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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 30 janvier 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives au chemin de fer de Bruxelles à Mons (tunnel de
Braine-le-Comte) (Dolez), aux débordements de l’Escaut (de Terbecq, Desmet), à la
construction d’une route (Zoude)
2) Projet de loi autorisant
le gouvernement à exécuter un canal de dérivation des eaux de la Lys
3) Rapport sur les
pétitions relatives à la réforme postale (Zoude, Manilius, Rodenbach, d’Hoffschmidt, Manilius)
4) Projet de loi portant prorogation
de la loi accordant des primes pour construction de navires (Mast
de Vries)
5) Explications relatives à
la solidité du tunnel de Braine-le-Comte (ligne de Mons à Bruxelles) (d’Hoffschmidt, Delfosse, Dumortier, d’Hoffschmidt, Dolez, de Mérode, Delfosse)
6) Projet de loi sur la chasse.
Discussion des articles. Sanctions pénales (arrestation) (d’Anethan,
Vanden Eynde, Fleussu, Savart-Martel), agents chargés de constater les délits de
chasse (notamment douaniers, gendarmes, employés des octrois) (d’Anethan, Fleussu, d’Anethan, Fleussu, d’Anethan, Vanden Eynde, d’Anethan, Savart-Martel, Vanden Eynde, Dumortier, d’Anethan, de Garcia, Dubus (aîné), d’Anethan, de Saegher, d’Anethan, Fallon, Dubus (aîné), d’Anethan, de Saegher), poursuite
d’office ou sur plainte (d’Anethan, de Saegher, d’Anethan, de Saegher), peine d’emprisonnement (Savart-Martel,
Desmet, Van de Weyer, Desmet, Van de Weyer), prime accordée
à l’agent (notamment à l’employé des octrois) qui a constaté le délit (Dumortier, d’Anethan, Dumortier, de Theux, Van de Weyer, Mast de Vries, de Mérode, d’Anethan, Dumortier, Desmet, Orban, Dumortier, de
Man d’Attenrode, Orban), dispositions abrogatoires (d’Anethan, Vanden Eynde, Rodenbach), préservation de certaines espèces d’oiseaux (Dumortier, de Theux, Van de Weyer), chasse au lévrier (Dumortier,
Van de Weyer, de Theux), assujettissement
des militaires à la juridiction ordinaire en cas de délit de chasse, code pénal
militaire (de Garcia, Pirson, d’Anethan, de Garcia, Pirson), autres dispositions (d’Anethan,
Savart-Martel)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 527) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une
heure et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître
l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les bourgmestres
des communes de Seneffe, Fayt-lez-Seneffe et Morlanwelz prient la chambre d'interpeller
le gouvernement sur le point de savoir si le tunnel de Braine-le- Comte ne
présente aucun danger, et demandent que la seconde voie sur la ligne du Midi
soit établie à ciel ouvert. »
M. Dolez. - Cette pétition
ayant trait à l'objet sur lequel M. le ministre des travaux publies donnera
tout à l'heure des explications, je demande qu'elle soit déposée sur le bureau
pendant cette discussion, pour qu'on puisse y recourir au besoin.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Je donnerai les
explications demandées lorsque l'analyse des pétitions sera épuisée.
- La proposition de
M. Dolez est adoptée. En conséquence la pétition restera déposée sur le bureau.
_________________
« Les membres du
conseil communal de Tirlemont et plusieurs habitants de cette ville présentent
des observations contre la demande des raffineurs et des chambres de commerce
de Gand et Anvers, qui a pour objet d'établir l'égalité de l'impôt sur le sucre
exotique et sur le sucre indigène. »
- Renvoi à la
commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Plusieurs
propriétaires et cultivateurs de la commune de Wetteren demandent que le
gouvernement prenne des mesures pour empêcher les débordements de l'Escaut. »
M. de Terbecq. - Je demande le
renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du budget du
département des travaux publics.
M. Desmet. - J'appuie ce renvoi.
- La proposition de
M. de Terbecq est mise aux voix et adoptée.
« Plusieurs
habitants de la commune de Bagimont demandent la construction d'une route
faisant jonction à la frontière de France, en passant par Bohan et Bagimont. »
M. Zoude. - Je demande que
cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un
prompt rapport.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A EXECUTER UN CANAL DE
DERIVATION DES EAUX DE LA LYS
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt) présente un projet
de loi tendant à autoriser le gouvernement à exécuter un canal de dérivation
des eaux de la Lys, de Deynze à Schipdonck, vers le canal de Gand à Ostende.
- Il est donné acte à
M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et
distribué avec l'exposé des motifs qui l'accompagne.
La chambre en ordonne
le renvoi à l'examen des sections.
RAPPORT SUR LES PETITIONS RELATIVES A LA REFORME POSTALE
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, la
commission des pétitions s'est occupée de l'examen des demandes nombreuses qui
vous ont été présentées pour qu'une reforme postale et radicale, comme elle a
eu lieu en Angleterre, fasse l'objet de vos délibérations pendant la session
actuelle.
La discussion qui eut
lieu sur cette question a établi qu'il y avait, à cet égard, une grande
divergence d'opinion dans la commission.
Trois membres étaient
d'avis que, sur une matière qui présente autant de gravité, la commission
devait en laisser peser toute la responsabilité sur le gouvernement, qui est
seul en position d'en apprécier toute la portée et d'en prévoir les
conséquences : c'est pourquoi, ne voulant se prononcer en aucune manière sur le
mérite des demandes qui vous sont faites, ils se bornent à en proposer le
renvoi aux ministres que la chose concerne ; les trois autres membres
reconnaissent l'utilité de la mesure : mais l'un d'eux, qui admet le principe
de la réforme et qui engage le gouvernement à présenter un projet de loi pour
la mettre à exécution, ne veut pas entrer dans la discussion du chiffre, comme
il n'entend pas que le trésor en reçoive la moindre atteinte, et si un déficit
quelconque résultait de l'adoption de cette mesure, il veut que ce déficit soit
comblé par le commerce, comme il en a pris l'engagement dans une réunion qui a
eu lieu à Bruxelles le 25 avril dernier, résolution à laquelle paraissent avoir
adhéré les pétitionnaires de presque toutes les villes du royaume.
Les deux autres
membres, qui ont également reconnu l'utilité de la réforme, n'ont pas hésité à
émettre leur avis sur la hauteur du chiffre qu'il conviendrait d'établir et se
sont expliqués de la manière suivante :
La réforme postale
opérée en Angleterre, ont-ils dit, a eu un grand retentissement en Europe, et
lorsqu'elle fut adoptée par quelques Etats du continent, on s'étonne que la
Belgique eût été devancée, elle qui avait suivi de si près l'Angleterre dans la
création du chemin de fer et dans l'application du coke à la forgerie.
Mais la Belgique peut
s'applaudir de ce retard, parce que, mettant à profit l'expérience de
l'Angleterre, elle pourra opérer une réforme qui, sans compromettre l'intérêt
du trésor, sera un bienfait pour le pays.
On sait qu'au
parlement anglais, lors de la discussion de cette réforme, on a soutenu que les
ressources du trésor n'en seraient pas atteintes, au moins après quelques
années d'application, et ce ne fut même que sous cette condition qu'il chargea
un comité de l'examen de cette question.
Mais six années
d'épreuve sont venues détruire ces prévisions de la manière la plus complète.
Cependant
l'entraînement à cet égard est tel que toutes les pétitions qui vous sont
présentées, répètent les unes après les autres que les résultats obtenus de
cette grande mesure en Angleterre démontrent à l'évidence que notre pays peut
suivre l'exemple de nos voisins d'outre-mer sans craindre la moindre
perturbation dans nos finances.
La moyenne de la taxe
en Angleterre était à 70 c, elle est en Belgique de 34 1/2 à 35 ; or, a-t-on
dit, en établissant la taxe à 10 centimes, il suffirait qu'en Angleterre le
nombre de lettres fût septuplé, et qu'en Belgique il fût trois fois et demie
plus élevé, pour que le trésor n'éprouvât aucune perte. Ce calcul, vrai pour la
Belgique, où la moyenne est bien celle de lettres payant, puisqu'il n'y existe
aucun privilège de franchise, sauf pour les lettres d'administration publique,
la moyenne, disent-ils, en Belgique, est une moyenne vraie, tandis qu'il est
loin d'en être ainsi en Angleterre, où la franchise avait donné lieu à
d'innombrables abus, et où la correspondance administrative, qui y était
gratuite avant la réforme, est aujourd'hui soumise à la taxe. On ne peut donc
guère juger de l’augmentation du nombre de lettres que par leur produit. Or,
celui-ci, après 6 années, ne s'élevait au 5 janvier dernier, qu'à la somme
nette de 16 millions de francs, chiffre rond ; tandis que le revenu net, avant
la réforme, était de 40 millions.
Cependant on a dit et
répété que l'expérience en Angleterre était telle qu'elle ne laissait plus rien
aux chances du hasard en Belgique.
Eh bien, si en
Angleterre, où l'habitude d'écrire est plus grande que dans notre pays, à tel
point qu'on y compte 3 4/5 lettres par habitant, tandis qu'en Belgique ce
nombre n'est que 1 3/4 ; si la fraude en Angleterre a du être plus considérable
par suite d'une taxe plus élevée, et par l'abus du privilège des franchises ;
si ce revenu, après six années d'épreuve, est encore d'un million de francs
au-dessous du triplement de lettres, on demande si, sans porter évidemment
atteinte au trésor, il ne sera pas téméraire de proposer une taxe uniforme de
10 centimes.
A la vérité, des
défenseurs de ce système, dans un écrit adressé aux chambres, conviennent bien
qu'il y aura momentanément un déficit, qu'ils proposent de combler par un
certain nombre de centimes additionnels provisoires à ajouter aux patentes ;
cette classe de contribuables, disent-ils, étant celle qui en sera plus
promptement indemnisée par la réduction des frais de correspondance. Il est en
d'autres qui proposent de frapper tous les impôts de l'Etat d'un centime
additionnel jusqu'à ce que le produit postal ait récupère son chiffre primitif.
Mais il est à croire que ces propositions seront repoussées par la chambre
comme par le pays.
Cependant un tarif
uniforme est commandé, disent-ils, par l'équité ; ils ajoutent que c'est une prescription
constitutionnelle qui doit être imposée au gouvernement, comme une réparation
envers le pays ; ils s'étonnent même que l'inégalité résultant d'un tarif
progressif n'ait pas frappé la chambre, lorsqu'elle a voté la loi de 1835 sur
la taxe des lettres, surtout que le principe d'uniformité avait été applique
aux journaux, ouvrages périodiques et imprimés de tout genre, quelle que soit
la distance parcourue dans le royaume.
Mais quel sera le
chiffre de cette taxe uniforme ? Les membres n'hésitent pas à déclarer qu'en
présence de la perte énorme que subit le revenu postal en Angleterre, il y
aurait une extrême imprudence à proposer la taxe de 10 cent. Ils savent
cependant qu'en apportant à la tribune des idées de réforme (page 528) moins radicales, ils ne
rencontreront pas les sympathies qui sont toujours acquises aux réductions
d'impôt ; mais leur devoir, disent-ils est de présenter leur opinion constante
et ils déclarent qu'ils ont la conviction que le chiffre de 10 cent.
occasionnerait un déficit, qu'il serait difficile de combler ; ils sont encore
d'avis que la taxe de 15 cent, serait insuffisante, mais que le chiffre de 20
cent, pourrait satisfaire à toutes les exigences, alors surtout que le décime
rural serait supprimé.
En Angleterre, le
comité établi par le parlement pour l'examen de cette taxe s'était d'abord
prononcé à la majorité pour celle de 2 pence (20 centimes), et d'après la
discussion qui a eu lieu à la chambre des députés en France, il paraît que le
chiffre de 20 centimes réunira la majorité.
Par l'adoption d'un
tarif modéré, la grande disproportion que l'on remarque dans la quantité de
lettres entre le centre et les extrémités du pays disparaîtra en partie,
l'excessive élévation des ports étant la principale cause de leur petit nombre.
En Prusse, a-t-on
dit, où la réforme n'a eu pour objet que de réduire la taxe de moitié, elle n'a
eu pour résultat que de diminuer les recettes du trésor ; mais y a-t-il bien
uniformité là où le port varie encore de 1 à 6 gros (12 1/2à 75 c.) ? Et puis
il est à observer que la réforme, en Prusse, ne date que du 1er octobre 1844 ;
l'expérience est donc loin d'être suffisante pour pouvoir en apprécier les
effets. Qu'eût-on dit de la réforme en Angleterre si elle avait été jugée après
la première année de sa mise à exécution, lorsque, de près de 1,600 mille liv.
st. de revenu, elle est tombée en dessous de 400 mille.
En
résumé, les deux membres qui viennent d'exposer leur avis se sont réunis, quant
aux conclusions, à celles qui avaient été présentées par les trois membres
dissidents, et le quatrième, qui veut la réforme en principe et en exécution,
s'y étant également rallié, votre commission, à l'unanimité, a l'honneur de
vous proposer le renvoi de toutes ces pétitions à MM. les ministres des travaux
publics et des finances.
M. le président. - La chambre vient d'entendre les conclusions de la
commission. Quelqu'un demande-t-il la parole ?
M.
Manilius. - Je regrette que la chambre n'ait pas prêté toute
l'attention désirable à la lecture du rapport que l'honorable M. Zoude vient de
faire, sur les nombreuses pétitions adressées à la chambre, en faveur d'une
réforme postale. La commission des pétitions conclut, il est vrai, au renvoi
des pétitions à MM. les ministres des finances et des travaux publics ; mais la
chambre ne peut pas, à l'improviste, statuer sur ces conclusions, sans qu'elle
ait pris connaissance du rapport. Je demande donc que la chambre fasse imprimer
d'abord le rapport de la commission, avant de prononcer sur les conclusions
qu'elle propose.
M. Rodenbach. - L'impression est de droit. Le rapport sera
imprimé au Moniteur. Mais je rappellerai que M. le ministre des travaux publics
a promis formellement de présenter un projet de loi complet, avant la clôture
de la session ; il a fait même entendre que le décime rural serait supprimé. Je
pense donc que nous ne risquons rien de renvoyer le rapport détaillé de la
commission à M. le ministre des travaux publics ; ce rapport, nous le lirons
dans le Moniteur, et tous les jours, nous pourrons renouveler les instances que
nous avons déjà faites, pour que le gouvernement veuille présenter le projet de
loi, le plus tôt possible.
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). - Messieurs, à différentes reprises, j'ai eu
l'honneur d'annoncer à la chambre que le gouvernement présentera un projet de
loi, tendant à réviser notre législation postale. On s'occupe activement de ce
projet dans le moment actuel, et je compte pouvoir le présenter dans le courant
du mois de mars ; je pense qu'il n'y a aucun motif pour hâter davantage la
présentation de ce projet de loi. En effet, la chambre est actuellement saisie
d'un grand nombre de projets qui doivent être évidemment discutés et votés
avant le projet de réforme postale.
Quant aux conclusions
du rapport de la commission, elles ne peuvent pas être contestées ; le
gouvernement y adhère bien volontiers ; il pourra puiser et dans les pétitions
et dans le rapport de l'honorable M. Zoude, des renseignements utiles ; mais je
pense qu'il serait tout à fait prématuré d'engager une discussion sur une
question aussi importante. Cette discussion trouvera mieux sa place lorsque la
chambre sera saisie du projet de loi, et que l'examen en aura été fait par les
sections et par une section centrale.
M. Manilius. - D'après ces
explications, je retire ma proposition, tendant à faire imprimer séparément le
rapport ; je me contenterai de l'impression au Moniteur. La déclaration de M.
le ministre des travaux publics m'est certes bien agréable :il déposera sous
peu un projet de loi. Mais je ferai remarquer à M. le ministre qu'il est très
actif à promettre des projets : il y a trois semaines, il a promis, ou l'on a
promis en son nom (promesse qu'il a confirmée ensuite), qu'il déposerait un
projet concernant les inondations...
Un grand nombre de membres. - Le projet de loi
a été déposé au commencement de la séance.
M. Manilius. - Ah ! je
l'ignorais. Je viens d'entrer.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Vous voyez donc
que je remplis mes promesses.
- Les conclusions de
la commission des pétitions sont adoptées.
En conséquence les
pétitions sont renvoyées aux départements des travaux publics et des finances.
PROJET DE LOI PORTANT PROROGATION DE LA LOI ACCORDANT DES PRIMES POUR CONSTRUCTION
DE NAVIRES
M. Mast de Vries. - Messieurs, j'ai
l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée de
l'examen du projet de loi, portant prorogation de la loi de 1837, relative aux
primes pour construction de navires.
