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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 juin 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative aux travaux
arriérés de la chambre. Contrainte par corps en matière civile et commerciale (Savart-Martel), article 442 du code de commerce (de Garcia)
3) Conclusions de la commission
d’enquête parlementaire (commission « de Foere ») et système des
droits différentiels. Politique commerciale du gouvernement. Second vote des
articles. Encouragement à la construction de navires belges, à la marine
transatlantique à voiles, à l’établissement de comptoirs commerciaux et
amendements de MM. de Haerne et Eloy de Burdinne (d’Elhoungne,
de Garcia, Eloy de Burdinne, de Haerne, Desmaisières, Eloy de Burdinne, de Theux, Nothomb, Eloy de Burdinne, de Haerne, Delehaye)
4) Projet de loi organisant la poste
aux chevaux et les autres services de transport en dehors du chemin de fer (Dechamps, de Garcia)
5) Conclusions de la commission
d’enquête parlementaire (commission « de Foere ») et système des
droits différentiels. Politique commerciale du gouvernement. Vote définitif
6) Motion d’ordre relative à l’ordre du
jour. Impôt sur le tabac (Delehaye, Mercier,
Rogier), péages du chemin de fer (Mast
de Vries, Dechamps), organisation de la cour des
comptes (Jadot)
7) Modifications
au règlement de la chambre, pour la nomination des membres du jury
universitaire (Delfosse, Nothomb,
Dumortier)
8) Motion d’ordre relative à l’ordre du
jour. Impôt sur le tabac et budget de la guerre (Dumortier,
Nothomb), assiduité des membres et ajournement de la
session (de Garcia, Malou, Dumortier, Nothomb, de Garcia)
9) Interpellation relative à la
souscription de l’emprunt (Verhaegen, Mercier, Verhaegen, Mercier, Verhaegen, Mercier, Pirmez, Nothomb,
Verhaegen)
10) Règlement
de la chambre. Dispositions relatives au mode de nomination des membres du jury
d’examen universitaire (de Garcia, Malou)
11) Projet de loi tendant à modifiant
les frais du jury d’examen universitaire (de La Coste,
Savart-Martel, Maertens, de Garcia, Dumortier, Rogier, Maertens, Dumortier, de Theux, de Garcia, Devaux, de La Coste, Rogier, Nothomb)
12) Explication relative à la demande
de pension des anciens officiers des Indes orientales (Pirson,
Mercier, de Garcia, Mercier, Savart-Martel, Pirson, Mercier)
(Moniteur
belge n°164, du 12 juin 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à midi et un quart.
M. Scheyven donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance. La rédaction est approuvée.
M. de Renesse
rend compte de la pétition suivante :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Isidore-Joseph
Cerisier, brigadier des douanes à Vlamertinghe, né à Bousies (France), demande la
naturalisation ordinaire, avec exemption du droit. »
- Renvoi à M. le ministre de la
justice.
M. Savart-Martel. - Messieurs, d’après ce qui
nous a été dit hier, je crois que la session touche à sa fin, quoique je ne
comprenne pas la nécessite absolue de cesser nos travaux à cause de la réunion
des conseils provinciaux.
Je vois avec peine que l’intérêt du
jury d’examen soit la seule chose qui semble nous préoccuper.
Si, à mon grand regret, on ne peut
discuter cette année l’organisation de l’armée, qui ne vit depuis deux ans que
de crédits provisoires, il me semble au moins que plusieurs projets de loi, qui
nous sont soumis, et dont l’instruction est achevée, ne devraient plus être
ajournés ; tels entre autres que l’interprétation de l’art. 442 du code de
commerce, qui tient en suspens de nombreux intérêts, se trouvant ainsi sous le
poids d’une espèce de déni de justice.
L’interprétation de l’art. 812 du
code civil qui ne peut guère occuper la chambre que quelques instants.
Les innovations proposées au code
pénal, titre II, section 4, Attentat aux mœurs ; innovations devenues urgentes,
surtout depuis l’interprétation législative donnée à l’art. 34.
J’ajouterai la loi instruite depuis
longtemps, et souvent mise inutilement à l’ordre du jour, sur les traitements
de l’ordre judiciaire.
