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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 février 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative à une demande en séparation de communes (de Man d’Attenrode)
2) Jury d’examen. Tirage au
sort
3) Projet de loi portant le
budget du département de la justice pour l’exercice 1846. Discussion des
articles. Crédits affectés à l’exercice des cultes (d’Anethan,
de Theux, Savart-Martel, Delehaye, Delfosse, d’Anethan, Desmet, de Garcia, Delfosse, de Villegas, d’Anethan, Delehaye, Dumortier, Delehaye, de Theux, d’Anethan, de Haerne, Rogier)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 691) M. Huveners procède à l'appel nominal à 1 heure et
un quart.
M. A. Dubus donne lecture du procès-verbal
de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l'analyse
des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Houtteman,
instituteur à Thielt, prie la chambre de lui accorder une pension. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
_________________
« Les habitants du
hameau de St-Léonard demandent que ce hameau soit érigé en commune distincte de
celle de Brecht, dont il dépend. »
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, les
habitants du hameau de St-Léonard présentent une communauté d'intérêts
distincts de la commune de Brecht, à laquelle ils appartiennent ; ils offrent
aussi les éléments nécessaires pour former une bonne administration ; le
conseil provincial, à une forte majorité, a donné un avis favorable à la
séparation. Il y a plus de 30 ans que les habitants du hameau de St-Léonard ont
formulé cette demande.
Je propose le renvoi
de la pétition à la commission des pétitions, avec prière du faire un prompt
rapport.
- Cette proposition
est adoptée.
________________
Par divers messages,
le sénat informe la chambre qu'il a adopté :
1° Le projet de loi
qui fixe la limite des communes de Moulbaix et de Villers-St-Amand ;
2° Celui qui réunit à
la ville de Charleroy une partie du territoire de la commune de Marcinelle ;
3° Celui qui proroge
la loi sur les étrangers ;
4° Celui qui proroge
la loi qui alloue des primes pour la construction de navires ;
5° Celui qui réunit
au territoire de la commune de Nederheim le terrain situé entre le chemin dit
le Moulin-Voye et la commune de Paifve ;
6° Celui qui fixe les
limites entre les commune de Silly et de Fouleng ;
7° Celui qui rectifie
la limite séparalive des communes de Jurbise et d'Erbisoeul.
JURY D’EXAMEN. TIRAGE AU SORT
Le sort désigne,
comme membres sortants, savoir :
Doctorat en droit.
Titulaire : M. Peleau, conseiller à la cour de cassation. Suppléant : M.
Vanhoegaerden, idem.
Candidature en droit.
Titulaire : M. Molitor, professeur à l'université de Gand. Suppléant : M. de
Kemmeter, idem.
Doctorat en médecine.
Titulaire : M. Craninx, professeur à l'université de Louvain. Suppléant : M.
Hubert, idem.
Candidature en
médecine. Titulaire : M. Raikem, professeur à l'université de Liège. Suppléant
: M. Lombard, idem.
Sciences. Titulaire :
M. Kicks, professeur à l'université de Gand. Suppléant : M. Cantraine, idem.
Philosophie et
lettres. Titulaire : M. Schwartz, professeur à l'université de Liège. Suppléant
: M. Burggraaf, idem.
Discussion des articles
Chapitre VIII. - Cultes
M. le président. - La discussion
continue sur le chapitre IX (Cultes).
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, je rectifierai d'abord une erreur que
j'ai commise hier, en répondant à l'honorable M. Delfosse. J'avais dit à
l'honorable membre que si l'on avait créé des succursales en 1843, 1844 et
1845, on en avait aussi supprimé. L'honorable membre avait eu raison de dire
qu'aucune succursale n'avait été supprimée ; les succursales, en très petit
nombre, qui ont été supprimées, l'ont été antérieurement à 1843. J'avais
récemment parcouru les tableaux, et j'avais cru que les succursales qui y
étaient indiquées comme ayant été supprimées, se rapportaient à l'une des
années 1843, 1844 et 1845.
Je vais maintenant
faire connaître à la chambre le nombre de succursales, de chapelles et de places
de vicaire qui ont été créées pendant les trois années.
En 1843, on a créé
sept succursales, et on a accordé trois traitements de vicaire ; d'un autre
côté, on a supprimé cinq chapelles et quatorze traitements de vicaire.
En 1844, on a créé
une chapelle et un traitement de vicaire ; deux traitements de vicaire ont été
supprimés.
En 1845, on a créé 25
succursales, 42 chapelles et 90 traitements de vicaire ; on a supprimé 12
chapelles et 15 traitements de vicaire.
J'ai sous les yeux le
tableau qui indique les communes où ont été érigées les nouvelles chapelles et
les nouvelles succursales, et où l'on a alloué les traitements de vicaire. Ce
tableau prouve que toutes les nouvelles créations ont été faites, par suite de
l'accord existant entre le chef diocésain et le gouverneur et de l'avis
conforme du conseil communal. Il n'y a pas un seul exemple d'une succursale
créée en 1843, 1844 ou 1845 sans un avis favorable du conseil communal. Ce
n'est pas à dire pour cela que si le conseil communal refusait sans motifs la
création d'une succursale, je ne me crusse pas autorisé à proposer au Roi
l'érection de cette succursale. Mais, je le répète, en fait les avis de toutes
les autorités ont été unanimes, pour la création des nouvelles succursales,
pendant les trois années dont je m'occupe. Il en a été de même pour la création
des nouvelles places de vicaire.. Il n'y a eu qu'une seule exception pour ce
dernier cas : l'exception a été posée par le conseil communal de Pietrain
(Brabant), commune qui compte 1356 habitants ; le conseil pensait qu'il ne
fallait pas créer une place de vicaire. Mais le gouverneur et l'archevêque ont
insisté pour la création de la place de vicaire, et nous avons pensé qu'il y
avait lieu de passer outre, puisque la population de la commune était
supérieure au chiffre adopté pour la création d'une place de vicaire. La
proposition généralement suivie maintenant a reçu l'assentiment des évêques et
des gouverneurs, et je crois qu'il est convenable de la maintenir : je me suis
montré, quant aux créations de cette nature, beaucoup plus sévère, je pense,
que mes prédécesseurs.
(page 692) Messieurs, les créations nouvelles qui ont eu lieu, me
semblent justifier d’une manière suffisante l'augmentation de crédit qui vous
est demandée. J'entrerai à cet égard dans quelques explications basées sur des
chiffres.
Sur le crédit de
1845, il restera une somme de 40,000 fr. disponible ; il, a été dépensé en
1845, pour le payement des traitements du clergé inférieur, une somme de 3,212,090
fr. ; je demande pour 1846 une augmentation de 60,000 fr. ; cette somme jointe
à l'excédant de 40,000 fr. au budget de 1845, forme donc une augmentation pour
dépense présumée de 100,000 fr. ; c'est cette augmentation que je dois
justifier. Si cette nécessité est établie, et il ne me sera pas difficile de
l'établir, il s'ensuivra la justification de l'augmentation que je demande.
Si toutes les places
créées maintenant étaient desservies, si toutes les places dont l'utilité est
bien constatée par suite des renseignements obtenus étaient desservies non
d'une manière provisoire, mais par des titulaires définitifs, il faudrait une
somme de 3,323,265 fr.
Au lieu de cette
somme, je ne demande cette année que 3,312,224 fr. 61 c., et à l'aide de cette
somme je devrai payer non seulement les traitements des vicaires pour lesquels
des places sont créées, mais encore les coadjuteurs et les augmentations
personnelles de traitement. Ces augmentations personnelles, qui diminuent tous
les ans, s'élèvent à 11,000 fr. et le traitement des coadjuteurs s'élève à la
somme de 33 mille francs. Il faut donc, au moyen des vacances, pourvoir à cette
somme de 11 mille francs pour les augmentations personnelles et à celle de 55
mille fr. pour les coadjuteurs.
Il y a, messieurs,
maintenant encore 347 places auxquelles il faut pourvoir. Une moitié de ces
places est vacante ; l'autre moitié est desservie provisoirement.
Or, nous savons que
les desservants provisoires ne reçoivent que la moitié des traitements des
titulaires.
M. Delfosse. - D'après le
budget, il n'y a à pourvoir qu'à 321 places.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Le budget a été fait au mois de juillet. Depuis cette
époque, des faits nouveaux se sont produits : je pourrais prouver facilement
que le chiffre du budget concorde avec les annexes et les états de traitements
à l'époque où le budget a été fait. Dans le budget, il est indiqué qu'il y
aurait en plus 173 prêtres qui pourraient être employés au saint ministère.
Mais depuis la confection du budget, quarante prêtres ont été placés ; il n'en
reste donc plus que 133 disponibles pour pourvoir aux places encore vacantes.
Ces 133 prêtres, en calculant leur traitement au minimum possible de 500 fr.,
exigent une somme de 66,500 fr.
Voilà donc une somme
indispensable déjà pour pourvoir de traitements les prêtres destinés aux places
actuellement créées.
Maintenant, et les
développements du budget l'indiquent, il y a encore des succursales à ériger,
il y a encore des chapelles à créer. J'ai les états des différentes créations
qui me sont demandées, et, d'après ces demandes, les succursales à créer se
montent encore à 76, et les chapelles à 172 ; les chapelles à ériger en
succursales sont au nombre de 172 ; les traitements de vicaires au nombre de
153. Voilà les demandes qui sont en instruction, et sur lesquelles l'avis des
gouverneurs et des conseils communaux est demandé. Quoi qu'il en soit, dès à
présent, nous devons reconnaître qu'un grand nombre de ces demandes pourront
être accueillies.
A cet effet, nous
avons pensé que nous pouvions compter qu'une somme d'au delà de 20,000 francs
pour les succursales et une somme à peu près égale pour les chapelles seraient
nécessaires. Ces sommes, du reste, seraient loin de suffire, s'il y avait un
nombre suffisant de prêtres pour desservir les places créées ; mais elles
suffiront, parce que des places n'auront pas été occupées pendant les premiers
mois de l'année et que, par suite du défaut de prêtres, d'autres seront
desservies par des prêtres qui remplissent en même temps d'autres fonctions,
qui par conséquent ne toucheront que la moitié des traitements.
Voilà, messieurs,
l'état des besoins constatés jusqu'au moment actuel.
Une justification
plus complète que celle que je présente me paraît impossible à fournir ; je ne
puis pas, alors que les autorités qui aux termes de la loi sont chargées de
reconnaître et de constater les besoins du culte ont reconnu et constaté ces
besoins, je ne puis pas me refuser à y pourvoir.
Qu'il me soit permis,
après avoir établi la nécessité du chiffre que je demande, de jeter un coup
d'œil sur les augmentations successives des budgets ; nous verrons qu'elles
sont loin de s'élever comme on le pense à des sommes exorbitantes.
Le budget de 1831
pour le clergé inférieur s'élevait à 2,462,632 fr. ; le budget de 1846, pour
cet objet, à 3,312,224 fr. 61.
L'objection que me
fait à l'instant l'honorable M. Lys est une objection qui a été prise en
considération quand j'ai établi mon calcul : j'ai déduit les sommes payées pour
le clergé inférieur des deux parties cédées du Limbourg et du Luxembourg. Le
chiffre que j'indique est celui qui en 1831 était destiné à payer le clergé
inférieur dans la Belgique, telle qu'elle est constituée aujourd'hui.
J'ajouterai que cette somme n'était pas uniquement employée à payer les
traitements alors existant ; dans ce chiffre se trouvaient 108,277 fr. qui
étaient destinés à de nouvelles dotations. Ainsi nous devons prouver la nécessité
de l'augmentation de 96,510 qui est la différence réelle entre le budget de
1846 et le budget destiné à faire face aux besoins de 1831. Si on ne prenait
que les chiffres mêmes du budget, la différence ne serait que de 851,200 fr.,
mais en prenant les sommes réelles employées pour le culte, c'est une
augmentation de 969,510 fr. qu'il faut justifier.
En peu de mots, je
vais faire connaître comment cette augmentation esr devenue nécessaire.
D'abord, en 1834, 495
chapelains qui n'avaient que 210 fr. de traitement, obtinrent une augmentation
jusqu'à 400 fr. ; il en est résulté une majoration de 75,732 fr.
En juin 1834, 79
chapelles furent érigées, ce qui occasionna une dépense de 31,600 fr.
La loi de 1837, qui a
mis à charge du trésor les traitements des vicaires en les portant à 500 fr., a
occasionné une nouvelle dépense de 461,300 fr. à charge du trésor. Depuis, des
traitements de vicaire, des chapelles et des succursales ont été créés. Une
succursale a été érigée en cure de deuxième classe et onze cures de deuxième
classe ont passé à la première. L'ensemble de ces diverses sommes donne le
total de 962,510 fr.
Ce chiffre paraît,
j'en conviens, très considérable au premier coup d'œil ; mais il y a une
remarque importante à faire, c'est qu'avant 1837, les communes payaient pour le
traitement des vicaires une somme de 516,850 fr. Par conséquent, l'augmentation
réelle du budget des cultes n'est que de 445,660 fr. si l'on considère la somme
dont les communes ont été dégrevées.
Si les communes
payent encore quelque chose aujourd'hui, c'est qu'elles le veulent bien. Il y
en a quelques-unes qui allouent des subsides, mais il y en a beaucoup d'autres
qui ne donnent rien.
L'honorable membre
n'ignore pas que si on n'érigeait pas des chapelles en succursales, les
communes où se trouvent ces chapelles devraient souvent continuer à payer la
différence entre le traitement de chapelain et celui de desservant. Les
chapelains ne reçoivent en effet que 500 fr. de traitement, ce qui est trop
modique quand il n'y a pas de casuel. Quand le gouvernement consent à ériger
une chapelle en succursale, c'est donc aussi dans l'intérêt de la commune.
Aussi voit-on les communes elles-mêmes demander souvent l'érection des
chapelles en succursales. Dans une commune où le casuel est insuffisant, il est
impossible, je le répète, que le chapelain vive avec les 500 fr. de son
traitement.
Alors les communes
accordent un supplément de traitement ; il est souvent utile d'enlever aux
communes ce surcroît de charges ; le gouvernement, en consentant à transformer
une chapelle en succursale, amène ce résultat.
Je me demande
maintenant si l'augmentation que j'ai signalée peut être qualifiée
d'exorbitante, quand on la compare à l'augmentation de la population. On reconnaîtra
sans doute que cette augmentation de population a été considérable depuis 1830
; et dès lors on reconnaîtra qu'il était impossible de laisser le culte
administré par le même nombre de prêtres qu'avant 1830. Dès lors, je ne conçois
pas ce qu'on pourrait articuler pour combattre une augmentation justifiée d'une
manière aussi évidente, qui n'a eu lieu qu'à la demande des autorités
compétentes, des autorités chargées par la loi de constater les besoins du
culte.