- La chambre met ce
projet de loi à l'ordre du jour, après les objets qui y sont déjà.
EXPLICATIONS RELATIVES AU TUNNEL DE BRAINE-LE-COMTE
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, dans
la séance d'hier, plusieurs honorables membres de cette chambre en mon absence,
ont demandé que le gouvernement donnât des explications sur le tunnel de
Braine-le-Comte ; je m'empresse, messieurs, de venir donner ces explications,
et je crois qu'elles seront de nature à rassurer complétement les esprits sur
les craintes qui ont été exprimées.
Le projet de galerie
souterraine de Braine-le-Comte a été dressé par M. l'ingénieur en chef
Groelaers et approuvé, sur la proposition du conseil des ponts et chaussées, le
28 mars 1840.
Une première
adjudication des travaux ayant eu lieu le 20 avril même année ne fut point
approuvée et on procéda à une réadjudication le 3 juin 1840 ; cette
réadjudication fut approuvée le 5 du même mois et l'entreprise fut accordée au
sieur Joseph Carlier, de Liège, moyennant la somme de 1,008,000 francs.
Les travaux, qui
commencèrent immédiatement après la réadjudication, furent exécutés sous la
direction générale de M. l'ingénieur en chef Groetaers et sous la surveillance
spéciale du sous-ingénieur Denis.
D'après le cahier des
charges qui a réglé cette entreprise, la galerie a 5 mètres de largeur à la
naissance de la voûte et 5 mètres 50 centimètres de hauteur dans l’axe, depuis
la surface de roulage des rails jusqu'à la clef.
La voûte est composée
de trois arcs de circonférence et surhaussée de 75 centimètres, et a une
épaisseur uniforme de 70 centimètres. Les pieds-droits ont la même épaisseur
sur une hauteur de 2 mètres 25 centimètres.
Les matériaux qui ont
servi à sa construction sont, d'après le cahier des charges, les suivants,
savoir :
Pierres de taille. -
Elles ont dû être extraites des bancs les plus pleins des carrières des
Ecaussines ou de Soignies.
Briques. - Elles ont
été fabriquées sur les lieux avec des terres convenables provenant des
tranchées de la route ou de tout autre terrain, le tout à l'agréation de
l'administration.
Chaux. - La chaux
employée devait provenir de Tournay, Thumeon, Vieuville ou autres fours
produisant des qualités éminemment hydrauliques sous l'approbation de
l'administration. Elle a été prise en grande partie à Thuméon.
Sable.- Il provient
de mine, il a été passé à la claie et lavé.
Messieurs, depuis la
construction de ce tunnel, on a procédé à des inspections fréquentes des lieux.
Indépendamment de ces inspections particulières, voici la surveillance qui
s'exerce journellement en quelque sorte par l'administration.
D'abord, le
garde-tunnel, chaque fois qu'un convoi vient de passer, parcourt tout le tunnel
avec un falot ; il examine si rien n'a été dérangé, si aucun changement n'est
survenu. Le surveillant de cette partie des travaux parcourt tous les jours le
tunnel et procède au même examen. Le conducteur, chef de la sectionne parcourt
tous les deux jours, et enfin, l'ingénieur, chargé de la division, le parcourt
tous les vingt jours.
Malgré toutes les
garanties que présentent déjà des inspections si fréquentes, et toutes celles
qui ont été spécialement ordonnées, j'ai cru devoir nommer une commission
d'enquête, pour examiner particulièrement la situation du tunnel. Je n'ai pas
pris cette mesure parce qu'il m'était parvenu des bruits alarmants sur cette
situation, mais parce que j'ai pensé que ce serait une garantie de plus pour la
sécurité et la tranquillité des voyageurs.
Cette commission a
été composée de MM. de Moor, inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées ;
Gernaert, ingénieur en chef de première classe, chargé du service de la
province du Hainaut ; Willmar, ingénieur en chef de première classe, chargé du
service de la province de Brabant ; et Petit-Jean, ingénieur de première
classe, attaché à l'administration des chemins de fer en exploitation, et qui a
dirigé la construction de tous les tunnels dans la vallée de la Vesdre.
La commission a été
nommée le 13 décembre dernier, et j'ai reçu hier le rapport qu'elle m'a adressé
sur cette question. Je vais donner à la chambre lecture de ce rapport.
« Bruxelles, le 21
janvier 1846.
« Monsieur le
ministre,
« La commission
instituée par votre arrêté du 13 décembre passé, n°, à l'effet de vous faire un
rapport sur la situation du souterrain de Braine-le-Comte, a procédé à
l'enquête dont vous l'aviez chargée, avec tout le soin que réclamait
l'importance de l'objet de ses investigations et elle s'estime heureuse de
pouvoir vous faire connaître que la situation du tunnel ci-dessus mentionné est
telle qu'il n'y a pas lieu de douter de la solidité de cet ouvrage d'art.
« Comme, du reste, le
plus ou moins de confiance que mérite le résultat d'une enquête, dépend
beaucoup du plus ou moins d'attention et de soins qu'on a mis à y procéder, la
commission ci-dessus désignée croit qu'il ne sera pas sans utilité de vous
faire connaître avec quelque détail les investigations auxquelles elle s'est
livrée et les mesures de tout genre qu'elle a prises pour pouvoir vous faire,
relativement à l'objet de sa mission, un rapport auquel vous pussiez
entièrement vous fier.
« La commission a
commencé par prendre connaissance de votre dépêche à son président en date du
13 décembre dernier, et comme il ne résultait pas de cette dépêche que la
détermination que vous aviez prise de faire procéder à l'enquête dont vous
l'aviez chargée, eût été provoquée par aucun fait survenu récemment ; que, d'un
autre côté, il résultait des déclarations, d’une part, de son président, qui,
en sa qualité d'inspecteur de la 3ème division, a mission d'inspecter
périodiquement le tunnel dont il s'agit, et, d'autre part, du sous-ingénieur
adjoint Leclercq qui est actuellement (page
529) chargé du service de l'entretien de la ligne du Midi des chemins de
fer de l'Etat et qu'elle avait jugé à propos d'entendre, que rien ne s'était
passé dans ces derniers temps qui put faire concevoir aucune inquiétude par
rapport au tunnel de Braine-le-Comte, la commission a compris que l'enquête à
laquelle vous aviez résolu de faire procéder n'était qu'une mesure de
précaution dictée par une sage prévoyance qui ne voulait pas attendre qu'il y
eût sujet de s'inquiéter, pour s'assurer du véritable état des choses.
« La commission
a donc jugé qu'il n'y avait rien d'assez pressant dans l’accomplissement de sa
mission, pour qu'il y eût lieu à déranger en quoi que ce fût la marche
ordinaire des convois, à l'effet de pouvoir se livrer immédiatement et sans
délai à ses investigations, et, après avoir pris ses mesures pour pouvoir
procéder à une première inspection du tunnel, elle s'est rendue sur les lieux
le 23 décembre passé, vers deux heures de l'après-midi, afin de mettre à profit
le plus long intervalle qu'il y eut pendant le jour entre les convois.
« Placée sur
l'impériale d'un wagon, de manière à pouvoir examiner de très près l'état de la
voûte et des parois du tunnel, la commission a ensuite lentement parcouru
celui-ci dans toute sa longueur, s'arrêtant partout où la moindre apparence
d’irrégularité ou d'altération dans le profil tant longitudinal que transversal
du tunnel, attirait particulièrement son attention, sondant ça et là les
maçonneries et les faisant fréquemment résonner sous les coups d'un marteau de
fer, afin de s'assurer, d'une part, du degré de siccité du mortier, dans les
joints entre les briques, et d'autre part, s'il n'existait dans les maçonneries
aucun commencement de soufflure qui pût faire craindre quelque écroulement plus
ou moins prochain.
« Le résultat général
de cette inspection fut de confirmer la commission dans la pensée qu'aucun
accident immédiat ni même prochain n'était à craindre, attendu que si, d'une
part, une inflexion assez sensible se faisait remarquer dans le profil
longitudinal du tunnel, d'autre part, aucune altération appréciable à l'œil ne
se manifestait sur aucun point, dans le profil transversal, que les joints
longitudinaux formaient des lignes sensiblement droites et régulières et
qu'enfin le son parfaitement clair que rendait la maçonnerie, sous la
percussion du marteau de fer, devait éloigner complétement toute idée soit de
soufflure, soit de toute autre détérioration, pouvant annoncer ou faire
craindre quelque écroulement ou quelque rupture.
« Toutefois, ayant
remarqué une fissure ou disjonction parcourant la majeure partie du
développement de la voûte, transversalement à la longueur de celle-ci et se
prolongeant jusques assez bas dans le pied droit de droite du tunnel, bien que
du reste la maçonnerie adjacente parût très saine et ne présentât aucun
symptôme d'altération ou de détérioration, la commission décida qu'une brèche
serait pratiquée dans cette partie du tunnel, afin qu'il fût possible
d'apprécier, en parfaite connaissance de cause, le degré d'importance à attacher
à cette fissure et de s'assurer si celle-ci devait être attribuée a un
mouvement dans le tunnel ou à quelque autre cause qu'il serait possible et
nécessaire de neutraliser.
« La commission a
remarqué, en outre, quelques dégradations près des arêtes de raccordements de
la voûte du tunnel avec quelques-uns des puits : mais un examen attentif de ces
dégradations lui a fait reconnaître qu’elles étaient plus apparentes que
réelles et, en tout cas, sans importance, au point de vue de la solidité du
tunnel.
Jugeant d'ailleurs
nécessaire, pour que le but de l'enquête à laquelle elle avait mission de
procéder soit pleinement atteint, de s'assurer sur plusieurs points de l'état
intérieur des maçonneries et d'en vérifier quelque part l'épaisseur ;
considérant enfin que les intervalles entre les passages des convois n'étaient
pas assez longs, pour qu'il fût possible de faire ces vérifications pendant le
jour, la commission s'est décidée à y consacrer la nuit du 5 au 6 janvier et,
en conséquence, elle a donné des ordres à M. le sous-ingénieur-adjoint chargé
du service de l'entretien de la ligne, pour qu'il prît toutes les mesures et
fit toutes les dispositions nécessaires, afin que rien n'entravât ses
opérations, l'autorisant, pour autant que de besoin, à faire toutes les
dépenses nécessaires à cet effet, tant en construction d'échafaudages qu'en
achat et préparation de matériaux.
« S'étant de nouveau
rendue sur les lieux le 5 janvier, à neuf heures du soir, après une inspection
minutieuse du tunnel dans toute son étendue et dans toutes ses parties, la
commission a désigné trois points pour y être pratiqué des brèches dans la
maçonnerie, à savoir, en premier lieu, à l'emplacement de la fissure dont il
est fait mention plus haut et à peu près à la hauteur des reins de la voûte, et
en second lieu, dans deux autres endroits où l'eau filtrant le plus abondamment
au travers des parois du souterrain, il était probable que la maçonnerie se
trouverait dans l'état le moins satisfaisant.
« Ces trois brèches
furent immédiatement pratiquées, sous les yeux de la commission, qui se trouva
ainsi en mesure, d'une part, de pouvoir juger pertinemment du plus ou moins de
solidité de la maçonnerie, par le plus ou moins de difficultés que présenterait
l'exécution de ces démolitions et, d'autre part, de s'assurer tout à la fois de
l'état dans lequel se trouvait le mortier, de la qualité des briques qui
avaient été mises en œuvre et de la manière dont la maçonnerie avait été
exécutée.
« Le résultat de ses
observations, sous ces différents rapports, fut en premier lieu, que la fissure
qu'elle avait remarquée dans son inspection du 25 décembre, n'existait que dans
le parement et disparaissait complétement à peu de profondeur, dans l'épaisseur
de la maçonnerie, et que par conséquent, il n'y avait lieu à y attacher aucune
importance ; qu'en général, la maçonnerie construite en bonne liaison, était
très difficile à démolir, partant très solide et très consistante ; que les
briques qui y avaient été mises en œuvre étaient de bonne qualité ; que le
mortier employé dans la construction de la voûte du tunnel avait acquis un
degré de dureté fort remarquable ; que s'il n'en était pas absolument de même
de celui employé dans la partie des parois du tunnel, tenant lieu de pieds
droits, ce qui du reste s'explique par la circonstance qu'il n'a point été
composé des mêmes éléments ou ingrédients que celui de la voûte, et que
notamment, il n'y a pas été mêlé, au moins dans la même proportion, des cendres
d'usines et des tuileaux pulvérisés, il était cependant arrivé à un étal de
siccité et avait acquis un degré de dureté tels qu'il n'y avait à cet égard
aucune inquiétude à avoir, quant à la solidité des maçonneries et, enfin que,
nonobstant les filiations considérables auxquelles celles-ci étaient sujettes,
la composition chimique du mortier n'en avait point été altérée, ce qui était,
d'ailleurs, confirmé par la limpidité remarquable de l'eau qui filtrait en
grande abondance au travers des parois du tunnel.
« L'une des brèches,
celle faite dans la partie de la paroi de gauche du tunnel, formant pied droit
de ce côté, ayant été pratiquée au travers de toute l'épaisseur de la
maçonnerie, la commission s'est assurée que, conformément à ce qui lui avait
été d'avance déclaré, à cet égard, par M. le sous-ingénieur Denis, qui avait
été chargé de surveiller la construction de tunnel, cette épaisseur était de
trois briques, faisant environ 70 centimètres, et que, d'un autre côté, la
maçonnerie formant la paroi du tunnel s'appuyait, sans laisser aucun vide ni
intervalle, contre une couche de terre glaise dont se compose, à la hauteur de
la brèche pratiquée dans la maçonnerie, le sol que le tunnel traverse en cet
endroit.
« Jugeant,
d'ailleurs, que l'on pourrait mieux s'assurer pendant le jour que pendant la
nuit de l'état des puits, la commission a cru devoir faire de l'examen de
ceux-ci l'objet d'une inspection spéciale, à laquelle, en effet, il a été
procédé le 14 du courant, et qui a eu pour résultat de faire reconnaître que
les puits se trouvaient dans un état non moins satisfaisant que le reste du
tunnel.
« Dans cet état des
choses, la commission croit pouvoir affirmer que le souterrain de
Braine-le-Comte se trouve actuellement dans un état tel qu'il n'y a lieu à
avoir aucune inquiétude au sujet de cet ouvrage d'art, ni à prendre aucune
mesure, si ce n'est de conservation, à l'effet de le maintenir dans l'état où
il se trouve.
« Il va de soi-même
que l'administration doit veiller avec une vigilance incessante sur un ouvrage
aussi important au point de vue de la sûreté publique, et la commission ne
croit pas avoir besoin de recommander que des inspections rigoureuses en
constatent, de temps à autre, la situation exacte.
« Mais, pour que ces
inspections puissent être parfaitement efficaces et pour qu'aucune altération
ne puisse avoir lieu dans le profil, soit longitudinal, soit transversal du
tunnel, sans que l'on s'en aperçoive ou qu'on n'en soit informé, la commission
a jugé utile de faire constater exactement l'état actuel des lieux, par un
profil longitudinal et un certain nombre de profils en travers, rapportés à des
points de repère invariables, et qu'elle aura l'honneur de vous adresser
ultérieurement.
« En faisant
constater tous les ans, de la même manière, l'état des lieux, il sera
impossible qu'aucun changement y survienne, sans qu'on en ait connaissance et,
par conséquent, sans que l'on soit en mesure, non seulement de prévenir tout
accident, mais même d'empêcher qu'il y ait aucun accident à craindre.
« (Signé) de Moor, Gernaert, Willmar et Petit-Jean.
« Le président,
« (Signé) de Moor. »
Tels sont les
renseignements et les faits que j'avais à présenter à la chambre. Ainsi que
j'avais l'honneur de le dire en commençant, je crois qu'ils sont d'une nature
rassurante et que toute inquiétude doit disparaître maintenant quant à la
sûreté de la circulation sous le tunnel de Braine-le-Comte.
M. Delfosse. - Je ne dirai rien du tunnel de
Braine-le-Comte, je ne le connais pas, je ferai seulement remarquer que nos experts
n'en ont prédit ni la chute immédiate, ni la chute prochaine. Ils se sont
bornés à en signaler quelques parties défectueuses,
Je crois devoir
communiquer à la chambre un passage de l'interrogatoire de M. Masui relatif au
tunnel de Braine-le-Comte :
« On pourrait aussi
soutenir qu'il y a du danger dans les tunnels de Braine-le-Comte et de
Godarville, car là aussi il y a un écoulement d'eaux ; si un accident imprévu
arrivait, on viendrait également dire : Vous avez vu passer les eaux, vous
deviez reconnaître qu'il y avait danger et vous avez été très imprudent de
laisser circuler les convois. Eh bien, j'ai la conviction qu'il n'existe pas de
danger. »
Après cela, M. Masui
nous a priés d'ajouter : « en ce moment. »
J'aime à croire qu'il
n'y pas de danger en ce moment, je ne conseillerais néanmoins pas d'accoler un
second tunnel à celui de Braine-le-Comte.
