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« ESSAI HISTORIQUE & POLITIQUE SUR LA RÉVOLUTION BELGE »

 

       Par Jean-Baptiste Nothomb

 

 

CHAPITRE IX – Deuxième ministère du Régent – Situation politique au commencement d’avril 1831

 

(page 155) Le deuxième ministère du régent s'installa le 28 mars[1] ; deux grands faits ont marqué sa courte et orageuse existence: je veux dire l'avènement du roi et la transaction du 26 juin avec la Conférence. Ces deux faits sont inséparables; l'un n'était pas possible sans l'autre; ceux qui acceptaient l'un et répudiaient l'autre, ceux qui ont glorifié l'un et flétri l'autre n'avaient l'intelligence ni de notre situation, ni de celle de l'Europe.

Cette double situation, nous la retraçons en peu de mots, en insistant sur plusieurs circonstances qui n'ont pas assez vivement frappé la plupart des esprits, alors encore sous le charme des premières illusions révolutionnaires.

La Conférence avait déclaré le royaume-uni des (page 156) Pays-Bas dissous; la Hollande avait accepté les conditions de cette dissolution, la Belgique les avait rejetées.

La Belgique avait cru se faire des conditions meilleures en décernant la couronne à un prince français; l'Europe ne pouvait permettre à la France d'accepter ce présent, et la France refusa.

Pour faire échouer une candidature hostile, la France s'était conciliée le Congrès belge en refusant d'adhérer aux bases de séparation[2] ; le danger passé, la France se retrouva seule en présence des autres puissances et ne tarda pas à se joindre à elles.

Le refus du duc de Nemours et le rejet des conditions d'indépendance avaient relevé en Belgique l'espoir du parti contre-révolutionnaire; l'abandon apparent de la France avait achevé de jeter le découragement dans l'esprit des patriotes réfléchis, que l'exaltation générale ne parvenait pas à distraire ou à égarer. L'anarchie était partout, dans les lois et les intelligences, dans l'administration et dans l'armée. L'association nationale se forma et sauva la révolution à l'intérieur; adversaire à la fois de la restauration et de la diplomatie, ce qu'elle demandait, c'était la guerre; comme adversaire de la restauration, elle était l'auxiliaire du gouvernement; (page 157) comme ennemie de la diplomatie, elle était l'ennemie du ministère lui-même. Le ministère eut le bon esprit de ne la considérer que sous le premier point de vue. .

Telle était la situation intérieure du pays, et, au dehors, germait et se développait, à l'ombre des cabinets, une pensée fatale: ressource extrême pour les uns, réparatrice pour les autres.

Il faut nous arrêter un moment pour nous rendre compte de la succession des idées.

La France avait compris qu'elle ne pouvait accepter la Belgique que du consentement de l'Europe, et qu'elle n'obtiendrait jamais ce consentement.

L'Angleterre et les trois puissances du Nord avaient désiré la restauration, soit par un retour complet à la Hollande, soit sous la réserve de la séparation administrative; mais cette restauration, dans les circonstances où se trouvait l'Europe, ne pouvait être que l'effet d'un mouvement intérieur, et les événements du mois de mars venaient de démontrer combien le peuple belge était peu disposé à s'y prêter.

La France avait donc cessé de compter sur la réunion, les autres puissances sur la restauration.

La Belgique, de son côté, venait de rejeter les conditions d'une indépendance future, en protestant contre les protocoles du 20 et du 27 janvier, et de renier en apparence le principe même de l'indépendance, en offrant le trône à un prince français.

Ne pouvant donc ni exister par elle-même, ni se réunir à la France, ni retourner à la Hollande, la Belgique venait se heurter contre une triple impossibilité, (page 158) et le partage se présentait comme un dernier expédient.

On avait d'ailleurs reconnu les vices de l’organisation du royaume-uni des Pays-Bas; le partage les eût corrigés, en adjoignant à la Hollande seulement deux millions d'hommes environ, au lieu de quatre millions, et le nouveau royaume, partiellement restauré, eût offert plus de garanties de stabilité que l'ancien.

