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Note d’intention
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Congrès national de
Belgique
Séance du lundi 3 janvier
1831
Sommaire
1) Reconnaissance de l’indépendance
belge par
2) Communication de pièces
adressées au congrès
3) Reconnaissance de l’indépendance
belge par
4) Motion d’ordre relative à
l’ordre des travaux. Demande de priorité pour la question du choix du chef de
l’Etat (C. Rodenbach)
5) Autre motion d’ordre relative à
l’ordre des travaux. Demande de priorité pour la discussion de la constitution
6) Rapport d’une commission de
vérification des pouvoirs
7) Projet de constitution. Discussion
des articles du projet de constitution. Titre III : des pouvoir.
Souveraineté de la nation (P. Vanderlinden,
Pirmez, Legrelle),
exercice du pouvoir législatif (Seron),
incompatibilités parlementaires (de Tiecken de Terhove),
quorum (Devaux), droit d’amendement (de Roo)
(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles,
Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie,
1844, tome 2)
(page 1) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)
La séance est ouverte à une heure. (P.V.)
M. Liedts,
secrétaire, donne lecture du procès-verbal. (U. B., 5 janv.)
COMMUNICATION
DIPLOMATIQUE RELATIVE A
M. Pirson demande à
faire une observation sur le procès-verbal. (U. B., 5 janv.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une
proposition déposée sur le bureau par M. Pirson :
« Je propose au congrès d'ordonner l'impression et la
distribution de la communication diplomatique qui nous a été lue à la fin de la
dernière séance. » (Appuyé ! Appuyé !) (U. B., 5 janv.)
M. le président – M. Pirson a
la parole pour développer sa proposition. (U. B., 5 janv.)
M. Pirson – Messieurs,
il était minuit lorsque, le 31 décembre, M. le président a levé la séance du
congrès ; déjà les membres sortaient de la salle : il les a appelés pour
entendre la lecture de la réponse du gouvernement provisoire aux questions qui
lui avaient été faites par le congrès sur la motion de notre collègue M. de
Robaulx, questions relatives à nos relations diplomatiques à Londres et à
Paris.
Cette réponse, tout insignifiante qu'elle est, me paraît
cependant devoir être imprimée et distribuée à chacun de nous. Dans la position
et le vague où nous nous trouvons, il ne faut pas laisser échapper le plus
petit mot qui puisse nous aider à deviner les projets de la diplomatie, qui a
si bien réussi à embrouiller nos affaires.
Nous sommes dupes, on ne peut plus en douter, de
l'apprentissage de nos jeunes diplomates. S'ils voulaient bien en convenir,
nous les excuserions ; mais point du tout : ils persistent, et bientôt nous
serons entraînés dans des difficultés telles qu'il ne dépendra plus de nous de
remplir notre mandat.
Que penser d'un rapport (celui du 26 décembre) où l'on nous
dit tenir du ministre des affaires étrangères de France, que nous sommes
reconnus par les envoyés des cinq grandes puissances à Londres, sans nous dire
en quels termes ? (Note
de bas de page : Le protocole de la conférence de Londres du 20 décembre
qui a soulevé tant de réclamations dans la séance du congrès belge du 3
janvier, n'a pu être généralement apprécié depuis. C'était certes un grand
résultat que d'obtenir de la conférence la déclaration de la dissolution du
Royaume-Uni uni des Pays-Bas et de l'indépendance future des provinces
méridionales ; aussi le roi Guillaume 1er a-t-il protesté contre cette double
déclaration, protestation restée longtemps inconnue. Le comité diplomatique,
tout en repoussant certaines conditions, s'est sagement abstenu de restituer le
protocole. (Voir le chapitre V de l'Essai historique et politique sur
la révolution belge, par M. Nothomb.)) Et puis, quant au choix d'un prince à faire par
Le rapport du 31 décembre ne nous apprend rien de plus, sinon
que le président du conseil du roi de France a aussi déclaré à la tribune que
nous étions reconnus par les cinq grandes puissances. C'est dans les journaux
que notre comité diplomatique a découvert la confirmation de ce qui avait été
dit à notre envoyé par le ministre des affaires étrangères.
Eh ! messieurs, qu'avons-nous besoin de diplomates à Londres
et à Paris, pour recevoir d'eux des extraits des journaux que nous avons lus ?
Toutefois, ne nous reposons point sur eux pour savoir tout ce que les feuilles
publiques signalent ; car ils n'ont garde de nous faire remarquer qu'à Paris
comme à Bruxelles, les ministres refusent de s'expliquer sur les termes de
notre reconnaissance. Il y a donc, dans ces termes, quelque chose de
déshonorant pour
On en est venu à de grandes explications à la tribune de
France ; elles nous mettent sur la voie des complots liberticides de l'infâme
alliance, qui n'est pas dissoute comme on l'espérait. Ce n'est point d'elle que
nous devons recevoir nos inspirations pour la tranquillité et les intérêts bien
entendus de l'Europe, que notre jeune diplomate nous recommande si
bénévolement. Donnons un grand exemple. Rappelons tous nos diplomates.
Poursuivons notre ennemi, plus astucieux que courageux ; travaillons nuit et
jour au grand œuvre, et puis nous choisirons un chef qui s'appuiera sur la
sympathie des peuples et non sur la perfidie des rois.
Je me borne maintenant à demander l'impression du rapport du
comité diplomatique, qui nous a été lu le 31 décembre, à minuit.
J'espère qu'il s'élèvera bientôt dans cette enceinte des voix
plus habituées que la mienne à faire impression, et qu'elles nous dirigeront
vers le but que nous voulons atteindre sans faiblesse et sans préoccupation
intéressée.
Je vous l'ai dit, messieurs, dans mon discours sur la forme
de notre gouvernement : aussi longtemps que la royauté
constitutionnelle, comme nous l'entendons aujourd'hui, n'aura point pris racine
quelque part, il faut se méfier de tout roi
On faisait une exception en faveur du roi citoyen, eh bien !
ce roi citoyen n'a eu jusqu'aujourd'hui que des ministres stationnaires, qui
font de la diplomatie à la façon de 1814 et 1815, qui répondent à l'appel de
D'après cette loi d'équilibre, le royaume des Pays-Bas avait
été créé dans un sens hostile contre
M. le président met aux voix
la proposition de M. Pirson. (U. B., S jan..)
- Cette
proposition est rejetée. (J. F., 5 jan.)
M.
de Robaulx – Je le crois bien, cette réponse était
si peu importante. (J. F., 5 jan.)
Le
procès-verbal est adopté. (P.V.)
COMMUNICATION
DE PIECES ADRESSEES AU CONGRES
M. Liedts,
secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :
- M. J. de Peneranda, de
Bruges, demande une place à la chambre des comptes.
- Même demande de MM. Van Overbeke
et Williot.
- MM. H. Van Waesberghe et Desgains demandent une place de commis à la chambre des
comptes.
- Quatre bateliers de la ville de Tournay demandent que le
droit de patente, imposé sur les bateaux, soit établi sur une base plus égale
et plus équitable.
- La dame Rosalie Collet, à Gand, veuve d'un militaire
pensionné, demande que la pension de feu son mari lui soit continuée, afin de
pourvoir aux frais d'éducation de ses enfants.
- Les six entrepreneurs des fortifications de la ville
d'Ypres prient le congrès de faire délivrer incessamment des ordonnances de
payement pour les sommes qui leur sont dues respectivement du chef de travaux
exécutés.
(page 3) - M. Frison,
artisan à Tournay, demande quelque secours pécuniaire pour lui et sa
femme.
- M. Josse Antoine Bartholeyns
demande la place de greffier à la cour des comptes.
- Le bourgmestre de la commune de Templeuve et ceux de
diverses autres communes limitrophes, prient le congrès de déclarer les fils de
lin écru libres à la sortie.
- Quarante colporteurs de fil de lin écru, domiciliés à
Templeuve , adressent au congrès la même demande.
- M. Jean Van Milderode, receveur à
Herffelingue, demande une recette plus lucrative que
celle qu'il dessert maintenant.