Rappelons-nous que la plupart de nos
juges de paix ne reçoivent pas même la rémunération d’un simple commis. Ne
laissons pas croire que l’ordre judiciaire ne mériterait aucun intérêt, que
c’est le dernier de nos soucis, que le trésor a des fonds pour tous les besoins
passés, présents et futurs, sauf pour la justice. Qu’on en finisse en acceptant
ou rejetant la loi, de manière à ne point compromettre la couronne, qui depuis
plusieurs années a recommandé cet objet à la sollicitude de la chambre.
La session prochaine sera de courte
durée, car la moitié de la représentation nationale devant être renouvelée en
1845, le ministère nous congédiera d’autant plus volontiers, que, préoccupe de
cette circonstance, il aura besoin de son temps ; bien que, suivant moi, les
élections soient de ces choses auxquelles le ministère devrait rester
indifférent pour laisser pleine liberté aux opinions du pays.
Puisque j’ai la parole, je crois
devoir prévenir le ministère que s’il ne croit pas devoir proposer à la chambre
une loi sur la contrainte par corps en matière civile et commerciale, j’userai
moi-même de l’initiative dès l’ouverture de la prochaine session, dans le sens
de l’opinion que j’ai déjà émise, savoir :
1° Que dans plusieurs cas, la
contrainte par corps ne devrait être qu’une faculté accordée aux juges
appréciant les circonstances, et non pas une obligation ;
2° Que les juges devraient être
autorisés à prononcer la contrainte dans les cas de dol ou de fraude, même pour
affaires civiles ;
3° Que la contrainte par corps
n’étant point une peine, mais un simple moyen d’exécution, elle devrait cesser
quand il y a certitude qu’elle ne peut plus atteindre son but.
Il serait ainsi satisfait à ce
qu’exigent la justice et l’humanité.
M. de Garcia. -
Les lois qui ont été indiquées par l’honorable M. Savart sont réellement
urgentes ; mais j’avoue qu’en l’absence de M. le ministre de la justice on ne
peut pas faire droit à la proposition de l’honorable membre, car M. le ministre
doit nous dire s’il est prêt à défendre ce projet. La loi interprétative de
l’art. 442 du code de commerce est surtout de la dernière urgence. Depuis 10
ans les faillites restent en suspens : on ne pourrait pas citer une seule
faillite qui ait pu sortir ses effets depuis 10 ans. C’est un véritable déni de
justice.
M. le président - On pourrait attendre l’arrivée de M. le ministre de la justice.
M. Savart-Martel. - M. le ministre la justice
lira le Moniteur, et il pourra nous
faire sa réponse demain. (C’est cela.)
CONCLUSIONS DE
LA COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE (COMMISSION « DE FOERE ») ET
SYSTÈME DES DROITS DIFFERENTIELS
Second vote des articles
Article additionnel proposé par la commission
d’enquête
M. le président. - La discussion continue sur l’article additionnel
proposé par la commission d’enquête, et sur la motion d’ajournement faite par
M. de Theux.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, j’avais demandé
la parole hier pour combattre la proposition de l’honorable comte de Theux.
Cet honorable membre a proposé de
disjoindre de la discussion du projet actuel celle de l’article additionnel
proposé par votre commission d’enquête, et d’ajourner cette dernière
discussion.
Cette proposition ne me paraît admissible
sous aucun rapport.
L’honorable M. de Theux a perdu de
vue ce qui s’est passé dans la séance du 21 mai. Vous vous rappelez, messieurs,
que M. de Haerne a développé, dans cette séance, un amendement qui consacrait
un nouveau système de droits différentiels, ayant pour base le fait de
l’exportation, et que déjà l’honorable M. Eloy de Burdinne avait auparavant
présenté un amendement reposant sur le même principe. Ces deux amendements ont
été développés et appuyés ; ils devaient faire partie de la discussion.
Seulement la chambre, pour s’éclairer sur la portée des amendements, a soumis à
la commission d’enquête une question de principe qui résumait les deux systèmes
nouveaux.
Cette question est celle de savoir
s’il convient de subordonner au fait de l’exportation la jouissance des droits
différentiels. La commission a fait son rapport, elle a examiné la question du
principe dont elle a été saisie, elle s’est occupée aussi de l’examen des
systèmes présentés par les honorables MM. de Haerne et Eloy de Burdinne. Dès
lors, vous n’avez pas seulement à discuter les propositions qui vous sont
faites par la commission d’enquête, vous avez encore à examiner d’abord la
question de principe que vous avez soumise à la commission ; ensuite les
amendements des honorables MM. de Haerne et Eloy de Burdinne.
