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matières de l’Essai
« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR
Par Jean-Baptiste Nothomb
CHAPITRE XI – Les dix-huit
articles
(page 182) Nous avons vu
que
C'était donc immédiatement après la déclaration de l'indépendance belge et avant que les conditions en eussent été déterminées, qu'il aurait fallu choisir un roi; car autre chose est d'influer sur une décision à prendre, autre chose de faire modifier une décision déjà prise.
(page 183) Élu au commencement de janvier 1831, le prince Léopold eût puissamment influé sur un acte futur; élu au commencement de juin, il ne pouvait plus exercer son influence que sur l'interprétation d'un acte déjà existant.
Les conditions de
l'indépendance belge étaient aussi les conditions auxquelles un prince pouvait
régner en Belgique de l'aveu des puissances; une acceptation pure et simple de
la couronne n'était plus possible. Une pareille acceptation eût été un acte
d'hostilité envers l'Europe. Le roi choisi par les Belges pouvait-il faire
sienne la protestation contre
Pour rester, ou plutôt
pour rentrer dans le système pacifique, il fallait donc préalablement conclure
un arrangement nouveau: et cet arrangement ne pouvait consister qu'en des
modifications aux actes du 20 et du 27 janvier. Par sa seule influence
L'élection immédiate du
prince Léopold nous assurait donc, quoique tardivement, une haute influence
auprès des puissances; elle réhabilitait notre cause compromise aux yeux des
cabinets par la protestation du 1er février et le choix du 3 du même mois:
l'indépendance belge devenait enfin une possibilité. Si le système des
négociations préalables avait prévalu,
(page 185) Il était
survenu dans les dispositions de
Tout en persistant dans
ses résolutions du 20 et du 27 janvier,
« Considérant qu'il résulte des renseignements donnés par lord Ponsonby :
« 1° Que l'adhésion
du Congrès belge aux bases de séparation de
« 2° Que le choix
d'un souverain étant devenu indispensable pour arriver à des arrangements
définitifs, le meilleur moyen d'atteindre le but proposé serait d'aplanir les
difficultés qui entraveraient l'acceptation de la souveraineté de
« Les plénipotentiaires sont convenus d'inviter lord (page 186) Ponsonby à retourner à Bruxelles et de l'autoriser à y déclarer:
« 1° Que les cinq
puissances ne sauraient tarder plus longtemps à demander au gouvernement belge
son adhésion aux bases destinées à établir la séparation de
« 2° Qu'ayant égard
au vœu énoncé par le gouvernement belge de faire, à titre onéreux,
l'acquisition du grand-duché de Luxembourg, les cinq puissances promettent
d'entamer avec le roi des Pays-Bas une négociation dont le but sera d'assurer,
s'il est possible, à
« 3° Qu'aussitôt
après avoir obtenu l'adhésion du gouvernement belge aux bases de séparation,
les cinq puissances porteraient à la connaissance de
(page 187) Tout en maintenant sa protestation du 1er février, le Congrès belge avait, par son décret du 2 juin, autorisé le ministère à terminer les contestations territoriales au moyen de sacrifices pécuniaires.
Le protocole de
Le ministère avait,
depuis longtemps, conçu un plan de négociation. Ce plan avait été communiqué au
prince Léopold. L'exécution en fut confiée à MM. Devaux et Nothomb, nommés
commissaires près de
. Le même jour, le Congrès avait nommé une députation chargée de porter au prince Léopold le décret d'élection; cette députation se composait de MM. de Gerlache, président, comte F. de Mérode, Van de Weyer, abbé de Foere, comte d'Arschot, H. Vilain XlIII, baron Osy, Destouvelles, comte Duval de Beaulieu et Thorn.
(page 188) Les deux
missions étaient distinctes: les membres de la députation étaient les agents du
Congrès, les deux commissaires ceux du ministre des affaires étrangères, M.
Lebeau. La tâche de la députation se bornait à offrir la couronne au prince élu
et à recevoir sa réponse; la tâche des commissaires était d'obtenir de
MM. Devaux et Nothomb arrivèrent à Londres le 7 juin; dès le lendemain, il purent exposer verbalement au prince Léopold le système de négociation qui avait déjà fait l'objet d'un mémoire.
L'origine des dix-huit articles étant ignorée et le sens en ayant été souvent méconnu, nous croyons devoir entrer dans quelques détails sur la négociation particulière qui a amené cet acte mémorable[3].