- Les fermiers des barrières n° 1, 2 et 3, sur là route de
Liége à Gray, réclament la remise des 3/4 de leur prix de fermages.
- M. l'Épine, de Bruxelles, présente au congrès un projet
d'amortissement de l'impôt direct, et se met sur les rangs des candidats à la
cour des comptes.
- M. Henri Bosch renonce à la candidature comme membre de la
cour des comptes, à cause de sa parenté par alliance au nouveau chef du
département des finances et demande la place de greffier à la même cour.
- M. Van de Waele, de Tirlemont,
s'oppose à ce que des professeurs de droit, qui n'ont pas fait eux-mêmes leurs
licences, puissent créer des docteurs en droit.
- Une cinquantaine d'habitants de Philippeville demandent la
réunion de
- M. Leprince, de Mussy-la-Ville,
demande un traitement comme membre de
- 140 à 150 négociants et manufacturiers de la province de
Liége présentent quelques considérations sur l'état de dépérissement de
plusieurs branches d'industrie de cette province.
- M. Charles Lebrun, notaire à Eeghem,
demande que le congrès abandonne le classement et la cotisation des patentes
aux répartiteurs seuls.
- Neuf notables
de Grevenbicht réclament contre leurs élections
municipales.
- M. J. B. Bourbause, de Vilaine,
propose d'établir dans chaque commune un receveur des contributions.
- Le baron de Loen déclare se
désister des observations faites dans une pétition précédente contre la
suppression des places d’administrateurs des domaines et demande définitivement
d'être nommé membre à la cour des comptes.
- 100 à 120 habitants de Fontaine-l'Évêque demandent la
réunion de
- M. Jean Guillaume, de Liége, soutient qu'il est nécessaire
d'arrêter la distillation des substances farineuses.
- M. Adams, de Limbourg, présente au Congrès comme souverain
de
Plusieurs membres – Appuyé ! (On
rit.) (U. B., 5 janv.)
Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des
pétitions. (P.V.)
M. le président – Il va vous
être donné communication de pièces diplomatiques. (Vif mouvement de
curiosité.) (C., 4 janv.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire
donne lecture :
1 ° D'un message du gouvernement provisoire en date du 3
janvier, communiquant au congrès le protocole de la conférence de Londres du 20
décembre qui lui a seulement été remis le 31 décembre à minuit, ainsi que la
réponse du comité diplomatique ;
2° D'une lettre des plénipotentiaires de Londres à lord
Ponsonby et à M. Bresson ;
3° D'une note verbale du 31 décembre 1830, adressée par lord
Ponsonby et M. Bresson aux membres du comité diplomatique ;
4° Du protocole du 20 décembre 1830 ;
5° De la réponse du comité diplomatique à ce protocole,
en date du 3 janvier (P.V.)
M. le président propose de
faire mention de ces pièces au procès-verbal. (J. F., 5 janv.)
Plusieurs
voix – L'impression (J. F., 5 janv.)
- La mention au procès-verbal et l'impression sont
ordonnées. (J. F., 5 janv.)
M.
le comte de Celles, vice-président du comité
diplomatique – Messieurs, la lecture que vous venez d'entendre est une réponse
victorieuse aux attaques dirigées contre le comité diplomatique ; ces pièces ne
nous sont parvenues que dans la nuit de vendredi, et au moment où votre séance
venait d'être levée. Il nous était donc impossible de vous en donner plus tôt
communication, (page 4) et c'est
pourquoi nous nous bornâmes à faire la réponse qui vous fut lue à la fin de la
séance Cette réponse était telle qu'elle devait être, puisque le comité
diplomatique y disait tout ce qu'il pouvait dire et tout ce qu'il savait
réellement : vous avez maintenant les pièces sous les yeux, vous jugerez. On
nous avait demandé la communication des pièces, il est vrai ; mais, messieurs,
il est impossible de communiquer des pièces avant d'en avoir, et tout ce qu'on
avait pu dire dans les journaux ne pouvait nous forcer à une communication
qu'il nous eût été impossible de faire.
On nous a accusés d'avoir fait aux questions que nous avait adressées
le congrès national une réponse insignifiante. Cette réponse fut tout ce
qu'elle pouvait être : ne sachant rien de plus que ce qu'il vous fit dire, le
gouvernement provisoire n'était pas tenu à autre chose, et sa réponse n'eût pu
être plus complète que quelques heures plus tard.
On nous avait demandé si nous avions entamé des négociations
avec les puissances de l'Europe, et sur quelles bases elles reposaient. Vous
savez la réponse que le comité diplomatique fit à cette question. Ce n'est que
depuis la communication du protocole, que le peuple belge a pu faire entendre
sa voix comme peuple indépendant : avant cela pouvions-nous, sans être reconnus
par les puissances, négocier des traités avec elles ? Non, sans doute, nous ne
comptions pas encore dans la famille européenne ; mais dès l'instant que nous
avons su que nous y entrerions, nous avons dit (la réponse du comité
diplomatique vous le prouve) comment et à quelles conditions nous voulions y
entrer. Du reste, messieurs, nous pouvons le dire : parmi les puissances dont
les envoyés sont réunis à Londres, toutes ont montré les dispositions les plus
rassurantes ; une surtout nous a montré la plus vive sympathie et la
bienveillance la plus marquée, en demandant pour
Quant à ce qu'on a dit de la cessation des hostilités, je
crois devoir me borner à répondre qu'aujourd'hui, plus que jamais, nous avons
lieu de nous en féliciter, puisque tout nous fait espérer que nous touchons à
une paix définitive. Mais si
M.
Charles Le Hon, membre du comité diplomatique –
Messieurs, la communication qui vient de vous être faite m'appelle
naturellement à cette tribune. Appelé que je suis depuis quelques jours à
prendre part aux délibérations du comité diplomatique, j'ai cru devoir vous
exposer quels sont mes principes et ma manière de voir sur les affaires extérieures.
Si, à mes yeux, le premier besoin de
Ma manière de penser sur notre indépendance est conforme à ce
qu'ont dit ou écrit les hommes les plus remarquables sur les affaires d'une
puissance voisine.
Messieurs, les petits États, une fois indépendants, ont à
l'égard des grandes puissances leur importance relative. Si la plupart de ces
dernières ont à craindre l'esprit de conquête, les premiers peuvent contribuer
à leur agrandissement en se jetant dans leurs bras, et cette crainte de les
voir se donner à telle ou telle puissance est la meilleure garantie de leur
indépendance. Ne nous étonnons donc pas qu'on prenne tant de sollicitude de nos
intérêts, car c'est chez nous que s'ouvre le nœud de la paix européenne. Ce que
je dis doit vous convaincre que je soutiens avec toute l'énergie de ma
conviction, et avec toute la droiture de mes principes, qu'à aucune puissance
je ne reconnais d'autre droit d'intervenir que pour nous donner une existence
durable, et nous préserver d'être pour l'Europe une cause de perturbation.
Appliquez ces principes aux pièces dont il vient de vous être
donné lecture, et vous verrez que nous n'avons aucun lieu de craindre pour
l'avenir de notre pays. Sans doute, si j'avais été à Londres, j'aurais soutenu
que ce n'était pas aux puissances à traiter la question relative aux droits du
roi des Pays-Bas sur le duché de Luxembourg ; j'aurais soutenu que c'était une
question à vider entre les deux États pour savoir à qui resterait le
grand-duché. Je pense que le comité diplomatique tout entier aurait soutenu les
mêmes principes, et sa réponse du 3 janvier aux plénipotentiaires vous prouve
assez que je ne me trompe pas dans ma supposition.
