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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 14 avril 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives au chemin de fer de Bruxelles à Gand (Verhaegen, Delfosse, Verhaegen, de Man d’Attenrode), à
l’organisation de l’instruction moyenne((+emploi obligatoire du flamand) de T’Serclaes, de Haerne, Liedts), au notariat (Vilain XIIII, de Tornaco, Delehaye, Verhaegen, de Haerne), à une
route dans le Namurois (de Garcia) et au traitement
des secrétaires communaux (Rodenbach, Simons, de Man d’Attenrode, de Bonne, de Theux)
2) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires au budget de la dette publique (Veydt,
Osy)
3) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au
département des finances, pour l’acquisition d’immeubles à Bruxelles (rue de la
Loi) (Lebeau, de Theux)
4) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires au budget du département des travaux publics.
Entrepôt d’Anvers (Loos, de Theux,
Rogier)
5) Motion d’ordre relative
au jury d’examen universitaire (de Man d’Attenrode, Verhaegen, de Theux)
6) Projet de loi visant à
placer le service des recettes du chemin de fer de l’Etat sous la surveillance
du ministre des finances
7) Projet de loi portant le
budget du département des travaux publics pour l’exercice 1847. Discussion des
articles. Infrastructures publiques. Anomalies dans les procédures d’adjudication
du chemin de fer de Quenast à Tubise (Jonet, de Bavay, Verhaegen, (+réplique
générale) (de Bavay)), route dans la province de Liége
(Delfosse), canaux de la Campine, bureaux de
bienfaisance et situation sociale (Osy, Mast
de Vries), canal de Diest à Vilvorde, service du Demer (de La Coste), canaux de la Campine, bureaux de
bienfaisance d’Anvers (Loos, Osy),
bureaux de bienfaisance et situation sociale (d’Anethan),
canaux de la Campine, bureaux de bienfaisance d’Anvers (Mast
de Vries), situation sociale dans les Flandres (Desmet),
bureaux de bienfaisance (Eloy de Burdinne), canaux de la
Campine (A. Dubus), réplique générale (de Bavay), service de la Lys et de l’Escaut (Moervaert et
canal de Stekene) (de T’Serclaes, de Bavay, de T’Serclaes),
services des plantations et de l’administration (fiscale) des forêts (de Bavay, Anspach, Brabant, Dumortier, Malou, Osy, Malou,
de Garcia, de Tornaco, Malou, Osy, Anspach,
Desmaisières, de Garcia, d’Hoffschmidt, Brabant, Malou, Rogier, de
Bavay, Rogier)
8) Projet de loi relatif à
la formation d’une société d’exportation linière. Amendements du gouvernement (Dechamps, Rogier, Delehaye, Rodenbach)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1449) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à midi et quart.
Il donne ensuite lecture
du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. A.
Dubus fait
connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Un grand nombre
d'habitants de Bruxelles prient la chambre de décréter, pendant la session
actuelle, la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par
Alost. »
M. Verhaegen. - Les pétitions dont vous venez d'entendre l'analyse sont
revêtues d'un très grand nombre de signatures. Le conseil communal de
Bruxelles, la chambre de commerce, tout le commerce de Bruxelles demandent
qu'on prenne enfin une décision sur la question du chemin de fer direct de
Bruxelles à Gand. Je pense, messieurs, qu'il convient de s'occuper de cet objet
qui est de la plus grande urgence et de la plus haute importance.
Je demande le dépôt de
ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux
publics, et j'espère qu'à la suite des discussions qui vont s'engager, il
pourra surgir sur nos bancs une proposition qui sera de nature à forcer le
gouvernement à prendre un parti. Je demande, en outre, qu'une de ces pétitions,
qui sont toutes conçues dans les mêmes termes et qui ne sont pas longues, soit
insérée au Moniteur.
M. Delfosse. - La proposition de l’honorable membre est contraire aux
antécédents de la chambre ; mais on pourrait charger le bureau de prendre
connaissance de la pétition, pour s'assurer s'il n'y aurait pas d'inconvénient
à la publier.
M. le président. - Un rapport a été fait hier sur une
pétition de même nature ; la chambre en a ordonné le dépôt pendant la discussion
du budget des travaux publics, et, après cette discussion, le renvoi au
ministre. M. Verhaegen demande l'insertion au Moniteur.
M. Verhaegen. - La pétition dont je demande l'insertion au Moniteur
n'est pas longue ; elle est conçue en termes très convenables. Au reste, je
m'en rapporte au jugement du bureau, comme le propose mon honorable ami M.
Delfosse.
Je demande cette
insertion pour que mes collègues soient informés des motifs qui concourent à
engager le gouvernement et les chambres à s'occuper de cet objet.
M.
de Man d’Attenrode. - Je ne puis admettre l'insertion qu'on vous demande, car si vous
ordonnez l'insertion au Moniteur d'une pétition favorable à la création d'un
chemin de fer direct de Gand à Bruxelles, il faudra permettre également
l'insertion des réclamations qui s'opposent à ce chemin, et il s'établira alors
dans le Moniteur une controverse pour laquelle il n'est pas fait. Je trouve que
le Moniteur est déjà assez trop encombré de documents de toute nature. Je
m'oppose en conséquence à l'insertion demandée.
M. Verhaegen. - Ma proposition accessoire n'a pas
assez d'importance pour qu'elle puisse être l'objet d'une discussion sérieuse.
Je n'insiste donc pas sur l'insertion au Moniteur ; il y a d'ailleurs un autre
moyen d'obtenir la publicité que nous désirons.
- Le dépôt sur le bureau
est ordonné.
« Les sieurs Guinars,
Verest et autres membres de la chambre de rhétorique dite Goud Bloem à
St.-Nicolas, demandent que le projet de loi sur l'enseignement moyen contienne
une disposition qui rende obligatoire, dans toutes les classes, l'enseignement
de la langue parlée par la majorité des habitants de la province et qui
prescrive que dans les provinces flamingantes, les langues allemandes et
anglaises seront enseignées au moyen du flamand. »
M. de T’Serclaes. - Je recommande à l'attention toute
spéciale de la chambre et du gouvernement, l'objet de la pétition dont vous
venez d'entendre l'analyse ; la chambre de rhétorique de Saint-Nicolas joint
ses réclamations à celles des sociétés et corps savants qui s'occupent du
développement de la langue et de la littérature flamande, à celles d'un nombre
considérable de villes et communes de plusieurs de nos provinces. Elle demande
que l'on insère, dans la loi sur l'instruction secondaire, une disposition
formelle sur l'enseignement du flamand ; cette demande est juste, elle est
éminemment utile.
Un
jour, messieurs, et ce jour n'est peut-être pas loin, l'on s'étonnera que les
pouvoirs publics aient pu négliger, comme on le fait aujourd'hui, un élément
précieux de nationalité, et un moyen si facile de communiquer avec les nations
d'origine germanique qui nous entourent.
Quant aux droits de la
langue flamande, et aux rapports que cette question présente avec les principes
de la Constitution, le moment n'est pas venu de nous en occuper. Je me réserve
de traiter ces points lors de la discussion de la loi sur l'enseignement moyen.
Quant à présent, je demande que la pétition de la chambre de rhétorique de
Si-Nicolas soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de
loi.
M. de Haerne. - Je me joins à l'honorable préopinant pour demander le
renvoi de la pétition dont il s'agit à la section centrale chargée d'examiner
le projet de loi sur l'instruction secondaire. A cette occasion, j'aurai
l'honneur de rappeler à la chambre qu'il y a six semaines environ, j'ai demandé
à quoi la section centrale en était de son travail. Je désirerais savoir si son
examen avance.
D'après ce que j'entends,
elle ne se réunit pas souvent, et elle est loin d'être sur le point d'avoir
accompli sa tâche.
C'est un objet très
important, d'autant plus qu'il a été annoncé plusieurs fois dans des discours
du trône et remis plusieurs fois. Je crois qu'il est temps de s'en occuper.
Je prie donc M. le
président de vouloir bien nous dire si la section centrale sera bientôt en
mesure de présenter son rapport. Il y a utilité et urgence à ce que ce rapport
soit présenté dans la session actuelle, alors même qu'on ne pourrait pas s'en
occuper dans cette session, parce que peut-être il y aura, après lés élections,
une session extraordinaire où l'on pourrait discuter ce projet de loi.
M. le président
(M. Liedts). - La section centrale, chargée de l'examen du projet de loi relatif à
l'instruction moyenne ne sera pas en mesure de présenter son rapport dans le
cours de cette session. Des projets de loi plus urgents ont absorbe tous ses
instants. Elle s'occupera au premier jour des budgets de 1848.
Il m'est indifférent dans
quel ordre la chambre prescrit l'examen des projets de loi qui sont renvoyés en
section centrale. Mais comme nous tenons tous à ce que l'on s'occupe des
budgets, à l'ouverture de la session prochaine, mon opinion est que ces projets
aient la priorité sur le projet de loi relatif à l'enseignement moyen.
« Les notaires cantonaux
prient la chambre de discuter, pendant la session actuelle, le projet de loi
sur le notariat. »
- Pris pour information.
M. Vilain XIIII. - Je demande que ce projet, dont le
rapport est distribué depuis quinze jours, soit mis à l'ordre du jour après les
projets de loi qui y sont déjà, et même après le projet de loi relatif à la
société d'exportation.
Je ne me fais pas
illusion sur l'époque où il sera discuté ; je ne crois pas qu'il soit discuté
dans cette session. Mais il est désirable qu'il ait son tour de parole à la
session prochaine.
M. de Tornaco. - Je viens
appuyer la proposition qui vous est faite par l'honorable vicomte Vilain XIIII.
Je crois qu'il est temps de mettre un terme à l'incertitude où l'on a laissé le
notariat. Je ne me fais pas plus que l'honorable préopinant illusion sur le
sort du projet dans cette session. Mais il est à désirer que ce projet figure à
l'ordre du jour dans la session prochaine.
Je demanderai à la chambre
la permission de saisir cette occasion de dire un mot sur un fait qui m'est
personnel.
Un
journal, qui se publie en France, vous a été distribué ce malin, ou hier soir ;
il contient une lettre qui m'est adressée. Je ne sais ce qui a pu me valoir cet
honneur. Mais je suis porté à croire que le vif intérêt que j'ai témoigné à
l'auteur au sujet de l'institution du notariat a pu seul le déterminer à
m'adresser la lettre dont il s'agit
Des observations m'ayant
été faites par plusieurs de mes honorables amis au sujet de cette lettre, je
crois devoir déclarer à la chambre que cette insertion a eu lieu sans que je
fusse consulté.
Je
déclare en outre qu'il ne peut être tiré de cet écrit aucune induction touchant
mon opinion sur le notariat. Mon opinion n'est pas arrêtée. J'attendrai, pour
l'arrêter, que la discussion ait lieu. En un mot, je suivrai dans cette
question la marche que je suis dans toutes les autres.
M. Delehaye. - J'appuie également la proposition
de M. Vilain XIIII. Mais comme cet honorable membre demande la mise à l'ordre
du jour, après le projet de loi relatif à la société d'exportation, je dois
faire remarquer à la chambre qu'elle n'a pas pris de résolution sur cet objet.
Je demande donc que ce projet soit mis à l'ordre du jour après le budget des
travaux publics. Après cela, viendrait la loi sur le notariat.
M. Verhaegen. - J'appuie aussi la proposition qui vient de vous être
faite. Il serait à désirer que le projet de loi sur le notarial pût être
discuté tout de suite ; il y aurait un grave inconvénient à le renvoyer à la
session prochaine. Je sais bien que c'est une question irritante ; mais il faut
que toutes les questions se vident. Il faut enfin que l'on sache à quoi s'en
tenir.
Je me joindrai donc à la
proposition faite par mes honorables amis de mettre ce projet de loi à la suite
du projet de loi sur la société d'exportation. (page 1450) Si l'on ne peut s'en occuper pendant cette session, on
le discutera au moins à l'ouverture de la prochaine session.
M. le président. - Il n'y a pas d'opposition.
M. de Haerne. - S'il n'y a pas d'opposition, je me
bornerai à une courte observation.
Je crois qu'après le
budget des travaux publics, il y a encore plusieurs autres projets qui figurent
à l'ordre du jour. Comme celui qui est relatif à la société d'exportation est
très urgent, je demanderai qu'on s'en occupe immédiatement après l'examen du
budget, et que la discussion du projet de loi sur le notariat vienne ensuite.
- La chambre met à
l'ordre du jour, après le budget des travaux publics, 1° le projet de loi sur
la société d'exportation ; 2° le projet de loi sur le notariat.
« L'administration
communale de Flostoy demande le redressement de la route d'Andenne à Havelange,
avec embranchement vers Ciney à la côte dite d'Andenne. »
M. de Garcia. - Je demanderai
que cette pétition soit renvoyée à ta commission des pétitions avec prière de
faire un prompt rapport.
Sans doute je n'ai pas
l'espoir que cette pétition puisse être appréciée dans la discussion du budget
actuel. Mais mon but est d'être à même de pouvoir réclamer le renvoi de cette
requête à M. le ministre des travaux publics afin qu'elle soit prise en
considération dans le budget de l'exercice prochain.
- Le renvoi à la
commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, est adopté.
____________________
« Plusieurs débitants de boissons distillées à
Merchtem demandent des modifications à la loi du 18 mars 1838. »
- Renvoi à la section
centrale qui sera chargée d'examiner le budget des voies et moyens pour 1848.
____________________
« Le sieur Wauters réclame l'intervention de
la chambre pour obtenir une indemnité du chef des pertes qu'il a subies par
suite des changements de construction faits à la station du chemin de fer à
Malines. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
« Les secrétaires communaux de
l'arrondissement de Roulers prient la chambre d'améliorer leur position. »
M.
Rodenbach. - Messieurs, la pétition dont on vient de vous faire l'analyse, vous a
été adressée par les secrétaires communaux du district de Roulers.
Ils se plaignent du
surcroît de besogne qu'on leur donne sans salaire ; ils parlent de rapports
statistiques qu’on leur demande, rapports qui ne sont que d'un intérêt très
secondaire, pour les communes et qui sont seulement utiles à l'administration
générale. Ils se plaignent notamment de ce que depuis peu on leur a adressé des
registres de population tels que, s'ils devaient suivre exactement les
instructions qui leur sont données, il faudrait un commis tout exprès pour les
tenir. Enfin, ils disent que leur traitement actuel n'est pas plus élevé que
celui d'un garde champêtre.
Cependant,
messieurs, pour être secrétaire d'une commune il faut de l'instruction.
Je crois donc la demande
des pétitionnaires assez fondée. II me paraît que, si le gouvernement leur
donne une besogne extraordinaire qui est tout à fait dans un intérêt
gouvernemental, il convient qu'il leur accorde des gratifications ou des
suppléments de traitement.
Je prie donc M. le.
ministre de l'intérieur de bien vouloir examiner avec attention cette pétition.
Il nous est arrivé de presque tous les districts du royaume de semblables
doléances. J'appuierai donc le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Simons. - Messieurs, j'appuie également ce
renvoi. Il n'est que trop vrai que les secrétaires communaux sont accablés de
besogne qui ne concerne pas la commune, mais qui concerne l'administration
générale.
Je puis affirmer que la
plus grande partie des secrétaires communaux des campagnes, dans mon
arrondissement, ne reçoivent pas un traitement égal à celui d'un garde
champêtre. Il serait donc convenable d'allouer une certaine somme au budget
pour pouvoir accorder des suppléments de traitements aux secrétaires communaux
des localités dont les ressources ne permettent pas de salarier convenablement
ces fonctionnaires intéressants, pour leur donner au moins une honnête
existence. Les secrétaires communaux doivent souvent avoir recours à des
employés qu'ils doivent rétribuer pour expédier la besogne qui leur est envoyée
par le gouvernement, et qui est la plupart du temps étrangère aux affaires de
la commune. Ces dépenses extraordinaires, que ces fonctionnaires communaux sont
obligés de s'imposer dans l'intérêt de la marche régulière des affaires,
absorbent souvent la modeste rétribution dont ils jouissent ; aussi la plupart
sont découragés au point qu'on ne trouve que difficilement des personnes aptes
à ces fonctions importantes, qui veulent encore s'en charger.
M.
de Man d’Attenrode. - Je me joins à mes honorables collègues pour appuyer la réclamation des
secrétaires communaux. Il est positif que depuis quelque temps le gouvernement
central les surcharge d'une besogne qui augmente annuellement. Ils sont
accablés de travaux statistiques, qui demandent un temps considérable, et leurs
traitements ne sont pas proportionnés avec ce travail. Ces traitements sont à
charge des communes, et ne peuvent être augmentés par conséquent, conformément
à l'article 111 de la loi communale, que sur la proposition des conseils
communaux qui ont à prendre l’initiative ; et comme le travail extraordinaire
qui est imposé aux fonctionnaires dont il s'agit, ne concerne pas les intérêts
de la commune, les conseils ne consentent pas imposer de nouvelles charges à
leurs administrés, pour augmenter ces traitements. Il en résulte que ces
fonctionnaires se trouvent dans une espèce d'impasse, dont ils ne parviennent
pas à sortir.
Au budget des travaux
publics, on trouve tout simple de proposer des traitements pour des jeunes gens
qui sont surnuméraires depuis un an ; on propose pour eux des traitements,
doubles et triples de ceux des secrétaires communaux des campagnes, et ces fonctionnaires
qui sont, en quelque sorte, le point de départ de l'administration du pays, ne
parviennent pas à obtenir la moindre amélioration à leur sort, et ne savent a
qui s'adresser pour obtenir une augmentation à laquelle ils ont tant de titres.
J'en connais, je le dis
sérieusement, qui dépérissent à force de travail ou qui sont obligés de
s'adjoindre des aides pour parvenir à expédier la besogne extraordinaire qui
leur est imposée.
La
proposition que l'honorable M. Simons vient de faire a une certaine gravité ;
elle tendrait en quelque sorte à faire accorder aux secrétaires communaux un
traitement sur le budget de l'Etat ; au reste, j'appelle sur cette question
l'attention de M. le ministre de l'intérieur, et j'espère qu'il trouvera un
moyen d'augmenter des traitements qui restent immobiles depuis 20 ans, et qui
ne sont plus proportionnés soit avec une besogne toujours croissante, soit avec
le prix des subsistances, qui ne cesse de s'élever avec la valeur de toute
chose.
M. de Bonne. - Pour répondre à la demande de l'honorable M. de Man, je
rappellerai à M. le ministre de l'intérieur que parmi les pétitions sur
lesquelles j'ai eu l'honneur de faire rapport à la chambre il y en avait
plusieurs de secrétaires communaux qui demandaient qu'il leur fût alloué une
certaine somme par nombre d'habitants. Je pense, an moins, que c'était là le
sens de ces pétitions dont je ne me rappelle plus très bien les termes, car
c'était à la fin de la dernière session que j'ai fait le rapport dont il s'agit
; ces pétitions ont été renvoyées à M. le ministre de l'intérieur avec demande
d'un rapport. Si, M. le ministre voulait bien examiner les différentes mesures
qui y sont proposées, il pourrait présenter un projet pour rémunérer un peu
mieux les secrétaires communaux.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, c'est une question à examiner, mais qui ne peut
évidemment pas être résolue dans la présente session. Elle est trop grave dans
ses conséquences pour pouvoir être traitée convenablement dans le moment
actuel.
- La chambre ordonne le
renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
____________________
« Le sieur Wargnies demande que la ville de
Wavre soit maintenue comme point de jonction des chemins de fer concédés, de
Luxembourg à Bruxelles et de Louvain à Charleroy. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du budget des travaux publics.
____________________
« Plusieurs habitants et membres des
administrations communales d'Uccle, Droogenbosch, Forest, Huysbroeck, Beersel,
Linkebeek, Alsemberg et Rhode prient la chambre de ne pas donner suite à la
demande qui a pour objet de transférer à Ixelles le chef-lieu du canton
d'Uccle. »
- Renvoi à la commission
des circonscriptions cantonales.
____________________
« Le conseil de fabrique de l'église de
Lantremange demande l'exécution d'un jugement qu'il a obtenu, le 10 mai 1845,
contre le domaine et qui a été confirmé par la cour d'appel de Liège, le 10
décembre de la même année.
- Renvoi à la commission
des pétitions.
____________________
M. de Mérode informe la
chambre que des affaires urgentes l'obligent à prolonger jusqu'à jeudi son
absence de Bruxelles.
Pris pour information.
