre, il est illégal de faire supporter ces frais aux contribuables.
- Sur la proposition de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Balleux, commis-greffier au tribunal de Dinant, demande que le traitement des commis-greffiers près les tribunaux de première instance soit porté à 750 florins annuellement. »
La commission conclut au renvoi à M. le ministre de la justice, et au dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Dubois, professeur émérite à l’athénée de Tournay, demande une pension de 520 florins, à raison de l’ancienneté de ses services et de l’infirmité grave qui l’empêche de continuer ses fonctions. »
- Sur la demande de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Drochms signale quelques irrégularité dans le budget du ministre des finances. »
La commission demande que la pétition soit déposée au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur E. Ferat prie la chambre de vouloir inviter avec instance le ministre de la justice à tenir la main à ce que le juge de paix d’Ardoye remplisse ponctuellement et avec probité sa charge, et qu’à l’avenir il n’outrepasse plus les lois. »
- Sur la conclusion de la commission, la chambre ordonne le renvoi au ministre de la justice.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur N. Welter se plaint d’une arrestation arbitraire, opérée sur sa personne, pour laquelle il demande que vous punissiez M. Lemaire, procureur du Roi à Bruxelles, et que vous lui ordonniez qu’il produise les pièces authentiques du jugement. »
La commission propose l’ordre du jour.
M. Gendebien demande des explications sur la pétition.
M. Van Meenen explique que le pétitionnaire a été condamné à la prison sous le gouvernement déchu, par jugement du tribunal de Termonde, qui a été confirmé en appel ; qu’il a été gracié ensuite par le régent, mais que sa tête s’est dérangée, et qu’il a fait plusieurs démarches pour avoir gratis les pièces authentiques de son arrestation. Le procureur du Roi lui a fait réponse qu’il pouvait en avoir communication du greffier, mais moyennant qu’il lui porterait l’indemnité qui lui serait due, ce que refuse de faire le sieur Welter, parce qu’il persiste à vouloir ces pièces gratis.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur H. Bosdevex demande à participer aux secours du gouvernement pour les pertes qu’il a essuyées lors de la dévastation de sa fabrique, au mois d’août 1830. »
La commission propose l’ordre du jour.
M. Gendebien demande le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. de Robaulx s’y oppose, et veut qu’on passe à l’ordre du jour, parce que le sieur Bosdevex parle dans sa pétition d’une somme spéciale qui aurait été allouée au gouvernement pour indemniser six individus, tandis qu’il n’a été alloué des subsides que pour les besoins les plus pressants. Il ne croit pas qu’on puisse légèrement admettre le principe de l’indemnité, qui forcerait le trésor à un remboursement de 15 millions de florins, sur une pétition sans fondement.
M. Gendebien dit que le pétitionnaire réclame contre l’injuste répartition qui a été faite d’une somme allouée par le gouvernement provisoire ; et il persiste à demander le renvoi au ministre de l’intérieur.
- La chambre passe à l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Plusieurs officiers de divers corps de tirailleurs francs demandent de jouir du droit qu’ils ont acquis à l’indemnité de trois mois de solde et à la mise en non-activité. »
- Sur les conclusions de la commission, la pétition est ajournée.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Stas réclame une indemnité proportionnée, jusqu’à concurrence de la moitié, aux pertes qu’il a essuyées lors des dévastations du mois de septembre 1830. »
- La commission propose l’ordre du jour.
M. Gendebien demande le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Verdussen appuie ce renvoi.
- Sur l’observation de M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere), que le ministre de l’intérieur n’est pas à même de faire droit à la réclamation du pétitionnaire, parce qu’il faut auparavant qu’on prononce sur le principe de l’indemnité, la chambre passe à l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Patron demande à la chambre d’ordonner la recherche de son projet de loi sur la tolérance, adressé au congrès national, et d’en ordonner la publicité.
- La commission propose et la chambre adopte l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Glorieux soumet à la chambre la question si les individus professant le culte israélite sont fondés, en droit constitutionnel belge, à réclamer des allocations de l’Etat pour les frais de leur culte. »
La commission, quoique la chambre ait déjà jugé cette question, a trouvé le mémoire du pétitionnaire fait avec tant de talent et si bien écrit, qu’elle croit devoir en proposer le dépôt au bureau des renseignements.