Du reste, appelé depuis peu à faire partie du comité, j'ai dû
prendre connaissance des négociations, et j'ai vu avec plaisir que la première
cause de la médiation des puissances fut toute d'humanité, et qu'elle eut pour
résultat la suspension d'armes. On avisa ensuite à poser les limites que
devraient respecter pendant l'armistice les puissances belligérantes, et enfin
le protocole du 20 décembre me prouve que l'on s'occupe des moyens à prendre
pour élever
Messieurs, on a paru élever des doutes sur les assertions
faites à la tribune relativement au choix du souverain. Le comité diplomatique
a affirmé qu'aucune communication officielle n'a eu lieu à ce sujet. Oui, mais,
dit-on, on en a parlé, et cependant, quand nous faisons des questions là-dessus,
on se contente de nous faire des réponses vagues. A cela je dirai que, si des
commissaires belges à l'étranger ne cherchaient pas à sonder les intentions des
puissances de l'Europe sur le choix du prince, s'ils ne cherchaient pas à
savoir si tel ou tel nom conviendrait mieux que tel ou tel autre, ils
méconnaîtraient nos véritables intérêts. Quoi ! vous ne voulez pas que, comme
individus, comme citoyens belges, ils fassent tout ce qui dépendra d'eux pour
découvrir ce que l'on pense à l'étranger du choix du souverain ? Eh bien ! moi,
je dis que s'ils ne le faisaient et s'ils ne profitaient, pour découvrir la
vérité, des conversations politiques, des commérages, si l'on veut, qui se
tiennent, soit dans les lieux publics, soit dans les (page 6) lieux privés, ce serait à notre détriment qu'ils s'en
abstiendraient. Eh ! messieurs, c'est ainsi qu'on s'éclaire sur les moyens de
faire ce qu'il faut, et d'éviter ce qui ne conviendrait pas. Je me montrerai
toujours partisan du droit qu'a
On a parlé de l'insignifiance des réponses du comité
diplomatique. Messieurs, il est facile de faire des questions qui souvent ne
sont pas très significatives, et qui par là rendent la réponse d'autant plus
difficile. Vous demandez quel est l'état de nos relations avec les
gouvernements étrangers, et quelles sont les bases sur lesquelles elles
reposent ; on vous dit que ces bases sont fondées sur le protocole du 4
novembre : ce protocole est connu, il a été imprimé et distribué à chacun de
nous. C'est dire, en d'autres termes, que jusqu'ici les négociations n'ont pas
changé de base, et cette réponse on était en droit de la faire, Car ce n'est
qu'à minuit, vendredi, qu'on aurait pu en faire une différente.
Quant à l'indépendance de
On a demandé des explications sur le choix du souverain :
tout ce que je sais comme particulier, c'est qu'il est peu d'espérance à
former sur le choix d'un prince français. Que faire ? examiner si le moment
n'est pas venu de chercher une tête pour le corps de l'État..
Quant au reste des demandes, il y a été, me paraît-il,
répondu d'une manière satisfaisante. Toutefois, je répondrai à un membre du
congrès qui me demandait tout à l'heure pourquoi on ne donnait pas
communication du protocole du 17 novembre, qu'en mon particulier j'ai pris
connaissance de ce protocole ; il ne traite que de la suspension d'armes et des
limites à respecter entre les parties belligérantes, et j'y ai vu non sans
plaisir qu'on est parti de ce point, qu'on reconnaît nos droits à la libre
navigation de l'Escaut et à la possession des provinces de Limbourg et de
Luxembourg. Peu m'importe, au reste, la démarcation provisoire contenue dans ce
protocole, puisqu'on s'occupe aujourd'hui de la démarcation définitive. Voilà
ce que j'ai à répondre à ce membre.
Quant à moi, au moment où j'ai été appelé à prendre part à nos
affaires extérieures, j'ai cru devoir saisir la première occasion de vous faire
connaître mes vues et mes opinions sur notre existence politique. Je l'ai fait
avec franchise, et je crois avoir prouvé que
M. de Robaulx – Les longues
explications que vous venez d'entendre n'ont pas encore rendu mes
questions inutiles. Aussi je crois devoir insister, et, quelque lumineuses
qu'aient pu paraître ces explications, je ne suis pas encore convaincu.
Pardonnez-moi si mon intelligence n'a pas fait autant de progrès que la vôtre. (On
rit.) Messieurs, vous avez reconnu l'importance de mes questions, puisque
vous avez décrété qu'elles seraient adressées au gouvernement provisoire.
Permettez que je me plaigne de la sécheresse des réponses et de la manière
dont on nous. a entortillés (on rit) dans des phrases vagues et
insignifiantes. J'ai demandé que l’on nous fît connaître l'état de nos
relations diplomatiques, et sur quelles bases elles sont ouvertes avec les
envoyés des cinq grandes puissances à Londres. On m'a répondu par ce qu'avait
dit M. Sébastiani à la tribune française, il y a peu
de jours. Si nous ne nous étions pas attendus à une réponse plus claire, nous (page 7) n'avions pas besoin
de faire des questions. Je réponds à mon tour : Ce n'est pas là ce que je voudrais
savoir ; mais je voudrais savoir ce que porte un protocole renfermé dans une
triple enceinte et dont seuls nous sommes exclus. Pourquoi refuse-t-on de nous
le montrer ? Quel est donc le mystère impénétrable qu'il contient ? Pourquoi
nous répond-on toujours, quand nous demandons à le voir : Soyez tranquilles, on
vous le montrera quand tout sera terminé ? Messieurs, quelle que soit la
confiance que l'on puisse avoir dans le gouvernement provisoire (je ne dis pas
toutefois quelle est la mienne ; je viens de parcourir le pays, il règne dans
les esprits la plus grande désunion), je veux que le congrès souverain. demande
communication du protocole du 17 novembre, et alors nous saurons sur
quel pied on nous traite. Mais, dit-on, vous avez un rapport à ce sujet : c'est
ce rapport précisément qui augmente mes doutes par ses phrases entortillées. Ce
rapport porte, dans un paragraphe : que les cinq grandes puissances ont reconnu
notre indépendance, et là on insinue un autre petit paragraphe qui, à travers
une manifestation de principes par laquelle on proteste ne pas vouloir dicter
un choix au congrès national, porte qu'on se réserve, qu'on croit devoir
éclairer les décisions futures du congrès. Messieurs, peut-être bien j'ai peu
compris ce langage doucereux, ce langage lénitif (rires et chuchotements),
dont on a paré ce paragraphe ; mais à la tribune française il a trouvé
autant d'incrédules que moi. M. Mauguin n'a-t-il pas
dit... (L'hilarité générale causée par la manière dont l'orateur prononce le
nom de M. Mauguin empêche d'entendre le
passage du discours qu'il cite.)
La lecture de ce paragraphe, reprend l'honorable orateur, m'avait indiqué qu'on
voulait que la diplomatie nous indiquât le vœu des puissances. M. Mauguin (nouveaux rires) avait donc interprété comme
moi le paragraphe du rapport relatif au choix du chef de l'État. Il est vrai
cependant, nous dit-on, qu'il n'y a eu à cet égard aucune communication
officielle ; mais M. Le Hon nous a dit qu'il fallait bien qu'on en parlât dans
les conversations, et qu'il espérait bien qu'on l'avait fait. Nouveau détour,
messieurs..... (U.B., 5 janv.)
M. Charles Le Hon
– Je demande la parole. (U. B., 5 janv.)
M.
de Robaulx – Nouveau détour, messieurs, pour éviter de répondre à
notre question. S'il est vrai qu'il n'ait pas été question du choix du
souverain entre les plénipotentiaires, je dis qu'on n'a pas suffisamment
compris la dignité nationale, en insinuant que nous devions écouter les vœux
des puissances pour faire ce choix. Messieurs, les explications qu'on nous a
déjà données vous donnent la mesure de l'importance de mes questions : vous le
voyez ; on vient de nous dire qu'un prince français ne nous convenait pas : du
moins c'est l'opinion personnelle du préopinant. Mais, dirai-je, si un prince
français ne convient pas pour l'équilibre de l'Europe, un prince anglais nous
conviendrait-il mieux ? Car enfin, puisque le prince français est exclu, je
désirerais savoir si un prince anglais nous serait plus favorable, afin de
fixer mon choix sur lui.