M. Dumortier. - Ce que vient de
dire l'honorable M. Delfosse est exactement ce que contient le rapport que
vient de nous lire M. le ministre des travaux publics. Il y a dans ce rapport
un passage qui a une grande signification, c'est celui où les commissaires,
résumant leurs observations, concluent qu'aucun accident immédiat ou prochain
n'est à craindre. Dès lors on reconnaît que des accidents sont à craindre ;
seulement ces accidents ne seraient ni immédiats ni prochains ; on reconnaît
que le tunnel ne présente pas toutes les garanties que devrait offrir un
tunnel. C'est ce que vient de dire l'honorable M. Delfosse.
Nous sommes tous
d'accord que nous n'avons pas pour le présent de danger immédiat ou prochain à
craindre. Mais pour l'avenir on ne peut répondre de rien.
(page 530)
C'est en présence de pareilles déclarations, que je viens dire qu'il est
désirable qu'on n'accole pas à Braine-le-Comte un second tunnel au premier et
que pour la seconde voie on fasse une tranchée à ciel ouvert.
Voilà ce qu'il faut
conclure de ce que nous avons entendu hier et de ce que nous venons d'entendre
aujourd'hui. En s'occupant de l'établissement de la seconde voie, par tranchée,
j'engagerai le gouvernement à examiner s'il n'y aurait pas moyen d'établir les
deux voies dans la même tranchée, car comme nous avons à craindre, non pas un
accident immédiat ou prochain, mais médiat et éloigné, le devoir du
gouvernement est de prévoir l'accident immédiat ou prochain qui pourrait
survenir.
M. le
ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Il n'entre
nullement dans les intentions de l'administration de placer à Braine-le-Comte
un deuxième tunnel à côté du premier. Je crois qu'il est possible d'ouvrir une
tranchée à ciel ouvert pour la seconde voie. Un projet m'a été soumis qui fait
connaître que cette tranchée peut être établie moyennant une dépense de 400
mille fr. La pente la plus considérable sera de 10 millimètres par mètre. Dès
lors, il n'est plus question de la construction d'un nouveau tunnel pour la
seconde voie.
Nous aurons à
examiner s'il est possible d'établir les deux voies dans la tranchée à ciel
ouvert. Quant à l'établissement d'une seule voie à ciel ouvert, la possibilité
en est reconnue.
Je pense que
l'honorable M. Dumortier n'a pas compris le sens du rapport dont je viens
d'avoir l'honneur de donner lecture à la chambre. La commission qui m'a fait ce
rapport n'a pas eu l'intention de faire pressentir un certain danger dans
l'avenir ; elle n'a eu à exprimer son opinion que sur l'état actuel des choses.
Une commission n'ira jamais se charger de prédire l'avenir, n'ira jamais proclamer
que d'ici à longtemps il n'y a pas de danger à craindre ; il n'y pas de
commission qui voudrait prendre sur elle une pareille responsabilité. Son
devoir était d'examiner si dans le moment présent la circulation sous le tunnel
de Braine-le-Comte ne présentait pas de danger, et c'est ce qu'elle a fait.
La
commission a procédé à cet examen avec toute l'attention désirable et elle a
proclamé que l'état des choses ne présentait aucun danger. Il est évident que
quand il s'agit d'un travail aussi important et que la sécurité publique est
intéressée dans la question, le gouvernement doit prendre toutes les
précautions imaginables et prescrire un examen attentif et journalier de la
situation du tunnel. C'est ce que je me propose d'ordonner ; non seulement les
inspections ordinaires de l'administration continueront, mais tous les
trimestres il y aura une inspection de la commission que j'ai instituée. Je
crois que cela présente toutes les garanties possibles.
J'aimais à donner ces
explications pour rassurer ceux qui pourraient croire que la commission a été
d'avis que le tunnel présentait des dangers pour l'avenir. Car il n'en est
rien, la commission ne s'étant prononcée que sur la situation actuelle du
tunnel.
M. Dolez. - Les explications
que vient de vous donner M. le ministre des travaux publics sont de nature à
écarter les graves inquiétudes qui régnaient dans nos contrées sur l'état du
tunnel de Braine-le-Comte Mais je ne pense pas qu'elles soient entièrement
satisfaisantes en tout point. L'honorable M. Dumortier avait insisté pour que
le gouvernement prît l'engagement de profiler de l'établissement prochain de la
seconde voie, pour remplacer le tunnel de Braine-le-Comte par une tranchée à
ciel ouvert. M. le ministre des travaux publics lui a répondu qu'il était dès à
présent décidé que la seconde voie serait établie de cette manière, mais qu'on
avait encore à examiner s'il y avait possibilité d’établir les deux voies dans
la tranchée ou si l'on conserverait, d'une part, le tunnel pour la première
voie, et si de l'autre on ouvrirait une tranchée pour la seconde voie.
Je pense qu'il est
impossible d'admettre les explications de M. le ministre des travaux publics
avec cette portée. Dès l'instant qu'il est reconnu que le tunnel ne présente
pas une sécurité absolue, c'est-à-dire une sécurité qui ne soit pas limitée à
un espace de temps plus ou moins long, le devoir du gouvernement est d'étendre
aux deux voies la décision qu'il a prise, de substituer la tranchée à ciel
ouvert au passage souterrain. En agissant autrement, on s'exposerait, soyez-en
convaincus, messieurs, à devoir, dans quelques années, recommencer de nouveaux
travaux à grands frais.
Dans la construction
de nos chemins de fer, il y a eu beaucoup de fautes commises. Le tunnel de
Braine-le-Comte est une de ces fautes ; il était complétement inutile, il n'a
été qu'un monument élevé à la vanité des ingénieurs. Il faut franchement
apporter remède à la faute commise et supprimer le passage souterrain dont
l'inutilité est maintenant avouée et dont la solidité n'est garantie par les
rapports qui nous ont été lus que d'une manière provisoire. On aura bientôt
regagné, par les produits qu'apporteront les voyageurs que la crainte écarte du
chemin de fer, de quoi couvrir les frais qu'entraînera l'établissement des deux
voies à ciel ouvert. Je prie donc M. le ministre de ne pas borner l'examen
auquel il se livre à l'établissement d'une simple voie,
mais à prendre pour point de départ nécessaire l'établissement des deux voies à
ciel ouvert. Si on établit la seconde à ciel ouvert, c'est qu'on reconnaît que
le travail présentera un jour des dangers. Une demie mesure est dès lors
impossible. La vie des voyageurs venant vers Bruxelles, n'est ni plus ni moins
précieuse que celle des voyageurs allant vers Mons et vers Namur. Le
gouvernement ne peut transiger avec le danger que peut courir la vie d'un grand
nombre de voyageurs.
Du reste, je me plais
à répéter qu'il résulte des explications données que le public peut être
rassuré quant à présent sur l'état du tunnel, et je m'en rapporte à la
sollicitude de M. le ministre, pour que la sécurité de l'avenir soit également
garantie par l'adoption de la mesure que je viens de signaler à son attention.
M. de Mérode. - Je suis persuadé, d'après les renseignements
donnés par M. le ministre des travaux publics, que le tunnel de Braine-le-Comte
n'offre aucun danger. Il faut éviter d'effrayer le public sur la solidité de
semblables ouvrages, qui sont nécessaires dans plusieurs lignes de chemins de
fer ; néanmoins puisque l'on se propose de faire une seconde ligne à ciel
ouvert dans la direction de Mons, il me semble que le prix d'un travail
semblable, ayant la largeur voulue pour une double voie, ne serait pas beaucoup
plus élevé que s'il n'était établi que pour une voie simple. En effet,
lorsqu'un déblai est à effectuer dans une grande profondeur, il doit offrir
infailliblement, dans sa partie supérieure, une largeur très considérable, qui
n'est augmentée pour une double voie que de la mesure qu'exige en plus celle-ci
dans le fond de ce même déblai et qui est peu de chose, comparée à la mesure
indispensable en toute hypothèse à sa sommité.
M. Delfosse. - Je demande à la chambre la permission de lui donner
lecture d'une pièce dont je n'ai pu faire hier qu'une mention sommaire, parce
qu'elle nous était parvenue trop tard.
Cette pièce est une
lettre de M. Stas, membre de l'Académie et professeur de chimie à l'école
militaire. M. Stas, après nous avoir communiqué les résultats de l'analyse des
mortiers pris sur divers points de l'ancien tunnel de Cumptich, ajoute :
« En cherchant la
moyenne des rapports du sable et de la chaux contenus dans le mortier de voûte,
on trouve que les corps y sont comme 74. 3 est à 25.7. C'est-à-dire que pour
une partie de chaux il y a trois parties de sable. (D'après le cahier des
charges il fallait quatre parties de chaux sur trois de sable).
« La même
considération n'est pas applicable au mortier des pieds droits, une moyenne
entre les chiffres qui diffèrent si considérablement entre eux, est de nulle
valeur. Un résultat cependant qui ne doit manquer de frapper ceux qui
examineront les analyses, c'est que la quantité de chaux y diminue à mesure
qu'on pénètre dans le tunnel et qu'on s'approche de la partie où l'éboulement
s'est opéré.
« Une considération
qui ressort également des analyses, c'est que le mortier du tunnel ne contient
ni pouzzolane, ni briques pilées, ni ciment.
« La chaux
employée pour préparer le mortier est-elle hydraulique ? D'après mes
recherches, je suis obligé de répondre négativement à cette question.
« La silice
combinée que je trouve dans le mortier provient pour la plus grande partie du
sable dont on s'est servi pour le faire ; cette silice, dans les différentes
analyses, n'est pas, d'ailleurs, en rapport avec la quantité de chaux qu'on y
rencontre, mais bien avec la quantité de sable.
" Une occasion
toute fortuite m'a permis de résoudre la question par l'analyse. J'ai rencontré
dans le mortier de la voûte des fragments de chaux, non mélangés avec le sable.
Ces fragments contiennent A. 1,8 p. c. de silice. B. 1,9 p. c. de silice
combinée. Cette quantité peut représenter tout au plus 3 p. c. d'argile. Or,
les chaux moyennes hydrauliques contiennent au moins 10 p. c. d'argile. »
La lettre que je
viens de vous lire, messieurs, prouve de plus en plus que les prescriptions du
cahier des charges ont été audacieusement violées ; elle aggrave encore les
charges qui pèsent sur de Ridder, Borguet et Stevens.
Discussion des articles
Article 10
M. le président. - La chambre est parvenue à l'article 10 ainsi conçu
:
« Art. 10. (projet de
la section centrale.) Si les délinquants sont déguisés ou masqués, ou s'ils
n'ont aucun domicile connu dans le royaume, ils seront arrêtés sur-le-champ, et
mis à la disposition du procureur du roi. »
« Art. 10. (projet du
gouvernement.) Si les délinquants sont déguisés ou masqués, ou s'ils n'ont pas
de domicile connu, ils seront conduits devant le bourgmestre ou le juge de
paix, lequel s'assurera de leur individualité. »
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - D'après le projet de
la section centrale, le chasseur qui se trouverait dans l'un des cas prévus par
cet article serait mis à la disposition du procureur du roi ; or on ne peut
mettre à la disposition du procureur du roi que les individus qu'on peut
arrêter. Le procureur du Roi qui aurait à sa disposition un de ces délinquants,
devrait le faire mettre immédiatement en liberté. L'intervention du procureur
du roi est donc inutile, quand il s'agit uniquement d'un fait de chasse.
D'un autre côté, pour
s'assurer de l'individualité du délinquant, mieux vaut assurément le conduire
devant le juge de paix ou devant le bourgmestre, que de le faire voyager
jusqu'au chef-lieu de l'arrondissement.
Il va de soi que si
le délinquant ne justifie pas de son individualité, s'il est étranger ou en
étal de vagabondage, les lois sur les passeports et sur le vagabondage lui
seront applicables ; et qu'alors le bourgmestre le mettra en arrestation et le
fera conduire devant le procureur du roi.
M. Vanden Eynde. - Je suis tout à fait de l'avis de M. le
ministre de la justice. Mais pour donner une direction au juge de paix et au
bourgmestre, je proposerai d'ajouter « et le fera conduire, s'il y a lieu,
devant le procureur du roi. »
Cela exprimera
exactement les intentions de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la
justice (M. d’Anethan). - Je ne m'y oppose pas.
M. Fleussu. - D'après le projet
de la section centrale, le délinquant devait être mis à la disposition du
procureur du roi. Comme à cette rédaction on en substituait une autre, on
aurait pu en conclure par un argument a contrario que le délinquant ne devait
jamais être mis à la disposition du procureur du roi. Mais l'amendement proposé
par l'honorable M. Van den Eynde fait cesser toute espèce de doute sur ce
point.
M. Savart-Martel,
rapporteur. - Cet amendement est d'autant plus (page 531) nécessaire, qu'il arrive
souvent que des étrangers viennent chasser dans notre pays.
- L'amendement de M.
Van den Eynde est mis aux voix et adopté.
L'article 10 est
adopté avec cet amendement.
Article 11 (du projet du gouvernement et de
la section centrale)
La chambre passe à
l'article 11, ainsi conçu :
« Art. 11 (projet de
la section centrale). Les employés assermentés des octrois municipaux pourront
constater, à l'entrée des communes, les délits prévus par la loi. Leurs
procès-verbaux feront foi jusqu'à preuve contraire. »
« Articles
11 à 14 proposés par le gouvernement et destinés à remplacer l'article 11 du
projet de la section centrale :
« Art. 11. Les délits
prévus par la présente loi seront prouvés, soit par procès-verbaux ou rapports,
soit par témoins, à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui. »
« Art. 12. Les
procès-verbaux des bourgmestres et échevins, des commissaires de police,
officier, maréchal des logis ou brigadier de gendarmerie, gardes forestiers,
gardes champêtres ou gardes assermentés des particuliers, feront foi jusqu'à
preuve contraire. »
«
Art. 13. Les procès-verbaux des employés des douanes et des octrois feront
également foi, jusqu'à preuve contraire, lorsque, dans les limites de leurs
attributions respectives, ces agents rechercheront et constateront les délits
prévus par le paragraphe premier de l'article 5. »
« Art. 14. Dans les
24 heures du délit, les procès-verbaux seront, à peine de nullité, affirmés par
les rédacteurs devant le juge de paix ou l'un de ses suppléants, ou devant le
bourgmestre ou échevin, soit de la commune de leur résidence, soit de celle où
le délit aura été commis. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Le gouvernement a cru indispensable de rédiger ces articles,
parce que la section centrale, dans l'article 13, avait proposé l'abrogation de
la loi de 1790, et fait ainsi disparaître les règles relatives à la
constatation des délits.
M.
Fleussu. - Je remarque que l'on n'ajoute foi aux
procès-verbaux des gardes forestiers que jusqu'à preuve contraire. C'est une
innovation que l'on introduit dans la législation. Je ne sais si c'est par
inadvertance ou à dessein que M. le ministre de la justice a fait ce
changement. D'après la loi de 1791, les procès-verbaux des gardes forestiers
font foi jusqu'à inscription de faux, jusqu'à concurrence de 100 fr. D'après
les amendements présentés, ces procès-verbaux ne feraient plus foi que jusqu'à
preuve contraire ; il y a danger à changer cette législation à laquelle
tout le monde est habitué. Ce changement pourrait avoir ce résultat fâcheux,
que les maraudeurs se consulteraient pour établir la preuve négative. Pour la
constatation des délits commis à l'ombre des bois, il faut établir d'autres règles
que pour les délits qui se commettent au grand jour. Le législateur de 91 a eu
raison de donner foi aux procès-verbaux des gardes forestiers jusqu'à
inscription de faux. Cette législation n'a présenté, jusqu'à présent, aucun
inconvénient ; je demande a M. le ministre de la justice pourquoi il propose de
la changer.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Ce n'est pas par inadvertance que la disposition dont
il s'agit a été présentée par le gouvernement. Il est vrai qu'aux termes de la
loi de 1791, comme l’a dit l'honorable M. Fleussu, les procès-verbaux des
gardes forestiers qui constatent les délits, font foi jusqu’à inscription de
faux, alors que l'amende ne s'élève qu'à 100 francs, tandis que les
procès-verbaux des gardes champêtres, au contraire, ne font foi que jusqu'à
preuve contraire. Nous avons pensé qu'il n'y avait aucun motif pour ne pas
mettre sur la même ligne les gardes champêtres et les gardes forestiers,
attendu que les premiers peuvent, aussi bien que les gardes forestiers,
constater des délits de chasse dans les bois des communes, des particuliers et
même de l'Etat, lorsque ces bois sont situés dans la commune où les gardes
champêtres ont le droit de verbaliser.
