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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 14 mars 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 970) M. de Villegas procède à l'appel nominal à midi et quart.

La séance est ouverte.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Victorin-Louis Gilson, prie la chambre de statuer sur sa demande par laquelle il sollicite sa nomination dans l'administration des accises. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les régisseurs de la wateringue de Kaisynjart polder, prient la chambre de rejeter le projet de loi sur la dérivation des eaux de la Lys. »

« Même demande des régisseurs de la wateringue du vieux et du nouveau polder de Zandvoorde. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« Plusieurs habitants de Gheel demandent l'élargissement de la deuxième section du canal de jonction de la Meuse à l'Escaut. »

« Même demande de plusieurs habitants de Casterlé. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le sieur Fortuner, pharmacien à Bruxelles, demande une loi sur l’exercice de la médecine et de la pharmacie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


A la demande de M. Delfosse, la chambre fixe en premier lieu l'heure et l'ordre du jour de sa prochaine séance. Elle décide qu'elle se réunira lundi à deux heures.

Ordre du jour : Discussion des projets de loi relatifs à une séparation de commune ; 2° à la vente des effets militaires.

Projet de loi sur les ventes publiques, en détail, de marchandises neuves

Discussion des articles

Article 3

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 3 ainsi conçu :

« Art. 3. Ne sont pas comprises dans la défense portée par l'article premier, les ventes prescrites par la loi, ou faites par autorité de justice, non plus que les ventes après décès, faillite ou cessation de commerce, ou dans les autres cas de nécessité dont l'appréciation sera soumise au tribunal de commerce.

« Sont également exceptées les ventes à cri public de comestibles et objets de peu de valeur, connus dans le commerce sous le nom de menue mercerie. »

M. le président. - M. le ministre de la justice a proposée cet article un amendement consistant à ajouter après les mots « par autorité de justice », ceux-ci : « ou par les monts-de-piété ».

M. Donny. - Il y a un changement à faire à l'article 3. La rédaction primitive du paragraphe 11 de l'article 2, en établissant une même règle, indistinctement pour les marchandises manufacturées et pour les marchandises non manufacturées, rendait la loi applicable aux comestibles vendus par des marchands. Comme le gouvernement ne voulait pas et ne devait pas vouloir soumettre les ventes des substances alimentaires aux rigueurs de la loi, il avait introduit dans l'article en discussion une exception en faveur des comestibles. Mais depuis que vous avez modifié la rédaction du paragraphe 11, depuis que la loi n'est plus applicable qu'aux vins d'une part, et d'autre par là à cette seule catégorie de marchandises qui figurent dans le tarif des douanes, sans la dénomination de produits fabriqués, les comestibles se trouvent de plein droit en dehors de l'application de la loi.

Des lors, l'exception du paragraphe 2 de l'article 3 doit être supprimée. Elle est inutile. Elle pourrait être dangereuse, parce qu'on pourra en conclure que la suppression faite dans le paragraphe 11 de l'article 2 n'a pas la portée absolue qu'on a voulu lui donner.

Je demande donc la division. Je voterai contre ta partie de la disposition relative à la vente de comestibles.

Dans la discussion générale, j'avais annoncé que je proposerais un amendement afin de soustraire à l'application de la loi les bois sciés et non sciés. Mais le paragraphe 11 ayant été modifié précisément en vue d'atteindre le but que je voulais atteindre par mon amendement, cet amendement devient inutile.

M. Rodenbach. - Avant d'admettre l'amendement déposé par M. le ministre de la justice, je voudrais qu'il voulût bien me dire pourquoi il accorde au mont-de-piété le monopole des ventes à l'encan.

En France, les monts-de-piété ont réduit spontanément l'intérêt sur dépôt de marchandises neuves ; en Belgique, il n'y a eu sous ce rapport aucun changement.

Presque toujours ce sont les marchands gênés qui déposent des marchandises neuves dans ces établissements. Le plus souvent c'est à la veille d'une faillite.

La vente a lieu treize mois et demi après le dépôt, lorsque le failli ne peut réclamer la marchandise. Il en résulte que le mont-de-piété fait des bénéfices énormes (de 30 à 40 p. c.) sur ces marchandises, au détriment des créanciers.

Lorsque vous faites une loi tendant à restreindre les ventes à l'encan, vous ne pouvez laisser passer dans la loi une disposition qui laisse à cet égard toute latitude aux monts-de-piété.

Je sais que M. le ministre a préparé un projet de loi sur cette matière ; je suis persuadé qu'il diminue considérablement l'intérêt, comme l'ont fait spontanément les monts-de-piété dans les autres pays. Attendons ce projet de loi avant d'admettre l'amendement.

Tout au moins, avant que je le vote, faudra-t-il que j'aie reçu des explications de M. le ministre de la justice.

M. Savart-Martel. - J'avais demandé la parole pour faire l'observation que vient de soumettre M. Donny ; j'ajouterai que cet article 3 énonce clairement que la prohibition ne s'applique point aux ventes prescrites par la loi, ou faites par autorité de justice ; non plus qu'aux ventes après décès, faillite ou cessation de commerce, mais je crois qu'on devrait y comprendre les ventes ordonnées par jugement. Car on ne doit pas les confondre avec les ventes faites par autorité de justice. Au moins une explication est-elle nécessaire. Elle servira de commentaire à la loi.

D'autre part, le cas de nécessité dont l'appréciation est soumise aux tribunaux de commerce (que j'avais cru moi-même s'appliquer au cas de changement de domicile) ne peut être invoqué que par le marchand sédentaire patenté, article. 6, paragraphe pénultième. Les observations que faisait hier l'honorable M. de Brouckere se représentent donc ici, en ce qui concerne le non-commerçant qui devrait changer de domicile. Celui-ci serait donc frappé de la prohibition, il ne pourrait vendre que par pièces de cent litres ou par cent bouteilles ou moins ; je ne pense pas que telle ait été l'intention du rédacteur.

Je crois que le cas de changement de domicile d'un homme étranger au commerce, est une nécessité que devrait apprécier le bourgmestre.

J'observe, d'ailleurs, que la patente ne constitue pas le marchand, car sous l'empire du droit actuel, les notaires, les avoués, les huissiers, sont patentés. Les médecins, les chirurgiens sont aussi patentés, et cependant ne peuvent être assimilés à des commerçants.

M. Desmet. - Je demanderai à l'honorable ministre de la justice pourquoi il a modifié par son amendement le projet primitif du gouvernement, qui ne comprenait pas les monts-de-piété ? C’était avec raison. ; car ce n'est pas pour recevoir en dépôt des marchandises neuves, c'est en faveur des pauvres que les monts-de-piété ont été institués. Si l'on va au-delà, c’est un abus.

Je ne pourrai voter l'amendement que quand on aura modifié le régime des monts-de-piété. On peut très bien l'ajourner jusqu'à ce qu'on s'occupe du projet de loi qui est préparé sur les monts-de-piété.

Les ventes à l'encan de marchandises neuves faites par les monts-de-piété font grand tort au commerce, parce que ces ventes se font à très bon compte. Remarquez que, d'après l'esprit de cette institution, on ne devrait y recevoir aucune marchandise neuve, mais seulement des objets qui ont déjà servi.

Si les monts-de-piété répondaient tous au but de l'institution, si comme celui de Gand, ils prêtaient sans intérêt, lorsque les dépôts sont d'une valeur minime, je ne verrais pas d'inconvénient à admettre l'amendement ; mais je ne le puis pas, tant que ces établissements recevront en dépôt des marchandises neuves.

Je demande l'ajournement jusqu'à la discussion du projet de loi sur la matière.

M. Van Cutsem. - La première section est la seule qui ait proposé d'étendre l'exception énoncée à l'article 3 du projet de loi aux ventes à faire à l'encan par les monts-de-piété ; les autres sections n'ont pas réclamé cette exception.

Je ne pourrais dire si cette question a été agitée en section centrale, mais si elle y a été discutée, il n'en est pas fait mention dans le rapport de l'honorable M. Delehaye ; de manière que nous ne savons pas quelle a été l'opinion de la section centrale sur cette question. Quoi qu'il en soit, je crois devoir appuyer cette exception dont la demande a été formulée dans un amendement que M. le ministre nous a proposé à l'article 3 du projet en discussion.

Sous l'empire des anciens règlements, même de ceux qui défendaient d'une manière générale les ventes à l'encan, les ventes effectuées de cette manière par les monts-de-piété ont toujours été permises, aussi bien sous les règlements de Marie-Thérèse, en 1708, que sous ceux qui ont été faits sous le gouvernement des Pays-Bas.

Si la loi française du 25 juin 1841 n'a pas compris d'une manière (page 973) expresse les monts-de-piété dans les exceptions sur les ventes à l'encan, je puis affirmer que l'exception existe de fait, et que les gages en marchandises neuves se vendent comme autrefois dans les monts-de-piété français, sans le moindre obstacle ; l'exception portée à l'article 2 en faveur des ventes prescrites par la loi ou faites par autorité de justice, est considéré, comme de droit pour les monts-de-piété, parce que ces ventes n'ont lieu qu'en vertu de leurs statuts et sur rôles rendus exécutoires par ordonnance du président du tribunal civil.

La question de savoir s'il convient de maintenir dans les monts-de-piété les prêts sur dépôt de marchandises neuves, a été décidée affirmativement par 31 tribunaux de commerce, chambres de commerce et députations permanentes de la Belgique sur 44.

Ceux qui ne veulent pas permettre aux monts-de-piété de vendre à l'encan des marchandises neuves soutiennent qu'il doit en être ainsi, parce que les monts-de-piété n'ont été fondés que pour soulager la classe ouvrière ; mais c'est là une erreur, les monts-de-piété n'ont pas seulement été institués pour soulager uniquement la classe ouvrière, mais ils ont encore été ouverts pour venir en aide à cette classe nombreuse de particuliers qui n'ayant ni propriétés, ni crédit, demanderaient en vain sur leur signature des fonds aux banquiers ordinaires.

Porter un empêchement absolu aux prêts sur marchandises neuves, c'est priver parfois ce petit commerce d'un moyen prompt et facile de se procurer quelques ressources dans un moment pressant. La suppression du prêt sur marchandises serait funeste au commerce dans les cas de crise qui amènent une stagnation momentanée des affaires, et qui, forcent le négociant ou le détaillant, momentanément dans la gêne, de parer à de pressants besoins auxquels ils doivent satisfaire pour maintenir intact un crédit qu'ils ne soutiennent alors qu'au moyen d'un emprunt au mont-de-piété.

Le négociant ou le détaillant dans l'embarras, qui ne pourrait pas avoir recours au mont-de-piété pour se soutenir le plus longtemps possible, s'adressera à des prêteurs sur gages qui exigeront, sans nul doute, un intérêt plus élevé que celui que perçoivent les monts-de-piété. S'il est vrai que les lois peuvent atteindre des prêteurs de cette espèce, quand ils mettent leurs opérations en évidence, il est encore certain qu'ils peuvent éviter, par certains moyens frauduleux, qu'on ne constate leur usure.

Les monts-de-piété sont moins funestes aux créanciers de débiteurs malheureux, qui ont dû emprunter sur gages, que les prêteurs ordinaires, parce que, en cas de faillite, les monts-de-piété ne prêtant que la moitié de la valeur des marchandises, ces créanciers retrouvent au moins l'autre moitié qui, sans cela, serait perdue pour eux.

Je vous dirai encore, messieurs, que ces prêts sur marchandises neuves au mont-de-piété ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait se l'imaginer dans l'absence de documents précis ; en effet, 466,032 gages ont été portés aux 22 monts-de-piété de la Belgique, en 1945, sur lesquels on a avancé une somme de 3,311,047 fr. et 2 c, et sur ce nombre de 466,032 gages, on a engagé 3,340 articles neufs, pour une valeur de 212,036 fr. 30 c, ce qui équivaut environ à un gage neuf sur 1,500 objets engagés.

Les différentes considérations que je viens de faire valoir me permettront, comme je l'ai dit en commençant, de voter pour l'amendement de M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense aussi, comme l'honorable M. Donny, que le mot « comestible » peut être retranché du deuxième paragraphe de l'article 3, par suite de la suppression qui a été votée au paragraphe 11 de l'article 2 En effet, la vente des comestibles n'est plus interdite, dès qu'on se borne à défendre la vente des marchandises manufacturées comprises dans le tarif des douanes.

Je répondrai maintenant aux deux questions qui ont été posées au gouvernement par M. Savart. Cet honorable membre demande si des ventes faites amiablement, sont comprises dans l'indication de ventes faites par autorité de justice, dans le cas où ces ventes seraient faites par suite d'un accord entre parties, mais dans l'hypothèse où sans cet accord, les ventes auraient été ordonnées par la justice.

Messieurs, dès que la vente n'a pas été ordonnée en justice, dès qu'elle n'a pas eu lieu avec les formalités voulues, il me semble qu'on ne peut y appliquer l'article 3. Si les personnes qui ont une vente à faire veulent jouir du bénéfice de l'article 3, elles doivent fournir toutes les garanties exigées pour les ventes faites par autorité de justice. Dès que l'on a renoncé à l'intervention de la justice, ces ventes ne peuvent rentrer sous l'application de l'article 3.

C'est ainsi que j'interprète l'article. Je pense que l'honorable rapporteur l'interprète de la même manière.

Si un individu qui n'est pas négociant (demande l'honorable M. Savart) veut se rendre dans une autre ville, pourra-t-il vendre ses meubles ? Dès que ses meubles auront servi, il n'y a pas de difficulté. S'il s'agit de meubles neufs, il ne pourra les vendre ; car, comme il n'est pas négociant, on ne peut lui appliquer le cas de nécessité dont parle l’article 3.