Je finirai par une
observation. Ce n'est pas seulement le clergé qui a joui de majorations
importantes depuis 1830 ; je pourrais citer plusieurs corps, notamment les
corps judiciaires, qui ont vu améliorer leur position. Je suis loin de
regretter ce qui a été fait ; j'ose même me flatter d'avoir contribué, autant
qu'il a été en moi, à faire obtenir l'augmentation de traitement qui a été
accordée à la magistrature. On a été juste envers la magistrature, on ne
refusera pas de l'être envers le clergé, pour lequel je ne demande pas une
augmentation de traitement, mais une augmentation de personnel.
Quant à la
magistrature, le personnel est resté le même, de manière qu'il y a eu pour elle
amélioration réelle. Il n'en a pas été de même pour les desservants, les
chapelains, dont le nombre a été augmenté, mais dont le traitement n'a pas été
augmenté, si ce n'est pour les vicaires, par la loi de 1837, mais encore cette
loi n'a fait qu'imposer à l'Etat une charge que supportaient les communes.
Quand vous mettez ces
articles en parallèle, vous voyez qu'il y a eu moins d'augmentation pour le
clergé que pour la magistrature, quoique le nombre des membres du clergé soit
infiniment supérieur. Je ne veux pas, je le dis encore, exprimer un regret de
ce qui a été fait pour la magistrature. J'ai contribué de tout mon pouvoir à
cette loi : c'était un acte de justice. Mais il me paraîtrait peu juste de
qualifier d'exorbitante une augmentation nécessaire pour des besoins reconnus,
et de la refuser alors qu'une augmentation également juste a été sans grande
difficulté votée pour la magistrature.
J'ai fourni à la
chambre des états de traitement ; je l'ai fait, parce que dans une séance
précédente on m'avait dit que je n'avais fourni aucun renseignement nominatif.
J'ai fait remettre à la chambre, 1° les registres où les noms de tous les
titulaires sont portés ; 2°les états de mutations et de traitements, fournis au
gouvernement, les premiers par les
évêques, les seconds par les gouverneurs.
Un
honorable membre a pensé que les chiffres portés au budget ne concordaient pas
avec les derniers états de traitements. Je l'ai remercié de cette observation,
comme je remercie toujours les honorables membres de cette chambre, des
observations qu'ils me font, parce que j'y trouve un moyen de m'éclairer et de
rectifier une erreur, si j'en avais commis.
J'ai fait faire hier
au soir de nouvelles vérifications et je me suis assuré que les états de
traitements cadrent parfaitement avec le chiffre du personnel, indiqué dans les
développements du budget. Je ne crois pas devoir établir maintenant
l'exactitude de ces renseignements. S'ils étaient contestés, je pourrais donner
à la chambre satisfaction complète.
Dans tous les cas, je
m'engage à indiquer personnellement, sur les tableaux, à l'honorable membre qui
a fait cette observation, la vérité de ce que j'avance.
(page 693) M. de Theux. - Apres les observations
que vient de présenter M. le ministre de la justice, il est, je crois, en
quelque sorte inutile d'appuyer la majoration qu'il demande à la chambre.
Remarquez, messieurs,
que ce n'est pas ici une question de parti. Le rapport de la section centrale
en fait foi. Il suffit de jeter les yeux sur la composition de cette section,
pour en être persuadé. C'est une question de Constitution, de justice distributive,
de bonne administration. La Constitution met les traitements des ministres des
cultes à la charge de l'Etat. Il nous reste à voir quelles sont les demandes de
traitements qui sont justifiées par les besoins des localités. Voilà le seul
examen que nous ayons à faire.
M. le ministre de la
justice vous a exposé quelles sont les règles que suit le gouvernement pour la
création de nouvelles succursales, pour l'érection de chapelles et pour la
création de places de vicaires. Je crois qu'il est impossible de mieux
instruire ces demandes, que le mode d'instruction adopté doit inspirer toute
confiance à la chambre.Aussi, la section centrale, qui a fait un examen
particulier des tableaux qui ont été fournis, n'a pas fait d'objection à la
demande du gouvernement.
Depuis 1830, comme
l'a fait remarquer M. le ministre de la justice, il n’a été accordé au clergé
aucune majoration de traitement. Au contraire, les traitements du clergé
supérieur ont été notablement réduits. Les traitement des succursalistes n'ont
pas été augmentés. Seulement on a mis à la charge de l'Etat les traitements des
vicaires et des chapelains ; or, l'initiative de cette proposition n'est pas
venue du gouvernement, mais de la chambre ; il y a eu sur ce point accord entre
les deux grandes fractions de la chambre. Nous devons en subir les
conséquences. Du moment qu'il est démontré que le personnel est nécessaire à la
population, nous ne pouvons refuser les traitements.
En 1837, lorsque l'on
a fixé à 500 fr. les traitements des chapelains et des vicaires, divers membres
de la chambre ont demandé une augmentation plus considérable, faisant valoir
que le traitement de 500 fr. était insuffisant. Le gouvernement n'a pas cru
devoir se rallier à la proposition qui était faite en ce sens, parce qu'il a cru
devoir se renfermer dans les limites du strict nécessaire, attendu que les
charges étaient déjà considérables.
II n'y a donc aucune
partialité à reprocher, en ce qui concerne les allocations du culte catholique.
Je dirai même que si
l'on faisait la comparaison entre le budget du culte catholique et celui des
cultes dissidents, on verrait que la comparaison est au détriment des membres
du clergé catholique. Cela prouve l'impartialité qui anime la chambre. Cette
impartialité est portée à tel point qu'on a fait en Belgique ce qui ne se fait
pas dans d'autres pays ; on alloue des subsides pour le culte israélite, on
alloue des subsides pour le culte anglican, professé exclusivement par les
étrangers. Ainsi toute imputation de partialité doit nécessairement disparaître
de cette discussion.
M. le ministre de la
justice a dit avec vérité que les augmentations qui ont été votées et qui ont
eu pour objet des érections de chapelles, des élévations de chapelles au rang
de succursales, n'étaient pas en faveur du clergé, mais plutôt en faveur des
populations. Ainsi lorsque les populations se trouvent éloignées de l'église,
lorsque des circonstances particulières ont amené une augmentation de
population dans les localités éloignées, il faut bien, pour pourvoir aux besoins
du culte, ériger des chapelles.
D'autre part, lorsque
des chapelles peuvent difficilement pourvoir à leurs besoins, lorsque la charge
qui incombe aux habitants d'un hameau est trop considérable, pour qu'ils
puissent pourvoir au supplément de traitement nécessaire à des chapelains qui
ne reçoivent que 500 fr., c'est un acte de bonne justice et de sage
administration, d'ériger la chapelle en succursale.
Toutefois un
honorable membre de cette chambre et une administration provinciale avaient
émis l'opinion qu'il convenait que toutes les chapelles fussent érigées en
succursales. Le gouvernement n'a pas partagé cette opinion ; il a cru qu'il
fallait consulter les besoins des localités et examiner chaque cas spécial.
Lorsqu'il y a une demande d'érection de chapelle en succursale, il y a à
prendre en considération les dissentiments qui peuvent éclater entre l'église
principale et la chapelle. Le gouvernement est le meilleur juge en cette
matière, parce qu'il est entouré de tous les renseignements qui peuvent l'éclairer.
En ce qui concerne
les cultes, le même principe de décentralisation qui prévaut en toute autre
matière doit également prévaloir.
Ainsi pour
l'instruction primaire on a demandé et l'on a été obligé d'établir un grand
nombre d'écoles dans des hameaux. Ainsi, en ce qui concerne les travaux
d'utilité publique, les chemins vicinaux, les grandes routes, toutes les
localités demandent à participer aux bienfaits dont autrefois les localités
principales étaient seules en possession. C'est une conséquence du système
représentatif, plus vrai, plus complet dont nous jouissons depuis 183. On s'est
écarté du principe admis sous l'empire, qui consistait à tout centraliser sur
un seul point. Aujourd'hui chaque localité veut jouir autant que possible des
avantages dont jouissent les grands centres de population.
Parce que j'appuie le
chiffre demandé par le gouvernement, on m'objectera peut-être qu'en 1840 je
pensais que le chiffre qui était alloué serait un chiffre normal.
Il est vrai que je
l'ai dit. Je le pensais alors très sérieusement. Mais il s'est révélé deux
circonstances qui ont modifié mon opinion. D'une part il a fallu, pour la
réparation des monuments et des églises, une somme plus considérable qu'on ne
l'avait prévu. D'autre part, des besoins d'érection de succursales qu'on
n'avait pas prévus se sont révélés. Du moment qu'il m'est démontré que de
nouveaux besoins existent, je ne faits pas de difficulté à reconnaître qu'une
majoration est nécessaire. Il ne dépend pas d'un ministre de lier l'avenir.
Telle n'a jamais été ma pensée. Mais je le déclare, je pensais qu'avec la
faculté de transfert, et les places qui sont toujours vacantes, le gouvernement
pouvait, pendant un temps dont nous ne prévoyions pas le terme, se contenter du
chiffre voté en 1840.
Je ne sais si je dois
répondre, en ce qui concerne l'erreur qui m'a échappé, lorsque j'ai dit que
l'église de Saints-Catherine était desservie par des rédemptoristes et non par
des jésuites.
Cette église était en
effet desservie par des rédemptoristes. J'ignorais le changement survenu
récemment quant à la corporation religieuse attachée à cette église. Je croyais
l'honorable M. Verhaegen dans l'erreur. Au reste, que ce soient des
rédemptoristes ou des jésuites, le fait est insignifiant en lui-même. M. le
ministre de la justice a dit hier, avec vérité, qu'il n'avait pas à rechercher
si le desservant d'une paroisse appartient ou non à une corporation religieuse.
Cette question est en dehors des attributions du pouvoir exécutif. Du moment
qu'un ecclésiastique est revêtu de la qualité de desservant, cela suffit pour
allouer le traitement. Je crois que les jésuites ne reçoivent ni traitement ni
casuel. Au reste, le gouvernement I n'avait pas à s'inquiéter de la question de
savoir si les prêtres attachés à l'église de Sainte-Catherine étaient des
jésuites ou des rédemptoristes. La seule conséquence qui résulte de ce fait,
c'est qu'il y aurait économie, pour le budget de l'Etat, d'un traitement de
desservant.
On a parlé hier aussi
d'une rétribution de 2 p. c. que les administrations diocésaines perçoivent sur
le budget des fabriques des églises succursales. Messieurs, je pense que cette
rétribution est perçue uniquement pour les frais de comptabilité. Vous savez
que les budgets et les comptes des fabriques des églises paroissiales doivent
être examinés par l'autorité diocésaine. cette rétribution n'a pas d'autre
destination.
On a encore parlé des
comptes des sœurs de charité, dont la reconnaissance est autorisée par le
décret de 1809. M. le ministre de la justice a rappelé qu'une première
circulaire avait été donnée en 1830, pour réclamer ces comptes ; mais le
gouvernement n'a pas ensuite tenu la main à l'exécution de cette circulaire. Il
a oublié de dire que lorsque cette circulaire a été connue du congrès, (c'était
après le vote de la Constitution), il s'était élevé dans le sein de cette
assemblée une opposition très forte à cette mesure. C'est cette circonstance
qui a déterminé le gouvernement à ne pas donner suite à la demande de comptes
faite par M. le ministre de l'intérieur sous le régent.
Du reste, messieurs,
nous ne nous opposons nullement à cette réclamation des comptes ; nous croyons
aussi qu'elle ne produira aucun résultat. On sait que les sœurs de charité ne
possèdent guère de revenus amortis ; la plupart du temps elles ne possèdent que
leur maison d'habitation, et je pense qu'il en est très peu qui possèdent
quelque revenu dont elles aient à rendre compte. Car certainement il ne s'agit
pas de leur faire rendre compte des aumônes qu'elles peuvent recevoir pour le
soulagement des malades ou des pauvres. Tel n'est pas l'esprit du décret.
L'esprit du décret est de faire connaître au gouvernement si les revenus dont
il a permis le don aux corporations, sont employés à l'usage qui leur est
destiné. Je suis persuadé que lorsque tous les comptes seront venus au
ministère, on verra qu'il n'y a rien à objecter à la manière dont sont
administrées ces corporations qui sont toutes de bienfaisance.
Des abus en cette
matière pas plus qu'en toute autre ne peuvent réellement exister en ce qui
concerne l'administration ecclésiastique, en tant qu'elle ait rapport avec le
pouvoir politique, avec le gouvernement.
Depuis 1830 jusqu'à
présent on n'a jamais fait faute de porter la discussion sur tout ce qui
concernait le clergé et quelque fois même on l'a étendue en dehors des limites
naturelles. De ces discussions qu'est-il résulté ? C'est qu'on n'a jamais pu
constater qu'il y eût eu abus de la part de l'autorité politique au profit du
clergé. De sorte qu'heureusement ces discussions se réduisent à rien.
Du reste nous ne nous
plaignons nullement de ce que ces discussions aient eu lieu. Il vaut mieux,
pour la satisfaction du pays, qu'il soit renseigné sur le véritable état des
choses. De cette manière, les fausses rumeurs qu'on pourrait élever sourdement
viennent à tomber devant les résultats de la discussion publique.
Je bornerai là mes
observations. Je pense qu'en présence des considérations présentées par M. le
ministre de la justice, il ne peut plus rester de doute sur la nécessité de
l'allocation qu'il a demandée.
Un
honorable membre a dit qu'il vaudrait mieux suspendre les nominations aux
emplois vacants et faire usage de l’augmentation réclamée pour les
circonstances extraordinaires où le pays se trouve, pour le soulagement des
malheureux.
Je ferai remarquer
que du moment que ces emplois ont été reconnus utiles par le gouvernement, il
est de toute justice d'allouer les traitements. Nous ne pouvons, en matière
ecclésiastique, pas plus qu'en matière civile, laisser des places vacantes.
Du moment où elles
sont légalement créées, que leur nécessité est reconnue, il faut y pourvoir. Je
crois d'ailleurs que dans les circonstances calamiteuses, les populations n'ont
jamais à se plaindre d'avoir à leur tête un pasteur qui veille en même temps à
leurs soulagements temporels et à leurs besoins spirituels.
M. Savart-Martel,
rapporteur. - La discussion m'engage à prendre la parole pour
expliquer les motifs qui ont dirigé la section centrale, ou au moins qui ont
dirigé mon opinion dans l'allocation des 60,000 fr. dont s'agit, sans entendre
lier mon vote.