La France eût obtenu, sans guerre, un accroissement de territoire équivalant au moins aux conquêtes de Louis XIV: acceptant les traités ainsi modifiés de 1814 et 1815, elle se fût consolée des revers de Bonaparte. .

La Prusse, qui, depuis un siècle, ne fait que marcher, se fût établie sur l'une et l'autre rive de la Meuse et de la Moselle.

Enfin, peut-être l'Angleterre eût-elle fait d'Anvers un autre Gibraltar[3].

(page 159) Encore un mot, car il faut tout dire: ainsi morcelée, ainsi dispersée, la Belgique n'eût plus jamais inquiété l'Europe; d'intervalle en intervalle, elle ne se fût point agitée dans la mort comme la Pologne. Écrasée sous le poids de quatre peuples, c'est vainement qu'elle aurait tenté de soulever la pierre de son tombeau. Nos provinces se seraient bientôt disjointes, perdant le souvenir l'une de l'autre: notre nationalité naissante aurait péri sans retour. Parcourant la série des guerres qui ont ensanglanté la Belgique, l'on eût dit, en s'arrêtant à la révolution de 1830 : Cette fois, au lieu de se disputer le champ de bataille, on se l'est partagé.

Le projet de partage a été reproduit à plusieurs époques; impraticable aussi longtemps que le principe révolutionnaire était tont-puissant, les difficultés d'exécution devaient successivement s'affaiblir, et le jour serait venu où ce crime politique se serait consommé sans secousses comme sans remords.

Je n'ai pas de documents diplomatiques à rapporter pour établir l'existence du projet de partage[4]; à ceux (page 160) qui la contesteraient, je n'ai, je l'avoue, à opposer que les considérations politiques que je viens de développer et le témoignage des hommes qui, par leur position, ont pu être initiés aux secrets des cabinets. Pour ne pas abuser de confidences qui me sont personnelles, je me bornerai à rappeler les paroles prononcées en public par un honorable compatriote, qui a appartenu au gouvernement provisoire et au premier ministère du régent:

« On vous a dit, Messieurs, que l'Angleterre pourrait bien venir prendre possession de la citadelle d'Anvers. Il y a sept semaines que je vous ai annoncé que c'était le point le plus menaçant pour nous.

« Et ne croyez pas que j'aie jeté des paroles au hasard; j'avais de bonnes raisons pour m'expliquer ainsi.

« Il y a deux mois à peu près que j'ai reçu les mêmes avertissements. C'est depuis la fin de décembre 1830, ou depuis janvier 1831, qu'on s'est occupé de ces projets. Je regarde comme traître au pays tout ministre qui consentirait à l'évacuation de la citadelle d'Anvers, pour la faire occuper par l'Angleterre. .

« . La France ne permettrait pas... Prenez- y bien garde, la France y consentira du jour où un partage médité depuis longtemps pourra s'exécuter. J'en ai parlé depuis plusieurs semaines. Si vous continuez à tergiverser, c'est la France et l'Angleterre qui couperont le nœud gordien; elles donneront une part à la Hollande, l'Angleterre aurait Anvers, on donnerait la rive droite de la Meuse à la Prusse, ainsi que la partie allemande du Luxembourg, et la France prendrait le (page 161) reste. On a eu ce dessein en janvier 1831 et surtout en mars. Lorsque le projet de semi-restauration n'a pu s'exécuter, on est venu au partage[5]. »

La situation était donc difficile à l'avènement du deuxième ministère du régent; elle n'était pourtant pas désespérée.

La Belgique avait échoué une première fois dans le choix d'un chef; elle avait rejeté les conditions d'indépendance offertes par l'Europe; il fallait de nouveau aborder ces deux questions, mais d'après d'autres principes.