Mais la supposition de M. Savart se présentera très rarement ; un individu qui doit ou veut déloger n'ira pas acheter des meubles neufs pour les vendre, et, s'il le fait, c'est en vue d'éluder la loi, et alors il faut lui appliquer la prohibition.

S'il veut, au contraire, vendre des meubles qui lui ont servi, il peut le faire, ce ne sont pas des marchandises neuves, dès lors la loi n'est pas un obstacle à la vente.

Quant aux vins, la disposition votée sur la proposition de l'honorable M. de Brouckere répond à l'objection de l'honorable M. Savart.

J'ai cru devoir proposer à l'article 3 un amendement, quant à la vente des objets neufs, faite par les monts de-piété. J'ai reproduit par cet amendement la disposition votée en 1838, et contre laquelle je ne pense pas qu'on se soit élevé jusqu'à présent.

Dans le projet primitif on avait supprimé les ventes faites par les monts-de-piété, on avait, je dois le dire, calqué le loi française, où ces mots ne se trouvent pas.

Mais comme l'a fait observer tout à l'heure l'honorable M. Van Cutsem avec beaucoup de raison, en France, en l'absence même de ces mots ces ventes sont censées autorisées. Les ventes prescrites par la loi sont permises. Les ventes que font les monts-de-piété se font en vertu de leurs statuts, lesquels sont portés en vertu de la loi. Ces ventes sont donc considérées comme autorisées par la loi. Ainsi la loi française n'empêche pas qu'on ne vende les marchandises neuves déposées aux monts-de-piété, quoique cette loi ne contienne pas expressément une exception relativement à ces ventes.

L'honorable M. Rodenbach, à l'occasion de l'article 3, a signalé de nouveau les inconvénients des monts de-piété actuels. L'honorable membre vous a dit avec raison que les intérêts perçus par quelques-uns de ces établissements étaient usuraires, que ces établissements ne répondaient pas à leur destination.

Je partage à cet égard l'avis de l'honorable membre ; j'ai déjà fait observer que, dans l'état actuel de la législation, le gouvernement était impuissant pour modifier les règlements en vigueur, attendu que, d'après l'article 77 de la loi communale, les règlements des monts-de-piété sont soumis à l'approbation, non du gouvernement, mais de l'autorité communale.

Tant que la loi ne donnera pas au gouvernement le droit de modifier ces règlements, il lui sera impossible de faire cesser l'abus signalé par l’honorable M. Rodenbach. Pour parer à ce mal, un projet est préparé. J'espère qu'il pourra être bientôt présenté. Ce projet fait droit à la plupart des observations de l'honorable M. Rodenbach. Il constituera les monts-de-piété de telle sorte qu'ils répondront au but de leur institution que, dans l'état actuel de la législation, ils n'atteignent qu'imparfaitement.

L'honorable M. Desmet voudrait voter l'ajournement de l'amendement que j'ai présenté. Il dit que si une loi nouvelle était présentée pour faire cesser les abus existants, il serait disposé à voter mon amendement ; mais il en demande maintenant l'ajournement.

Je répondrai à l'honorable membre que mon amendement ne fait que maintenir ce qui existe. Si l'on repousse l'amendement, il en résultera une perturbation complète dans l'organisation des monts-de-piété. Les monts-de-piété qui reçoivent maintenant des marchandises neuves, ne pourront plus en recevoir. Cet avantage qu'ils procurent au petit commerce cessera immédiatement.

Je ne pense pas que l'honorable M. Desmet veuille amener un semblable résultat.

Si une loi n’était pas annoncée, je concevrais peut-être qu’on voulût à l’occasion de la loi actuelle modifier l’état de choses existant. Mais dans l'intention de faire cesser la possibilité d'un seul abus, en faire naître de beaucoup plus graves ne me paraît ni admissible ni logique. Je ne pense donc pas qu'il soit convenable de discuter maintenant la question des monts-de-piété, alors que nous nous occupons de la loi sur les ventes à l'encan. Admettra-t-on définitivement l'autorisation de déposer des marchandises neuves dans les monts de-piété ? Cette question sera plus tard examinée. Mais je désire qu'elle ne soit pas résolue incidemment.

Ce que je demande de maintenir est du reste conforme à l'opinion de la grande majorité des autorités consultées sur cette matière. Les députations permanentes, les chambres de commerce, les tribunaux de commerce, ont donné leur avis ; et trente et un de ces corps se sont prononcés pour le maintien de la possibilité du dépôt des marchandises neuves dans les monts-de-piété ; treize seulement se sont prononcés en sens contraire.

M. Delehaye, rapporteur. - Quels sont ces treize corps ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Dans les trente et un corps il y a des chambres de commerce et des députations permanentes. Les treize corps opposants sont pour la plupart des tribunaux de commerce.

J'ajouterai qu'il ne faut pas s'effrayer de ce qui existe maintenant. On semble croire qu'on dépose dans les monts-de-piété une quantité considérable de marchandises neuves, il n'en est rien ; relativement à la masse des objets déposés, les marchandises neuves forment une très petite quantité. Le nombre total des dépôts faits dans les monts-de-piété est die 466,032, sur lesquels il avait été prêté une somme d'au-delà de 3,000,000 et sur ce nombre, le rapport des dépôts de marchandises neuves n'est que de 7 sur 10,000 articles ; ce rapport est dans la même proportion quant à la hauteur des sommes avancées.

Il n'y a donc aucune crainte à concevoir sur les résultats du maintien de l'état de choses actuel. D'un autre côté, il me paraît extrêmement avantageux de maintenir des dépôts qui permettent, dans certaines circonstances, au petit commerçant de satisfaire aux obligations qu'il a contractées et d'aller plus tard reprendre les marchandises déposées et de continuer ainsi son commerce qu'il aurait dû cesser s'il n'avait pas eu la ressource du mont-de-piété. Du reste, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Van Cutsem, si les monts-de-piété n'existaient pas, ce petit commerçant aurait recours à d'autres moyens, il aurait recours aux maisons de prêts sur gages qui sont certainement plus nuisibles que les monts de-piété.

Enfin, messieurs, si vous ne maintenez pas les dépôts d'objets de peu de valeur, vous consacrerez une véritable injustice, car les négociants ayant un commerce plus étendu, et par conséquent plus de marchandises à déposer, continueront a jouir de la faculté de faire ces dépôts, puisque les objets pourront toujours être vendus dès que la valeur s'élèvera à une somme supérieure a 100 francs. La mesure serait donc directement contraire aux intérêts du petit commerce que la loi est destinée à favoriser.

(page 974) M. Anspach. - M. le ministre de la justice a cherché à nous démontrer l'utilité du maintien des dépôts de marchandises neuves dans les monts-de-piété ; mais, malgré ses observations, je persiste à croire que cette utilité est au moins très contestable. Le but de la loi qui nous est soumise est de protéger le petit commerce ; or, jusqu'à présent les petits marchands avaient la faculté d'envoyer des marchandises aux salles de vente ; et dès lors ils seront obligés de recourir à d'autres moyens, moyens que leur intelligence ne manquera pas de découvrir ; le premier de ces moyens sera évidemment le dépôt de leurs marchandises au mont-de-piété, et dès lors notre loi n'aurait fait que déplacer le mal ; le dommage que le commerce de détail éprouvait précédemment de la part des salles de vente, il l'éprouvera à l'avenir de la part des monts-de-piété.

On nous dit que si les dépôts de marchandises neuves au mont-de-piété ne sont pas maintenus, les petits marchands qui éprouveront de la gêne, seront obligés de s'adresser à des usuriers. Mais, messieurs, je ne connais pas de plus grands usuriers que les monts-de-piété ; l'honorable M. Rodenbach nous la dit, ils prennent jusqu'à 30 et 40 p. c ; il n'est pas d'usurier qui prenne un intérêt aussi élevé lorsqu'on lui donne un gage en marchandises. Cette objection ne me paraît donc pas valable.

Ensuite, messieurs, pourquoi les monts-de-piété ont-ils été institués ? Mais c'est pour venir au secours des personnes qui, dans un cas donné, se trouvent dans une position telle, qu'elles sont réduites à donner en gage leurs meubles ou leurs vêtements pour ne pas souffrir de la faim. Voilà pourquoi les monts-de-piété ont été institués, mais ce n'est pas seulement pour prêter de l'argent sur des marchandises neuves à des personnes qui ne sont pas réduites à la dernière extrémité. Or, ceux qui ont des marchandises neuves à déposer ne sont certes pas dans la position malheureuse que je viens d'indiquer.

Ainsi, messieurs, les raisons que M. le ministre a données à l'appui de son amendement ne sont pas de nature à me faire voter en faveur d'une disposition qui donnerait exceptionnellement aux monts-de-piété le droit de vendre publiquement des marchandises neuves par petites quantités.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je commence par satisfaire à la demande qui a été faite tout à l'heure par l'honorable rapporteur de la section centrale, en indiquant à la chambre quelles sont les autorités qui se sont prononcées pour ou contre le dépôt des marchandises neuves dans les monts-de-piété.

Brabant : La députation permanente, la chambre de commerce de Bruxelles, le tribunal de commerce de Louvain demandent le maintien des dépôts ; le tribunal de commerce de Bruxelles se prononce contre ces dépôts.

Anvers : La chambre de commerce pour ; la députation permanente et le tribunal de commerce contre.

Flandre occidentale. La députation permanente, les chambres de commerce de Bruges, de Courtray, d'Ypres et d'Ostende ainsi que les tribunaux de commerce de Courtray et d'Ostende pour. Le tribunal de commerce de Bruges, seul, contre.

Flandre orientale. La chambre et le tribunal de commerce de Termonde, le tribunal de commerce de St-Nicolas, pour. La chambre et le tribunal de commerce de Gand, contre.

Hainaut. La députation provinciale, le tribunal de commerce, la commission des hospices de Mons, ainsi que la chambre de commerce de Tournay, pour ; la chambre de commerce de Mons est contre ainsi que celle de Charleroy.

Liège. La députation provinciale et le tribunal de commerce de Liège, ainsi que la chambre de commerce et le tribunal de commerce de Verviers, pour.

Limbourg. Les tribunaux de commerce de Hasselt et de Tongres montrent de l'incertitude. La députation faisant fonctions de chambre de commerce à Hasselt est d'avis qu'il ne faut pas maintenir les dépôts.

Luxembourg. Aucun avis n'a été donné.

Namur. La députation permanente, la chambre de commerce et les tribunaux de commerce de Namur et de Dinant pensent qu'il est nécessaire de laisser les choses dans l'état où elles se trouvent.

Ainsi, messieurs, 31 avis sont favorables, et 13 seulement sont contraires. Parmi les 31 qui sont favorables, il en est plusieurs qui émanent non seulement de chambres de commerce, mais même des tribunaux de commerce.

Je puis donc, ce me semble, avec raison, demander le maintien du statu quo jusqu'à ce que la question puisse être examinée d'une manière approfondie.

Je répondrai maintenant deux mots à ce qui a été dit par l'honorable M. Anspach. L'honorable membre ne me paraît pas méconnaître que, dans l'état actuel des choses, la vente des marchandises neuves déposées dans les monts-de-piété n'offre aucun inconvénient.

En effet, messieurs, en présence des chiffres que j'ai cités, il serait difficile de soutenir qu'alors que le rapport est de 7 à 10,000 objets, il peut y avoir quelque inquiétude d'un état de choses semblable.

L'honorable membre craint que les mesures consacrées par la loi pour empêcher les ventes dans les salles de vente n'aient pour résultats de faire affluer les amateurs dans les monts-de-piété. Mais à cela la réponse est très facile.

Il ne s'agit pas de savoir s'il y aura plus d'amateurs dans les monts de-piété, mais uniquement si l'on y déposera plus d'objets. Or les mesures que vous prendrez pour empêcher les ventes publiques ne feront pas affluer les objets dans les monts-de-piété ; évidemment tel ne sera pas le résultat de ces mesures.

Lorsque l'on dépose une objet dans une salle de vente, on le fait dans l'espoir d'en obtenir le prix réel, le prix véritable, et l'on conçoit dès lors que des individus déposent des objets dans des salles de ventes pour les vendre et en être payés à l'instant.

Mais quand il s'agit de déposer dans les monts-de-piété, le motif ne peut pas être le même : on n'obtient pas la valeur de l'objet déposé, mais une valeur de beaucoup inférieure.

Ainsi, ceux qui déposent des objets dans les salles de ventes pour les vendre et en obtenir le prix, ne sont pas guidés par te même motif que les individus qui vont porter des objets dans les monts-de-piété, avec l'intention de les reprendre plus tard ; ceux-ci prévoient qu'ils auront des rentrées, que des fonds seront mis à leur disposition plus tard, et qu'ils pourront alors reprendre les objets déposés. Ces deux classes de personnes ont donc des intentions différentes, des intérêts différents, et elles sont mues par des considérations d'un autre ordre.

L'honorable M. Anspach vous dit que le seul argument que l'on ait fait valoir pour maintenir aux monts-de-piété le droit de prendre des marchandises neuves, est que si ce droit n'était pas maintenu, on aurait recours à des usuriers, ce qui serait infiniment plus nuisible.

« Mais, ajoute l'honorable membre, y a-t-il rien de plus usurier que les monts-de-piété ? L'honorable M. Rodenbach vous l'a dit, les monts-de-piété exigent des intérêts usuraires, et par conséquent l'inconvénient que l'on veut éviter existe déjà. »

Mais je réponds à l'honorable membre par le code pénal. Les maisons de prêts sur gages sont défendues, et il ne faut donc pas donner par la loi un encouragement à commettre un délit. Si on reconnaît, comme semble le faire l'honorable membre, qu'il est indispensable d'autoriser les prêts sur gages pour venir au secours d'individus qui sont dans une position gênée, il faut nécessairement maintenir la faculté donnée aux monts-de-piété, si l'on ne veut pas que des maisons de prêts sur gages clandestines s'élèvent, et qu'on soit dans le cas d'appliquer fréquemment l'article 411 du code pénal.