Ainsi, messieurs, vous ne pourriez
prononcer la disjonction sans commettre une inconséquence palpable. Disjoindre,
ce serait déclarer que les deux amendements n’ont aucune connexité avec le
système des droits différentiels que vous allez voter ; ce serait déclarer un
droit acquis aux honorables auteurs de ces amendements et aux membres de la
chambre qui sont partisans de leur proposition. Evidemment, ces honorables
membres ont eu le droit de présenter leurs amendements, ces amendements ayant
été appuyés, ils doivent nécessairement être discutés.
Quelles sont, messieurs, les
objections qu’on vous a faites hier ?
On a dit que les conclusions
nouvelles de la commission d’enquête soulevaient cette grave, cette irritante
question des primes d’exportation. Mais, dans l’opinion des partisans des
droits différentiels, ces droits constituent une véritable prime d’exportation.
Sur quelle question a roulé en effet
la longue discussion à laquelle nous nous sommes livrés ? Sur la question de
savoir si les droits différentiels constituent ou ne constituent pas un moyen
de favoriser les exportations. Si donc, les conclusions de la commission
d’enquête soulèvent la question des primes d’exportation, ce ne serait pas une
raison d’en ajourner l’examen ; cette question se confondant avec le principe
même du projet de loi en discussion.
Mais je ferai remarquer, messieurs,
que le rapport de la commission d’enquête soulève une tout autre question, et
recèle une pensée bien plus féconde et plus haute.
En effet, la commission proposant de
créer un fonds qui peut s’élever à un demi-million, demande qu’on en emploie la
majeure partie à subsidier des compagnies de commerce qui établiraient des comptoirs
dans les pays transatlantiques et dans le Levant.
C’est là une question vierge
en quelque sorte, parfaitement indépendante de la création de primes
d’exportation ; c’est là une pensée bien plus étendue, plus élevée. J’y vois le
germe d’une institution qui manque à notre pays, à notre commerce et à notre
industrie, d’une institution qui doit devenir en quelque sorte la clef de voûte
du système des droits différentiels. J’entends parler de l’établissement d’une
société de commerce qui, attirant à elle les capitaux pour les lancer dans la
voie des expéditions lointaines, soit organisée de manière à venir au secours
de nos industriels, qui ne peuvent, pas plus que les industriels de
l’Angleterre, être à la fois des industriels et des exportateurs.
Il y a donc, je le répète, dans les
propositions de la commission d’enquête bien autre chose que ce qu’y ont vu les
honorables MM.de Theux et Dumortier ; il y a la des questions qui se lient de
la manière la plus intime au système des droits différentiels ; prononcer la
disjonction, ce serait une véritable dérision ; ce serait presque se jouer des
honorables membres qui ont fait les propositions renvoyées par la chambre à la
commission d’enquête et renvoyées, sans aucun doute, à cette commission, pour
devenir l’objet d’une discussion d’autant plus sérieuse.
Je pense, messieurs, avoir prouvé
que, sous aucun rapport, la motion de disjonction et d’ajournement faite par
l’honorable M. de Theux, ne peut être accueillie.
M. de Garcia. - Messieurs, dans le premier comité général, j’avais adressé des
interpellations au gouvernement pour savoir s’il entrait dans ses vues de se
mettre dans les mêmes conditions que les pays qui ont établi le système des
droits différentiels. J’avais demande si le gouvernement avait l’intention
d’acquérir des colonies et d’établir une société de commerce, Le gouvernement a
répondu que pour le présent, il ne pouvait pas s’expliquer sur ce point ; qu’il
ferait de ces questions l’objet de méditations ultérieures. En admettant le
principe des droits différentiels, je craignais d’engager le pays dans des
opérations qui coûteraient beaucoup plus qu’elles ne rapporteraient ; je
craignais que l’établissement des droits différentiels n’entraînât le pays dans
des acquisitions onéreuses ; je craignais encore qu’on n’établît des primes
d’exportation : c’est ce qu’on demande aujourd’hui. Mes prévisions se sont donc
réalisées en partie, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, non content des droits
différentiels, on demande des primes d’exportation : l’on va plus loin, et les
propositions de la commission d’enquête, telles qu’elles sont formulées dans
son dernier rapport, ne se résument pas dans les primes d’exportation, mais au
fond concluent encore à toutes les autres institutions onéreuses que je
prévoyais, sauf l’idée de possession de colonies.