La dépense des
cultes, chapitre. 8, s'élève au chiffre de 4,382,947 fr., tandis que toute la
dépense de la justice civile ne s'élève qu'au chiffre de 2,510,065 fr.
Cette différence de
1,872,882 fr. ne nous a point échappé. J'ai recherché avec soin les causes d'un
chiffre aussi élevé, et après l'examen dé pièces nombreuses, je me suis demandé
si l'augmentation de 60,000 fr. devait (page
694) être rejetée par la section centrale. Je me
suis décidé pour la négative d'après les motifs que voici :
Contrairement à
l'opinion que je professais il y a deux ans, vous avez admis, messieurs, que
certaines lois portées en exécution, ou plutôt par suite du concordat, (qui a
cessé de fait) étaient encore obligatoires ; en telle sorte que le
gouvernement, après s'être concerté avec les chefs diocésains, pouvait à sa
volonté créé des succursales, sans même postuler le consentement des chambres ;
cette opinion, je le répète, n'était pas la mienne ; mais comme elle paraît
celle de la chambre, j'ai dû m'y soumettre.
D'autre pari,
l'article 117 de la Constitution impose à l'Etat la charge des pensions et
traitements des cultes.
Il nous fait un devoir
de porter annuellement au budget les sommes nécessaires à cette fin.
De troisième part
enfin, la loi fixe la hauteur des traitements.
Aujourd'hui en
présence du fait accompli (la création des succursales et la nomination des
desservants en fonctions), il me paraissait y avoir lieu d'admettre le chiffre
nécessaire pour les payer ; car provision au moins est due au titre non
attaqué.
Ce raisonnement me
paraît logique.
Sans doute la chambre
peut désapprouver le gouvernement et rejeter indirectement la création des
succursales, en refusant la somme nécessaire au traitement ; et la section
centrale avait le droit d'émettre ce vœu qui dépendait de l'avis de la
majorité. Mais dans ce cas même les titulaires pourraient-ils être dépossédés
ex abrupto ? Je vous avoue que je ne le pense point.
Quelle qu'ait pu être
l'opinion individuelle de chacun des membres de la section sur le plus ou le
moins d'opportunité de ces nominations, toutes les opinions ont pu croire
qu'aussi longtemps que le titre subsisterait, il faut le rétribuer ; c'est, à
mes yeux, la conséquence directe et nécessaire de la Constitution.
Je n'ai cessé et ne
cesserai jamais de repousser toutes dépenses inutiles, et je déclare
franchement que je n'ai pas vu là une question politique, mais une simple question
de droit, une question simplement budgétaire. Il m'a paru qu'on ne pourrait
d'emblée rejeter le payement, surtout que la critique actuelle tombe sur des
fonctions créées en 1842, et que le trésor public les paye depuis lors.
D'ailleurs, avant d'arriver
à la section centrale, les 60,000 fr. d'augmentation proposée par le
gouvernement ont été soumis, en sections, à tous et chacun de vous, et personne
n'a émis le vœu d'invalider le fait accompli au préjudice même des titulaires.
Il y a quelques jours, on s'intéressait vivement dans cette enceinte à la
position des succursalistes, pour lesquels on voulait l'inamovibilité. Cette
pensée était généreuse, sans doute. N'est-il pas vrai que leur refuser payement
parce que le gouvernement aurait agi au-delà des besoins de la société, serait
un acte contraire à l'intérêt même qu'on leur témoignait, intérêt que je leur
porte autant que mes honorables collègues ?
Messieurs, quand j'ai
rapproché de la Constitution l'opinion qui me paraît adoptée, malgré moi, par
la chambre, que le gouvernement peut à volonté créer des desservants, des
vicaires, des coadjuteurs, etc., j'ai regretté, (et je regrette plus vivement
que jamais) qu'une loi de l'Etat n'ait point fixé le nombre de ces
fonctionnaires qui seraient payés par le trésor public, sauf à l'autorité
ecclésiastique à les fixer et distribuer où elle trouverait convenir, puisque,
hors de la question financière, nous sommes absolument incompétents.
On eût évité les
abus, les discussions et les débats plus ou moins irritants qui se
renouvelleront chaque année ; on eût connu l'étendue de la dépense qu'impose la
Constitution, sauf à satisfaire par de nouvelles lois aux besoins nouveaux.
Ce qui n'a point été
fait jusqu'ici, on peut le faire encore. Le plus tôt sera le mieux ; mais, je
le répète, déposséder de fait les titulaires en fonctions, voilà ce qui m'a
paru contraire aux principes. Une telle proposition aurait été désapprouvée sur
tous les bancs de la chambre ; car elle eût été injuste.
Au surplus, je suis
loin de partager les vues du gouvernement, qu'il faudrait augmenter le budget
au fur et à mesure qu'il sera donné de nouveaux titres cléricaux.
Le clergé même n'a
point, je pense, cette prétention, dont je ne veux point développer ici les
conséquences. Mais, je le prévois, toujours il y aura discussion entre la
chambre et le gouvernement, si la loi ne règle pas la quantité de
succursalistes à défrayer par le trésor public.
On s'est plaint que
la section centrale n'ait point fait imprimer les longs et volumineux cahiers
que j'ai fait déposer au greffe ; mais vraiment nous aurions été lavés de
prodiguer mal à propos les deniers de l'Etat, si nous ne nous étions bornés à
ce dépôt. Un inventaire était utile, et quiconque s'occupera de ces tableaux,
finira par reconnaître que notre économie ne fut point déplacée, pris égard au
peu d'utilité de ces volumineux tableaux. La dépense, je crois, aurait excédé
2,000 fr.
Au
surplus pas plus que mes autres collègues, je n'entends être lié par mes
précédents, et j'aurai le courage de mon opinion.
Entièrement libre
dans mon vote, éclairé par la discussion, je le donnerai ce vote librement et
sans aucune préoccupation. Mais je voudrais qu'on s'expliquât franchement et
positivement, si, tout en improuvant le fait du gouvernement, on entend ne pas
payer les titulaires ; car, pour le budget actuel, c'est la question.
M. Delehaye. - Messieurs,
l'honorable M. Savart vous a dit les motifs qui avaient engagé la section
centrale à adopter le crédit demandé par le gouvernement. Quant à moi, membre
de la section centrale, je lui ai donné mon assentiment, comme je le lui aurais
donné, lorsque nous en viendrions au vote, si l'on abandonnait la somme
destinée aux places non remplies. Mais avant de faire connaître les motifs qui
m'engagent à agir ainsi, qu'il me soit permis de répondre quelques mots à ce
qui vous a été dit par M. le ministre de la justice et par l'honorable M. de
Theux.
A l'appui de la
proposition qui vous est faite, ces honorables préopinants ont invoqué l'augmentation
que déjà vous aviez accordée à l'ordre judiciaire. Messieurs, je crois qu'il
n'y a pas la moindre analogie à établir entre l'augmentation de crédit que vous
avez votée pour l'ordre judiciaire et l'augmentation que l'on vous demande pour
le clergé. Il y a ici une immense différence. L'augmentation pour l'ordre
judiciaire a été allouée, parce que vous avez cru que les traitements étaient
inférieurs à ce qu'ils devaient être ; pour le clergé, au contraire,
l'augmentation de crédit provient de ce que vous augmentez continuellement le
nombre des titulaires.
J'aurais voulu, quant
à moi, que l'on demandât une augmentation de subside pour les membres du
clergé, non pas pour augmenter le nombre des titulaires, mais pour élever les
traitements de quelques membres qui ne sont pas suffisamment rétribués. C'est
une chose déplorable, messieurs, que des communes soient obligées de suppléer
au traitement de leurs curés ou de leurs vicaires. II en résulte souvent des
discussions qui sont de nature à porter atteinte à la considération dont
doivent jouir les ministres du culte. Lorsqu'on connaît la manière dont les
choses se passent dans les campagnes, on sait qu'il suffit qu'un curé ait
indiqué un abus quelconque qui concerne un membre de l'autorité communale, pour
que l'on cherche à faire réduire son traitement, que l'on soulève des
discussions de nature à rompre la bonne harmonie qui doit exister entre le
clergé et les habitants.
J'aurais donc voulu
que l'on pensât à augmenter les traitements, et surtout les traitements des
vicaires et à soustraire les communes à l'obligation de payer un traitement aux
membres du clergé qui ne sont pas suffisamment rétribués.
L'honorable M. de
Theux vous a dit aussi que c'étaient les besoins des localités seuls qui
réclamaient l'augmentation de subside que l'on nous demandait. Je suis fâché de
ne pouvoir partager cette opinion. Je suis persuadé que si l'on n'avait
consulté que les besoins de la religion, le nombre des membres du clergé, au
lieu d'augmenter depuis 1830, aurait diminué. Je vais avoir l'honneur de vous
rapporter un fait dont je connais toutes les circonstances.
Dans une commune de
l'une des deux Flandres, dont la population est très faible, et dont le curé
est encore dans la force de l'âge, on a voulu nommer à tout prix un vicaire. On
a eu beau objecter que ce vicaire n'y serait d'aucune utilité, on a persisté et
peut-être un jour la persistance sera couronnée de succès ; et si jusqu'à ce
jour on ne l'a pas nommé, c'est qu'il est par trop évident que ce n'est point
le besoin de la religion qui réclame la nomination du vicaire. De ce fait, qui
se renouvelle pour beaucoup de communes, il résulte pour moi l'évidence que ce
n'est point le besoin des localités, mais celui de placer les jeunes prêtres,
qui fixe désormais le nombre des succursales et celui des vicaires.
Messieurs, une
opinion généralement admise, c'est que toutes les carrières sont pas courues
par un nombre beaucoup trop considérable de personnes eu égard aux besoins.
Ainsi on dit qu'il y a trop d'avocats pour les besoins du barreau ; qu'il y a
plus de médecins que ne le demandent les besoins sanitaires des populations.
J'en dirai autant des artistes vétérinaires et de tous les états quelconques.
La même chose ne se
présenterait-elle pas pour le clergé. N'y aurait-il pas trop de jeunes gens qui
se destinent au sacerdoce, pour les besoins du culte ?
M. Desmet. - Je demande la
parole.
M. Delehaye. - Si cela était, ce
serait un mal ; mais quand il y a trop d'avocats, trop de médecins, ceux qui
n'ont rien à faire ne doivent s'en prendre qu'à eux d'avoir embrassé un état
qui ne leur donne pas à vivre.
Le respect que nous
devons à la religion et à ses ministres doit nous obliger à proscrire tout ce
qui pourrait tendre à ce qu'on en dise autant du clergé ; nous devons donc
prévenir qu'une pareille comparaison s'établisse ; rien n'est plus propre à
faire naître ces observations que ces éternelles demandes de subsides qui augmentent
tous les ans.
Je sais très bien
qu'il est difficile, comme nous l'a dit l'honorable M. Savart,| de déterminer
la limite où les augmentations de crédit doivent s'arrêter.
Nous avons déclaré
l'indépendance du clergé ; nous avons, d'autre part, décidé que les traitements
de ses membres seraient payés par le budget. Cependant je crois qu'on pourrait
arrêter certaines bases, que l'on pourrait décider qu'une commune, dans telle
situation, ne pourra avoir que tel nombre de ministres du culte. Mais aujourd'hui,
alors que nous sommes pour ainsi dire dans le vague, et que nous nous trouvons
en présence d'antécédents nombreux poses par la chambre, je pense que nous
devons voter la somme dont l'application est fixée dès aujourd'hui.
Je vous disais tout à
l'heure, messieurs, que ce ne sont pas les besoins des localités qui
déterminent l'augmentation du nombre des desservants et des vicaires, mais le
besoin de placer des prêtres. Je vous ferai encore remarquer que ce n'est pas
seulement pour les traitements des ministres du culte qu'il y a augmentation au
budget, mais aussi pour les pensions. On admet des ministres du culte à la
pension avec une légèreté inconcevable. Pourquoi agit-on ainsi ? Ce n'est pas
parce que les titulaires ne peuvent plus remplir leurs devoirs, mais c'est pour
faire place à d'autres. Il faut que les ministres du culte remplissent leurs
fonctions aussi longtemps que cela leur est possible. Il faut que nous
suivions, à leur égard, les mêmes règles qu'à l'égard des autres
fonctionnaires. Malheureusement c'est ce qui ne se fait (page 695) pas, et pourquoi ? Parce que dans certains évêchés le
nombre de jeunes prêtres excède les besoins et que, pour
les placer, on crée de nouvelles places, on met d'autres ministres du culte à
la retraite. Qu'on mette une bonne fois un terme à cet état de choses, qu'on
déclare au gouvernement que si tel et tel fait se renouvelle, on rejettera les
crédits demandés en conséquence de ces faits. Voilà, messieurs, ce qu'il faut
faire, et une fois que le gouvernement aura été mis ainsi en demeure, je serai
le premier à rejeter les sommes qu'il nous demandera contrairement à l'opinion
exprimée par la chambre.
Je dis donc, comme
l'honorable rapporteur de la section centrale, que je donnerai mon assentiment au
crédit demandé, non parce que je crois que ceux qui ont été nommés devaient
l'être, mais parce que le gouvernement n'ayant pas été mis en demeure, on ne
peut pas lui refuser les fonds nécessaires pour rétribuer ceux qui sont entrés
en fonctions. Si toutefois on proposait de retrancher les places non
desservies, j'y donnerai mon assentiment.
M. Delfosse. - Messieurs, il
faut pourvoir à tous les besoins du culte, la Constitution le veut ; et alors
même que la Constitution ne nous en ferait pas une loi, il faudrait encore y
pourvoir, car le culte est un des premiers besoins de la société. Mais est-ce à
dire que nous devions admettre sans examen toutes les dépenses qui nous sont
proposées ? Est-ce à dire que nous devions ratifier aveuglément toutes les
mesures que le gouvernement trouvera bon de prendre de concert avec les évêques
? Non, sans doute : nous avons le droit, et c'est même un devoir pour nous, de
contrôler sévèrement tous les actes qui entraînent des dépenses, et de n'en
tenir aucun compte lorsqu'ils ne nous paraissent pas conformes à l'intérêt du
pays.