Il nous a paru au
moins singulier de laisser un pouvoir plus étendu aux gardes forestiers qu'aux
gardes champêtres puisque leurs nominations se font de la même manière et
qu'ils doivent présenter les mêmes garanties d'honneur et de moralité.
D'après la rédaction
proposée, non seulement les gardes champêtres et les gardes forestiers mais
encore les bourgmestres, les commissaires de police ont le droit de constater
des délits de chasse ; or les procès-verbaux de ces fonctionnaires qui sont
dans une position plus élevée que les gardes forestiers, ne font foi que
jusqu'à preuve contraire. Comment donner plus d'autorité aux procès-verbaux
dressés par des agents inférieurs ?
En France, on avait
proposé de maintenir la disposition d'après laquelle les procès-verbaux des
gardes forestiers font foi jusqu'à inscription de faux et de l'étendre aux
procès-verbaux dressés par les gardes champêtres. Après une longue discussion,
cette disposition a été rejetée et l'on a, je pense, bien fait. Il suffit
d'accorder foi aux procès-verbaux jusqu'à preuve contraire. Exiger
l'inscription de faux pour combattre un procès-verbal, c'est souvent rendre
illusoire le droit de défense, et dans tous les cas, c'est obliger à des
formalités assez compliquées.
Je ne pense donc pas
qu'il y ait lieu de maintenir l'exception existante pour les procès-verbaux des
gardes forestiers. Si on l'admettait, je ne comprendrais pas pourquoi on la
limiterait à la somme de 100 fr., ni pourquoi on l'écarterait dans le cas de
récidive et dans le cas de cumul de peines, alors que l'amende est portée de
100 à 200 fr. Dans ce cas, les agents rie seraient pourtant crus que jusqu'à
preuve contraire ; dans le système que veut maintenir l'honorable M. Fleussu,
ils seraient crus jusqu'à inscription de faux.
Messieurs, il me
semble convenable de faire disparaître cette anomalie, et de mettre sur la même
ligne tous les gardes à qui le droit de verbaliser est accordé par la loi. On obtient
une garantie suffisante en donnant foi à leurs procès-verbaux jusqu'à preuve
contraire.
Voilà,
messieurs, les motifs qui ont engagé le gouvernement à vous faire sa
proposition, et je ne crois pas qu'il puisse en résulter d'inconvénients.
L'honorable M.
Fleussu vous dit avec beaucoup de raison que lorsqu'une disposition est bien
comprise et par suite convenablement appliquée par le pouvoir judiciaire, il ne
faut pas la changer légèrement et dérouter en quelque sorte les juges.
Messieurs, je suis parfaitement de cet avis, mais je pense qu'ici, loin de
dérouter les juges, nous leurs facilitons les moyens de rendre bonne justice,
en faisant une loi générale d'après laquelle ils pourront juger si les
procès-verbaux sont valables, si le fonctionnaire qui l'a dressé était
compétent pour le faire, jusqu'à quel point foi est due à l’acte qui leur est
présenté.
M. Fleussu. - Vous comprenez,
messieurs, que je n'attache pas une grande importance à l'observation que j'ai
présentée. J'ai seulement voulu que l’on sût si c'était de propos délibéré
qu'on avait fait ce changement à la législation. Mais je demanderai s'il y aura
une différence entre les procès-verbaux dressés par les gardes forestiers,
lorsqu'il s'agit de délits forestiers, et entre les procès-verbaux dressés par
les mêmes gardes pour des délits de chasse. Lorsqu'un garde forestier constate
un délit forestier, il est cru jusqu'à inscription de faux. Si les observations
de M. le ministre sont fondées, elles doivent l'être aussi bien lorsqu'il
s'agit de délits forestiers,, que lorsqu'il s'agit de délits de chasse ; il me
semble d'ailleurs que les attributions des gardes forestiers devraient être
nettement définies.
Il
y a cependant un motif, messieurs, pour faire mettre les gardes forestiers sur
une autre ligne que les gardes champêtres ; je l'ai déjà indiqué ; c'est que
presque toujours le garde forestier se trouve seul dans une forêt ; qu'il est
rare que deux gardes s'y trouvent ensemble, ou qu'il y ait des témoins pour
confirmer leurs assertions. De sorte que si les gardes forestiers ne sont pas
crus jusqu'à inscription de faux, les braconniers pourront assez facilement
s'entendre, se prêter un secours mutuel pour établir des alibi ou échapper par
quelque autre moyen à la loi. Les gardes champêtres, au contraire, exercent
dans les campagnes ; ils peuvent très souvent appeler des témoins lorsqu'ils
constatent des délits, surtout en temps de chasse.
Quoi qu'il en soit,
messieurs, je demande, si la disposition présentée par M. le ministre est
adoptée, que les procès-verbaux dressés par les gardes forestiers, en matière
de délits forestiers, ne soient plus crus non plus que jusqu'à preuve
contraire.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je
répondrai à l'honorable M. Fleussu par les mots qu'il a prononcés dernièrement
; je lui dirai que les dispositions de la loi ne peuvent s'entendre que pro
subjecta materia. Nous ne nous occupons ici que des délits de chasse et
nullement des délits forestiers en général ; conséquemment les procès-verbaux
dressés pour constater ces derniers délits ne subiront, quant à la foi qui leur
est due, aucune modification.
M. Vanden Eynde. - Messieurs, à
l'occasion de l'article 12, je me permettrai de faire quelques questions à M.
le ministre de la justice.
On met sur la même
ligne, pour la constatation des délits de chasse, les bourgmestre et échevins,
les commissaires de police, l'officier, le maréchal de logis ou le brigadier de
gendarmerie, les gendarmes, les gardes forestiers, les gardes champêtres ou les
gardes assermentés des particuliers, et on dit que leurs procès-verbaux feront
foi jusqu'à preuve contraire.
Je comprends très
bien que les procès-verbaux des gardes champêtres, des bourgmestres, des
officiers de gendarmerie, ainsi que ceux des gardes particuliers, fassent foi
en justice jusqu'à preuve contraire, parée qu'à l'égard de toutes ces personnes
il y a information préalable par la justice sur leurs vie et mœurs, et qu'elles
ont été préalablement admises au serment en justice. Mais je ne sache pas qu'il
en soit de même pour les maréchaux de logis, pour les brigadiers de gendarmerie
et pour les simples gendarmes. Ceux-là n'ont pas serment en justice. Cependant,
par sa disposition, le gouvernement veut leur accorder le même droit qu'à un
garde assermenté, qu'à un bourgmestre. Je ne sais s'il est très prudent
d'établir un pareil principe.
Messieurs, d'après la
rédaction présentée par M. le ministre de la justice, non seulement les délits
pourront être constatés par deux gendarmes, mais par un seul gendarme, et ce
gendarme pourra rédiger un procès-verbal qui fera foi en justice, jusqu'à
preuve contraire.
Je dois aussi faire
une observation relativement au douanier.
D'après la loi du 22
avril 1820, sur les droits d'entrée, de sortie et d'accises, les procès-verbaux
des douaniers fout foi jusqu'à preuve contraire ; mais celle loi exige que ces
procès-verbaux soient signés par deux douaniers. Je demanderai a M. le ministre
de la justice, s'il veut encore déroger à cette disposition. Veut-il que le
procès-verbal signé par un seul douanier fasse foi jusqu'à preuve contraire ?
Il y aurait encore là, me semble-t il, une dérogation au système général des
lois sur les douanes. Je ne crois pas que les douaniers aient prête serment
devant le tribunal de l'arrondissement où ils exercent leurs fonctions. Cela
serait cependant nécessaire pour que le procès-verbal constatant un délit fît
foi devant la justice.
La
même observation s'applique aux employés de l'octroi. Leurs procès-verbaux, en
vertu de la loi de 1810, font aussi foi jusqu'à preuve contraire. Il est vrai
que cette loi ne dit pas que les procès-verbaux doivent être signés par deux
employés de l'octroi. Mais pour que leurs procès-verbaux fissent foi, il
faudrait que ces employés eussent serment en justice.
Je désire que M. le
ministre de la justice veuille bien s'expliquer sur ces différents points et
nous dire les motifs qui l'ont déterminé à présenter la rédaction d'un nouvel
article 12.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, les observations de l’honorable M.
Vanden Eynde portent sur l’extension d'attributions accordée (page 532) aux gendarmes, aux douaniers et
aux employés des octrois communaux.
Messieurs, la
question de savoir si des gendarmes ont le droit de constater les délits en
matière de chasse a paru douteuse. Des arrêts en sens divers ont été rendus. En
France, néanmoins, une ordonnance de 1820 semble leur avoir reconnu ce droit ;
chez nous, il serait difficile de la leur contester en présence d'un arrêté de
1814.
On ne doit pas
considérer comme une innovation ce que nous proposons en ce qui concerne le
droit dés gendarmes de dresser des procès-verbaux en matière de chasse ; mais
nous avons cru devoir indiquer d'une manière formelle que ce droit leur
appartient et cela nous a paru d'autant plus nécessaire que ce sont presque
toujours les gendarmes qui constatent de semblables délits.
Du moment que nous
accordions aux gendarmes le droit de faire des procès-verbaux, il fallait bien
accorder à ces actes foi jusqu'à preuve contraire ; sans cela ils seraient
complétement inutiles.
L'honorable M. Vanden
Eynde pense que les gardes champêtres et les gardes forestiers méritent plus de
confiance que les gendarmes, parce que les premiers ne sont nommés qu'après une
investigation sur leur vie antérieure et sur leurs antécédents. Mais il en est
absolument de même des gendarmes. Pour entrer dans la gendarmerie, il faut
avoir les certificats les plus honorables ; on n'admet que très difficilement
dans ce corps, et l'on peut avoir tout autant de confiance dans les gendarmes
que dans les gardes champêtres ou les gardes forestiers.
Certes, messieurs, si
un corps mérite la confiance, c'est bien le corps de la gendarmerie ; ce corps
rend les plus grands services pour le maintien de l'ordre public et de la
protection due aux personnes et aux propriétés, et je suis heureux d'avoir
l'occasion de proclamer le zèle et le dévouement dont ce corps fait preuve dans
les circonstances difficiles où nous nous trouvons.
La seconde
observation de l'honorable M. Vanden Eynde porte sur ce que les gardes
champêtres sont assermentés, tandis que les gendarmes ne le sont pas. Cela est
vrai ; mais la chambre voudra bien remarquer que nous ne demandons d'ajouter
foi aux procès-verbaux qu'après qu'ils ont été affirmés, de manière que le
serment sera spécialement prêté par le gendarme quant au procès-verbal dressé
par lui, et de même qu'aujourd'hui on accordé foi à la déposition d'un gendarme
qui vient donner son témoignage en justice, tout comme à la déposition de tout
particulier, de même on peut ajouter foi au procès-verbal dressé par lui, après
que ce procès-verbal aura été affirmé sous serment sincère et véritable ;
qu'importe que le gendarme ait ou non prêté serment en entrant en fonctions ?
Je pense donc que la
disposition qui assimile sur ce point le gendarme au garde champêtre est utile,
et qu'elle amènera de bons résultats.
Quant aux douaniers,
ils sont mis sur la même ligne que tous les autres fonctionnaires auxquels le
droit de constater les délits de chasse est accordé.
Vous remarquerez que
les douaniers et les employés de l'octroi doivent constater des délits en
quelque sorte matériels, l'existence du gibier en la possession du délinquant.
Il ne s'agit pas pour eux de constater si un individu a commis un délit de
chasse, d'en établir les circonstances, mais uniquement de savoir si un
individu est porteur d'un lièvre ou d'un perdreau ou de tout autre gibier. Je
crois que, pour constater un fait semblable, il est inutile d'être deux.
Il y a donc des
motifs pour attribuer au douanier et à l'employé de l'octroi, le droit de
dresser des procès-verbaux, même lorsqu'ils sont seuls, et cela par dérogation
aux lois de douane qui exigent la présence de deux employés, lorsqu'il s'agit
de constater des contraventions d'une tout autre importance, relativement à
l'introduction dans le pays de marchandises, soit passibles de droit à l'entrée,
soit frappées de prohibition.
Messieurs, d'après
les observations de l'honorable M. Vanden Eynde, il me paraît utile d'ajouter
deux mots à l'article 12.
« Les procès-verbaux
des bourgmestres et échevins, commissaires de police, officier, maréchal des
logis ou brigadier de gendarmerie, gendarmes, gardes forestiers, gardes
champêtres ou gardes assermentés des particuliers, feront foi jusqu'à preuve
contraire. »
Il faudrait ajouter à
l'énumération qui se trouve dans cet article les mois : « employés des douanes
et des octrois. » De cette manière, il n'y aurait plus aucune espèce de doute
quant à la foi due aux procès-verbaux des employés dont il s'agit et quant à la
forme de ces procès-verbaux.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Messieurs, la
disposition qui porte qu'il est dû foi aux procès-verbaux jusqu'à inscription
de faux, lorsqu’il ne s'agit que d'une somme de 100 fr. ; cette disposition
concerne les délits forestiers. Or nous nous occupons uniquement ici des délits
de chasse, et lorsqu'il s'agira de semblables délits, les juges consulteront la
loi que nous discutons, comme ils consulteront d'autres lois spéciales
lorsqu'il s'agira, par exemple, de délits forestiers ou de délits en matière de
douane.
il me paraît,
messieurs, qu'il serait difficile d'introduire dans une loi sur la chasse une
disposition relative à la foi due aux procès-verbaux concernant d'autres
matières, par exemple, la fraude. Si vous alliez, par certaines dispositions,
donner des facilités à la fraude, ce serait un grand mal, car enfin un délit de
chasse est une chose insignifiante comparativement à la fraude qui nuit à la
fois au trésor public et à l'industrie du pays.
M. Vanden Eynde. - J’avais demandé à M. le ministre de la
justice des explications sur le sens que le gouvernement voulait donner à cet
article. J'ai cru comprendre qu'il veut accorder des droits absolument égaux à
tous les agents dont il est parlé dans l'article, sans avoir égard aux lois
particulières qui règlent les attributions de ces divers agents. Je demanderai
à M. le ministre si c'est bien ainsi qu'il l'entend ?
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Oui, en ce qui concerne les délits de chasse.
M. Dumortier. - Messieurs, dans les parties du pays qui
avoisine la douane et surtout sur la frontière de France» il arrive très
fréquemment que quelques jours avant l'ouverture de la chasse, et lorsque la
chasse vient d'être ouverte, des braconniers étrangers pénètrent chez nous et y
enlèvent en peu de temps tout le gibier. Je demanderai ce que les douaniers
devront faire en pareil cas. Je prierai M. le ministre de la justice de bien
vouloir nous donner un mot d’explication sur les mesures que le gouvernement
prendra pour prévenir cet abus.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je ferai d'abord observer à l'assemblée, que
d'après l'article proposé, les douaniers n'ont le pouvoir de constater les
contraventions que dans les limites de leurs attributions. Ainsi ces agents
constateront le fait de l'introduction du gibier étranger, mais ils ne pourront
pas constater des délits de chasse proprement dits.
Dans
la discussion de la loi française, celle question a été longuement traitée, et
elle a été résolue dans le sens que je viens d'indiquer.
Le fait qui a été
signalé par l'honorable M. Dumortier est très grave, mais je vois difficilement
moyen d'y porter remède, car si un étranger vient dans le pays muni d'un
passeport, ayant ses papiers parfaitement en règle, il est impossible de
l'arrêter uniquement parce qu’il aura commis un délit de chasse, qui ne peut
entraîner qu'une condamnation à l'amende. Le douanier doit donc se borner dans
ce cas à constater le délit, mais si l'étranger qui l'a commis revenait dans le
pays après une condamnation par défaut, il devra être arrêté en vertu d'une des
dispositions du projet soumis à la chambre, et qui permet, après un délai de
trois mois, de substituer l'emprisonnement à l'amende.
M. de Garcia. - L'observation de
l'honorable M. Dumortier mérite toute l'attention de la chambre : plusieurs
fois j'ai entendu des plaintes sur des faits de braconnage exercés sur notre
frontière par des étrangers. Il est possible de pourvoir à cet abus.