Le gouvernement belge avait presque uniquement pris conseil du cabinet français; le choix du duc de Nemours et la protestation contre la Conférence avaient été attribués à l'influence française et avaient excité des défiances générales. Le moment était arrivé de rattacher notre révolution à tous les intérêts de l'Europe et de lui imprimer une tendance moins exclusive.

Ces idées ont été exposées à cette époque dans un journal qui a appuyé durant deux mois le deuxième ministère du régent et qui a popularisé la candidature du prince Léopold; pour ne pas être accusé d'imaginer un plan après coup, je crois à propos de rapporter quelques fragments d'articles.

« Notre diplomatie a été d'abord et exclusivement française; il ne pouvait à cette époque en être autrement. La révolution de septembre était en quelque sorte le contre-coup de la révolution de juillet, la Belgique devait se présenter à l'Europe s'appuyant sur la France. (page 162) C'est l'analogie de position qui nous portait vers la France et c'est l'analogie de position qui a forcé la France à prendre fait et cause pour nous. Quiconque nous attaquait, attaquait la France; en nous défendant, la France se défendait elle-même. Elle nous a empêchés de périr, mais seule, elle est dans l'impuissance de nous faire vivre, et elle le reconnaît elle-même. De là son refus de la couronne pour le duc de Nemours, son adhésion au protocole du 20 janvier, après tant de belles protestations. La France ne s'est pas crue assez forte pour fonder à elle seule un nouveau système européen, et elle s'est rattachée à l'ancien; elle veut le status quo: c'est là un fait, déplorable à certains égards; mais qu'il est impossible de nier. L'avenir décidera si elle a eu tort ou raison; mais l'avenir n'est pas encore à nous, et c'est avec le présent qu'il faut nous arranger.

« Ce n'est donc plus sur la France seule qu'il faut nous appuyer; pour exister, il faut que la Belgique entre dans un système moins exclusif, plus européen. Les sociétés, dans leur ensemble, sont coordonnées, comme chaque société en particulier; la Belgique, au lieu de vivre pour la France et par la France seule, doit se coordonner à l'ensemble des sociétés européennes. La Belgique n'est ni française, ni anglaise, ni allemande. C'est une partie du grand tout européen, ayant sa destination particulière, son individualité propre.

« Considérée de ce point de vue, notre révolution n'est hostile à aucune puissance, pas même à la Hollande; nous ne voulons ni de la domination de la Hollande, ni de celle de la maison de Nassau; nous voulons notre indépendance, et hors de là nous laissons l'Europe (page 163) être ce qu'elle est. Notre révolution ne serait hostile aux autres puissances qu'autant que nous voudrions nous arroger la suprématie sur un autre pays, la Hollande, par exemple; ou accorder la suprématie sur nous à un autre peuple, à la France, par exemple. C'est alors que nous porterions atteinte au système social de l'Europe.

« Ce n'est pas le système de la Saint-Alliance que nous préconisons; nous laissons la Sainte-Alliance et ses principes de politique intérieure; nous ne sommes pas assez forts ni assez fous pour nous constituer en propagande; qu'on nous laisse vivre à notre manière, c'est tout ce que nous demandons. . . . . . .

« Il y a deux idées qu'il faut détruire promptement:

« Aux puissances étrangères il faut dire:. Nous ne voulons ni réunion, ni quasi-réunion à la France.

« A la Hollande: Nous ne voulons pas entreprendre une guerre d'extermination : redevenez l'ancien État des Provinces-Unies, faisons la paix et rétablissons les relations commerciales nécessaires au bonheur des deux pays[6] .

« Une tendance toute française a été imprimée à notre diplomatie; nous le répétons, nous n'en accusons personne individuellement. Le Congrès lui-même décida que, sur la question du choix du chef de l'État, le gouvernement consulterait le cabinet français, et nos commissaires à Londres restèrent sans instruction et sans pouvoir à cet égard...