Eh bien, aujourd’hui l’on nous
demande des primes, l’on nous demande implicitement une société de commerce,
des comptoirs sur les places lointaines et bientôt, sans doute, on nous demandera
d’acquérir des colonies. Je conçois que toutes ces questions méritent la plus
grande attention, mais pour le moment elles ne sont pas instruites ; je ne veux
pas dès lors m’engager sur cette grave matière, et j’appuie la proposition
d’ajournement faite par l’honorable M. de Theux.
M. Eloy de Burdinne. -
Messieurs, le but que nous cherchons à atteindre, c’est l’exportation des
produits du sol et des produits de notre industrie.
Je vous avoue que si dans les droits
différentiels, on n’adopte pas des dispositions propres à nous débarrasser de
notre trop plein, je me verrai forcer de voter contre la loi. Sans doute des
droits différentiels doivent être établis de telle manière qu’ils favorisent
toutes les industries du pays ; d’abord la navigation pour autant que ce soient
des navigateurs belges qui en profitent ; mais quand ce sont des navigateurs
étrangers, je ne vois pas que nous devions leur accorder la protection, si ce
n’est dans le cas où ils exportent nos produits. Qu’est-ce que l’introduction
des produits étrangers ? Celui qui s’en occupe traite des intérêts étrangers.
Ce sont les intérêts belges qui
doivent nous diriger dans une loi de droits différentiels. Or, cherchons par
tous les moyens possibles à faire exporter les produits de notre sol et de
notre industrie ; c’est le seul moyen de rendre
Messieurs, je conçois, et je
suis d’accord avec l’honorable M. de Garcia, que les primes sont dangereuses,
qu’entrer dans ce système, c’est s’exposer à voir réclamer par tout ce qu’il y
a d’industriels en Belgique. Mais je crois que nous avons manqué notre but ;
dans notre loi de droits différentiels, nous avons été dans le cas de frapper
les produits étrangers trop faiblement.
Nous aurions dû les frapper à un taux
bien plus élevé ; en un mot, suivre l’exemple de nos voisins, les frapper d’un
droit double ; nous aurions pu le réduire de moitié en faveur de notre
navigation et de la navigation étrangère quand, après avoir importé, elle
exporterait les produits du sol et de l’industrie. Je regrette beaucoup que
nous ayons passé deux mois à faire une loi qui ne produira aucun effet
avantageux pour le pays. Nous avons usé notre temps et fait peu de choses pour
le pays, tandis que nous avions le moyen de faire convenablement les choses en
élevant nos droits à la hauteur des tarifs étrangers, et en les modérant en
faveur de ceux qui exporteraient.
Je le regrette, mais je crois que je
serai forcé de voter contre la loi des droits différentiels.
M. de Haerne. -
Je crois n’avoir pas besoin de vous dire que j’aurais préféré que ma proposition
fût accueillie par la commission d’enquête telle que j’avais eu l’honneur de la
présenter, je veux parler de la deuxième partie de ma proposition qui seule a
été renvoyée à l’examen de la commission d’enquête et qui se rapportait à
l’exportation. Il y était stipulé que l’armateur ou le capitaine de navire,
pour jouir du bénéfice des droits différentiels, eût eu à rester en charge
pendant un mois à fret réduit à la disposition du commerce belge. Mais voyant
qu’une autre opinion avait surgi au sein de la commission d’enquête et qu’elle
était à peu près généralement partagée par tous les membres, j’ai dû m’y
rallier.
Cependant si je voyais que l’opinion
de la commission d’enquête dût être définitivement écartée sans espoir de
jamais y revenir, et que d’un autre côte, je visse que ma proposition aurait
plus de chance de succès dans la chambre, j’y reviendrais ; je crois que j’en
aurais le droit. Voilà pourquoi je me suis rallié à la proposition de la
commission d’enquête, tout en donnant la préférence à ma proposition primitive.