M. Rodenbach. - Messieurs, je persiste à considérer l'amendement de M. le ministre de la justice comme tout à fait inutile. M. le ministre de la justice nous a dit lui-même que sur dix mille articles déposés au mont-de-piété, il n'y en a que sept qui soient des marchandises neuves. C'est pour ce motif que je demande le rejet de l'amendement. D'ailleurs, c'est un principe que je ne puis admettre. M. le ministre convient lui-même que le taux est usuraire. Ainsi, de l'aveu même du ministre, son amendement est un amendement usuraire. Pourquoi admettrait-on un principe injuste dans une nouvelle loi ?

Un honorable député de Bruxelles, a présenté des observations auxquelles je m'associe entièrement. Je trois aussi que ceux qui déposent des marchandises neuves dans les monts-de-piété font ce dépôt au grand préjudice de leurs créanciers ; quand les personnes qui font ces dépôts, ne peuvent pas reprendre leurs marchandises, les monts-de-piété réalisent un bénéfice de 30 à 40 p. c. Si les personnes qui, étant dans la gêne, ont suspendu leurs payements, avaient payé, avec ces marchandises neuves, leurs créanciers, elles n'eussent pas perdu 30 ou 40 p. c.

On a dit que si on ne peut pas déposer des marchandises neuves dans les monts-de-piété, on se jettera dans les mains des usuriers. Mais il est à remarquer que si les usuriers prêtent souvent à 20 ou 30 p. c, c'est sur une simple signature, tandis que les monts-de-piété ont des marchandises en garantie ; c'est à coup sûr qu'ils gagnent 30 à 40 p. c. Peut-on dans un pays où l'on proclame les principes de justice, admettre un amendement foncièrement injuste ?

M. Delehaye, rapporteur. - Messieurs, l'ancien collègue de M. le ministre de la justice, auteur du projet de loi, M. Nothomb, connaissait bien toutes les raisons qui viennent d'être alléguées par M. le ministre de la justice à l'appui de son amendement. Je regrette que sur cette question il n'y ait pas eu entre M. Nothomb et M. le ministre de la justice plus d'homogénéité ; quoiqu'il en soit, examinez la proposition telle qu'elle vous est faite.

M. le ministre de la justice est d'accord avec nous que, sous le régime actuel, il n'y a pas matière à envisager la question sous un rapport très favorable, attendu que le dépôt des marchandises neuves est presque insignifiant.

Dès lors vient à tomber le principal argument qui a été invoqué par un honorable député de Courtray ; ce membre a dit qu'il faut venir, par ce moyen, au secours des commerçants en détail qui sont dans un moment de gêne ; mais si la législation existante qui permet le dépôt des marchandises neuves dans les lombards, n'a pas eu cet effet, pourquoi craint-on que l'interdiction de cette faculté soit si nuisible ?

Examinez un instant la question telle qu'elle se présentera lorsque la loi que vous discutez sera en vigueur. Vous aurez interdit partout les ventes à l'encan, excepté cependant dans les lombards ; le lombard sera désormais un asile où viendront se réfugier ceux qui voudront se défaire à tout prix de marchandises neuves. Quel résultat voulons-nous atteindre par le projet de loi actuel ? C'est de donner une protection au commerce en détail contre la vente des soldes de magasin, de produits qu'on ne peut pas placer sur te marché.

Vous avez vu que dans la Flandre occidentale, toutes les chambres de commerce, excepté celle de Bruges, ont été favorables à la proposition ministérielle ; pourquoi l'ont-elles été ? Parce que les principales de ces villes sont des villes frontières ; elles ne seront pas forcés de voir affluer dans leurs lombards tous les produits français qui se déversaient jusque-là sur le marché belge ; c'est dans ces lombards qu'on viendra déposer tous (page 975) les soldes de magasin contre l'introduction desquels nous voulons prémunir aujourd'hui le commerce de détail.

M. le ministre de la justice a déclaré que dans son opinion, il était nécessaire de présenter un projet de loi sur les monts-de-piété. C'est un motif de plus pour ne pas admettre aujourd'hui l'amendement de M. le ministre de la justice.

Messieurs, un honorable député d'Ostende a indiqué une modification nécessaire à l'article 3. Cette modification a été signalée hier, je pense qu'il est inutile de demander la division ; il va de soi que la portée de l'article 3 qui concerne les comestibles, est devenu sans objet, par l'adoption du n°11. La proposition tombe donc d'elle-même.

M. Cans. - Messieurs, ce qui vient d'être dit par l'honorable préopinant sur la question des lombards, me laissera peu de chose à ajouter. Les marchands peuvent aujourd'hui, dit-on, déposer des marchandises neuves au lombard. Cette mesure leur est indispensable pour pouvoir réaliser les fonds dont ils ont besoin pour acquitter les traites qui leur sont présentées.

Messieurs, on ne défend pas au marchand de déposer au lombard ce qui lui appartient, il peut y déposer ses meubles, son linge, son argenterie, s'il en a ; mais il doit lui être défendu d'y déposer des marchandises neuves qui, en définitive, ne sont pas à lui, mais qui sont le gage de ses créanciers.

On craint que si on enlève au marchand la faculté de déposer des marchandises neuves aux monts-de-piété, il ne puisse pas faire honneur aux traites tirées sur lui. Cette crainte n'est pas fondée ; il faut connaître les habitudes du commerce dans notre pays.

En général, dans ce pays, le commerce fait des traites qui sont toutes endossées avec retour sans frais. Ce qui signifie que, quand la traite est présentée au payement et que celui sur qui elle est tirée n'est pas en mesure d'y faire honneur, le porteur l'a renvoyé au tireur ; cela n'occasionne d'autre dépense que celle d'un simple port de lettre.

Voilà, messieurs, les habitudes du commerce. Je pense donc qu'on ne doit pas encourager chez le négociant cette tendance à déposer des marchandises au lombard ; on doit, au contraire, l'empêcher par tous les moyens. Ainsi, ce que nous discutons ici n'est nullement dans l'intérêt du commerce de détail, mais bien dans l'intérêt des lombards. Or, la question des lombards n'est pas à l'ordre du jour en ce moment.

M. le ministre de la justice s'est appuyé sur les rapports qui lui ont été faits par différentes autorités, relativement à l'amendement qu'il a proposé. Parmi ces rapports, les uns sont favorables, les autres sont défavorables.

Si on tenait seulement compte du nombre des rapports favorables, on pourrait peut-être être entraîné à adopter la mesure. Je suis donc en quelque sorte obligé, avec tous les égards que je dois aux personnes en cause, de dire comment il se fait, au moins pour le Brabant, que la députation permanente et la chambre de commerce de Bruxelles ont été d'un avis contraire à l'opinion du tribunal de commerce de la capitale.

La députation permanente du Brabant est composée de propriétaires ; je crois qu'elle n'a dans son sein qu'un seul négociant. J'ignore si la députation permanente a pris des renseignements auprès de négociants, avant de rédiger son rapport.

Quant à la chambre de commerce, elle est composée en grande partie de négociants qui se sont retirés du commerce et qui sont étrangers au mouvement actuel des affaires. Un des membres est en même temps membre du conseil des hospices, un autre fait partie de la commission du mont-de-piété, et le secrétaire de la chambre de commerce est greffier du mont-de-piété. On s'explique donc très bien comment la chambre de commerce de Bruxelles a rédigé un rapport favorable à la mesure ; mais le tribunal de commerce a été unanime pour la repousser.

Si je passe en revue les avis des autres tribunaux de commerce, je trouve que les tribunaux de commerce d'Anvers, de Gand, de Bruges, sont opposés à la disposition ; le tribunal de commerce de Liège est le seul des tribunaux de commerce de quelqu'importance qui se soit prononcé en faveur de la mesure.

M. le ministre de la justice a dit que l'on ne s'était pas élevé contre la vente publique de marchandises neuves par les monts-de-piété. Cela s'explique : jusqu'à présent, quand un marchand devait réaliser immédiatement des fonds, il avait recours aux maisons où l'on vend des marchandises neuves à l'encan, mais cette faculté va être interdite ; on aura dès lors recours aux monts-de-piété, et les marchandises vont affluer dans ces établissements.

M. Dedecker. - Messieurs, j'appuie l'amendement qui a été présenté par M. le ministre de la justice. Le rejet de cet amendement aurait des conséquences très graves, tant pour les monts-de-piété que pour le petit commerce qu'on veut protéger par la loi.

L'honorable M. Cans dit que les monts-de-piété ne sont pas en jeu, en ce moment, que nous ne discutons pas un projet de loi qui ait rapport a ces institutions. Cela me fait croire que l'honorable préopinant n'apprécie pas suffisamment la portée de l'amendement de M. le ministre de la justice. Si vous interdisiez d'une manière générale l'acceptation des marchandises neuves par les monts-de-piété, par cela seul vous décidez peut être de l'existence des monts-de-piété, et en tout cas vous vous opposez à ce que les monts-de-piété, dans un avenir prochain, puissent diminuer l'intérêt qu'ils perçoivent aujourd'hui.

On sait, d'ailleurs, que l'institution des monts-de-piété a une double portée : ce n'est pas seulement une œuvre de bienfaisance, c'est encore une espèce de banque, d'institution de crédit pour le petit commerce ; elle a eu constamment ce double caractère. Il est reconnu que si les monts-de-piété ne pouvaient recevoir en gage des marchandises neuves, ces établissements devraient percevoir sur les hardes des pauvres un intérêt beaucoup plus élevé.

Car, messieurs, il ne suffit pas de se reporter à l'époque de la pieuse fondation des monts-de-piété ; il faut examiner leur organisation actuelle pour se rendre compte de leurs opérations ; or, chacun sait que ces établissements ont des frais énormes à supporter. Autrefois les monts-de-piété avaient un local et un personnel d'administration qui leur étaient donnés gratuitement ; ils avaient un fonds de dotation provenant de la charité des fidèles sur lequel ils pouvaient prêter gratuitement aux pauvres. Aujourd'hui les monts de-piété doivent payer le loyer du local qu'ils occupent, et ils n'obtiennent leur fonds de roulement qu'au moyen d'emprunts qu'ils font aux hospices et aux bureaux de bienfaisance et pour lesquels ils payent 3, 4 et quelquefois 5 pour cent ; il y a de plus des frais généraux d'administration très considérables. Il est prouvé pour les personnes qui ont fait une étude approfondie de ces institutions, que sur un gage de 12 francs l'administration perd ; en France elle perd jusque sur des gages de 10 francs. Si vous défendez aux monts-de-piété de recevoir des objets d'une certaine valeur, non seulement il faudrait maintenir l'intérêt que déjà l'on appelle usuraire, mais il y aurait nécessité de l'augmenter. La faculté de recevoir des marchandises neuves est nécessaire à la conservation des monts-de-piété et aux réformes qu'on désire et qu'on projette de toutes paris.

Voilà la portée de l'interdiction que la section centrale propose.

Examinons-la dans ses rapports avec le petit commerce.

L'expérience prouve que souvent de petits détaillants se trouvent avoir un approvisionnement complet de marchandises et n'avoir pas l'argent comptant nécessaire pour acquitter une traite. Si vous interdisez l'engagement des marchandises neuves aux monts-de-piété, on s'en débarrassera à tout prix pour faire de l'argent, on ira se faire rançonner chez les prêteurs clandestins.

Mais, dit un des honorables préopinants, jusqu'à présent les inconvénients de ces engagements de marchandises neuves aux monts-de-piété ne se sont pas fait sentir, parce qu'on pouvait se défaire des marchandises neuves dans des venets à l'encan. Maintenant que cela ne pourra plus avoir lieu, tous les petits détaillants, dans leur détresse, vont recourir aux monts-de piété. Messieurs, quand on sait ce qui se pratique, on n'éprouve aucune crainte à cet égard. On ne dépose d'ordinaire aux monts-de-piété que des fonds de boutique qui datent de cinq ou six ans au moins. Un boutiquier qui a besoin de battre monnaie et de faire de l'argent, n'ira pas se défaire de marchandises qu'il a encore l'espoir de vendre ; il ne se défera ainsi que de ce que dans le commerce on appelle des rebuts. Il est de plus à remarquer que la vente au mont-de-piété ne peut se faire immédiatement, mais seulement 14 mois après le dépôt.

Comment voulez-vous alors que l'engagement de ces marchandises puisse faire tort au petit commerce ? D'un autre côté, on sait que ce n'est pas la bourgeoisie qui va acheter aux ventes des monts-de-piété, mais quelques vieilles fripières et revendeuses.

Pour ceux qui ont étudié cette question, il est prouvé qu'il faut laisser aux monts-de-piété la faculté de recevoir les marchandises neuves moyennant de prendre les précautions nécessaires pour prévenir les abus. D'ailleurs, messieurs, on vous a démontré que les dépôts de marchandises neuves sont insignifiants. L'année dernière, sur 92,000 engagements au mont-de-piété de Bruxelles, il n'y a eu que 350 dépôts de marchandises neuves et d'une valeur très faible. Il n'y a donc pas de motif pour changer ce qui a existé jusqu'à ce jour, alors surtout que ce changement amènerait des inconvénients bien plus graves et plus nombreux que ceux qu'on veut éviter.

M. Desmet. - On pense que, par le rejet de l'amendement de M. le ministre de justice, on va empêcher désormais tout dépôt de marchandises neuves aux monts-de-piété ; c'est une erreur, on tombera dans les termes du n°11 qui fixe le minimum de la quantité qui pourra être mise en vente. Pourquoi voulons-nous rejeter l'amendement proposé ? Ce n'est pas pour empêcher le dépôt et la vente dans les monts-de-piété, mais pour les restreindre dans les limites déterminées par le n°11 de l'article 2.