____________________
M. Pietry fait hommage à
la chambre d'une brochure sur la pourriture des bêtes à laine. »
- Dépôt à la
bibliothèque.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DE LA
DETTE PUBLIQUE
M. Veydt. - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer le rapport sur des crédits supplémentaires demandés au budget de la
dette publique pour les exercices 1845 et 1846.
M. le président. - Il est donné acte à M. le
rapporteur du dépôt de ce rapport qui sera imprimé et distribué. A quel jour la
chambre veut-elle fixer la discussion de cet objet ?
M. Osy. - Je demande que la discussion de ce
crédit supplémentaire et de ceux sur lesquels j'ai fait rapport précédemment,
ait lieu entre le vote du budgets des travaux publics et celui de la société
d'exportation.
La chambre sait que quand
on fixe le vote des crédits supplémentaires à la fin de la session, il n'y a
ordinairement pas de discussion.
- La proposition de M.
Osy est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT
DE L’INTERIEUR
M. Lebeau. - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à
l’acquisition de deux hôtels attenant à un hôtel ministériel.
Des membres. - Quelles sont les conclusions de la
section centrale ?
M. Lebeau. - Voici les conclusions :
« La
section centrale, passant à l'examen du projet de loi, l'a adopté à la majorité
de quatre voix contre une, sous la condition expresse, indiquée par la sixième
section, et adoptée dans les termes suivants par M. le ministre des finances au
nom du gouvernement et après en avoir référé à ses collègues.
« Le gouvernement
prend l'engagement de transférer rue de la Loi les (page 1451) ministères des travaux publics et de la justice, dès que
les circonstances le permettront et en tout cas dans le terme de quatre années,
moyennant l'allocation des crédits qui seront reconnus nécessaires pour l'achat
ou la construction des locaux destinés aux bureaux. »
M. le président. - Il est donné acte à M. le
rapporteur du dépôt de ce rapport qui sera imprimé et distribué. A quel jour la
chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il y a un délai fixé : le 1er mai ; la chose est dès lors
urgente. Je propose à la chambre de mettre cet objet à l'ordre du jour après le
budget des travaux publics.
- Cette proposition est
adoptée.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. le président. - M. le ministre des finances, dans
la séance d'hier, a déposé un projet de loi tendant à ouvrir au gouvernement un
crédit de 1,200,000 fr., destiné entre autres à l'achèvement de l'entrepôt
d'Anvers ; la chambre ne s'étant plus trouvée en nombre pour se prononcer sur
le renvoi soit aux sections, soit à une commission, je dois consulter en ce
moment la chambre.
M. Loos. - Messieurs, l'un des crédits qui
ont été proposés par M. le ministre des finances a pour objet l'achèvement de
l'entrepôt d'Anvers. Les fonds réclamés pour cet achèvement sont indispensables
au point de vue de tous les intérêts ; au point de vue de l'intérêt de la
conservation des constructions faites jusqu'ici, et au point de vue de
l'intérêt du trésor et de celui du commerce.
Messieurs, je pense qu'il
serait utile de renvoyer ce projet à la section centrale qui a examiné le
budget des travaux publics. La section centrale pourrait, en examinant
immédiatement ce projet, nous faire un rapport dans le cours de la discussion
actuelle du budget des travaux publics.
Je le répète, il est de la dernière urgence de voter le
crédit ; si l'on ne veut pas voir dépérir les travaux qui ont été exécutés
jusqu'aujourd'hui, il est essentiel que, dans la campagne actuelle, on puisse
procéder à l'achèvement des travaux, pour mettre les bâtiments à l'abri des
intempéries de la saison auxquelles ils ont été exposés pendant l'hiver
dernier.
Je demande que la chambre
ordonne le renvoi du projet à la section centrale du budget des travaux
publics, avec invitation de faire un prompt rapport.
Des membres. - Appuyé !
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je me joins à la proposition de l'honorable préopinant, et
j'ajouterai ce motif que, dans ce moment, les sections s'occupent de l'examen
des budgets de 1848 ; il est important que cet examen préparatoire ait lieu
dans le cours de cette session, pour que la chambre puisse voter les budgets au
commencement de la session prochaine.
M. Rogier. - Avec prière de
faire un rapport aussi prompt que possible.
- La proposition, ainsi
formulée, est mise aux voix et adoptée.
_________________
M. le président. - Dans une séance précédente, vous
avez chargé le bureau de nommer une commission pour examiner un projet de loi
prorogeant le terme fixé pour la réduction du personnel de la cour d'appel de
Bruxelles, et des tribunaux de première instance de Tournay et Charleroy. Un
projet de loi analogue a été examiné par une commission composée de MM.
Thienpont, Orts, Henot, Delfosse et Pirmez.
Le bureau confirme ces
membres dans leur mission, et les prie de se charger de l'examen de ce projet.
M.
de Man d’Attenrode. - Messieurs, les jurys d'examen sont réunis en ce moment, et il est de
ces membres qui n'ont pas encore reçu l'indemnité de déplacement à laquelle ils
ont droit pour la session de l'année dernière. M. le ministre de l'intérieur a
proposé un projet de loi de crédit supplémentaire, dans lequel cette dette se
trouve comprise ; elle figure, dans le crédit demandé, pour 12,500 fr. Il
serait convenable de discuter au plus tôt ce projet de crédit supplémentaire.
Je demande sa mise à l'ordre du jour dans l'intervalle qui s'écoulera entre les
deux votes du budget des travaux publics.
M. Verhaegen. - Puisqu'il s'agit du jury d'examen et de créer des
ressources pour payer les indemnités des membres des jurys, je saisirai cette
occasion pour fixer l'attention de M. le ministre sur un abus grave qui, si mes
renseignements sont exacts, est commis par les jurys d'examen.
Aux termes de la loi et
des règlements, il faut que les questions pour l'examen par écrit, au nombre de
trois, soient mises dans une urne et tirées au sort. Il paraît que cette
formalité n'est pas toujours remplie et que quelquefois on se borne à lire aux
récipiendaires les questions sur lesquelles ils ont à répondre, sans que la
garantie du sort leur ait été donnée ainsi que la loi le requiert. J'appelle
l'attention de M. le ministre sur ce point et l'invite à faire cesser l'abus
que je viens de signaler, si tant est qu'il existe ainsi qu'on me l'a affirmé.
M.
le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'attendrai, pour répondre à l'observation de l'honorable
membre, la discussion du crédit supplémentaire que j'ai demandé ; d'ici là je
prendrai des renseignements et je serai à même de répondre sur le fait qu'il a
signalé.
- La proposition de M. de
Man est mise aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI VISANT A PLACER LE SERVICE DES RECETTES DU CHEMIN DE FER
DE L’ETAT SOUS LA SURVEILLANCE DU MINISTRE DES FINANCES
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
J'ai l'honneur de présenter un projet de loi dont le but est de maintenir au
département des travaux publics, le service des recettes du chemin de fer, en
le plaçant sous le contrôle et la surveillance du département des finances.
Cette proposition est
présentée par moi, de concert avec mon collègue du département des finances.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre
de la présentation du projet de loi qu'il vient de faire connaître.
- Ce projet et les motifs
qui l'accompagnent seront imprimés et distribués aux membres et renvoyés à
l'examen des sections.
PROJETS DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR
L’EXERCICE 1847
Discussion des articles
Chapitre II. - Ponts
et chaussées, canaux et rivières, polders, ports et côtes, bâtiments civils,
personnel des ponts et chaussées
Discussion générale sur le chapitre II
M. le président. - La
discussion continue sur le chapitre II.
M. Jonet. - M. le ministre des travaux
publics, en répondant hier aux griefs que j'ai cru devoir articuler contre lui,
a adroitement tourné la question, comme MM. les ministres sont accoutumés de le
faire ; mais il ne l'a pas résolue cette question, à l'avantage de son
administration.
J'ai reproché trois
choses principales au ministre, savoir : 1° d'avoir fait une adjudication avec
les apparences de la concurrence et de la publicité, mais sans concurrence ni
publicité réelles.
2° Je lui ai reproché
d'avoir approuvé une adjudication onéreuse et préjudiciable et aux maîtres de
carrières et au pays.
3° Je lui ai reproché
enfin de n'avoir pas fait étudier en 1847, et avant la mise en adjudication, ce
qu'il convenait de faire à Quenast et à Tubize pour être utile à tous les
maîtres de carrières, au canal de Charleroy, au chemin de l'Etat et aux villes
de Bruxelles, de Malines, de Louvain, de Mons, de Valenciennes et autres qui
prennent leurs pavés à Rebecq, Quenast, et qui les reçoivent en grande partie
par nos raiways.
Qu'a répondu M. le
ministre an premier de ces griefs qui concerne la concurrence et la publicité ?
Il a dit d'abord que
l'adjudication du 24 mars avait été annoncée dans les journaux.
Je n'ai pas nié ce fait ;
mais pareilles annonces suffisent-elles pour établir la concurrence ?
Sans doute, par les
annonces vous prévenez, vous appelez les amateurs. Mais cela ne suffit pas ;
car vous n'avez rien fait par ces annonces, si à la suite de ces annonces vous
n'avez pas mis les amateurs à même d'apprécier le travail à faire, et les
dépenses probables qu'il nécessitera.
Vous leur avez communiqué
le cahier de charges, dites-vous ?
Oui, je le sais, mais il
fallait autre chose que ce cahier ; il fallait le plan auquel renvoie l'article
3 de ce cahier en ces termes : « La disposition générale du tracé du chemin à
ornières en fer est indiquée au plan annexé au présent cahier des charges. »
Or ce plan n'était pas
annexé au cahier des charges ni le 24 mars, ni les jours qui se sont écoulés entre
les annonces et l'adjudication.
Ce plan, contenant la
disposition du tracé, n'existait pas au gouvernement de la province.
Ce plan ne s'est pas
retrouvé au ministère des travaux publics.
Le 31 mars, le jour où
j'ai eu l'honneur de parler à M. le ministre des travaux publics, ce plan
n'était pas encore réintégré dans ses bureaux.
Il est constant que les
entrepreneurs-amateurs ne l'ont pas vu.
II est constant, qu'à
défaut de ce plan, ils n'ont pu supputer les charges de l'entreprise annoncée.
et par suite, ils sont restés muets.
En fait, il n'y a pas eu
de concurrence possible.
Il n'y a eu non plus
qu'une demi-publicité, puisqu'on a caché aux amateurs convoqués une des pièces
essentielles, nécessaires, indispensables pour faire des soumissions.
Cependant je crois que ce
plan existe ; je pourrais peut-être donner des renseignements utiles sur son
existence, si j'étais appelé à déposer devant un corps judiciaire compétent ;
mais ici je dois me taire, car je ne me trouve pas dans la position prévue par
la disposition du paragraphe final de l'article 367 du Code pénal.
Du reste, si le plan
demandé par tous les amateurs, sauf ceux qui se sont rendus adjudicataires,
n'existait pas, ou ne se retrouvait pas, il était du devoir du ministère d'en
faire faire un autre, et cela avant toute adjudication.
Les amateurs ne devaient
point eux-mêmes offrir de remplir les obligations du ministre. C'est se jouer
d'eux, comme je l'ai dit hier, que de leur imputer d'en avoir produit un,
inacceptable, dit le ministre, treize jours après l'adjudication et six jours
après la ratification.
Je suis donc fondé à dire
que l'adjudication du 24 a été faite sans concurrence réelle ; et s'il y a eu
publicité, ce n'est qu'une publicité incomplète, qui était plus propre à
leurrer les nombreux intéressés dont on n'avait peut-être que faire, qu'à
éclairer la religion de ceux qui étaient disposés à concourir à l'adjudication,
même sur le plan de 1836.
J'ai dit, en second lieu,
que M. le ministre avait eu tort, avait commis une faute reprochable, eu
faisant approuver en hâte une concession onéreuse pour le pays, et
préjudiciable aux maîtres de carrières intéressés.
Qu'a dit M. le ministre
pour se justifier de ce reproche ?
Il a invoqué ce qui
s'était passé en 1836 ; il a dit : qu'à cette époque le gouvernement s'était
réservé le droit de remettre le chemin de fer dont il s'agit en adjudication ;
qu'il avait usé de ce droit en 1847 dès qu'un amateur sérieux et solvable
s'était présenté ; qu'il s'applaudissait de ce qu'il a fait, et que si cela
n'était pas fait il le ferait encore, etc.
Mais ce n'est pas là
répondre au reproche que j'ai formulé.
Ce qui s'est passé en
1836 n'a rien à faire ici.
(page 1452) De 1836
à 1847 il s'est écoulé onze années.
Pendant ces onze années,
les circonstances ont changé. ;
Depuis 1836, le commerce
de pavés a pris un grand développement I «t une grande extension. j
Depuis 1836, il a été
construit un grand chemin de fer propre à les transporter là où ils
n'arrivaient avant 1836, ni même point en 1836.
En 1847 il se serait
présenté vingt-cinq amateurs solvables pour un, si le chemin avait été bien
étudié, bien élaboré, bien approprié aux besoins nouveaux.
Malgré le défaut d'étude,
que j'impute à l'administration des travaux publics, il s'est encore présenté,
le 24 mars 1847, un bon nombre d'amateurs capables de déposer la caution
requise et de donner toute garantie au gouvernement,
Tout prouve que c'est la
faute du gouvernement, si ces amateurs n'ont pas fait de soumissions ; tout
prouve qu'ils étaient disposés à en faire, si on ne les avait pas privés de
l'inspection d'un plan contenant la dispositif générale du tracé qu'ils
devaient suivre.
L'adjudication est
onéreuse, puisque tout prouve qu'elle a été faite sans concurrence, sur une
seule soumission et au maximum du péage.
Avant, pendant et après
l'adjudication, il y a eu de nombreuses réclamations que le ministre n'a pas
déniées. Il était temps encore le 31 mars de réparer la faute commise. Pour
cela il ne fallait qu'user du droit de non-ratification.
M. le ministre n'a pas
fait, n'a pas voulu faire usage de ce droit qu'il s’était réservé.
C'est là le second grief
que je lui ai imputé et dont le pays payera les conséquences pendant les quatre-vingt-dix
années qui forment le terme de la concession du 24 mars approuvée par arrêté du
30, tenu sous le boisseau jusqu'au 8 avril.
Le troisième objet de ma
plainte consiste dans le reproche que j'ai fait au ministre de n'avoir pas fait
étudier les besoins de Quenast, de Rebecq et de Tubize, depuis 1856.
J'ai prouvé plus haut,
que cette étude était cependant commandée par les grands changements sut venus
dans ces localités, pendant un laps de 11 années.
Qu'a répondu le ministre
à ce troisième grief ? Bien, absolument rien.
II n'a pas osé dire qu'il
avait fait procéder à cette étude, parce que, en réalité, il n'y a pas même
songé.
Il s'est rabattu sur le
plan à lui produit par un amateur le mardi 6 avril.
Il a dit que ce plan
était inacceptable et inexécutable. Mais ce qu'il n'a pas dit, c'est que ce
n'était point à M. Dupont qu'il incombait de dresser un plan ; mais que c'était
au ministre lui-même. Ce que le ministre n'a pas dit, je le dis, moi.
Oui, c'est vous qui
deviez communiquer aux amateurs le plan dont vous parlez dans l'article 3 de
votre cahier des charges.
Oui, c'est vous, et non
M. Dupont, ni autres, qui deviez faire refaire ce plan, si le plan primitif
était égaré, perdu ou distrait de vos archives.
C'est vous qui deviez
faire faire un tracé acceptable et exécutable, avant même l'adjudication qu'on
vous reproche avec justice, ou tout au moins avant l'approbation.
Vous n'avez pas fait ce
que vous deviez faire, et vous vous targuez de ce qu'un tiers, qui ne devait
rien faire, a fait.
Si le plan que M. Dupont
vous a remis le 6 avril, n'était point admissible, il fallait en faire faire un
autre, ou faire étudier, apprécier et corriger le plan produit.
Mais en disant que le
plan produit bénévolement par M. Dupont, ne vous convenait pas, vous ne pouvez
vous disculper du reproche que l'on vous fait avec fondement, de n'avoir pas
fait vous-même ce qu'en votre qualité d'administrateur public, vous étiez
obligé de faire.
Je ne relèverai pas ce
qu'il y a d'inconvenant dans ce que vous avez osé dire hier à la chambre, sur
la date de l'arrêté d'approbation.
Le 30 ou le 31 mars, vous
l'aviez entre les mains ! et vous n'en parlez pas aux réclamants ; et vous le
tenez caché dans votre portefeuille ! De votre seule autorité vous en suspendez
l'exécution, avec le dessein, vous l'avez dit, de l'anéantir si des tiers non
obligés avaient fait votre besogne, et vous avaient remis un plan étudié,
approprié aux besoins des temps et des lieux, et répondant à tous les intérêts.
Je
ne sais pas jusqu'à quel point cela est constitutionnel ; je ne traiterai pas
cette question.
Hier, malgré mes
reproches, j'étais disposé à voter votre budget.
Aujourd'hui, en présence
de la déclaration imprudente que vous avez faite, que vous feriez encore ce que
vous avez fait il y a huit et quinze jours, si ce que vous avez fait restait à
faire, vous n'aurez pas mon vote, parce que vous n'avez pas ma confiance.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, l'honorable préopinant vient de vous dire que ce qui a été fait en
1836 ne pouvait être pris en aucune considération pour le cas présent ; qu'on
s'est trouvé en présence d'une situation nouvelle qui devait déterminer seule
la règle de conduite du gouvernement. Je me permettrai de dire que cette
assertion est, à mon sens, dénuée de fondement. En 1836, le Roi a décrété le
chemin de fer de Quenast au canal de Charleroy ; cet arrêté est encore
aujourd'hui un acte sérieux, un acte réel ; cet arrêté devait être considéré
comme créant jusqu'à un certain point un droit acquis en faveur des
établissements qui pourraient profiter des clauses de cet arrêté. Un arrêté de
ce genre est, s'il est permis de le dire, une espèce de chose jugée
administrative.
En effet, que voyons-nous
pour les routes ? Quand une route est décrétée, on regarde toujours les
propriétaires de terrains situés à proximité de la route décrétée comme ayant
une espèce de droit acquis à l'exécution de la route telle qu'elle a été
décrétée. C'est une chose grave que de modifier un arrêté qui a cette portée.
Les arrêtés de ce genre ne sont modifiés que pour des raisons majeures ; j'en
appelle à ceux qui ont l'habitude de ce genre d'affaires. Ici nous nous
trouvons en présence d'un projet décrété, parfaitement exécutable, qui peut
aujourd'hui, comme il le pouvait en 1836, satisfaire à sa destination.
L'honorable membre a
présenté différentes observations reposant sur l'absence du plan du projet
primitif. J'ai déjà dit qu'il n'était nullement indispensable d'avoir ce plan
pour se faire une idée exacte du chemin à construire ; il est décrit à
l'article 2 de l'arrêté royal du 21 mai 1836.
Je dis donc que le tracé
est parfaitement décrit dans l'arrêté royal.
M. Jonet. - Dans un plan annexé à l'arrêté ?
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). - Je
maintiens qu'il est parfaitement décrit dans l'arrêté royal, et que les
oppositions étaient motivées, non sur ce qu'on n'avait pas le plan, mais sur ce
qu'on trouvait le projet incomplet, qu'on voulait un projet autre que celui de
1836. Là est toute la question.
Le gouvernement
devait-il, sans motifs très graves, abandonner le projet décrété en 1836,
projet parfaitement exécutable, projet utile aujourd'hui, comme il pouvait
l'être alors ?
L'honorable membre m'a
fait le reproche de ne pas avoir ordonné de nouvelles études ; mais, en
administration, on ne peut pas procéder ainsi ; on ne peut pas constamment
remettre en question ce qui a été décidé.
Nous avions un chemin de
fer décrété et concédé. Ce n'est qu'à une époque toute récente que le
concessionnaire primitif s'est trouvé déchu, et qu'il y a eu lieu à une
réadjudication.
Dès
lors, la question n'a été réellement ouverte qu'au moment de la déchéance. Il
m'a semblé que le chemin de fer décrété devait être maintenu, que c'était chose
sérieuse, qu'il ne fallait pas sans motifs péremptoires abandonner un projet
déjà adopté et décrété.
L'honorable membre m'a
fait le reproche de ne pas avoir informé les maîtres de carrières qu'il m'a
présentés, de l'existence d'un arrêté royal. Je n'étais tenu, en aucune
manière, à cette communication. Ces messieurs venaient me demander de tenir
l'adjudication en suspens jusqu'à ce que j'eusse eu connaissance du plan
nouveau. Aussitôt que le plan nouveau m'est parvenu, je l'ai examiné et je l'ai
fait examiner par des hommes de l'art. On l'a trouvé inadmissible. J'ai donc
donné suite à l'adjudication. C'est la chose du monde la plus simple.
