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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 5 novembre 1831

(Moniteur belge n°145, du 7 novembre 1831)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal

M. Jacques fait l’appel nominal : 53 membres sont présents.

Lecture du procès-verbal

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. Il est donné acte, dans ce procès-verbal, des explications présentées hier par M. le président, qui continue (ce sont les expressions du procès-verbal) à jouir de l’estime et de la confiance de la chambre.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je n’assistais pas hier à la fin de la séance ; sans cela je me serais opposé à la mention qui est faite au procès-verbal des témoignages de confiance et d’estime donnés par la chambre à son président ; non que je ne reconnaisse que M. le vice-président s’est rendu l’organe fidèle de la satisfaction témoignée par la chambre à son président ; mais je me serais opposé à cette insertion, en ce sens qu’elle est contraire aux usages parlementaires et sans aucun précédent. Toutefois, comme il me paraît qu’il y a chose jugée, je demanderai qu’à la prochaine séance, à laquelle assistera M. Pirson, on ne lui refuse pas la parole s’il la demande, sur le motif qu’il devait prendre la parole dans la séance où les explications de M. de Gerlache ont été présentées.

M. le président rappelle en peu de mots ce qui s’est passé à la séance d’hier, et, conséquent avec la demande qu’il a faite hier à plusieurs reprises pour éviter l’insertion au procès-verbal de l’assemblée, il en demande formellement la radiation (Non ! non !) jusqu’au jour où M. Pirson pourra prendre la parole. (Opposition marquée.)

M. H. de Brouckere. - Je ne demande nullement que les explications du procès-verbal soient changées ; il y a eu une décision de l’assemblée, elle doit être maintenue. Je suis satisfait de la déclaration faite par M. le président, que M. Pirson pourra prendre la parole pour s’expliquer à son tour.

M. le président veut ajouter quelques mots. (C’est assez ! c’est assez !)

- Le procès-verbal est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques donne lecture de la correspondance.

Les tribunaux de l’instance de Bruxelles et d’Audenaerde envoient leurs observations sur le projet de loi relatif à l’organisation judiciaire.

- Renvoi à la commission.


MM. de Robaulx et Seron demandent un congé de huit jours.

- Accordé.


M. Mesdach s’excuse de ne pouvoir assister à la séance.

Projet de loi accordant des crédits provisoires pour l'exercice 1831

Rapport de la commission spéciale

M. de Theux fait un rapport au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi sur les crédits provisoires.

- L’impression est ordonnée et la discussion renvoyée à lundi.

Proposition visant à créer une commission d'enquête sur les causes et les auteurs des revers de la campagne militaire du mois d'août 1831

Rapport de la commission spéciale

M. d’Elhoungne a la parole pour faire le rapport de la commission chargée d’examiner la proposition de M. Gendebien. Il s’exprime ainsi. - Messieurs, vous avez renvoyé à l’examen d’une commission spéciale la proposition de M. Gendebien, tendante à charger la commission d’enquête, instituée pour découvrir les causes et les auteurs des désastres de la dernière campagne, de porter plus spécialement ses investigations sur les faits et les circonstances indiquées dans la proposition.

La majorité de la commission a pensé qu’il suffirait de renvoyer à la commission d’enquête les questions posés, comme simples renseignements, pour appeler son attention sur elles et éveiller son zèle à cet égard ; et que, de cette manière, le but de l’honorable député se trouverait complètement atteint.

Mais, à cette occasion, il s’est élevé une autre question dans le sein de la commission spéciale : celle de savoir s’il convenait, oui ou non, que la chambre posât quelques questions générales sur lesquelles les investigations de la commission d’enquête devraient nécessairement porter. On a unanimement reconnu que l’objet de cette commission a été fort vaguement indiqué par le décret de son institution, et quelques membres ont paru craindre que ce vague ne devînt aussi, ou un obstacle à l’accomplissement du but que la chambre s’est proposé, ou ne donnât lieu à un excès contraire, en engageant la commission dans une carrière, presque sans limites, d’investigations hideuses ou indiscrètes, ou même dangereuses.

On a donc émis l’opinion que la prudence exige une indication plus précise de la mission de la commission d’enquête, en fixant, en général, les points principaux de ses recherches.