« Dans le cours des négociations, nous n'avons cessé de signaler cette tendance exclusivement française et (page 164) nous en avons prédit les effets: nous avons causé une espèce de scandale en soutenant que le jour où la France reconnaîtrait que la réunion est impossible, elle abandonnerait la Belgique à elle-même et à la Conférence.

« Si vous ne voulez pas vous appuyer sur la France, nous a-t-on dit, où donc trouverez-vous un appui? Dans la Sainte-Alliance, sans doute? Nous avons répondu qu'il faut prendre une attitude impartiale, nous appuyer sur les intérêts généraux de l'Europe, nous rapprocher des deux grands peuples libres, de l'Angleterre autant que de la France, et surtout faire de nos désirs d'indépendance un axiome européen. On n'a pas voulu nous comprendre.

« Traînés à la remorque, dans cette voie étroite, par le cabinet français, qui vivait alors au jour la journée, entre une émeute et un procès politique, le jour de l'élection du chef de l'État est venu pour nous, et l'élection s'est faite sous cette fatale influence qui dominait les hommes et les choses.

« Il y a des positions plus fortes que les hommes; le ministère Laffitte a refusé la couronne pour le duc de Nemours; le ministère Périer a adhéré aux protocoles: ce sont les conséquences du même principe, et M. Périer n'a fait qu'imiter son prédécesseur. Comme lui, il a reconnu que la France ne peut braver l'Europe[7]...

« La question du choix du chef de l'État n'est pas secondaire; elle renferme tout notre système politique et embrasse tout notre avenir. Au lieu de demander: Qui voulez-vous pour roi? il serait plus simple de dire: (page 165) Voulez-vous l'indépendance de la Belgique ou la réunion à la France?

« Si vous voulez l'indépendance de la Belgique, il faut admettre un système large, impartial, européen; placés entre la France et l'Allemagne, vous êtes une barrière contre l'une et l'autre nation. Vous n'êtes pas les geôliers de la France plus que de l'Allemagne. Vous avez une place en Europe, gardez-la; ne vous mettez sous le patronage de personne, mais profitez de l'éternelle rivalité de tous, pour exister par vous-mêmes et pour vous-mêmes. Votre position est belle; votre pays est destiné à être l'entrepôt du monde; vous avez un sol fécond, deux beaux fleuves, le plus magnifique port de l'Europe; la politique de tous vos voisins et surtout de la Hollande consiste, depuis deux siècles, à vous priver de tous les avantages naturels de votre situation. Vos maux proviennent de ce que, depuis le dernier duc de Bourgogne, vous n'avez plus de dynastie nationale régnant exclusivement sur vous; vous n'avez été, pour Charles-Quint comme pour Guillaume 1er, qu'un accessoire.

« Fondez un gouvernement national, fondez une dynastie qui puisse être adoptée par la politique européenne, qui légitime de prime abord votre jeune révolution en la vieillissant, et qui, loin de consentir à des cessions de territoire, comme vos anciens princes, maintienne l'unité nationale, en s'identifiant à jamais avec le peuple belge.

« Si vous voulez la réunion à la France, si vous voulez devenir pour la France un accroissement de territoire, comme vous l'avez été pour la Hollande, prolongez (page 166) le provisoire ou faites un définitif sans consistance; reconnaissez que vous avez fait votre révolution trop tôt, tenez la Belgique en disponibilité jusqu'à ce que la France soit prête et que l'audace lui revienne. Si la régence s'use, essayez de la royauté indigène, toujours comme transition; votre roi tombera du trône belge sur un fauteuil de pair français: c'est une assez belle expectative.

« Voilà les deux systèmes entre lesquels il faut choisir; il faut opter entre l'indépendance de la Belgique et la réunion à la France: c'est là qu'est la question, c'est là qu'il faut la ramener[8]  »

Ces idées, sans doute, n'étaient pas neuves; elles avaient frappé bien des esprits dès les premiers jours de la révolution; les circonstances avaient fini par les mettre en relief et il était urgent de les appliquer. C'est dans ce sens que furent conçues les instructions transmises à M. Le Hon, plénipotentiaire belge à Paris, et aux agents envoyés à Berlin et à Francfort, MM. Behr et Michiels[9].