Exposons d'abord le plan conçu avant l'élection.
(page 189) Appelée à
fixer les conditions de la séparation des deux pays,
Ce principe posé en droit, il ne restait plus qu'à rechercher, en fait, quelle était la situation respective des deux parties immédiatement avant leur union.
L'histoire était là pour
répondre à cette question. En décembre 1813,
Et ici, il faut bien
l'avouer aujourd'hui, la révolution belge échappa à. un grand danger: on peut
soutenir que, sans violer aucun principe de droit public, la diplomatie aurait
pu considérer, d'un côté,
.
C'était là le principe fondamental du protocole du :20 janvier, qui portait:
« Art. 1er. Les
limites de
Art. 2.
On ne pouvait s'attendre à voir modifier ces deux dispositions qui formaient en quelque sorte la substance de l'acte; mais il fallait les féconder par des développements nouveaux; et ici s'offraient des conséquences et des ressources inattendues.
Ce premier point a été exposé dans la note suivante:
« Le protocole du 21 mai, n° 24, avait le double but: 1° de faciliter l'adhésion des Belges au protocole du (page 191) 20 janvier 1831; 2° de faciliter l'acceptation de S. A. R. le prince Léopold.
« La rédaction de ce protocole, loin d'atteindre ce but et de diminuer les difficultés, les a, au contraire, augmentées et compliquées davantage.
« En effet, en
n'énonçant pas expressément que, dans la négociation pour le Luxembourg, il ne
s'agira pour
« De là, pour
« Le protocole du 21
mai, s'il faut l'entendre dans le sens d'un échange territorial, est un acte
plus onéreux que le protocole du 20 janvier 1831. En effet, d'après le
protocole du 20 janvier,
« Les difficultés, loin
d'être aplanies comme le voulait (page 192)
« C'est que
« 1° Qu'elle déclare que par le mot compensations on a entendu des indemnités pécuniaires. Ou bien, 2° qu'elle déclare que la question luxembourgeoise, étant en dehors de la question belge-hollandaise, restera aussi en dehors des protocoles.
« A ce sujet, il faut bien remarquer combien sont différentes de nature la question belge-hollandaise et la question belge-luxembourgeoise.
« Les parties, dans
la première question, sont
« Quel a été le but
des cinq puissances à l'égard de
« Les puissances n'ayant
voulu que poser les bases de séparation entre les deux peuples, il est juste et
logique de se borner à la limite du nord de
« Que la question du Luxembourg soit donc distraite de la question belge-hollandaise comme étant d'une nature différente; que, par ce moyen, la question de la limite à tracer entre les territoires belge et hollandais soit dégagée de toute autre et puisse être discutée isolément par les deux parties; que la décision de la question du Luxembourg soit ainsi différée jusqu'après l'avènement du futur roi des Belges;
« Que le status quo soit maintenu dans le Luxembourg durant le litige;
(page 194) « Que le maintien du status quo ne soit pas un obstacle à la reconnaissance immédiate du roi des Belges. .
« Une pareille disposition serait de nature à faire disparaître les plus grandes difficultés de la question belge, qui, se trouvant réduite à la contestation relative à la limite du nord, serait susceptible d'une solution prompte et satisfaisante. »
La question luxembourgeoise étant considérée comme distincte de la question belge-hollandaise proprement dite, celle-ci ne portait plus que sur deux objets: la rive gauche de l'Escaut et le Limbourg.
Occupons-nous d'abord de la rive gauche de l'Escaut.
1 ° Comme garantie de l'écoulement des eaux des Flandres ;
2° Comme garantie de l'usage du canal de Terneuzen;
3° Comme garantie de la navigation de l'Escaut.
Les bases de séparation
du 27 janvier avaient refusé à
Le premier démembrement
des Flandres date du traité de Munster de 1648; la convention particulière de
1664 n'a eu pour objet que quelques rectifications partielles, et cet état de
choses a été reconnu par le traité de Fontainebleau de 1785, le dernier traité
conclu par les souverains des Pays-Bas autrichiens avec
Au profit de qui la cession de 1795 avait-elle été révoquée en 1814?
Évidemment au profit de
.