On vous a dit hier et répété
aujourd’hui que le système de la commission d’enquête ne pouvait pas être
adopté, à cause des dangers que présentait tout système de primes, qu’on allait
réorganiser les sociétés de commerce, que vous ne pouviez pas prévoir où tout
cela vous conduira. Je crois qu’on s’exagère la portée de la proposition et des
conséquences qu’elle renferme. Je considère le système propose par la
commission d’enquête comme le corollaire nécessaire de la loi des droits
différentiels telle qu’elle a été votée par la chambre, puisque cette loi,
comme j’ai eu l’honneur de le dire, n’atteindrait pas sans cela le but qu’on
s’est proposé et qui a été indiqué dès le commencement de la discussion :
l’exportation des produits de notre industrie.
Je crois qu’en voyant la défectuosité
de la loi sous ce rapport, nous ne pouvons pas nous dispenser d’accorder des
encouragements pour les exportations. Le système qu’on vous propose n’est pas,
à proprement parler, un système de primes, on s’est trompé quand on lui a donné
cette qualification, c’est un système d’encouragement.
Je vous prie de voir les observations
qui se trouvent dans l’exposé des motifs : les encouragements peuvent être des
primes dans certains cas, mais ce ne sont pas toujours des primes ; par
conséquent, on ne peut pas dire que ce soit un système de primes.
Je puis ajouter que le système
formulé par la commission existait déjà dans le pays. Il y a un libellé du
budget qui accorde des primes d’encouragement pour l’industrie. Plusieurs ont
été faites même avec succès. Plusieurs exportations ont été faites sous la
condition d’encouragements accordés par le gouvernement. Ces encouragements ont
été obtenus quand l’expédition n’avait pas répondu à l’attente des expéditeurs
; et ils n’étaient pas accordés quand l’expédition avait réussi. Cela est
arrivé pour des expéditions faites dans le Levant et dans les contrées
transatlantiques qui ont répondu à l’attente de ceux qui les ont faites. Voilà
le système que nous voudrions établir. C’est ainsi que nous voudrions
encourager les spéculations des particuliers et de certaines sociétés.
L’honorable M. de Garcia vient de
dire qu’il a peur de voir l’érection d’une société de commerce. Il ne s’agit
pas d’une société fondée par le gouvernement, mais d’une compagnie libre, qui
serait subsidiée comme pourraient l’être les particuliers. Plusieurs sociétés
pourraient se fonder de cette manière. Une société pouvant produire plus de
bien au pays que de simples particuliers, à cause de la plus grande quantité de
capitaux dont elle dispose, aurait plus de droit qu’un particulier à
l’obtention des encouragements. On pourrait accorder des encouragements à des
particuliers ou à une société ou à plusieurs compagnies. On ne doit pas tant
s’effrayer du montant des encouragements à accorder, ce n’est pas une somme si
exorbitante qu’on propose d’allouer pour cet objet. Vous voyez qu’on se crée
des chimères, et que c’est à tort qu’on s’alarme.
D’ailleurs, ce système existe déjà,
la commission d’enquête ne fait que lui donner plus d’extension. Ce système
existe dans les droits différentiels, Qu’est-ce que la loi des droits
différentiels, si ce n’est un vaste système de primes ? N’avons-nous pas des
primes pour le halage du canal de Charleroy ? Le système des primes repose sur
la communauté d’intérêts, cette communauté d’intérêts qui existe dans la
société pour toutes choses, doit exister dans l’industrie.
Les industries prospères doivent
venir au secours de celles qui sont en souffrance. Nous ne devons pas nous épouvanter
de ce mot primes. Le système de
primes directes existe en Angleterre, en France, dans des pays éminemment
industriels ; il existe surtout sur une grande échelle en Angleterre ; il est
vrai qu’on les y appelle drawback.
On croit généralement que ce n’est
qu’une remise de droit. Mais je vous prie de faire attention que ce n’est pas
seulement un drawback proprement dit, qu’il y a des primes réelles. Mais les
auteurs anglais déguisent la véritable prime sous la dénomination de drawback.