(page 1462) M. Verhaegen. - Les discussions générales des budgets sont ordinairement
des discussions politiques. Aujourd'hui il ne s'agit pas de cela, car nous
considérons M. le ministre des travaux publies comme étranger, en quelque
sorte, à la politique ; il ne s'agit que d'une question de haute moralité
administrative.
Lorsqu'il s'agit du
département des travaux publics, il faut être plus scrupuleux encore que
partout ailleurs, car c'est ce département qui, dans tous les pays, est
d'ordinaire l'objet de soupçons justes ou injustes.
Les faits signalés par
mon honorable ami M. Jonet, sont graves, et les réticences, en quelque sorte
obligées, de l'honorable membre méritent surtout de fixer notre attention.
« Il est de ces choses,
prétend l'honorable membre, qu'on ne peut pas dire à la tribune, mais qu'on
dirait, si l'on était appelé à déposer en justice. » Ces paroles laissent
supposer que l'honorable membre sait où se trouvent déposés les plans qu'on dit
égarés, et que, s'il était appelé à donner, en justice, sa déposition comme
témoin, il indiquerait le lieu du dépôt.
Il est plus que probable
que ceux qui ont été déclarés adjudicataires ont vu les plans, tandis que leurs
concurrents n'ont pu les voir ; on comprend pourquoi.
S'il en est ainsi,
messieurs, c'est un fait de la plus haute gravité ; car il révèle un acte de
favoritisme entouré de coupables incidents.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Quod erat demonstrandum.
M. Verhaegen. - Les mots latins que vous venez de
prononcer n'effaceront pas la gravité du fait.
Les circonstances de
cette adjudication insolite méritent réellement de fixer l'attention de la
chambre tout entière ; car, je le répète, il ne s'agit pas d'une question de
politique, d'une question de parti ; il s'agit, comme je l'ai dit en
commençant, d'une question de haute moralité.
Une accusation ayant été
lancée du haut de la tribune nationale, il est de la dignité du gouvernement,
il est même de la dignité du pays, que le fait soit éclairci et qu'on sache à
quoi s'en tenir.
La justification que M.
le ministre a voulu tirer d'une adjudication faite en 1836, tombe par sa base.
En 1836, MM. Magis et
Engels ont, il est vrai, été déclarés adjudicataires, et cette adjudication a
été approuvée par arrêté royal ; mais elle est venue à tomber par le fait du
non-accomplissement des obligations imposées aux adjudicataires, au point qu'en
1847, pour atteindre le but qu'où se proposait, on a dû recommencer ab ovo.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
C'est conforme au cahier des charges.
M. Verhaegen. - Oui, mais il fallait une
adjudication nouvelle avec toutes les garanties de publicité et de concurrence,
comme s'il n'y avait jamais eu d'adjudication, car la première adjudication
était considérée comme non avenue.
En procédant à une
nouvelle adjudication, vous avez reconnu qu'il fallait faire, en 1847, tout ce
que votre prédécesseur avait été obligé de faire en 1836. Il fallait une
adjudication nouvelle avec concurrence, entourée de toutes les garanties
nécessaires pour que les droits de l'Etat ne fussent pas lésés, et que les
propriétaires n'eussent pas à se plaindre.
Rien de tout cela n'a été
exécuté.
Un jour, quelques
propriétaires de carrières, à Quenast, si je dois m'en rapporter aux faits qui
ont été indiqués, se présentent au ministère des travaux publics, et demandent
l'adjudication du chemin de fer dont il s'agit. On met dans cette affaire une
presse extraordinaire, et, à en croire M. le ministre des travaux publics,
c'était tout bonnement dans l’intention de donner du travail aux malheureux.
Cependant, on n'a pas
toujours été si pressé, comme on vous l'a fort bien faut remarquer hier ; dans
plus d'une circonstance on a montré de la mollesse, sinon de la négligence.
Mais ici on était pressé, parce que ceux qui demandaient la concession étaient
pressés, et parce qu'on craignait que la chose s'ébruitant, plus d'un
concurrent ne vînt à se présenter ; j'ai lieu de croire qu'il en eût été ainsi,
d'après les faits qui ont été exposés. Car je fais ici le rôle de narrateur.
On a annoncé
l'adjudication, il est vrai ; elle devait être publique ; elle devait se faire
avec concurrence ; mais ce qui devait se faire n'a pas eu lieu ; par suite des
annonces, des amateurs se sont présentés, et ont demandé à examiner le cahier
des charges ; ce cahier de charges leur ayant été communiqué, ils ont cherché
en vain les plans qui devaient y être annexés, aux termes de l'article 3 ; on
leur a dit au gouvernement provincial qu'on ne les retrouvait pas, et au
ministère des travaux publics on a prétendu qu'ils étaient égarés !
M. le ministre a répondu
aux observations de M. Jonet, que les plans étaient inutiles en présence de
l'article 2 du cahier des charges qui détaille les travaux à exécuter, mais que
fait-on alors de l'article 3 qui ordonne l'annexion des plans, profils, etc. ?
Messieurs, il est arrivé
souvent que des entrepreneurs favorisés obtiennent dans les bureaux, avant
l'adjudication, des détails qu'on refusait à d'autres et étaient ainsi mis à
même de faire des offres plus avantageuses que leurs concurrents. C'est un abus
odieux que je ne saurais assez flétrir. Mais ici l'abus serait doublement grave
: om aurait mis des amateurs dans l'impossibilité de concourir, et ou aurait
accordé à des privilégiés les péages les plus élevés et le terme le plus long,
au grand détriment, de l'Etat et de l'industrie privée !
Pour qu'un entrepreneur
puisse traiter en parfaite connaissance de cause, il faut qu'il examine les
plans et qu’il ne se contente pas des mentions souvent vagues d'un cahier de
charges, mentions qui ne peuvent s'expliquer que par les pièces jointes ; or,
ce sont ces pièces qui ont été obstinément, insolemment même, refusées à MM.
les concessionnaires, et M. le ministre a osé répondre aux justes attaques de
l'honorable M. Jonet qu'en pareille occurrence il agirait encore de
même !!
Ce n'est pas tout : les
amateurs qui n'avaient pas pu obtenir communication des plans, ont demandé la
remise de l'adjudication, et cette remise leur a été brutalement refusée.
Cette conduite, à tous
égards injustifiable, de l'administration sera l'objet de soupçons d'autant
plus graves que l'honorable M. Jonet, qui a formulé l'accusation, n'est pas
dans l'habitude d'agir à la légère, et que d'ailleurs son discours était écrit
et préparé d'avance. Or, M. Jonet nous a dit en termes : " Les plans qu'on
a refusé de communiquer aux concurrents des
adjudicataires ne sont pas égarés ; je sais où ils se trouvent et je le
déclarerais si j'étais appelé à faire ma déposition en justice. »
M. Jonet. - J'ai dit : Peut-être.
M. Verhaegen. - Peut-être, soit. Toujours est-il
que tout cela exige des éclaircissements, car il pourrait peut-être être
question de faits qui tombent directement sons l'application des dispositions
du Code pénal relatives aux machinations, aux manœuvres en matière d'entreprises
de travaux publics.
Messieurs, au point où en
sont arrivées les choses, il est impossible de ne pas donner suite à
l'accusation de l'honorable M. Jonet. Dans l'intérêt du pays et pour son
honneur, comme pour l'honneur du département des travaux publics, il faut que
les machinations, s'il en a existé, soient dévoilées. Si par le fait d'un
employé quelconque, à l'insu même du ministre, des plans avaient été détournés
pour les cacher aux concurrents des adjudicataires, et si des manœuvres avaient
été employées à cet égard, il faudrait que celui qui s'est rendu coupable de
pareils actes fût sévèrement puni.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay) et M. d’Huart, ministre
d’Etat. - Sans doute !
M. Verhaegen.- J'ai donc raison de demander qu'on
prenne des renseignements. Je n'ai rien dit qui soit personnel au chef du
département, lequel peut ignorer bien des circonstances de détail, je n'accuse
directement personne, je ne fais que suivre les errements qui se trouvent dans
le discours de mon honorable ami M. Jonet.
Les faits m'ont paru
graves ; l'adjudication de 1836 ne peut plus servir de justification au
gouvernement ; depuis 1836 les besoins des carrières de Quenast ont changé de
face. L'établissement du chemin de fer a créé des débouchés nouveaux et
importants vers la France, débouchés qui augmentent tous les jours et qui
méritaient d'être pris en considération, quand il s'agissait d'une adjudication
nouvelle.
Il s'agissait donc, en
1847, de donner toutes les garanties que les lois et les règlements exigent, et
notamment la garantie d'une concurrence réelle avec publicité. L'intérêt de
l'Etat et de la propriété privée le voulait impérieusement.
Et, messieurs, qu'on ne
dise pas, comme on l'a dit tout à l'heure, qu'un entrepreneur de travaux
publics, voulant faire ses affaires plutôt que de soigner les affaires de
l'Etat, a adressé au ministère des travaux publics une demande au nom des
propriétaires des carrières du Quenast, sans y être autorisé par eux ; car je
vois à la suite du discours de l'honorable M. Jonet une pétition de ces
propriétaires de carrières, dans laquelle ils manifestent des craintes quant à
leurs propriétés, craintes très justes et que l'avenir justifiera.
On a fait, messieurs,
l'adjudication aux conditions les plus défavorables aux exploitants des
carrières, c'est-à-dire au maximum de 16 centimes par kilomètre et par tonneau,
alors qu'il est reconnu que, pour des distances semblables, on pouvait obtenir,
en prenant pour point de comparaison les autres chemins de fer, un prix de 8
centimes, ce qui fait une différence de 100 p. c.
Des concurrents ont fait
des soumissions beaucoup plus favorables ; mais on n'a pas voulu les écouler ;
ils ont demandé une enquête, elle leur a été refusée. L'honorable M. Jonet qui,
à raison de son caractère, à raison de sa position dans cette enceinte,
méritait certes quelque confiance, s'est rendu même chez M. le ministre des
travaux publics, avec les intéressés, et lui a exposé toutes les raisons pour
lesquelles un délai devait être accordé.
L'honorable membre vous a
rendu compte, messieurs, de cette visite et vous avez dû être surpris de la
réponse qui lui avait été faite. En effet, le ministre lui avait laissé entrevoir
la possibilité de la non-approbation de l'adjudication alors que l'approbation
avait déjà eu lieu par arrêté royal deux jours auparavant.
Il y a ici, messieurs,
plus que de l'irrégularité ; et lorsqu'on est obligé d'aller jusqu'à dire que
l'on considérait un arrêté parfait, portant la signature du Roi, comme une
lettre morte jusqu'à ce qu'on eût jugé convenable de lui donner une vie
nouvelle sans l'intervention du chef de l'Etat, on dépasse toutes les bornes,
on porte atteinte au respect que l'on doit à la Couronne, au respect que l'on
doit à la signature royale.
On
se tirera de là comme on pourra ; mais pour moi, ce qui est évident c'est qu'il
y a ici des faits qu'il faut éclaircir, c'est qu'il y a des faits qui, dans
l'intérêt du gouvernement lui-même, ne peuvent pas rester ensevelis dans
l'oubli, c'est qu'il faut une enquête sévère pour découvrir les coupables, s'il
y en a.
(page 1463) Il faut qu'on sache comment les plans ont disparu, dans
quelles mains ils se trouvaient, au moment où les amateurs se sont présentés
pour les voir, e .j'ai encore assez bonne opinion de la moralité qui doit
présider à l'administration des affaires publiques en Belgique, pour m'attendre
à ce qu'un jour M. le ministre vienne nous dénoncer lui-même les manèges qui
ont pu avoir lieu pour donner aux uns ce qu'on n'a pas voulu donner aux autres.
(page 1452) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, l'honorable membre appuie ses observations sur le discours de
l'honorable M. Jonet et particulièrement sur les réticences qu'il a remarquées
dans ce discours.
Messieurs, je n'aime pas
les réticences, les réticences, en général, sont un mal ; elles tendent à faire
planer des soupçons sur beaucoup de monde, alors qu'un seul coupable peut
exister et alors même qu'il n'y a pas de coupable. J'eusse préféré que
l'honorable M. Jonet se fût exprimé sans réticence.
L'honorable membre a
trouvé extraordinaire qu'un plan, qui remonte à l'année 1836, ne se soit pas
retrouvé dans les bureaux du ministère des travaux publics en 1847,
c'est-à-dire après onze ans.
Depuis onze ans,
messieurs, le département des travaux publics a été astreint à plusieurs
déménagements qui ont porté quelque perturbation dans ses archives. Le plan a
été transmis dans le temps au gouvernement provincial : différentes
circonstances peuvent avoir contribué à en faire perdre la trace. Ce que je
puis dire, ce que je puis affirmer sur l'honneur, c'est que ce plan je ne l'ai
pas en sous les yeux ; ce que je puis affirmer sur l'honneur encore, c'est que
je n'ai donné à personne sur le projet aucun renseignement que je n'aurais pas
donné à d'autres personnes. Je me suis borné à mettre le cahier des charges à
la disposition de tout le monde. Ce que je puis dire aussi, c'est que j'ai assez
de confiance dans le personnel de mes bureaux pour être convaincu que personne
n'a détourné ce plan dans des vues coupables.
Quoi qu'il en soit, je
consens bien volontiers à faire une enquête administrative sur la disparition
de ce plan, et je prierai l'honorable M. Jonet de me communiquer les
renseignements qu'il peut avoir pour me mettre sur la voie.
Je reviens, messieurs, à
ce que j'ai déjà dit ; c'est que ce plan était, dans cette affaire, une pièce à
peu près insignifiante, puisque les opposants ne voulaient pas de ce plan,
qu'ils voulaient un projet entièrement nouveau. J'ai dû croire, avec d'autant
plus de raison, que telle était la position des choses, que l'honorable M.
Jonet, pour qui je professe autant d'estime que peut en professer l'honorable
M. Verhaegen, est venu me parler de ce nouveau projet, et m'a demandé de tenir
l'affaire en suspens, jusqu'à ce que j'eusse pu prendre connaissance du nouveau
projet ; l'honorable M. Jonet n'a pas réclamé le plan ancien, dont les maîtres
de carrières, qu'il avait pris sous son patronage, ne voulaient pas.
L'honorable M. Jonet a
dit hier que le projet de 1836 était conçu de manière à favoriser certaines
exploitations. Je ne pense pas que cette assertion soit exacte ; il existe pour
les arrêtés et les actes de 1836 une (page
1453) présomption du contraire. Il y a eu une enquête, une instruction
complète ; les arrêtés de ce genre se formulent en général d'après les
résultats de l'enquête, il est donc à croire que le projet de 1836 était dressé
équitablement.
Aujourd'hui on veut un
projet nouveau qui tend à amener un déplacement, à favoriser des exploitations
moins favorisées par le projet de 1836. Ce projet nouveau tend donc à modifier
des positions acquises, à donner à certaines carrières des avantages qu'on prétendait
être acquis à d'autres carrières par le projet de 1836 ; mais ces avantages
sont la chose jugée administrative, s'il est permis d'employer ce terme, et ces
choses ne se modifient pas légèrement.
L'honorable M. Jonet a
trouvé extraordinaire que je ne lui aie pas donne communication de l'arrêté
royal ; mais l'honorable membre venait me demander de tenir l'affaire en
suspens ; la prudence et les convenances exigeaient donc que je ne lui parlasse
pas de l'arrêté royal ; en lui parlant d’un arrêté royal, je devais publier cet
arrêté le lendemain, et je devais m’ôter les moyens d'examiner jusqu'à quel
point le nouveau projet pouvait être utile ; il n'y a donc dans ma conduite que
de la condescendance pour les recommandations de l'honorable M. Jonet.
L'honorable M. Verhaegen
trouve étonnant que j'aie conservé cet arrête par devers-moi pendant quelques
jours, sans y donner suite. Ainsi que je viens de le dire, j'ai agi par
condescendance pour l'honorable M. Jonet ; et sans manquer à aucune convenance,
à aucun devoir, je pouvais, le cas échéant, demander l'annulation de l'arrêté
royal, en exposant à S. M. les motifs qui militaient en faveur de cette
annulation ; il n’y avait là rien d'extraordinaire, rien qui ne fût convenable,
qui ne fût d'accord avec un grand nombre de précédents : si le Roi avait jugé
que l'arrêté dût être maintenu, c'était une discussion entre le Roi et le
ministre.
Messieurs, l'affaire se
serait présentée autrement, si les opposants avaient demandé un ajournement, en
se basant sur ce qu'ils n'avaient pas une connaissance suffisante du projet
offert en adjudication ; mais ces opposants disaient : « Le projet offert en
adjudication, nous ne le voulons pas, nous voulons un autre projet. » La
question était donc de savoir s'il fallait abandonner le projet décrété pour y
substituer un projet entièrement nouveau.
J’ai maintenant à donner
quelques explications nouvelles, en réponse aux discours de plusieurs membres
qui ont entretenu hier la chambre de divers projets de route.
L'honorable M. Simons a
recommandé à l'attention du gouvernement une route de Riempst à la Meuse, route
qui, d'après l'honorable membre, n'a qu'un développement assez peu étendu et
serait d'une exécution assez peu coûteuse, en même temps qu'elle serait fort
utile. Les engagements nombreux déjà contractés par le département des travaux
publics, l'ont empêché, jusqu'à présent, de s'occuper de cette route ; mais je
puis annoncer à l'honorable membre que les études en seront prochainement
entreprises, et que je contribuerai, autant qu'il dépendra de moi, à amener la
construction de cette route.
L'honorable membre a
parlé encore de la route de Hasselt à Bilsen. Ici, nous aurons une adjudication
prochaine. Je viens de recevoir le cahier des charges pour cette adjudication.
L'honorable M. Rodenbach
a entretenu la chambre de l'élargissement de la route de Roulers à
Ingelmunster. Ainsi que l'a annoncé l'honorable membre, il a été convenu qu'une
somme de 11,000 francs serait annuellement affectée pendant 5 ans à cet
élargissement. Une adjudication pour cet objet aura lieu prochainement ; elle
comprendra, comme l'année dernière, l'application d'une somme de 11,000 fr.
L'honorable membre a
également appelé l'attention du gouvernement sur une route d'Ingelmunster à la
Lys, par Oostroosebeke. Je puis dire qu'on est en négociation avec la province,
pour parvenir à l'exécution de cette route dont le caractère d'utilité générale
est contestée jusqu'à un certain point par le conseil des ponts et chaussées.
Quoi qu'il en soit, s'il est possible de pousser à l'exécution de cette
communication, l'honorable membre peut compter que je ne négligerai pas cette
affaire.
L'honorable M. Zoude a
entretenu la chambre de différentes routes du Luxembourg. L'une de ces routes,
celle des Ardoisières, est en cours d'exécution ; il reste à adjuger une
dernière section, cette section exige l'emploi d'une somme d'environ 124,000
fr. L'honorable M. Zoude a annoncé que les communes étaient disposées à fournir
des subsides assez considérables pour contribuer à l'exécution de cette route.
Cette circonstance me permettra, sans doute, d'adjuger la dernière section de
la route dans le cours de cette année ; et je ferai en sorte que l'adjudication
ait lieu à l'époque la plus prochaine possible.
L'honorable M. Zoude a entretenu
la chambre de la route de Virton à Neufchâteau par Rossignol. Cette route
serait fort utile pour le défrichement d'une partie du Luxembourg.
Le département des
travaux publics a offert d'y contribuer pour quinze mille francs à fournir
cette année ; il a également demandé le concours du département de l'intérieur.
Il est à espérer que par le concours des communes, de la province et des deux
départements, on parviendra encore à l'exécution de cette route.
L'honorable M. Pirson a
demandé que le gouvernement s'occupât du redressement de la route de Namur à
Marche, partie comprise entre Marche et Pessoux, avec embranchement sur Ciney.
Ce travail, d'après les
évaluations faites jusqu'à présent, serait assez coûteux ; les. évaluations
portent la dépense à 245 mille francs. Cette amélioration serait donc fort
coûteuse. Si cependant de nouvelles études permettaient de réduire la dépense à
80 mille fr., comme l'a annoncé l’honorable M. Pirson, l'affaire pourrait
recevoir un commencement d'exécution.
L'honorable membre désire
savoir à quoi en sont les travaux préparatoires de la route de Vignée par Gozin
à Givet.