On du que les monts-de-piété sont des espèces de banques. Je trouve que ce sont des barques désastreuses, des banques usuraires ; tous ceux qui s'adressent à ces banques sont sur le chemin de la banqueroute.

L'honorable préopinant vous a dit que si on n'adoptait pas l'amendement de M. le ministre, on se trouverait dans la nécessité d'augmenter encore les intérêts que perçoivent les monts-de-piété. C'est fort consolant pour les malheureux. Déjà on paye 15 p. c. ; si on doit augmenter encore cet intérêt, ce sera une belle institution.

Je crois que l'honorable membre se trompe. J'espère que le gouvernement prendra des mesures pour qu'un déposant puisse, jusqu'à concurrence d'une certaine somme, obtenir un prêt gratuit. A Gand, le mont-de-piété a reçu en 1842, 19 mille objets sur lesquels il a prêté 64 mille francs sans intérêt. Le gouvernement pourrait faire ce que la ville de Gand fait pour les pauvres. Et alors on pourrait commencer à dire que les monts-de-piété sont utiles !

Le motif pour lequel je veux rejeter l'amendement de M. le ministre, est d'empêcher qu'on n'abuse des monts-de-piété. L'honorable préopinant vous a dit que les commerçants n'y déposaient que des fonds de magasin ; ce sont ces ventes de fonds de magasin, qui font le plus de tort, le plus de mal aux petits détaillants. Et c'est dans l'intérêt de ces petits détaillants que vous avez défendu la vente à l'encan des fonds de marchandise, et des marchandises passées de mode.

(page 976) En m'opposant à l'amendement du ministre, j'ai encore pour but d'avoir sur les monts-de-piété une loi qui en fusse cesser les abus.

Par le rejet de l'amendement vous n'interdirez que les dépôts de petites quantités ; mais s'il passe, on aura un moyen d'éluder la loi.

Je crois donc que dans l'intérêt du pauvre, du petit commerçant, on fera bien de rejeter l'amendement.

Et si le commerçant ou fabricant se trouve dans le besoin de se procurer quelques fonds, il pourra bien trouver des personnes qui lui prêteront sur gages ; d'ailleurs, ces prêts se font journellement et même à des taux très raisonnables. Quand l'honorable M. Anspach a fait cette remarque, l'honorable ministre de la justice a répondu, si je ne me trompe, que ces prêts sur gages faits par des particuliers sont défendus ; mais je ne le pense pas ; ce qui est défendu, ce sont ces lombards publics, tenus par des particuliers. mais c'est là toute autre chose !

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je suis heureux d'avoir rencontré, pour soutenir mon amendement, un appui comme celui que m'a prêté l’honorable M. Dedecker ; quand on se trouve d'accord avec quelqu'un qui a étudié, d'une manière si approfondie et si complète, la question des monts-de-piété, on peut persévérer avec confiance dans l'opinion qu'on a émise. La chambre se rappellera les paroles de l'honorable membre. Il vous a dit que l'institution des monts-de-piété serait compromise si on n'adoptait pas l'amendement que j'ai proposé. Cette considération seule devrait suffire pour en assurer l'adoption ; car je pense que personne ne veut supprimer, incidemment du moins, l'institution des monts-de-piété.

Je pourrais aussi invoquer à l'appui de mon amendement ce qu'a dit l'honorable M. Cans. Ne vous méprenez pas, a-t-il dit, sur la portée de la loi ; il ne s'agit pas ici de monts-de-piété, il s'agit d'empêcher les ventes à l'encan ; or, s'il ne s'agit pas de monts-de-piété, mais des ventes à l'encan, n'allez pas, dirai-je, à mon tour, trancher une question vitale pour les monts-de-piété, une question qui peut avoir les conséquences les plus graves sur cette institution. Attendez que nous soyons à même de traiter cette question d'une manière approfondie lors de l'examen de la loi qui va vous être incessamment présentée.

Les monts-de-piété ne sont pas seulement des institutions où un malheureux peut aller déposer quelques vêtements pour obtenir une somme nécessaire pour pourvoir momentanément à son existence. Ce sont aussi des institutions de crédit pour le petit commerce. Ces institutions sont indispensables. Il ne suffit pas qu'un marchand puisse y aller déposer quelques meubles, il faut encore que ce commerçant, dans un moment de gêne, puisse déposer des marchandises et obtenir quelques fonds à l'aide desquels il puisse maintenir son crédit.

On semble toujours préoccupé de la crainte que l'on dépose des objets par spéculation, car il me paraît que c’est le principal argument qu’on a fait valoir pour défendre le dépôt de marchandises neuves dans les monts-de-piété. Maintenant, dit-on, on spécule en faisant vendre à l'encan les marchandises neuves. Si l'on supprime ces ventes, on déposera les marchandises au mont-de-piété. Mais, messieurs, et l'honorable M. Dedecker vous a dit avec raison, on ne spécule pas pour obtenir sur une marchandise la moitié de sa valeur. On conçoit, en effet, que dans les ventes à l'encan où l'on espère vendre les marchandises à un prix peut-être supérieur à leur valeur, on spécule ; mais on ne conçoit pas une spéculation résultant d'un dépôt au mont-de-piété.

La crainte des spéculations ne doit donc pas vous préoccuper. Dans l'intérêt des petits commerçants il faut maintenir la possibilité de déposer des marchandises neuves au mont-de piété.

J'insiste encore sur une considération à laquelle me fait penser le discours de l'honorable M. Desmet. La loi ne veut pas interdire le dépôt des marchandises dépassant la valeur de 100 fr. ; ainsi, si un négociant en gros se trouve gêné, il pourrait déposer des marchandises en quantité considérables et elles seront vendues.

On laisse donc au gros commerce une ressource qu'on enlèverait au petit détaillant, et pourtant le grand commerçant a beaucoup de moyens de soutenir son crédit, tandis que le petit commerçant n'a que le mont-de-piété, et l'on voudrait encore lui fermer cette voie !

Il est impossible, j'insiste de nouveau sur ce point, de traiter incidemment cette question, alors que le gouvernement vous annonce qu'un projet de loi complet vous sera incessamment présenté. Je concevrais, messieurs, que s'il s'agissait d’établir une exception qui n'existe pas, on s'y opposât, et l'on dît que rien n'en justifie l'introduction. Mais je puis dire à mon tour que rien ne justifie le retrait de cette exception qui existe.

N'adoptons pas l’amendement qui est proposé dit l'honorable M. Delehaye, et si des inconvénients surgissent, nous serons les premiers à les faire cesser. Mais je me demande : Pourquoi changer l'état actuel des choses qui ne donne lieu à aucune plainte, et empruntant la parole de l'honorable membre, je lui dirai : Si, par suite de la loi, on voit des marchandises neuves affluer en quantités trop considérables dans les monts-de-piété, nous aviserons.

Qu'il me soit permis, messieurs, en terminant cette réponse, de lire les paroles d'un honorable membre dont la voix fait toujours autorité dans cette chambre. L'honorable M. de Theux s'exprimait ainsi lors de la discussion de la loi de 1838 :

« En fait de législation, l'expérience est le guide le plus sûr. Or, pour répondre aux observations de l'honorable préopinant, je dirai que, sous l'empire des anciens règlements, dont il s'agit de faire revivre d'une manière générale les dispositions, toujours les ventes effectuées par le mont-de-piété ont été exceptées, sans qu'aucun des inconvénients signalés se soit révélé. Il serait d'abord extrêmement difficile de se défaire, par l’entremise des monts-de-piété, de quantités considérables de marchandises, tandis que rien n'est plus facile par les ventes à l'encan : les monts-de-piété reçoivent en général des objets de peu de valeur ; en outre, la vente n'a lieu qu'assez longtemps après le dépôt. On prête peu sur les gages ; on attend un certain délai pour vendre, et on vend généralement mal. On vend sans consulter l'opportunité des saisons ; ce sont là des motifs qui ne font pas craindre sérieusement les inconvénients que semble redouter l'honorable préopinant..

« Si donc, pendant 15 à 20 ans, il n'y pas eu d'inconvénients à laisser libres les ventes des monts-de-piété, nous devons supposer qu'il en sera de même à l'avenir. Au surplus, il ne faut pas oublier que ces établissements sont sous le contrôle de l'administration supérieure ; et, si contre toute attente, des abus résultaient de l'exception posée dans la loi, rien ne serait plus facile que de faire modifier le règlement des monts-de-piété à l'égard des ventes comme à l'égard des réceptions de marchandises neuves. »

Il me semble messieurs, que cette citation vient confirmer pleinement les observations que j'ai l'honneur de faire à la chambre, et celles si lumineuses que vous a présentées l'honorable M. Dedecker.

M. Donny. - Je me renfermerai dans la discussion de l'amendement de M. le ministre, sans m'occuper de la question le savoir s'il faut conserver ou supprimer les monts-de-piété, question qui me paraît étrangère à la loi que nous discutons.

Si. comme je le pense, il n'entre dans l'intention de personne de modifier ici, d'une manière incidente, les règlements des monts-de-piété, l'amendement de M. le ministre est nécessaire et même indispensable. Je vais le prouver.

Les monts-de-piété sont régis par des règlements qui leur imposent la double obligation, d'un côté de recevoir les marchandises neuves, et d'un autre côté de vendre à l'encan les gages qui ne sont pas retirés. Si vous rejetez l'amendement du ministre, voici ce qui arrivera : l'on présentera au mont-de-piété un gage d'une valeur vénale inférieure à cent fr. ; le mont-de-piété sera forcé de l'accepter ; quand le moment de la vente sera venu, le gage ne pourra être vendu à l'encan, parce que la loi nouvelle s'y opposera, et il ne pourra être vendu d'une autre manière parce que les règlements le défendent. Il en résultera que le mont-de-piété devra conserver indéfiniment des gages qu'il ne peut se dispenser de recevoir : système complétement inadmissible.

M. de Saegher. - Messieurs, l'article 3 en discussion laisse à l'appréciation des tribunaux de commerce, les cas de nécessité dans lesquels pourront être autorisées les ventes de marchandises neuves ; mais il ne dit pas dans quelle forme la demande devra être faite. Je pense que ce sera par une requête présentée au tribunal de commerce.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Certainement.

M. de Saegher. - Messieurs les cas de nécessité qui peuvent se présenter sont assez nombreux. Un négociant peut demander l'autorisation de vendre ses marchandises, parce que sa maison, par exemple, a été expropriée pour cause d'utilité publique. Il peut être obligé de la demander pour fin de bail et parce qu'il ne peut trouver un local convenable où il puisse continuer pour le moment son commerce.

Il peut arriver, ainsi que l'a dit hier l'honorable ministre des affaires étrangères, qu'il demande l'autorisation de vendre pour cause de déménagement. Il peut même exister des cas où un négociant sera obligé de s'adresser au tribunal de commerce, pour obtenir l'autorisation, afin de vendre une partie de ses marchandises seulement, soit qu'il cesse une partie de son commerce, soit pour faire des fonds, parce qu'il se trouve momentanément gêné.

Voilà, messieurs, tous cas qui peuvent se présenter, et, si je ne me trompe, dans lesquels le tribunal de commerce peut autoriser la vente.

Pour obtenir cette autorisation, messieurs, d'après ce que vient de confirmer M. le ministre, on devra s'adresser au tribunal de commerce par requête. Le tribunal de commerce statuera sans doute, comme dans la forme ordinaire, par jugement motivé. Il devra constater les faits, donner les motifs pour lesquels il accorde ou refuse son consentement. Des cas très graves peuvent se présenter. Il peut arriver tel cas même où l'avenir du commerçant dépendra de la réponse affirmative ou négative du tribunal de commerce.

Maintenant je demande, messieurs, si ces décisions du tribunal de commerce seront sujettes à appel. D'abord, je n'en doutais nullement. Car nous sommes dans les principes généraux. La décision du tribunal est un jugement ; il s'agit d'un jugement, rendu, comme on dit en termes de procédure, sur requête non communiquée ; c'est un jugement qui, d'après les règles générales de procédure, est sujet aux deux degrés de juridiction ; et cela est nécessaire, cela est indispensable, vu l'importance de la décision qui peut intervenir et qui, je le répète, peut influer considérablement sur la fortune du commerçant.

Cependant, messieurs, l'honorable ministre de la justice nous a dit hier qu'il croyait que l'appel n'était pas nécessaire, parce qu'il admet difficilement que les cas dont il s'agit présentent des difficultés assez graves pour donner ouverture à appel.

Mais, messieurs, il ne s'agit pas seulement de difficultés, il s'agit d'intérêts graves. Or, il serait vraiment déplorable qu'un tribunal de commerce pût, en dernier ressort, décider irrévocablement sur une partie de la fortune d'un commerçant, puisqu'enfin le tribunal de commerce peut se tromper, d'autant plus qu'il ne décide que sur simple requête.

(page 977) M. le ministre de la justice a encore ajouté que la compétence des tribunaux de commerce est assez étendue pour qu'il n'y ait pas d'inconvénient à permettre qu'ils décident en dernier ressort.

Messieurs, le tribunal de commerce décide en dernier ressort jusqu'à concurrence d'une valeur de 2,000 fr. Mais je le répète, l'intérêt du commerçant, dans le cas dont nous occupons, peut aller bien au-delà de cette somme. Il s'agit ici d'une valeur indéterminée.

Il y a plus, messieurs, pour régler cet intérêt il n'y a pas même de débat contradictoire.

Le commerçant expose ses motifs ; le tribunal de commerce peut ne pas indaguer suffisamment ; il peut avoir des renseignements qui ne sont pas exacts ; ces renseignements n'ont pas été contredits et le négociant serait forclos du droit de vendre ses marchandises neuves, même dans les cas d'absolue nécessité, lorsqu'il s'agit peut-être pour lui d'un intérêt de 10 à 15,000 francs ? Ainsi, je suppose un déménagement nécessaire pour cause d'utilité publique. Nous en avons des exemples dans ce moment à Bruxelles. Eh bien, le négociant devra conserver sa marchandise, parce qu'il ne trouve pas de local convenable pour s'y établir, et parce que le tribunal de commerce lui refuse l'autorisation de la vendre à l'encan, et il n'aura aucun moyen pour faire réformer cette décision qui peut reposer sur une erreur.