L'article 10, voté
par la chambre, n'est qu'un amendement et dès lors on pourra sous-amender cette
disposition au deuxième vote ; Cet article est ainsi conçu :
« Si
les délinquants sont déguisés ou masqués, ou s'ils n'ont pas de domicile connu,
ils seront conduits devant le bourgmestre ou le juge de paix, lequel s'assurera
de leur individualité. »
Je crois, messieurs,
qu'on pourrait comprendre les étrangers dans cette disposition. (Interruption.) Il est vrai que, d'après
cette disposition, quand ils auront été reconnus, on devra les relâcher ; mais
il n'est pas impossible d'introduire dans l'article 10 une disposition plus
rigoureuse à l'égard des étrangers. On pourrait dire, par exemple, qu'ils
seront provisoirement arrêtés et détenus jusqu'au jugement définitif. Dans tous
les cas, je crois qu'il sera facile d'ici au second vote de trouver une
disposition qui fasse droit à l'observation de l'honorable M. Dumortier.
M. Dubus (aîné). - Il me semble,
messieurs, qu'il faut conclure de explications données par M. le ministre de la
justice sur la portée de l'article 13 nouveau, proposé par lui, que cet article
se réduit à peu près à rien. « Les procès-verbaux, dit cet article, des
employés des douanes et des octrois feront également foi, jusqu'à preuve
contraire, lorsque dans les limites de leurs attributions respectives, ces
agents rechercheront et constateront les délits prévus par le paragraphe
premier de l'article 5. » Mais, messieurs, il n'entre pas dans les
attributions que les lois en vigueur donnent à ces employés, de constater les
délits de chasse. Ils ne pourront donc pas constater ces délits. Que se passera-t-il
dès lors entre ces employés et ceux qui voudront importer du gibier, en temps
prohibé, soit dans le royaume, soit dans une ville où il y a un octroi ? Ceux
qui voudront importer du gibier dans le pays se présenteront pour acquitter le
droit, et que fera l'employé de la douane ? Il percevra le droit ou il ne le
percevra pas, mais à coup sûr il ne pourra pas constater de délit. Il ne pourra
pas constater un délit contre la loi de douane puisqu'on offre de payer le
droit ; il ne pourra pas constater un délit de chasse, parce que cela n'entre
pas dans sas attributions. L'employé de l'octroi sera absolument dans le même
cas : on se présentera pour acquitter le droit d’octroi : je pense qu'il devra
le refuser, car sans cela l'administration municipale se rendrait en quelque
sorte complice du délit, mais il ne pourra dresser aucun procès-verbal pour les
mêmes motifs qui empêchent l'employé des douanes de le faire.
Il
me semble donc, messieurs, qu'il faut ou supprimer l'article 13, ou supprimer les
mots : « Dans les limites de leurs attributions respectives. » Quant à moi je
demande cette dernière suppression. Je crois que c'est un moyen d'assurer
l'exécution de la loi que de permettre aux employés de la douane et des octrois
de constater les délits. Ces employés sont précisément placés à l'entrée du
royaume ou à l'entrée des villes ; ils peuvent donc arrêter le gibier au
passage, et c'est un moyen efficace de prévenir les contraventions.
M. le ministre de la justice (M.
d’Anethan). - Messieurs, l'honorable préopinant pense que la
disposition de l'article 13 est inutile avec le sens, selon lui, restrictif que
je lui ai donné. Qu'il me soit permis de vous lire une instruction donnée en
France relativement à un article analogue qui se trouve dans la loi française ;
« L'article 23, dit
cette instruction, porte que les procès-verbaux des employés des contributions
indirectes et des octrois feront loi jusqu'à la preuve contraire, lorsque, dans
la limite de leurs attributions respectives, ces agents rechercheront et
constateront les délits prévus par le paragraphe premier de l'article 4,
c'est-à-dire la mise en vente, la vente, l'achat, le colportage et le transport
du gibier eu temps prohibé. Les motifs de cette disposition sont évidents. Les
infractions dont il s'agit ici ne pourront presque jamais être constatées par
les gardes et (page 533) les
gendarmes, appelés, par la nature de leurs fonctions, à rechercher plutôt les
délits de chasse proprement dits qui se commettent au milieu des champs ; mais
les préposés de l'octroi, placés à l’entrée des villes pour surveiller les
objets qu'on veut y introduire, les employés des contributions indirectes,
obligés, par état, de visiter les auberges et les lieux ouverts au public, pourront,
tout en remplissant leur mission, constater sans peine le transport et la vente
illicites du gibier. »
Voilà, messieurs,
comment cette disposition est comprise en France.
Ainsi,
pour me servir de l'exemple donné par l'honorable M. Dubus, un employé de
l'octroi voit arriver un individu avec du gibier. Cet individu veut entrer en
ville avec le gibier dont il est porteur, et offre d'acquitter le droit établi
; l'employé refuse, car évidemment il ne peut pas recevoir le payement du droit
d'octroi sur du gibier en temps de chasse prohibée, ce serait s'associer en
quelque sorte au délit qui a été commis. Il refuse donc le payement des droits
et l'entrée du gibier, dans l'état actuel de la législature, il devrait se
borner là ; mais si vous adoptez la disposition proposée, il devra faire
quelque chose de plus ; il devra constater le transport du gibier et même le
saisir ; c'est, en effet, dans la limite de ses attributions qu'il acquerra
connaissance du délit. Il sera donc compétent pour en dresser procès-verbal ;
bien qu'il n'entre pas dans ses attributions habituelles de constater de
semblables délits, il suffit qu'il puisse le rechercher et le constater dans
l'exercice de ses fonctions ordinaires.
Voilà le sens dans
lequel l'article a été proposé. Du reste, si la chambre pense que la
disposition laisse quelque doute, quant à l'étendue de la compétence des
douaniers et des employés de l'octroi, je ne m'oppose en aucune façon à
l'amendement de 1 honorable M. Dubus.
M. de Saegher. - Messieurs, je
dois exprimer mon étonnement de ce que M. le ministre de la justice veuille
adopter l'amendement présenté par l'honorable M. Dubus ; je pense que son
adhésion ne peut être attribuée qu'au temps qui lui a manqué pour examiner la
portée de cet amendement.
Que propose
l'honorable M. Dubus ? Il propose de rayer de l'article les mots « dans les
limites de leurs attributions respectives ; » resterait donc un article ainsi
conçu :
« Les procès-verbaux
des employés des douanes et des octrois feront également foi jusqu'à preuve
contraire, lorsque ces agents rechercheront et constateront les délits prévus
par le premier paragraphe de l'article 5. »
La portée de cet
article, messieurs, est donc celle-ci : c'est de créer autant de gardes de
chasse qu'il y a d'employés d'octroi et de douaniers ; je dis que cela est
contraire aux nécessités du service public ; je dis que les employés des
douanes doivent s'occuper d'empêcher que les marchandises étrangères ne soient
introduites en fraude dans le pays, au grand détriment de l'industrie indigène
: telle doit être leur occupation, et ils ne peuvent pas en avoir d'autre. Eh
bien, si vous allez leur permettre de constater les délits concernant la
chasse, il arrivera bien souvent qu'ils seront plus actifs, surtout dans
certains rayons, à exercer leurs nouvelles attributions qu'à surveiller
l'introduction en fraude des marchandises étrangères.
Messieurs, il y a un
autre motif. Nos frontières sont pour ainsi dire couvertes de douaniers ;
pourquoi le rayon de la douane devrait-il être mieux surveillé, quant à la
chasse, que toute autre partie du pays ? J'avoue que je ne comprends pas que
l'on puisse adopter l'amendement, tel qu'il est proposé par l'honorable M.
Dubus.
Ce que je dis des
douaniers, doit être dit des employés de l'octroi ; ils ont pour mission
d'empêcher que des marchandises n'entrent dans les villes sans payer les
droits.
Si nous admettons la
suppression proposée, les employés de l'octroi iront faire des recherches même
à l'intérieur des villes.
Je comprends très
bien la portée de l'article, tel qu'il est proposé par le gouvernement, et cet
article, je l'adopte, parce qu'il tend à réprimer efficacement le braconnage.
La portée de l'article vous a déjà été expliquée par M. le ministre de la
justice ; c'est comme s'il y avait que les douaniers et les employés des
octrois pourront constater les délits dont il s'agit, qu'ils rencontreront dans
l'exercice de leurs fonctions, c'est-à-dire qu'ils rencontreront
accidentellement, pendant qu'ils sont occupées à exercer leurs fonctions
habituelles.
Si,
par exemple, un employé de l'octroi fait des perquisitions dans une voiture,
pour voir s'il ne s'y trouve pas de marchandises sujettes aux droits, et s'il
trouve qu'en temps prohibé, cette voiture contient du gibier, sans doute,
d'après l'article en question, il devra le constater ; il me paraît qu'il ne
peut y avoir aucun doute à cet égard. D'après ces simples observations, j'ose
espérer que la chambre n'adoptera pas l'amendement de l'honorable M. Dubus. Il
est difficile de comprendre toute la portée d'un amendement sur lequel on n'a
pas eu le temps de méditer ; mais les inconvénients que je viens de signaler me
paraissent suffisants pour motiver le rejet que je propose.
M. le ministre de la
justice (M. d’Anethan). - Messieurs, je crois que nous sommes d'accord sur le
fond de l'article et qu'on ne diffère que sur la forme ; il ne s'agit pas de
transformer exclusivement en agents chargés de réprimer le braconnage, soit les
douaniers, soit les employés des octrois mais si, dans l'exercice de leurs
fonctions respectives, ces employés constatent un délit prévu par la loi
actuelle, ils auront le droit de dresser procès-verbal. Vous avez voulu,
messieurs, défendre la vente et le transport du gibier, vous devez vouloir par
tous les moyens réguliers ou légitimes, empêcher la perpétration de ces délits.
Les agents de l'octroi seront, moins encore que les douaniers, exposés au
danger de se transformer en fonctionnaires exclusivement chargés de constater les
délits de chasse ; en effet, l'exercice de leurs fonctions se renferme dans un
rayon très circonscrit, et ils ne peuvent pas quitter la place qui leur est
assignée. Je pense donc qu'on peut, sans inconvénient, adopter l'amendement de
l'honorable M. Dubus.
M. Fallon. - Je crois
rencontrer la pensée de l'honorable M. Dubus en proposant, par sous-amendement,
de mettre, au lieu des mots : « dans les limites de leurs fonctions respectives
» ceux-ci : « dans le lieu où ils sont autorisés à exercer leurs fonctions. »
- Ce sous-amendement
est appuyé.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, tout
en rendant hommage au zèle que déploie l'honorable M. de Saegher pour que les
douaniers et les employés des octrois ne soient pas enlevés à leurs fonctions
habituelles, je dois cependant faire remarquer qu'il a donné à l'amendement que
j'avais eu l'honneur de présenter et aux observations par lesquelles je l'avais
appuyé, une portée qu'ils n'ont pas.
L'honorable membre a
déclaré, en effet ,que mes observations étaient inopinées pour lui, et je dois
reconnaître, de mon côté, qu'il n'avait pas lu avec attention l'article 13
proposé par M. le ministre de la justice et auquel mes observations s'appliquaient
; s'il avait lu avec attention l'article 13, il se serait aperçu qu'il ne
s'agit pas dans cet article de faire des douaniers et des employés de l'octroi
des gardes-chasse chargés d'aller constater partout les délits de chasse ; il
s'agit uniquement de donner une sanction au paragraphe premier de l'article 5
de la loi.
Or, de quoi est-il
question dans le premier paragraphe de l'article 5 ? Il est uniquement question
de la défense de vendre, d'acheter, de colporter le gibier pendant le temps où
la chasse est fermée. Eh bien, quels sont ceux qui dans l'exercice de leurs
fonctions habituelles sont les plus à même de constater les contraventions à la
disposition du premier paragraphe de l'article 5 ? Ce sont précisément, d’une
part, les agents qui sont placés aux frontières pour empêcher l'introduction
frauduleuse des marchandises étrangères dans notre pays, et, d'autre part, ceux
qui sont placés aux portes de nos villes, pour empêcher également
l'introduction frauduleuse des marchandises qu'on voudrait soustraire aux
droits d'octroi établis dans toutes nos villes.
D'après
la force de ces mots « dans les limites de leurs attributions respectives, » on
aurait pu soutenir que les attributions des douaniers et des employés des
octrois n'étant pas changées, ils n’avaient pas le droit de constater les
contraventions à la disposition du paragraphe premier de l'article 5. En
retranchant les mots que je viens d'indiquer, aucun abus n'est possible, et en
même temps on donne à ces agents une véritable attribution de plus. Voilà la
portée de mon amendement.
Il est bien entendu,
du reste, qu'on n'enlève point par-là ces agents à l'obéissance qu'ils doivent
aux ordres de leurs supérieurs ; et qu'ils demeurent par conséquent obligés
d'exercer leurs fonctions là où on leur donne l'ordre de les exercer ; et sous
ce rapport tout doute disparaîtra, si l'on admet le sous-amendement de
l'honorable M. Fallon, sous-amendement pour lequel je voterai également.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Je ne m'oppose pas
au sous-amendement proposé par l'honorable M. Fallon. Je considère cependant
cette disposition comme à peu près inutile, car les employés des octrois, pas plus
que les douaniers, n'ont le droit de dresser procès-verbal hors des lieux dans
lesquels ils peuvent exercer leurs fonctions. Cela est évident.
M. de Saegher. - Messieurs, je
persiste dans les observations que j'ai faites en premier lieu, les
considérations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Dubus, ne
m'ont pas fait changer d'opinion ; il est possible seulement que, dans les
expressions dont je me suis servi, je me sois exprimé d'une manière trop
générale ; mais il n'en reste pas moins vrai que dorénavant, si vous adoptez
l'amendement de M. Dubus, les douaniers seront chargés de surveiller la vente,
l'achat, le transport et le colportage du gibier. Il n'en reste pas moins vrai
que par-là vous allez leur donner des attributions nouvelles et que ces
nouvelles attributions vont les distraire trop souvent de leurs devoirs
principaux.
Telle n'a pas été
l'intention du législateur auquel on a emprunté la disposition qui nous occupe.
En France (et c'est la disposition française textuelle que le gouvernement a
présentée en premier lieu), en France il a été bien entendu que les douaniers
ne constateraient des délits de chasse que lorsqu'ils rencontreraient ces
délits dans l'exercice de leurs fonctions de douanier, et qu'il ne leur était
imposé aucune obligation nouvelle. C'est à vous de voir, messieurs, si vous
pouvez adopter la disposition que propose l'honorable M. Dubus et qui change
totalement l'article.
- La clôture est
demandée.
Elle est mise aux
voix et prononcée.
L'article 11 est mis
aux voix et adopté.
Article 12 (nouveau)
« Art. 12 (nouveau).
Les procès-verbaux des bourgmestres et échevins, commissaires de police,
officier, maréchal des logis ou brigadier de gendarmerie, gendarmes, gardes
forestiers, gardes champêtres ou gardes assermentés des particuliers, feront
foi jusqu'à preuve contraire. »
- Adopté.
Article 13 (nouveau)
« Art. 13 (nouveau).
Les procès-verbaux des employés des douanes et des octrois feront également
foi, jusqu'à preuve contraire, lorsque, dans les limites de leurs attributions
respectives, ces agents rechercheront et constateront les délits prévus par le
paragraphe premier de l'article 5. »
M. le président. - M. Fallon propose de substituer aux mots : « Dans
les limites de leurs attributions respectives, » ceux- ci : « Dans les lieux où
ils sont autorisés à exercer leurs fonctions. »
M. Dubus, en cas de
rejet de cet amendement, propose la suppression des mots ; » dans les limites
de leurs attributions respectives. »
- L'amendement de M.
Fallon est mis aux voix et adopté.
L'art. 13 ainsi
amendé, est également adopté.
Article 14 (nouveau)
« Art. 14 (nouveau).
Dans les 24 heures du délit, les procès-verbaux seront, à peine de nullité, affirmés
par les rédacteurs devant le juge de paix ou l'un de ses suppléants, ou devant
le bourgmestre ou échevin, soit de la commune de leur résidence, soit de celle
où le délit aura été commis. »
- Adopté.
Article 15 (article
12 de la section centrale)
(page 534) « Art. 15 (12 de la section centrale). Les poursuites
auront lieu d'office ; mais s'il s'agit uniquement d'une contravention à
l'article 2, les poursuites n'auront lieu que sur la plainte du propriétaire ou
locataire de la chasse. Le plaignant ne sera tenu de se constituer partie
civile que s'il veut conclure aux indemnités, dommages et intérêts. »
M. le président. - M. le ministre de la justice a proposé de
substituer aux mots : « locataire de la chasse », ceux-ci : « ayant
droit. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Il faut également supprimer le mot
« indemnités, » par suite du système adopté, qui ne maintient que
l'amende.