Deux
projets sont en présence ; l'un coupe le territoire français, l'autre le
contourne. Le premier projet a donné lieu à une négociation avec le gouvernement
français, afin que le transit pût se faire à des conditions peu gênantes pour
le roulage. Cette négociation est pendante, et la solution qui interviendra
influera vraisemblablement sur la détermination du gouvernement.
L'honorable membre a
demandé encore où en était le projet de route de Gedinne à la frontière
française vers Charleville. Deux tracés sont ici en présence : l'un prend par
le village de Membre, l'autre prend par Bohan. Des éludes ont été faites dans
les deux directions. Je suis informé que dans quinze jours au plus tard les
études seront terminées et adressées au gouvernement.
M. Delfosse. - On doit avoir adressé à M. le ministre des travaux publies
une demande de subside pour une route qui partant de Jupille, près de Liège, se
dirige vers Herve. Les communes que cette route traverse sont, en général,
pauvres et elles se sont impose de grands sacrifices ; il leur est impossible
de faire davantage, et cependant il faudrait encore quinze à seize mille francs
pour achever la route.
Je pense que ce n'est pas
à M. le ministre des travaux publics, mais à M. le ministre de l’intérieur, que
cette demande de subside aurait dû être adressée ; il s'agit d'un chemin
vicinal de grande communication, cela rentre dans les attributions du
département de l'intérieur. Je recommande donc cette affaire à l'attention et à
la sollicitude toute spéciale de M. le ministre de l'intérieur, et j'engage M.
le ministre des travaux publics à transmettre à son collègue toutes les pièces
relatives à cette route qui pourraient se trouver dans ses archives.
M. Osy. - Je ne viens pas proposer d'engager
l'Etat dans de nouvelles dépenses de travaux publics. Dans la situation
actuelle de nos finances, nous devons être sobres de dépenses, nous devons nous
borner à dépenser le strict nécessaire. Je ne voterai que les crédits demandés
pour continuer les travaux commencés et qui courraient risque de se détériorer
si on ne les achevait pas. Je ne demanderai pas qu'on continue maintenant la
canalisation de la Campine, qu'on fasse le canal de jonction de l'Escaut à la
Meuse ; cela exigerait un crédit de quatre millions, et le moment serait mal
choisi pour voler un crédit aussi considérable.
Mais on peut demander que
le gouvernement s'occupe de faire les études, de préparer les plans ; quand le
trésor sera à flot, ce sera là un travail très utile dont on devra s'occuper.
Quand les bateaux se rendront de Liège dans l'Escaut, il ne suffira pas qu'ils
puissent entrer dans l'Escaut, il faudra encore qu'ils trouvent un bassin où
ils puissent s'abriter ; car dans l'Escaut, les marées sont trop fortes pour
que ces bateaux puissent les supporter ; il faudra construire un troisième
bassin à l'extérieur de la ville pour abriter les bateaux. Si la navigation
continue à se développer, les bassins d'Anvers seront insuffisants.
C'est une chose d'un très
grand intérêt, que je recommande de ne pas perdre de vue quand on s'occupera du
canal d'Herenthals à la mer.
Je regrette que dans
l'hiver le gouvernement n'ait pas fait exécuter les travaux pour lesquels il
avait des fonds. Je regrette qu'on n'ait presque rien fait précisément quand la
misère était portée au dernier point, et que ce soit maintenant seulement qu'on
commence à faire travailler. L'hiver prochain il y aura encore beaucoup de
misère, parce que quand les subsistances ont été chères pendant deux années,
l'effet s'en fait encore vivement sentir l'année suivante.
J'engage donc le
gouvernement à accélérer les études et la confection des plans, pour être à
même d'ouvrir des travaux dès le commencement de l'hiver.
J'ai lu dans le Moniteur
une circulaire du ministre de la justice, du 22 mars, adressée aux gouverneurs,
ayant pour but d'engager les provinces, les communes, les hospices, les bureaux
de bienfaisance, etc., à consacrer le plus d'argent possible à soulager la
misère des pauvres, dont j'approuve l'objet en général, mais dont je dois
blâmer hautement un paragraphe qui ressemble beaucoup à la circulaire qui a
paru il y a deux ou trois ans en faveur de la compagnie de Guatemala. Alors on
engageait les bureaux de bienfaisance, les communes, à donner leur argent à
fonds perdus. Je trouve dans la circulaire du 22 mars dont j'approuve le but,
une chose qui ne me paraît pas moins dangereuse que celle que je viens de
rappeler :
« Si les ressources
ordinaires de leur budget ne suffisent pas pour tous les besoins, et c'est le
cas le plus fréquent, il est essentiel qu'ils recourent à l'emploi des capitaux
qu'ils ont en réserve et, à défaut de capitaux, qu'ils fassent des emprunts. On
ne traverse des circonstances calamiteuses, comme celles où nous nous trouvons,
qu'à l'aide de grands sacrifices actuels, sauf à compenser par des économies,
dans des temps meilleurs, les dépenses extraordinaires que la situation
nécessite. »
Nous
savons tous que dans les grandes communes, les communes rurales, le budget
communal doit venir au secours des bureaux de bienfaisance et des hospices ;
les hospices et les bureaux de bienfaisance ne peuvent employer que leurs
revenus ; s'ils mangeaient leurs capitaux, où en seraient-ils ? Cependant le
ministre dans sa circulaire engage les bureaux de bienfaisance et les hospices
à manger leurs capitaux. Je suis persuadé que les communes et les états députés
seront plus sages que les ministres. Si l'intention de M. le ministre n'est pas
telle que je viens (page 1454) de l'indiquer, j'espère qu'il fera
une seconde circulaire pour engager ces établissements à ne pas toucher à leurs
capitaux. Qu'ils dépensent leurs revenus, c'est fort bien, mais qu'ils se
gardent de toucher au fonds. J'engage donc M. le ministre à faire une seconde
circulaire pour qu'on ne se méprenne pas sur ses intentions.
M. Mast
de Vries. - L'honorable M. Osy a dit qu'on ne pouvait pas disposer des capitaux
des bureaux de bienfaisance pour parer aux besoins extraordinaires résultant
des circonstances. C'est fort bien pour les communes qui ont des ressources
immenses. Mais comment faire dans les communes dénuées de toutes ressources ?
Ne vaut-il pas mieux disposer des capitaux des bureaux de bienfaisance et
donner du travail et du pain aux malheureux qui en manquent, que de les laisser
mourir de faim et conserver les capitaux ? Les communes, dirait-on, doivent
venir en aide aux bureaux de bienfaisance. Mais comment feraient-elles ? Leurs
ressources diminuent. Dans beaucoup de localités les octrois ne suffisent point
pour couvrir les frais ordinaires. II faudrait donc laisser mourir les malheureux
de faim ! Voilà où mènerait le système philanthropique exagéré de l'honorable
membre.
Dans des circonstances
extraordinaires, il faut des ressources extraordinaires. Il est des localités
où il n'y en a pas d'autres que de disposer des capitaux.
Je conçois qu'à Anvers,
où il y a des ressources immenses, à Anvers qui par son heureuse position gagne
en grande partie ce que perdent les autres localités, on n'ait pas besoin de
recourir à de tels moyens, qu'on puisse y satisfaire aux exigences des bureaux
de bienfaisance ; mais Anvers est sous ce rapport dans une position tout
exceptionnelle.
J'ai demandé la parole
lorsque j'ai entendu l'honorable membre parler du projet de l'Escaut à la
Meuse, lorsque j'ai vu M. le ministre des travaux publics donner un assentiment
tacite à ce qu'avait dit l'honorable M. Osy.
Je dois faire remarquer
que ce projet a été discuté, qu'il est aujourd'hui complétement exécuté.
Quant au projet de
joindre le canal d'Herenthals à Anvers, c'est une très grave question sur
laquelle beaucoup de personnes même d'Anvers ne sont pas d'accord avec
l’honorable membre.
En effet, il s'agit d'un
travail qui pourrait inonder une partie du pays. Ensuite ce canal devrait être
en relief dans les polders avoisinant Anvers.
Cette
question nous engagerait dans une dépense de plusieurs millions.
C'est tellement vrai
qu'une proposition a été faite au gouvernement par l'entrepreneur Riche, et
qu'elle n'a jamais été mise à exécution, bien que cet entrepreneur ne demandât rien
pour exécuter ce travail.
J'engage donc le
gouvernement à y regarder à deux fois, avant de mettre la main à l'œuvre.
M. de La Coste. - L'honorable M. Osy a appelé
l'attention de la chambre sur la continuation du canal de la Campine, que
l'honorable M. Mast de Vries vient de combattre.
A cette occasion, je
crois devoir rappeler à la chambre que le projet relatif au Demer est une
partie du plan général relatif à la canalisation de la Campine.
M. le ministre des
travaux publics a donné à cet égard des explications dans la séance précédente
; je dois cependant déclarer qu'elles ne me satisfont pas. D'après M. le
ministre, le but du canal qu'on veut établir entre Diest et Vilvorde est
atteint par le chemin de fer ; mais nous savons qu'à côté du canal de Charleroy
il existe un chemin de fer, que ces deux voies servent également à la
prospérité publique, et y concourent sans se nuire.
Je ne crois donc pas que
cette fin de non-recevoir puisse être accueillie..
On ne peut contester
qu'il ne naisse un certain droit des engagements du gouvernement. Ces
engagements ont été pris à l'égard de cette canalisation par l'arrêté du
gouvernement provisoire qui avait ordonné la concession. Ils ont été confirmés
par une mesure générale du gouvernement, qui a été de prendre à lui nos voies
navigables.
Ainsi le gouvernement
s’est engagé à les améliorer sous le double rapport de la protection des
propriétés et de la navigation.
Maintenant, M. le
ministre des travaux publics dit qu'il y a eu des tentatives de concession, et
qu'elles n'ont pas eu de résultat. Mais un de ses honorables prédécesseurs (M.
Dechamps) avait dit : « Nous tenterons l'adjudication ; si elle ne réussit
pas, nous aurons recours à d'autres moyens. » Si donc la concession ne réussit
pas, il ne faut pas s'en tenir là, il faut tenter d'autres moyens.
Pour l'amélioration du
Demer, il y avait deux projets en regard : un canal latéral et la canalisation.
Je me hâte de dire que la canalisation est peu populaire dons la ville de
Diest, qui réclame le plus vivement le canal. Mais on ne doit pas rester en
face de cette alternative, sans rien faire. La chambré doit être saisie de
toutes les données propres à la faire choisir entre ces deux travaux. C'est
d'autant plus urgent qu'on fait au Demer des rectifications qui, si elles ne
sont pas combinées de manière à servir à la canalisation, seront des travaux
inutiles.
Si l'on
se décide pour la canalisation, il faudrait des rectifications beaucoup plus
importantes que celles dont on s'occupe.
En résumé, je demande si
le gouvernement ne veut ou ne peut pas prendre l'engagement de mettre en
concession la construction du canal.
Si l'adjudication n'a
aucun résultat, je demande que l'autre alternative indiquée par l’honorable M.
Dechamps, soit accomplie, qu'on cherche d'autres moyens d'améliorer le Demer,
qu'on présente à la chambre le résultat des deux systèmes, et que la chambre
soit enfin mise à même de décider la question.
M. Loos. - J'ai demandé
la parole pour rectifier un fait erroné avancé par l'honorable M. Mast de
Vries. Il a parlé des établissements de bienfaisance d'Anvers comme étant dans
une situation prospère. Cela est complétement inexact. La situation des
établissements de bienfaisance d'Anvers est telle que tous les ans la commune
doit dépenser près de 400,000 fr. pour pourvoir à l'insuffisance de leurs
ressources.
Il est un autre fait que
j'ai peine à m'expliquer, et qui a été avancé par M. Mast de Vries. Cet
honorable membre a dit que la plupart des habitants d'Anvers seraient
contraires à l'établissement d'un canal en communication avec la Campine.
Quoique placé dans une position à connaître à peu près ce qui se passe à
Anvers, c'est la première fois que j'entends dire qu'on y est contraire au
canal projeté.
Ce qui m'est revenu,
c'est que l'administration de Lierre est hostile au tracé proposé.
Mais jamais je n'avais
entendu dire que la Ville d'Anvers fût hostile au prolongement' du Canal de la
Campine.
M. Osy. - Messieurs, Comme l'honorable M.
Loos, j'ai été très étonné d'apprendre qu'à Anvers il y a des personnes qui ne
désirent pas le prolongement du canal de la Campine. Au contraire, nous le
désirons tous, parce que si le canal, parlant de Liège, s'arrêtait à Turnhout
ou à Herenthals, il serait complétement inutile.
Je sais qu'il y a un
troisième plan ; il consiste à élargir le canal de Herenthals à Lierre et à
arriver par la Nèthe à Anvers. Je n'entre pas dans ces considérations, j'ai
seulement demandé que pour la session prochaine M. le ministre fît examiner de
quelle manière on arrivera le plus certainement, dans l'intérêt du trésor et
dans l'intérêt du pays, à prolonger le Canal de la Campine jusqu'à l'Escaut.
En ce qui concerne la
circulaire du 22 mars, je dois maintenir ce que j'ai dit. Il est possible qu'il
y ait des bureaux de bienfaisance qui ont de l'argent à la caisse d'épargne ;
mais d'où proviennent ces capitaux ? Ils proviennent de remboursements ou de
ventes de propriétés donnant trop peu d'intérêt. Or, si le gouvernement autorise
les bureaux de bienfaisance à dépenser ces capitaux ou à faire des emprunts, je
demande où nous en arriverons ? Il en résultera que plus tard les communes
seront grevées de charges énormes pour venir en aide aux bureaux de
bienfaisance.
Si
l'intention de M. le ministre a été mal comprise, je l'engage à envoyer aux
gouverneurs de nouvelles instructions pour qu'ils invitent les administrations
charitables à dépenser leurs revenus, mais non à toucher à leurs capitaux, ce
qui serait le système le plus dangereux.
Je vous avoue que je n'ai
pas d'inquiétude quant aux effets de la circulaire du 22 mars ; je suis
persuadé que les communes et les députations seront assez sages pour ne pas
permettre aux bureaux de bienfaisance de toucher à leurs capitaux. Mais il est
fâcheux de voir le gouvernement engager les administrations charitables à
entrer dans une très mauvaise voie.
Ces administrations
doivent se borner à dépenser leurs revenus, et si ceux-ci ne suffisent pas, les
communes doivent venir en aide aux bureaux de bienfaisance.
M. le
ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, j'apprends avec infiniment d'étonnement que les
bureaux de bienfaisance feraient, d'après l'honorable M. Osy, un mauvais emploi
de leurs capitaux en venant en ce moment au secours de la classe indigente. Je
crois, au contraire, que c'est le meilleur usage qu'ils puissent en faire dans
cette année calamiteuse ; on ne doit pas craindre de diminuer, en cas d'absolue
nécessité, les ressources de l'avenir pour venir en aide au présent.
Messieurs, les conseils,
car ce ne sont que des conseils, qui ont été donnés par moi, dans la circulaire
du 22 mars, et que critique l'honorable M. Osy, m'ont été suggérés par la
commission établie au département de la justice. Cette commission a pensé, avec
raison, qu'il était utile d'engager les établissements de bienfaisance à faire
non seulement usage de leurs ressources ordinaires, mais encore à s'efforcer de
s'en procurer d'extraordinaires en rapport avec les circonstances que nous
traversons. .
Messieurs, les bureaux de
bienfaisance ont des sommes assez considérables déposées à la caisse d'épargne.
Ces sommes proviennent soit de capitaux remboursés, soit d'économies qui
peuvent ainsi être capitalisées.
Maintenant je me
demande : N'est-ce pas le meilleur usage que l'on puisse faire de ces
économies que de les employer à venir en aide dans les circonstances actuelles
aux populations souffrantes. Je voudrais bien que l'honorable M. Osy nous
indiquât un autre moyen, moins onéreux et plus assuré ?
Lorsque le peuple
souffre, lorsqu'on réclame pour lui du travail, comment est-il possible de
faire au gouvernement un reproche d'avoir engagé les institutions qui par leur
nature sont destinées au soulagement des malheureux, à augmenter
extraordinairement leurs ressources pour organiser des travaux ? J'aimerais à
connaître lequel autre moyen pourrait suggérer l'honorable membre.
Dans les années
ordinaires, certes un conseil semblable à celui qui est donné dans la
circulaire du 22 mars, ne serait pas justifiable. Mais nous ne sommes pas dans
une année ordinaire, et la preuve résulte des votes mêmes des chambres qui ont
alloué des secours extraordinaires. Si les bureaux de bienfaisance refusaient de venir en aide aux
malheureux (page 1455) quel serait
leur sort ? Ou ces malheureux succomberaient, ou les chambres devraient être
appelées à voler de nouveaux subsides. Or c'est là méconnaître l'esprit de
notre législation sur la bienfaisance que de s'adresser au gouvernement avant
de s'adresser aux institutions locales.
Notre régime de
bienfaisance repose sur les devoirs des bureaux de bienfaisance et des
communes, et c'est seulement lorsque les bureaux de bienfaisance et les
communes sont hors d'état de remplir leur mission, lorsque la charité privée
est épuisée, qu'il convient, dans des cas rares et exceptionnels, de recourir
au gouvernement. Aussi le système de l'honorable M. Osy intervertirait les
rôles ; il laisserait les bureaux de bienfaisance en possession de leurs
ressources, n'exigerait d'eux aucun effort, et aurait directement recours à
l'Etat.
L'honorable
M. Osy dit qu'il est rassuré sur les effets de la circulaire par l'esprit de
sagesse des administrations communales et des députations.
Dès lors quelle est la
portée de sa critique ? Car l'honorable membre sait sans doute que pour des
emprunts les députations doivent les autoriser. Les députations, avant
d'accorder ces autorisations, auront égard à la situation des établissements,
et ne permettront des emprunts que là où ils seront jugés indispensables et où
les ressources sont telles qu'elles permettront le remboursement dans des
circonstances plus prospères.
M. Mast
de Vries. - L'honorable M. Loos m'a mal compris, je n'ai pas dit que les
ressources du bureau de bienfaisance d'Anvers étaient telles qu'elles pouvaient
suffire à tous les besoins. Mais j'ai dit que la situation de la ville d'Anvers
lui permettait de donner de forts subsides au bureau de bienfaisance, et qu'il
n'en était pas de même pour les autres localités. Parce qu'Anvers peut donner
un subside de 40,000 fr. à son bureau de bienfaisance, il n'en résulte pas que
les autres communes puissent dans la même proportion venir en aide à ceux
qu'elles possèdent. J'ai dit aussi que dans les circonstances où nous nous
trouvons, il n'y a peut-être qu'une seule ville qui ne souffre point aussi
considérablement que le reste du pays, c'est Anvers. C'est un fait très heureux
pour cette ville, mais le fait est très vrai.
Quant
au canal de la Campine, on s'étonne que des habitants d'Anvers soient opposés à
son prolongement ; mais j'ai beaucoup plus de raison d'être étonné de ce qu'on
nous dit. Je répète qu'un projet tendant à faire ce prolongement a été proposé
au gouvernement, que la commission d'enquête chargée d'examiner ce projet était
composé en grande partie de personnes habitant Anvers et connaissant le pays.
Eh bien, les craintes d'inondations par suite d'un canal en relief dans une
partie des poldres paraissaient tellement fondées, que le rejet du projet était
probable et que la commission n'a point été réunie.
M. le président. - Je prie les orateurs de ne pas
sortir de la question.
M. Desmet. - L'honorable M. Osy s'est occupé de
la circulaire de M. le ministre de la justice. (Interruption.)
M. le président. - Cet objet n'est pas à l'ordre du jour.
M. Desmet. - Je n'ai que quelques mots à dire.
Je veux demander au gouvernement de faire tout ce qui est possible pour donner
partout du travail aux pauvres. J'insiste sur ce point, parce que le paupérisme
augmente chaque jour de plus en plus, et il n'y a qu'un seul moyen d'en
atténuer les effets, c'est de donner du travail.
Messieurs, nous avons vu
l'autre jour, que pour donner de l'ouvrage aux pauvres des Flandres, on en a
envoyé du côté de Liège ; ils n'y sont pas restés. Je pense que le gouvernement
devrait au moins donner des subsides pour secourir les classes malheureuses,
pour leur procurer du travail.
M.