- Plusieurs voix. - Non ! non ! L’ordre du jour.
M. de Robaulx. - Je ne vois pas, messieurs, pourquoi on n’adopterait pas les conclusions de la commission ; ce n’est certainement pas parce qu’il vient d’un israélite ? La liberté des cultes est consacrée par la constitution, et je pense bien que, si un catholique vous adressait un mémoire écrit avec talent, vous ne lui refuseriez pas d’en ordonner le dépôt au bureau des renseignements ; je demande qu’il en soit de même pour celui-ci. Je le proposerais pour tout autre, qu’il fût catholique, israélite, protestant ou saint-simonien, parce que tous sont égaux à mes yeux, comme aux yeux de la loi.
- Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Fr. Hebbelinck, ex-employé des douanes à Warneton, soumet à la chambre de nouvelles réflexions à l’appui de la pétition qu’il a adressée au congrès national, avant qu’elle n’en fasse l’objet de ses délibérations. »
- La commission propose et la chambre prononce l’ordre du jour.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Malherbe demande l’autorisation d’expédier en France le surcroît de la fabrication d’armes de guerre. »
La commission, vu le projet de loi présenté sur cet objet par le gouvernement, propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Delehaye, rapporteur. - « Le sieur Geeraert, fermier de barrières, se plaint de ce que le droit lui est refusé pour les chariots chargés d’engrais. »
La commission propose l’ordre du jour.
- Adopté.
La chambre passe également à l’ordre du jour sur la pétition du sieur de Lécluse, père, qui soumet à la chambre deux projets de loi tendant à relever nos manufactures, à étendre notre navigation marchande, et à construire une flotte de guerre propre à protéger nos relations extérieures ; et sur celle de plusieurs habitants de l’arrondissement de Ruremonde, jouissant de pensions ou traitements d’attente, qui se plaignent de n’avoir pu toucher le montant du premier semestre de l’année courante.
La chambre renvoie ensuite à la commission d’industrie et au ministre des finances la pétition du sieur G. Plumier, qui réclame contre le projet d’impôt sur la distillation de fécule de pommes de terre, qu’il dit être trop élevé.
M. Delehaye, rapporteur. - « La fabrique de l’église succursale de Balvaux-Coudront réclame le renvoi en possession d’un bien non vendu, chargé de services religieux. »
La commission a pensé que, quoique la question soit de nature à être vidée par les tribunaux, il pouvait être utile qu’elle fût renvoyée à M. le ministre des finances.
M. Gendebien fait observer que les lois existantes peuvent faire obtenir aux pétitionnaires les droits qu’ils réclament ; si en effet ces droits sont fondés, ils peuvent s’adresser aux tribunaux, et par conséquent le renvoi au ministre des finances est inutile.
M. Dumortier. - Messieurs, j’appuie de tous mes moyens le renvoi de la pétition au ministre des finances, et je désire qu’on l’adresse également au ministre de la justice, afin d’avoir une explication sur le fait dont se plaint le pétitionnaire. Vous vous rappelez tous, messieurs, les vexations dont les biens d’église et de charité furent l’objet sous le gouvernement précédent. Vous vous souvenez que presque toutes ces propriétés ont été vendues au profit du syndicat hollandais. Eh bien ! ce système, qui était l’un des griefs de la nation, existe encore, et j’ai la preuve que l’on cherche de nouveau à s’emparer du peu de biens qui restent aux établissements d’église et de bienfaisance ; le gouvernement provisoire avait pris un arrêté fort sage à cet égard, mais il paraît aujourd’hui sans effet.
La cour qui a acquitté Grégoire a cru faire acte de force (M. H. de Brouckere demande la parole) en déclarant qu’il n’était pas exécutoire, et ces biens sont ainsi de nouveau exposés à être engloutis par le fisc. Je demande donc que le ministère soit invité à s’expliquer sur ces mesures, qui portent aussi évidemment atteinte au droit sacré de propriété.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, je viens d’entendre sortir de la bouche du préopinant des paroles qui m’ont pu fort étranges et que je dois relever. On a dit : « La cour qui a acquitté Grégoire vient de faire un acte de force, en déclarant qu’un arrêté du gouvernement provisoire était sans force de loi. » Et depuis quand, messieurs, est-il permis à chacun, dans cette enceinte, de jeter le blâme sur une cour qui n’en mérite à aucun égard ? Je n’en dirai pas davantage, car je veux croire que ces paroles déplacées ont été proférées par inadvertance.