S'il nous est
démontré que le gouvernement a créé, de concert avec les évêques, plus de
places de desservant ou de vicaire qu'il n'en fallait pour les vrais besoins du
culte, nous pouvons, nous devons même refuser les fonds. Je ne veux pas plus
que l'honorable M. Savart, que l'on dépossède violemment, brusquement, des
titulaires qui seraient en fonctions ; on peut fort bien attendre l'occasion
favorable de les placer ailleurs. Je ferai en outre remarquer à l'honorable
membre que la plupart des places pour lesquelles on nous demande des fonds sont
encore vacantes, M. le ministre de la justice nous l'a dit lui-même ; il s'agit
de 17 3 séminaristes à placer.
M. le ministre de la
justice a prétendu que si l'augmentation de 60,000 fr. était rejetée, il y
aurait beaucoup de communes qui n'auraient ni curé, ni desservant, ni
chapelain, ni vicaire. Je répondrai à M. le ministre de la justice que, si tel
doit être le résultat du rejet de l'augmentation, ce n'est pas qu'il y ait un
nombre suffisant de prêtres salariés par l'Etat, mais c'est que la répartition
en est défectueuse.
Nous voyons, en
effet, par les développements du budget, qu'il y a en tout 4,229 prêtres,
curés, desservants, chapelains ou vicaires salariés par l'Etat. Le nombre des
communes, y compris les villes, est de 2,520 et la population s'élève à
4,258,426 habitants ; c'est un peu moins de deux prêtres par commune, et à peu
près un prêtre par mille habitants ; si la répartition des membres du clergé se
faisait d'une manière convenable, chaque commune pourrait avoir un prêtre,
beaucoup de communes en auraient deux. Je reconnais que dans certains diocèses
le nombre des prêtres salariés par l'Etat peut être considéré comme
insuffisant, mais dans d'autres diocèses il y en a trop ; l'Eglise catholique
étant une, il n'y aurait, ce me semble, aucun inconvénient à faire passer
quelques prêtres d'un diocèse où il y en a trop à un diocèse où il n'y en
aurait pas assez.
Je n'avais pas
critiqué les créations de places de desservant ou de vicaire que M. le ministre
de la justice a effectuées depuis 18433 ; j'aurais cependant pu le faire. M. le
ministre de la justice s'est appuyé de l'avis des conseils communaux ; l'avis
des conseils communaux peut avoir une grande force lorsqu'il s'agit d'une
commune d'une certaine étendue ; mais lorsqu'il s'agit de très petites
communes, on peut être sûr d'avance qu'elles se montreront favorables à
l'érection de succursales ; c'est pour
elles un avantage qu'elles se garderont bien de refuser. L'intérêt des communes
peut ici être en opposition avec l'intérêt général, et le gouvernement ne doit
pas, dans ce cas, se laisser trop facilement aller à l’avis ou aux réclamations
des conseils communaux.
M. le ministre de la
justice paraît avoir pris pour base le chiffre de 1,200 habitants pour deux
prêtres. Quand une commune a 1,200 habitants, M. le ministre de la justice
consent à l'adjonction d'un vicaire au curé ou desservant.
C'est là une base que
je ne puis admettre ; elle pourrait avoir, si elle était généralement suivie,
des conséquences auxquelles M. le ministre de la justice n'a probablement pas
pensé ; au lieu de 4,229 prêtres salariés par l'Etat il en faudrait, à raison
de deux par 1,200 habitants, à peu près 7,100. Il en faudrait même davantage,
parce qu'il y a beaucoup de communes qui ont un desservant ou un chapelain,
bien que leur population soit au-dessous de 600 habitants ; il y en a qui n'ont
guère que 100 habitants, d'autres 200, d'autres 300, etc. ; il faudrait,
d'après le système de M. le ministre de la justice, combiné avec la population
d'un grand nombre de petites communes qui ont un prêtre, au moins 8,00 prêtres
au lieu de 4,220 ; le budget, au lieu d'être de 4 millions serait de 7 à 8 millions.
On voit que j'aurais
pu combattre avec succès les créations de places de desservant ou de vicaire
effectuées depuis 1843, quelques-unes d'entre elles reposant sur une base
excessivement vicieuse ; néanmoins, je ne l'ai pas fait. J'ai dit au contraire
à M. le ministre de la justice : J'admets l'utilité des places que vous avez
créées depuis 1843, mais vous devez reconnaître, de votre côté, qu'on en a
créé, en 1842, beaucoup d'inutiles ; eh bien, vous n'auriez dù consentir à
créer de nouvelles places qu'autant que les évêques auraient consenti à la
suppression de quelques-unes des places inutiles créées en 1842 ; si l'on était
outre dans cette voie, aucun titulaire en fonctions n'aurait été dépossédé,
quelques-uns seulement auraient dû changer de résidence ; on m'objecte qu'il ne
faut pas toucher aux faits accomplis, mais alors les abus seront perpétuels et
ils iront toujours croissant.
Je vais, messieurs,
vous citer quelques-unes des succursales qui ont été érigées en 1842 dans la
province de Liège ; vous verrez si l'on n'a pas été de beaucoup au-delà de ce
que les besoins du culte pouvaient exiger.
Succursales créées en
1842 :
Ramelot, 236
habitants, 501 hectares
Gleixhe, 171
habitants, 199 hectares
Magnée, 329
habitants, 241 hectares
Roloux, 248 habitants,
325 hectares
Villers-St-Siméon,
315 habitants, 358 hectares
Voroux-lez-Liers, 270
habitants, 288 hectares
Bra, 270 habitants
Chapon-Seraing, 362
habitants
Hoc Kai et Baronheid,
200 habitants
Neuville-sous-Huy,
163 habitants, 252 hectares
Soheit-Tinlot, 238
habitants
Francheville, 167
habitants
Terwangne, 276
habitants
Vierset-Barse, 158
habitants
Clouse, 270 habitants
Goffontaine, 172
habitants
Julemont, 275
habitants
Bettincourt, 295
habitants
Bléret, 220 habitants
Fize-le-Marsal, 271
habitants
Blehen, 329 habitants
Lens-sur-Geer, 246
habitants
Odeur, 308 habitants
Omal, 225 habitants
Overhespen, 271
habitants
Pellaines, 320
habitants
Poucet, 275 habitants
Trognée, 350
habitants
Wanghe, 169
habitants, 283 hectares
Wezeren, 135
habitants, 212 hectares
La commune de
Sprimont, qui compte 2,376 habitants et qui a une contenance de 4,444 hectares,
avait une cure primaire et deux succursales. Il semble que c'était bien assez
pour une commune rurale, de cette population. On lui a néanmoins donné, en 1842,
une troisième succursale.
La commune de
Battice, population 4,415 habitants, contenance 2,323 hectares, avait trois
succursales ; elle en a cinq depuis 1842.
Une voix. - Il faut tenir
compte de l'agglomération.
M. Delfosse. - Je demanderai à
l'honorable membre qui m'interrompt, pourquoi la commune de Lierneux, qui
compte plus de deux mille habitants fort disséminés, et qui a une contenance de
6,167 hectares, n'a que trois succursales, alors que la commune de Sprimont,
qui ne contient que 4,444 hectares, en a quatre.
Mais on peut faire
d'autres comparaisons que celle-là pour démontrer que l'on a, en érigeant de
nouvelles succursales, consulté tout autre chose que les intérêts du culte.
La commune de Seraing
à 5,141 habitants, c'est plus que la commune de Battice qui n'en compte que
4,445 ; elle contient 2,015 hectares, c'est un peu moins que la commune de
Battice qui en contient 2,325 ; on peut dire que ces deux communes doivent être
placées à peu près sur la même ligne ; si l’une a un peu plus en population,
l'autre a un peu plus en contenance, cela se compense. Eh bien, voyez la
bizarrerie ! Battice avait trois succursales, en 1842 on lui en a donné
deux de plus. Seraing n'avait et n'a encore aujourd'hui qu'une seule église.
Une voix. - Qu'est-ce que
cela prouve ?
M. Delfosse. - Cela prouve que
la répartition du clergé est extrêmement défectueuse ; cela prouve que si
quelques communes manquent de prêtres, c'est qu'il y en a trop dans d’autres ;
cela prouve en outre ce que je disais tantôt, que l'on a consulté, dans
l'érection des succursales, tout autre chose que l'intérêt du culte. (Interruption.)
Puisqu'on
m'interrompt, je dirai toute ma pensée. On vous a parlé dernièrement de l'amovibilité
des desservants, les desservants sont tout à fait sous la dépendance de
l'évêque ; il peut les briser, s'ils résistent à sa volonté. Mais il n'en est
pas de même des curés primaires ; ceux-ci sont inamovibles ; l'évêque ne peut
rien contre eux, lorsqu'ils refusent de se soumettre à ses désirs ; je me
trompe, l'évêque ne peut ni les révoquer ni les déplacer, mais il peut, s'il a
du crédit auprès du gouvernement, diminuer le nombre de leurs ouailles et par
suite réduire leur casuel ; il suffit pour cela d'ériger une succursale formée
en tout ou en partie aux dépens de la cure ; on voit que l'inamovibilité n'est
pas toujours un abri sûr contre le mécontentement de l'évêque. Le bruit a
circulé dans le temps qu'un curé primaire avait encouru ce mécontentement pour
avoir refusé de recevoir certains missionnaires que son supérieur lui avait
chaleureusement recommandés.
(page 696) Il y a, messieurs, dans le clergé des hommes fort
honorables qui sont dignes de tous nos respects ; mais il y en a aussi qui,
avec beaucoup de mérite d'ailleurs, ont des prétentions que notre devoir est de
combattre ; j'ai la conviction que le gouvernement ne met pas assez de fermeté
dans ses rapports avec le clergé, j'ai la conviction qu'il tolère, par
faiblesse, beaucoup d'abus.
L'honorable M. de
Theux nous a dit tantôt que l'augmentation de l'allocation destinée au culte
catholique provenait en grande partie de ce que les demandes de subsides pour
construction et réparation des édifices du culte s'étaient considérablement
accrues depuis quelques années.
Je voudrais bien que
l'honorable membre expliquât comment il se fait que ces demandes de subsides se
soient accrues ; il semble qu'elles auraient dû au contraire décroître, car on
a, depuis 1830, employé des sommes considérables à la construction et à la
restauration des édifices du culte ; la cause de cet accroissement n'a pas
jusqu'à présent été signalée ; je crois moi qu'elle réside dans la multiplicité
des collectes que le clergé fait dans toutes sortes de buts, par exemple pour
l'université catholique, pour des missions etc.
On sait qu'aux termes
du décret de 1809, le gouvernement ne doit intervenir dans les dépenses de
construction et de réparation des édifices du culte, qu'en cas d'insuffisance
des ressources de la fabrique. Aux termes du même décret, le produit des
collectes effectuées pour les frais du culte figure au nombre des revenus de la
fabrique. Plus le produit de ces collectes est abondant, moins l'intervention
du gouvernement est onéreuse.
Autrefois lorsqu'on
ne faisait de collectes que pour les pauvres et pour les frais du culte, elles
pouvaient former une branche de revenu assez importante ; mais aujourd'hui que
l'on fait toutes sortes de collectes, le produit de celles qui sont destinées à
couvrir les frais du culte a dû
décroître dans une très forte proportion, le clergé fait de vives instances
pour obtenir des dons en faveur de l'université catholique et d'autres
institutions auxquelles il s'intéresse beaucoup ; cela est naturel ; s'il
obtient peu pour les frais du culte, que lui importe ? L'Etat n'est-il pas là
pour couvrir l'insuffisance des ressources de la fabrique ? Mais si les
collectes destinées à l'université catholique ou à d'autres institutions
patronnées par le clergé étaient peu abondantes, le mal serait sans remède, ces
institutions ne pourraient se soutenir. Vous ne vous doutiez guère, messieurs,
qu'en votant un accroissement d'allocation pour la construction et la
réparation des édifices du culte, vous votiez indirectement des subsides pour
l'université catholique.
Il
y aurait, messieurs, bien des choses à dire au sujet des collectes nombreuses
qui se font dans le pays pour toutes sortes d'objets plus ou moins utiles. Il y
aurait aussi beaucoup à dire sur la résolution que le gouvernement paraît avoir
prise, de ne pas faire exécuter, à ce sujet, les lois ou arrêtés en vigueur ;
mais je ne veux pas entrer en ce moment dans l'examen de ces questions ardues ;
cela prendrait trop de temps et pourrait être considéré comme un hors-d’œuvre.
Je termine. La conviction que j'ai, que beaucoup d'abus existent, et que l'on
pourrait, à l'aide d'une meilleure répartition des membres du clergé salariés
par l'Etat, pourvoir aux besoins du culte sans accroissement de dépenses ;
cette conviction m'engagera à voter contre l'augmentation de 60,000 francs qui
nous est demandée ; je regrette que l'honorable M. Delehaye, qui vote
habituellement avec nous, ne soit pas cette fois de notre avis.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Delehaye vous a dit
qu'il serait préférable d'augmenter les traitements que le nombre des ministres
du culte. Il me semble que les explications que j'ai eu l'honneur de donner à
la chambre ont dû lui prouver que le gouvernement a suivi en grande partie
l'opinion de l'honorable M. Delehaye. En effet, j'ai dit à la chambre qu'en
général on substituait des succursales aux chapelles, avec l'intention de
pouvoir augmenter le traitement du ci-devant chapelain. Nous avons reconnu, et l'honorable
M. Delehaye est de cet avis, que le traitement de 500 francs, alloué aux
chapelains et aux vicaires, était insuffisant, et qu'il était convenable
d'augmenter ce traitement, lorsque la chose était possible.
Messieurs, je cesse
d'être d'accord avec l'honorable M. Delehaye, lorsqu'il pense que l'on ne crée
des places que pour donner des fonctions à des séminaristes sortant du
séminaire. C'est là une grande erreur ; les places n'ont nullement été créées
en vue des personnes : des places, depuis longtemps créées, ont dû, faute de
prêtres, rester sans titulaires. Ainsi, ce qui manque encore aujourd'hui, ce ne
sont pas les places pour les séminaristes sortant du séminaire, mais des
prêtres pour les places qui sont déjà créées. Voilà la vérité tout entière. (Interruption.)
Pour les places
créées en 1842, me dit-on ;... peu importe que des places aient été créées en
1842, 1843 et 1844 ; la seule chose à examiner, c'est de savoir si les places
sont oui ou non utiles ; il ne s'agit pas de savoir maintenant si l'on demande
des fonds au budget pour payer des titulaires déjà en exercice ; mais il s'agit
de savoir si les places qui ont été créées sont utiles et si nous aurons des
titulaires en nombre suffisant pour les remplir.
L'honorable M.