Eloy de Burdinne. - Messieurs, je suis parfaitement de l'avis de l'honorable M. Osy, que
s'il était possible aux bureaux de bienfaisance de faire face aux besoins
auxquels ils ont à pourvoir, au moyen de leurs revenus, ils devraient
s'abstenir de toucher à leur capital ou de contracter des emprunts ; mais
lorsque leurs revenus sont insuffisants, il faut bien cependant qu'ils viennent
en aide aux malheureux. Deux récoltes successives ont été désastreuses. On peut
évaluer le déficit laissé par la dernière récolte à dix millions d'hectolitres
au moins. Eh bien, de grandes misères sont à soulager, et les communes se
trouvent dans l'impossibilité de venir au secours des bureaux de bienfaisance,
qui ont, eux-mêmes, épuisé leurs ressources, il faut donc bien chercher un
moyen quelconque de ne pas laisser mourir les pauvres de misère.
Il y aurait une mesure
que M. le ministre de la justice ferait bien de conseiller aux administrations
provinciales ; ce serait d'engager les personnes aisées à prêter des fonds aux
bureaux de bienfaisance, sans intérêts et pour plusieurs années, et d'autoriser
les bureaux de bienfaisance à faire de semblables emprunts.
Vous
savez, messieurs, qu'à la suite d'années de disette il y a toujours des années
d'abondance ; c'est ce qu'on a vu à toutes les époques ; il est très probable
que nous allons entrer dans une période d'années d'abondance, que nous allons
voir descendre les prix des denrées alimentaires à un taux modéré, et alors les
bureaux de bienfaisance n'ayant plus d'aussi grandes misères à soulager,
pourraient rembourser successivement les capitaux qu'ils auraient empruntés à
une époque calamiteuse.
Je suis persuadé qu'on trouverait
des personnes charitables qui consentiraient à prêter aux bureaux de
bienfaisance des sommes ne portant pas intérêts et remboursables en plusieurs
années ; j'engage M. le ministre à conseiller l'emploi de ce moyen pour venir
au secours des classes malheureuses.
M. Dubus A. - Messieurs, je dois répondre
quelques mots, à ce qui vient d'être dit par l'honorable M. Mast de Vries.
Le prolongement des
canaux de la Campine est une chose décidée ; et, en effet, si vous voulez
arriver au défrichement de cette partie du pays il est indispensable de
continuer non seulement le canal d'Herenthals jusqu'à Anvers, mais encore le
canal de Turnhout jusqu'à Saint-Job. Sans cela tous les fonds votés pour la
Campine seraient peu utilement employés, ce serait de l'argent en partie perdu,
pour le pays.
Je suis très étonné
d'entendre dire qu'à Anvers on est contraire au canal de la Campine, car toutes
les personnes que je connais à Anvers, sont on ne peut plus favorables à
l'exécution de ce projet.
Le rapport de la section
centrale est également très favorable au canal d'Herenthals à Anvers. Le
gouvernement lui-même est décidé à l'exécuter, car voici ce que dit une note du
ministre des travaux publics, note qui se trouve insérée dans le rapport de la
section centrale.
« Ce prolongement doit
être regardé comme éminemment utile, comme le complément rationnel et
indispensable du canal déjà creusé depuis le canal de Bois-le-Duc jusqu'à
Herenthals.
« En prolongeant les
canaux de la Campine jusqu'à Anvers, on leur donnera une très grande importance
et on les mettra véritablement eu valeur.
« Ce prolongement
réagira aussi de la manière la plus favorable et la plus marquée sur le canal
latéral à la Meuse, aujourd'hui en construction.
«Aussi le gouvernement
a-t-il l'intention de demander un crédit pour les travaux dont il s'agit,
aussitôt que la situation du trésor le permettra.
« Les projets sont
entièrement dressés.
« La dépense est évaluée
à 3,000,000 de fr. »
Il est certain, messieurs,
que le canal d'Herenthals à Anvers n'est pas seulement un canal agricole, mais
encore un canal commercial. Quant au canal de Turnhout à St-Job, il est
essentiellement agricole ; j'engagerai le gouvernement à faire exécuter l'année
prochaine simultanément ces deux canaux, et si je n'ai pas pris la parole dans
la discussion générale pour demander cette exécution, c'est uniquement parce
que la misère des Flandres a absorbé les ressources du budget et que dès lors
il faut bien attendre jusqu'à l'année prochaine, jusqu'à une époque plus
favorable.
Je le répète, les
prolongements des canaux d'Herenthals et de Turnhout sont des travaux arrêtés
en principe. C'est une question décidée par le gouvernement, par la chambre,
par le pays lui-même, car, il faut bien le dire, le défrichement de la Campine
est devenu populaire en Belgique. C'est à la misère des Flandres qu'il faut
attribuer le retard qu'éprouve cette année l'achèvement des canaux. Cependant,
il existe aussi de la misère en Campine, et des travaux y seraient très utiles
à la classe indigente.
Puisque j'ai la parole,
j'adresserai une interpellation à M. le ministre des travaux publics. Il existe
en ce moment une opinion accréditée en Campine. C'est que cette année encore
aurait lieu le creusement du canal de Turnhout à Saint-Job. Comme un grand
nombre d'ouvriers comptent sur ces travaux et négligent peut-être d'en chercher
ailleurs, il est indispensable que le publie sache à quoi s'en tenir, qu'il
sache, en définitive, si ces bruits ne sont pas fondés.
Si
ces travaux ne peuvent en ce moment être exécutés, je prierai M. le ministre de
bien vouloir presser de tout son pouvoir la confection de la route de Moll à
Turnhout, travail qui doit donner du pain à un très grand nombre d'ouvriers ;
voilà environ dix mois qu'un arrêté royal a paru, que cette route est décrétée,
et presque rien n'est fait. Je ne comprends pas comment dans un pays sans
accidents de terrains, où il n'existe aucune difficulté d'art à surmonter, on
puisse employer dix mois à l'instruction d'une affaire d'une si minime
importance.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
L'honorable M. Osy a demandé au gouvernement où en sont les études du
prolongement du canal de la Campine, depuis Herenthals jusqu'à Anvers. Je puis
dire à l'honorable membre que ces études sont faites. Le travail dont il
s'agit, a été étudié suivant trois directions différentes : la première
entièrement directe d'Herenthals à Anvers, la deuxième qui part de la Nèthe, à
un point au-dessus d'Herenthals, pour aboutir également à Anvers, et la
troisième, dans laquelle on utiliserait la Nèthe et le Rupel pour arriver aussi
à Anvers. La question est complétement instruite, et lorsqu'il sera nécessaire
de faire une proposition à cet égard à la chambre, le gouvernement sera en
mesure de le faire instantanément.
L’honorable M. Osy a
appelé l'attention du gouvernement sur la nécessité de construire à Anvers un
bassin qui pût, le cas échéant, recevoir et abriter les bateaux appartenant à
la navigation de la Campine. Ce projet, messieurs, est d'une véritable utilité
et j'ai également prescrit d'en faire l’étude ; c'est encore un point sur
lequel je pourrai donner des renseignements pertinents, dans la session
prochaine.
L'honorable M. Dubus a
présenté différentes observations sur les canaux de la Campine, sur la
nécessité de prolonger le canal de Turnhout jusque vers St-Job ; il a demandé
si ce prolongeaient serait fait cette année. Le bruit qui a été répandu à cet
égard, manque de fondement ; les ressources actuelles ne permettent pas de
songer à ce travail ; les études sont faites, et c'est une chose qu'on pourra
aborder, lorsque les ressources le permettront.
L'honorable M. de La
Coste. a présenté de nouvelles observations, au sujet du canal des Trois-Fontaines
à Diest ; il a rappelé que deux études (page
1456) avaient été faites suivant un système de canal latéral et suivant un
système de canalisation par barrages ; il a demandé également que si une
concession n'était pas possible, le gouvernement fît aux chambres l'exposé des
choses, afin que les chambres pussent aviser, le cas échéant, à des moyens
d'exécution.
Cette question présente
une difficulté d'argent qui a déjà été signalée : le canal latéral absorberait
un capital considérable qui ne serait peut-être pas en rapport avec les
résultats de l'opération, : je pense que la canalisation par barrages serait au
fond la chose la plus praticable.
L'honorable membre a fait
remarquer que plusieurs redressements étaient en cours d'exécution. Ces
redressements doivent surtout contribuer à faciliter l'écoulement des eaux ;
ils sont faits dans un intérêt agricole ; et contrairement à l'opinion de
l'honorable membre, je crois que ces
redressements pourraient également être utilisés pour le cas où l'on établirait
des barrages dans le Demer.
La
question présente encore une certaine difficulté au point de vue de la jonction
des deux canaux de Bruxelles et de Louvain au Rupel. Les villes de Bruxelles et
de Louvain ont été jusqu'ici assez peu favorables à cotte jonction : cependant,
ce serait un point sur lequel il serait utile de s'entendre avec ces deux
villes, parce que le projet modifierait les produits des deux canaux. Quoiqu'il
en soit, les études de ce travail sont très avancées, et je pourrai, si on le
désire, soumettre un rapport à la chambre lors de la session prochaine.
M. de T’Serclaes. - Messieurs, la loi du 18 juin 1846
est venue consacrer, après de longs et pénibles débats, un système de mesures
propres à remédier aux inondations extraordinaires des rives de l'Escaut et de
la Lys.
Le deuxième paragraphe de
l'article premier de cette loi comprend parmi les travaux à faire le dévasement
du Moervaert depuis Rooden-Huys jusqu'à la naissance de la Durme au
Splettersput.
La section centrale
chargée de l'examen du projet de loi avait proposé, à l'unanimité des voix
moins une abstention, l'addition de cet ouvrage à ceux déjà indiqués par le
ministère, et le gouvernement s'était rallié à l'amendement de la section
centrale sans aucune difficulté.
Par la loi du 27 mars
dernier, le crédit de 500 mille francs alloué pour les premiers travaux du
canal de Deynze à Schipdonck et pour le recreusement du Moervaert, fut augmenté
de 250 mille francs.
Le recreusement du
Moervaert a été jugé nécessaire par la commission instituée en 1841, pour
rechercher les causes et les remèdes des inondations, commission composée des
hommes les plus compétents de la province du Hainaut et des deux Flandres, dont
le rapport a servi de base à la loi du 18 juin 1846.
Les travaux à exécuter au
Moervaert sont compris dans chacun des trois systèmes proposés par cette
commission, et examinés par la chambre.
Il est donc absolument
inutile d'insister aujourd'hui sur la nécessité reconnue de l'opération dont je
parle.
Que l'intention des
chambres et du gouvernement ait été de faire entreprendre les travaux du
Moervaert, simultanément avec ceux du canal de Deynze à Schipdonck ; cela
résulte des termes mêmes des deux lois que je viens de citer, et de l'exposé
des motifs présenté par M. le ministre des travaux publics à l'appui du projet
de loi voté l'an dernier. Je citerai le passage suivant :
« Le recreusement du
Moervaert, de puis Rooden-Huys jusqu'à la naissance de la Durme au
Splettersput, est en outre regardé par le conseil des ponts et chaussées, comme
le complément du système de travaux à adopter et comme pouvant être entrepris
en même temps que le canal de jonction de la Lys au canal de Bruges, attendu
qu'il tend à la même fin, qu'il concourrait à l'écoulement des eaux et contribuerait
ainsi à dégager la ville de Gand. »
On devait s'attendre,
d'après cela, que les ouvrages du Moervaert auraient été mis en œuvre en même
temps que ceux du canal de Deynze à Schipdonck. Or, messieurs, j'ai lieu de
croire qu'il n'en sera rien ; les travaux du canal sont adjugés depuis le mois
de février dernier, et jusqu'aujourd'hui aucun avis n'a été publié relativement
au recreusement du Moervaert.
Depuis plusieurs années,
le gouvernement n'a pas fait exécuter des travaux publics dans l'arrondissement
de Saint-Nicolas. Cet hiver, les besoins de la classe pauvre sont grands là
comme ailleurs, pourquoi n'a-t-on pas saisi l'occasion de mettre la loi à
exécution en donnant de l'ouvrage aux ouvriers qui en manquent et qui en
réclament à grands cris ?
Est-il nécessaire,
messieurs, de s'étendre plus longuement sur ce point ? Assurément non,
l'opinion de la chambre est unanime ; je me bornerai donc à demander à M. le
ministre des travaux publics pour quels motifs le recreusement du Moervaert n'a
pas été mis en adjudication jusqu'à présentât quelles sont ses intentions à
l'égard de ces importants travaux pour l'avenir.
A la question du
recreusement du Moervaert, se rattache un autre projet qui a déjà occupé la
chambre ; il s'agit d'un travail moins important, moins dispendieux, mais qui
est cependant vivement réclamé par les localités qu'il intéresse. Le principal
affluent du canal du Moervaert est le canal de Stekene. Ce canal est la
propriété de l'Etat qui en perçoit les revenus.
Or, depuis un grand
nombre d'années, le gouvernement n'y a fait exécuter aucune réparation, et
cette voie de communication est aujourd'hui dans l’état le plus fâcheux ; elle
est en plusieurs endroits presque tout à fait envasée. Déjà dès le mois de
novembre 1842, les bateliers intéressés ont adressé une requête à la chambre
pour attirer la sollicitude des pouvoirs publics sur cette voie navigable si
longtemps négligée.
En 1844, sept des
principales communes de l'arrondissement de Saint-Nicolas présentèrent au
conseil provincial de la Flandre orientale un mémoire détaillé sur cette
affaire. Le conseil provincial, à deux reprises, dans les sessions de 1844 et
1845, chargea sa députation permanente d'insister auprès du gouvernement pour
qu'il fît recreuser le canal, et qu'une allocation spéciale fût portée de ce
chef au budget des travaux publics. Indépendamment de ces démarches, on ne
cessa point d'agir directement auprès du ministère. Enfin, en novembre dernier,
le conseil communal de Stekene présenta à M. le ministre des travaux publics un
nouvelle requête, accompagnée de nombreux documents, cartes et devis. Ce
collège expose que cette voie navigable offre un fort grand intérêt pour le
placement des produits d'une grande partie de l’arrondissement de Saint-Nicolas
; qu'elle est très utile, tant pour l'irrigation des propriétés riveraines, que
pour l'écoulement des eaux. Les navires qui parcourent le canal de Stekene
mettent plusieurs localités en relations directes avec Gand, Anvers, Termonde,
Bruxelles, et même le Hainaut, d'où ils exportent de la chaux, des grès, de la
houille, etc. Ce canal sert au transport des bois, des céréales, et autres
produits du pays de Waes, sur les marchés voisins.
La commune de Stekene,
principalement intéressée dans la question, a fait des sacrifices très considérables
pour la construction d'une chaussée en dehors de son territoire, destinée à
alimenter la navigation du canal, et à mettre celui-ci en rapport par Vracene
et Saint-Gilles avec les communes les plus éloignées du district.
Dernièrement, le gouvernement
a interpellé les autorités locales sur la question de savoir s'il n'y avait pas
moyen que le dévasement pût s'opérer par les efforts réunis des communes
réclamantes, avec un subside du gouvernement. La réponse fut telle que l'on
devait s'y attendre.
Il est manifestement
impossible, dans la crise actuelle des subsistances, après les efforts énormes
que les conseils communaux ont faits pour donner du pain aux pauvres, que l'on
puisse s'occuper de travaux publics à la décharge de l'Etat, quelque grand que
soit l'intérêt local en jeu.
Les communes demandent
donc que l'Etat se charge lui-même d'une dépense reconnue indispensable et qui
lui incombe à tous égards. Il s'agit en tout d'une somme de 30,000 fr. Le
gouvernement pourrait se dispenser de la donner en une fois, et de suite. Les
travaux qui doivent nécessairement concourir avec ceux du Moervaert, pourraient
se faire en deux ou trois ans ; mais, en attendant, il importe que l'on admette
en principe le dévasement de ce canal aux frais de l'Etat.
Je
demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien s'expliquer à
cet égard.
J'oubliais de mentionner
qu'en 1843, le ministre des travaux publics qui était alors l'honorable M.
Desmaisières, sur une interpellation qui lui avait été faite par M. Cools
(séances du 10 et du 12 janvier 1843), avait promis d'examiner la question ;
depuis 1843, on attend une solution.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
L'honorable préopinant s'est occupé de deux objets : le recreusement du
Moervaert et le recreusement du canal de Stekene. Il a fait observer que,
d'après la loi votée l'année dernière, le recreusement du Moervaert doit être
exécuté simultanément avec le creusement du canal de Deynze à Schipdonck.
Voici ce qui a été fait.
Des crédits globaux ont été accordés au gouvernement pour le canal de Deynze à
Schipdonck et pour le recreusement du Moeivaert. L'adjudication des travaux du
canal de Schipdonck a eu lieu, cette adjudication et les acquisitions des
terrains actuellement nécessaires s'élèvent à peu près à un chiffre égal au
montant des deux crédits déjà obtenus par le gouvernement, de telle sorte que
le recreusement du Moervaert n'est pas possible dans le moment actuel ; mais
les chambres auront à voter un troisième crédit pour l'achèvement du canal de
Schipdonck ; et dans ce crédit on aura soin de comprendre ce qui sera
nécessaire pour le recreusement du Moervaert ; ce travail pourra alors être
activé de manière à pouvoir être terminé à l'époque de l'ouverture du canal de
Schipdonck ; de sorte que la simultanéité qui était dans le vœu du législateur,
sera obtenue.
Le
recreusemeut du canal de Stekene est le second objet qui a été traité par
l'honorable membre : on a considéré ce recreusement comme n'étant pas d'un intérêt
général assez prononcé pour que le gouvernement se chargeât de la totalité de
la dépense.
Les rapports qui m'ont
été adressés concluent donc à ce que le gouvernement intervienne dans ce
travail seulement par voie de subside. L'honorable membre demande que le
recreusement se fasse aux frais exclusifs de l'Etat sur plusieurs exercices ;
l'honorable membre s'appuie sur ce que le canal étant la propriété de l'Etat,
c'est à l'Etat à le faire recreuser. Je ferai examiner la question à ce point
de vue, avec toute la bienveillance compatible avec l'accomplissement de mes
devoirs.
(page 1463) M. de T’Serclaes. - Je remercie M. le ministre
des travaux publics de ce qu'il vient de dire au sujet du canal de Stekene. Je
prends acte de la déclaration qu'il vient de faire, que la question sera
examinée sous le point de vue des droits de l'Etat et des devoirs qui lui
incombent comme propriétaire du canal. Je suis persuadé maintenant que la question
ne tardera point à être résolue favorablement.
Messieurs, par de
nombreux documents que j'ai entre les mains, il est établi que la propriété
exclusive du canal de Stekene appartient au domaine public. Il n'y a pas même,
à cet égard, de contestation possible, et comme preuve de propriété, ainsi que
je l'ai dit tout à l'heure, l'Etat en perçoit les revenus ; la location de la
pêche lui produit annuellement environ 200 francs. Je demande s'il est
facultatif au gouvernement, propriétaire de travaux d'utilité publique, d'en
négliger l'entretien de telle sorte qu’ils ne puissent plus remplir leur
destination primitive ; je ne pense pas que, posée en ces termes, la question
puisse être résolue affirmativement.
Les ouvrages d'utilité
publique imposent des devoirs au ministère ; ils ne lui confèrent pas seulement
certains avantages.
Je n'ignore pas que le
gouvernement précédent a voulu se débarrasser des frais d'entretien de
plusieurs travaux artificiels, en imposant les frais d'administration de
plusieurs rivières et canaux aux provinces et aux communes. Mais il s'agit de
savoir si les arrêtés pris par le roi Guillaume à cet égard pouvaient avoir
force légale et s'ils doivent encore être respectés aujourd'hui.
J'ai dit que les travaux
du canal de Stekene doivent nécessairement être exécutés avec ceux du
Moervaert. Cela se conçoit facilement et il en a toujours été ainsi. On a
envoyé au ministère des actes du gouvernement autrichien qui établissent ce
principe d'une manière incontestable. Les placards de Marie-Thérèse de 1778 ;
ceux de Joseph II de 1788 et 1789, ont prescrit que le Moervaert et le canal
devaient être entretenus l'un et l'autre à une profondeur convenable, aux frais
de l'Etat. J'ai eu ces documents entre les mains, mais je pense qu'il est
superflu de les lire à la chambre.
Que va-t-il arriver si le
dévasement du canal ne s'exécute pas en même temps que le recreusement du
Moervaert ? Le canal de Stekene étant un affluent du Moervaert, si vous
approfondissez d'abord ce dernier, le canal de Stekene va baisser de niveau ;
dès lors il est facile de comprendre que la voie principale étant mise en état
de recevoir un plus grand volume d'eau, l'affluent secondaire, qui n’en est
séparé par aucun sas, aucune écluse, pourra être mis à sec. Déjà aujourd'hui,
les atterrissements sont considérables et la navigation est tellement entravée
que pendant les mois d'été elle devient presque nulle par le manque d'eau.