M. Destouvelles. - Je demande l’ordre du jour pur et simple ; il s’agit d’une question de propriétés qu’il n’appartient qu’aux tribunaux de vider et sur laquelle ni le ministre des finances, ni celui de la justice, ne pourraient porter aucune décision.
M. Delehaye, rapporteur. - La commission, tout en reconnaissant que les tribunaux étaient seuls compétents pour décider la question, a pensé cependant que le renvoi au ministre des finances pourrait être utile, parce que les titres produits par les pétitionnaires constatent si bien leur droit, que M. le ministre pourrait donner, sur leur vu, des ordres pour éviter un procès.
M. Van Meenen. - Si les titres invoqués par les pétitionnaires sont si incontestables, pourquoi adresser une pétition à la chambre, au lieu de commencer par s’adresser au ministre ? En règle générale, la chambre ne peut admettre de pétitions que lorsque les pétitionnaires ont épuisé sans succès tous les autres moyens que leur indique la loi, pour obtenir que justice leur soit rendue.
M. Ch. Vilain XIIII. - J’avais seulement demandé la parole pour savoir si les pétitionnaires ne s’étaient pas déjà dressés à M. le ministre des finances ; mais il paraît qu’on reconnaît généralement qu’ils ne l’ont pas fait.
M. Delehaye. - Les pétitionnaires s’étaient adressés au gouvernement hollandais ; ils étaient sur le point d’obtenir une réponse, lorsque la révolution éclata. Depuis, ils ne se sont adressés à aucun ministre.
M. Destouvelles insiste de nouveau pour l’ordre du jour pur et simple.
M. Dumortier. - Je n’ai pas souvenir d’avoir dit que la cour avait fait un acte de force, mais bien qu’elle avait cru montrer de la vigueur en écartant le décret du gouvernement provisoire ; et, quand bien même je l’aurais dit, je pense que l’improvisation peut mériter quelque indulgence.
Ici, M. H. de Brouckere interrompt l’orateur ; mais ses paroles n’arrivent pas jusqu’à nous.
M. Dumortier. - J’ai la parole, vous n’avez pas le droit de m’interrompre ; si vous voulez me répondre, vous le ferez ensuite.
Je persiste à croire qu’il est de notre devoir de faire respecter le droit sacré de propriété. Si l’on tolère davantage que les établissements de charité soient dépouillés de leurs biens au profit de qui que ce soit, il ne nous restera plus qu’à effacer de notre pacte social toutes les garanties qu’il nous offre. D’ailleurs, d’après la constitution, le pouvoir législatif est seul chargé de l’interprétation des lois. Si donc on s’écarte de ce principe, c’est à nous à y rappeler. Je réclame donc le renvoi au ministre, afin qu’il ait à s’expliquer sur ce point.
M. Destouvelles. - A entendre le préopinant, on croirait que la chambre veut dépouiller les églises de leurs propriétés. Non, la chambre ne le veut pas ; mais elle doit vouloir qu’avant de s’adresser à elle, on prenne les moyens que la loi met à la disposition de tous pour obtenir justice. La question, je le répète, est du ressort des tribunaux ; que les pétitionnaires y portent leur demande. Je persiste pour l’adoption de l’ordre du jour.
M. le Hon. - Messieurs, j’aurai peu d’observations à ajouter après ce qui a été dit. Mais il semble que pour atteindre le but que le préopinant s’est proposé, le meilleur moyen est le respect pour les pouvoirs de l’Etat, pour les pouvoirs constitués, et pour les droits qu’ils tiennent de la constitution. Or, je crois que ces droits reçoivent une atteinte grave, quand l’autorité judiciaire est attaquée dans cette enceinte, et quand, par un langage étrange… (Violente interruption.)
M. Gendebien. - C’est fini, on s’est expliqué là-dessus.
- Voix nombreuses. - C’est fini ! c’est fini ! (Le bruit augmente.)
M. Dumortier. - Je demande la parole.
Plusieurs voix. - Mais c’est singulier, ce ton !