Delehaye désirerait qu'une loi fixât, en quelque sorte, d'une manière
invariable dans quelles circonstances et pour quelle étendue de terrain et pour
quelle population il serait loisible de nommer un vicaire, un chapelain, ou un
desservant ; je crois que cela est impossible ; cela dépend de mille faits
qu'on ne pourrait énumérer dans une loi. Une loi ne pourrait pas déterminer
d'une manière précise quand est nécessaire la nomination d'un ministre du culte
; il résulterait souvent de l'exécution littérale d'une pareille loi, que des
populations seraient privées d'un prêtre et d'une église, alors qu'il serait
nécessaire de leur en donner. Or, personne ne soutiendra que pour chaque
création particulière, il faudrait une loi spéciale.
L'honorable M.
Delehaye s'est plaint des pensions qui sont données aux ministres du culte ; il
a pensé qu'on ne mettait les anciens titulaires à la pension que pour faire
place à des titulaires nouveaux, qui, autrement, seraient restés sans emploi...
J'ai déjà répondu à cette objection, qui se réfute par ce fait, qu'il n'y a pas
de titulaires en nombre suffisant pour satisfaire à tous les besoins.
Du reste, l'honorable
membre peut être persuadé que la dernière loi de 1844, beaucoup plus sévère que
les anciens arrêtés, qui ne déterminent aucune condition pour la mise à la
retraite des ministres du culte, est fidèlement exécutée ; cette loi donne des
garanties de public ilé qui sont aussi ponctuellement observées pour les
ministres des cultes que pour les autres fonctionnaires.
L'honorable M. de La
Coste vous dit, messieurs, qu'il faut contrôler les actes de l'administration
et qu'il ne faut pas voter en aveugle l'augmentation qui est demandée. Je suis
tout à fait de l'avis de l'honorable 'membre ; et c'est pour empêcher la
chambre de voter en aveugle, c'est pour éveiller son attention sur tous les
détails du budget, que j'ai donné des explications étendues à la chambre et que
j'ai communiqué à la section centrale les documents déposés aujourd'hui sur le
bureau.
L'honorable M.
Delfosse trouve que la répartition des ministres du culte est mal faite ;
l'honorable membre pense que le nombre actuel est suffisant, et qu'il est
inutile de recourir à de nouveaux titulaires. Les circonscriptions
ecclésiastiques datent de longtemps en Belgique ; une première circonscription
a eu lieu en 1804 ; une autre a été faite en 1807 ; une troisième, si toutefois
on peut appliquer ce mot à l'arrêté du 11 juillet, a eu lieu en 1842, et enfin,
en 1845, on a créé 25 nouvelles succursales. Ainsi, messieurs, l'on ne peut pas
attribuer la répartition mauvaise, si tant est qu'elle mérite ce nom, aux actes
récents du gouvernement.
En 1842, il y a eu
des actes nombreux qui ont créé des succursales, cela est vrai ; mais je suis
convaincu qu'elles ont été créées par mon honorable prédécesseur, après avoir
observé les prescriptions de la loi pour s'assurer de leur utilité.
Je suis peu touché
des observations nouvelles de l’honorable M. Delfosse, sur l'inutilité des
succursales ; il s'est borné à nous lire les noms de quelques communes avec l'indication
de la population. On ne peut pas se borner à prendre la population pour base de
la nécessité de l'érection d'une succursale. Par exemple, une commune de 120 ou
200 habitants peut avoir un hameau excessivement éloigné du centre de la
commune ; ce hameau, quoique sur une étendue assez resserrée de territoire,
peut être séparé du centre de la commune par des chemins infranchissables en
hiver ; ne faut-il pas, par une succursale, satisfaire aux besoins du culte,
bien que les habitants ne soient qu'au nombre de 150 ou 200 ? Sans entrer dans
des détails sur lesquels je ne puis pas m'expliquer, il est impossible de dire
si les communes qu'on a citées sont de cette catégorie ; mais je ne puis douter
que ce n'est qu'en pleine connaissance de cause, après s'être assuré des
nécessités du culte, que mon honorable prédécesseur a présenté les arrêtés au
Roi.
Je dois le dire, dès
qu'il s'est agi de créer de nouvelles succursales ; je me suis adressé aux
évêques, à l'évêque de Liège comme aux autres, pour savoir si, parmi les
succursales existantes, il n'y en avait pas qui ne fussent plus nécessaires.
J'ai insisté pour
qu'on supprimât les succursales non pourvues de titulaires, et qu'on les
remplaçât par d'autres plus utiles. Mais la chambre comprendra que si des succursales,
dont l'utilité serait même contestable, sont pourvues de titulaires, si un
presbytère y est attaché, si les habitants se sont habitués à assister au
service divin dans l'église, à y pratiquer les actes du culte, ces habitants ne
peuvent pas être dépossédés de l'église qui leur a été donnée. Je fais à cet
égard une grande distinction : je conçois que le gouvernement revienne sur une
mesure qui n'a pas reçu d'exécution, s'il est reconnu que la succursale créée
n'est pas nécessaire, s'il n'y a pas d'église établie, si la commune n'a pas
acheté de presbytère, si un titulaire n'a pas pris possession de son emploi ;
alors on peut rapporter l'arrêté royal. Mais il ne saurait en être ainsi si la
commune s'est mise en mesure d'exécuter l'arrêté royal, si elle a acheté un
presbytère, et si l'évêque de son côté en a fait autant en nommant un titulaire
; il y a dans cette circonstance des droits acquis qu'on ne peut pas
méconnaître.
Les conseils
communaux ont été consultés avant de créer des succursales, des chapelles ou
des places de vicaire.
J'avoue que je ne
m'attendais pas à ce qu'a dit l'honorable M. Delfosse. Il nous a dit qu'il
avait grande confiance dans les conseils communaux : des grandes localités,
mais que les conseils communaux des petites localités ne lui en inspiraient pas
autant. Moi, je professe une confiance égale pour des conseils communaux des
petites comme des grandes localités ; mais je pense que si même le degré de
confiance était moindre pour les conseils des petites communes que pour ceux
des grandes, le gouvernement ne pouvait pas pour cela faire autrement que de
les consulter, car je ne sais pas de quelle manière il s'y prendrait pour
s'éclairer sur l'utilité des érections.
M. Delfosse. - Je ne blâme pas
le gouvernement de prendre ces avis, mais je le blâmerais s'il les regardait
comme décisifs, s'il y attachait trop d'importance.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Cela est vrai ; aussi n'ai-je pas considéré ces
avis comme décisifs. Mais on doit trouver que le gouvernement a agi de la
manière la plus convenable en s'entourant de toutes les lumières possibles, en
consultant, non seulement les conseils des petites communes, mais les évêques
et les gouverneurs.
Maintenant je reviens
à une objection de l'honorable M. Delfosse ; il m'a dit qu'il ne pouvait pas
admettre les proportions que j'avais fixées, en disant qu'il fallait toujours,
par 1,200 habitants, un desservant et un vicaire.
Je me suis
probablement mal expliqué, si l'honorable membre a compris ; ainsi ma pensée,
car je n'ai pas voulu dire qu'il fallût nécessairement deux prêtres par 1,200
habitants ; mais j'ai dit que, quand il n'y avait pas 1,200 (page 697) habitants, on ne nommait pas
un vicaire et un desservant. Voilà les proportions. Ce n’est pas dire que,
quand il y a 1,200 habitants, on nomme toujours un desservant et un vicaire,
mais j’ai dit qu’on n’a pas adjoint de vicaire ou desservant quand il n'y avait
pas 1,200 habitants.
Dans les provinces de
Liège et de Luxembourg, à cause de l'étendue du territoire des communes et des
courses très longues que doivent faire les desservants, cette proportion ne
peut pas être aussi généralement observée.
Je ne reviendrai pas
sur la question que nous avons traitée dans une séance précédente, de
l'amovibilité des desservants ; mais je ferai une simple observation, parce que
je ne puis pas admettre l'emploi des moyens adroits que l'honorable membre a
supposés à l'épiscopat pour créer des succursales. Je pense que quand les
évêques, pénétrés de l'importance de leur mission, déclarent que les
succursales sont nécessaires, ils le déclarent parce qu'ils sont persuadés de
la vérité de ce qu'ils avancent et nullement dans l'intention de vexer des
curés.
Un membre. - Ce sont des
menées politiques !
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je termine en répondant un mot à l'honorable
membre relativement aux subsides alloués pour l'entretien et la réparation des
édifices consacrés au culte. L'honorable membre dit que les subsides pour
réparations aux monuments consacrés au culte ont considérablement augmenté. Ces
subsides ne sont pas augmentés, du moins ils le sont très peu.
La chambre se
rappelle qu'il y a quelques années encore l'article quant au culte était global
et seulement divisé en littera ; 250 mille francs de l'allocation du littera
des traitements étaient employés à la réparation des édifices ; la chambre se
rappellera que c'est moi qui ai insisté pour que la division eût lieu par
articles, ce qui a nécessité une augmentation nominale de 94 mille francs.
Voilà
comment on est arrivé à avoir pour la réparation des édifices une somme plus
forte que les années précédentes ; jadis la somme allouée était complétée au
moyen des sommes restées disponibles par suite des vacances de places, ce qui
n'est plus possible maintenant. Si ce crédit avait été augmenté, il n'y aurait,
du reste, à cela rien d'étonnant ; on se rappelle dans quel état de délabrement
se trouvaient les monuments destinés au culte, avant 1830. La chambre sait tout
ce qu'on a fait pour arriver à la réparation de ces édifices, pour empêcher la
ruine de ces monuments qui sont une des gloires de la Belgique. On ne peut pas
reprocher au gouvernement de demander des sommes suffisantes pour satisfaire à
ces besoins qui se révèlent tous les jours et auxquels on doit pourvoir dans
l'intérêt des monuments et par conséquent dans l'intérêt de l'art et de la
gloire du pays.
L'honorable membre
attribue cette augmentation de subsides à la diminution des produits des
collectes ; on sait que ces collectes ont toujours rapporté très peu ; on sait
aussi qu'elles se font non seulement pour le culte mais pour les pauvres ; ces
collectes continuent à avoir lieu. Je ne pense pas que l'honorable membre les
critique ; je ne pense pas qu'on puisse attribuer à d'autres collectes la
diminution du revenu des fabriques.
M. Desmet. - J'ai demandé la
parole parce que c'est moi qui tout à l'heure ai interrompu l'honorable M.
Delehaye pour le prier de vous indiquer la population de la commune ou de la
paroisse où un vicaire aurait été placé contre le gré du curé.
On a critiqué le
nombre de titulaires qu'on nomme pour desservir les paroisses. Je viens de faire
le calcul que vous a présenté l'honorable M. Delfosse et je trouve qu'en
Belgique, il n'y a qu'un seul ecclésiastique par 850 habitants. C est bien peu
pour desservir une paroisse. On a aussi critiqué l'élévation du traitement des
desservants, des vicaires, des coadjuteurs.
J'ai fait le même
calcul pour les traitements, et je trouve que, terme moyen, en Belgique, les
ministres du culte reçoivent 600 francs. Un curé de deuxième classe n'a pas
autant qu'un de vos huissiers ; un desservant n'a pas le traitement d'un de vos
messagers ; les chapelains n'en n'ont que les quatre cinquièmes et les vicaires
n'en ont pas la moitié ; ils ont le traitement du boutefeu de la chambre.
On parle du casuel ;
mais si les ministres du culte n'avaient pas quelque casuel, pourraient-ils
vivre avec un traitement si minime ?
Les curés n'ont pas
seulement à pourvoir à leur existence, mais ils doivent encore assister les
pauvres. Dans nos campagnes, où il y a beaucoup de malheureux, quand les
pauvres frappent aux portes des habitants, des bourgmestres, des notaires. ou à
celles des châteaux, là on n'est pas obligé de donner ; mais quand le pauvre
tire à la sonnette du presbytère, il faut que le curé donne ; il n'est pas dans
son pouvoir de refuser ; aussi peu aisé qu'il soit, il faut qu'il réponde aux
exigences du mendiant... Dans ce moment, dans nos communes des Flandres qui
sont si malheureuses, ce sont les curés qui viennent au secours des pauvres qui
sans eux mourraient de faim.
Je voudrais qu'on se
reportât à l'époque où l'on a dépouillé les catholiques des biens qu'ils
avaient pour entretenir leur culte, au profit de l'Etat. On doit se rappeler
que quand cette dépouille a eu lieu par l'assemblée constituante, une espèce de
contrat a été passé, d'après lequel chaque desservant aurait 1,200 livres de
traitement et une habitation convenable. On ne tient pas compte de cette
obligation que l'Etat a contractée. Cependant si à nous catholiques on n'avait
pas enlevé nos propriétés, nous ne devrions pas, pour ainsi dire, tomber à genoux
pour obtenir un modique traitement pour nos ministres. Ransonnet, quoique
protestant, a voté alors pour le traitement que la loi assurait aux ministres
du culte catholique, à ces curés qui ont tant de charges.
On a fait une
critique basée sur ce que l'on mettrait à la pension des curés, des prêtres,
avant l'âge déterminé par la loi, et alors qu'ils peuvent encore continuer
leurs fonctions. Je crois pouvoir répondre à cette allégation qu'elle n'est pas
exacte. On ne met à la pension que les prêtres devenus incapables par leur âge
ou par leurs infirmités de remplir les fonctions du saint ministère. Nos
prêtres sont bien trop consciencieux pour se démettre de leurs fonctions, quand
ils sont encore en état de les desservir.
Il est difficile
d'ajouter quelque chose à ce qu'a dit l'honorable ministre de la justice ; il a
répondu sur tous les points, il n'en laisse passer aucun et répond à tous
victorieusement. C'est un compliment que l'on doit adresser au ministre.
Je
n'ai qu'une observation à faire en réponse à l'honorable M. Delehaye, qui
voudrait que l'on établît des règles fixes relativement au nombre des curés et
desservants. Remarquez que ce nombre doit être fixé d'après la population ; or,
dans notre pays, la population augmente tellement qu'il est impossible de poser
des règles fixes. Je mets en fait que la population augmente de 35,000
habitants par année. Comme le personnel du clergé doit être en rapport avec les
besoins de la population, il faut bien, quand la population augmente, que ce
personnel soit augmenté en proportion.
Je pense au moins que
l'on ne voudrait pas qu'en Belgique la religion catholique n'eût pas des
ministres en nombre suffisant pour qu'elle fût bien desservie.
M. de Garcia. - La théorie émise par
l'honorable M. Delfosse est parfaitement juste en principe ; il considère le
culte comme un des premiers besoins de la société, comme un des liens sociaux
les plus puissants, les plus efficaces. La plupart, je pourrais dire tous les
membres de cette assemblée, partagent cette opinion ; tous veulent que le
service des cultes soit assuré, soit convenablement rétribué. D'accord sur la
question de principe, le seul point qui puisse donner lieu à une controverse,
ne peut être qu'une question de fait, qui doit se réduire au fait suivant : le
gouvernement, dans la création des succursales et des vicariats, a-t-il fait
abus ? Voilà la seule et véritable question que nous ayons à examiner.