Le plaignant, disait l'article
12, ne sera tenu de se constituer partie civile que s'il veut conclure aux
indemnités, dommages et intérêts.
Il faut laisser
uniquement les mots : « s'il veut conclure aux dommages et
intérêts. »
M. de Saegher. - J'ai demandé la parole pour faire une
observation sur cet article. Le projet portait que dans les cas prévus par la
présente loi, les poursuites pourraient se faire d'office. D'après l'article du
projet de la section centrale auquel le gouvernement s'est rallié, les
poursuites auront lieu d'office, mais quand il s'agirait uniquement d'une
contravention à l'article 2, les poursuites n'auraient lieu que sur la plainte
du propriétaire ou ayant droit.
Ces deux rédactions
pourraient donner lieu à quelque doute. Je pense qu'il est entendu que le
ministère public conserve, en cas de plainte, son entière liberté d'action.
M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est de toute évidence
; on n'a pas voulu enlever au ministère public sa liberté d'action, son droit
d'appréciation. D'ailleurs la partie lésée peut saisir directement le tribunal
aux termes du code d'instruction criminelle.
M. de Saegher. - J'ai demandé
cette explication, parce qu'en France il y a eu des débats très sérieux sur
cette question.
- La suppression du
mot « indemnités » est adoptée.
La substitution des
mots « ayant droit » aux mots « locataire de la chasse »
est également adoptée.
- L'ensemble de
l'article ainsi modifié est adopté.
Article 16 (article
13 de la section centrale)
« Art. 16 (13 de la
section centrale). Dans tous les cas prévus par la présente loi, le juge
prononcera subsidiairement un emprisonnement de dix jours à deux mois contre
tout condamné qui n'aura pas satisfait aux amendes prononcées à sa charge dans
le délai de trois mois, à partir de la date du jugement, s'il est
contradictoire, et à partir de sa notification, s'il est par défaut. »
M. Savart-Martel. - Messieurs,
quoique rapporteur de la section centrale, je dois dire que je n'ai pas été
d'opinion qu'il fallait laisser un délai avant d'exiger l'exécution de la loi
et il m'a paru qu'un délai de trois mois était excessivement long, qu'après ce
délai la peine n'aurait plus l'effet que l'on doit en attendre et que dans
l'intervalle de la condamnation à l'exécution le même braconnier se livrerait
peut-être à des récidives multipliées. Un jugement correctionnel doit
s'exécuter autant que possible tout de suite, bien entendu après les délais
d'appel, mais dès que le jugement est passé en force de chose jugée. Les peines
n'ont d'effet que quand elles suivent le délai du plus près possible. C'est
dans les délits de cette nature qu'il faudrait saisir le délinquant, le mettre
en prison et lui faire subir sa peine tout de suite. Mais nos mœurs n'admettent
pas cette manière de procéder.
Voyez ce qui arrivera
si vous laissez le délai de trois mois que propose la section centrale. Le
braconnier se moquera de votre jugement. Trois mois, c'est pour lui l'éternité
; il aura pendant ce temps-là le moyen de gagner l'amende à laquelle on l'aura
condamné. Je ne dis pas qu'il pourra s'en aller, quitter le pays, car nous n'en
serions pas fâchés, nous ne tenons pas à nourrir des braconniers, mais il
pourra aller dans une autre partie du pays et s'y livrer de nouveau au
braconnage.
En
donnant des instructions, on pourrait en partie parer aux inconvénients. Je
proposerai le délai de deux mois au lieu de trois, quoique j'eusse désiré qu'il
ne fût que d'un mois.
- L'amendement de M.
Savart est appuyé.
M. Desmet. - Au lieu d'appuyer un pareil amendement, j'avais
demandé la parole pour faire une observation dans nn autre sens, pour attirer,
l'attention de la chambre sur la sévérité extrême de cette disposition. Dans le
même jugement vous condamnez le délinquant à une forte amende et
subsidiairement à la prison, jusqu'à deux mois, sans parler des frais pour
lesquels vous avez encore le pouvoir de le retenir en prison pendant cinq ou
six mois. Remarquez que cela ne s'applique pas seulement aux braconniers, mais
à celui qui aura transporté ou acheté un lièvre ou un perdreau, détruit un nid
ou une couvée.
Un
père de famille qui aurait eu l'imprudence de détruire une couvée de perdreaux,
pourrait être mis en prison pendant six à sept mois, car ceux qui commettent
ces contraventions sont hors d'état de payer des amendes comme celles que nous
prononçons. Je vous demande si c'est là une peine en rapport avec le fait. Je
ne parle pas seulement de faits de braconnage, mais de faits innocents qui
peuvent arriver tous les jours, tels que le transport d'un lièvre ou d'un
perdreau, sans délit de chasse ; pour ce fait seul on pourrait être mis en
prison pour deux mois sans les frais. Je ne propose pas d'amendement, car je
suis décidé à voter contre la loi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - L'honorable préopinant semblé avoir perdu de
vue ce qui se pratique et ce qui justifie la proposition, c'est précisément
parce qu'il y a ce caractère d'insolvabilité chez les délinquants, qu'ils obtiennent
des certificats de mendicité, d'indigence, d'impossibilité de payer, que la loi
a été privée de sanction. C'est pour donner une sanction à la loi, pour punir
avec certitude le braconnage, que la disposition a été admise.
L'honorable
membre voit un inconvénient, un danger dans le fait qu'un citoyen peut être
condamné pour le simple fait de transport d'un lièvre. Mais la loi donne au
juge une latitude entre le minimum de 6 jours et le maximum de 2 mois. Ce sera
au juge à examiner les circonstances du délit et à appliquer dans sa sévérité
en prononçant le maximum, ou dans son indulgence en prononçant le minimum de la
peine.
M. Desmet. - Si je dévaste un champ, si je cause quelque dommage
dans une basse-cour, je suis condamné à trois jours d'emprisonnement et 15 fr.
d'amende ; et si j'ai le malheur de prendre un lièvre et même, par suite de
l'amendement de M. le ministre, si, croyant tirer un lapin, je tue un lièvre,
je puis être jeté en prison pendant six mois.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Le dernier inconvénient que vient de
signaler l'honorable préopinant, n'aura pas, pour les citoyens, le grand danger
qu'il nous a exposé. Je me propose au deuxième vote, de soumettre à la chambre
une modification de rédaction en ce qui concerne les lapins, en conséquence le
danger signalé sera complétement écarté.
- La discussion est
close.
L'amendement de M.
Savart est mis aux voix et adopté.
L'article ainsi
amendé est également adopté.
« Article
nouveau (proposé par M. Dumortier).
Les amendes comminées à l'article 15 seront réparties, la moitié à l'employé
saisissant et l'autre moitié à la caisse qui paye le traitement de cet employé.
»
Cet amendement a été
développé dans une séance précédente.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - L'amendement de l'honorable M. Dumortier est
contraire aux dispositions que la chambre a déjà votées. Le gouvernement s'est
opposé à ce qu'une partie de l'amende soit attribuée aux gardes verbalisants.
La chambre a adopté cette opinion, et a rejeté les articles présentés dans ce
sens, par la section centrale. Nous pensons que la chambre doit maintenir, en
ce qui concerne l'amendement de M. Dumortier, l'esprit de la décision qu'elle a
prise.
Nous ne voyons pas de
motifs pour s'en écarter dans cette circonstance.
Il me paraît,
messieurs, qu'il est en général dangereux d'accorder au garde ou à l'employé
qui verbalise, une partie de l'amende prononcée entre la personne à la charge
de laquelle le procès-verbal est dressé. Je sais bien, et l'honorable M.
Dumortier a, je pense, en développant son amendement, dit un mot à cet égard,
qu'ici il s'agit uniquement de contraventions que j'appellerai matérielles, de
contraventions constatées à l'entrée des villes, et où l'objet saisi établit
jusqu'à l'évidence l'existence de la contravention.
Aussi, là n'est pas
le danger, mais il peut naître à l'occasion des autres attributions confiées à
ces employés. Car, remarquez-le bien, d'après l'amendement de l'honorable M.
Fallon, que vous venez d'adopter, les employés de l'octroi communal pourront
non seulement saisir le gibier à la porte de la ville, mais encore le saisir
dans la ville sur les individus qui en seront porteurs. Ne serait-il pas
dangereux d'exciter trop fortement le zèle de ces employés, en les engageant en
quelque sorte à faire des visites personnelle à vexer des citoyens, en
cherchant à tout propos à s'assurer si le paquet dont ils sont porteurs ne
renferme pas de gibier.
Les
dispositions que nous avons votées, messieurs, me paraissent assez sévères,
pour que nous n'en augmentions pas encore la sévérité par le zèle exagéré
peut-être que nous engagerons les employés de l'octroi à déployer, zèle qui
serait excité, c'est le seul but que peut avoir l'amendement de l'honorable M.
Dumortier, par l'appât du gain, par le désir de profiter des amendes qui
seraient encourues par ceux qu'ils auraient mis en contravention.
Je crois donc par ces
raisons devoir maintenir l'opinion que j'ai émise sur un article précédent et
qui a été adoptée par la chambre. J'espère que la chambre maintiendra cette
opinion et qu'elle rejettera l'amendement de l'honorable M. Dumortier.
M. Dumortier. - Messieurs, je
suis vraiment surpris que M. le ministre de la justice assimile la disposition
que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre avec celle que vous avez
rejetée. Moi-même j'ai été pour le rejet de la disposition que vous avez
écartée sur la proposition de M. le ministre de la justice et je comprends
parfaitement les raisons qu'il a données à l'appui de son opinion. De quoi
s'agissait-il en effet ? Il s'agissait d'employés verbalisant sur des faits qui
peuvent toujours disparaître d'un instant à l'autre. Et de quoi s'agit-il
maintenant ? Il s'agit de la constatation d'un fait matériel, du fait de
l'existence ou de la non-existence du gibier entre les mains du délinquant et
cela en temps prohibé C'est là, messieurs, un fait qui ne peut donner matière
aux abus auxquels l'article dont a parlé M. le ministre de la justice pouvait
prêter. Lorsqu'il s'agit, par exemple, de contraventions pour port d'armes, on
conçoit très bien que des abus puissent exister à chaque instant ; mais
lorsqu'il s'agit de la saisie d'un gibier à la porte d'une ville, il y a là un
fait matériel qui ne permet pas d'abus, ou qui ne permet d'abus que dans des
circonstances tellement extraordinaires que si l'on voulait tenir compte de ces
circonstances, il faudrait annuler toute la loi.
Mais, dit M. le
ministre de la justice, par suite de l'amendement de l'honorable M. Fallon, les
employés pourront verbaliser non seulement aux portes, mais dans toute la ville.
Messieurs, j'ai voté de grand cœur pour l'amendement de l'honorable M. Fallon ;
mais je dois le dire, si cet amendement avait pour effet de devoir faire
rejeter celui que j'ai l'honneur de vous présenter et qui est d'une bien autre
importance, je déclare qu'au second vote, je viendrais en demander la
suppression. Je ne crois pas que (page
535) l'intention de l'honorable M. Fallon ait été de faire chose telle
qu'il empêchât une sanction a la loi.
Quelle est, en effet,
messieurs, la réalité des choses dans les circonstances actuelles ? C'est que
de bonnes et excellentes dispositions sont présentées, mais qu'elles n'ont
aucune espèce de sanction ; j'irai plus loin, c'est qu'elles ont même une
sanction de non-exécution dans la loi.
Ainsi, l'article 5
interdit le transport, la mise en vente et l'achat du gibier en temps prohibé.
C'est là une très bonne disposition. Mais où est sa sanction ? Elle n'existe
nulle part. Car il faut bien reconnaître, messieurs, que toutes les fois que
vous faites une loi correctionnelle quelconque qui ne concerne pas des faits
contraires aux personnes ou aux propriétés, l'agent chargé de réprimer ces
faits, n'agit que lorsqu'il y est intéressé. C'est sur ces données qu'ont été
basées toutes les lois de douanes, toutes les lois d'octroi, toutes les lois,
en un mot, qui attribuent à l’employé saisissant une part dans la saisie.
Si, messieurs, vous
ne mettez dans la loi qui vous occupe, aucune sanction, qu'arrivera-t-il ?
C'est que l'employé qui verra passer le gibier, se dira : Pourquoi me faire un
ennemi de celui qui porte ce gibier ? Laissons-le passer. La morale publique
n'est pas intéressée à la répression de ce délit ; la criminalité ne l'est pas
non plus ; de sorte que la loi ne sera pas exécutée ; et l'inexécution de la
loi est la pire des choses en pareille matière.
Il y a plus,
messieurs, et déjà l'honorable M. Dubus vous a signalé cet inconvénient : Les
villes ont presque toutes des droits d'octroi sur le gibier. Quel est l'intérêt
de ces villes ? C'est qu'il vienne beaucoup de gibier dans la localité pour
percevoir le plus de droits possible. Croyez-vous dès lors qu'elles seront bien
portées à s'opposer à l'entrée du gibier en temps de chasse ? Nullement ; elles
le favoriseront plutôt pour augmenter leurs revenus, et au point de vue de la
caisse communale, elles auront raison.
Les villes seront
donc intéressées à la fraude de la loi. Elles ne violeront pas la loi, parce
qu'il n'y a pas de disposition qui défende aux villes de percevoir ses droits
sur le gibier en temps prohibé.
Un membre. - Elles se rendront
complices.
M. Dumortier. - Elles se rendront
complices, mais complices devant qui ? Irez-vous voir combien de gibier est
entré dans telle ou telle ville et quand il est entré ?
Vous voyez donc,
messieurs, qu'il n'y a pas de sanction dans la loi. Il y en avait une
autrefois, elle a été retirée : c'était la recherche, la visite domiciliaire.
Eh bien, ce que j'ai voulu par mon amendement, c'est de remplacer la disposition
que le gouvernement a cru dans sa sagesse devoir retirer, par une autre
disposition qui donnât une sanction quelconque à l'article 5 de la loi. Car, je
le répète, si cet article restait sans sanction, mieux vaudrait ne pas l'avoir
introduit dans la loi.
Je pense donc vous
avoir démontré que mon amendement n'a pas d'analogie avec celui qui a été
l'objet d'une longue discussion dans cette enceinte et qui a été rejeté.
Le gouvernement a eu
raison de s'opposer à ce qu'une partie des amendes fût accordée à ceux qui
constataient des délits de chasse proprement dits ; mais il n'y a aucune
comparaison entre les délits de chasse proprement dits et la saisie du gibier à
l'entrée des villes ou à la sortie du pays.
Messieurs, le
braconnier ne chasse pas pour son plaisir, mais pour les bénéfices que la
chasse lui produit.. Aussi se rend-il toujours au marché de la ville pour
vendre son gibier ; ce n'est pas à la campagne qu'il pourrait le vendre
favorablement. Dès lors vous devez profiter de la présence des employés de
l'octroi aux portes de la ville, et des douaniers sur vos frontières, pour
donner une sanction à l'article qui défend la chasse en temps prohibé ; et il
n'existe pour cela qu'un moyen, c'est d'accorder une partie des amendes aux
douaniers et aux employés de l'octroi ainsi qu'à la caisse qui paye leurs
traitements. De cette manière les villes qui ont un droit d'octroi sur le
gibier seront intéressées à l'exécution de la loi.
Un
membre.
- Et les recherches personnelles ?
M. Dumortier. - Messieurs, il est
facile d'éviter l'inconvénient que M. le ministre de la justice a signalé. On
peut si M. le ministre le désire, dire : « à l'employé de l'octroi placé
aux portes de la ville ou à l'employé des douanes se trouvant dans le rayon de
la douane. » Mais, je le répète, cette disposition est indispensable, si l’on
veut donner une sanction à la loi.
M. de Theux. - Messieurs,
l'honorable M. Dumortier, en terminant son discours, vient d'indiquer en
quelque sorte un amendement auquel j'avais moi-même songé. M. le ministre de la
justice vous a signalé le danger qu'il y aurait à encourager les employés de
l'octroi à faire des perquisitions personnelles dans l'intérieur même des
villes. Ce serait effectivement là un grand inconvénient. Ces perquisitions
doivent donc être limitées à l'entrée des villes.
Je
crois que si l'honorable M. Dumortier voulait formuler son amendement en ce
sens que les perquisitions ne pourraient avoir lieu qu'à l'entrée des villes,
et en ce qui concerne les employés de la douane, dans le rayon de la douane, il
aurait obvié aux principaux inconvénients signales par M. le ministre de la
justice.
En ce qui concerne
cette espèce d'appât que l'on donnerait aux employés de dresser des
procès-verbaux, je ferai remarquer qu'il se trouve déjà dans les lois de
douane, puisque l'on donne aux employés une part dans le produit des ventes des
objets saisis.