Évidemment non, car
1° Originairement, cette
cession avait été faite à
2° De 1795 à 1814-, la rive gauche de l'Escaut avait été administrativement réunie à des départements français; mais cette réunion administrative n'était d'aucune valeur en droit public.
Voilà pour le droit; en fait, la rive gauche de l'Escaut était restée immobile; ses habitants ne s'étaient pas associés à la révolution.
Sans doute, la nature des choses, les convenances réciproques exigent le retour de la rive gauche de l'Escaut aux Flandres démembrées depuis 1648; mais pouvait-on faire de cette mesure réparatrice, de cette acquisition, de cette conquête, la condition sine qua non de l'indépendance belge?
L'homme politique remplissait la tâche du moment en s'efforçant d'atteindre indirectement le triple but attaché à la possession de ce territoire. Ainsi, en ajournant cette question, il devait stipuler expressément les trois garanties que nous avons énumérées.
Ajoutons qu'en ceci il n'y a pas eu de surprise; l'un (page 196) des commissaires avait, comme membre du Congrès, publiquement manifesté son opinion sur la question de la rive gauche de l'Escaut[4].
Cette question étant ainsi indirectement résolue, restait la question du Limbourg seule.
Une étude approfondie
des bases de séparation avait fait découvrir dans cet acte des conséquences
qui, on peut le supposer, avaient échappé à ceux-là mêmes qui en étaient les
auteurs;
On avait cru qu'en 1790
la république de Hollande avait possédé en entier le territoire désigné. sous
la dénomination moderne de provinces septentrionales; c'était une erreur
historique:
« Le protocole du 20
janvier assigne à
(page 197) Tout ce qui est en dehors de ce status quo reste à la :Belgique.
« La condition de
« A
« La question se réduit donc à savoir quel était l'état de possession de la république des Provinces-Unies en 1790.
« Les termes mêmes dans lesquels la question est posée annoncent que tous les traités qui peuvent être intervenus depuis 1790 sont considérés comme non avenus.
« En 1790, la république des Provinces-Unies possédait la ville de Venloo et 53 villages compris dans le territoire de la province actuelle du Limbourg, et partageait avec le prince-évêque de Liége la souveraineté de la ville de Maestricht. Mais à cette époque la république n'avait pas la souveraineté entière de Berg-op-Zoom, ni aucune des possessions qui ont été cédées à la république batave par le traité du 15 janvier 1800 et qui sont actuellement comprises dans le territoire des provinces septentrionales.
« En vain dira-t-on avec les journaux hollandais que cette cession ayant été faite à titre onéreux (art. 5 du traité), le traité doit subsister.
(page 198) « Le
protocole du 20 janvier anéantit le traité du 15 janvier 1800, au détriment de
« Ces faits historiques étant établis, l'article 4 du protocole du 20 janvier nous offre des ressources inattendues.
« Cet article porte:
« Comme il résulterait des bases posées dans les. articles 1 et 2 que
« De fausses notions historiques ont fait croire qu'il ne s'agissait dans cet article que des enclaves du Limbourg; d'après ce qui précède, il y a des enclaves dans le Brabant septentrional et dans d'autres provinces du Nord.
« Ce mémoire était appuyé de nombreuses pièces justificatives. Nous nous bornerons à en extraire la liste des enclaves belges. et celle des enclaves hollandaises.
ENCLAVES HOLLANDAISES.
Maestricht.
« La part de
souveraineté exercée dans cette ville, (page 199) en 1790, par
Venloo.
« Cette ville,qui a
signé l'union d'Utrecht en 1579, appartenait en entier à
Villages de la généralité[6].
« Les villages
connus sous cette dénomination et qui, en 1790, appartenaient à
ENCLAVES BELGES[7]
Maestricht.
« La part de souveraineté exercée dans cette ville, en 1790, par le prince de Liége concurremment avec les États-Généraux de Hollande.
Berg-op-Zoom.
« La part de souveraineté exercée, en 1790, dans le marquisat et la ville de ce nom, par l'électeur palatin.
(page 200)
Huyssen, Malbourg et Sevenaar.
« Huyssen et Sevenaar,
deux petites villes, avec le village de Malbourg et leur territoire, sont
comprises dans la province actuelle de
« En 1790, ces possessions faisaient partie du duché de Clèves, qui appartenait au roi de Prusse.