Il est facile, a-t-on dit, de poser des questions, mais il est
plus difficile d'y répondre. Je m'en aperçois, car jusqu'ici on a été assez
embarrassé pour répondre. Si, au lieu de nous dire ce qu'on nous a dit dans le
rapport du 26, on nous avait tenu ce langage : Voulez-vous savoir si le choix
du souverain vous sera permis au congrès ? voici des pièces qui prouvent que
rien n'a été réglé à cet égard ; et qu'en même temps on mît mis sous nos yeux
les pièces qu'on vient de nous communiquer… (U. B., 5 janv.)
M.
le comte de Celles – Cela n'existait pas alors,
monsieur. (U. B., 5 janv.)
M.
de Robaulx – Si cela n'existait pas alors, ma question n'était pas
encore tout à fait inutile ; et je répondrai à l'honorable membre qui m'a fait
l'honneur de m'interrompre (on rit), qu'on m'avait déjà dit, avant que
je n'eusse fait connaître ma proposition au congrès, qu'il serait fort aisé de
répondre à mes questions, parce que, dit-on, si j'entendais demander s'il y
avait eu, à l'égard du choix du souverain, quelques communications officielles,
on me répondrait non, et qu'on pourrait me répondre oui, si j'entendais parler
de communications officielles et confidentielles. (U.B., 5
janv.)
M.
le comte d’Arschot – Je demande la parole.
(U.B., 5 janv.)
M.
de Robaulx – C'est M. d'Arschot qui me fit cette réponse.
Quant au protocole du 17 novembre, je n'ai qu'un mot à
ajouter. On nous dit qu'il ne traite que de l'armistice et des limites
provisoires entre
M.
Charles Le Hon, membre du comité diplomatique –
Messieurs, je ne pensais pas que le langage que j'ai tenu à la tribune eût
paru, en (page 8) quelque partie que
ce fût, offrir l'apparence d'un détour. Je dirai donc au préopinant que cette
expression est imméritée et qu'elle n'est guère convenante
; il me semble que la première chose à faire ici, ce serait d'observer un peu
mieux les convenances parlementaires. Je déclare ici pour la seconde fois, afin
qu'il n'y ait plus de prétexte à la répétition d'un mot qui ne me plairait pas
toujours, que si je croyais avoir besoin de détours pour exercer les fonctions
de membre du comité diplomatique, je donnerais à l'instant ma démission. Quand
j'ai accepté ces fonctions, j'en ai accepté toute la responsabilité ; mais j'en
connais aussi tous les devoirs, et je n'y manquerai jamais, Quand je suis monté
à la tribune, j'ai voulu dire ce que je pensais de nos relations extérieures,
et de notre situation par rapport au reste de l'Europe. J'ai dit mon opinion
personnelle sur le choix d'un prince français. Je ne m'attendais pas, je dois l'avouer,
que l'on vînt me mettre en opposition un prince anglais ; et comme souvent on
peut être embarrassé de répondre à une objection imprévue, on a cru peut-être me mettre dans
l'embarras. Eh bien, messieurs, on s'est trompé, et je dirai, sans hésiter,
qu'un prince anglais ne nous convient pas mieux qu'un prince français. Bien
mieux, messieurs, je déclare que, moi personnellement, je préférerais un prince
français, si je pouvais lui donner ma voix, abstraction faite des intérêts ou
des prétentions des autres puissances. Oui, messieurs, mes affections
politiques se porteraient vers
On vous a dit que je m'étais servi de paroles mielleuses. Il
n'en sort pas souvent de ma bouche. (On rit.) Pour faire comprendre
qu'il était utile de consulter les vœux de l'Europe quant au choix du
souverain, je n'ai eu besoin ni de miel ni de détour pour cela. J'ai considéré
cette vérité comme sentie de tout le monde, et je l'ai exprimée sans
hésitation. Je le répète encore, il est essentiel de connaître le vœu des puissances
; je demande quel est l'homme d'État qui oserait hasarder une assertion
contraire, et soutenir que, sans tenir aucun compte ni de notre situation ni de
celle de nos voisins, il nous est permis de choisir qui nous voudrons, le Grand
Turc lui-même, pour roi, sans nous embarrasser de la guerre qui peut être la
suite de notre détermination ? Sans doute, il n'est personne qui nous donnât un
semblable conseil, et, quelque indépendants que nous devions être dans le
choix, ce n'est pas ainsi que j'entends notre indépendance. Nous sommes sur le
meilleur terrain où jamais peuple se soit trouvé placé. La raison des peuples
et la force morale sont pour nous : songeons que ce n'est pas seulement notre
cause que nous avons à servir, mais encore celle des peuples prétendant à
l'indépendance. Je déclare franchement que moi, qui entre à peine au comité
diplomatique, je ne sais pas s'il y a eu des conversations, mais je pense et je
désire qu'il y en ait eu.
Messieurs, je conçois que l'on fasse une opposition
systématique contre un gouvernement constitué ; je le conçois d'autant mieux
que je ne serais pas des derniers opposants, si je trouvais la marche du
gouvernement blâmable : mais croyez-vous qu'il y ait grand courage à faire de
l'opposition contre des citoyens que le dévouement le plus pur a pu seul
décider à accepter le pouvoir. contre des hommes que le flot populaire y a
portés et qu'il y soutient ? Croyez-vous qu'il y ait beaucoup de générosité à
vouloir acquérir de la popularité aux dépens de quelques hommes dont toute
l'ambition est de servir la cause nouvelle du pays et son indépendance ?
Messieurs, on est bien fort lorsqu'on ne craint pas d'aborder la tribune en
sortant du cabinet diplomatique, et qu'on sait pouvoir dire sans danger tout ce
qui a trait à la situation extérieure du pays ; aussi vous ne croirez pas
facilement qu'un homme qui se respecte et qui a quelques antécédents, se fasse
un jeu de vous tromper, et d'user de détours dans les questions les plus
importantes pour l'État. J'ai la conviction que vous me rendrez plus de
justice.
On vous a parlé du protocole du 17 novembre, et j'en avais
parlé moi-même à la tribune, quoique personne n'en eût encore dit un mot : j'ai
dit ce que contenait ce protocole. On n'est pas satisfait. Pourquoi,
s'écrie-t-on, ne le communique-t-on pas ? Et l'on se livre à des conjectures,
et on fait un monstre de ce protocole. Eh bien, je puis le dire, si on montrait
ce protocole et qu'il y manquât une pièce, la plus petite et la plus
insignifiante, ce serait alors celle-ci que l'on réclamerait à grands cris et
dont on ferait un monstre à son tour. Je lus ce protocole il y a deux jours, je
peux donc en parler sans crainte de me tromper. Je l'ai déjà dit, et je le
répète, il ne règle que les limites (page
9) provisoires pour l'armistice, et, à mes yeux, l'importance de
cette pièce est complètement effacée par le dernier protocole qui s'occupe des
limites définitives. Si l'on insiste encore pour obtenir sa communication, il
faut changer les formes observées jusqu'à ce jour et que le congrès déroge à
ses antécédents ; il faut décider que lorsqu'une question provisoire sera
agitée dans une pièce diplomatique, cette pièce devra vous être communiquée dès
qu'elle sera arrivée, et que vous dicterez la réponse à faire. Si le congrès
prend une semblable décision, nous serons enchantés qu'il trouve mieux et plus
convenable de traiter une question à deux cents qu'à cinq ou six personnes.
Mais, si vous croyez qu'il faille qu'une négociation soit finie avant d'en
faire connaître le résultat, pour ne pas compromettre par des révélations
prématurées et le pays et les puissances, vous ne dérogerez en rien à vos
habitudes, et vous aurez peu d'égard aux réclamations des impatients.
J'ai dit. (U. B., 5 janv.)