J'engage l'honorable
M. Dumortier à modifier son amendement dans le sens de ses dernières
observations.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je ferai
observer, à l'appui des observations que vient de vous soumettre l'honorable
préopinant, qu'il en est pour les
employés de l'octroi, dans la plupart des villes, comme pour les douaniers, et
qu'ils ont ordinairement un tiers de la valeur dans les saisies.
M. Mast de Vries. - Messieurs, je
ferai remarquer en réponse à une observation de l'honorable M. Dumortier, qu'il
est des villes où le gibier paye des droits d'octroi, mais qu'il n'en est pas
de même dans toutes les villes, et que quant aux premières, l'on pourrait dire
que les droits d'octroi ne seront perçus que pendant le temps eu la chasse est
ouverte.
M. de Mérode. - Messieurs, une disposition telle que
celle-là ne remplacerait pas la sanction que l'honorable M. Dumortier veut
donner à la loi, en excitant les employés de l'octroi à saisir le gibier à
l'entrée des villes. Si l'on se borne à défendre aux villes de percevoir des
droits d'octroi sur le gibier en temps prohibé, et si l'on n'engage pas, par un
moyen quelconque, l'employé de l'octroi à saisir celui qu'on présentera aux
portes, il le laissera passer ; il n'aura aucune raison pour s'y opposer.
Je ne vois pas ce
qu'il y a de si sévère dans la disposition que l'on vous propose. Si vous
voulez obtenir un résultat de cette loi dont la discussion a été si longue,
vous ne devez pas reculer devant la proposition qui vous est faite ; car enfin
qui veut la fin veut les moyens.
Je n'entends pas
toutefois appuyer des mesures vexatoires. Mais l'honorable M. Dumortier vient
de vous dire qu'il entendait que la visite ne pût avoir lieu qu'à l'entrée des
villes et non dans les rues.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, les inconvénients que j'avais signalés
et qui me faisaient combattre l'amendement de l'honorable M. Dumortier, ont été
également appréciés par l'honorable M. de Theux ; mais du moment où il est
possible de faire disparaître ces inconvénients, je ne m'opposerai plus à la
partie de l'amendement qui tend à accorder une quotité de l'amende à l'employé
; quant à l'autre partie de l'amendement, je continuerai à la combattre.
L'honorable M.
Dumortier pense que les administrations communales seront intéressées à
permettre l'entrée du gibier et pourront même, en temps prohibé, continuer à percevoir
les droits d'octroi dont il est frappé. Je pense qu'il ne peut en être ainsi.
Il est absolument impossible d'admettre que les villes puissent percevoir un
droit sur un objet transporté en contravention. Ce serait une espèce de
complicité de la part des villes, complicité qui ne pourrait pas, il est vrai,
conduire à une comparution devant le tribunal correctionnel ; mais qui n'en
serait pas moins une violation flagrante de la loi, violation dont on ne peut
supposer la possibilité dans le chef d'une administration communale.
Du reste, si une
pareille supposition pouvait être admise, il serait possible de porter une
disposition dans le sens indiqué par l'honorable M. Mast de Vries, et que
j'avais déjà formulée ; ou pourrait dire, par exemple : « Les droits d'octroi
ne pourront être perçus sur le gibier introduit en contravention à l'article 5.
» Mais je ne pense pas que cet amendement soit nécessaire.
Messieurs,
la chambre a admis, pour les motifs que j'ai développés, que toutes les amendes
devaient être perçues au profit du trésor. Je ne pense pas qu'il y ait lieu à
revenir à un système contraire et d'attribuer, dans un cas donné, une part de
l'amende à la caisse communale. J'ai indiqué dans mes premiers développements
les motifs pour lesquels il convient d'attribuer à l'Etat le produit entier des
amendes. Lorsqu'il s'agit de faits qui intéressent les communes, celles-ci
doivent poursuivre elles-mêmes ; elles sont alors assimilées à une partie
civile, et si elles doivent percevoir les amendes, elles avancent aussi les
frais ; mais lorsqu'il s'agit d'un délit ordinaire, c'est le trésor public qui
poursuit, c'est lui qui fait les frais, et dès lors c'est lui qui doit recevoir
les amendes,
M. le président. - Voici la rédaction nouvelle que propose l'honorable
M. Dumortier :
« Les amendes
comminées à l'article 5 seront réparties, la moitié à l'employé de l'octroi, si
la saisie a lieu à l'entrée des communes, ou à l'employé des douanes, si la
saisie a lieu dans le rayon des douanes, et l'autre moitié à la caisse qui paye
le traitement de cet employé.
« La perception
des droits accordés aux villes et communes sur le gibier, est suspendue en
temps prohibé. »
M. Dumortier. - Je crois,
messieurs, que nous sommes à peu près d'accord avec M. le ministre de la
justice. Le débat ne poite plus que sur la seconde partie du premier paragraphe
de mon amendement, et je reconnais qu'elle perd beaucoup de son importance du
moment que l'on dit que les droits d'octroi sur le gibier cesseront d'exister
en temps prohibé. Ce que je voulais éviter, c'est que les villes eussent
intérêt à la non-exécution de la loi. Je consens donc à la suppression de la
seconde partie du premier paragraphe de mon amendement.
M. le président. - Il faudra alors changer la rédaction de
l'amendement et dire : « la moitié des amendes comminées à l'article
5 sera attribuée à etc. »
M. Desmet. - On doit le reconnaître, le système de primes que
l'honorable M. Dumortier veut introduire dans la loi, est un moyen excellent
pour exercer sévèrement et rigoureusement la police sur la chasse, mais, dans
ma manière de voir, je ne peux lui faire de compliment ; et ici je dois attirer
l'attention de M. le ministre de la justice, qui ne peut pas vouloir que les
agents de police sacrifient tout leur temps et leurs soins à surveiller la
chasse seule et négligent les autres délits et méfaits ; cependant cela est à
craindre ; on le voit tous les ans, pendant la saison de chasse, les gendarmes,
par exemple, sont du matin au soir et même toute la nuit sur pied, pour guetter
ceux qui chasseraient sans permis de port d’armes ; l'appât de la prime exerce
une grande influence sur leur activité, mais cette activité (page 356) se borne aux
chasseurs ; et ils laissent en repos les maraudeurs et ceux qui font du tort ou
qui volent les récoltes ou les bois.
(De tous côtés on
fait remarquer à l'orateur que l'amendement de M. Dumortier ne porte que sur
les douaniers et les gardes ou préposés à l'octroi des villes et non sur les
gendarmes, et contre ceux qui transporteront du gibier !)
M. Desmet. - Soit ! ma remarque frappe de même sur
les douaniers, et pour faire ressortir l'abus que les primes ou les partages
d'amendes vont faire naître, je ne devrais que répéter ce que vous a dit tout à
l'heure l'honorable M. de Saegher, en parlant sur l'amendement proposé par
l'honorable M. Dubus à l'article 12, si je ne me trompe ; il vous a fait voir
que les douaniers, au lieu de surveiller l'entrée en fraude des produits
étrangers, préféreront, pour jouir de la prime de chasse, veiller à ce que
personne ne transporte du gibier ; l'avenir prouvera combien nous aurons bien
prévu !
Mais il y a plus, les
douaniers ne fouilleront pas seulement au bureau de la douane, les voitures et
les personnes, mais dans l'intérieur du pays, à chaque douanier qu'on
rencontrera, vous risquerez d'être visité et fouillé. Vous avouerez, messieurs,
que ce ne sera pas trop agréable pour les voyageurs. Il me semble qu'on aurait
pu prendre d'autres mesures pour conserver le gibier, mais qu'on n'aurait pas
dû pousser si loin la police sur la chasse, qai mécontentera beaucoup de monde.
M.
Orban.
- Messieurs, je crois qu'il y aurait lieu d'apporter une légère modification à
la rédaction de l'amendement.
L'honorable M.
Dumortier propose de défendre la perception des droits d'octroi en temps
prohibé. J'aurai l'honneur de lui faire observer que la vente et le transport
du gibier est encore permise huit jours après la fermeture de la chasse, et
qu'évidemment pendant ces huit jours la perception des droits d'octroi doit
être permise. Je l'engagerai donc à modifier son amendement dans ce sens que la
perception des droits d'octroi sur le gibier sera suspendue lorsque la vente ou
le transport en sera défendu.
M. Dumortier. - Je crois que la
rédaction proposée remplit complétement le but que veut atteindre l'honorable
M. Orban. En effet le temps prohibé pour la vente du gibier dans les villes ne
commence que huit jours après la fermeture de la chasse et dès lors ce ne sera
qu'après ces huit jours que les droits ne pourront plus être perçus.
M. de Man d’Attenrode. - J'ai demandé la parole pour demander un
simple changement de rédaction ; car je compte voter pour l'amendement de
l'honorable M. Dumortier.
Cet amendement
exprime que la moitié de l'amende sera attribuée à l'employé de l'octroi, si la
saisie a lieu à l'entrée de la commune, ou à l'employé de la douane si la
saisie a lieu dans le rayon de la douane. Vous avez adopté, il y a un instant,
un amendement de l'honorable M. Fallon, par lequel les employés ne sont
autorisés à dresser des procès-verbaux que dans les lieux où ils peuvent
exercer leurs fonctions. Il me semble qu'en présence de l'adoption de cet
amendement, nous ne pouvons admettre celui de M. Dumortier tel qu'il est
rédigé, et qu'il faudrait se borner à dire : « la moitié des amendes comminées
à l'article 5 sera attribuée à l'employé qui fera la saisie. »
Plusieurs membres. - Cette rédaction
est trop vague. Aux voix ! aux voix !
M. de Man d’Attenrode. - Ma rédaction n'a rien de vague à la suite de
l'amendement de l'honorable M. Fallon. Mais puisqu'on paraît peu disposé à
m'entendre à présent, je reviendrai sur ce changement de rédaction au second
vote.
- La clôture de la
discussion est prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M.
Dumortier. Il est ainsi conçu :
« La moitié des
amendes comminées à l'article 5 sera attribuée à l'employé de l'octroi, si la
saisie a lieu à l'entrée de la commune, ou à l'employé de la douane, si la
saisie a lieu dans le rayon de douane.
« La perception
des droits accordés aux villes et communes sur le gibier, est suspendue en
temps prohibé. »
M. Orban. - J'avais proposé un
changement de réduction.
M. le président. - C'est sous réserve de rédaction. On pourra y
revenir au fécond vote.
L'amendement est mis
aux voix et adopté. Il formera l'article 17.
Article 18 (ancien article 14)
« Art. 14 (devenant
l'art. 18). Toute action pour délit de chasse sera prescrite par le laps d'un
mois, à compter du jour où le délit aura été commis. »
- Adopté.
Article 19 (ancien
article 15)
« Art. 15 (devenant
l'art. 19). La loi des 22, 23 et 28 avril 1790 est abrogée. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je pense, messieurs, qu'il faudrait ajouter à
l'article 15 : « Et le titre 30 de l'ordonnance de 1669. » En effet, ce titre
est également abrogé par la loi que vous venez de voter.
M. Vanden Eynde. - Je crois, messieurs, que le titre 30 de
l'ordonnance de 1669 traite d'autres choses encore que des moyens de constater les
délits de chasse ; il serait donc imprudent de l'abroger. Il me semble qu'il
vaudrait mieux dire : « La loi des 22, 23 et 28 avril 1790 est abrogée, ainsi
que toutes autres dispositions légales contraires à la présente loi. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je me rallie à cet amendement.
M. Rodenbach. - Je demanderai s'il résultera de cette rédaction que
l'on abroge les dispositions de l'ordonnance de 1669 qui autorisent à donner le
fouet. Je déclare moi, que sous ce rapport j'aime mieux la proposition de M. le
ministre de la justice.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - L'honorable M. Rodenbach s'est plaint dans une
précédente séance de ce qu'on se permettait des plaisanteries dans cette
discussion. Il me semble que l'honorable membre s'expose maintenant au même
reproche. En effet, ce n'est pas sérieusement qu'il peut demander si le titre
30 de l'ordonnance de 1669 est abrogé quant aux peines qu’il commine et
notamment quant à la peine du fouet.
- L'amendement de M.
Vanden Eynde est mis aux voix et adopté.
- L'article 15, ainsi
modifié est ensuite adopté.
M. le président. - Nous passons à l'article 19 nouveau, proposé par M. Dumortier. Il est ainsi conçu :
« Les conseils
provinciaux sont autorisés à prendre des règlements pour prévenir la
destruction des rossignols et des fauvettes. »
M. de Theux. - J'engagerai
l'honorable M. Dumortier a modifier sa proposition dans ce sens que le
gouvernement puisse faire à cet égard un règlement d'administration
générale ; de cette manière on obtiendrait des mesures uniformes pour tout
le royaume.
M. Dumortier. - Je ferai droit à
l'observation de l'honorable M. de Theux et je proposerai de dire : « Le
gouvernement est autorisé, etc. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je voulais faire la même observation que
l'honorable M. de Theux. On a déjà donné au gouvernement une latitude de ce
genre en l'autorisant à prohiber la chasse en temps de neige et à prendre
d'autres précautions analogues lorsqu'il le jugera convenable.
- La proposition de
M. Dumortier est mise aux voix et adoptée.
M. Dumortier. - J'avais l'intention de présenter à la
chambre un amendement relatif à la chasse au lévrier. II est bien connu que ce
n'est réellement là qu'une chasse de braconnage. Mais j’ai entendu quelques
membres dire que cette chasse est prohibée par la disposition relative à la
chasse au chien courant. Je me réserve d'examiner la question d'ici au second
vote et de présenter alors une disposition si la chose me semble nécessaire.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Le gouvernement n'a proposé aucune
disposition a cet égard, parce qu'il a considère une semblable disposition
comme inutile par suite de la certitude qu'il a acquise que, dans la plupart
des provinces du royaume, on a imposé une contribution de 30 fr. au
propriétaire de tout chien lévrier. Cette mesure a eu un effet tel que dans une
de ces provinces, le nombre des chiens lévriers a été réduit de 80 a 1.
M. de Theux. - Messieurs, je
ferai remarquer en outre qu'aux termes de la loi le propriétaire pourra faire
dresser procès-verbal à la charge de celui qui ferait la chasse au lévrier sur
son terrain, ; c'est là une garantie nouvelle et très grande, celui qui
passerait avec des lévriers sur le terrain d'autrui serait passible d'une
amende de 50 fr.
Article additionnel
M. le président. - Nous arrivons à l'amendement de M.de Garcia, ainsi
conçu :
« Les militaires
poursuivis à raison des délits prévus par la présente lui, seront soumis a la
juridiction ordinaire. »
M. de Garcia. - Messieurs, j'ai
présenté cet amendement dans le but de rendre la loi efficace. Si vous ne
l’adoptiez pas, les militaires qui auraient commis des délits de chasse,
échapperaient à la plupart des peines comminées par la loi ; l'économie de la
loi serait complétement renversée. C'est ce qu'il me sera facile de démontrer.
Une première observation générale à faire, c'est que le délit de chasse n'a
aucun des caractères d'un délit militaire : il n'a aucun rapport avec la
discipline, ni avec la subordination de l'armée.
Qu'il me soit permis,
messieurs, de vous donner lecture de l'article 24 du Code militaire qui serait
appliqué à tout militaire mis en contravention pour un délit de chasse.
Voici ce que porte cet
article : (L'honorable membre donne lecture de l'article 24.)
Ainsi, messieurs,
lorsque votre loi commine une amende, quelque forte que soit cette amende, elle
serait convertie pour le militaire à trois jours d'arrêt ou trois jours de
détention ; or, on sait ce que c'est que les arrêts ; c'est une peine
insignifiante.
Si donc vous
n'adoptez pas mon amendement, messieurs, votre loi n'aurait aucune sanction
sérieuse quant aux militaires.
De plus, le système
de la loi serait complétement bouleversé. En effet, en cas de récidive vous
doublez la peine ; en cas de chasse pendant la nuit vous doublez la peine ;
vous rendez le délinquant passible de dommages-intérêts ; tout cela disparaît
pour les militaires, si vous n'adoptez mon amendement. Il ne s'agira jamais de
doubler la peine, puisque, d’après la disposition du code pénal militaire,
toute amende quelle qu'elle soit, est remplacée par trois jours d'arrêts ou par
trois jours de détention. Les inconséquences d'un tel ordre de choses
s'accumulent si on continue à jeter les veux sur les dispositions de la loi que
nous discutons. Parlerai-je de dommages-intérêts ?
Plusieurs
membres. - On est d'accord ; il n'y a pas d'opposition.