M. le Hon. - Si j’avais entendu que l’honorable membre eût rétracté ce qu’il avait dit, je n’aurais pas cru devoir relever les expressions dont il s’est servi. En tout cas, l’une de ces expressions qui m’a le plus étonné n’a pas été rétractée par lui, et j’ai eu le droit de dire ce que j’en pensais.
L’orateur réclame liberté entière pour l’action judiciaire ; il trouve inutile l’intervention du ministère dans la question que peuvent soulever les pétitionnaires en s’adressant aux tribunaux, et il conclut à l’ordre du jour.
M. Dumortier. - S’il est quelques chose dans mes paroles qui ait pu mériter la censure du préopinant, j’étais loin de croire que ce serait précisément ce que j’ai dit relativement à la conduire de la cour dans l’affaire de Grégoire. Eh quoi ! Un traitre viendra arborer l’étendard de la révolte dans l’une de nos villes les plus populeuses ; il sera pris les armes à la main, après avoir fait périr une infinité de citoyens, et les tribunaux pourront impunément l’acquitter ! Et l’on viendra soutenir qu’il nous est interdit de nos occuper d’un tel scandale ! Vous voulez, dites-vous, faire respecter l’indépendance judiciaire. Eh bien ! que la justice, si elle veut être respectée, commence par se respecter elle-même, et par juger suivant les lois les traîtres à la patrie. Je ne puis donc assez m’étonner que l’on vienne ici prendre la défense d’une conduite aussi scandaleuse, et je ne vois rien qui puisse justifier le rappel à l’ordre du préopinant.
M. Van Meenen. - Je demande la parole.
M. le Hon. - Je n’ai pas défendu l’acquittement de Grégoire, j’ai défendu l’indépendance de l’autorité judiciaire.
M. le président. - M. Van Meenen a demandé la parole pour un fait personnel ?
M. Van Meenen. - Non ! non ! (Hilarité générale.)
M. Ch. Vilain XIIII. - Je demande l’ordre du jour sur la pétition. Ce n’est pas à nous qu’elle devait être adressée ; la chambre n’est pas un bureau de message ; elle a jusqu’ici repoussé les pétitions qui ne dénonçaient pas un abus ou un déni de justice, il est nécessaire qu’elle suive ces précédents. Je crois que les pétitionnaires ont raison au fond, mais ils ont eu tort dans la forme. Ils devaient s’adresser d’abord au ministre ou aux tribunaux, et ce n’est que dans le cas où leur demande aurait été repoussée qu’ils auraient pu s’adresser à nous. J’appuie l’ordre du jour.
M. Dubus. - J’appuie le renvoi au ministre. Dans mon opinion, il n’y avait pas lieu de faire intervenir dans la discussion l’arrêt de la cour de Bruxelles mais puisqu’on en a parlé, il est essentiel d’en dire un mot. Par des arrêtés de l’an XII et de l’an XIII, le gouvernement français avait rendu aux fabriques les biens non vendus leur appartenant. Un arrêté du gouvernement provisoire est intervenu qui a confirmé ces arrêtés. La cour de Bruxelles, saisie de la question, a bien, en effet, écarté l’arrêté du gouvernement provisoire comme n’ayant pas force de loi ; mais au fond elle a jugé conformément aux arrêtés de l’an XII et de l’an XIII, et elle a reconnu par là que l’arrêté du gouvernement provisoire les avait sainement interprétés.
L’orateur rappelle que, sous le gouvernement hollandais, le syndicat d’amortissement avait fait systématiquement des procès à tous les détenteurs de ces biens, pour se les approprier ; ce fut là un des griefs de la nation contre l’ancien gouvernement. Le renvoi de la pétition au ministre aurait pour but d’empêcher que ce système ne fût renouvelé, et il appuie en conséquence le renvoi au ministre des finances.
M. Leclercq demande l’ordre du jour pur et simple.
- Après une épreuve qui paraît douteuse, on précède à l’appel nominal sur l’ordre du jour.
L’ordre du jour est adopté par 36 voix contre 30.
La séance est levée à quatre heures.
Noms des représentants absents sans congé à la séance du 25 novembre 1831 : MM. Angillis, Barthélemy, Davignon, Desmanet de Biesme, Domis, Gelders, Lebeau.