Vous sentez, messieurs, que ces motifs sont suffisants pour qu'il y ait lieu à appel. Mais il y a un autre motif, c'est qu'il y aurait une anomalie choquante entre ce cas de nécessité et le cas de cessation de commerce.

Vous remarquerez que dans le cas de cessation de commerce, le négociant doit s'adresser, non pas au tribunal de commerce, mais au bourgmestre, et cependant les deux faits sont d'une même nature. Je présenterai tout à l’heure un amendement quant à ce point, qui me paraît très défectueux. Mais en supposant qu'il soit admis, il y aurait pour ce cas appel de la décision du bourgmestre ; tandis que, dans un cas identique, il ne pourrait y avoir appel de la décision du tribunal de commerce.

Messieurs, je ne propose pas d'amendement. Je crois que l'article, tel qu'il est rédigé, doit être interprété dans ce sens, qu'il pourra y avoir appel. Car, je le répète, il s'agit de principes généraux qui ne sont pas contestés. Mais je craignais que la déclaration de M. le ministre de la justice ne pût influer sur les décisions des tribunaux et ne donnât lieu à des contestations sérieuses. Je pense donc que M. le ministre de la justice admettra, avec moi, que dans le cas de l'article 3, l'appel sera recevable comme en matière ordinaire.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je persiste à penser qu'il est inutile de permettre l'appel pour les cas auxquels se rapporte l'article 3.

L'honorable M. de Saegher nous dit qu'en présence des principes généraux l'appel serait admissible lorsqu'il s'agirait d'une somme dépassant 2,000 francs, attendu que le tribunal de commerce rendra, sur la requête qui lui sera adressée, un véritable jugement.

Messieurs, je ne pense pas que, d'après les principes généraux, on puisse qualifier de jugement la décision qui sera rendue par le tribunal ae commerce. Il ne s'agit pas, pour le tribunal de commerce, de décider sur un procès pendant entre deux individus, mais bien de remplir une mission nouvelle qui lui est donnée d'une manière spéciale, dans la loi que nous discutons.

Je crois que, d'après les principes généraux, l'appel n'existerait pas de droit, si cet appel n'était pas écrit d'une manière formelle dans l'article 3, parce que, je le répète, il ne s'agit pas ici d'un véritable jugement, mais d'une décision rendue en matière non contentieuse.

Maintenant, messieurs, est-il nécessaire d'autoriser l'appel en pareille circonstance ? Je pense, messieurs, que cela est inutile, et je persiste dans les motifs qui ont fait adopter hier cette opinion.

De quoi s'agit-il, en effet ? Il ne s'agit pas de discuter des questions controversées, d'appliquer des principes de droit, d'examiner les détails souvent très compliqués d'une affaire. Il s'agit uniquement d'apprécier s'il y a pour le négociant nécessité, oui ou non, de vendre. Or, rien n'est plus simple qu'une semblable appréciation.

Je dirai plus, je concevrais difficilement comment, sans enquête, sans un examen des faits, sans un interrogatoire sur faits et articles, la cour d'appel pourrait avoir des éléments suffisants pour réformer une semblable décision.

Je pense, messieurs, que cette appréciation peul être réservée exclusivement aux tribunaux de commerce, et je pense qu'elle peut leur être réservée avec une entière confiance. Les tribunaux de commerce, d'après leur constitution, donnent, me paraît-il, pleine garantie pour la manière dont ils rempliront cette mission en appréciant les intérêts du commerce. Messieurs, on propose dans la loi d'accorder au tribunal de commerce le droit de donner l'autorisation, mais cette décision est tellement peu judiciaire que j'aurais admis également que la chambre de commerce fût chargée de cette délégation.

Cette appréciation des cas de nécessité, on peut la laisser, je le répète, avec une pleine et entière confiance aux juges consulaires qui, par leurs relations de tous les jours, sont plus à même que les cours d'appel, d'apprécier les nécessités et les besoins du commerce.

Je conçois qu'on en appelle des décisions des tribunaux de commerce lorsqu’il s'agit d'un procès, parce qu'alors ils apprécient des questions difficiles et des questions de droit sur lesquelles les cours d'appel doivent être appelées à décider. Mais il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'apprécier s'il y a nécessité pour un commerçant de vendre ses marchandises.

L'honorable préopinant, messieurs, s'effraye de ce droit laissé aux tribunaux de commerce. Il y trouve le danger pour un négociant de voir consommer sa ruine. Comment, vous dit-il, un négociant aura pour 12 ou 15,000 francs de marchandises, il devra déménager et on pourra l'empêcher de vendre ; bien qu'il n'ait pas de local convenable, il devra emporter avec luis son magasin. Messieurs, je réponds par la loi elle-même. Qu'est-ce que la loi empêche ? Elle empêche de vendre en certaines quantités. Mais elle n'empêchera pas le négociant de vendre en quantités immédiatement supérieures.

Ainsi les craintes de l'honorable M. de Saegher ne me paraissent pas fondées, d'abord parce que j'ai pleine confiance dans les tribunaux de commerce, qui seuls sont à même de bien apprécier ces questions, et en second lieu, parce que le refus d'accorder l'autorisation de vendre, qui serait fait par le tribunal de commerce, ne porte pas l'interdiction absolue pour le négociant de vendre, et même de vendre en vente publique.

Voilà, messieurs, les motifs qui me font croire qu'il est peu utile et même peu convenable de permettre l'appel en semblable matière.

M. de Haerne. - Messieurs, je ne tiens pas à prolonger ce débat. Cependant, je désire faire une observation fort courte.

Il me semble que les motifs que l'on a allégués en faveur de l'amendement, motifs que l'on peut faire valoir en faveur des monts-de-piété, vous, ont été tellement bien développés, qu'il est inutile de revenir sur ce point.

D'un autre côté, on vous a cité des autorités, et ces autorités sont très puissantes à mes yeux. On vous a parlé des chambres de commerce, des députations permanentes et d'autres encore qui se sont prononcés en grande majorité en faveur de l'amendement. Mais, messieurs, quelques honorables préopinants ont voulu affaiblir ces autorités.

Ainsi, on vous a dit que la députation permanente était composée de propriétaires. Il ne m'appartient pas, messieurs, de décider jusqu'à quel point ces propriétaires sont incompétents pour juger la question.

On a dit aussi que les membres de la chambre de commerce de Bruxelles sont des négociants retirés. Mais je ne crois pas que cela empêche leur compétence.

Mais on a allégué une autre raison contre l'avis des chambres de commerce de certaines villes frontières et notamment des chambres de commerce d'Ypres et de Courtray. On a dit que si leur avis était en opposition avec celui d'une autre chambre de commerce, de celle de Bruges, le fait s'expliquait facilement, que les villes frontières se prononçaient en faveur des ventes de marchandises neuves par les monts-de-piété, parce que par ces ventes on attirait les marchandises étrangères et on en facilitait le débouché dans le pays.

Messieurs, c'est là supposer une singulière intention aux membres de ces chambres de commerce. Si ces corps étaient composés de personnes qui n’ont aucun intérêt à voir prospérer l’industrie national, je concevrais l'objection. Mais les chambres de commerce de Courtray et d'Ypres ne sont pas composées de personnes étrangères aux intérêts du pays. Je crois que leur autorité peut très bien être invoquée dans cette circonstance et suffit pour justifier la proposition de M. le ministre.

- La discussion est close.

L'amendement de M. le ministre de la justice, tendant à ajouter après les mots « par autorité de justice », ceux-ci : « ou par les monts-de-piété », est mis aux voix et adopté.

La suppression du mot « comestibles » dans le second paragraphe est aussi adoptée.

L'article 3 ainsi modifié est adopté.

Articles 4 et 5

M. le président. - Les articles 4 et 5 sont ainsi conçus :

« Art. 4. Les ventes publiques et en détail de marchandises neuves, qui auront lieu après décès ou par autorité de justice, seront faites selon les formes prescrites, et par les officiers ministériels préposés pour la vente forcée du mobilier, conformément aux articles 625 et 945 du Code de procédure civile. »

« Art.5. Les ventes de marchandises après faillites seront faites conformément à l'article 486 du Code de commerce, par un officier public de la classe que le juge-commissaire aura déterminée. »

« Quant au mobilier du failli, il ne pourra être vendu aux enchères que par le ministère d'officiers publics ayant à ce qualité légale.»

Le gouvernement propose de remplacer ces deux articles par la disposition suivante :

« Dans les cas mentionnés à l'article 3, les ventes publiques et en détail ne pourront être faites que dans les formes prescrites, et par les officiers ministériels ayant à ce qualité légale, et de plus, en ce qui concerne les ventes après cessation de commerce et dans les autres cas de nécessité, avec observation des formalités prescrites par l'article suivant. »

M. Savart-Martel. - Je crois, messieurs, qu'il faut supprimer cet article, ainsi que toutes les dispositions de ce projet qui concernent les officiers ayant qualité pour les ventes publiques mobilières.

Toutes ces dispositions doivent être laissées au droit commun. Il ne faut pas nous créer des embarras inutiles. Nous faisons une loi de protection en faveur du commerce à domicile, et rien de plus. Les notaires, les greffiers, les courtiers, les huissiers, ont leurs attributions fixées dans des règlements dont nous n'avons point à nous occuper ici.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il faut que l'honorable membre n'ait pas fait attention à la lecture de l'amendement que j'ai proposé, car cet amendement remplit précisément le but que l'honorable membre a en vue. Voici en effet ce qu'il porte :

« Dans les cas mentionnés à l'article 3, les ventes publiques et en détail ne pourront être faites que dans les formes prescrites, et par les officiers ministériels ayant à cette qualité légale, et de plus, en ce qui concerne les ventes (page 978) après cessation de commerce et dans les autres cas de nécessité, avec observation des formalités prescrites par l'article suivant. »

Il me semble, je le répète, que cette disposition fait complétement droit aux observations de l'honorable membre.

- La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoptée.

Article 6

« Art. 6 (qui devient l’art. 5). Les ventes publiques et par enchères après cessation de commerce, ou dans les autres cas de nécessité prévus par l'article 3 de la présente loi, ne pourront avoir lieu qu'autant qu'elles auront été préalablement autorisées par le bourgmestre, sur la requête du commerçant propriétaire, à laquelle sera joint un état détaillé et en double des marchandises.

« L'autorisation ne sera délivrée qu'après que le bourgmestre aura reconnu que le fait qui donne lieu à la vente est réel et que le commerçant, directement ou indirectement, personnellement ou sous un nom interposé, n'a pas joui de la même faveur depuis cinq ans au moins.

« Le bourgmestre constatera, par l'acte d'autorisation, le fait qui donne lieu à la vente ; il indiquera le jour et le lieu de la commune où se fera la vente, ainsi que le temps dans lequel elle devra être terminée ; il pourra même ordonner que les adjudications n'auront lieu que par lots, dont il fixera l'importance, laquelle néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2.

« Il décidera, d'après les lois et règlements d'attributions, qui, des courtiers et autres officiers publics, sera chargé de la réception des enchères.

« L'autorisation ne pourra être accordée, pour cause de nécessité, qu'au marchand sédentaire, patenté et ayant son domicile réel, depuis un an au moins, dans la commune où la vente doit être opérée.

« L'autorisation et l'état détaillé des marchandises seront transcrits dans les affiches apposées à la porte du lieu où se fera la vente ; ces affiches seront rendues publiques huit jours au moins avant la vente, et ne pourront être retirées que lorsque la vente sera entièrement terminée. »

M. le président. - M. le ministre de la justice a proposé de remplacer dans le premier paragraphe les mots : « et par enchères », par ceux-ci : « et en détail » ; d'ajouter dans le paragraphe 3 les mots « sans désemparer », après ceux-ci : « devra être terminée », et de supprimer le paragraphe 4.

M. de Saegher a proposé de substituer, dans le premier paragraphe, le tribunal de commerce au bourgmestre et de supprimer à la fin du paragraphe 3, les mots : « laquelle néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2. »

M. de Saegher. - Messieurs, dans l'article en discussion, il s'agit des formalités à remplir en ce qui concerne l'autorisation des ventes à faire après cessation de commerce et dans d'autres cas de nécessité. Or, messieurs, nous pensons que le tribunal de commerce est plus apte qu'un bourgmestre pour apprécier les cas de cessation de commerce. Ces cas sont toujours fondés sur la position dans laquelle se trouve le négociants et sur les faits commerciaux qu'il allègue.

En effet, messieurs, il s'agira d'apprécier, d'après l'article 6, la requête du négociant et l'état détaillé des marchandises, qu'il joindra à cette requête ; il s'agira d'apprécier les faits qu'il alléguera pour prouver la cessation réelle de son commerce. Il sera, d'un autre côté, nécessaire d'indiquer le lieu et les jours de la vente, ainsi que l'importance des lots. N'est-il pas évident que le tribunal de commerce est plus à même qu'un bourgmestre, de statuer sur ces différents points, auxquels le bourgmestre est, le plus souvent, étranger ?

Vous remarquerez, messieurs, qu'il s'agit de faits essentiellement commerciaux, de faits concernant le commerce de l'individu qui se présente pour obtenir l'autorisation de vendre. Et l'on veut soumettre cette appréciation au bourgmestre, qui sera souvent entièrement étranger au commerce !

Vous savez, en effet, messieurs, que ce ne sont pas ordinairement des négociants qui remplissent les fonctions de bourgmestre dans les villes, et c'est cependant dans les villes que cette autorisation sera le plus souvent demandée.