Le ministre des affaires étrangères, M. Lebeau, essaya aussi de traiter directement avec la Hollande, mais ce fut en vain[10].

(page 167) Il me reste, pour compléter cet exposé, à citer un dernier fait, qui exprime à lui seul un changement de position. Tout en combattant le principe de l'intervention, le comité diplomatique et le premier ministère du régent avaient demandé l'exécution de l'armistice et s'étaient consumés dans de vains efforts; le deuxième ministère du régent regarda cette question comme secondaire et surannée[11] et porta presque exclusivement (page 168) son attention sur l'élection du roi et la délimitation définitive. Il reconnut jusqu'à un certain point le (page 169) principe de l'intervention, et c'est ce que M. Lebeau déclara publiquement dans la séance du 2 avril; il (page 170) s'exprimait ainsi: « Je dirai cependant, sans prétendre porter une accusation contre qui que ce soit, que j'ai trouvé des documents officiels qui embarrassent nécessairement la marche que je me propose de suivre (vif mouvement d'intérêt) : tout se tient en diplomatie; de là la nécessité de compter pour beaucoup ce qui précède, lorsqu'on veut préjuger la suite: aussi voudra-t-on bien me permettre de prendre acte des faits consommés, afin qu'on ne puisse pas m'imputer tout à fait ceux qui en seront la suite (mouvement). Vous allez voir que le droit d'intervention n'a pas seulement été consacré dans le protocole du 20 décembre, il est encore en termes formels dans celui du 17 novembre, et vous allez vous en convaincre. Après avoir posé dans ce dernier protocole les conditions de l'armistice accepté par nous, il est dit que l'armistice est de notre part un engagement pris envers les cinq puissances. Vous voyez, messieurs, que de ce protocole résulte explicitement le droit d'intervention : car dire que, lorsque nous nous engageons envers la Hollande à observer les conditions de l'armistice, nous nous engageons aussi envers les puissances médiatrices, c'est comme si les puissances nous disaient: « Vous exécuterez les conditions de l'armistice, ou nous vous y forcerons par la voie des armes. »

« Les faits ainsi posés, il faut en subir les conséquences inévitables. Les germes de l'usurpation étant ainsi déposés dans les premiers actes de notre diplomatie, ils porteront leur fruit; il faudra bien que la marche des négociations ultérieures en soit entravée : car il faudra nécessairement tenir compte des faits accomplis (sensation). »

(page 171) M. Lebeau se trompait, toutefois, en ne faisant remonter l'intervention qu'au protocole du 17 novembre; je crois avoir prouvé qu'elle date du premier protocole du 4 novembre 1830, accepté par le Congrès lui-même. La Belgique s'était débattue, pendant quatre mois, contre les conséquences d'un principe devenu incontestable; le deuxième ministère du régent admit jusqu'à un certain point le principe et s'efforça d'en neutraliser les. effets. Il trouva un auxiliaire sincère et dévoué dans un diplomate étranger[12], qui, désespérant d'établir l'indépendance belge sous un prince de la dynastie hollandaise, saisit avec ardeur une combinaison qui pouvait conserver la Belgique comme une barrière contre la France, sans le secours de la restauration.



[1] Composition du ministère: Affaires étrangères, M. Lebeau ; Intérieur, M. de Sauvage ; Justice, M. Barthélemy ; Finances, M. Ch. de Brouckere, et, depuis le 30 mai 1831, M. Duvivier ; Guerre : M. d'Hane de Steenhuyse, et, à partir du 16 juin, M. de Failly ; Ministre d’Etat : M. Devaux.