D’autres membres, et je partage cette opinion, ont cru que le vague de cette discussion disparaîtrait, et que les divergences cesseraient du moment où l’on aurait fixé par écrit les faits et les circonstances sur lesquels on croirait devoir appeler spécialement les investigations de la commission d’enquête.

D’après ces désirs, l’un des membres de la commission s’est chargé de ce travail, lequel se réduit à la série des questions que voici :

1° Quel était l’état de nos forces, armes par armes et corps par corps, au 1er janvier, au 1er avril et au 1er août dernier ?

2° Quel état l’état de leur armement, équipement et instruction militaire, aux mêmes époques ?

3° Par quelles mesures a-t-on cherché, pendant les quatre mois immédiatement antérieurs à la dénonciation de l’armistice, à accélérer l’instruction des miliciens de 1830 et 1831, et du premier ban de la garde civique, au maniement des armes ; de l’armée, hommes et chevaux, aux manœuvres et aux grandes évolutions militaires ; et à habituer les uns et l’autre à la vie des camps ?

4° Quelles ressources en hommes et en argent le congrès a-t-il mises à la disposition du ministère ? Quel était le matériel qui existait en magasin au 1er avril dernier ? Quel est l’emploi qu’on a fait des uns et de l’autre ?

5° Quelle partie de ces diverses forces se trouvait organisée et en état de servir au 1er des mois de mai, juin, juillet et août ?

6° Le pays se trouvait-il, à cette dernière époque, en état d’armement suffisant pour repousser l’agression ennemie ?

7° L’armement était-il proportionné aux besoins du pays, à ses moyens et aux forces de l’ennemi ?

8° Quel était, à cette date, l’état de nos approvisionnements dans les places fortes des deux Flandres, d’Anvers et de la Meuse ?

9° Faut-il attribuer les succès de l’ennemi au manque de forces numériques, de matériel, de discipline, d’habitudes militaires de la part du soldat, ou à ses dispositions morales ? Au vice ou à l’absence d’organisation des divers services pour quelques armes spéciales ? A l’absence de tout plan, à ses défectuosités, ou à son inexécution forcée ou volontaire ? A l’inhabilité, à l’incurie ou à la malveillance des chefs militaires ou administratifs ? A l’une de ces causes exclusivement, à plusieurs d’entre elles, ou à leur ensemble ?

10° Ces causes elles-mêmes sont-elles le produit du hasard, de l’incapacité ou de l’insouciance des chefs, de la force majeure ou d’un projet arrêté de laisser le pays dans un état d’armement incomplet ?

11° Avions-nous une ligne d’opérations, des corps de réserve, des places de retraite, et lesquels, à l’ouverture de la campagne de dix jours ? Y a-t-il eu ensemble dans les opérations stratégiques de ces divers corps d’armée ? Pouvait-il y en avoir d’après les dispositions concertées avant et pendant les hostilités ? Par quelles causes cet ensemble a-t-il manqué ?

12° Par quel motif le centre a-t-il été complètement dégarni et percé jusqu’à Diest, pendant que l’armée de l’Escaut manœuvrait sur sa gauche ? Pour quoi la ligne du Demer et de la Ghete a-t-elle été abandonnée ? Quels efforts a-t-on faits pour recouvrer la position de Montaigu, point culminant dans tout système de couvrir Louvain et de s’y maintenir ? Qu’a-t-on fait pour organiser la guerre de partisans, en occupant le pays boisé, coupé et accidenté, nommé le Haegeland, entre les chaussées de Diest par Aerschot et Winghe, et de Tirlemont, en s’emparant de Montaigu et en s’établissant à Leau, qui sont les clefs de cette contrée.

Quelles sont les mesures qu’on a prises pour opérer la jonction des armées de la Meuse et de l’Escaut ? Cette jonction, après le 5 août, était-elle profitable, utile, sans danger, au-delà de Diest ?