M.
le comte d’Arschot, membre du comité diplomatique –
Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre à M. de Robaulx. Le jour où il
fit sa proposition, je passais, avant l'ouverture de la séance, devant un
groupe de députés à qui il l'avait communiquée ; l'un d'entre eux lui dit : «
Voilà un membre du comité diplomatique, il pourra vous répondre. » Je pris
connaissance de la proposition, et pour ce qui concerne le choix d'un
souverain, je dis ce qui était la vérité, qu'on ne s'en occupait pas. On vous a
longuement développé aujourd'hui les motifs que nous aurons pour consulter les
désirs des puissances étrangères relativement à ce choix ; je n'ai pas besoin
d'y revenir : je dirai seulement que nous ne sommes pas isolés dans l'Europe ;
que ce n'est pas le tout que de choisir un souverain, qu'il faut encore qu'il
accepte et qu'il convienne aux autres puissances. C'est aussi dans ce sens que
j'ai parlé à M. de Robaulx ; je le dis sans hésiter, car je ne craindrai jamais
de répéter ce que j'ai dit, et je le répéterai à haute et intelligible voix.
(U. B., 5 janv.)
M.
Jottrand – C'est un rôle bien facile que celui de tout critiquer
et de faire profession de n'être jamais content de rien. Pour ceux qui ne
veulent que se mettre en évidence, la position la plus favorable est sans doute
celle où ils se trouvent seuls et peuvent compter de n'être jamais rejoints par
un grand nombre de leurs collègues. Il y a peut-être dans cette enceinte comme
dans d'autres assemblées parlementaires, de ces brouillons par système,
incapables d'en avoir jamais d'autre. (Murmures.)
Et moi aussi je croyais, il n'y a pas deux heures encore, que
notre comité diplomatique était non pas complice mais dupe de ce qui se
machinait à Londres ; je croyais que le congrès devait enfin être appelé à
diriger lui-même dans un autre sens la politique de nos chargés d'affaires
aussi bien à Bruxelles qu'à l'étranger. Je me rappelais l'indépendance de
Mais nous venons d'apprendre que ce protocole du 20 décembre
a provoqué, de la part du comité diplomatique, une réponse aussi digne et aussi
complète que la nation elle-même aurait pu la faire. Il est donc convenable que
nous reconnaissions que nos mandataires ont compris la question de notre
indépendance comme tout le monde la comprend en Belgique ; et ce n'est pas
aujourd'hui que le congrès aura besoin d'intervenir pour refuser sa sanction à
ce qui a été fait au nom du peuple belge. (C., 4 janv.)
M. Lebeau – Messieurs,
il s'agit ici d'une question de la plus haute importance. Cette question est
tout à fait à l'ordre du jour : elle est dans tous les esprits, et, pour ma
part, je me félicite qu’elle ait été soulevée aujourd'hui plutôt que demain. Il
nous a été donné communication d'une pièce de la plus haute importance : c'est
le protocole du 20 décembre. Nous y voyons à quel prix on veut reconnaître
notre indépendance, il ne s'agit de rien moins pour
On a parlé de notre réunion avec les provinces (page 10) rhénanes. Il est certain que
si cette réunion avait lieu,
Je concevrais encore une intervention amicale et officieuse,
s'il s'agissait de nous assurer de grands avantages commerciaux.
Je la concevrais encore s'il s'agissait d'établir entre nos
voisins et nous une alliance offensive et défensive.
Je concevrais encore un genre d'intervention contre lequel il
nous serait impossible de nous élever, c'est celle où les puissances
conviendraient entre elles qu'elles doivent s'exclure réciproquement du trône
de
Ainsi, vous voyez qu'il nous est impossible de nous isoler
entièrement, et que nous ne pouvons pas ne pas conférer officieusement avec les
puissances pour le choix du souverain de
Je félicite le comité diplomatique de la réponse qu'il a
faite au protocole du 20 décembre ; il a senti toute l'étendue de ses devoirs,
et il a apprécié très convenablement et nos droits et nos besoins. Oui,
messieurs, si on nous veut indépendants, il faut nous donner de la force et du
bonheur, sans lesquels toute indépendance serait illusoire. Il ne faut pas que
les puissances proclament à la fois notre indépendance et la misère du peuple
belge, si elles ne veulent pas nous réduire à des partis extrêmes qui
amèneraient une conflagration générale.
J'en ai dit assez, messieurs, pour prouver qu'il ne faut pas
exclure tous les genres d'intervention de la part des puissances ; mais
j'entends bien que le dernier mot sur les limites de
M.
Charles Rogier, membre du gouvernement provisoire – Messieurs,
n'ayant pas encore l'habitude de la tribune politique, je vous prie d'écouter
avec indulgence mes paroles, et de croire à ma pensée qui, je vous le promets,
sera sincère. Les hommes qui sont chez nous au pouvoir n'ont rien à
dissimuler, ni dans leur politique intérieure, ni dans leur politique
extérieure. Attachés dès longtemps à l'honneur et aux libertés du pays, ils y
sont d'autant plus intéressés que plus de responsabilité pèse sur leur tête.
Ils n'ont rien, dis-je, à dissimuler, et ils viennent de le
prouver. Par une communication qui peut-être blesse les usages diplomatiques,
ils viennent de vous exposer, sans arrière-pensée et sans réserve, ce qu'ils
ont fait, ce qu'ils pensent, et où ils en sont.
A-t-on bien entendu le protocole et la réponse au protocole
? Je demanderai à lire de nouveau cette réponse. (U. B., 5 janv.)
M. Nothomb,
secrétaire, dit que les pièces qu'on vient de déposer sont envoyées à
l'impression. (U. B., 5 janv.)
M. Charles Rogier, continuant
– Au reste, j'espère, messieurs, que ceux qui auront écouté la première lecture
avec attention, et sans prévention, n'auront vu dans la pensée du gouvernement
et du comité diplomatique que l'expression des sentiments du congrès lui-même
et du pays.
Si ce n'est pas la pensée du congrès, si ce n'est pas le vœu
du pays, alors ceux qui en ont l'administration sont prêts, j'en suis sûr à en
remettre le fardeau à d'autres qui seront plus dignes de sa confiance.
Mais alors, messieurs, au lieu de chercher à affaiblir leurs
successeurs par de continuelles attaques, par des personnalités, par des
injures, ils seront les premiers, descendus sur les bancs du congrès, à les
soutenir de leur influence, parce qu'ils croient, dans leur patriotisme, que ce
qu'il faut au pays, c'est de la force et de la confiance au dedans, c'est de la
dignité au dehors.
Par une autre conduite, ils craindraient de contribuer
au malaise dont on se plaint et dont on souffre aussi ailleurs qu'en Belgique ;
ils auraient scrupule et honte de faire, par système, une opposition en
définitive beaucoup plus hostile et fatale au pays qu'aux hommes que, de votre
volonté souveraine et peut-être malgré eux, vous avez maintenus à sa tête. (U.
B., 5 janv.)
M.
Forgeur – Messieurs, j'aurai peu de chose à ajouter après le
langage ferme et digne à la fois tenu à cette tribune. Je remarquerai que, (page 11) dans cette
occasion, le comité diplomatique a dignement répondu à l'attente du
congrès national et du pays. Notre situation se présente sous deux rapports
différents, avec
D'après la note lue au congrès, on semble vouloir contester,
d'une part, une partie de la province du Limbourg ; de l'autre, le grand-duché
de Luxembourg. Ces prétentions n'ont ni base ni fondement ; elle ne méritent que
d'être flétries par le ridicule. Eh ! de quel droit
Quant à ce qui concerne le grand-duché de Luxembourg, c'est
le comble de la déraison de contester cette province à
Toute la question est résumée par la note du comité
diplomatique en date de ce jour : c'est que le Luxembourg est lié à la
confédération germanique sous des rapports qu'il convient de préciser. Or, la
confédération germanique n'a pas pour but de garantir à telle ou telle famille
la possession de telle ou telle de ses parties, mais de garantir la
conservation des États eux-mêmes ; et le Grand Turc fût-il à la tête du
grand-duché, la confédération germanique n'aurait aucun droit de le détrôner,
tant qu'il observerait les traités et les rapports qui lient cette province à
la confédération. Ne nous inquiétons donc pas des prétentions de
Quant à la question de savoir si, pour le choix du souverain,
il ne convient pas de consulter le vœu des nations étrangères, je m'en rapporte
entièrement à ce que nous a dit M. Lebeau.