L'honorable ministre de la justice nous a dit tantôt qu'il avait pleine confiance dans les tribunaux de commerce ; il a ajouté qu'en ces matières il avait plus de confiance dans les tribunaux de commerce que dans les cours d'appel. Eh bien, je demande s'il ne faudrait pas aussi, dans le cas dont il s'agit maintenant, avoir plus de confiance dans les tribunaux de commerce que dans les bourgmestres, puisque, je le répète, il s'agit de faits purement commerciaux.

Vous remarquerez, messieurs, que, d'après un amendement de l'honorable ministre de la justice, les cas de nécessité de vendre sont déjà soumis à l'appréciation du tribunal de commerce ; il ne reste plus que le seul fait de cessation de commerce que l'on veut soumettre à l'appréciation du bourgmestre ; pourquoi diviser ainsi deux attributions qui sont tout à fait de la même nature ?

Pourquoi soumettre au bourgmestre un cas exceptionnel lorsque les cas les plus fréquents sont soumis au tribunal de commerce ? M. le ministre de la justice, par l'amendement qu'il a présenté dans la séance d'hier, a déjà dévolu au tribunal de commerce l'appréciation des principaux faits ? Pourquoi donc ne pas faire un pas de plus en adoptant un amendement comme celui que j'ai présenté et par lequel on éviterait de nombreuses difficultés ? C'est ainsi que l'on pourrait supprimer l'amendement de M. le ministre au paragraphe 2 ; car si mon amendement était adopté, la distinction établie par cette proposition de M. le ministre ne serait plus nécessaire.

Si on maintenait le paragraphe premier de l'amendement de M. le ministre de la justice, quelle en serait la conséquence ? Le tribunal de commerce apprécierait les faits, et cependant l'on devrait encore s'adresser au bourgmestre, qui, toutefois, n'aurait pas le droit de refuser son autorisation. Alors que le tribunal de commerce aurait apprécié les faits, ce serait le bourgmestre qui devrait fixer l'importance des lots. Or, la fixation de l'importance des lois ne peut jamais être qu'une conséquence des faits qui ont été apprécies par le tribunal de commerce.

Le deuxième amendement présenté par M. le ministre de la justice devient inutile parce qu'on maintiendrait le principe du droit commun d'après lequel les cours d'appel peuvent réformer les décisions des tribunaux de commerce. Je pense que cela est préférable à l'amendement de M. le ministre de la justice, car il est évident que la députation du conseil provincial est moins apte encore que les cours d'appel à décider les points dont il s'agit.

En effet, messieurs, comment voulez-vous que la députation permanente apprécie les faits et reconnaisse si le bourgmestre les a bien ou mal appréciés ? Mais ordinairement la majorité des membres de la députation permanente seront étrangers à la ville où le cas se présentera, et elle n'a aucun moyen d'investigation, aucun mode de procédure pour découvrir si la décision du bourgmestre est, oui ou non, fondée. Il y a quelques instants, l'honorable M. Cans a fait sur l'incompétence de la députation des observations qui à tous égards peuvent s'appliquer ici.

Messieurs, j'en viens à l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer au paragraphe 3...

Des membres. - Discutons les paragraphes séparément.

M. de Saegher. - Si l'on veut discuter paragraphe par paragraphe, je renoncerai maintenant à la parole.

- La chambre décide qu'elle examinera l'article paragraphe par paragraphe.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Voici, messieurs, pourquoi je propose de remplacer les mots « ventes publiques et par enchères » par ceux de « ventes publiques et en détail ». L'article 6 doit nécessairement se référer à l'article premier. Or, l'article premier interdit les ventes en détail. Il m'a semblé qu'il fallait rédiger l'article 6 de manière qu'il fût en harmonie avec l'article premier.

L'honorable M. de Saegher propose de remplacer le bourgmestre par le tribunal de commerce. Il m'est impossible de me rallier à cet amendement. L'honorable membre me semble avoir fait confusion : il paraît croire que le bourgmestre pourra, dans certains cas, apprécier les faits qui, dans le cas de l'article 3, auraient déjà été appréciés par le tribunal de commerce.

C'est là une erreur : le cas de nécessité sera apprécié d'une manière définitive, et d'après moi, sans appel, par le tribunal de commerce. Le bourgmestre devra accepter cette nécessité comme prouvée dès qu'elle aura été déclarée par le tribunal de commerce. Le bourgmestre devra se borner à vérifier si toutes les autres conditions exigées par l'article 6 sont remplies par l'individu qui demande l'autorisation. Vous voudrez bien remarquer, messieurs, que les autres conditions exigées par l’article 6 rentrent spécialement dans la compétence du bourgmestre ; c'est l'indication du jour et du lieu où devra se faire la vente, etc., des choses qui ne peuvent évidemment pas rentrer dans la compétence du tribunal de commerce qui est souvent éloigné de la localité où se fait la vente.

Je pense donc, messieurs, qu'il ne faut pas substituer le tribunal de commerce au bourgmestre ; le tribunal de commerce apprécie des faits d'un autre ordre que ceux que le bourgmestre est chargé d'apprécier. Si le tribunal de commerce devait se prononcer sur les faits que nous abandonnons à l'appréciation du bourgmestre, il devrait faire une enquête et se rapporter en définitive aux renseignements fournis par le bourgmestre lui-même. Ce serait là faire un circuit tout à fait inutile.

Le tribunal de commerce apprécie un fait commercial, il constate la nécessite de la vente ; le bourgmestre détermine la manière dont la vente reconnue nécessaire par le tribunal de commerce, doit avoir lieu, i

Je pense que de cette manière chaque autorité reste dans le cercle de ses attributions ; et que dès lors l'amendement proposé par l'honorable M. de Saegher ne doit pas être adopté.

M. Cans. - Je demande que l'on substitue, dans le paragraphe 4, l'autorité du collège échevinal à celle du bourgmestre. Il peut arriver que dans quelques localités une demande de vente publique soit adressée au bourgmestre, négociant lui-même, ou dont un des parents est négociant : le bourgmestre pourrait refuser la vente, uniquement pour des motifs d'intérêt privé ; tandis que ces motifs n'auront point d'influence, quand le bourgmestre aura à côté de lui des collègues qui pourraient l'empêcher de prendre une décision basée sur de semblables motifs.

- L'amendement de M. Cans est appuyé.

M. Savart-Martel. - Messieurs, les amendements proposés à l'article 6 par M. le ministre de la justice, améliorent sans doute la disposition, mais ils n'améliorent guère l'ensemble de la loi. Peut-être eût-on mieux fait de supprimer la vente en détail de toutes marchandises neuves, car, comme le disait hier un honorable collègue, l'on aurait au moins le mérite de la franchise.

Voyons, en effet, quelle sera la position de celui qui voudra vendre sur enchères pour quelques centaines de francs de marchandises neuves pour un cas de nécessité qu'on trouvera toujours assez facilement, je crois.

A. Il devra d'abord s'adresser au tribunal de commerce, probablement du lieu où doit se faire la vente, quoique la loi ne s'en explique pas.

L'ordonnance fera sans doute susceptible d'appel aux termes du droit commun, puisque la loi ne l'empêche point, et que de plein droit toute décision judiciaire excédant 2,000 fr. est susceptible d'appel. Et l'on sait les conséquences d'un appel, quant aux frais et délais. On aurait évité ces inconvénients si l'on s'était contenté de l'autorisation de la chambre de commerce. Il n'y aurait eu alors qu'une décision administrative, une espèce de de décision en police commerciale.

(page 979) B. Après avoir levé l'expédition de l'ordonnance dûment grossoyée, signée et enregistrée ; après avoir éventuellement obtenu deux experts à nommer par le collège échevinal, probablement du lieu où doit se faire la vente, lesquels éventuellement, j'en conviens, estimeront les lots à ses frais, force lui sera-t-il de recourir au bourgmestre qui fera toutes les justifications que lui impose la loi.

Ces justifications opérées, et dans le cas où il n'y ait pas nécessité de se pourvoir devant la dépulation provinciale, il devra obtenir du bourgmestre le jour et le lieu de la vente ; et qui plus est, le temps dans lequel la vente devra être terminée, sans désemparer même.

Enfin, il devra être dressé des affiches contenant l’état détaillé des marchandises.

Et pour consoler le propriétaire de ses embarras, de ses démarches et de ses frais, il payera au fisc 5 p. c. du prix de vente, outre les accessoires.

Est-ce là ce que veut la chambre ? Quant à moi, j'aimerais mieux la prohibition absolue de vendre à cri public toutes marchandises neuves manufacturées.

Sans doute, il faut que l'administration soit prévenue du jour de la vente, mais il suffirait d'un mot à ajouter à l'article 7. En supprimant le premier paragraphe, il se bornerait à dire :« Tout officier public chargé d'une vente aux enchères de marchandises en gros ou en détail est tenu de faire au bourgmestre du lieu de la vente, trois jours au moins avant celui de la vente, une déclaration en double et détaillée des objets exposés en vente. Un double visé par le bourgmestre sera remis au déclarant. »

M. Desmet. - Si M. le ministre pense que, pour autoriser la vente de marchandises neuves dans le cas d'une cessation de commerce, il faut une double autorisation, celle du tribunal de commerce et en sus l'intervention du bourgmestre de la commune, je n'ai rien à dire et je m'opposerai comme lui à l'amendement de M. de Saegher ; mais si cette double autorisation n'est pas exigée, et que ce soit le bourgmestre seul qui accorde l'autorisation, alors certainement je devrai appuyer l'amendement présenté par M. de Saegher, et vraiment il serait extraordinaire que, pour décider dans des cas si importants où de grands intérêts peuvent être compris, on n'aurait pour juge qu'un bourgmestre.

Mais j'avais surtout demande la parole pour faire la même proposition que celle que vient de faire l'honorable M. Cans, qui consiste à substituer au bourgmestre le collège des bourgmestre et échevins, et que, dans tous les cas prévus dans l'article 6, ce soit le collège qui décide et donne l'autorisation et non le bourgmestre seul.

Messieurs, quand on examine, dans la loi communale, les attributions qui compétent au bourgmestre et celles qu'a le collège, partout on voit que les décisions, les résolutions, et tout ce qui est de quelque importance, c'est le collège en corps qui en est chargé, et que le bourgmestre n'agit seul que dans un cas ou deux, quand il s'agit des actes de l'état-civil et de l'exécution des règlements de police. Je ne pourrais donc concevoir que, pour des objets qui peuvent être de très grande importance, on abandonne le tout à la décision unique du bourgmestre. Cela ne se peut pas et je ne doute pas que la chambre n’hésitera pas à donner un vote approbatif à l'amendement présenté par M. Cans.

M. Delehaye, rapporteur. - M. le ministre de la justice a répondu à l'honorable M. de Saegher, relativement à la proposition tendant à substituer le tribunal de commerce au bourgmestre. Cette proposition avait déjà été faite dans le sein de la section centrale ; j'en avais été moi-même l'auteur, mais elle a trouvé dans la section centrale un accueil trop tiède, pour que je croie pouvoir la reproduire ici avec chance de succès.

Quant à la proposition de l'honorable M. Cans, elle donnerait une forte garantie. Toutefois, j'ai un doute. Toutes les mesures dont il s'agit sont des mesures de police. Or, la loi communale défère au bourgmestre toutes les mesures de police. Il faut donc examiner si la mesure qu'on propose en ce moment peut se concilier avec les dispositions de la loi communale.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je pense aussi qu'il convient d'adopter la proposition de l’honorable M. Cans : ce qui mettra l'article 6 en harmonie avec l'article 2. En vertu de l'article 2, le collège échevinal intervient déjà pour la nomination des experts ; il me semble dès lors qu'il est également convenable de le faire intervenir pour une opération plus importante que celle de la nomination des experts.

Lorsque l’honorable M. Cans a proposé son amendement, j'ai fait également la réflexion que vient de présenter l'honorable M. Delehaye. Je me suis demandé s'il ne s'agissait pas ici de l'exécution d'une mesure de police et s'il ne faudrait pas laisser cette exécution au bourgmestre. Mais en l'examinant de plus près, on voit qu'il ne s'agit pas seulement d'une mesure de police, mais qu'il s'agit encore d'une autorisation à accorder et de prescriptions à ordonner : ce qui doit rentrer dans la compétence du collège des bourgmestre et échevins.

Je crois donc qu'il y a lieu d'adopter l'amendement de l'honorable M. Cans.

L'honorable M. Desmet a demandé si la cessation de commerce devrait être reconnue par le tribunal de commerce. Je ne le pense pas : le tribunal de commerce n'est appelé, d'après l'article 3, qu'à apprécier les cas de nécessité autres que ceux qui sont expressément énoncés dans l'article.

Ainsi, le tribunal de commerce ne sera pas appelé à apprécier s'il y a cessation de commerce ; c'est un fait que la notoriété publique fait connaître. Comment veut-on que le tribunal de commerce de Bruxelles, par exemple, puisse savoir s'il y a cessation du commerce d'un individu qui habite Vilvorde ? Evidemment, il faudrait instituer une enquête ; et une enquête administrative faite par le collège échevinal me paraît suffire.

M. de Saegher. - Messieurs, M. le ministre de la justice croit que je fais confusion. Je sais que le bourgmestre ne sera appelé qu'à apprécier les faits de cessation de commerce, mais voilà en quoi nous différons d'opinion. M. le ministre de la justice a soutenu tout à l'heure que les détails dans lesquels le bourgmestre doit entrer ne sont que réglementaires. Or, je prétends le contraire ; je soutiens, et l'honorable ministre de la justice vient de le dire lui-même : je soutiens que le bourgmestre devra apprécier s'il y a cessation de commerce oui ou non, et cessation de commerce telle qu'elle puisse constituer un fait donnant lieu à la vente.