L'honorable M. Delfosse
pense qu'il y a abus ; si je partage son opinion en principe, je ne la partage
pas en fait. Pour attaquer la création des succursales et des vicariats, pour
attaquer les actes du gouvernement pris de concert avec l'autorité
ecclésiastique, et avec l'avis des autorités communales, on est parti
exclusivement de deux points. On a supposé que la population et l'étendue
territoriale devaient seules déterminer la nécessité d'une succursale ou d'un
vicariat. Cette supposition est erronée. S'il est vrai de dire que ces
circonstances doivent être prises en considération, il n'est pas vrai de dire
qu'elles soient les seules qui doivent diriger le gouvernement dans la création
de succursales ou de vicariats ; il faut le reconnaître, messieurs, et je m'en
félicite, pour la plupart de nos populations, pour les hommes religieux, le
culte est un besoin je dirai presque aussi impérieux que celui de la
nourriture. Ce besoin est surtout celui des populations de nos campagnes,
souvent éloignées de l'église paroissiale. Un honorable préopinant, il est
vrai, a dit que le gouvernement devait faire peu de cas des avis des conseils
communaux des campagnes, des petites localités. Selon moi, ce sont surtout ces
localités qui sont dignes de la sollicitude du gouvernement, c'est surtout pour
elles que sont nécessaires les mesures qu'on critique.
A mes yeux, une
localité quelque petite qu'elle soit, a le droit de faire entendre sa voix et
ses vœux, a le droit d'obtenir justice. Il faut être juste pour tous, voilà le
vrai libéralisme.
Vouloir subordonner
la création des succursales et des vicariats à la question du chiffre de la
population et de la contenance territoriale est une erreur qui n'est
pardonnable qu'aux personnes qui ne connaissent pas les besoins accidentels du
pays.
Habitant de la
province de Namur, je pourrais citer différentes localités tellement éloignées
du centre de la paroisse que, sans la création des succursales qui ont été
érigées, et sans l'érection de celles qui sont encore postulées, il serait
impossible, dans certaines circonstances, de satisfaire à leurs devoirs
religieux. Ces besoins sont impérieux, sont légaux et ne peuvent être perdus de
vue. Ces droits tiennent à d'autres intérêts. Si vous les négligez, un chef de
maison, une mère de famille, pour satisfaire à ses croyances religieuses, se
trouvent dans la nécessité de laisser à l'abandon leur ménage, et souvent ce
qu'ils ont de plus cher, des enfants en bas âge.
Pour prouver que la
population et le territoire ne sont pas les seules circonstances qu'on doive
prendre en considération pour établir des succursales, qu'il me soit permis de
citer un exemple qui fera toucher du doigt la fausseté de cette prétention. De
la paroisse de Hotton, dans la province de Luxembourg, dépend un hameau qui est
séparé par la rivière de l'Ourthe. Or en hiver et dans la crue des eaux,
impossible aux habitants de ce hameau de se rendre au service religieux. Je
pourrais citer nombre de cas semblables. Incontestablement ces circonstances
militent victorieusement pour la création de succursales.
Dans ma manière de
voir, le gouvernement ne peut les perdre de vue ; lorsqu'il s'agit de petites
localités ou de grandes localités, de populations nombreuses ou peu nombreuses,
il doit faire justice à tous et sous tous les rapports.
D'un autre côté, je
ne partage pas l'opinion de certains membres qui ont prétendu que la loi
faisait un devoir de voter les dépenses qu'entraîne la création des succursales
et des vicariats
Je pense que, s'il y
avait abus, nous devrions refuser le subside ; mais il faudrait que l'abus fût
établi, et s'il en était ainsi je n'hésite pas à déclarer que je refuserais le
subside dans la proportion de l'abus.
Il me reste un mot à
dire sur les accusations dirigées contre les collectes. On a prétendu que
certains collectes étaient la cause des dépenses considérables qui incombaient
à l'Etat du chef des réparations aux églises.
Je ne puis concevoir
ni le fondement, ni la justesse de l'objection. Les actes de bienfaisance que
pose tout citoyen sont de libre arbitre et de (page 698) droit naturel. Tous nous avons le droit de placer nos
bienfaits où nous voulons.
Pour mon compte, je
vous déclarerai que je n'ai jamais versé un centime dans les collectes faites
soit pour l'université catholique, soit pour l'université libre. Je respecte
pourtant ces deux grandes institutions qui reposent sur des principes
constitutionnels et sacrés.
Je
ne respecte pas moins les intentions des personnes qui souscrivent à des
collectes faites en faveur de ces établissements ou qui leur accordent des bienfaits.
Chacun a le droit de disposer de sa fortune comme il juge convenir.
Usant
de ce droit, je n'ai participé généralement aux souscriptions et aux collectes
que pour autant qu'elles concernassent les pauvres, les écoles communales et
les presbytères. Je ne reconnais à personne le droit de critiquer ma conduite,
ni la direction des bienfaits que peut poser un citoyen ; et l'usage que chacun
fait de sa fortune doit être à l'abri de tous reproches et de toute accusation
malveillante.
M. Delfosse. - A entendre
l'honorable M. de Garcia, il semblerait que je veuille interdire aux petites
communes de faire entendre leur voix, qu'il ne devrait pas leur être rendu
justice. Je n'ai rien dit de semblable. J'ai dit que quand il s'agirait
d'établir des succursales, les petites communes en demanderaient presque
toujours, et que le gouvernement ne devait pas accueillir ces demandes sans
examen.
M. de Villegas.
- Je n'entrerai pas dans le fond de la question. Je crois que toutes les
opinions sont faites sur l'augmentation du crédit demandé pour le culte
catholique. Je n'ai demandé la parole que pour relever une erreur de fait
échappée à M. le ministre de la justice. Les nominations aux places de vicaires
n'ont pas lieu, dit-il, dans les communes d'une population au-dessous de 1,200
habitants. M. le ministre se trompe évidemment. Je pourrais lui citer des
exemples d'une application contraire. Il existe, entre autres, dans
l'arrondissement d'Audenarde une commune d'une population de 296 habitants et
d'une superficie de 108 hectares. Cette commune a un curé et un vicaire. Ce
dernier a été nommé en 1843, si je ne me trompe.
J'ai encore un mot à
ajouter.
Pas plus que
l'honorable rapporteur du budget de la justice, je n'entends être lié par le
vote que j'ai émis dans le sein de la section centrale. Nous sommes ici pour
nous éclairer mutuellement, et si la discussion me démontre qu'il y a des abus
à extirper, je n'hésiterai pas un instant à modifier mon opinion première. Je
ferai remarquer que les dossiers qui nous ont été communiqués étaient
extrêmement volumineux, et que, pour ce motif, la section centrale ne les a pas
examinés très minutieusement. Tous les membres qui composaient cette section
ont entendu conserver la liberté de leur vote dans la discussion publique.
Au
surplus, j'ai des raisons de croire que les états nominatifs déposés sur le
bureau ne sont pas tenus au courant. Si je suis bien informé, des créations de
vicariats non désignés dans ces documents, ont eu lieu au commencement de cette
année dans la Flandre orientale. Je ne veux pas critiquer ces nominations,
j'aime à croire au contraire qu'elles ont été faites dans l'intérêt du culte.
Mais je demanderai à M. le ministre s'il n'a pas ainsi anticipé sur les fonds
du budget de 1846 ?
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - L'honorable M. de Villegas dit qu'une erreur m'est
échappé, lorsque j'ai déclaré que je n'accueillais les demandes de création de
vicariats que pour les succursales comprenant au moins 1,200 habitants. Je
répète que c'est la règle générale. Qu'il y ait une exception, cela est
possible ; mais je ne pense pas que le cas auquel l'honorable M. de Villegas a
fait allusion soit récent.
M. de Villegas.
- II est postérieur à 1843.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je crois difficilement qu'il existe une commune de
286 habitants où un vicaire ait été nommé. Je suis loin pourtant de dire que
l'allégation soit inexacte. C'est possible. Il peut arriver que, dans certaines
localités, il soit nécessaire de se départir de la règle générale. L'honorable
membre sait aussi bien que moi qu'il n'y a pas de règle sans exception. De ce
que dans des circonstances données, à cause de motifs particuliers, on a élé
obligé de se départir de la règle générale, ce n'est pas un motif pour conclure
que j'aurais dit une inexactitude en parlant de cette règle générale.
Au reste j'ai admis
ce principe parce qu'il m'a paru raisonnable. Mais je n'ai pas dit que ce fût
pour moi une loi absolue, une règle infranchissable. Il est évident que les
besoins des populations catholiques doivent prévaloir sur ce principe.
Je dois dire un mot
encore en réponse à l'honorable M. de Villegas, qui a rappelé une observation
de M. Savart à laquelle je n'avais pas répondu.
A la section
centrale, on m'a demandé tous les renseignements possibles. De quoi se
plaint-on ? De ce qu'ils sont trop volumineux, de ce qu'on n'a pas pris la
peine de les examiner.
Est-ce ma faute si
l'on n'a pas examiné les pièces que j'ai fournies ? Si on les avait examinées,
la discussion qui est ouverte maintenant n'aurait peut-être pas eu lieu, parce
qu'on se serait assuré de la vérité des faits sur lesquels je m'étais basé.
M. Savart-Martel., rapporteur. - J'ai
examiné les pièces.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - On a prétendu que
les registres ne sont pas au courant Je n'ai pas vérifié si des nominations
faites très récemment n'y sont pas mentionnées. Mais en général les registres
sont au courant ; la chambre peut s'assurer que ces registres sont très bien
tenus.
L'honorable M. de
Villegas demande s'il n'a pas été fait de nominations cette année ; les
nominations ont eu lieu, je pense le 31 décembre 1845, il sera facile de s'en
assurer en consultant le Moniteur, où toutes ces nominations sont insérées. Par
ces nominations, je n'ai pas anticipé sur le budget. J'ai posé un fait qu'il
m'était loisible de poser aux termes des lois existantes, et que rendaient
nécessaire les besoins du culte. Cette création n'oblige en aucune façon la
chambre à voter des fonds, la législature n'est pas engagée par ces créations,
mais si elle refuse les fonds, les créations resteront sans être pourvues de
titulaires, et il ne sera pas satisfait aux besoins du culte.
M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable
M. Desmet a révoqué en doute l'assertion que j'avais émise que l'on avait voulu
imposer un vicaire à un curé. Je n'ai qu'un seul mot à lui répondre : c'est que
je suis prêt à indiquer la commune dont j'ai voulu parler. L'honorable membre
pourra vérifier le fait ; il trouvera parmi ses collègues des témoins qu'il ne
récusera point.
Messieurs, on vous a
dit que le clergé n'était pas suffisamment rétribué ; je suis aussi de cet avis
; je crois que les vicaires surtout n'ont pas un traitement en rapport avec les
services qu'ils rendent. Mais parviendrons-nous à élever ces traitements si,
sans besoin, on augmente sans cesse le nombre des ministres du culte ? Ne
faudrait-il pas plutôt, pour atteindre le but que l'on se propose, diminuer ce
nombre ? Ce n'est, en effet, que de cette manière que vous parviendrez à faire
des économies qui vous permettront de faire une position plus favorable au
clergé.
Messieurs, un de mes
honorables amis a émis le regret que je ne puisse voter avec lui sur l'article
en discussion. Je dirai à mon tour que je regrette que l'honorable M. Delfosse
ne partage pas ma manière de voir. Mais je le déclare, si cet honorable membre
veut faire la proposition de retrancher du chiffre demandé la somme destinée à
payer les traitements des membres du culte qui ne sont pas encore placés, je
l'appuierai d'autant plus volontiers que cette fois nous pourrons encore
émettre le même vote.
M. Delfosse. - Pourquoi ne
faites-vous pas cette proposition ?
M.
Delehaye. - Si l'honorable membre ne croit pas devoir la
faire, je la présenterai moi-même. Je demanderai que l'on retranche du crédit
demandé la somme destinée à payer des ministres du culte non encore nommés.
Je crois, messieurs,
que nous devons en venir à cette mesure si nous voulons arrêter le gouvernement
dans sa manière d'agir. Je ne comprends pas pourquoi, à l'appui de chaque
demande de crédit, on n'indique pas les communes pour lesquelles le traitement
d'un vicaire ou d'un desservant est demandé. Si nous connaissions ces communes,
nous pourrions décider en connaissance de cause. Mais il n'en est rien. On nous
demande une somme in globo, et nous ne savons pas la destination que l'on veut
lui donner.
Je suis persuadé que
si ces renseignements nous étaient fournis, des discussions pareilles à
celle-ci n'auraient pas lieu.
M. Dumortier. - Messieurs, cette
discussion a déjà duré assez longtemps. Aussi me bornerai-je à faire une simple
observation. On a cité beaucoup de faits ; je crois pouvoir y répondre par deux
mots.
Messieurs, je ne sais
comment les choses se passent dans les antres provinces ; mais il est certain
que dans celle que j'habite, il n'y a point eu cette augmentation considérable
de desservants dont on vous a parlé. Je sais qu'aujourd'hui encore il y a dans
le diocèse de Tournay 60 à 70 prêtres de moins qu'à l'époque du concordat.
Aussi, messieurs, je vous dirai que le doyen d'une des principales paroisses de
Tournay, de la paroisse de Notre-Dame, est aujourd'hui sans vicaire
intra-muros.
Cependant on nous dit
que dans d'autres localités il y a beaucoup trop de prêtres. Je ne sais si le
fait est exact, mais s'il l'était, je demanderais à M. le ministre de la
justice que l’on voulût établir une plus juste répartition.
Je sais aussi,
messieurs, que plusieurs communes de 15 à 1,800 habitants sont sans vicaires,
que dans d'autres communes il n'y a que des prêtres octogénaires qui ne peuvent
plus remplir leurs fonctions. Je citerai une commune habitée par un de nos
honorables collègues, par l'honorable M. Castiau, qui compte 8 à 10 mille
habitants, et où il n'y a pour la population agglomérée qu'une seule paroisse.
M. Castiau. - Il y en a deux.
M. Dumortier. - Je parle de la
population agglomérée. La seconde paroisse se compose d'un hameau très éloigné.