Tous les hommes de l'art
reconnaîtront, et j'espère que la chambre comprendra, que l'on ne peut séparer
les opérations du recreusement du Moervaert de celles du dévasement du canal de
Stekene.
Il m'est impossible
d'admettre que l'on puisse s'arrêter à une pareille idée, tant le dommage qui
en résulterait serait grand pour le district de St-Nicolas.
Je regrette, messieurs,
que les communes ne soient pas en position de faire des sacrifices, si, ce que
je ne crois pas, tel était leur devoir. L'arrondissement de St-Nicolas est
riche, c'est un fait connu de tout le monde ; mais la misère qui règne partout
ne l’a pas épargné ; les malheureux y fourmillent comme ailleurs. Cette
prospérité si bien établie tend à décroître ; ce district est aujourd'hui dans
une situation telle que les principales communes ne peuvent pas subvenir aux
besoins des indigents. Est-il possible, dans l'état actuel des choses, de
mettre à leur charge des travaux de réparation qui ne leur compétent pas ?
Le pays de Waes, le mieux
cultivé et l'un des plus civilisés, non seulement de la Belgique mais de
l'Europe, a fait de grandes choses. Nul district dans notre pays n'a des
chemins mieux tenus, des travaux publics mieux soignés, de plus beaux hospices,
établissements de bienfaisance, écoles. Presque toutes les communes sont
aujourd'hui reliées entre elles par des chaussées, et tous ces travaux ont été
exécutés par leurs propres ressources. Quels cantons ont eu moins recours aux
subsides de l'Etat et de la province ? Fières de l'intelligence qui présidait à
leur administration, fières de leurs ressources habilement ménagées, ces
communes se sont presque suffi à elles-mêmes. Aujourd'hui leurs moyens sont
épuisés et elles prennent leur recours vers le gouvernement. Si elles en
agissent ainsi, elles sont dans la persuasion que c'est autant dans l'intérêt
de l'Etat que dans leur propre intérêt. Pourrez-vous, messieurs, leur refuser
votre coopération, lorsque, dans le présent budget, vous allez allouer des
sommes considérables pour des cours d'eau comme la Senne, qui ne sont ni
navigables ni flottables ?
On a dit que les communes
ne voulaient faire aucun sacrifice ; c'est là une erreur. Le village de Stekene
a fait construire à ses frais un pont sur le canal, travail qu'il n'aurait pas
dû faire, puisque ce cours d'eau est la propriété de l'Etat ; ce pont a coûté
plus de 7,000 fr., la commune offre d'en céder gratuitement la propriété au
gouvernement arec le péage qui y est attaché.
On prétend que le canal
de Stekene ne présente qu'un intérêt local dont le pays ne tire aucun avantage.
Je n'admets pas cette supposition, je ne crois pas qu'on puisse la discuter lorsqu'il
s'agit de travaux publics appartenant à l'Etat. Du reste, la seule commune de
Stekene compte près de 7,000 habitants ; plusieurs autres communes très
populeuses du district font usage du canal, et je vous ai fait remarquer tout à
l'heure, messieurs, que cette voie navigable les met en communication directe,
non seulement avec le reste de la Flandre orientale, mais avec plusieurs autres
provinces. A la fin de 1846, il existait à Stekene seul treize bateaux
appartenant aux bateliers de la commune et jaugeant un tonnage assez
considérable. De plus, il y a deux services réguliers de navigation par semaine
avec Gand et avec Lokeren.
La question qui nous
occupe est digne de l'attention du gouvernement et de la chambre. Je ne puis
trop insister pour qu'elle soit résolue favorablement. Le ministère paraît
disposé à accorder un subside de dix à douze mille francs ; c'est plus du tiers
de la dépense. Je ne comprends pas pourquoi l’on ne décide pas tout de suite
que l'Etat se chargera de l'opération, sauf à ne faire maintenant qu'une partie
du travail, et à continuer le reste plus tard.
Relativement à l'intérêt
de l'Etat, le canal de Stekene n'est point un objet insignifiant. C'est une
belle et large voie navigable qui existe depuis des siècles. Ne pourra-t-elle
pas être plus tard utilisée dans un intérêt plus général qu'aujourd'hui ? Elle
formait au moyen âge la communication de la ville de Hulst, dans la direction
de la mer, avec Gand et le reste de la Flandre Serait-il impossible que cette
communication avec la Zélande fût rétablie un jour ? Déjà aujourd’hui la
commission, dont je vous ai parlé tout à l'heure, a émis l'avis (page 71 de son
rapport) que l'administration de ce cours d'eau fût reprise par l'Etat. Des
ingénieurs ont proposé de prolonger le canal de Stekene jusqu'à l'Escaut, vers
Calloo. Ce plan était sérieux, et le ministère l'a jugé digne d'un examen
approfondi.
Je n'ai pas à me
prononcer sur ce projet, que les uns jugent utile et les autres dangereux.
Je crois, messieurs, en
avoir assez dit pour démontrer que le dévasement du canal de Stekene est une
opération importante, qui doit incomber à l'Etat, et qui ne peut être séparée
du recreusement du canal de Moervaert.
- La chambre passe
ensuite à la discussion des articles.
Section I. Ponts et
chaussées
Article premier
« Art. 1er.
Entretien et amélioration des routes, construction de route nouvelles, ponts à
bascule, études de projets :
« Ordinaires,
fr. 2,693,800
« Extraordinaires,
400,000
« Ensemble, fr. 3,095,800. »
- Adopté.
Article 2
« Art. 2.
Plantations : fr. 50,000. »
M. le président. La section centrale propose une
réduction de 6,000 fr.
(page 1456) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Je crois devoir m'opposer à la réduction proposée par la section centrale.
Cette proposition repose surtout sur cette présomption que les inspecteurs des
plantations ne seraient pas utiles. Je pense que c'est une chose grave que de
proposer la suppression de certaines fonctions existantes et déjà sanctionnées
(page 1457) par
divers votes de la chambre, par le motif que ces fonctions ne seraient pas
utiles.
Voici ce que dit la
section centrale :
« La section centrale
estime qu'il y a lieu de supprimer ces fonctions, et elle en fait la
proposition formelle. Il lui paraît impossible que trois hommes suffisent pour
inspecter 733 lieues de routes pavées, et 112 lieues de chemins de fer, sans
compter les canaux dont les bords sont généralement plantés. »
C'est donc parce qu'on
considère ces trois inspecteurs des plantations comme insuffisants pour la
tâche dont ils sont chargés, qu'on propose leur suppression.
Je crois qu'une mesure de
ce genre est, en principe, extrêmement grave. Jusqu'ici les positions
administratives ont été considérées comme ayant une certaine stabilité, comme
n'étant pas à la merci d'un vote tout à fait imprévu de la chambre. Je crois
donc qu'il serait fâcheux de décider la suppression de ces inspecteurs. Ce vote
aurait des conséquences fort étendues qui jetteraient le découragement dans
l'esprit des fonctionnaires publics.
Les
fonctionnaires auxquels on a fait allusion se sont acquittés du travail qui
leur était imposé, avec une entière bonne volonté, avec un zèle constant ; il
n'y a aucun reproche à leur adresser, il serait très fâcheux que la suppression
de ces fonctions fût la conséquence nécessaire d'un vote de la chambre.
La question de savoir si
le service des plantations des routes, canaux, chemins de fer, doit être confié
au département des finances, se discute entre les deux départements.
Cette affaire doit suivre
son cours. En attendant, il ne faut rien préjuger, et maintenir l'allocation
telle qu'elle est proposée par le gouvernement.
M. Anspach. - La section centrale nous propose
une réduction de 6,000 fr., et en même temps la suppression de l'emploi des
conservateurs des plantations. Je viens combattre les conclusions de la section
centrale, parce que je crois que cette suppression serait extrêmement nuisible.
L'honorable rapporteur
vous présente un raisonnement qui me paraît peu logique. Il dit qu'il paraît
impossible que trois hommes suffisent pour inspecter 733 lieues déroutes pavées
et 112 lieues de chemin de fer ; il semble qu'on devrait conclure de là qu'il
faut augmenter le nombre des inspecteurs.
Tout au contraire, pour
pourvoir à cette insuffisance, l'honorable rapporteur vous propose la
suppression de ces emplois.
Je ne sais si les routes
se trouveraient bien de l'absence de toute surveillance.
Cette affaire offre un
assez grand intérêt, dont on ne sent pas toute l'étendue au premier abord.
Ces plantations sont sur
une étendue de 980 lieues, que comportent les routes de toute la Belgique. Sur
cette étendue, il peut y avoir des plantations d'une très grande importance,
qui, si elles étaient bien aménagées, devraient produire au trésor un revenu de
4 à 5 cent mille francs. Lorsque ce service sera bien aménagé, il y aura sur
980 lieues 1,300,000 pieds d'arbres, en les supposant à 8 mètres de distance
(distance prescrite par les cahiers des charges). Si, pour les solutions de
continuité de routes et pour certaines parties de routes qui, en raison de leur
stérilité, ne peuvent être plantées, je déduis 300,000 pieds d'arbres, il reste
un million de pieds d'arbres qui, bien aménagé, doit, dans 40 ou 50 ans,
produire un revenu de 4 à 5 cent mille francs ; c'est clair comme le jour.
Dans la position de nos
finances, 4 à 5 cent mille francs n'est pas une somme à dédaigner.
Pourquoi
ces plantations, susceptibles de donner de tels produits, rapportent-elles si
peu ? Parce que l'organisation de la surveillance est vicieuse, en ce sens que
cette surveillance est dévolue à ces MM. des ponts et chaussées, hommes très
savants, versés dans les mathématiques transcendantes, mais qui regardent les
plantations comme un ornement ou comme affermissant les berges des grandes
routes, mais non comme un produit.
Cette surveillance
devrait être distraite des ponts et chaussées et confiée à l'administration
forestière. On rendrait ainsi cette inspection productive ; les agents de
l'administration forestière rendraient là des services, parce que leurs
rapports verraient le jour et seraient de quelque utilité, tandis que ceux des
agents des ponts et chaussées restent ensevelis dans les cartons du département
des travaux publics.
M. Brabant, rapporteur. - Je conçois ce qu'il y a de
fâcheux de venir proposer à la chambre de décider, en 1847, la suppression
d'une dépense votée en 1844, en 1845 et en 1846. Mais si une pareille fin de
non-recevoir devait arrêter toute proposition d'économie, un budget ne serait
plus susceptible que d'augmentations.
Une dépense est
impossible, si elle n'a été votée par la législature. Si on la vote, c'est
qu'on la croit utile. D'après la théorie d'aujourd'hui, elle doit, par suite,
être considérée à perpétuité comme utile.
Je ne crois pas du tout
que la section centrale, ni moi en particulier, ayons été illogiques en disant
qu'il nous paraissait impossible que trois hommes suffisent pour inspecter 733
lieues de routes pavées et 112 lieues de chemin de fer ; et de conclure ensuite
de cette impossibilité à la suppression des fonctionnaires existants.
Je crois, messieurs, que
l'honorable député de Bruxelles reconnaîtra lui-même qu'il est impossible que
trois hommes suffisent à l'inspection d'une étendue aussi grande de
plantations, étendue qu'il a faite plus considérable que moi-même, et cela
parce qu'il a compris dans les routes soumises à la surveillance des
inspecteurs des plantations les routes provinciales sur lesquelles je crois
qu'ils n'ont aucun droit de surveillance. Je n'ai compris dans mon calcul que
les routes de l'Etat et le chemin de fer.
Messieurs, les
plantations faites le long des routes peuvent amener un produit assez
considérable dans les caisses du trésor, et il est certain que l'administration
doit donner des soins à ces plantations, en supposant qu'elles soient reconnues
utiles. Mais je crois que cette surveillance doit rentrer dans l'administration
du ministère des finances, et pas du tout dans l'administration du département
des travaux publics ; c'est ce que j'ai eu l'honneur de dire dans le rapport.
Messieurs, est-il
nécessaire d'augmenter le personnel forestier aujourd'hui existant, parce que
les plantations qui sont sur nos grandes routes passeraient à l'administration
des finances ? Nous avons un personnel forestier assez nombreux, personnel
forestier qui ne s'accroît pas, je le pense du moins, mais qui ne diminue pas
non plus ; et cependant chaque année nous aliénons une partie de nos forêts.
Utilisez les agents forestiers qui sont en trop par suite de vos aliénations à
l'inspection des plantations établies sur les routes.
J'avais dit que je ne
faisais pas entrer dans la longueur calculée les plantations établies sur les
canaux. Et bien m'en a pris, messieurs ; car je sais aujourd'hui que les
inspecteurs des plantations n'ont pas à s'occuper de celles qui se trouvent le
long des canaux ; c'est l'administration des finances qui soigne ces
plantations. Or, ce que l'administration des finances fait pour les plantations
le long des canaux, elle peut le faire pour les plantations qui se trouvent le
long des grandes routes.
Voulez-vous voir,
messieurs, quelle belle spéculation nous avons faite en établissant des
inspecteurs de plantations ? Moitié de leur traitement, 6,000 fr., sont pris
sur le budget du chemin de fer. C'est porter très loin la surface à planter sur
les berges et les talus du chemin de fer que de la porter à 200 hectares. Je
crois que la superficie totale du chemin de fer peut aller à 7 ou 800 hectares.
En mettre le quart pour les talus, c'est-à-dire pour certaines plantations des
talus, c'est certainement aller trop loin. Eh bien, 200 hectares payés à raison
de 6,000 fr., cela vous donne 30 fr. par hectare.
Messieurs,
je ne suis pas propriétaire de bois ; je ne sais ce qu'ils rapportent. Mais je
me suis informé auprès de nombreux propriétaires de bois (et remarquez qu'il ne
s'agit ici que de taillis, car la loi sur la police des chemins de fer défend
de planter des arbres de haute futaie le long du railway) ; ces propriétaires
de bois m'ont affirmé qu'il était excessivement rare, qu'il n'arrivait presque
jamais qu'un hectare pût rapporter par an 30 fr. de taillis.
Je persiste donc dans la
proposition de la section centrale.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis me rallier à
la proposition de la section centrale. En effet, c'est la chambre elle-même
qui, à diverses reprises, a engagé le gouvernement à tirer parti des
plantations le long des routes de l'Etat. La Belgique, au lieu d'augmenter les
impôts, doit chercher à se créer des ressources, des moyens de finance qui ne
coûtent rien à personne ; ne sont là certainement les meilleurs revenus pour le
trésor public, parce que personne ne peut s'en plaindre et qu'ils dégrèvent
d'autant les charges qui pèsent sur le peuple.
C'est dans cet état de
choses que la chambre a, pendant plusieurs années, demandé au gouvernement de
s'occuper des plantations le long des roules pavées.
Ce que vient de dire tout
à l'heure l'honorable M. Anspach est de toute vérité. Il est évident que nous
pouvons retirer des plantations des routes, si ces plantations sont bien
dirigées, bien aménagées, un revenu considérable, revenu que l'honorable membre
évalue à 400,000 fr., et je ne crois pas que ce chiffre soit de beaucoup
exagéré.
Messieurs, faut-il
supprimer les fondions d'inspecteur des plantations ? Mais je ferai remarquer à
l'assemblée que supprimer les fonctions d'inspecteur, c'est à peu près
compromettre tout ce qui a été fait. Je conçois qu'il puisse se trouver telle
ou telle province où il existe encore des agents forestiers du gouvernement qui
pourraient peut-être surveiller les plantations. Mais l'honorable M. Brabant a
considéré la Belgique comme se trouvant tout entière dans la situation de la
province de Namur. Or, il faut remarquer que dans la Belgique occidentale, que
chez nous, nous ne connaissons plus d'agents forestiers.
M. Brabant, rapporteur. - Vous avez quatre agents
supérieurs.
M. Dumortier. - Je n'en ai jamais entendu parler.
M. le ministre des finances ajoute que nous n'avons plus de bois dans le
flânant.
M. Brabant, rapporteur. - Vous avez encore un inspecteur et
trois gardes forestiers.
M. Dumortier. - Eh bien, il faut les supprimer (interruption), voilà les agents qu'il
faut supprimer. Supprimez les agents qui n'ont rien à faire ; mais ne supprimez
pas ceux qui ont quelque chose à faire. Cela ressemblerait singulièrement au
monde renversé. Si une suppression doit avoir lieu, elle doit avoir lieu chez
les agents dont les fonctions ont cessé d'exister, et non pas chez ceux dont
les fonctions existent.
Au reste, veuillez
remarquer, messieurs, que lorsqu'on vient vous proposer la suppression des
inspections des plantations des routes comme mesure d’économie, ce n'est pas
une économie que l'on propose, mais c'est une grande dépense pour le trésor.
Car les soins apportés dans la taille, dans l'aménagement des arbres qui
bordent les routes, entrent pour beaucoup dans leurs produits futurs. Nous avons
des routes, (page 1458) et notamment
la magnifique route de Hal à Bruxelles, qui étaient supérieurement plantées, et
où il n'y avait pas un seul arbre qui fût dans une condition telle qu'on pût en
tirer parti, tant la taille avait été mauvaise.
Il faut
que la taille des arbres des routes soit laissée à des hommes spéciaux, à des
hommes qui connaissent cette partie, et c'est là tout autre chose que les
arbres qui se trouvent dans les forêts. Je connais des routes admirablement
plantées où tous les arbres étaient gâtés par la mauvaise taille, et cela parce
que, comme on l'a dit tout à l'heure, les agents des ponts et chaussées sont
des hommes très savants, mais entièrement étrangers à cette partie.
Pour mon compte, je
pense, et je suis d'accord avec mon honorable collègue, qu'il serait beaucoup
mieux de réunir la surveillance des plantations aux domaines ; mais je ne
voudrais pas pour cela supprimer les fonctions d'inspecteur. Car si elles sont
utiles, il ne faut pas les supprimer ; et personne ne peut contester que les
soins donnés aux plantations le long des routes peuvent amener pour le trésor
un important revenu qu'il ne faut pas laisser échapper, qui vient à la décharge
des impositions publiques.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Messieurs, plusieurs fois, dans la discussion du budget des finances,
on s'est plaint dans cette enceinte, et surtout au sénat, de l'insuffisance du
personnel forestier pour la surveillance des bois domaniaux, des bois indivis
et des bois communaux. Les aliénations faites jusqu'à présent n'ont pas eu pour
effet de rendre moins onéreux les devoirs imposés à l'administration
forestière, parce que les payements sont échelonnés sur cinq années, et que les
bois aliénés restent soumis au régime forestier jusqu'à ce que le prix d'achat
soit entièrement acquitté. Ainsi dans les provinces où il reste encore des bois
domaniaux proprement dits, on ne peut pas réduire le personnel forestier. Dans
la province de Hainaut, dont on a parlé, il ne reste plus de bois domaniaux
proprement dits ; mais il reste, surtout dans l'arrondissement de Charleroy,
beaucoup de bois communaux, qui sont soumis au régime forestier. On s'explique
ainsi que le personnel n'ait pas été supprimé lorsqu'on a vendu les bois que le
domaine possédait.
Je ferai remarquer que
les agents forestiers, les agents des eaux et forêts, indépendamment de la
surveillance des bois, ont d'autres attributions qui, dans une province comme
celle de Hainaut, ont aussi une certaine importance.
La question de savoir si
les plantations seraient mieux placées dans les attributions du domaine que
dans celles du département des travaux publies a été soulevée il y a quelque
temps. Mon honorable collègue m'a communiqué quelques objections de détail, il
m'a signalé quelques difficultés relatives à l'organisation nouvelle de ce
service, et l'administration centrale du département des finances s'occupe
d'examiner ce travail.
Je puis prendre
l'engagement dès à présent que la question d'attributions sera résolue en pleine
connaissance de cause avant le vote du budget de 1848, et alors si la solution
était jugée par la chambre n'être point conforme aux véritables intérêts de
cette partie du service, alors, mais seulement alors, on pourrait prendre une
décision qui impliquerait un changement en quelque sorte par suite du vote même
de la loi.
Aujourd'hui si on
supprimait le traitement, on nous placerait dans cette singulière position de
ne pas pouvoir opérer le transfert au ministère des finances, en supposant
qu'il fût reconnu utile, car, ainsi que je viens de l'expliquer, le personnel
forestier existant suffit à peine à ses devoirs. D'un autre côté, le budget des
finances est voté et nous nous trouvons à la fin de la session.
On ne
pourrait donc pas utiliser le crédit qui, jusqu'à présent, a été destiné aux
plantations, et on serait dans l'impossibilité, lorsque la question pourra être
utilement résolue, de venir demander à la chambre les crédits nécessaires pour
un service dont je reconnais, comme les honorables préopinants, toute
l'importance financière.