[2] Le 1er février, le ministre des affaires étrangères de France écrivit à M. Bresson pour lui ordonner de ne point notifier au gouvernement belge le protocole du 27 janvier; cette lettre fut communiquée au Congrès à l'ouverture de la séance du 3. Elle se terminait par ces mots: « La Conférence de Londres est une médiation, et l'intention du gouvernement du roi est qu'elle ne perde jamais ce caractère. »

A la suite d'explications données au gouvernement français et annexées au protocole n°20, du 17 mars 1831, la France reconnut à la Conférence le caractère d'arbitre.

 

[3] M. De Bécourt, La Belgique et la révolution de juillet, p. 217-220, révoque en doute l'existence de ce projet de partage; il donne pour motifs principaux de son incrédulité les déclarations officielles des cabinets et les difficultés d'exécution.

M. White, qui a été jusqu'à un certain point initié par lord Ponsonby aux négociations de cette époque, croit que le projet de partage a existé; il reproche à l'auteur de cet ouvrage d'avoir supposé que la Grande-Bretagne eût pu s'y associer, en demandant Anvers. The belgic revolution, t. II, p. 222. Nous ignorons ce que le ministère anglais eût fait le jour où il eût reconnu qu'il était impossible et de constituer une Belgique indépendante et d'obtenir une restauration intégrale, double impossibilité à laquelle l'auteur subordonne le projet de partage, en disant très systématiquement que peut-être l'Angleterre eût fait d'Anvers un autre Gibraltar.

La monographie consacrée à lord Palmerston, mort en 1865, deux mois environ avant le roi Léopold ler, par Henry Lytton Bulwer (lord Dalling), mort en 1872, sous le titre de : The live or Henry John Temple Viscount Palmerston, 1870, ne laisse aucun doute sur les projets du prince de Talleyrand, qui d'ailleurs ne s'en cachait pas, projets auxquels s'associaient d'autres hommes d'État français, à l'insu du roi Louis-Philippe.

M. Nothomb avait l'habitude de dire que deux hommes seulement acceptaient en France, sans arrière-pensée, l'indépendance de la Belgique: Louis-Philippe et Guizot.

Voyez Lord Palmerston, par Théod. Juste, 1873, et une petite brochure très substantielle de L. Hymans, 1871. (Note de la 4e édition.)

[4] Les deux commissaires envoyés à Londres par le régent ont, à leur retour, dénoncé le projet de partage au Congrès, M. Nothomb dans le comité général du 30 juin, M. Devaux dans la séance publique du 3 juillet: ces révélations n'ont guère pu être considérées à cette époque que comme des moyens diplomatiques. (Note de la 1re édition.)

[5] M. Alexandre Gendebien, séance du 29 juin 1832. (Extrait du Moniteur belge, n° 183.)

[6] Courrier des Pays-Bas, n° 119, du 29 avril 1831.

[7] Courrier des Pays-Bas, n° 120, du 30 avril 1831.

 

[8] Courrier des Pays-Bas, n° 117, du 27 avril 1831. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que M. Nothomb était l'auteur de ces articles.

Le Courrier, sous l'impulsion de M. Lucien Jottrand, n'abandonna la voie diplomatique, pour entrer dans le système belliqueux, que dans les derniers jours de mai. Voyez le Journal, n°144-145, des 24 et 25 mai 1831.

[9] La note attribuée à ce dernier était un extrait de ses instructions, extrait défiguré et qui n'était point son ouvrage.

[10] La lettre écrite à cet effet, au. nom du régent de la Belgique, par M. Lebeau au baron Verstolck de Soelen, est du 9 mai 1831; elle parvint à La Haye le 13. (Recueil de Bruxelles, rapport du 18 mai 1831.)

Les plénipotentiaires hollandais, d'après les ordres de leur gouvernement, portèrent cette lettre à la connaissance de la Conférence, par une note du 21 mai, en faisant remarquer le silence gardé par le ministre belge sur les bases de séparation arrêtées à Londres, et en insistant sur l'exécution prochaine de cet acte. (Note de la 3" édition.)