En terminant, je dois émettre un vœu, c'est celui de voir
apporter dans nos discussions cette dignité et cette observation des
convenances qui siéent à une assemblée qui sait se respecter et se rendre
respectable. Je veux surtout manifester le désir de voir cesser une opposition
injuste et odieuse contre des hommes qui n'ont accepté le pouvoir que par
dévouement, et qui ont su si bien mériter du pays, que je les en
remercie ici publiquement, sans craindre d'être accusé de leur prodiguer des
hommages adulateurs dont je suis incapable. (U. B., 5 janv.)
M.
Destriveaux, dans une improvisation étendue, repousse les
imputations dirigées contre le comité diplomatique qui, en présence de cinq colosses de
puissances, a soutenu le principe de la souveraineté nationale, et a
protesté contre le système suivi en 1815 et contre son renouvellement. (C., 4 janv.)
M.
Nothomb, membre du comité diplomatique – Je désire que cette
discussion soit aussi complète que possible ; la chambre des députés de France
a récemment accordé trois séances aux explications ministérielles ; vous ne
refuserez pas (page 12) quelques
heures, et, s'il le faut, une séance entière à votre comité diplomatique. Nous
ne pouvons tous que gagner à cette discussion.
Mon honorable collègue M. de Celles vous a dit que notre
position a complètement changé depuis la remise du protocole du 20 décembre ;
ce protocole nous était inconnu lorsque nous avons répondu aux quatre questions
que le congrès nous a adressées ; aujourd'hui, par la communication que nous
vous faisons, et les explications que nous y joignons, nous répondons à chacune
des questions d'une manière catégorique ; au lieu d'assertions vagues, vous
avez des documents authentiques. Si votre message nous parvenait aujourd'hui,
voici comment nous y répondrions.
La première question était celle-ci : Quel est l'état de
nos relations diplomatiques, et sur quelles bases sont-elles ouvertes avec les
envoyés des cinq grandes puissances ? Le protocole du 20 décembre, les deux
lettres d'envoi, et notre réponse en date du 3 janvier, vous font connaître
l'état de nos relations diplomatiques ; pour nous, la base des négociations est
l'intégralité du territoire belge ; cette base est invariable, et pour
ne laisser aucun doute, nous avons déclaré que l'intégralité du territoire
n'existerait pas, si la rive gauche de l'Escaut, la province de Luxembourg et
celle du Limbourg, étaient distraites de
Je passe à la deuxième question : Le choix du futur chef de
l'État est-il entré ou entre-t-il pour quelque
chose dans les négociations ? Nous avons répondu et nous répondons
négativement à cette question. Aucune communication ne nous a été faite à cet
égard, et il nous faudrait des pouvoirs particuliers du congrès pour recevoir
des propositions officielles de ce genre. La question du choix du chef de
l'État peut être examinée d'une manière abstraite ; vous pouvez, dès à présent,
déterminer les principes d'après lesquels la question peut, de préférence, être
résolue, sans désignation de personne ; vous donnerez de la sorte vous-mêmes
des instructions au gouvernement ; que l'un de vous use de son droit
d'initiative.
On nous demandait, en troisième lieu, si, en cas où
Enfin on demandait, en quatrième lieu, si le comité a
ouvert, ou va ouvrir avec
Ces réponses que je viens de donner succinctement résultent
de pièces authentiques ; là où la réponse est négative, il n'y a pas de pièces,
parce que la négation ne repose que sur l'absence même de communications
diplomatiques : en vous disant que le choix du chef de l'État n'a pas fait
l'objet de négociation, nous ne vous produisons et ne pouvons vous produire
aucun document ; le défaut de pièces est ici la preuve même de notre assertion.
Je ne quitterai pas cette tribune sans parler du
grand-duché de Luxembourg ; ma position particulière comme député de cette
province, mes affections personnelles me font une loi de dire quelques paroles
propres à détruire ce qu'il y a d'alarmant dans le protocole du 20. Messieurs,
nous avons l'assurance formelle que le territoire du grand-duché sera respecté
comme le territoire du reste de
M. le président – Avant
d'accorder la parole à M. de Robaulx, je suspendrai un instant la séance. (U.
B., 5 janv.)
(Après une suspension de quelques minutes, pendant lesquelles
une grande agitation a régné dans l'assemblée, la séance est reprise.) (U. B.,
5 janv.)
(page 13) M. le président
– La parole est à M. de Robaulx. (J. F., 3 janv.)
M.
de Robaulx – Si je devais répondre à tout ce qui
a été dit contre moi dans cette discussion, je serais obligé de rendre insulte
pour insulte ; mais ce n'est pas ma manière. Lorsque je me suis attaqué à un
être collectif, mes attaques n'ont porté sur personne en particulier ; ce que
j'ai fait, je me félicite de l'avoir fait, car je suis parvenu à mon but.
Lorsque j'ai dit qu'on n'avait pas répondu à mes questions, j'ai attaqué non
les hommes, mais les choses, et c'est là surtout que je veux avoir raison. Il
est résulté une chose de cette discussion, c'est que les réponses diplomatiques
n'étaient pas ce qu'elles devaient être, puisque la discussion seule nous a
appris ce que le comité diplomatique aurait dû nous dire, que les deux ducs de
Reichstadt et de Leuchtenberg étaient exclus de la candidature. (U. B., 5 janv.)
M. Lebeau – Ce n'est pas
le comité diplomatique qui a dit cela, c'est moi. (U. B., 5 janv.)
M.
de Robaulx – Nous ne saurions pas, sans la
discussion, que les puissances pourraient s'exclure entre elles. Nous n'avions
pas jusqu'ici entendu parler du système de M. Lebeau relativement à
l'intervention des puissances, permise, selon lui, s'il s'agissait d'avantages
commerciaux, d'extension de territoire, de l'adjonction des provinces du Rhin.
Eh bien ! messieurs, nous apprenons qu'il a été question de tout cela, ou qu'il
peut s'en agir. Nous ne saurions pas enfin, sans la discussion, que le roi de
Hollande se proposait d'ouvrir l'Escaut le 20 janvier. M. Nothomb, qui nous a
révélé ce fait, nous dit en même temps que le comité diplomatique en avait
exigé l'ouverture immédiate, et je l'en félicite. Mes questions n'étaient donc
pas si inutiles, et mon insistance a porté son fruit, puisque la discussion
nous a révélé ce que nous ignorions.
Je me plais à croire que les membres du comité diplomatique
ont des intentions pures et meilleures que leur capacité. (Rires et
murmures.) Or, j'ai attaqué leur capacité et non leurs intentions. (U. B., 5
janv.)
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’ORDRE DES TRAVAUX. DEMANDE DE PRIORITE POUR
M. Constantin Rodenbach – J'ai demandé
la parole pour soumettre une proposition à l'assemblée. (U. B., 5 janv.)
M. Liedts, secrétaire
– Voici la proposition de M. Constantin Rodenbach :
« J'ai l'honneur de
proposer au congrès national de procéder sans délai, dans les sections, à la
discussion de la question relative au choix du chef de
l'État. » (Appuyé.) (U. B.. 5 janv., et A. C.)
M.
le président – M. Rodenbach a la parole pour développer sa
proposition. (J. F., 5 janv.)
M. Constantin Rodenbach – Messieurs, si je
n'étais persuadé de l'urgence de ma proposition, je ne saisirais point
l'occasion qui s'offre, en ce moment, pour vous la soumettre. Mais la force des
choses, les discussions qui viennent d'avoir lieu, et l'état provisoire qui se
prolonge, nécessitent, en quelque sorte, que nous nous en occupions
immédiatement. La diplomatie étrangère semble, depuis quelque temps, s'être
emparée de la question vitale du choix de notre chef. Cette question si
délicate, qu'il nous appartient seuls de décider, les cinq grandes puissances
semblent vouloir la pressentir. Pour ce qui me regarde, je repousse cette
médiation de toute mon âme, et je désire que le congrès, sentant toute
l'étendue de ses devoirs, ne déroge ni à sa dignité ni à ses droits, et
choisisse librement un chef, sans écouter aucune influence étrangère au bien du
pays. Nous choisirons le chef qui convient à un pays libre. Ce sera là notre
réponse à toutes les insinuations diplomatiques. .
