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Par
Jean-Baptiste Nothomb
(page 1) Le public vit au jour la journée; bien que rien d'important ne lui reste inconnu, l'enchaînement des faits lui échappe. Et cependant tout se tient dans les choses humaines, tout est alternativement cause et effet. Dans ce long drame auquel nous assistons depuis 1830, qu'il s'agisse d'expliquer un succès ou un échec, il nous faut remonter, d'événement en événement, au premier jour de la révolution belge, et, arrivés là, pour comprendre la révolution elle-même, nous sommes obligés de nous reporter au premier jour de l'existence du royaume-uni des Pays-Bas.
Les hommes qui ont su coordonner les événements dans leur esprit ne sont pas en grand nombre; trop souvent, les passions politiques sont venues rompre la suite des idées et obscurcir la série des faits.
L'auteur de cet ouvrage a été placé dans une situation (page 2) qui ne lui a point permis de manquer de mémoire; il est convaincu que, pour éclaircir bien des questions, il suffit de remettre les faits à leur date et d'en constater, en quelque sorte, la généalogie.
Il n'hésite point à croire que, par ce procédé, il lui sera facile de réhabiliter la révolution belge dans ses causes et dans ses résultats; il soutient que cette révolution a été légitime dans son origine, glorieuse dans son dénouement; homme de la révolution, il a ramassé ce que deux années d'une existence laborieuse lui ont laissé de force et de courage, pour livrer un dernier assaut aux contre-révolutionnaires et aux ultra-révolutionnaires.
Il n'a pas eu la prétention d'écrire une histoire; il a dû supposer beaucoup de choses connues; il en est d'autres qu'il a jugé inutile de rappeler. Plus de détails auraient nécessairement nui à l'unité d'intention.
Il n'a pas considéré la
révolution comme un événement purement intérieur; il l'a rattachée dans sa
pensée aux destinées de l'humanité, et son horizon s'est alors élevé et
agrandi. L'histoire de
Si 1'on avait moins
souvent perdu de vue l'ensemble des faits et des rapports, si l'on n'avait
point isolé chaque événement de ceux qui l'ont précédé et suivi, et
L'auteur, n'eût-il point
eu l'intention de publier son écrit, ne se serait pas moins livré à ce travail;
il aurait voulu se rendre compte du temps où il a vécu, pour se bien persuader
à lui-même, qu'il a fait son devoir et qu'il peut être en paix avec sa
conscience. Il a eu ses jours de doute et de découragement; ce n'est qu'après
avoir acquis l'intelligence des conditions auxquelles étaient subordonnés le
sort de sa patrie et celui de l'Europe, qu'il s'est senti soulagé et qu'il a
été plein de foi dans l'avenir. Citoyen d'une province dont l'existence était
contestée, sa position individuelle était difficile ; il pense avoir accordé
aux affections locales tout ce qu'elles pouvaient exiger de lui; homme, belge,
luxembourgeois, il n'a pas osé croire qu'on pût sacrifier
L'auteur en est à son
premier culte, à son premier serment politique, le seul peut-être que l'on
fasse sincère et solennel; il est deux choses dont il est également fier: c'est
d'avoir, avant septembre 1830, fait de l’opposition contre le pouvoir et
d'avoir, depuis, fait du pouvoir contre l'anarchie. Qu'on lui permette de
rappeler qu'un des premiers en Belgique, au sujet d’un acte fameux[1],
il a contesté la légitimité des droits d’une maison alors toute-puissante; il
peut, sans lâcheté, respecter une dynastie aujourd'hui malheureuse: il aurait
même désiré garder le silence sur la conduite de
Qu’on ne cherche point dans cet écrit un libelle: ce serait se méprendre sur le caractère de l'auteur et de son travail, et l'auteur serait désolé de cette méprise. Habitué à dire sa pensée et n'aimant point les ouvrages anonymes, il a signé cet écrit; il attend la même franchise (page 6) de ses adversaires. Il a patiemment, avec ses amis, traversé les saturnales de la presse et de la tribune, et ce n'est pas au moment qu'elles semblent toucher il leur terme qu'il se jettera; dans la mêlée, un pamphlet à la main; il n'aspire point au succès malheureux de quelques productions qui ont fini par ôter à la calomnie toute sa puissance et tous ses dangers; plus d'une fois il a rencontré sur son passage, au coin d'une rue, « cette grande prostituée qui offre ses faveurs au premier venu »; il a repoussé la popularité du jour; il ose revendiquer pour ses amis et lui la popularité de l'avenir.
Mêlé à toutes les affaires politiques de la révolution, ayant vu de près tous les hommes qui se sont succédé au pouvoir, il n'a point abusé de confidences personnelles, il n'a violé aucun secret. Il fera toujours une large part à l'oubli; car, à la suite d'une si longue tourmente, quel est celui qui n'a pas besoin d'oubli?
Sans inconséquence et sans déshonneur, il a pu rester constamment au poste où l'ont porté les circonstances dans les premiers mois de la révolution[3]; à travers toutes les mutations ministérielles, le système politique est demeuré le même: les hommes avaient beau entrer et sortir, aucun d'eux n'a pu emporter les archives. Si quelque chose a affligé l'auteur de cet écrit, c'est que, (page 7) jeté, jeune encore[4], dans la carrière publique, il a vu d'anciennes amitiés se briser contre des dissentiments politiques; le jour où toutes les incertitudes cesseront doit être pour lui doublement heureux, certain qu'il sera d'avoir une patrie et d'y retrouver tous ses amis[5].
Bruxelles, le 10 mars 1833.
[1] Message du 11 décembre 1829.
(Courrier des Pays-Bas du 18 décembre 1829 et du 16 janvier 1830.)
[2] Ceci était vrai en 1833 et l'a été
jusqu'à l'abdication du roi Guillaume 1er. Le peuple hollandais a fait sa
réforme politique et s'est placé sur la même ligne que
[3] Le poste de secrétaire général du
ministère des affaires étrangères, que l'auteur a occupé depuis le 1e mars
t83t jusqu'au 13 janvier 1837. Ainsi qu'on l'a dit, sans mandat formel, il
remplissait de fait à
[4] A vingt-cinq ans. (Il est né à
Messancy, dans le Luxembourg, le 3 juillet 1805.)
[5] Aucun historien, aucun publiciste,
aucun diplomate ne s'est occupé de la révolution belge sans citer l'Essai de M.
NOTHOMB; nous ne ferons mention ici que de trois écrivains dont nous aurons à
relever quelques remarques, quelques assertions.
M. CHARLES WHITE, The Belgic revolution. Londres, 1835, 2 vol. in-12, traduit
sous les yeux de l'auteur, à Bruxelles, 1836, 3 vol. in-'18; l'auteur ayant été
intimement lié avec lord Ponsonby, sans remplir de fonctions officielles, s'est
trouvé dans une positiion spéciale durant la période importante qui a précédé
l'avènement du roi Léopold 1er.
M. CH.
LEFEBVRE DE BECOURT,
M. J .-J.
THONISSEN,