Ma conclusion, messieurs,
est celle-ci. Que la chambre maintienne au budget de 1847 le crédit qui a été
affecté les années précédentes au service dont il s'agit, moyennant
l'engagement pris par le gouvernement, de résoudre la question avant le vote du
budget de 1848, le droit de la chambre, je n'ai pas besoin de l'ajouter,
restant entier, si la solution n'est pas jugée conforme aux intérêts de l'Etat.
M. Osy. - D'après le principe de M. le
ministre des travaux publics, ainsi que le disait l'honorable M. Brabant, il ne
serait plus jamais question de réductions, il ne pourrait plus être question
que d'augmentations. Nous sommes tous d'accord que les routes doivent être
plantées, mais certainement quand les plantations seront surveillées par le
domaine, elles seront mieux faites, et les arbres seront mieux taillés, mieux
soignés qu'ils ne le sont maintenant. Déjà un inspecteur a été supprimé, et
vous savez, messieurs, dans quelles circonstances, de manière que l'examen
qu'il s'agit d'opérer, existe de fait.
En ce qui concerne le
chemin de fer, je pense, messieurs, que les plantations que nous y voyons
peuvent très bien être surveillées par les gardiens, et qu'il n'est pas
nécessaire d'avoir des agents spéciaux pour inspecter les quelques acacias et
arbres d'autres essences que nous remarquons le long de la voie ferrée.
Si maintenant on veut
encore supprimer les deux inspecteurs qui restent, M. le ministre des travaux
publics pourra très bien leur donner d'autres emplois, car tous les jours on
crée de nouvelles fonctions.
Je
demande, messieurs, que l'on supprime, dès aujourd'hui, les 6,000 fr. à cet
article ainsi qu'à l'article relatif au chemin de fer. (Interruption.) On peut très bien supprimer ces places ; il y en a
déjà une qui est supprimée de fait ; mais si on ne vote pas la réduction du
crédit, le fonctionnaire qui a été destitué sera remplacé.
M. le ministre des
finances demande qu'on retarde le vote sur cet objet jusqu'à ce qu'on ait
décidé si les plantations seront transférées au ministère des finances ou si
elles resteront dans les attributions du département des travaux publics ; je
pense, messieurs, qu'il faut réaliser dès à présent cette économie. (Interruption.)
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je me suis permis d'interrompre
l'honorable préopinant pour lui faire remarquer qu'il ne répondait pas à mon
objection. Si, tout en supprimant le crédit au budget des travaux publics, on
le laissait en quelque sorte entre les deux départements jusqu'à ce que la
question d'attributions fût réglée, il n'y aurait pas d'inconvénient. Mais si
vous supprimez définitivement le crédit et si, après examen, on redonnait qu'il
est nécessaire de le maintenir, de l'augmenter peut-être pour améliorer le
service... (Interruption.)
Certainement ; j'aurai la franchise de le dire. J'ai déjà examiné la question ;
si l'on veut que les plantations des routes soient améliorées, que dans
l'avenir le pays trouve là un revenu réel de 4 à 500,000 fr., il faut qu'on
donne au gouvernement non seulement le moyen de bien planter les routes, mais
aussi le moyen de bien surveiller les plantations et de les bien diriger. Si
l'on supprime le crédit à un budget sans le reporter à un autre, on veut la fin
tout en nous refusant les moyens.
M. de Garcia. - Messieurs, chaque fois que nous
nous sommes occupés du budget des travaux publics, j'ai attaqué la nomination
des inspecteurs des plantations. D'abord il a été nommé un inspecteur ; ensuite
on en a nommé deux, on en a nommé trois. Conséquent avec moi-même, j'ai attaqué
les premières comme les dernières. J'ai toujours considéré cette mesure comme
des plus mauvaises, parce que réellement on ne pouvait par ce moyen atteindre
le but qu'on se propose.
En effet, au fond, que
voulons-nous tous ? Nous voulons des plantations le long des routes, le long
des canaux et rivières, le long du chemin de fer, et ces plantations, nous les
voulons pour en retirer un revenu, pour faire des bénéfices au profit du
trésor. A ce point de vue pourtant, je ne veux pas qu'on se fasse illusion.
Tout en reconnaissant qu'il peut résulter des avantages notables de ces
plantations, je ne partage pas l'opinion de mes honorables collègues qui, selon
moi, les ont infiniment exagérés. Mais pour atteindre le but possible de ce
revenu, il faut que les plantations soient dirigées par des hommes qui aient
fait une étude toute particulière de l'art forestier, qui connaissent quelles
essences conviennent à tel et tel sol. Mais il ne suffit pas d'envisager ces
plantations sous le seul rapport du revenu public. Je pense que l'on commet une
grave erreur quand on dit que ce revenu entre dans le trésor sans causer aucun
préjudice aux particuliers, sans plainte de personne, sans récriminations.
C'est là, messieurs, je le répète, une grave erreur ; toutes les plantations
qui se font le long des routes occasionnent des pertes considérables aux
riverains.
J'indique ces
considérations, afin que le gouvernement, qui vient de déclarer qu'il
s'occupait de cet objet, puisse les peser et y avoir égard. Je dois ajouter
que, si dans sa pensée, elles présentent des avantages, il serait utile que,
dans chaque province, il fût établi des commissions qui seraient appelées à
donner son avis sur toutes les plantations qui devraient s'effectuer le long
des chemins de fer, des routes, des rivières et des canaux qui sont ou qui
pourront devenir le domaine de l'Etat. Les divers intérêts qui se trouvent en
jeu à propos de ces plantations, devraient être représentés dans cette
commission.
Sous ce rapport, elle
devrait se composer essentiellement d'un membre du corps des ponts et
chaussées, d'un membre de l'administration forestière et d'un membre des
commissions d'agriculture. L'on doit le reconnaître, les plantations dont
s'agit touchent à tous les intérêts des branches du service public que je viens
de signaler, et il est indispensable que tous ces intérêts soient représentés
dans les commissions que je voudrais voir établir.
Je fais intervenir le
corps des ponts et chaussées, parce que la voie publique peut être intéressée à
ce qu'on ne fasse point de plantations sur telle ou telle route, soit qu'à
raison des lieux ou à raison de son peu de longueur, ces plantations peuvent
nuire à sa viabilité ou occasionner des frais extraordinaires d'entretien.
Je fais intervenir à
cette commission un agent forestier, pour assurer la plantation des essences de
bois les plus utiles et les mieux appropriées au sol. J'y fais enfin intervenir
un membre de la commission d'agriculture, afin que par ces plantations l'on
n'occasionne pas un préjudice trop considérable aux riverains.
La question dont il
s'agit est très grave et attire toute l'attention du gouvernement sur sa
solution. Au surplus je ne crois pas que nous puissions convenablement
supprimer des traitements qui constituent, en quelque sorte, des droits acquis.
Ainsi, d'après la promesse faite par le gouvernement et quoique chaque année,
j'aie voté contre cette allocation, je déclare que je l'adopterai cette année,
mais pour la dernière fois. J'ai toujours considéré comme une mesure
malheureuse l'institution des inspecteurs dont s'agit. J'ai toujours considéré
cette mesure comme dangereuse et devant conduire sans fruit à des abus.
J'engage le gouvernement
à prendre en considération les points que j'ai indiqués. Je les résume ; il ne
faut pas qu'en vue du revenu des plantations l'on sacrifie la viabilité ou la
sécurité des communications ; il faut que ces plantations soient opérées avec
l'intelligence de la science forestière ; il faut que leur existence soit
surveillée avec activité par tous (page
1459) les agents des ponts et chaussées ; il faut que l'intérêt agricole ne
soit point oublié.
A
ce dernier point de vue, il serait peut-être désirable d'en revenir à
l'ancienne législation française qui imposait aux riverains l'obligation de
planter dans un temps, dans un délai déterminés, en leur laissant le bénéfice
de ces plantations.
L'Etat n'exerçait le
droit de planter pour le sien qu'autant que les riverains ne le faisaient pas.
Dans cet ordre de choses, ces derniers ne pouvaient former de plaintes fondées.
Ils avaient à s'imputer leur négligence. Cette législation, il faut le
reconnaître, est plus juste que celle qui nous régit. Comme le gouvernement se
propose de présenter un projet de loi, je me réserve de faire valoir alors des
considérations à ce point de vue.
M. de Tornaco. - Messieurs,
j'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu M. le ministre des finances dire que
les inspecteurs aux plantations occasionneraient peut-être un accroissement de
dépenses.
Je ne puis partager
l'opinion de M. le ministre des finances. Pour ma part, je dois déclarer que
les fonctions d'inspecteur aux plantations m'ont toujours paru être revêtues
d'un caractère ridicule. Je n'ai jamais pu comprendre comment un simple
inspecteur aux plantations pouvait avoir un traitement de 4,000 fr.
Pour inspecter les
plantations, les connaissances requises, celles qui seraient les plus utiles,
seraient certes celles d'un jardinier pépiniériste ; mais tombe-t-il sous les
sens de qui que ce soit, de donner à ce jardinier pépiniériste un traitement de
4,000 fr. ? Il n'y a sans doute pas un seul membre dans cette chambre qui
veuille répondre affirmativement. Eh bien, parmi les inspecteurs aux
plantations, il n'y en a pas un seul qui remplirait si bien ses fonctions qu'un
jardinier pépiniériste, et le traitement élevé qu'ont déjà ces inspecteurs, on
veut encore l'augmenter !
Admettre cette opinion,
ce serait donner aux plantations à faire le long des routes et des canaux une
importance que ces plantations n'ont pas.
L'honorable M. Anspach
nous a fait des calculs tout à l'heure ; il a calculé le nombre des pieds
d'arbre qu'on pouvait placer le long des routes ; il a calculé aussi le nombre
des lieues. Eh bien ! des calculs faits par l'honorable membre il faut
défalquer les routes où l'on ne peut pas planter. Je voudrais que l'honorable
membre m'indiquât par quels moyens on planterait, par exemple, sur les mauvais
schistes des Ardennes ; si vous établissez vos calculs sur des plantations
pareilles, ils sont établis à faux. (Interruption.)
L'honorable membre me dit
qu'il a déduit le quart ; il pouvait commencer par déduire la moitié pour les
accidents.
Messieurs,
l'on a donc exagéré considérablement l'importance des plantations. Une
observation fort juste a été présentée par l'honorable H. de Garcia ; elle
consiste à dire que les plantations font du tort aux propriétés riveraines.
Messieurs, s'il est, à la campagne, un mauvais tour à jouer à un voisin, c'est
de planter un rideau d'arbres devant sa propriété. Pour moi, je regarde la
question des plantations comme susceptible de contestation. Je crois que si
l'on calculait tout le dommage qui résulte, pour les propriétaires riverains,
des plantations faites le long des routes ; si, d'autre part, on calculait ce
que ces plantations coûtent, avant que l'arbre ne parvienne au point où on peut
l'abattre ; si en troisième lieu on calculait la dépense qui est toujours
grande, quand le gouvernement la fait ; je pense qu'on trouverait que le
produit des plantations donne zéro.
Je suis donc loin
d'appuyer l'opinion de M. le ministre des finances ; j'appuie, dans tous les
cas, la suppression de l'emploi des inspecteurs aux plantations.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Messieurs, si en demandant à la chambre de ne pas supprimer ce crédit
au budget de 1847, j'avais déclaré que l'intention du gouvernement était de
donner des traitements de 4, 5 ou 6,000 fr. à des agents chargés du service des
plantations, les observations de l'honorable préopinant seraient justes. Mais
j'ai seulement déclaré que peut-être par suite d'un perfectionnement du système
d'inspection, de surveillance, si vous voulez, des plantations, on pouvait se
trouver entraîné à augmenter de quelques mille francs la dépense faite
jusqu'ici.
Je n'ai pas la prétention
de résoudre aujourd'hui cette question. J'ai indiqué une éventualité.
L'expérience de tous les pays démontre que quand on veut perfectionner une
administration en vue de résultats d'avenir, il faut quelquefois savoir faire
de légers sacrifices dans le présent.
L'honorable membre, pour
apprécier l'utilité des plantations, se place, ce me semble, à un point de vue
trop local. Il est des provinces où les plantations sont généralement possibles
et peu nuisibles aux riverains. Dans une partie de la Flandre occidentale, par
exemple, l'habitude de planter est telle que si l'Etat ne le fait pas sur son
terrain, le voisin le fera. Ainsi, vous aurez pour la route les conséquences
que vous a signalées l'honorable membre, et vous n'aurez pas le produit du
terrain dont vous êtes propriétaire.
Cette question ne
comporte pas une solution absolue, elle doit être résolue en tenant compte de
tous les intérêts que l'honorable M. de Garcia a signalés avec tant de raison.
On a
indiqué entre autres un système qui consisterait à donner à bail emphytéotique
le droit de plantation sur certaines routes ; ce système, dans quelques
localités, peut produire des résultats très utiles ; il permettrait à la
chambre de réaliser un revenu permanent, sans entraîner l'Etat à des dépenses,
en associant l'intérêt privé à la surveillance si difficile des plantations le
long des grandes roules. Ce système, comme amélioration administrative, a. déjà
attiré l'attention du gouvernement, et tous nos efforts tendront à résoudre le
mieux possible cette question, avant la discussion du budget de 1848.
M. Osy. - M. le ministre des finances
m'avait interrompu tout à l'heure ; je croyais qu'il voulait donner une
explication sur ce que j'avais dit. Il n'en a rien fait. Moi je viens combattre
la proposition de M. le ministre des finances de remettre à 1848 le vote que
nous voulons émettre aujourd'hui. La direction des plantations, tout le monde
le reconnaît, doit appartenir à l'administration des domaines. D'un autre côté,
nos domaines ont considérablement diminué par suite des ventes que nous avons
faites, les employés s'y trouvent en trop grand nombre ; on pourrait les
employer utilement à la surveillance des plantations. Nous ferons chose utile
en n'accordant pas les six mille francs dont il s'agit ; les ministres des
travaux publics et des finances auront à s'entendre pour établir la
surveillance. Je propose de faire maintenant ce que M. le ministre propose de
faire en 1848. Quand la question des six mille francs sera décidée vous
demanderez un transfert au budget des finances des 44 mille francs restant.
C'est la chose du monde la plus simple.
M. Anspach. - J'ai demandé la parole pour
répondre deux mots à l'honorable rapporteur de la section centrale et à
l'honorable M. de Tornaco. L'honorable rapporteur a dit qu'on donnait 4 mille
fr. à chacun des trois inspecteurs, soit 12 mille fr. pour la surveillance de
1,200 bonniers auxquels il évaluait les terrains occupés par les arbres plantés
sur les grandes routes. Si on voulait calculer les arbres qui sont plantés sur
ces bonniers, on verrait qu'il y a exagération dans les chiffres présentés par
le rapporteur, car un million de pieds d'arbres devraient occuper 10 mille
bonniers ; ainsi les 12 mille fr. donnés aux inspecteurs n'ont pas pour objet
de surveiller 1,200 bonniers, mais 15 à 20 fois plus.
Quant
aux parties qui ne peuvent pas être plantées à cause de la stérilité du
terrain, l'honorable membre a voulu parler sans doute du Luxembourg ; mais
j'avais fait la part de ces terrains, car j'avais diminué un quart de tout ce
terrain qu'on devait planter.
Une autre observation a
été faite par l'honorable M. de Garcia, il a dit que les hautes futaies sur les
bords des grandes routes faisaient du tort aux champs voisins. C'est là une
raison pour avoir des inspecteurs qui veillent à ce qu'on ne plante pas des
arbres de cette espèce.
M. Desmaisières. - Messieurs, en venant défendre
l'espèce de droit acquis qu'ont fait valoir à juste titre, selon moi, les
inspecteurs de plantations en faveur du maintien de leur traitement au budget
de 1847, je ne viens pas défendre des actes posés sous mon ministère, car le
premier inspecteur a été nommé avant mon entrée au ministère et les autres ont
été nommés depuis ma sortie. Mais je dois faire connaître à la chambre qu'il
résulte des rapports que j'ai reçus pendant que j'étais ministre, de la part de
l'ingénieur en chef, qui avait été chargé avec beaucoup de raison par mon
honorable prédécesseur d'un travail général sur les plantations, qu'il résulte,
dis-je, de ces rapports, que les plantations le long des routes, canaux et
chemins de fer étaient susceptibles de produire un revenu d'environ 4 à 500
mille francs ; et que s'il n'a pas été donné suite aux propositions faites
alors sons mon ministère à cet égard, la cause en est la longue maladie à
laquelle a succombé, peu de temps avant ma sortie du ministère, l'ingénieur en
chef distingué dont je viens de parler. Déjà je m'étais mis en rapport avec mon
collègue des finances et nous comptions avoir l'honneur de présenter à la
législature un projet de loi relatif à la surveillance et à la direction des
plantations sur les bords des routes, des canaux et chemins de fer, de manière
à obtenir un revenu de 4 à 500 mille fr. pour le trésor.
Maintenant que des
inspecteurs ont été institués, que des fonds ont été votés pendant plusieurs
années pour subvenir à leur traitement, c'est au milieu de l'exercice 1847,
qu'on propose de supprimer ce traitement pour ce même exercice 1847. Si vous
vouliez, messieurs, prononcer la suppression de ces fonctions, vous devriez au
moins porter au budget leur traitement jusqu'au moment de la suppression, et
par conséquent pour les six premiers mois de l'année.
Vous
voyez donc qu'il ne s'agit plus en définitive que de 3,000 fr. En présence de
ce fait et après ce qui a été dit par M. le ministre des finances et plusieurs
autres honorables orateurs, vous devez, dans mon opinion, maintenir
provisoirement les traitements des inspecteurs en fonctions, sauf au ministère
de présenter au prochain budget une proposition avec tontes les données
nécessaires pour décider une bonne fois cette question qui est d'une immense
importance, puisqu'il s'agit de doter le trésor d'un revenu de 4 à 500 mille
fr.
M. de Garcia. - Je crois que
de part et d'autre on exagère. D'un côté on exagère le produit que pourraient
donner les plantations faites le long des routes, rivières et canaux ; d'un
autre côté, quand on dit que ces plantations ne donneront aucun revenu, on se
trompe également. Moi je considère ces plantations comme devant donner un
produit assez considérable, sans admettre ni l'une ni l'autre de ces
exagérations. Mes observations ont eu pour objet d'avoir des plantations
utiles, de les conserver et de les rendre le moins possible nuisibles à
l'agriculture. Pour atteindre ce résultat, il faut que l'administration
forestière, l'administration des ponts et chaussées et les commissions
d'agriculture soient consultées, toutes les fois qu'il s'agit de les opérer.
A raison de ces
plantations M. le ministre des finances a émis une idée qui a semblé sourire à
quelques membres de cette assemblée, mais que je ne puis admettre et que je
combats d'avance.
Cette idée consisterait à
remettre ces plantations à l'intérêt particulier par des baux emphytéotiques.
(page 1460) Un système semblable, selon moi, ne pourrait que
produire des abus, de graves inconvénients. Chaque jour l'intérêt public, sous
mille rapports, se trouverait aux prises avec l'intérêt privé.
Les travaux de
plantations, les travaux de leur entretien, et ceux de leur exploitation sont
tellement liés aux travaux d'entretien et de conservation de la viabilité des
voies de communication qu'il m'est impossible de concevoir qu'on puisse
utilement les séparer.
Sans doute on me répondra
qu'on imposera aux bailleurs des conditions de nature à prévenir les
inconvénients que je redoute.
Je n'admets pas cette
possibilité, à moins d'établir des conditions tellement dures qu'il ne se
présentera pas d'amateurs.
Des deux choses l'une, ou
l'on fera des conditions larges, et alors on expose le domaine public ; ou l'on
fera des conditions serrées et sévères, et alors on réduira ce revenu à très
peu de chose, si pas à rien.
Je pense donc qu'on ne
peut dans aucun temps adopter le système indiqué par M. le ministre des
finances, système qui conduirait jusqu'à un certain point à mettre une partie
du domaine public à la merci de l'intérêt particulier.
Il y a une autre
difficulté : comment, dans ces baux emphytéotiques, serait réglé le droit de
coupe ? Prescrirait-on les époques de ces coupes ? Une prescription semblable
pourrait être aussi nuisible à l'intérêt public qu'à l'intérêt privé. Des
circonstances particulières influent chaque jour sur l'utilité et les avantages
de ces coupes. Le terrain, la végétation, les accidents viennent souvent
contrarier les prévisions des planteurs ; et dès lors on doit reconnaître que
des conditions sévères sur les époques où l'on devrait exploiter des
plantations pourraient faire grand tort et ruiner même un bailleur
emphytéotique.
