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matières de l’Essai
« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR
Par Théodore
Juste
CHAPITRE V - Deuxième rapport
de M. de Theux. - Il propose d'autoriser le Roi à signer les traités proposés
par la Conférence. - Agitation des esprits. - Rapport de la section centrale de
la Chambre des représentants. -. Débats mémorables. - La Chambre adopte le
traité. - Le Sénat suit l'exemple de la Chambre. - M. Nothomb est envoyé à
Londres. - Note sur les points encore en litige remise à la Conférence. -
Réponse satisfaisante de la Conférence. - Note d'adhésion du plénipotentiaire
belge. - Signature du traité le 19 avril 1839. - Ratifications.- Dénouement de
la révolution belge; il est caractérisé par M. Nothomb. - Actes qui complètent
l'histoire du droit public de la Belgique indépendante.
Il ne restait plus qu'à subir
l'arrêt de l'Europe. Les Chambres furent convoquées pour le 19 février; le même
jour, M. de Theux donna lecture d'un second rapport sur la suite des
négociations et les dernières tentatives du gouvernement. Il fit connaître la
note remise le 4 février à
« En présence de
ces faits, poursuivit le ministre, le gouvernement a acquis la conviction qu'il
ne peut, sans compromettre les intérêts les plus essentiels du pays, (page 199)
se dispenser de demander aux Chambres l'autorisation de souscrire aux
propositions du 23 janvier, dans lesquelles sont reproduites les clauses du
traité du 15 novembre, relatives à la délimitation territoriale. Le
gouverncment déplore vivement que ses efforts, sur ce point capital de la
négociation, soient restés sans succès. » Il ajoutait: «
Le ministre allait
ensuite au devant du reproche d'inconséquence: « On nous objectera les
faits qui se sont produits à l'ouverture de la session des Chambres, et l'on
nous demandera comment nous pouvons concilier les propositions de paix avec ces
faits et avec les développements donnés à notre état militaire. Mais à cette
époque il ne nous avait encore été adressé que des propositions officieuses et
confidentielles, et ces propositions ont reçu, plus tard, des améliorations. Un
projet d'arrangement pour le territoire n'avait pu encore être produit
officiellement par nous, parce qu'il devait se trouver en rapport avec le
chiffre de la quote-part de la dette à supporter par
Le ministre donne
lecture de deux projets de loi, l'un autorisant le Roi à conclure et à signer
les traités qui réglaient la séparation entre
Les propositions du
gouvernement, accueillies avec exaspération par les uns, avec une douloureuse
résignation par les autres, donnèrent lieu à un remarquable rapport de la
section centrale. Elle se prononçait pour l'acceptation[1].
« Cette résistance du désespoir, qui (page 201) approcherait du suicide,
personne de vous, disait le rapporteur, ne l'a préconisée. Mais plusieurs ont
pensé et soutiendront, sans doute, que notre refus n'entraînerait aucune
exécution militaire. Ces prévisions, nous ne les avons point partagées, et tout
semble indiquer que les événements se chargeraient bientôt de les démentir. ..
»
MM. de Theux et Nothomb, chargés de diriger la discussion, n'avaient pas affaire seulement au parti belliqueux, mais ils étaient encore en butte aux critiques d'orateurs du parti pacifique qui pensaient que le ministère avait trop fait; selon ceux-ci, le gouvernement avait encouragé la crise par son attitude; on aurait pu, disaient-ils, la dominer en reconnaissant de prime abord la force obligatoire du traité du 15 novembre 1881, quant aux arrangements territoriaux sous la réserve de la révision des arrangements financiers.
A plusieurs reprises, M.
Nothomb s'efforça de démontrer que cette distinction n'aurait point été
acceptée; qu'il avait fallu exiger la révision des arrangements (page 202)
financiers comme condition de l'adhésion aux arrangements territoriaux. Dans
tous les cas, il ne fallait jamais devancer
La discussion commença le 4 mars et se prolongea pendant treize séances. Ce fut une lutte émouvante et, après la discussion sur les dix-huit articles, la plus mémorable peut-être du Parlement belge[2].
Dans la séance du 12 mars, M. Nothomb eut un mouvement de grande éloquence en relevant un mot d'un membre de l'opposition, vieillard plus que septuagénàire, M. Pirson, qui, reprochant aux ministres de ne soutenir le traité que pour conserver leurs porte-feuilles, avait prédit que, dépopularisés, ils périraient par le succès même : Vous avez fait un faux calcul, avait-il dit. « Non, s'écria M. Nothomb, en terminant un discours ayant pour objet principal de réfuter M. Dechamps qui, lui aussi, s'était rangé du côté de l'opposition, non, nous n'avons pas fait de faux calcul, (page 203) « car nous n'avons pas fait de calcul. Vous et moi, nous sommes dans cette assemblée aux deux extrémités opposées de l'échelle de la vie; sans avoir votre âge, j'ai assez vécu pour connaître la plupart des infirmités du cœur humain. Je n'avais pas besoin de votre témoignage pour savoir qu'on accepte le bienfait en répudiant le bienfaiteur. Vous avez cru nous surprendre en nous annonçant que nous qui acceptons la mission de clore la révolution de 1830, nous serons méconnus! Nous le savions, et c'est parce que nous le savions que nous l'avons acceptée; si cette tâche emportait avec soi sa récompense extérieure, elle ne serait plus grande et belle. »
Le 19 mars, le traité était adopté par 58 voix contre 42[3]. .