Mais c’est une prime réelle. Je prie les honorables membres de consulter le
London Commercial Dictionnary qui est à la bibliothèque, ils y trouveront la
définition du mot Drawback, d’après les idées anglaises. Ils verront que les
Anglais n’entendent pas par ce mot ce que nous entendons ; ils entendent une
restitution ; mais la restitution peut excéder le droit payé à l’entrée. Or,
lorsque la restitution excède la remise du droit payé, il y a encouragement,
subside. C’est une véritable prime. C’est ainsi, par exemple, qu’en Angleterre,
pour ce qui regarde l’industrie sétifère, voici comment les droits sont réglés
: on paye un penny ou deux pence pour la soie brute à l’entrée ; on paye 2
schellings et demi pour le fil de trame et 3 schellings et demi pour le fil de
chaîne ; et on obtient pour l’exportation de tous les produits en soie, une
remise de 3 schellings et demi. C’est une véritable prime d’exportation qu’on
accorde. On accorde d’autres primes qui n’ont aucune corrélation avec les
droits payés à l’importation. Dans certains cas, les subsides sont accordés ;
quand la matière première n’a pas subi de droit d’importation, il y a des
primes pour l’exportation des ouvrages d’or et d’argent.
Il y a eu dernièrement une prime sur
laquelle je veux pour un moment appeler votre attention, c’est la prime pour
l’exportation des toiles. Savez-vous pourquoi cette prime a été instituée ?
Pour nous chasser du marché espagnol. Cette prime était très forte ; elle a été
accordée pendant assez longtemps, puis on l’a supprimée ; savez-vous pourquoi ?
Parce qu’on avait atteint le but, parce que nous n’avions plus d’exportation en
Espagne.
Voilà le système des primes ; ce sont
des primes temporaires, accordées tantôt à telle ou telle industrie, à tel ou
tel marché, d’après les circonstances et les besoins du moment. Voilà comment
on entend le système des primes en Angleterre ; voilà comment je voudrais le
voir appliquer. Ainsi il serait très utile d’accorder des primes pour les
exportations dans les pays transatlantiques, et aussi pour regagner le marché
espagnol, d’autant plus que nos toiles sont plus recherchées que les toiles
anglaises, et que les Anglais sont obligés de faire passer leurs toiles pour
des toiles belges, afin de les placer plus facilement.
En France, le système des primes est
en pleine vigueur ; ainsi il y a des primes sur les laines qu’on exporte ;
quelquefois, c’est un drawback, quand il y a eu un droit payé à l’entrée. Mais
remarquez que la prime payée à la sortie excède considérablement le droit qu’on
paye à l’entrée.
Ainsi, pour les fabricats de laine,
la prime varie, d’après la valeur et la qualité, depuis 60 fr. jusqu’à 275 fr.
par 100 kilog. Pour les tissus de soie, la prime varie de 67 à 300 fr. par 100
kilog. Il y a aussi des primes à la sortie sur les tissus de coton, les
meubles, la viande salée, les produits chimiques, etc.
La pêche, notamment celle de la
baleine et de la morue, sont encouragées par des primes considérables. En 1829
et 1830, le gouvernement français a cru un moment que le système des primes
avait atteint son but, quant à la pêche (pour le reste, il ne fut pas proposé
de modification.) Il vînt donc proposer aux chambres françaises de supprimer
tout d’un coup les primes qui s’élevaient pour la pêche seule à 5 millions de
fr. Les chambres n’y consentirent pas, elles n’admirent qu’une réduction
progressive des primes jusqu’en 1843.
A cette époque, les primes
étaient encore à un taux élevé. Le gouvernement avait cru pouvoir en proposer
la suppression, parce qu’il supposait qu’elles avaient produit tous les
résultats qu’on en pouvait attendre. Avant la révolution, le nombre des marins
employés à la pêche n’était que de 7,000 ; en 1829 et 1830, il s’était accru
presqu’à 11,000. En présence de ces résultats, le gouvernement français proposa
la suppression des primes. Mais les chambres y ont mis embargo. Vous voyez
qu’elles ne sont pas tellement attachées aux théories, qu’elles ne s’ingénient
pas à repousser le système de protection. Nous nous ne devons pas avoir la
prétention d’être plus sages que les autres nations.
Remarquez, d’ailleurs, qu’il ne
s’agit pas de primes proprement dites. Les primes ne doivent pas constituer un
système permanent. C’est pourquoi la commission d’enquête a cru devoir limiter
à cinq ans le terme pendant lequel les primes seraient accordées. D’un autre
côte, on ne peut voter un subside annuel, parce que cela ne donnerait pas assez
de sécurité au commerce.