Je dis donc que loin
d'avoir exubérance, il y a dans le Hainaut véritable pénurie de prêtres. Si des
abus ont été commis, je demande qu'on les rectifie et que l'on fasse servir les
crédits qui pourraient rester disponibles à établir des ministres du culte dans
certaines localités qui eu ont un véritable besoin !
L'honorable
M. Delfosse nous a parlé des collectes. Il a dit que les collectes que l'on
fait pour l'université catholique tendaient à diminuer le produit de celles que
l'on fait pour la réparation des édifices du culte. Je ferai remarquer à notre
honorable collègue que les collectes qui se font, dans les églises ne sont pas
destinées aux grosses réparations des édifices du culte, mais bien à couvrir
les besoins pour le service du culte, et que très souvent les services du culte
ne sont pas remplis, parce que le produit des collectes est insuffisant.
M. le président. - Voici un
amendement présenté par M. Delehaye : « Le traitement destiné à salarier
les membres du culte sera retranché du budget. »
M.
Delehaye. - Messieurs, vous comprenez que ma proposition ne
tend pas à repousser toutes les demandes qui pourraient être faites d'établir
de nouveaux vicaires ou de nouvelles succursales. L'honorable M. Dumortier
vient de nous dire que dans sa province il y avait des localités où le besoin
d'une augmentation de personnel se faisait sentir. Ma proposition n'a pas pour
but de rendre impossible cette augmentation. Mais je veux qu'à l'établissement
de chaque nouvelle succursale ou de chaque nouveau (page 699) vicariat, le gouvernement soit obligé de venir nous
demander la somme nécessaire, et qu'ainsi nous puissions nous prononcer en
connaissance de cause ; c'est alors que nous nous prononcerons sur le mérite de
la demande. Aujourd'hui, quaudil s'agit d'ériger une nouvelle commune, de
statuer sur la séparation de communes, nous y intervenons ; pourquoi n'en
serait-il pas de même quand il s'agit de nommer de nouveaux desservants ou de
nouveaux vicaires ? Dans l'un comme dans l'autre cas, nous devons nous assurer
des besoins des localités mises en cause.
M. de Theux. - Messieurs, je
viens combattre la proposition que vous est faite par l'honorable M. Delehaye.
J'ai dit, à
l'ouverture de la séance, que les emplois ecclésiastiques devaient être pourvus
aussi bien que les emplois civils. La Constitution et la justice nous en font
une loi pour les uns aussi bien que pour les autres.
Ainsi, messieurs,
nous ne pouvons pas ici établir une distinction entre les emplois civils et les
emplois ecclésiastiques. Du moment que les uns et les autres sont reconnus
nécessaires, il faut y pourvoir et porter la dépense au budget.... Je crois que
ce principe ne sera contesté par personne.
L'honorable M.
Delehaye retranche du budget, sans examen, tous les postes ecclésiastiques qui
ne sont pas actuellement pourvus de titulaires, Je dis que c'est là une règle
arbitraire et injuste.
Elle est arbitraire.
En effet, d'où résulte-t-il que les places qui sont actuellement dépourvues de
titulaires ne doivent pas en être pourvues ultérieurement ? La nécessité de ces
places a été constatée contradictoirement par le gouvernement, par les
autorités provinciales et communales avec les autorités ecclésiastiques. Dès
lors il y a justice d'y pourvoir.
On nous dit que ces
emplois ont été créés pour placer des jeunes prêtres qui sortent du séminaire.
Mais, messieurs, la vacance seule de ces emplois prouve la futilité de cette
assertion. S'il y avait eu un nombre de prêtres suffisant pour pourvoir à tous
ces emplois, ils ne seraient pas restés vacants. Messieurs, les prêtres qui
existent sont pourvus d'offices, et du moment que les évêques pourront donner
des prêtres aux emplois qui sont actuellement vacants, il faut nécessairement
que ces emplois soient rétribués sur le budget.
Veuillez remarquer,
messieurs, que la proposition de l'honorable M. Delehaye a encore un caractère
d'injustice tout particulier. Cette proposition frapperait surtout les
localités les plus dénuées de ressources.
M. Delehaye. - Pas du tout. On
peut faire des demandes.
M. de Theux. - Messieurs, c'est
là un précédent tout à fait nouveau. L'honorable M. Delehaye veut qu'on fasse
de la création de chaque chapelle ou de chaque succursale l'objet d'une demande
spéciale et d'une discussion spéciale.
Messieurs, la
question a été soumise à la chambre, à l'occasion du budget. On a pu s'éclairer
de tous les renseignements. L'honorable M. Delehaye lui-même, comme membre de
la section centrale, a été à même de prendre connaissance de ces
renseignements, et j'ai lieu de m'étonner qu'il ait pris sur lui de faire la
proposition dont je m'occupe, et qu'il ait ainsi, en quelque sorte, accusé sa
négligence dans l'examen du budget en section centrale. J'ai trop bonne opinion
de l’honorable membre, pour croire qu'il aurait adopté le crédit demandé, s'il
avait eu des doutes sérieux sur sa nécessité.
M. Delehaye. - La discussion est
faite pour nous éclairer.
M. de Theux. - Je disais,
messieurs, que c'est surtout dans les localités pauvres qu'il faut que les
budgets viennent au secours des populations, et c'est aussi ce qui existe.
Ainsi, les provinces les plus favorisées en raison de la population, à l'égard
des emplois ecclésiastiques, sont les provinces de Namur, de Limbourg et de
Luxembourg. Pourquoi, messieurs ? Parce que dans ces provinces il existe des
populations extrêmement disséminées, à la charge desquelles il était impossible
de laisser les frais du culte.
L'honorable M.
Delfosse a cherché tantôt à jeter quelque incertitude dans les écrits en
énumérant les paroisses qui ont été récemment créées et qui ont remplacé
d'anciennes chapelles. Il vous a cité quelques paroisses dont la population est
faible. Mais, messieurs, le chiffre de la population ne doit pas être seule
pris en considération. Je dirai à l'honorable membre que de tout temps, et à
cet égard j'ai vérifié d'anciens annuaires, il a existé des paroisses dont la
population était très faible. Mais je demanderai à l'honorable membre pourquoi
ces populations sont érigées en communes spéciales malgré leur petit nombre ;
c'est qu'il y a eu des raisons particulières. Il faut considérer que
précisément parce qu'une localité est distante d'une église paroissiale, et
quelle est peu populeuse, il y a lieu par ce motif a lui accorder un desservant
au lieu d'un chapelain.
En effet, messieurs,
si une population de 2 ou 300 habitants, qui doit exercer son culte à la
chapelle, parce qu'elle est trop distante de l'ancienne paroisse, devait
suppléer au traitement du chapelain, ce serait là une charge extrêmement
onéreuse pour cette population. Je dirai même qu'il est d'une bonne politique,
au point de vue des progrès de l'agriculture, de disséminer un peu les
populations agricoles, et à ce point de vue, je crois qu'on a fait une chose
très utile, notamment dans le Limbourg, dans le Luxembourg et dans la province
de Namur, en érigeant un grand nombre de chapelles en succursales et en
diminuant ainsi les charges de localités très pauvres.
Comment, messieurs,
ces populations se sont-elles établies ? On a d'abord choisi les meilleurs
endroits pour la culture et la la population s'est agglomérée ; plus tard, la
population s'est augmentée et s'est étendue jusqu'aux extrémités de la commune
; de nouvelles agglomérations se sont ainsi formées et les habitants ont
construit des chapelles à leurs frais. Pendant très longtemps, ces habitants
ont supporté les frais du culte, mais aujourd'hui que, par suite de l'existence
du système représentatif, on en est revenu à des idées plus justes, on vient de
faire droit aux réclamations de ces populations. Ce que l'on fait pour le
culte, on le fait aussi pour l'instruction primaire, et c'est ainsi que dans
une foule de hameaux il existe des écoles.
L'honorable M. de
Villegas a dit qu'il était à sa connaissance que telle paroisse, dont la
population était inférieure à 1,200 habitants, avait un vicaire ; eh bien,
messieurs, il est une foule de circonstances où cela est de toute nécessité.
Je connais une
commune dont la population n'excédait pas mille habitants et qui, de temps
immémorial, a possédé un vicaire et un chapelain ; aujourd'hui la population
dépasse 1,200 habitants. Mais, dans quelles circonstances se trouvait cette paroisse
? Il existait un hameau à l'extrémité de la commune dont l'étendue était très
grande et la chapelle de ce hameau servait en outre aux habitants des hameaux
circonvoisins appartenant à d'autres villages du centre desquels ils étaient
très éloignés. Il est donc impossible d'établir à cet égard des règles
générales ; il faut dans chaque cas examiner toutes les circonstances qui se
rattachent à ce cas particulier.
Ceci me conduit à une
nouvelle appréciation de la proposition de l'honorable M. Delehaye. Je me
demande si ce sera la chambre qui pourra faire l'appréciation de toutes les
circonstances qui justifient l'établissement d'un ministre du culte dans telle
ou telle localité ? Je pourrais dire, à un certain point de vue, que ce serait
introduire l'administration au sein de la chambre…
M. Delfosse. - Cela se fait en
France.
M. de Theux. - Je suis bien
persuadé qu'en France on ne discute pas de semblables questions aussi
minutieusement qu'on le fait ici, et la raison en est fort simple, c'est que
dans une chambre aussi nombreuse on ne s'occuperait jamais des affaires
générales du pays si l'on devait s'occuper de détails aussi minces. Il n'y a
peut-être pas de pays où la chambre s'occupe autant qu'ici de détails
administratifs. C'est là un abus, c'est une chose qui se fait au grand
détriment des intérêts de l'Etat. Si la chambre était plus exclusivement
occupée des intérêts généraux de l'Etat, et si elle discutait moins sur des
détails d'administration, le pays s'en trouverait infiniment mieux ; ce ne
serait point par quelques mille francs d'économie que l'on procéderait, mais ce
serait par millions d'avantages dans l'intérêt général.
Voilà,
messieurs, ma manière de voir ; je n'en ai jamais dévié, et je m'y confirme de
jour en jour davantage, parce que nous nous trouvons dans l'impossibilité de
discuter des projets d'une haute importance. On me dira peut-être que je fais
la critique de la marche de la chambre ; mais chaque membre de la chambre a le
droit de faire des observations sur la marche suivie par l'assemblée parce que
chaque membre partage la responsabilité de cette marche. Quant à moi je suis
charmé d'avoir cette occasion de déclarer que je n'entends en aucune manière
prendre ma part de la responsabilité qui peut peser sur la chambre du chef des
discussions auxquelles on se livre.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je n'ajouterai que peu de mots aux observations de
l'honorable M. de Theux. Le discours si complet qu'il vient de prononcer, me
dispense d'entrer dans de longs détails. Je ne citerai que quelques chiffres.
D'après les états qui
m'ont été fournis par les évêques, il y aura, cette année, 133 nouveaux prêtres
consacrés. Il y a, d'un autre côté, dès maintenant, 347 places disponibles. Eh
bien, messieurs, si, adoptant l'amendement de l'honorable M. Delehaye, vous
retranchez du budget les fonds nécessaires pour rétribuer les titulaires des
places non desservies en ce moment, il en résultera que ces 133 prêtres qui
pourraient être placés cette année ne pourront pas l'être, et que 133 places
reconnues nécessaires ne pourront pas être remplies.
M. Delehaye. - Vous demanderez
des crédits spéciaux.
MjdA - Je ne sais pas
pourquoi l'on viendrait rouvrir cette discussion. Vous avez les tableaux sous
les yeux. J'ai remis à la section centrale les tableaux détaillés des
succursales qu'il est nécessaire de pourvoir de desservants ; en regard se
trouve la population et l'étendue de la commune ; vous pouvez donc en examinant
ces pièces reconnaître l'utilité ou l'inutilité de ces créations. (Interruption.) Cela est très exact, et
je dirai de plus, qu'aux termes de la loi de l'an X, c'est le gouvernement qui crée
les succursales, et il n'existe aucune loi qui lui impose l'obligation de
présenter une loi spéciale pour chacune de ces créations.
M. Delfosse. - La chambre peut
mettre une condition à son vote.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - La chambre peut refuser le subside, mais elle ne
peut pas exiger qu'on fasse une loi spéciale pour chaque succursale à établir.
En résumé, messieurs,
on demande l’ajournement, et l'ajournement est inutile puisque toutes les
pièces sont produites, et qu'ainsi vous êtes à même de décider la question.
- La clôture est
demandée.
M.
Rogier.
- Je voudrais dire quelques mots pour motiver mon vote.
M. Devaux. - On permet
ordinairement de répondre aux ministres.
La clôture est mise
aux voix ; l'épreuve est douteuse ; en conséquence la discussion continue.
M. de Haerne. - Messieurs, après
tout ce qui a été dit dans cette discussion, il ne me reste que quelques
observations à présenter. Je pense, comme plusieurs honorables préopinants, que
ce serait entrer trop avant dans les détails administratifs, que d'admettre la
proposition de l'honorable M. Delehaye. Si l'honorable membre venait dire que
parmi les places créées (page 700)
et non encore desservies, telles et telles sont inutiles, je concevrais sa
proposition ; mais vouloir discuter séparément chaque création de places, cela
me paraît tout à fait impossible. Si l'on admettait cette marche, il faudrait
d'ailleurs l'étendre à toutes les branches de l'administration ; il faudrait
discuter séparément chaque fonction à instituer ; car nous avons le contrôle
sur tous les actes du gouvernement, puisque nous sommes appelés à voter les
dépenses que ces actes doivent entraîner. Evidemment un pareil système nous
engagerait dans des discussions interminables, dont le moindre inconvénient
serait d'augmenter inutilement les dépenses de l'Etat, à cause du temps que
nous consacrerions à des discussions parfaitement inutiles.
J'ajouterai un seul
mot pour répondre à la pensée principale de l'honorable M. Delehaye.
L'honorable membre pense qu'il y a beaucoup trop de sujets dans les séminaires
et que c'est en quelque sorte pour placer ces sujets que l'on demande la
création de nouvelles places. L'honorable M. Dumortier a déjà fait remarquer
qu'il y a, au contraire, des diocèses où il n'y a pas assez de sujets, et je
suis de son avis ; cependant je dirai à l'honorable M. Delehaye que dans
certains autres diocèses il y a, en effet, trop de sujets, et c'est le cas pour
la Flandre orientale ; mais je dois donner une explication à cet égard, car
d'après les observations de l'honorable M. Delehaye, la chambre pourrait croire
qu'on procède trop légèrement aux admissions dans les séminaires et que par
conséquent d'année en année les demandes de places deviendront plus nombreuses.