Quel avait été le but de M. Lebeau en adressant cette lettre au baron Verstolck de Soelen?

L'auteur de l'ouvrage: La Belgique et la révolution de juillet, M. de Bécourt, p, 208, pense que rien ne peut justifier cette démarche.

Sans doute, M. Lebeau avait très peu compté sur l'ouverture d'une négociation directe avec la Hollande et sur l'exclusion de la Conférence de Londres; mais c'est précisément cette double impossibilité qu'il fallait constater; bien des personnes en Belgique croyant le contraire, cette tentative était nécessaire pour les détromper. M. Lebeau n'eut pas d'autre but.

La pièce même fut rédigée par M. Nothomb. (Note de la 4" édition.)

 

[11] Il eût été plus exact de dire que cette question fut abandonnée.

Le comité diplomatique, dans les derniers jours de son existence, et le premier ministère du régent attachèrent une grande importance à l'exécution de l'armistice du 15 décembre 1830; ils demandèrent cette exécution à plusieurs reprises: le cabinet de La Haye s'y refusa. Nous croyons que la demande fut une faute, que le refus fut une plus grande faute.

Quel pouvait être le but du comité diplomatique et du premier ministère du régent? La cessation des hostilités? Mais ce résultat était acquis par la suspension d'armes du 21 novembre 1830, déclarée indéfinie par la Conférence.

La suspension. d'armes du 21 novembre 1830 admettait le status quo territorial; l'armistice du 15 décembre exigeait l'évacuation territoriale; c’est en cela que ces deux actes différaient, en consacrant l'un et l'autre la cessation des hostilités.

Le status quo du 21 novembre privait la Belgique de la citadelle d'Anvers et des forts de Lillo et de Liefkenshoek, en lui laissant tout le Limbourg, moins Maestricht. .

L'évacuation territoriale eût mis la Belgique en possession de la citadelle d'Anvers et des deux fort~ voisins, en la privant de Venloo et sans lui donner Maestricht.

Le grand-duché de Luxembourg était à la fois hors de la suspension d'armes et hors de l'armistice; mais le status quo de la suspension d'armes s'étendait par la force des choses au grand-duché; ce status quo venant à cesser, par l'exécution de l'armistice, on aurait probablement aussi exigé l'évacuation du grand-duché.

Voici donc quelle pouvait être la situation de la Belgique à la suite de l'exécution de l'armistice:

D'une part, possession de la citadelle d'Anvers, de Lillo et de Liefkenshoek;

De l'autre, évacuation de Venloo et abandon provisoire du Luxembourg.

L'exécution de l'armistice était entendue dans ce sens pal' la Conférence, comme le prouve son protocole secret n° 3, du 17 novembre; bien que ce protocole n'ait point été communiqué au gouvernement belge, la note du 15 décembre 1830, annexée à l'acte d'adhésion du même jour, démontre qu'à Bruxelles les conséquences de l'armistice étaient comprises par rapport au Limbourg. .

L'exécution de l'armistice n'impliquait la solution d'aucune question politique proprement dite; le gouvernement provisoire avait, dans son acte d'adhésion du 15 décembre, fait ses réserves, conformes d'ailleurs à la nature de tout armistice. Ainsi, de la part des Belges, l'abandon de Venloo et du grand-duché de Luxembourg n'eût été que provisoire; il n'emportait pas cession définitive. Mais aussi, de la part du roi Guillaume, l'abandon de la citadelle d'Anvers, des forts de Lillo et de Liefkenshoek ne se serait l'attaché à aucune idée de reconnaissance et d'abdication.

La position n'était pas la même qu'en novembre 1832; à cette seconde époque, l'abandon volontaire et sans réserve de la citadelle d'Anvers, des forts de Lillo et de Liefkenshoek était l'exécution non de l'armistice, qui ne consacrait qu'un fait, mais du traité constitutif du nouveau royaume de Belgique.