M. de Garcia. - Si l'on est
d'accord, je n'insisterai pas davantage et je terminerai par une seule
observation, c'est qu'en France où l'on est certes aussi jaloux qu'en Belgique
des prérogatives de l'armée, le système que je détends a toujours existé. Il y
existait sous l'empire et il n'a jamais cessé d'y être en vigueur.
M. Pirson. - Je désirerais savoir si le gouvernement se
rallie à la proposition de l'honorable M. de Garcia.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Oui.
M. Pirson. - Messieurs, cette discussion ayant déjà été
trop longue je ne suivrai pas l'honorable M.de Garcia dans tous les
développements (page 537) qu'il a
présentés sur les délits militaires et sur la juridiction des tribunaux
militaires.
Toutefois je ne puis
ne pas vous faire remarquer qu'il y a inopportunité et qu'il pourrait même y
avoir danger à restreindre sans un examen bien approfondi de la question, la
compétence des tribunaux militaires.
Au premier aperçu, la
proposition de l'honorable M. de Garcia paraît fort simple, mais il est très
possible que, dans son application, et mise en rapport avec des dispositions du
code pénal militaire, elle soulève des questions dont la solution ne serait pas
bien définie, et il me semble qu'autant par convenance que par prudence, nous
ne devons pas toucher à la juridiction des tribunaux militaires, d'une manière
incidente et sans un examen préalable, bien mûri et bien approfondi. Une
question aussi importante doit être étudiée avec tout le soin qu'elle comporte,
et vous conviendrez avec moi, messieurs, qu'il serait très insolite de la
résoudre ainsi isolément et brusquement. Aussi n'ai-je pas été peu surpris
d'entendre le gouvernement qui lui, par devoir et par position, devrait être plus
circonspect, venir déclarer, par l'organe de M. le ministre de la justice,
qu'il se ralliait à la proposition de l'honorable M. de Garcia.
Comme j'ai eu
l'honneur de le dire tout à l'heure, cette discussion, par les retards qu'elle apporte
à l'examen des budgets et d'autres lois très urgentes, commençant à juste titre
à impatienter les hommes sérieux, je ne me rendrai pas coupable de la prolonger
encore en venant traiter aujourd'hui la question des délits militaires et la
compétence des tribunaux militaires. La question de savoir si la compétence des
tribunaux militaires doit être définie par la qualité des personnes ou par la
qualification des délits, trouvera mieux sa place lorsque nous nous occuperons
des modifications du code pénal militaire, et je me réserverai pour cette
discussion. Je me bornerai à motiver mon vote sur l'amendement de l'honorable
M. de Garcia, et je le ferai, messieurs, en vous présentant une seule
observation que, dans l'intérêt militaire, je considère comme très grave et
pour laquelle je réclame toute votre attention.
Je voterai contre la
proposition de l'honorable M. de Garcia, parce que, nuisible au service
militaire, elle pourrait dans certains cas donnés... (Interruption.) Permettez, laissez-moi aller jusqu'au bout. Elle
pourrait dans certains cas donnés, compromettre le sort de l'armée, et par
conséquent les destinées du pays. Ainsi, messieurs, que l'armée, par exemple se
trouve sur le pied de guerre, ou simplement sur le pied de rassemblement, ayant
pour mission de veiller à la défense du pays de le protéger contre l’invasion
étrangère, peut-être même à la veille de livrer bataille, il faudra que, pour
un misérable délit de chasse, un militaire quelconque, même d'un grade élevé,
fût-il général, général en chef, aille comparaître au loin devant le juge compétent, devant le juge civil ; le délit pourra avoir été
commis par plusieurs militaires à la fois ; il pourra nécessiter l'audition
d'un grand nombre de témoins ; eh bien ! encore, quel que soit leur nombre,
quelque perturbation que leur absence plus ou moins prolongée apporte dans le
service, tous devront abandonner leur commandement ou leur corps pour obéir au
mandat de la justice, mandat que les militaires plus que tous autres doivent
toujours respecter. Evidemment, messieurs, l'honorable M. de Garcia n'y a pas
songé ; car, quelque bonheur qu'il éprouve à la vue d'une perdrix, quel que
soit son amour pour la venaison et la conservation du gibier, cet honorable
membre, j'en suis persuadé, par un amour pour sa patrie plus grand encore,
n'aurait pas voulu proposer une disposition, pouvant avoir pour résultat, dans
des circonstances graves, de mettre l'armée en défaut pour un malheureux
lièvre. Je n'en dirai pas davantage.
Voilà les motifs qui
me portent à voter contre la proposition de l'honorable député de Namur.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, je regrette d'abord d'avoir excité chez
l'honorable préopinant l'étonnement qu'il doit avoir éprouvé, en apprenant mon
adhésion à la proposition de l'honorable M. de Garcia.
Messieurs, le motif
pour lequel je me suis rallié à cet amendement est très simple : c'est que je
désire, comme l'honorable M. de Garcia, comme la chambre entière, avoir une loi
efficace. Or, il résulte jusqu'à l'évidence des considérations présentées par
l'honorable M. de Garcia, que la loi n'aurait aucune efficacité, eu ce qui
concerne les militaires, si l'amendement n'était pas adopté.
L'honorable M. de
Garcia vous a cité des dispositions du code pénal militaire ; ces dispositions
sont telles que toute contravention commise par un militaire se réduirait à
trois jours d'arrêt.
L'honorable M. Pirson
a fait appel à des considérations d'une haute gravité, en disant que la
disposition proposée par l'honorable M. de Garcia serait de nature à
compromettre, dans certaines circonstances, le sort de l'armée.
Messieurs, si la
disposition pouvait avoir une telle portée, le gouvernement se serait bien
gardé d'y adhérer, mais qui plus est, l'honorable M. de Garcia ne l'aurait pas
proposée.
Messieurs, il me
semble qu'en 1806, le chef de l'empire français connaissait un peu quels
étaient les besoins d'une armée et les nécessités de la discipline ; cependant
en 1806, un avis du conseil d’Etat a attribué aux tribunaux civils la
connaissance des délits de chasse commis par des militaires. Qu'il me soit
permis, pour calmer les inquiétudes de l'honorable M. Pirson, de donner lecture
de cet avis :
« Le conseil d'Etat
qui, d'après le renvoi de S. M. I. et R., a entendu le rapport de la section de
législation sur celui du ministre de la police générale, tendant à modifier,
relativement aux délits pour faits de chasse, l'avis du 17 fructidor an XII,
qui déclare que les délits communs commis par des militaires en garnison ou
présents à leurs corps, sont de la compétence des tribunaux militaires ;
« Est d'avis que les
contraventions et délits pour faits de chasse, intéressant les règles de la
police générale et la conservation des forêts, la répression n'en peut
appartenir aux tribunaux militaires, même à l'égard des militaires ; que l'avis
approuvé par Sa Majesté, le 7 fructidor an XII, ne s'applique point à un tel
cas, et que si de pareils délits n'étaient pas prévenus dans les garnisons, par
la bonne discipline des corps et par les exemples des chefs, la poursuite en
appartiendrait, conformément au droit commun, aux tribunaux correctionnels. »
Voilà ce qui existe
en France, et ce qui a existé en notre pays jusqu'en 1814, époque à laquelle
fut promulgué le code pénal militaire qui nous régit encore, et où l'on s'est
servi des mots «délits commis par les militaires, » au lieu des mots « délits
militaires » qui se trouvent dans les dispositions de la loi française ; changement
qui explique pourquoi l'avis du conseil d'Etat de 1806 n'est plus en vigueur
chez nous.
Mais, messieurs, les
militaires ne sont pas toujours soumis à la juridiction militaire ; dès
l'instant que des militaires se trouvent compris avec des bourgeois dans une
poursuite, ils sont soumis aux tribunaux ordinaires ; pourtant, il n'est jamais
entré dans la pensée de personne de dire que cette disposition était de nature
à désorganiser l'armée.
En fait de délits de
chasse, il ne s'agit pas d'entendre un grand nombre de témoins ; mais
uniquement de constater un fait, à l'aide d'un procès-verbal ; ou ne doit
nullement craindre qu'un régiment, soit en entier, ou même en partie, obligé
d'aller déposer, pour un délit de ce genre, devant un tribunal correctionnel.
Mais,
messieurs, si notre armée était en campagne, si elle se trouvait en face de
l'ennemi, les officiers et les soldats iraient-ils à la veille d'une bataille,
quitter leur position pour se livrer au plaisir de la chasse ? Ils connaissent
trop bien leurs devoirs pour agir ainsi ; ils seraient préoccupés de l'idée de
gagner la bataille, et non de l'idée de tuer des perdreaux.,
Du reste, ce n'est
pas légèrement que le gouvernement s'est rallié à l'amendement de M. de Garcia.
Je l'ai fait, d'accord avec mes collègues, et notamment avec M. le ministre de
la guerre. J'ai de plus consulté M. l'auditeur général, qui m' a dit
n'avoir aucune objection à faire à l'amendement de l'honorable M. de Garcia. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Garcia. - Messieurs, je ne
veux pas abuser des moments de la chambre. Mon amendement ne me paraît pas
devoir rencontrer de difficultés. Je dois cependant un mot de réponse à l’honorable
M. Pirson, qui a, messieurs, cette objection me paraît vraiment étrange !
Selon moi, et cela est justifié par les considérations que j'ai déjà
développées, ce n'est pas l'amendement qui est inopportun, mais bien
l'objection de mon honorable collègue. Comment ! Mais si l'amendement que
j'ai l'honneur de vous soumettre n'est pas admis, tous les effets de votre loi
s'évanouissent, et, par un privilège inqualifiable, les militaires sont mis
au-dessus de la règle commune. Les militaires pourtant sont citoyens avant tout
; et, soyez-en convaincus, ils ne verront rien d'hostile à leur égard dans
l'amendement que j'ai soumis à la législature. Ainsi, la disposition que j'ai
présentée n'est pas inopportune, elle n'a pas davantage un caractère hostile,
et je crois inutile d'insister sur ce point, puisqu'un militaire ne peut cesser
d'être citoyen. Au surplus, si cet amendement était rejeté, la loi sera
illusoire pour tous ceux qui tiennent à l'armée. Vous voulez des amendes dans
votre loi (code militaire pas d'amende) ; en cas de récidive ou de
circonstances aggravantes, vous voulez des peines doublées (code militaire, pas
de peines doublées, article 24 du code pénal militaire). Vous voulez des peines
cumulées ; pas de peines cumulées (article 52 du code pénal militaire). Vous
voulez que la partie civile puisse se joindre à l'action publique pour obtenir
des dommages-intérêts (devant la juridiction militaire point de partie civile
possible). Je le demande de nouveau, si vous n'adoptez pas ma proposition, ne démolissez-vous
pas la loi que vous faites ? La chose me paraît évidente.
Sous un autre
rapport, M. le ministre de la justice a parfaitement répondu aux observations
exprimées par l'honorable M. Pirson, qui craint que mon amendement ne
compromette le sort de nos armées, le salut de la patrie.
Suivant
l'honorable membre, devant l'ennemi, la veille d'une bataille, un général, une
fraction de l'armée, pourrait être arraché à la défense du pays par suite d'un
délit de chasse soumis à la juridiction ordinaire. En vérité, messieurs, je ne
sais si cette objection est présentée sérieusement, mais s'il pouvait en être
ainsi, la juridiction militaire présenterait tous les inconvénients de la
justice ordinaire. Je ne puis donc penser qu'à ce point de vue, mon honorable collègue
ait voulu faire une objection sérieuse à ma proposition. D'ailleurs croit-on,
messieurs, qu'on fait des procès-verbaux de chasse devant l'ennemi et sur les
champs de bataille ?
En campagne, ou ne
s'amuse pas à faire la chasse aux lièvres et aux perdreaux, ou la fait à ses
ennemis, et je suis convaincu que l'armée belge remplirait parfaitement ses
devoirs en pareille circonstance.
M. Pirson. - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable
ministre de la justice, n'a pas, comme il me le faisait espérer, calmé mes
inquiétudes. Je ne veux pas contester que dans la loi française ne se trouve la
disposition par laquelle les délits de chasse, commis par des militaires, sont
soumis aux tribunaux ordinaires ; mais ce n'est pas une raison pour admettre
une semblable disposition en Belgique.
Quant à moi, j'avoue
que je ne connais pas toute la législation française. Il est très possible que
cette législation contienne des dispositions générales et spéciales concernant
l'armée, lorsqu'elle se trouve sur le pied de guerre ou sur le pied de
rassemblement. La proposition de l'honorable M. de Garcia a été introduite à
l'improviste ; il me semble qu'il existait des motifs (page 538) assez graves pour l'examiner à fond ; or, surpris que
nous avons été, nous n'avons pu nous livrer à cet examen approfondi.
Quel que soit mon
désir d'en terminer, je ne puis cependant ne pas répondre quelques mots à M. le
ministre de la justice. Autant que le bruit qu'on faisait autour de moi m'a
permis de le comprendre, il m'a semblé que M. le ministre confondait les délits
militaires avec les délits commis par des militaires.
Ainsi, en France,
depuis quarante ans, les délits, de quelque nature qu'ils soient, commis par des
militaires, ont toujours été soumis aux tribunaux militaires.
La loi de pluviôse an
II (22 janvier 1794) soumet tous les délits militaires à la juridiction des
tribunaux militaires, et voici comment, dans son article 3, titre premier, elle
définit les délits militaires :
« Tous les délits
militaires de quelque nature qu'ils soient, commis pendant la guerre, à l'armée
ou dans les camps, cantonnements ou garnisons qu'elle occupe, par les individus
qui la composent ou qui sont employés ou attachés à sa suite. »
Aux termes de cette
loi, vous voyez donc que les délits, commis par des militaires, de quelque
nature qu'ils soient, doivent être soumis aux tribunaux militaires.
La constitution de
l'an VIII et toutes les lois postérieures ont maintenu cette juridiction Ainsi,
en France comme en Belgique, si un militaire porte atteinte à la propriété, aux
personnes, à la discipline, à la subordination, il est justiciable des
tribunaux militaires. Je ne m'explique pas dès lors pour quoi vous feriez une
exception pour les délits de chasse, pourquoi, alors que vous n'en faites pas
pour les délits contre la propriété, contre les mœurs, vous en feriez une pour
les délits de l'espèce dont nous nous occupons en ce moment. Je m'aperçois que
la chambre est pressée d'en finir.
Je terminerai, en
persistant à repousser l'amendement de l'honorable M. de Garcia, et en
exprimant de nouveau le regret d'avoir vu le gouvernement se faire l'associé
responsable d'une semblable proposition.
Articles additionnels
M. le président. - Nous arrivons aux articles additionnels proposés
par M Savart.
« Art. 21. Dans le
cas de dommage aux champs, fruits et récoltes, occasionné par le fait des
chasseurs, leurs chiens ou chevaux, le bourgmestre de la localité constatera, sur
la simple plainte de la partie intéressée, la hauteur du dommage ; et dans les
3 fois 24 heures, il remettra au juge de paix compétent son procès-verbal qu'il
affirmera sincère et véritable.
« Ce procès-verbal ne
sera soumis à aucune autre formalité. »
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, je dois combattre tous les amendements
proposés par M. Savart. Les uns sont inutiles, parce qu'ils sont la
reproduction pure et simple de dispositions qui existent dans d'autres lois ;
les autres sont tout à fait inadmissibles.
Quant au premier
amendement, je ferai d'abord observer qu'aux termes de l'article 7 de la loi de
1791, ce n'est pas le bourgmestre qui est chargé de constater les dégâts
occasionnés aux champs, c'est le juge de paix, qui doit ensuite prononcer sur
les dommages-intérêts. Je ne vois pas de motif pour changer cette disposition
et obliger les bourgmestres d'aller constater des dommages qu'il n'entre pas
dans leurs fonctions ordinaires d'apprécier. II ne me semble pas qu'il y ait
lieu de faire la moindre innovation et de confier désormais aux bourgmestres ce
qui jusqu'ici avait été confié aux juges de paix sans inconvénient.
D'après
l'amendement de M. Savart, le bourgmestre devra se transporter sur les lieux,
dresser procès-verbal du dommage, non d'une manière contradictoire, mais
uniquement sur le dire du plaignant, sans connaître les faits, sans savoir qui
les a commis, dans quelle circonstance, etc. et cette constatation, veuillez le
remarquer, peut avoir les conséquences les plus graves...
M. Savart-Martel. - J'ai demandé la
parole pour modifier mon amendement.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Si M. Savart veut modifier son. amendement, il est
inutile que je continue.
Plusieurs voix. - On n'est plus en
nombre !
- La séance est levée
à 4 heures 3/4.