Je dis que ce sont là des faits qui peuvent être mieux appréciés par les tribunaux de commerce que par les bourgmestres.

Voilà pourquoi j'ai proposé mon amendement qui tend à abandonner aux tribunaux de commerce l'appréciation de ces faits.

Comment ! Il faudra voir s'il y a en réalité cessation de commerce ; il faudra diviser les lois, d'après l'importance des besoins du commerce en détail, d'un côté, et des intérêts du négociant de l'autre, et ce sera le bourgmestre qui devra faire tout cela ! Mais ce fonctionnaire, dans la plupart des cas, n'aura pas les connaissances nécessaires pour faire une semblable opération.

Le gouvernement reconnaît lui-même qu'il pourra y avoir erreur dans la décision du bourgmestre, car, dans un amendement, il a proposé de conserver le droit d'appel à la députation permanente.

Mais, messieurs, ce moyen de redresser une première erreur sera souvent illusoire ; car les députations permanentes ne sont pas sur les lieux, plus que les tribunaux de commerce, et en outre, elles ont moins de connaissances spéciales ; il y a plus de tribunaux de commerce que de députations permanentes ; et cependant, la députation permanente devra également apprécier si, oui ou non, le bourgmestre d'un lieu souvent éloigné a bien décidé la question de savoir s'il y avait cessation de commerce.

Evidemment, si la disposition qui abandonne au bourgmestre la décision de cette question, doit être maintenue, on peut retirer l'amendement d'après lequel la députation permanente pourra décider en appel, d'autant plus qu'il y a ici une anomalie complète. Lorsqu'il s'agit de cas de nécessité, on en défère l'appréciation aux tribunaux de commerce, et alors, il n'y a pas d'appel ; d'après M. le ministre de la justice, quand il s'agit d'un cas de cessation de commerce, de ce cas unique, toujours défini, on laisse l'appréciation au bourgmestre, il y a appel devant la députation ; c'est la même nature de faits. Vous faites une distinction qui produit une anomalie flagrante dans la loi.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'honorable M. de Saegher trouve qu'il y a anomalie à soumettre les cas de nécessité au tribunal de commerce et à faire constater la cessation de commerce par le collège des bourgmestre et échevins. Je ferai observer que l'appréciation des cas de nécessité peut exiger des connaissances relativement aux intérêts du commerce, connaissances que n'exige pas l'appréciation d'un fait unique, celui de la cessation de commerce. Pour apprécier un cas de nécessité, il faut entrer dans l'examen des intérêts des commerçants, tandis que quand il s'agit de cessation de commerce, il n'y a qu'un fait à constater : L'individu a-t-il oui non cesse le commerce ?

Il y a donc une différence énorme entre l'appréciation des cas de nécessité et le simple examen d'un fait matériel tel que celui-ci : tel individu a-t-il ou non cessé son commerce ? Le collège pourrait dire : Il est de notoriété qu'il a cessé son commerce, qu'il ne pourrait pas dire : Il y a nécessité de vendre de telle ou telle manière.

L'honorable M. de Saegher dit d'un côté : La députation sera appelée à juger en appel, elle sera plus éloignée que les tribunaux de commerce, car il y en a un par arrondissement tandis qu'il n'y a qu'une députation pour toute la province.

Je ferai observer que le tribunal de commerce devrait apprécier en premier ressort, tandis que la députation jugeant en appel aura sous les yeux l'enquête faite par le bourgmestre. La différence est donc notoire, essentielle ; la difficulté signalée par M. de Saegher pourrait se présenter si la députation décidait en premier ressort, mais elle décide en appel, après une enquête faite dans la localité. De plus, le collège fait l'enquête sans formalité et sans frais, tandis que le tribunal de commerce devrait faire une enquête judiciaire avec frais et formalités.

M. Desmet. - Je crois cependant que les observations que vient de faire mon honorable ami, M. de Saegher, doivent être prises en considération, et il me semble que l'honorable ministre de la justice, qui a combattu l'amendement de M. de Saegher, n'a pas suffisamment répondu pour que le rejet de l'amendement soit voté, si toutefois nous sommes en nombre pour procéder au vote.

Quand il s'agit de déclarer l'ouverture d'une faillite, c'est le tribunal de commerce qui prononce cette déclaration, et cependant je ne vois pas qu'il n'y ait autant de difficulté a bien constater l'ouverture d'une faillite qu'il y en a pour établir exactement l'existence d'une cessation de commerce. Il est certainement aussi facile de constater qu'un commerçant cesse ses payements que d'établir qu'il a cessé son commerce. Je dirai même que le dernier cas est plus difficile et qu'il est plus sujet à fraude ; et nous en avons tous les jours des exemples. Combien n'y a-t-il pas de détaillants qui déclarent fermer leur magasin et qui cependant le tiennent ouvert ou l'ouvrent quelques jours après l'annonce. Il me semble que l'on ferait très bien d'adopter l'amendement de M. de Saegher, et de ne pas abandonner à l'autorité municipale de prononcer souverainement sur un objet de si grande importance.

- La clôture de la discussion sur le premier paragraphe est mise aux voix et prononcée.

(page 980) La substitution des mots : « en détail », à ceux-ci : « et par enchères » est mise aux voix et adoptée.

La substitution du tribunal de commerce au bourgmestre est. ensuite mise aux voix. Elle n'est pas adoptée.

La substitution du collège des bourgmestre et échevins, au bourgmestre, est mise aux voix et adoptée.

L'ensemble du paragraphe ainsi amendé est adopte.


« § 2. L'autorisation ne sera délivrée qu'après que le collège des bourgmestre et échevins aura reconnu que le fait qui donne lieu à la vente est réel et que le commerçant, directement ou indirectement, personnellement ou sous un nom interposé, n'a pas joui de la même faveur depuis cinq ans au moins. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose d'ajouter après le mot : « réel », ceux-ci : « ou a été constaté par l'autorité judiciaire ».

- Cet amendement est adopté ainsi que l'ensemble du paragraphe amendé.


«§ 3. Le collège des bourgmestre et échevins constatera, par l'acte d'autorisation, le fait qui donne lieu à la vente ; il indiquera le jour et le lieu de la commune où se fera, la vente, ainsi que le temps dans lequel elle devra être terminée ; il pourra même ordonner que les adjudications n'auront lieu que par lots, dont il fixera l'importance, laquelle néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose d'ajouter après le mot « terminée », ceux-ci : « sans désemparer ».

M. de Saegher. - Je demande la suppression des derniers mots : « Laquelle néanmoins ne sera jamais inférieure à ce que prescrit l'article 2. »

En effet, l'article premier que vous venez de voter interdit la vente en détail de marchandises neuves d'une quantité inférieure à celle indiquée à l'article 2, c’est-à-dire inférieure à 100 fr. Tutes ventes de quantités supérieures à 100 fr. sont permises, sauf les formalités prescrites par l'article 9 qui ne parle que des formalités pour les ventes en gros. Maintenant, par exception, l'article 3 permet la vente en cas de décès, faillite ou cessation de commerce, ou dans les autres cas de nécessité dont l'appréciation sera soumise au tribunal de commerce.

Ainsi, quant aux marchandises provenant de cessation de commerce, ou en cas de nécessité reconnue,, on pourra vendre par quantités d'une valeur inférieure à 100 bancs. Cependant, le paragraphe 3 de l'article 6 vient exiger, quant aux ventes après cessation de commerce ou en cas de nécessité, qu'elles ne soient jamais inférieures à ce que prescrit l'article 2, c'est-à-dire jamais inférieures à 100 fr. C'est là non seulement détruire l'exception de l'article 3, mais aller au-delà de la règle générale posée dans l'article premier, d'après lequel il ne faut pas d'autorisation pour les ventes de quantités d'une valeur supérieure à cent francs ; l'art. 5 permet la vente au-dessous de cent francs de valeur, et ici, revenant sur ces deux articles, on l'interdit. Je propose donc la suppression de ces derniers mots.

M. Cans. - J'avais demandé la parole pour proposer la suppression de l'indication du lieu de la commune où la vente doit s'effectuer. Je crois qu'elle est inutile et dangereuse. Il peut y avoir des inconvénients à ce qu'un endroit soit désigné plutôt qu'un autre. Par exemple, si le bourgmestre fixait un endroit à un quart de lieue du centre de la commune, il ferait tort au marchand. Il faut laisser le marchand choisir le lieu qui lui convient. A Bruxelles, par exemple, où il y a plusieurs salles de vente, le bourgmestre pourrait en désigner une plutôt que l'autre, et favoriser le propriétaire d'une salle plutôt que celui de telle autre.

Je propose de plus la suppression des quatre dernières lignes du paragraphe : « Il pourra même ordonner, etc. » Car, d'après cela, il pourrait prescrire que les lots fussent quadruples du minimum établi par l'article 2. Le bourgmestre ne peut pas faire plus que ce que prescrit la loi.

M. de Corswarem. - J'appuie les amendements proposés par les honorables MM. de Saegher et Cans, ou j’appuie plutôt l'amendement de M. Cans qui propose la suppression de toute la fin du paragraphe, tandis que M. de Saegher ne propose d'en supprimer qu'une partie. Je crois véritablement avec l'honorable M. de Saegher que cette disposition n'est qu'une anomalie. L'article en discussion ne concerne que les ventes en détail, ne pouvant être faites, dans certains cas, qu'avec l'autorisation du collège des bourgmestre et échevins, et, dans d'autres, qu'avec l'autorisation du tribunal de commerce.

L'article 2 indique en quelles quantités il faudra vendre pour qu'il n'y ait pas vente en détail, mais vente en gros ; en disant dans le paragraphe en discussion que l'importance d'un lot ne pourra jamais être inférieure à ce que prescrit l'article 2, on dit que les ventes en détail ne pourront se faire qu'en gros.

Je crois pouvoir indiquer à peu près comment cette disposition est venue dans la loi. Quand l'origine de la loi vous a été indiquée par M. le. rapporteur, il vous a dit qu'elle avait été rédigée par de gros commerçants, dont une commission spéciale est établie à Bruxelles.

Ces messieurs ont fait tout ce qu'ils ont pu pour empêcher les ventes en détail de faire concurrence au commerce établi ; c'est pour cela qu'ils ont introduit la disposition dont j'appuie la suppression.

Ce paragraphe contient une autre disposition qu'il sera impossible d'observer ; il exige que le collège indique le temps dans lequel la vente devra être terminée. Je suppose qu'une grande maison de commerce cesse les affaires, il peut y avoir plusieurs milliers d'articles, le collège des bourgmestre et échevins ne peut pas dire s'il faudra cinq ou six jours pour les vendre. Tous ceux qui ont la pratique des ventes savent qu'il faut beaucoup de succès pour faire écouler ses articles en un jour.

Puis, messieurs, il y a encore une tactique à suivre dans les ventes : lorsque la vente va bien, il est de l'intérêt du vendeur de la faire marcher plus vite, pour faire écouler le plus d'articles possible, pendant que les amateurs sont bien disposés ; lorsque la vente, au contraire, ne va pas bien, il est de l'intérêt du vendeur de la ralentir, pour laisser aux amateurs le temps de voir l'avantage qu'il y a à faire des acquisitions. Il est donc de toute impossibilité non seulement au bourgmestre, mais même au vendeur et à l'officier public, de dire en combien de jours la vente pourra être terminée.

M. le ministre propose d'ajouter : « sans désemparer » ; la vente devra donc continuer les jours fériés. Telle ne peut pas être l'intention de M. le ministre et dès lors il devrait modifier sa rédaction. Je proposerai de dire : « II indiquera le jour où se fera la vente, qui ne pourra être interrompue que les jours fériés. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je crois, en effet, messieurs, qu'il faut supprimer les quatre dernières lignes du paragraphe ; la disposition deviendra évidemment plus claire par cette suppression.

L'honorable M. Cans propose de supprimer également ce qui est relatif à la fixation du lieu de la commune où se fera la vente. Je reconnais que la désignation du lieu de la vente pourrait, dans quelques cas, donner lieu à des inconvénients, mais il me semble pourtant qu'il n'est pas possible de supprimer cette disposition ; elle me paraît indispensable pour que la vente puisse être surveillée d'une manière complète et efficace. Si l'on se borne à donner l'autorisation de vendre sans indiquer le lieu où la vente doit se faire, il serait possible que ce lieu ne fût pas même connu de l'autorité, et dès lors on pourrait éluder la loi ainsi que les conditions même auxquelles l'autorisation aura été accordée.

Je pense d'ailleurs qu'on ne peut pas supposer que le collège des bourgmestre et échevins ira désigner un lieu qui ne soit pas le plus convenable pour faire la vente. Le collège des bourgmestre et échevins ne consultera évidemment que l'intérêt du vendeur et celui de la masse des acheteurs.

L'honorable M. de Corswarem a fait une observation qui me paraît fort juste. Je pense que surtout lorsqu'on ordonne de faire la vente sans désemparer, on ne peut pas indiquer en combien de temps la vente devra être terminée. Ce serait, en effet, dans certains cas empêcher l'exécution de la loi, empêcher l'autorisation de produire ses effets. Dès que vous autorisez la vente, il faut bien consentir à ce qu'on ait le temps nécessaire pour effectuer cette vente. Je n'ai pas bien saisi les termes de l'amendement de M. de Corswarem, mais je crois faire droit à son observation en présentant la rédaction suivante :

« Il indiquera le lieu de la commune où se fera la vente, ainsi que le jour où elle commencera ; la vente sera continuée sans désemparer, sauf les jours fériés.»

M. de Corswarem. - Je me rallie à cette rédaction.

M. Delehaye, rapporteur. - Je partage, messieurs, l'opinion de M. le ministre de la justice, qu'il faut maintenir ce qui concerne la désignation du lieu où doit se faire la vente.