14° Quelles mesures a-t-on arrêtées pour ralentir la marche de l’ennemi jusqu’à l’arrivée de l’armée française ? A-t-on occupé et tenu avec des forces suffisantes chacune des positions en avant de Tirlemont et de Louvain ? N’ont-elles pas été abandonnées à l’approche de l’ennemi, avant qu’il ne pût les forcer ou les tourner ? Quelles sont les mesures qu’on a concentrées pour tenir l’ennemi éloigné de Louvain, empêcher le passage de la Dyle, soit en avant, soit en aval de cette ville, prévenir qu’il ne la tourne ou y cerne l’ennemi, le Roi compris ; et par quelles causes ces mesures ont-elles manqué leur effet ?

15° Quel était le but du mouvement sur Bautersem, le 11 août, pendant que l'ennemi effectuait un mouvement de flanc décisif ? Ce mouvement a-t-il été prévu, éclairé, entravé, combattu ? Le passage de la Dyle entre Wavre et Louvain a-t-il rencontré quelque opposition ? Quelles mesures avait-on arrêtées pour faire échouer cette entreprise éventuelle ?

16° Quel était l'état de l’approvisionnement de Louvain à l'époque de son investissement complet, le 12 août ? Par quel enchaînement de faits l'armée, y compris le roi, s'est-elle vue cernée dans une ville ouverte ? Est-ce le résultat d'une résolution, de l’imprévoyance ou d'une force majeure ? Quel devait être le résultat probable de l'attaque de cette ville par les corps ennemis, occupant les hauteurs situées à l'est et à l'ouest de Louvain, interceptant les communications avec Bruxelles et Malines par les trois chaussées qui conduisent à ces villes ? Quelle était la voie de retraite qu'on s'était ménagée ?

17° A quels plans s’était-on arrêté pour empêcher ou paralyser cette entreprise ? A quelles causes attribuer leur non-succès ou leur non-exécution ?

18° Par quelles causes ou par quels motifs, l’entrée de l’armée française en Belgique a-t-elle été retardée, arrêtée ? Quel est l’obstacle qui l’a arrêtée devant les portes de Mons ? Quel est le motif de sa marche de Hal par Nivelles sur Wavre, le jour même où l’ennemi, ayant franchi la Dyle, tournait Louvain, cernait la ville, tenait l’armée enveloppée dans une place ouverte et sans approvisionnement, s’était ouvert le chemin de Bruxelles, et avait le choix de s’emparer du Roi ou de la capitale ?

19° Quelles sont les causes de la ruine des polders ? A-t-on pu épargner au pays les calamités qui pèsent encore sur cette partie de son territoire ? Par quels moyens ?

20° L’assistance de l’Angleterre a-t-elle été invoquée. Quand ? Avec quel résultat ?

21° Pourquoi, à la reprise des hostilités, n’a-t-on pas convoqué le congrès ?

Lorsque ces questions ont été présentées à la commission, elle ne s’est pas dissimulé, et l’auteur des questions l’a le premier reconnu, que le droit d’enquête attribué aux chambres ne se trouvant limité ni par les termes de la constitution, ni par des précédents, ni même bien déterminé par l’usage que l’on en a fait à l’étranger, il devient important de le conserver dans toute son étendue, et d’en faire usage avec tout le vague qu’il emporte ; afin d’éviter le danger de le voir trop restreindre ensuite par des délimitations restrictives trop étroites. Que si, à l’occasion du premier essai que l’une des chambres fait de cette précieuse procédure, l’on vient apporter des restrictions seulement apparentes à l’exercice du droit par une indication trop précise de l’objet de l’enquête, on aurait à craindre de voir plus tard l’autorité se prévaloir de cet exemple pour représenter cette fixation trop précisé, par là même trop restrictive, comme un précédent établi, comme une nécessité reconnue, comme de l’essence de la chose. Et quel serait le résultat de cette marche ? C’est que, dans le but d’éluder, de paralyser ou de neutraliser le droit d’enquête, l’on ne vînt plus tard, à chaque fois qu’il s’agirait d’en user, demander une position de fait réellement précise, que la chambre ne reculât devant l’idée que cette précision constituât un préjugé contre des individus assignables, et ne fût réduire, pour éviter cet inconvénient, à faire porter exclusivement les recherches sur des objets secondaires.