« Elles ont été cédées à la république batave par le traité du 15 janvier 1800 et celui du 14 novembre 1802; au royaume des Pays-Bas, par l'article 56 du traité de Vienne.
« Ces enclaves auraient
assuré à
Oeffelt.
« Le village
d'Œffelt, situé dans le Brabant septentrional, sur
Boxmeer.
« Ce village du Brabant septentrional appartenait en toute souveraineté, en 1790, au comte Sheerenberg, et a été cédé à la république batave par le traité de 1800.
Ravenstein.
« La seigneurie de Ravenstein comprenait, outre cette ville, quatorze villages, et appartenait en 1790, (page 201) en toute souveraineté, à l'électeur palatin; c'est ce que les États-Généraux de Hollande avaient reconnu après une longue contestation.
« La souveraineté de cette seigneurie a été cédée à la république batave par le traité de 1800.
Meghen.
« Le comté de Meghen renfermait en 1790, outre la petite ville de ce nom, les trois villages de Haren, Macheren et Tuffelen, et était un fief de la cour féodale de Brabant, à Bruxelles; il était entièrement indépendant des États-Généraux. Il a été cédé à la république batave par le traité de 1800 et est compris dans le Brabant septentrional.
Gemert.
« Gemert était une commanderie et une seigneurie souveraine appartenant à l'ordre teutonique; le grand maître de cet ordre a eu, au sujet de cette souveraineté, de grandes contestations avec les États-Généraux; ceux-ci se désistèrent de leurs prétentions en 1662. Le village de Haandel dépendait de Gemert.
« Cette possession, comprise dans le Brabant septentrional, a été cédée à la république batave par le traité de 1800.
Hilvarenbeck.
« Hilvarenbeck, grand bourg à deux lieues de Bois-le-Duc, et dont dépendaient trois villages, Dissen, Riel (page 202) et Westenbeers, appartenait pour moitié, en 1790, à la maison de Korte.
« Toutes ces possessions
ont été cédées à
C'étaient .là des résultats bien bizarres, mais incontestables.
Le maintien de ces
enclaves convenait aussi peu à
Bien que les rédacteurs
des protocoles du 20 et du 27 janvier ne se fussent pas nettement rendu compte
de toutes les conséquences du principe qui leur servait de point de départ, ils
avaient prévu un échange d'enclaves, en déclarant qu'il s'effectuerait par les
soins des cinq puissances; on pouvait se défier de
Le lecteur nous pardonnera d'être entré dans ces détails historiques; le système des enclaves n'était ni une chimère, ni une déception; il reposait sur un texte formel et sur des faits certains.
La question territoriale pouvait donc se résumer dans les points suivants:
1° Reconnaître en faveur
de
2° Séparer la question
luxembourgeoise de la question belge-hollandaise, proprement dite, en stipulant
la possession provisoire du grand-duché en faveur de
(page 203) 3° Abandonner la question de la rive gauche de l'Escaut, en obtenant toutes les garanties attachées à cette possession;
4° Chercher dans
l'échange des enclaves les moyens de conserver la totalité ou la presque totalité
du Limbourg, en faisant déclarer en termes exprès que cet échange serait
facultatif et que
Nous passons à l'exposé des autres modifications qu'il était possible d'introduire dans les bases de séparation.
Nous avons déjà parlé
des dispositions relatives. à l'écoulement des eaux des Flandres, au canal de
Terneuzen et à l'Escaut. Les traités de Vienne ont créé un droit public
nouveau, en proclamant la liberté des rivières et des fleuves; quelques parties
de ces traités étaient restées incomplètes. Il fallait placer
Enfin,
(page 204) Tel était le plan de la nouvelle négociation; on conçoit que la moindre indiscrétion pouvait être fatale.
La négociation avait déjà fait de notables progrès lorsque les commissaires se décidèrent à prendre l'avis des membres de la députation, restés jusque-là étrangers à leurs travaux; une communication toute confidentielle leur fut faite le 17 juin. Jamais secret n'a été plus religieusement gardé et, dans la longue et orageuse discussion des dix-huit articles, pas un mot n'est venu trahir les deux négociateurs[8].
Enfin, le 19 juin, le projet présentait la rédaction suivante :
« Art. 1er. Des bases de séparation du :27 janvier 1831, maintenu.
« Art. 2.