L'honorable M. Delehaye est allé jusqu'à faire une comparaison entre les sujets
qui se présentent aux séminaires et les jeunes gens qui se destinent à la
carrière du barreau ou de la médecine. Il dit qu'il y a aujourd'hui trop
d'encombrement dans toutes les carrières, et que c'est la même chose pour
l'état ecclésiastique. Eh bien, messieurs, il y a une grande différence entre
les règles suivies pour l'admission dans les séminaires et la manière dont on
admet les jeunes gens pour le barreau ou pour la carrière médicale. Pour être
admis dans un séminaire, il faut avoir subi des examens qui, je puis le dire à
la chambre, deviennent de plus en plus rigoureux, et qui
portent non seulement sur les langues modernes et sur les langues anciennes,
mais qui portent aussi sur les sciences mathématiques ; qui comprennent jusqu'à
la trigonométrie rectiligne, qui comprennent la physique, la chimie,
l'astronomie. Outre ces examens dans lesquels il faut parfaitement répondre, il
y a encore une autre règle, c'est qu'on limite le nombre des admissions, ce qui
se se fait pas et ne peut pas se faire dans les autres carrières.
Ainsi vous voyez que
l'inconvénient qui a été signalé n'existera plus. Cet inconvénient a existé
précédemment, parce qu'il y a eu pénurie dans tous les diocèses pendant un
temps assez long et qu'on n'a pas pu prévoir l'époque fixe à laquelle cette
pénurie devait cesser.
Par toutes ces
considérations je crois que nous ne devons pas admettre la proposition de
l'honorable M. Delehaye.
M. Rogier. - Messieurs, les
membres qui ont demandé la clôture, sont probablement suffisamment éclairés, et
ont leur opinion faite ; je n'ai pas appuyé la clôture, parce que je ne suis
pas encore assez éclairé et que mon opinion est jusqu'ici contraire à
l'augmentation de crédit.
M. le ministre de la
justice, avant de proposer une augmentation considérable, dans les
circonstances actuelles, aurait dû redoubler de soins pour que cette
proposition fût entourée de toutes les lumières désirables. Les lumières que M.
le ministre de la justice ne nous a pas fournies, ne nous sont pas venues non
plus de la section centrale ; car deux membres de cette section nous ont appris
que la question n'avait pas été examinée dans le sein de la section ; que M. le
ministre de la justice lui avait, il est vrai, communiqué des documents, mais
en quantité telle, qu'elle n'avait pas pu en aborder le dépouillement. Je conçois
cela sans peine ; souvent trop de documents, au lieu d'apporter de la lumière,
ne font qu’ajouter à l'obscurité. Il eût mieux valu que M. le ministre de la
justice se fût borné à communiquer à la chambre un résumé exact et précis de
ces documents, au lieu de venir étaler à nos yeux ces extraits considérables de
ses archives qui ne nous ont pas éclaires du tout.
Des renseignements
plus exacts et plus précis eussent été d'autant plus désirables qu'il s'agit
d'une nouvelle augmentation de dépenses. Depuis 1830, l'allocation destinée au
culte a été chaque année en grandissant, de telle manière que le chiffre de
1846 est supérieur de plus d'un million au chiffre même de 1833. Cela est
considérable, et pour justifier une nouvelle augmentation, il aurait fallu
apporter de très fortes raisons à l'appui. S'il y a des besoins réels et
pressants, personne d’entre nous ne se refusera à y pourvoir, mais il faut que
ces besoins soient clairement constatés et parfaitement établis.
Nous suivons,
messieurs, une marche peu régulière. Si nous avions une discussion générale du
budget des dépenses, il est probable que nous saurions nous montrer conséquents
avec nous-mêmes ; que les principes, adoptés pour un budget, seraient appliqués
aux autres budgets. La voie où nous sommes aujourd'hui nous conduit à poser des
actes contradictoires.
Voici, en effet, ce
qui se passe :
M. le ministre des
finances avait proposé des augmentations dans son budget ; là les besoins
avaient été constatés, les places avaient été données, les titulaires
existaient, et M. le ministre des finances nous avait fourni des renseignements
plus précis que son collègue du département de la justice ; malgré cela, la
chambre n'a pas voulu accorder les augmentations proposées, d'abord par un
motif d'économie puisé dans les circonstances difficiles où l'on se trouve, et
en second lieu, parce qu'elle voulait forcer le gouvernement à introduire, par
un règlement général, une certaine fixité dans les traitements et dans le mode
de pourvoir aux emplois.
Mais, messieurs, il
me semble que ces motifs existent également à l'égard de la demande qui nous
est faite aujourd'hui. Si les circonstances actuelles exigent une grande
réserve dans le vote des budgets, cotte réserve doit s'appliquer- aussi bien
aux membres du clergé qu'aux membres de l'ordre administratif. Si, en refusant
l'augmentation de crédit demandée par M. le ministre des finances, on a voulu
forcer le gouvernement à apporter une règle plus stable dans les nominations
des fonctionnaires civils, cette nécessité me semble exister au même degré pour
la nomination des fonctionnaires ecclésiastiques. Pour ma part, je crois qu'il
serait bien désirable pour tout le monde, et avanl tout pour les membres du
clergé, qu'on pût soustraire à la discussion annuelle du budget le chiffre qui
concerne le culte.
Aussi longtemps que
les traitements des membres de l'ordre judiciaire ont fait l'objet de débats
dans cette enceinte, l'ordre judiciaire tout entier, je n'hésite pas à le dire,
s'en est ressenti dans sa considération ; la question de l'amélioration du sort
de la magistrature, incessamment introduite dans cette chambre sans être
résolue, portait atteinte à la dignité de ce corps. Ainsi de même, en ce qui
concerne le clergé, il serait désirable qu'une loi, ou tout au moins un règlement
général d'administration publique vînt établir de la fixité dans la position et
les traitements des membres du clergé, au moins pour un certain nombre
d'années. Si l'on se décidait à prendre ce parti, nous n'aurions pas chaque
année à discuter les motifs des augmentations qui nous seraient demandées.
Dans l'état actuel
des choses, quoi qu'en ait dit l'honorable M. de Theux, il est impossible que
nous n'entrions pas dans des détails plus ou moins minutieux, que nous ne
fassions pas de l'administration. Du reste, il fut un temps où l'honorable M.
de Theux ne dédaignait pas de descendre dans la discussion de ces détails
minutieux, et où il examinait de très près certaines dépenses du budget pour
les repousser. Lorsque nous discutons les articles des budgets, nous faisons
nécessairement de l'administration, et lorsque nous faisons de
l'administration, nous entrons forcément dans les détails. Je ne suis pas, au
surplus, plus partisan que l'honorable membre des petites discussions.
J'ai dit, messieurs,
que nous procédons sans ordre et que nous nous exposons à émettre des votes
contradictoires. J'ai rappelé ce qui s'est passé pour le budget du ministère
des finances ; voyons ce qui va se passer pour le budget du ministère de
l'intérieur. J'ai parcouru hier le rapport qui nous a été présenté sur ce
budget ; il paraît que là les lumières n'ont pas manqué au rapporteur ; les
documents ont été imprimés, et les demandes de dépenses nouvelles ont élé
soigneusement discutées. Or, plusieurs de ces nouvelles demandes ont été
repoussées. Pourquoi ? D'abord par le motif général d'économie qui a guidé la
chambre dans la discussion des budgets déjà votés, et en second lieu, parce
qu'on n'a pas voulu, dit la section centrale, sanctionner l'habitude que
paraissent prendre les ministres, d'arrêter en principe des dépenses, avant que
la chambre les ait votées.
C'est ainsi que la
section centrale propose, entre autres, le rejet d'une allocation destinée a
l'inspecteur du service de santé, et d'un autre crédit destiné à l'inspecteur
de l'enseignement moyen. Je demanderai à ceux de nos honorables collègues, qui
aujourd'hui appuient l'augmentation de 60,000 fr., augmentation qui sera suivie
d'une seconde augmentation, et peut-être d'une troisième, car rien n'est assuré
à cet égard ; je demanderai à ces honorables collègues s'ils seront disposés à
adopter plus tard l'augmentation demandée pour les deux inspecteurs que je
viens d'indiquer ; je ne crains pas de m'aventurer, en soutenant qu'un grand
nombre d'entre eux repousseront surtout l'augmentation demandée pour
l'inspecteur des athénées et des collèges. Et cependant, là aussi, il y aura à
déposséder un titulaire,, car un titulaire a été nommé, un titulaire existe ;
M. le ministre de l'intérieur s'est assuré des besoins de l'enseignement moyen,
comme son collègue du département de la justice a pu s'assurer des besoins du
culte, il a pourvu à la place d'inspecteur. Eh bien, l'augmentation de crédit
destinée à ce fonctionnaire n’a pas été accueillie par la section centrale, et
il est fort douteux que la majorité de la chambre l'adopte.
Devons-nous faire une
exception en faveur du clergé ? Veut-on accorder des augmentations à une seule
classe et en refuser à toutes les autres ? Il n'y aurait pas de justice dans une
pareille manière de discuter et de voter les budgets.
S'il y avait des
besoins pour les employés de l'ordre administratif, il fallait y pourvoir et ne
pas rejeter les demandes. S'il y a des besoins constatés pour l'enseignement
moyen et pour le service de santé, il ne faudrait pas repousser ces demandes ;
si au contraire on les repousse, il faut agir de même à l'égard des
propositions faites en faveur des ministres du culte.
Si l'on dit que les
employés de l'ordre administratif, que les inspecteurs du service de santé et
de l'enseignement moyen ont le temps d'attendre, on peut répondre que les
membres de l'ordre ecclésiastique ont aussi le temps d'attendre. Voilà ce que
l'on peut dire ici, voilà ce que l'on pourra dire dans le pays.
Il faut donc plus d'harmonie,
c'est-à-dire plus de justice dans les répartitions des allocations du budget.
Si vous rejetez des dépenses nouvelles dans l'un des budgets, il faut, sous
peine d'inconséquence, rejeter celles de même nature qui sont demandées dans
les autres budgets, alors que la nécessité de ces dernières dépenses n'est pas
plus urgente. Si on voie celles-ci, il faudrait en bonne justice revenir sur
les autres ; car je pense que M. le ministre des finances a été aussi fondé à
demander des augmentations pour pourvoir aux besoins du service administratif,
que M. le ministre de la justice peut l'être à proposer une augmentation en
faveur des membres de l'ordre ecclésiastique.
Je reviens en
finissant sur une idée que je n'ai fait qu'énoncer. Je crois qu'il serait désirable
pour le clergé que sa position, quant aux traitements, (page 701) fût réglée par une loi, que chaque année le ministre
n'eût pas à venir réclamer de cette chambre des augmentations successives. Cela
ne produit pas un bon effet.
J'ajouterai que si le
ministre était lui-même lié par une loi, si des limites lui étaient imposées,
j'entends des limites en harmonie avec les besoins du culte auxquels nous
voulons qu'il soit largement pourvu, il serait plus à l'aise, en présence des
insistances qui lui arrivent de toutes parts, pour des érections de chapelles
en succursales.
Je le dirai sans
détour, je crains que quelquefois on n'ait fait abus de ce moyen, et parce qui
se passe au moment des élections, il n'est pas démontré à tous que l'érection
de telle chapelle en succursale ne soit le prix de services rendus. N'est-il
jamais arrivé que tel candidat qui a besoin de puiser sa force ailleurs que
dans l'opinion des électeurs, qu'un tel candidat vienne trouver le ministre et
sollicite en faveur de l'ecclésiastique qui lui aura prêté son concours, qui
aura prêché contre ses adversaires, qui aura exposé le saint-sacrement en sa
faveur ?
Je n'irai pas jusqu'à
soutenir ici, comme le bruit en a couru, que ceux de nos évêques qui ont le
grand tort de se mêler activement de nos élections, récompensent parfois le
zèle électoral de leurs inférieurs, en les faisant passer de l'état de
chapelain à celui de desservant. J'aime à croire qu'il n'en est rien, mais le
chemin est glissant, la tentation est grande. On parviendrait à échapper à ces
suppositions fâcheuses, si le gouvernement, au lieu d'avoir à sa disposition la
création des succursales, se trouvait limité et réglé dans ce qu'il peut faire.
C'est par une loi qu'on pourrait arriver à ce résultat désirable pour tout le
monde. Je n'ai pas besoin de dire qu'il n'y a rien d'hostile au clergé dans mes
paroles. Je n'ai pas l'habitude de flatter le clergé, mais j'ai encore moins
l'habitude d'être malveillant pour lui. Mes observations, j'espère, porteront
leurs fruits ; si ce n'est dans cette enceinte, ce sera ailleurs. (La clôture ! la clôture !)
- La chambre,
consultée, ferme la discussion.
M. le président. - Si l'amendement
de M. Delehaye était adopté, il faudrait remanier les chiffres ; par conséquent,
je vais commencer par le mettre aux voix.
Plusieurs voix. - L'appel nominal !
l'appel nominal !
- Il est procédé au
vote par appel nominal sur cette proposition.
En voici le résultat
:
68 membres répondent
à l'appel nominal.
47 membres répondent
non.
21 membres répondent oui.
En conséquence, la
chambre n'adopte pas.
Ont répondu non : MM.
Brabant, Clep, d'Anethan, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de
Garcia, de Mérode, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de
Meester, de Mérode, de Muelenaere, de Naeyer, de Saegher, de Sécus,
Desmaisières,, Desmet, de Theux, d'Huart, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dubus
(Bernard), Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Huveners, Kervyn,
Lejeune, Maertens, Malou, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Simons, Van Cutsem,
Vandensteen, Verwilghen, Veydt, Wallaert, Zoude, Biebuyck et Liedts.
Ont répondu oui : MM.
Cans, Castiau, David, de Bonne, de Breyne, Delehaye, Delfosse, de Tornaco,
Devaux, de Villegas, Dumont, Fleussu, Lange, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius,
Rogier, Savart, Sigart et Anspach.
Articles 1 à 6
« Art. 1er.
Clergé supérieur du culte catholique et professeurs des séminaires, bourses et
demi-bourses affectées aux séminaires : fr. , 403,822 39 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Clergé
inférieur du culte catholique : fr.
3,312,224 61 c. »
- Adopté.
« Art. 3.
Subsides pour édifices servant au culte : fr. 444,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Culte
protestant : fr. 57,900. »
- Adopté.
« Art. 5. Culte
israélite : fr. 11,000. »
- Adopté.
« Art. 6.
Pensions et secours pour les ministres du culte : fr. 154,000. »
- Adopté.
« Total :fr.
4,382,947 »
- Adopté.
La séance est levée à
4 heures trois quarts.