Il a pu paraître utile de faire d'abord la constitution, afin
que, dégagés de toute influence, nous ayons table rase, suivant
l'heureuse expression de M. le comte de Celles, et que nous ne soyons gênés par
aucune considération. Aujourd'hui, nos travaux constitutionnels sont. trop
avancés pour supposer que ce qui nous reste à faire puisse compromettre nos
libertés. Ce qui doit suivre, devant nécessairement se coordonner avec ce que
nous avons déjà fait, ne peut être hostile à nos droits politiques.
D'autres considérations plus importantes méritent, messieurs,
de fixer notre attention. Le pays est en alarme ; une agitation extrême règne
dans les esprits. Ici le parti orangiste ose relever la tête ; là des pétitions
peu patriotiques se signent et tendent à nous placer sous le joug de
l'étranger. Le gouvernement provisoire perd chaque jour de sa force et de son
influence. Le congrès lui-même est accusé de lenteur. Tous les jours on lui
reproche ses interminables débats. Ne laissons pas aux partis le temps de se
raffermir. Étouffons l'hydre de la guerre civile. Que le sang de nos braves
n'ait pas coulé en vain pour la patrie, pour la liberté ! Donnons un terme à
cette glorieuse révolution que nous sommes appelés à consolider. Les gouvernements
provisoires ne peuvent subsister longtemps ; ils sont faibles de leur
nature, quelque habiles que soient leurs chefs.
(page 14) On ne
doit pas se dissimuler non plus que nous ne pouvons trouver de garantie contre
la guerre civile que dans la stabilité. C'est donc la stabilité que j'invoque à
grands cris, pour comprimer les factions.
Montrons-nous dignes du peuple belge, dont nous sommes les
représentants ; dignes de la liberté qu'il vient de conquérir ! Qu'à la
voix de la patrie ; toutes les opinions se réunissent sur le choix du citoyen
le plus capable de remplir les hautes destinées où le vœu de la nation
rappelle. Repoussons toute intervention étrangère directe ; soyons Belges,
restons Belges !
Je n'entrerai pas, messieurs ; en développant ma proposition,
dans des considérations politiques, longues, fastidieuses, vagues. J'aime le
positif, surtout lorsque la diplomatie est dans l’embarras. C'est pour
atteindre un résultat matériel que j'ai eu l'honneur de vous proposer de nous
occuper immédiatement, dans les sections, de la solution de la question
relative au chef de l'État. (U. B., 5 janv.)
- La proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et
adoptée. (P.V.)
M.
le président – Quelqu'un demande-t-il la parole sur la communication
diplomatique ? (Aux voix ! aux voix ! La clôture !) (U. B., 5
janv.)
- La clôture est prononcée. (U. B., 5 janv.)
AUTRE
MOTION D'ORDRE RELATIVE A L’ORDRE DES TRAVAUX. DEMANDE DE PRIORITE POUR
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici une
proposition qui a été déposée sur le bureau :
« Les soussignés proposent au congrès de décider que les
séances du jour seront exclusivement consacrées à la constitution, et celles du
soir aux dispositions législatives qui auront été reconnues urgentes. »
« LEBEAU, le comte DE QUARRÉ, DEVAUX, DELWARDE, FORGEUR,
LIEDTS, le vicomte CHARLES VILAIN XIIII, FLEUSSU, JOTTRAND, SPEELMAN, NOTHOMB,
GELDERS, BERGER, SIMONS. » (Appuyé ! appuyé !) (U. B., 5 janv. et C., 4 janv.)
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée. (P.V.)
RAPPORT
D'UNE COMMISSION DE VERIFICATION DES POUVOIRS
M. Pirson, au nom de la septième
commission de vérification des pouvoirs, propose l'admission de M. Antoine Ernst, comme
député du district de Liége, en remplacement de M. Nagelmackers, qui a donné sa
démission. (C., 4 janv.)
M. Forgeur dit que M. Ernst n'acceptera pas,
que sa lettre parviendra au congrès demain. (C., 4 janv.,
et J. B., 5 janv.)
- L'admission
de M. Ernst est ajournée. (U. B., 5 janv.)
Titre III : Des pouvoirs
L'ordre du jour appelle
la discussion sur le titre III du projet de constitution intitulé : Des pouvoirs.
- Il n'y a
pas d'orateurs inscrits sur l'ensemble des articles. (U. B., 5 janv.)
M.
le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de l'art. 1er en ces
termes :
« Art.
1er. Tous les pouvoirs émanent de la nation.
« Ils
sont exercés de la manière établie par la constitution. » (U. B., 5 janv., et A. C.)
M. Vander Linden demande
la parole contre cet article et lit un long discours dans lequel il s'élève
contre la souveraineté du peuple et établit que toute puissance vient de Dieu, omnis potestas à Deo.
(C., 4 janv.)
M. Pirmez
présente l'amendement suivant, au 2e paragraphe :
« Ils
sont exercés de la manière établie par la constitution et par les lois. » (A.)
M. Le Grelle demande qu'on dise : Tous les pouvoirs
constitutionnels émanent de la nation. (A.)
Des voix – Non ! non ! (J. F., 5 janv.)
M. le comte de Baillet fait observer que puisque l'art. 1er
se trouve dans la constitution, il va sans dire que les pouvoirs dont on y
traite ne sont que des pouvoirs constitutionnels. (J. F., 5 janv.)
- L'amendement
de M. Le Grelle est rejeté. (U. B., 5 janv.)
L'art. 1er
est adopté sans amendement. (P. V.)
Article 2
« Art. 2.
Le pouvoir législatif s'exerce collectivement par le chef de l'État, la chambre
des représentants et le sénat. » (A. C.)
M. Seron propose de substituer à cet
article la disposition suivante:
« Le
pouvoir législatif s'exerce par les deux chambres électives. » (A.)
(page 15) M.
le président – M. Seron a la parole pour développer son amendement.
(U. B., 5 janv.)
M. Seron – Messieurs,
la souveraineté réside dans la nation ; vous le reconnaissez vous-même en
déclarant que tous les pouvoirs émanent d'elle. Si la souveraineté de la nation
était une chimère, l'unité serait plus que le nombre, la partie plus que le
tout, un seul homme plus que des millions d'hommes, plus que tous les Belges
ensemble ; les peuples seraient faits pour les rois et non les rois pour les
peuples.
De plus, la souveraineté est inaliénable ; je ne crois pas
avec un publiciste que ces vérités sont seulement bonnes en théorie, ni qu'il
soit dangereux de les rappeler au peuple ; je pense au contraire qu'il est bon
qu'il les ait sans cesse présentes à l'esprit afin de ne pas se
laisser opprimer.
Il en résulte que quand la nation belge, dans l'impossibilité
de faire elle-même ses lois, est forcée de confier cet important travail à un
certain nombre de ses membres qu'elle croit des plus capables, alors ceux-ci
deviennent ses représentants, ses mandataires, mais ils ne deviennent pas le
souverain ; pas plus que l'homme que je charge de vendre ma terre n'en devient
le propriétaire en vertu de ma procuration dont il est porteur. C'est ce qu'a
reconnu ici l'honorable M. Raikem dans votre avant-dernière séance du soir.
Je conçois donc qu'il puisse y avoir deux
chambres nommées par le peuple pour un temps déterminé et chargées par lui de
la formation de la loi. Je ne vois là qu'une simple délégation de pouvoirs.
Je conçois encore que le peuple puisse, pour un temps plus ou
moins long, confier le pouvoir exécutif, c'est-à-dire l'exécution des lois, à
un homme qui s'appellera, si l'on veut, le chef de l'État ; car de ce que cet
homme sera chargé de faire exécuter les lois, il ne s'ensuivra pas qu'il soit
investi de la souveraineté.