Vous le voyez, messieurs, c’est dans l’espèce de vague dans lequel on laissera l’objet de l’enquête parlementaire, que résidera encore pendant longtemps l’utilité, l’efficacité de la mesure, jusqu’à ce qu’une expérience, longue et fréquente, ait permis de circonscrire le droit dans ses véritables limites ; avec cette époque, vouloir poser à priori des règles positives et circonscrites aux commissions d’enquête, ou préciser avec un soin trop scrupuleux les points sur lesquels porteront les investigations, c’est détruire le droit, c’est en quelque sorte rayer l’article 40 de la constitution, puisque l’on tournait ce droit contre la chambre pour réduire le droit d’enquête à un vain simulacre, en le faisant dégénérer dans des recherches oiseuses et sans résultat.

Qu’on ne craigne pas, messieurs, qu’en laissant cette grande latitude aux commissions, on ne les voie méconnaître les intentions de la chambre, soit en restreignant, soit en étendant trop loin le cercle de leurs investigations. Choisies parmi les membres de la chambre qui les établit, élues par leurs pairs, vivant au milieu de leurs commettants et sous l’influence des réclamations qui ont provoqué la mesure, procédant sous les yeux du public dont les regards sont fixés sur leurs opérations, comment douter que ces commissions ne procéderont pas avec toute la circonspection de magistrats circonspects, redoutant tout à la fois de céder à une impulsion désordonnée, malheureusement inséparable des grands malheurs publics, et de ne pas justifier la confiance des représentants de la nation, en dévoilant avec modération mais sans ménagement les causes de ces malheurs, et signalant leurs auteurs avec autant de force qu’ils en apporteront à indiquer les moyens pour éviter le retour de ces calamités ? C’est dans la composition même des commissions d’enquête que se trouvent et que l’on doit chercher toutes les garanties contre les abus, et ce ne sera pas la commission dont j’ai l’honneur d’être l’organe qui vous les représentera comme insuffisantes.

D’après ces motifs, elle n’a pas cru devoir vous proposer d’arrêter les points spéciaux sur lesquels porteront les recherches de votre future commission d’enquête.

Mais elle a considéré que cette commission ne peut s’entourer de trop de lumières pour parvenir à se tracer elle-même des règles, et fixer ses opinions sur la direction qu’elle devra se prescrire, surtout dans le commencement, pour obtenir un résultat des recherches auxquelles elle devra se livrer. Sous ce rapport, le renvoi de la nouvelle série de questions, comme simples renseignements, a paru utile.

D’ailleurs, messieurs, le moindre citoyen jouissant du droit de fournir des renseignements à la commission d’enquête, et de lui soumettre ses vues, un droit semblable doit appartenir à la chambre et à chacun de ses membres ; et de leur part, l’on écarte tout inconvénient de l’exercice de ce droit, du moment qu’il n’en est fait usage que pour émettre des idées dont l’appréciation reste dans le domaine de la commission à laquelle on les soumet.

Mue par ces considérations, la commission a l’honneur de proposer à la chambre le renvoi des deux séries de questions à la commission d’enquête, comme simples renseignements.

- L’impression du rapport est ordonnée, et la discussion est remise après le budget.

Nomination des commissions permanentes

Mise à l'ordre du jour

M. le président. - La suite de l’ordre du jour est la nomination des trois commissions permanentes d’agriculture, de commerce et d’industrie.

M. Jamme demande que la commission d’agriculture soit composée de neuf membres au lieu de sept.

M. Devaux. - Messieurs, nous sommes très peu nombreux aujourd’hui, et les choix que nous allons faire sont très importants.

Il est probable même que les membres qui seront nommés pour former cette commission seront continués les années suivantes. Je demande donc que la nomination de ces membres soit ajournée jusqu’à ce que la chambre se trouve au complet. (Appuyé ! appuyé !)

- Cette opération est remise à un autre jour.


M. Legrelle demande le remplacement de M. Seron, à qui il vient d’être accordé un congé de 10 jours, comme membre de la commission chargée de l’examen de la loi sur les crédits du mois d’octobre.

- La chambre s’en remet au choix du bureau.

M. le président annonce que le bureau choisit M. d’Elhoungne, pour remplacer M. Seron.

La séance est levée à deux heures.