Ainsi, l'évacuation territoriale, comme exécution de l'armistice du 15 décembre 1830, laissait la Belgique non constituée; l'évacuation, comme exécution du traité du 15 novembre 1831, constituait la Belgique par rapport à la Hollande et à la maison d'Orange.

Le roi Guillaume avait donc des motifs de refuser sans réserve l'évacuation territoriale en novembre 1832; il n'avait aucun motif pour s'y refuser en décembre 1830, surtout avant toute adhésion au principe de la dissolution du Royaume-Uni et aux bases de séparation, Ce n'est pas que nous nous dissimulions l'importance de la possession dé la citadelle d'Anvers, mais, en 1830, cette importance n'était que militaire; en 1833, cette importance était non seulement militaire, mais, si nous pouvons parler ainsi, dynastique et européenne, On a prétendu que c'est de Londres que le roi Guillaume reçut l'avis de ne pas consentir à l'exécution de l'armistice et, en effet, on lit dans la lettre écrite le 14 novembre 1832 par le baron Van Zuylen-Van Nyevelt, à lord Grey: « Alors, parmi les conseils que me dicta l'amitié, je recueillis celui de ne livrer en aucun cas la citadelle d'Anvers qu'après l'entier ajustement de nos différends avec la Belgique. » C'était anticiper sur l'avenir et rattacher au fait de la possession d'Anvers des questions dynastiques et politiques étrangères aux actes de cette époque; ce n'est qu'après le traité du 15 novembre 1831 qu'on a pu dire que la couronne du roi Guillaume était déposée dans la citadelle d'Anvers; et encore y avait-il dans ces mots beaucoup d'exagération; car, même après la sommation du 29 octobre 1832, le roi Guillaume aurait pu abandonner Anvers, en déclarant que cette exécution partielle, non pas du traité du 15 novembre 1831, mais des bases de séparation du 20 janvier 1831, acceptées par lui, n'emportait pas la solution des questions d'abdication et de reconnaissance, solution subordonnée à l'exécution intégrale de l'arrangement définitif. Quelles eussent été, au contraire, pour la Belgique, en décembre 1830, en mars 1831, les conséquences de l'évacuation territoriale? La révolution eût été frappée au cœur; l'unité .belge fondée par la révolution eût été détruite; la possession de la citadelle d'Anvers, dont les révolutionnaires croyaient la prise si facile, n'eût point paru compenser la perte de Venloo et surtout l'évacuation provisoire du Luxembourg; en consentant à l'exécution de l'armistice, le roi Guillaume eût placé le gouvernement à Bruxelles dans la position la plus difficile; il eût amené une lutte entre le gouvernement qui avait demandé l'évacuation et le Congrès qui, appuyé sur les populations, peut-être excité, dominé par elles, s'y serait certainement refusé,

Le deuxième ministère du régent comprit les périls de l'exécution de l'armistice du 15 décembre 1830; il se garda de réitérer la demande du comité diplomatique et du premier ministère du régent. Dans le rapport fait au Congrès, le 18 mai 1831, il n'est plus question que de la suspension d'armes. (Note de la 4e édition.)

[12] Lord Ponsonby, commissaire de la Conférence à Bruxelles; il avait remplacé M. Cartwright, le 10 décembre 1830. Du 13 au 20 mai 1831 il fit un voyage à Londres pour éclairer la Conférence; à son retour, il adressa une lettre à M. Lebeau, pour éclairer le Congrès.

De Bruxelles il passa à Naples, en 1832; il fut ensuite ambassadeur en Turquie, puis en Autriche; il est mort à Brighton, le 21 février 1855. Il était né en 1770. « La reconnaissance des Belges, a dit M. White, III, 90, est loin d'être proportionnée aux services que lord Ponsonby leur a rendus.) » (Note de la 4e édition.)