Les ventes faites à la suite de cessation de commerce, de faillite ou de décès, auront lieu nécessairement dans la maison où le commerce s'exerçait, et je ne pense pas que, dans ces cas, il soit permis au bourgmestre d'indiquer un autre lieu ; la difficulté ne peut exister que pour les cas de nécessité soumis à l'appréciation du tribunal de commerce ; là, il faut nécessairement que le lieu de la vente soit indiqué par l'autorité. Il est arrivé plusieurs fois déjà que l'on choisissait, pour faire des ventes, précisément le lieu où ces ventes faisaient le plus de tort au commerce ; ainsi, on a vu faire des ventes publiques de certaines marchandises, précisément à côte de la demeure de marchands qui tenaient les mêmes articles, et ces ventes se prolongeaient pendant 3 ou 4 semaines ; vous comprenez, messieurs, quel préjudice il en résultait pour le commerçant à la porte duquel, en quelque sorte, on faisait de semblables ventes.

Je pense, messieurs, que, pour éviter des inconvénients de cette nature, il faut laisser à l'autorité le soin de désigner le lieu où doit se faire la vente, mais seulement dans les cas de nécessité constatés par le tribunal de commerce. Dans les cas de cessation de commerce, de faillite ou de décès, la vente doit naturellement se faire là où s'exerçait le commerce dont il s'agit de vendre le fonds. Je crois que l'article devrait être modifié dans ce sens.

Quant à la proposition de M. Cans, tendant à supprimer les 4 dernières lignes du paragraphe, je crois qu'il convient de l'adopter ; ces expressions me semblent tout à fait inutiles.

M. Cans. - Je pense, messieurs, qu'en cas de cessation de commerce on ne peut pas autoriser le bourgmestre à désigner pour la vente un autre lieu que la maison où s'exerçait le commerce. On ne peut pas forcer un individu qui cesse son commerce à aller vendre ses marchandises dans un autre quartier. La disposition devrait, ce me semble, être restreinte aux cas de nécessité autres que celui de cessation de commerce.

M. Savart-Martel. - Il paraît que lorsqu'on permet au bourgmestre de fixer le lieu où la vente doit se faire, c'est afin que l'autorité puisse exercer sa surveillance, mais il me semble que ce but serait atteint si dans l'article 9, où il est dit que l'officier ministériel doit prévenir l'administration quatre jours au moins avant celui de la vente, l'on ajoutait dans cet article que l'administration doit être prévenue aussi bien pour les ventes en détail que pour les ventes en gros.

(page 982) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'article 6 prescrit d'autres mesures que l'article 9. L'article 9 est relatif aux ventes en gros, tandis que l'article 6 concerne les ventes en détail. Or, pour celles-ci, il faut bien plus de précautions que pour les autres, puisqu'elles ne sont autorisées, dans certains cas, que par exception aux principes généraux de la loi. Il me semble qu'il ne serait pas du tout logique d'introduire dans l'article 9 une disposition relative aux ventes en détail.

Je répondrai un mot à l'honorable M. Cans. Il reconnaît que le bourgmestre doit pouvoir fixer le lieu de la vente lorsqu'il ne s'agit pas de cessation de commerce ; mais il dit que, dans ce dernier cas, la vente doit se faire là où s'exerçait le commerce. Si l'on proposait une rédaction qui rendît cette pensée, je ne m'y opposerais pas ; je n'en vois pas, du reste, la grande utilité, car il me semble impossible que le bourgmestre aille forcer un individu qui cesse son commerce, à vendre ses marchandises hors de chez lui.

(page 980) M. Delehaye, rapporteur. - On pourrait dire : « Et en outre le lieu où se fera la vente, dans les cas de nécessité dont l'appréciation appartient au tribunal de commerce. » (Aux voix ! aux voix !)

- La discussion est close.

La suppression des quatre dernières lignes du paragraphe est mise aux voix et adoptée.

(page 981) M. le président. - Je mettrai maintenant aux voix l'amendement de M. le ministre de la justice. S'il n'est pas adopté, je mettrai aux voix l'amendement de M. Delehaye.

M. Delehaye. - Je ferai remarquer que ma proposition n'exclut pas celle de M. le ministre ; elle la limite.

M. Cans. - Je propose la rédaction suivante :

« Le collège des bourgmestre et échevins contrôlera, par l'acte d'autorisation, le fait qui donne lieu à la vente ; il indiquera le jour où elle se fera. La vente sera continuée sans désemparer, sauf les jours fériés. Si elle a lieu par suite de cessation de commerce, elle se fera dans le local où il s'exerçait. En cas de nécessité, dont l'appréciation appartient au tribunal de commerce, le collège indiquera le lieu de la vente. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Il faut remplacer les mots : « où elle se fera », par ceux-ci : « où elle commencera ».

- La proposition de M. Cans, ainsi modifiée, est adoptée.


« § 4. Il décidera, d'après les lois et règlements d'attributions, qui, des courtiers et autres officiers publics, sera chargé de la réception des enchères. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose la suppression de ce paragraphe.

- Cette suppression est mise aux voix et adoptée.


« §5. L'autorisation ne pourra être accordée, pour cause de nécessité, qu'au marchand sédentaire, patenté et ayant son domicile réel, depuis un an au moins, dans la commune où la vente doit être opérée. »

M. le président. - M. Cans propose par amendement de commencer ainsi ce paragraphe : « Sauf les cas prévus par les articles 106 et 234 du Code de commerce, l'autorisation ne sera accordée, etc. (le reste comme au projet). »

M. Cans. - Messieurs, l’article 106 du Code de commerce prévoit le cas où la vente pourra être ordonnée par le tribunal si le destinataire des marchandises refusait de les recevoir. Voici ce qu'il dit :

« Art. 106. En cas de refus ou contestation pour la réception des objets transportés, leur état est vérifié et constaté par des experts nommés par le président du tribunal de commerce, ou, à son défaut, par le juge de paix, et par ordonnance au pied d'une requête.

« Le dépôt ou séquestre, et ensuite le transport dans un dépôt public, peuvent en être ordonnés.

« La vente peul en être ordonnée en faveur du voiturier, jusqu'à concurrence du prix de la voiture. »

L'article. 234 est relatif aux capitaines de navire. Le voici :

« Art. 234. Si, pendant le cours du voyage, il y a nécessité de radoub, ou d'achat de victuailles, le capitaine, après l'avoir constaté par un procès-verbal signé des principaux de l'équipage, pourra, en se faisant autoriser en France par le tribunal de commerce, ou, à défaut, par le juge de paix, chez l'étranger par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat des lieux, emprunter sur le corps et quille du vaisseau, mettre en gage ou vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la somme que les besoins constatés exigent.

« Les propriétaires, ou. le capitaine qui les représente, tiendront compte des marchandises vendues, d'après le cours des marchandises de même nature et qualité dans le lieu de la décharge du navire, à l'époque de son arrivée. »

Il arrive rarement dans ce pays que des capitaines demandent cette autorisation ; cependant le cas peut se présenter.

L'article 6 interdit à tout autre qu'à un marchand sédentaire, patenté, ayant son domicile réel dans la localité, de pouvoir vendre publiquement des marchandises. Evidemment, en présence des deux articles que je viens de citer, il y a une lacune qu'il faut combler.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je dois combattre cet amendement, parce que je le trouve inutile et dangereux. Il est inutile, car l'article 3 autorise les ventes prescrites par la loi ou faites par autorité de justice. Evidemment, les cas dont parle l'honorable M. Cans rentrent dans cette disposition.

Je dis que l'amendement est dangereux, parce qu'il se borne à citer deux cas, tandis qu'il y en a plusieurs autres, non seulement dans le Code de commerce, mais aussi dans le code de procédure civile. Si l'on admettait l'amendement, on pourrait croire qu'il n'y a que ces deux cas exceptés.

- L'amendement de M. Cans est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le paragraphe 5 est adopté.


« § 6. L'autorisation et l'état détaillé des marchandises seront transcrits dans les affiches apposées à la porte du lieu où se fera la vente ; ces affiches seront rendues publiques huit jours au moins avant la vente, et ne pourront être retirées que lorsque la vente sera entièrement terminée. »

- Adopté.


M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) propose un paragraphe additionnel ainsi conçu :

« Le bourgmestre sera tenu de statuer dans la huitaine de la demande. Celui auquel l'autorisation aura été refusée pourra se pourvoir auprès de la députation permanente du conseil provincial. »

- Ce paragraphe est adopté. L'ensemble de l'art. 6 est adopté.

Article 7

« Art. 7. Il est expressément défendu de comprendre dans les ventes autorisées par l'article 3, des marchandises autres que celles qui font partie du fonds du commerce ou du mobilier que la vente concerne. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Nulle société ne peut obtenir, pour cause de cessation de commerce, l'autorisation requise par l'article 6, qu'autant qu'aucun de ses membres ne continue le même commerce pour son compte particulier ; s'il arrive qu'une société ayant obtenu semblable autorisation et en ayant profité, l'un de ses membres, pour son compte particulier, recommence le même commerce dans l'année, il y aura lieu à l'application des peines comminées ci-après.

- Adopté.

Article 9

« Art. 9. Les ventes publiques aux enchères de marchandises en gros continueront à être faites par le ministère des officiers ministériels, ayant à ce qualité légale, aux conditions et salon les formes prescrites par les lois et règlements.

« L'officier, chargé de la vente, est tenu de faire au bourgmestre, quatre jours au moins avant celui de la vente, une déclaration en double et détaillée des objets à mettre en vente. Un double, visé par le bourgmestre, serai' remis au déclarant. »

- Adopté.

Article 10

« Art. 10. Toute contravention aux dispositions ci-dessus sera punie de la confiscation des marchandises mises en vente, et, en outre, d'une amende, de 50 à 3,000 francs, qui sera prononcée solidairement, tant contre le vendeur que contre l’officier public qui l'aura assisté, sans préjudice des dommages intérêts, s'il y a lieu.

« En cas de récidive dans les trois années, le maximum de la peine sera toujours appliqué.

« Ces condamnations seront prononcées par les tribunaux correctionnels. »

La section centrale propose de remplacera chiffre de 3,000 fr. par celui de 1,000 francs.

M. Cans. - Je demande que le chiffre de 3,000 fr. soit maintenu. Si le maximum de l'amende est réduit à 1,000 fr., il arrivera très souvent qu'on passera outre à la vente, parce qu'on aura l'espoir d'en retirer un bénéfice de plus de mille francs.

M. de Corswarem. - Remarquez, messieurs, que ceux qui feraient ces ventes ne s'exposeraient pas seulement à l'amende, mais qu'ils s'exposeraient encore à la confiscation des marchandises ; on se gardera donc bien de faire une spéculation comme celle que l'honorable M. Cans nous a indiquée.

Il est un autre fait sur lequel je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre de la justice. L'article 7 de la loi du 22 pluviôse an VII punit d'une amende de 50 à 1,000 fr., ceux qui vendent ou font vendre sans l'entremise d'un officier public ; ce fait est puni.de la même peine par la loi que nous discutons, dont l'article 4 exige que les ventes soient faites par les officiers ministériels ayant à ce qualité légale ; je demanderai si les peines prononcées par les deux lois seront appliquées cumulativement, si le même délit sera puni deux fois.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, il est de jurisprudence constante que l'on peut cumuler les peines prononcées par des lois spéciales et je ne pense pas qu'il faille ici déroger à cette règle, d'après laquelle les tribunaux refusent d'appliquer l'article 365 du code d'instruction criminelle, quand il s'agit de lois spéciales. Je crois que si deux contraventions sont commises, il faut que les deux contraventions soient punies et que l'application de la loi actuelle n'empêche pas d'appliquer en même temps une autre loi relative aux officiers ministériels.

J'ai une autre observation à faire sur cet article. Je pense, messieurs, qu'il faut supprimer le dernier paragraphe portant : « Ces condamnations seront prononcées par les tribunaux correctionnels. » Cette disposition est relative à la compétence, qui est réglée par le code d'instruction criminelle.

M. de Corswarem. - M. le ministre de la justice n'a pas bien compris mon observation ; il s'agit de punir non pas deux délits différents mais un seul et même délit, ce délit est prévu par la loi de pluviôse an VII et par l'article 4 nouveau de la loi que nous examinons en ce moment ; c'est celui qui consiste à faire vendre par une personne qui n'a pas les qualités légales pour faire des ventes publiques. Voilà un délit que la loi de pluviôse punit d'une amende de 50 à 1,000 frs., prononcée contre celui qui vend et contre celui qui fait vendre ; et d'après la loi qui nous occupe celui qui vend sans avoir les qualités légales et celui qui fait vendre sont également punis d'une amende de 50 à 1,000 frs. Il n’y a donc pas deux délits différents, mais il y a un même délit puni par deux lois différentes.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je pense avoir très bien compris l'honorable membre, et je maintiens que ce sont deux délits différents. Il s'agit, dans l'article 10, de punir les contraventions à la loi qui nous occupe ; or, dans cette loi, il n'est pas du tout question de la compétence ou de l'incompétence des officiers ministériels. Ainsi, par exemple, un individu qui aura vendu des marchandises neuves par lots d'une valeur inférieure à 100 fr., sera puni en vertu de l'article 10, et si, pour échapper plus facilement à la surveillance de l'autorité, il a fait faire cette vente par une personne à laquelle il a donné faussement la qualité d'officier ministériel, il sera puni de ce chef en vertu de la loi de pluviôse.

Il y aura donc application cumulative des deux lois.

- La suppression du dernier paragraphe est mise aux voix et adoptée.

L'amendement de la section centrale est ensuite mis aux voix ; l'épreuve est douteuse.

Plusieurs membres. - Nous ne sommes plus en nombre.

D’autres membres.- L'appel nominal.

- Il est procédé au vote par appel nominal ; 46 membres seulement sont présents. En conséquence, il n'est pas pris de décision.

La séance est levée à 4 heures.