Mais que le peuple puisse confier à un chef héréditaire, et
conséquemment à perpétuité, ne fût-ce qu'une portion du pouvoir
législatif, c'est ce qui me paraît inconciliable non-seulement avec
l'inaliénabilité de la souveraineté, mais encore avec la nature du mandat qui
est toujours révocable.
Il m'est donc impossible d'admettre l'art. 2 du titre III du
projet, ouvrage de votre section centrale, où il est dit que « le pouvoir
législatif s'exerce collectivement par le chef de l'État, la chambre des
représentants et le sénat ; » j'y vois un renversement total des principes.
Au reste, l'idée de cette confusion de pouvoirs qui ne
devraient jamais être réunis dans la même main, est prise des Anglais qu'on
nous peint sans cesse comme le peuple le plus éclairé, le plus sage et le plus
libre de tous les peuples. Mais au fait, quand on examine sans prévention son
prétendu gouvernement-modèle, on n'y voit qu'un
édifice gothique indigne de la civilisation moderne et à la veille de
s'écrouler. Et peut-on dire que ce gouvernement fasse le bonheur du peuple
anglais quand l'énormité de la taxe des pauvres atteste que la plus grande
partie de la nation gémit dans la misère ?
Je demande qu'il soit substitué à l'art. 2 la
disposition suivante :
« Le pouvoir législatif s'exerce par les deux chambres
électives. »
Il me semble, messieurs, qu'avec le seul pouvoir
exécutif tel que l'entend le projet de constitution, le chef de l'État ne sera
pas mal partagé, et que lui accorder une part quelconque dans le pouvoir
législatif, c'est marcher vers le despotisme qui n'a que trop pesé sur nous.
(E., 5 janv.)
- L'amendement de M. Seron est mis aux voix et rejeté.
(U. B., 5 janv.)
L'art.
2 est adopté. (P.V.)
Article 3
« Art.
« Néanmoins toute loi relative
aux recettes ou dépenses de l'État, ou au contingent de l'armée, doit d'abord
être votée par la chambre des représentants. » (A. C.)
Un membre propose
l'amendement suivant – « L'initiative appartient à chacune des deux branches du
pouvoir législatif. Néanmoins le pouvoir exécutif peut proposer des mesures,
mais non en forme de loi. » (A.)
M. Jottrand demande d'y
ajouter que l'initiative de la mobilisation de la garde civique n'appartient
également qu'aux chambres. (J. F., 5 janv.)
- Sur les observations de M. Lebeau, M. Jottrand retire sa motion. (J. F., 5 janv.)
L'art.
3 est adopté. (P.V.)
Articles 4 à 7
« Art.
» Art. 5. Au chef de l'État appartient le pouvoir exécutif,
tel qu'il est réglé par la constitution. » - Adopté. (A. C., et P.V.)
« Art. 6. Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et
tribunaux. Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du chef de l'État. » -
Adopté. (A. C., et P.V.),
(page 16) « Art.
7. Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les
conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par
la constitution. » -
Adopté. (A. C., et P.V.)
Chapitre 1er - Des chambres
Articles 8 à 10
« Art. 8. Les séances des chambres sont publiques.
« Néanmoins, chaque chambre se forme en comité secret,
sur la demande de son président ou de dix membres. Elle décide ensuite, à la
majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet. »
- Adopté. (A. C., et P.V.)
« Art. 9. Chaque chambre vérifie les pouvoirs de ses membres,
et juge les contestations qui » s'élèvent à ce sujet. » - Adopté. (A. C., et
P.V.)
« Art. 10. On ne peut être à la fois membre des deux
chambres. » - Adopté. (A. C., et
P.V.)
« Art. 11. Le membre de l'une ou de l'autre des deux
chambres, nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu'il accepte, cesse
immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu'en vertu d'une nouvelle
élection. » (A. C.)
M. de Tiecken de Terhove propose un
amendement ainsi conçu :
« Les membres des deux chambres ne pourront être revêtus
d'aucune fonction de cour, ni de toute autre fonction amovible, salariée par le
gouvernement. » (A.)
- Cet amendement, après avoir été développé, est mis
aux voix et rejeté. (U. B., 5 janv.)
L'art.
11 est adopté. (P.V.)
Articles 12
« Art.
« Art. 13. Toute résolution est prise à la
majorité absolue des suffrages.
« En cas de partage des voix, la proposition est
considérée comme rejetée.
« Aucune des deux chambres ne peut prendre de
résolution, que la majorité de ses membres ne se trouve réunie. » (A. C.)
M. Devaux
propose d'ajouter au 1er paragraphe :
« Sauf ce qui sera établi par les règlements des chambres, à
l'égard des élections et présentations. » (P.V., et A.)
- Cet amendement est adopté, ainsi qu'un amendement de M.
Forgeur, qui consiste à
retrancher du second paragraphe les mots : considérée comme. (P.V.)
L'art. 13, ainsi amendé, est adopté. (P.V.)
Article 14
« Art. 14. Les votes seront émis à haute voix ou par
assis et levé. Sur l'ensemble des lois il sera toujours voté par appel nominal
et à haute voix. Les élections et présentations de candidats se
feront au scrutin secret. » (A. C.)
- Cet article est adopté avec les verbes au présent au
lieu du futur. (P.V.)
Articles 15 et 16
« Art. 15. Chaque chambre a le droit d'enquête. »
- Adopté. (A. C., et P.V.)
« Art. 16. Un projet de loi ne peut être adopté par l'une des
chambres qu'après avoir été voté par article. » (A. c.)
- Cet article est adopté avec l'addition du mot : article,
aux mots : avoir été voté. (P.V.)
« Art. 17. Les chambres ont le droit d'amender et celui
de diviser les articles et les amendements proposés. » (A. c.)
M. de Roo propose un
paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Néanmoins si une loi adoptée par la chambre des
représentants est rejetée ou amendée par le sénat, elle sera renvoyée à la
chambre des représentants pour y être discutée de nouveau, et elle ne pourra
recevoir la sanction royale que si elle a été votée à la majorité des trois
quarts des membres présents, en cas de rejet, et à la majorité absolue, en cas
d'amendement.
« La loi amendée ne subira plus de nouveaux
amendements.
« La loi rejetée ne pourra être discutée de nouveau par
la chambre des représentants que dans la prochaine session. » (A.)
- Cette proposition n'est pas appuyée. (J. F., 5
janv.)
-
L'art. 17 est adopté. (P.V.)
Articles 18 à 21
« Art. 18. Il est interdit de présenter en personne des
pétitions aux chambres.
« Chaque chambre a le droit de renvoyer aux ministres
les pétitions qui lui sont adressées. Les ministres sont tenus de donner des
explications sur leur contenu, chaque fois que la chambre l'exige. » - Adopté.
(A. C., et P.V.)
« Art. 19. Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre
ne peut être poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions et votes émis par
lui dans l'exercice de ses fonctions. »- Adopté. (A. C., et
P.V.)
« Art. 20. Aucun membre de l'une ni de l'autre chambre ne
peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté, en matière (page 17) criminelle, correctionnelle ou
de simple police, sauf le cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de la
chambre dont il fait partie.
« Aucune contrainte par corps ne peut être exercée
contre un membre de l'une ou de l'autre chambre, durant la session, qu'avec la
même autorisation.
« La détention ou la poursuite d'un membre de
l'une ou de l'autre chambre est suspendue pendant la session, et pour toute sa
durée, si la chambre le requiert. » (A. C.)
Cet article est adopté avec la substitution des mots : en
matière de répression, à ceux de : en matière criminelle,
correctionnelle ou de simple police. (P.V.)
« Art. 21. Chaque chambre détermine par son règlement le mode
d'après lequel elle exerce ses attributions. » - Adopté. (A. C., et P.V.)
- La séance est levée à quatre heures et demie. (P.V.)