« Il est entendu
que, dans toute souveraineté indivise en 1790 et, notamment, dans la ville de
Maestricht,
« La question du
Luxembourg, ne concernant point les limites de
« Art. 3. Des bases de séparation. »
Ajouter :
« Les cinq grandes
puissances interposeront leurs bons offices pour que
«
« L'écoulement des eaux des Flandres sera réglé de manière à prévenir toute inondation.
« Art. 4. Comme il
résulterait, néanmoins, des bases posées dans les articles 1er et 2, que
« L'évacuation de la citadelle d'Anvers et des forts belges, sur l'une et l'autre rive de l'Escaut, aura lieu indépendamment des arrangements relatifs à ces échanges.
« L'article 3, relatif à la liberté de la navigation des rivières et des fleuves, recevra immédiatement son exécution.
« Art. 5. § 1er de l'article 5 des bases, maintenu; § :2 du même article, biffé.
« Art. 6. Des bases, maintenu: en ajoutant: sans pouvoir toutefois s'immiscer dans les affaires intérieures.
« Art. 7. Des bases, maintenu, en ajoutant: sans (page 206) perdre toutefois le droit de se défendre contre des agressions étrangères.
« Art. 8. Des bases, maintenu.
« Art. 9. Le partage des dettes aura lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité des dettes qui lui appartenaient avant la réunion, et à diviser dans une juste proportion celles qui ont été contractées en commun.
« Art. 10. Des
commissaires liquidateurs, nommés de part et d'autre, se réuniront
immédiatement à Maestricht : le premier objet de leur réunion sera d'examiner
de quelle manière
« Art 11. Les cinq
grandes puissances ne s'immisceront, autrement que par bons offices, dans
aucune autre affaire qui pourrait intéresser
Ce projet fut
successivement amendé dans quelques parties et augmenté de plusieurs articles;
le 25 juin, la rédaction définitive en fut arrêtée à Marlboroughouse; le
Le prince Léopold reçut
solennellement la députation (page 207) belge le 27, à neuf heures du soir, et
accepta la couronne en ces termes: « J'accepte l'offre que vous me faites, bien
entendu que ce sera au Congrès des représentants de la nation à adopter les
mesures qui seules peuvent constituer le nouvel État, et par là lui assurer la
reconnaissance des États européens. » Son Altesse Royale s’exprimait d'une
manière plus précise sur le sens de son acceptation, dans une lettre à M. le
régent, qui fut rendue publique: « Aussitôt que le Congrès aura adopté les
articles que
C'est sous ce point de vue qu'il faut considérer la résolution que le Congrès était appelé à prendre. (page 208) Adoptera-t-on les dix-huit articles? telle était la forme apparente de la question qui, en réalité, devait se poser ainsi: L'élection du prince Léopold sera-t-elle maintenue ou révoquée?
La réponse du prince Léopold et les dix-huit articles furent communiqués au Congrès le 29 juin; la discussion publique s'ouvrit le 1 er juillet[10] et se prolongea jusqu'au 9, au milieu de circonstances qui, probablement, ne se reproduiront pour aucun des hommes de la génération contemporaine; ce n'est pas dans un résumé qu'on pourrait donner une idée de ces assauts de la tribune qui, se répétant pendant neuf jours, semblent presque au dessus des forces humaines; ces temps sont déjà loin de nous, et il n'est guère resté qu'un souvenir dans les esprits, c'est celui de l'impression extraordinaire produite par le discours de M. Lebeau[11] 2.
L'opposition usa toutes ses forces dans les premières séances, et elle était parvenue à ébranler l'assemblée:
à la fin de la séance du
Si la minorité s'était habilement ralliée à cette proposition, la majorité se serait divisée; l'amendement aurait pu être adopté par une fraction de la majorité réunie à l'opposition, et, par cette tactique, toutes les combinaisons politiques auraient échoué contre un écueil imprévu. Heureusement, la minorité se renferma dans le système négatif le plus absolu; au moment du vote, M. Van de Weyer put retirer son amendement sans réclamation, et les dix-huit articles furent adoptés par 126 voix contre 70[12].
[1]
C'est le premier acte de
Le cabinet de
[2] De retour à Bruxelles, lord Ponsonby s'abstint de communiquer au gouvernement belge le texte du protocole n° 24, du 21 mai, et il se borna à écrire à M. Lebeau la fameuse lettre qui fut lue au Congrès dans la séance du 28.