Une
autre difficulté naîtrait à l'occasion de la surveillance de ces plantations.
Dans l'hypothèse de ces
baux, le gouvernement sans doute ne se chargerait pas de cette surveillance
pour les bailleurs, à moins qu'on ne veuille lui donner les charges sans les
bénéfices. D'autre part, si l'on ne met pas les conducteurs, les cantonniers à
la disposition des locataires, comment feront-ils respecter leur propriété ?
Pour échapper à la dévastation que ne peuvent prévenir les agents nombreux du
gouvernement, il leur faudrait une nuée de gardes forestiers parcourant sans
cesse les routes, et qui absorberaient tout le produit des plantations. Je
pense donc que le système de baux emphytéotiques pour les plantations le long
des voies de communication ne peut être mis en pratique, et que, dans tous les cas,
si cette mesure était prise, elle ne produirait qu'un revenu insignifiant pour
l'Etat.
M. d’Hoffschmidt. - Il me semble qu'il ne serait guère
possible de supprimer les 12 mille francs qui ont pour destination le
traitement des conservateurs des plantations. En effet, nous sommes déjà
arrivés au quatrième mois de l'exercice actuel. Il en résulte qu'un trimestre a
déjà dû être payé à ces fonctionnaires.
D'un autre côté, une
suppression de places prononcée de cette manière par la chambre me paraît une
mesure assez violente.
Lorsque, pendant deux
ans, la chambre a maintenu le traitement de ces fonctionnaires, je crois du
moins qu'il est préférable d'attendre que l'on ait décidé la question de savoir
si la surveillance doit être confiée à l'administration forestière plutôt que
de rester à l'administration des ponts et chaussées.
J'ajouterai même que s'il
doit en résulter plus de dépense, on ferait peut-être bien de conserver le mode
actuel ; car il ne m'est pas démontré que les inspecteurs des plantations ne
remplissent pas parfaitement leurs fonctions ; on a bien dit qu'il était
impossible que trois hommes suffisent pour inspecter 733 lieues de routes
pavées ce 112 lieues de chemins de fer ; mais on n'a pas démontré qu'ils ne
remplissaient pas leurs fonctions à la satisfaction du département des travaux
publics et que les plantations n'étaient pas suffisamment surveillées.
Personne ne révoque en
doute qu'il n'y ait dans les plantations de 733 lieues de routes un intérêt
assez important pour mériter une surveillance ; les plantations ont été faites
non pas seulement pour créer des ressources, mais pour l'embellissement des
routes.
Dans le Luxembourg, elles
rendent de très grands services ; sans cela souvent il ne serait guère possible
de juger de la direction de la route dans la saison des neiges.
Dans
tous les cas, je crois qu'il faut conserver, pour cette année au moins,
l'allocation proposée au budget des travaux publics, en attendant que la
question à décider entre les départements des travaux publics et des finances
ail été résolue.
D'ailleurs, la
suppression n'aurait pas de grands résultats, puisque déjà l'un des trois
inspecteurs est démissionné.
Il ne s'agit donc plus
d'une réduction de 12,000 fr., mais de 8,000 fr. Cela ne vaut pas la peine de
compromettre le service avant que la question de surveillance ne soit résolue
entre les deux ministères.
M. Brabant, rapporteur. - Je tiens à rencontrer une observation
de l'honorable M. Anspach, qui n'a pas compris l'observation que j'avais
présentée dans mon premier discours.
Quand j'ai parlé de 200
hectares, je parlais du chemin de fer seulement et non de la surface totale des
routes. Il n'y a rien à répondre à mon observation. C'est un très beau revenu,
pour du taillis, que 30 fr. par hectare ; 200 hectares à 30 fr., cela fait
6,000 fr. import du traitement des surveillants des plantations du chemin de
fer.
Puisque nous en sommes
aux surfaces, je dirai que j'ai calculé approximativement la surface des routes
et du chemin de fer ; elle est de 4,225 hectares. C'est à peu près le dixième
de tout ce que nous possédons en forêts domaniales. En effet, nous avons à peu
près 36 mille hectares de bois domaniaux. Remarquez que ce dixième n'est planté
qu'en partie. S'il était planté tout entier, je comprendrais la comparaison
entre les forêts et notre chemin de fer. Nos 36 mille hectares de forêts
donnent un revenu de 1,178,000 fr. ; le dixième est donc 120,000 fr. à peu
près. On dit 500,000 fr. C'est possible un jour ou l'autre. Mais aujourd'hui je
ne vois rien que 94,000 fr. : 54,000 fr. évaluation d'une coupe qui aura lieu
dans le courant de l'exercice, 40,000 fr. pour d'autres coupes qui auront lieu
successivement.
Nous recueillons
aujourd'hui, ou nous recueillerons dans le courant de l'exercice les fruits de
ce qui a été fait depuis 70 ou 80 ans ; car je ne sais à quelle époque ont eu
lieu les plantations dont il s'agit aujourd'hui.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Sous Marie-Thérèse.
M. Brabant,
rapporteur. -
C'est déjà bien vieux.
Mais j'admets le produit
de 500 mille francs. On dirait, en vérité, que les arbres poussent
spontanément, qu'il n'y a aucune dépense à faire pour les plantations.
Cependant depuis 1837, nous dépensons chaque année 50 mille fr. pour ces
plantations.
Je suppose qu'en vue de
produire des revenus on continue à allouer, chaque année 50,000 fr. pour les
plantations, savez-vous ce que 50,000 francs sont devenus après 50 ans ?
500,000 fr. et au-delà. De manière que vous plantez uniquement pour le plaisir
de planter, et qu'il ne vous reste rien.
M. le ministre
des finances (M. Malou). - Je désire qu'on ne préjuge pas la question de savoir s'il convient de
planter ou de ne pas planter les routes.
Je ferai remarquer à mon
honorable ami, qui a déclaré ne pas être propriétaire de bois, que son
raisonnement va beaucoup trop loin ; ce raisonnement prouverait qu'il est nuisible
à tout propriétaire de planter.
Il
faut sans doute consacrer un certain capital à des plantations ; mais ceux qui
sont propriétaires savent tous, au moins dans la province que je connais le
mieux, qu'un arbre de moyenne venue, quand il est mûr, donne un profit annuel
réparti sur toute la durée de son existence, de 50 à 75 c. par année,
indépendamment de l'intérêt du capital.
Si ce calcul est vrai, et
il est dépassé dans les meilleures parties de nos provinces, si je le réduis,
même pour les routes, on peut évidemment retirer des plantations un très beau
produit.
Je fais cette observation
pour que la réaction qui paraît se manifester contre les inspecteurs des
plantations n'attaque pas les plantations elles-mêmes. Cela serait très
dangereux et très préjudiciable aux intérêts du pays.
M. Rogier. - Messieurs,
j'ai entendu tout à l'heure qualifier bien sévèrement la nomination
d'inspecteurs des plantations du chemin de fer et des routes. L'honorable M. de
Garcia a considéré la nomination à ces fonctions comme une véritable calamité.
Comme je suis pour quelque chose dans cet acte qu'on a qualifié si sévèrement,
je demanderai à dire quelques mots.
Dans la discussion à la
chambre, et particulièrement au sénat, on avait souvent reproché au
gouvernement de laisser sans emploi les talus du chemin de fer, ainsi que les
terrains vagues qui se trouvent encore aux environs et qui n'ont pas été vendus
; on avait fortement engagé le gouvernement à utiliser ces terrains par des
plantations.
A cette époque, personne
au chemin de fer ne s'occupait spécialement de plantations. Le fonctionnaire
nommé par moi occupait alors un rang dans l'armée ; il avait rendu de très
grands services au pays dans des circonstances difficiles ; il était décoré de
la croix de Fer pour les services qu'il avait rendus en 1830.
Ces titres-là, toutefois,
ne m'auraient pas paru suffisants. Mais il s'était encore occupé de plantations
; du moins j'ai lieu de le croire d'après les rapports remarquables qui m'ont
été faits par lui.
Je l'ai donc nommé aux
fonctions d'inspecteur, non pas au traitement de 4,000 francs, mais au
traitement de 3,000 francs, traitement qui ne représentait pas même celui dont
il jouissait dans l'armée ; il était capitaine de première classe.
Lorsque je fis cette
nomination, je ne m'attendais pas qu'elle viendrait aboutir à deux choses ;
d'abord à une espèce de sinécure. Car j'ai appris que ce fonctionnaire ne fut
jamais mis à même, par les administrations qui me succédèrent, d'accomplir
convenablement sa mission. Il eut beau demander des instructions ; il eut beau
faire certains rapports ; je ne sais par quel motif, on ne voulut pas prendre
au sérieux sa mission. Voilà le premier résultat auquel je ne pensais pas
aboutir en faisant cette nomination.
Un second résultat,
auquel je m'attendais encore moins, c'était de voir ce même fonctionnaire
destitué pour avoir fait partie d'une association politique. Je ne veux pas,
messieurs, revenir sur cet acte bien sévère. Je demanderai seulement à M. le
ministre des travaux publics ce qu'est devenue aujourd'hui la fonction, si le
fonctionnaire destitué pour avoir fait partie d'une association politique a été
remplacé. S'il n'est pas remplacé et si le gouvernement considère ces fonctions
d'inspecteur des plantations du chemin de fer comme inutiles, je demande qu'on
supprime le traitement.
Indépendamment de cet
inspecteur aux plantations pour le chemin de fer, là où il n'y avait aucune
espèce d'inspection, où personne ne s'occupait spécialement de plantations, il
a été nommé par un de mes successeurs (page
1461) deux inspecteurs nouveaux aux plantations ; et ici, j'avoue, d'après
le rôle qu’on avait fait jouer à l'inspecteur des plantations pour le chemin de
fer, que j'ai été extrêmement surpris de voir qu'à cette première sinécure le
gouvernement en ajoutait deux autres. Si je suis bien informé, ces deux
inspecteurs, dont je ne révoque pas en doute le zèle, n'ont pas été mis mieux à
même que le premier d'exercer leur mission.
De là les réclamations
qui à juste titre se sont élevées à plusieurs reprises contre l'existence de
ces fonctionnaires. De là, messieurs, cette sorte de réaction qui se manifeste
aujourd'hui contre une fonction qui, à mon avis, pouvait avoir une grande
utilité. Il n'est pas juste de dire que ces fonctions ne puissent pas être
utiles ; mais il est juste de dire qu'elles n'ont pas été utilisées. Je crois,
en effet, que M. le ministre des travaux publics aurait beaucoup de peine à
faire connaître à la chambre les services qui ont été rendus par les
inspecteurs ou plutôt les services qui ont été acceptés par le gouvernement,
venant de ces inspecteurs.
Quant aux plantations
elles-mêmes, je considère comme un acte d'excellente administration que de
surveiller, de contrôler et de multiplier les plantations sur nos routes. C'est
là une branche très importante de la richesse nationale. J'avais eu occasion de
charger d'une inspection générale un ingénieur chez qui j'avais rencontré à la
fois les capacités et les goûts nécessaires pour obtenir de lui d'excellents
renseignements, d'excellents rapports, d'excellents conseils sur nos
plantations. Je ne sais si la mission dont je l'avais chargé a été complétement
remplie. Cet ingénieur aujourd'hui n'existe plus ; mais il était parfaitement à
même d'éclairer le gouvernement sur toutes les questions relatives aux
plantations. Il a dû faire au gouvernement un rapport complet sur les
plantations. Je crois que là on peut trouver des lumières très utiles.
Messieurs, je ne puis
voter en principe la suppression de l'inspection des plantations, parce que je
crois que les plantations doivent être inspectées. Que si l’on veut utiliser
les services de fonctionnaires de l'Etat qui sont plus particulièrement chargés
des plantations, je veux parler des services des agents des eaux et forêts, je
suis loin de m'y opposer ; c’est là une mission qui leur revient tout
particulièrement.
Je
demande à M. le ministre des travaux publics ce qu'il entend faire de la
fonction aujourd'hui vacante d'inspecteur des plantations au chemin de fer.
Quant aux deux autres inspecteurs qui ont eu la bonne fortune de ne pas faire
partie d'associations politiques, ceux-là se trouvent encore en fonction. Ce
serait peut-être une mesure bien brusque que de les supprimer par une
suppression de traitement. Je crois, messieurs, qu'il ne faut pas les punir
d'une incurie qui n'est pas leur fait, qui serait plutôt le fait de
l'administration supérieure, en ce sens que administration s'est en quelque
sorte contentée de leur donner une nomination, et qu'une fois cette nomination
faite (elle l'a été par l'honorable M. Dechamps, je crois), il paraît que les
services de ces inspecteurs ont été entièrement dédaignés, qu'on ne les a pas
appelés à exercer sérieusement leurs fonctions.
M. le ministre des travaux publics (M.
de Bavay). -
Messieurs, je dois dire à l'honorable M, Rogier, qu'il n'a pas été pourvu à la
place d'inspecteur des plantations devenue vacante depuis quelques mois. Je
dois aussi rectifier une expression dont l'honorable membre s'est servi et qui,
vraisemblablement, n'a pas rendu sa pensée. Il a dit que le fonctionnaire dont
il s'agit a été démissionné pour avoir fait partie d'une association politique
; cela n'est pas exact, il a été démissionné pour avoir eu la prétention de
demeurer membre d'une association politique contre le vœu du gouvernement. (Interruption.) Il y a là, messieurs, une
distinction très réelle à faire. D'autres fonctionnaires qui ont renoncé à
faire partie, à l'avenir, de semblables associations, ont conservé leur
position dans l'administration.
Messieurs, il n'a pas été
pourvu au remplacement de ce fonctionnaire parce que, depuis longtemps déjà,
cette affaire du service des plantations se trouve plus ou moins mise en
question, comme organisation. Depuis longtemps déjà, il est question du
transfert de ce service au département des finances. En attendant qu'il eût été
pris une décision à cet égard, nous n'avons pas pourvu au remplacement du fonctionnaire
dont il s'agit. Nous avons donc aujourd'hui deux inspecteurs des plantations.
On ne
peut dire, messieurs, que ces fonctionnaires n’ont pas rendu de services. Leurs
services n'ont peut-être pas été aussi utiles qu'ils auraient pu l'être avec une
organisation définitive ; mais ils sont réels, et les deux inspecteurs qui
demeurent en fonctions, ainsi que celui qui a été démissionné, ont rempli leur
lâche avec beaucoup de zèle et un désir sincère de bien faire.
M. Rogier. - Messieurs,
j'ai mis beaucoup de ménagement dans le jugement que j'ai porté de la conduite
de l'administration supérieure en ce qui concerne les inspecteurs des
plantations. M. le ministre des travaux publics a eu tort de me reprocher de
l'inexactitude. Je crois que M. le ministre des travaux publics sait mieux que
moi que les fonctions d'inspecteurs des plantations ont été par le fait de
l'administration supérieure transformées en de véritables sinécures. Je
n'accuse pas ces fonctionnaires ; je crois qu'ils ont souvent regretté que
leurs soins ne fussent pas mieux utilisés ; ils ont fait preuve de bonne
volonté, et ils ont toujours été repoussés en quelque sorte par
l’administration supérieure. Je le sais pertinemment eu ce qui concerne le
fonctionnaire destitué pour avoir fait partie d'une association politique, ou,
comme le dit M. le ministre des travaux publics, pour n'avoir pas cessé d'en
faire partie ; quant aux deux autres, je ne suis pas aussi bien informé, mais
j'ai des motifs de croire que leurs services se sont bornés aussi à très peu de
chose, en administration ; je pense qu'on serait très embarrassé de faire
connaître une seule mesure... –
M. Anspach. - Il y a plusieurs rapports.
M. Rogier. - Oui, il y a
plusieurs rapports des inspecteurs, mais on ne pourrait pas citer une seule
mesure prise à la suite de l'un ou l'autre de ces rapports. Je n'attaque
nullement les inspecteurs ; j'attaque au contraire l'administration supérieure
pour n'avoir pas utilisé les services des inspecteurs. Je crois que je suis
d'accord avec l'honorable membre qui m'a interrompu.
M. Anspach. - Oui.
M. Rogier. - Je le répète,
M. le ministre a eu tort de relever mes assertions comme inexactes. J'ai voulu
être modéré, et je suis resté peut-être en deçà de la vérité.
- Le chiffre de 50,000
demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
Plusieurs membres. - A demain !
PROJET DE LOI RELATIF A LA FORMATION D’UNE SOCIETE D’EXPORTATION LINIERE
M. le ministre
des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, mon intention est de présenter à la chambre un
amendement au projet de loi relatif à la formation d'une société d'exportation
linière. J'aurais pu attendre l'ouverture de la discussion pour présenter cet
amendement ; mais comme il a une certaine importance, je désire le déposer dès
aujourd'hui afin que la chambre puisse, comme j'en fais la proposition, le
renvoyer à la section centrale en la priant de faire son rapport avant que la
discussion ne soit ouverte sur le projet de loi.
Si la chambre me le
permet, je donnerai lecture de cet amendement et j'y joindrai pour la section
centrale une note explicative. Voici cet amendement, qui formerait l'article 3
du projet :
« Art. 3 nouveau. Le
gouvernement est autorisé à accorder des subsides pour aider à l'établissement
de comptoirs de commerce dans les contrées transatlantiques et dans le Levant,
indépendamment de ceux que la société linière d'exportation est chargée
d'organiser.
« Le nombre de ces
comptoirs subsidiés sera de cinq au moins. La somme affectée à ces subventions
ne pourra pas dépasser fr. 100,000 annuellement, ni être allouée pour plus de
cinq années.
« Le gouvernement ne
disposera de ces subsides en faveur de sociétés ou de maisons de commerce
créées pour faire principalement le commerce décompte propre avec les contrées ci-dessus
indiquées et offrant toutes les garanties convenables, que par arrêté royal,
dans lequel notamment seront insérées les conditions suivantes :
« 1° La société (ou la
maison de commerce) s'entendra avec le gouvernement pour déterminer les lieux
où les comptoirs seront successivement établis.
« La gestion de ces
comptoirs sera, autant que possible, confiée à des Belges.
«« 2° La société (ou la
maison de commerce) garantit aux industriels, négociants ou armateurs belges
qui se serviront de l'entremise de ces comptoirs pour leurs opérations, la
solidité de ces établissements.
« Les produits belges
expédiés à ces comptoirs ne seront soumis qu'à la moitié du taux des
commissions en usage dans les localités où les comptoirs sont érigés.
« 3° La société (ou la
maison de commerce) s'engagera à exporter, pour son propre compte, en produits
belges, pour une valeur moyenne de fr. 40,000 par chaque expédition en
destination d'un comptoir subsidié.
« 4° Le gouvernement s'entendra avec l'administration de
la société linière d'exportation pour attacher à chacun de ces comptoirs un
agent spécial qui pourra être chargé par l’Etat de surveiller les intérêts
belges confiés aux comptoirs et l'exécution des conditions auxquelles les
subsides du gouvernement restent subordonnés.
« Si ces conditions
n'étaient pas suffisamment remplies, le gouvernement pourra retirer les
subsides, après l'année écoulée, en prévenant six mois d'avance. »
Je demande que la chambre
renvoie cet amendement à la section centrale avec invitation de faire un
rapport avant l'ouverture des débats.
M. Rogier. - Il faudra se
hâter, car de la manière dont on s'y prend nous aurons Ions les jours un
nouveau projet.
M. Delehaye. - Je demanderai si, moyennant cet
amendement, M. le ministre se rallie au projet de la section centrale ?
M. le ministre
des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je me suis rallié aux propositions de la section centrale
; ou plutôt elles ont été présentées de commun accord entre la section centrale
et moi.
M.
Rodenbach. - Je crois, messieurs, que le projet de loi relatif à la formation d'une
société d'exportation est un projet très urgent. Je pense également qu'il faut
renvoyer l'amendement de M. le ministre à la section centrale, avec demande
d'un prompt rapport.
Je ferai remarquer à
l'honorable M. Delehaye que la section centrale a été unanime, qu'elle est tout
à fait d'accord avec M. le ministre des affaires étrangères et qu'elle n'a pas
exclu le commerce du Portugal, le commerce de la Hollande, comme l'honorable
député de Gand l'a supposé.
M. Delehaye. - Je n'ai pas dit cela.
M.
Rodenbach. - Je demande que l'amendement soit renvoyé à la section centrale avec
invitation de faire un prompt rapport.
- Ce renvoi est ordonné.
La séance est levée à 4
heures 3/4.