Le rapport de la commission spéciale du Sénat, présenté le 21 mars, disait: « Ne vous attendez pas que (page 204) votre commission essaye de justifier le traité du 23 janvier. Il est dans la vie des peuples, comme dans celle des individus, des époques douloureuses où les événements dominent et entraînent à des nécessités auxquelles la volonté la plus énergique ne saurait résister. »
Les débats au Sénat
furent moins dramatiques qu'à
Le 4 avril, le Roi
promulgua la loi qui l'autorisait à (page 205)
signer le traité de paix entre
Cependant le cabinet,
avant de souscrire définitivement au traité, résolut de faire de nouveaux
efforts, soit pour améliorer les stipulations qu’il renfermait, soit pour
prévenir les difficultés que son exécution pourrait soulever et pour assurer
les relations de bonne amitié qui devaient exister désormais entre
Cette réponse ayant
« dissipé les craintes que l'on pouvait concevoir sur l'interprétation et
l'exécution à donner à certaines clauses du traité », le plénipotentiaire
transmit, le 19, à
« Londres, 19 avril 1839.
« … Le soussigné
regrette que
« Le gouvernement du Roi
apprendra sans doute avec peine que
« Il verra avec
satisfaction que, si
« En ce qui concerne les
dix points qui, indépendamment des trois dispositions ci-dessus rappelées, ont
été soumis à LL.Exc., le gouvernement du Roi, s'étant rencontré avec
« Il reste un dernier devoir à remplir au soussigné, pour compléter cette communication. S.M. le roi des Belges a retrouvé avec douleur, dans les projets qui lui ont été soumis les stipulations territoriales imposées dans des jours de malheur et demeurées sept années sans exécution; le temps il exercé une bienfaisante influence sur (page 207) d'autres questions, et celle-ci, digne d'une généreuse sollicitude, est restée irrévocablement résolue. Il a fallu que l'empire des circonstances fût de nouveau constaté de la manière la plus évidente.
« Sa Majesté devait un
dernier effort à des populations qui ont montré tant d'affection et de
dévouement; et, si elle renonce à les conserver, c'est moins à cause des
dangers qui menaçaient
« Le soussigné a
été chargé de donner ces explications, afin que la marche et le caractère des
résolutions de son gouvernement ne pussent être méconnus; il déclare, en
conséquence que, vu les éclaircissements renfermés dans la note de
Le même jour (19 avril),
M. Van de Weyer, accompagné de M. Nothomb, se rendit au Foreign-Office où il
signa le traité avec les Pays-Bas et le traité avec les cinq puissances. Dans
un acte d'accession donné le même jour par les représentants de
L'échange des ratifications de tous ces actes fut opéré le 8 juin au Foreign~Office. Le terme primitivement fixé était le 31 mai; mais il avait été prorogé.
Tel fut le dénouement de
la révolution belge. Le 4 mars, M. Nothomb l'avait caractérisé. Après avoir dit
que, par un bonheur sans exemple,
C'est par le traité de
Londres du 19 avril 1839 que
Macaulay disait de la révolution anglaise de 1688 : Ce qui fait le mérite de cette révolution, c'est qu'elle reste la dernière.
Espérons qu’il en sera de même de la révolution belge de 1830.
FIN DE
[1] Le projet de loi ayant pour objet
l'approbation du traité fut renvoyé aux
sections le 19 février. Le
[2] Comme nous ne pouvons analyser ici
ces longs débats, nous renvoyons au recueil publié par les soins de M. Bourson,
directeur du Moniteur, recueil ayant pour titre: « Histoire parlementaire
du traité de paix du 19 avril 1839 entre
Les
discours prononcés par M. Nothomb, tant à
[3] Ont voté pour l'adoption: MM.
Andries, Coghen, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de
Jaegher, de Langhe, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Roo, de
Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez,
Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys,
Keppenare, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Liedts, Maertens, Mast de Vries,
Meeus, Mercier, Milcamps, Morel-Danneel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Raikem, A.
Rodenbach, Rogier, Smits, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van
Hoobrouck, Van Volxem, Verdussen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Wallaert,
Willmar.
Ont
voté contre: MM. Angillis, Beerenbroeck, Berger, Brabant, Corneli, Dechamps, de
Foere, de Longrée, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de
Mérode, Demonceau, de Puydt, de Renesse, Desmet, d'Hoffschmidt, d'Huart,
Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Ernst, Frison, Gendebien, Heptia, Jadot,
Lejeune, Manilius, Metz, Peeters, Pirson, Pollénus, Raymaeckers, C. Rodenbach,
Scheyven, Seron, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Vandenbossche, Vergauwen,
Zoude.
[4] Ont voté pour l'adoption: MM. le
comte de Quarré, baron de Stassart, baron Vander Straeten de Ponthoz, de
Haussy, Biolley, baron Dubois, comte de Baillet, baron de Nevele, Dupont
d'Ahérée, comte d'Arschot, comte Vilain XIIII, baron de Mooreghem, marquis de
Rocles, baron de Pélichy van Huerne, baron de Snoy, vicomte de Jonghe d'Ardoye,
comte d’Hane, Dumon-Dumortier, comte d'Andelot, chevalier Heynderyckx, baron de
Potesta, comte Duval de Beaulieu, comte d’Espiennes, baron de Haultepenne,
baron de Man d'Hobruge, chevalier de Wouters, G. de Jonghe, baron d’Hoogvorst,
comte H. de Mérode, baron de Cartier d'Yves et Engler.
Ont
voté contre: M. le comte de Renesse, chevalier Vanderheyden-Hauzeur, chevalier
de Rouillé, vicomte de Rouveroy, baron de Stokheim, chevalier de Bousies,
Malou-Vergauwen, Cassiers, comte d'Ansembourg, van Muyssen, van Saceghem,
marquis d'Ennetières, de Borluut, Lefebvre-Meuret.
Se
sont abstenus: M, Beke-Beke et le baron de Schiervel.
[5] Les stipulations relatives à
l'Escaut étaient aussi un succès pour