Les plénipotentiaires
hollandais, par deux notes du 6 juin, protestèrent contre la partie de la
lettre de lord Ponsonby, relalive à la cession gratuite du Luxembourg, et
insistèrent sur la mise à exécution des bases de séparation. Le même jour;
Le général Belliard reçut également l'ordre de son gouvernement de quitter Bruxelles. (Protocole n° 25, du 6 juin 1831.) (Note de la 3e édition.) Le général Belliard revint à Bruxelles; lord Ponsonby reçut une autre destination et fut remplacé par sir Robert Adair.
M. White donne
d'intéressants détails sur le voyage de lord Ponsonby à Londres et sur les
motifs qui ont engagé ce diplomate à écrire la lettre du 28 mai, lettre qui
déplut à Bruxelles comme défavorable et qui fut désavouée à Londres comme trop
favorable à
[3]
L'auteur de l'ouvrage:
Il y a là une double erreur.
Il est vrai que les
dix-huit articles se bornent à attribuer à
Loin d'accepter la
décision des premiers protocoles, quant au Luxembourg, les commissaires
obtinrent de
[4]
M. Nothomb, séance du 28 mai 1831 (p. 27, Recueil des discours).
[5] Voyez l'excellente brochure de M. POLAIN : De la souveraineté indivise des évêques de Liége et des États-Généraux de Hollande sur Maestricht. Liége, juillet 1831.
[6]
Voyez
[7] Nous renvoyons à la géographie ancienne, citée dans la note précédente, et aux anciennes cartes.
[8] On trouve des détails complets et même intimes sur la négociation dans la notice biographique de M. Lebeau par TH. JUSTE, 1863, p. 43, et dans celle de M. Nothomb, par le même, 1874, p. 23.
Nous signalons
particulièrement la note, p. 65, de celle-ci, où le système des enclaves est
défendu contre M. Thonissen, qui en a contesté le fondement, p.
[9]
Les commissaires, à leur arrivée à Londres, le 7 juin, avaient été informés de
la résolution prise la veille par
Dès le 8 juillet, le baron de Wessenberg rendit compte à la Conférence des objections qui lui étaient faites, objections puisées principalement dans l'interprétation donnée à Bruxelles des dix-huit articles. La Conférence, sous la date du 12 juillet, transmit quelques explications au baron de Wessenberg, déclarant, entre autres, qu'elle n'était nullement liée par l'interprétation donnée ailleurs des dix-huit articles, qu'elle n'avait entendu ni confirmer ni invalider les droits acquis à titre onéreux par la Hollande postérieurement à l'année 1790. (Annexe E du protocole n° 28, du 25 juillet 1831.) Le même jour, 12 juillet, la Conférence avait reçu la notification officielle de l'adhésion pure et simple du Congrès belge aux dix-huit articles. (Protocole n° 27, du 12 juillet 1831.)
Par sa dépêche du 17 juillet, le baron de Wessenberg transmit à la Conférence le refus définitif du cabinet de La Haye.
La Conférence se réunit
le 25, et décida que, nonobstant ce refus, il serait ouvert une négociation
pour arriver à un traité. (Protocole n° 28, du 25 juillet 1831, et Annexes.)
(Note de la 3° édition.)
[10]
La discussion publique fut précédée d'un comité secret le 1er juin, où M.
Nothomb révéla le projet de partage, révélation qui ne trouva aucune créance.
Il n'osait dire qu'il avait reçu les confidences du prince Léopold et de lord
Palmerston. Il y est revenu dans la discussion des vingt-quatre articles (p. 43
du Recueil des discours, 26 octobre 1831). M. Thonissen (p. 212, 1) regarde ces
craintes comme exagérées, l'idée n'ayant jamais pris de caractère sérieux. Elle
aurait pris ce caractère si le rejet des dix-huit articles avait empêché
l'avénement du Roi, si le rejet des vingt-quatre articles avait amené son
abdication. La monographie de Palmerston, par Bulwer, doit avoir détrompé les
plus incrédules. (Note de la 4e édition.)
[11] M. Nothomb, à qui sa mission à Londres donnait une nouvelle autorité, parla dans la séance du 4 juillet 1831, p. 23, du Recueil des discours.
[12]
Cette note (non reprise dans
la version numérisée) reprend l’appel nominal (Note de la troisième édition).