Lorsque le système des droits
différentiels aura produit un résultat, lorsque la marine marchande se sera
suffisamment développée, de manière qu’on possède en Belgique assez de navires
pour faire des voyages de long cours, pour exploiter l’Amérique du Sud, alors
nous pourrons entrer plus franchement dans un système de droits différentiels,
nous rapprocher du système anglais. Notre marine étant plus développée, nos
arrivages étant plus nombreux, nous pourrons renoncer au système
d’encouragement qui vous est propose aujourd’hui par la commission d’enquête.
M. Desmaisières, rapporteur. - Bien que l’idée de venir au secours de la loi des droits
différentiels par des encouragements directs n’ait pas été présentée par moi à
la commission d’enquête, je n’en crois pas moins de mon devoir, comme
rapporteur et comme représentant de la nation, de venir défendre la proposition
que vous a soumise cette commission, proposition qui, dans mon opinion, est
entièrement favorable aux intérêts généraux du pays.
Je dirai d’abord avec l’honorable
ministre de l’intérieur que la loi, telle qu’elle a été votée dans ses
articles, a subi des modifications telles que dans certaines parties elle a
revêtu un caractère essentiellement transitoire, et que dès lors le secours
résultant des encouragements directs est devenu d’autant plus nécessaire, si
l’on veut obtenir de bons résultats de la loi en faveur de l’industrie et de
l’agriculture.
Quatre propositions nous ont été
faites : celle de l’honorable M. de Haerne tendait à augmenter dans de
certaines proportions assez considérables le tarif général des droits d’entrée,
afin de pouvoir accorder des remises proportionnelles assez considérables aussi
sur ces droits d’entrée aux navires qui exporteraient des produits du sol et de
l’industrie de
L’idée d’un deuxième système a été
mise en avant dans le sein de la commission d’enquête ; il consiste à établir
un tarif de droits différentiels à double échelle, accordant la faveur de
droits moindres à l’importation pour tous les navires qui exportent des
produits belges, mais en favorisant cependant le pavillon national plus
fortement que le pavillon étranger.
Un troisième système nous a été
soumis ensuite par l’honorable M. Eloy de Burdinne. C’est aussi un tarif
différentiel double échelle, mais avec cette modification que la faveur du
droit moindre accordé par ce tarif pour l’exportation, serait accordée aussi
bien et dans la même proportion au pavillon étranger qu’au pavillon national.
Enfin un système d’encouragement
direct a été présenté ; c’est celui que la commission d’enquête a cru devoir
adopter. On vous l’a déjà dit avant moi, messieurs, il ne serait pas exact de
dire que ce système d’encouragement direct ne consiste pas en autre chose que
dans des primes d’exportation. Il n’est pas dit un mot de cela dans le texte de
notre rapport, ni dans notre amendement lui-même.
L’amendement présenté par la
commission tend à former un fonds spécial pour, à l’aide de ce fonds, subvenir
à des encouragements directs de diverses espèces et d’abord pour le maintien et
le développement de la navigation transatlantique à voiles. Tout le monde doit
convenir que les chambres n’ont pas à se repentir de la confiance qu’elles ont
accordée à cet égard au gouvernement, en portant pour cet objet au budget une
somme de 115,000 fr. ; car, tout le monde doit reconnaître que les
encouragements donnés par le gouvernement à l’aide de ce fonds de 115,000 fr.,
ont été tellement bien réparties et les conditions y attachées dans l’intérêt
de l’industrie et de l’agriculture, tellement bien réglées, que ces
encouragements ont produit les meilleurs effets.
Ce que le gouvernement a fait et
continue à faire maintenant pour le fonds d’encouragement de la navigation
transatlantique à voiles, nous devons l’attendre de lui pour le fonds spécial
plus considérable à la vérité, dont la commission d’enquête a l’honneur de vous
proposer la création.
Il y a encore dans notre proposition
l’établissement de comptoirs belges dans les pays transatlantiques et le
Levant, soit par le commerce privé, soit par une ou plusieurs compagnies ou
société de commerce. C’est sans aucun doute avec raison que l’honorable M
Lesoinne (je crois que la chambre lui a même donné des marques d’approbation) a
demandé que le commerce belge établît avant tout des comptoirs dans les pays
transatlantiques et dans le Levant, s’il voulait arriver à pouvoir réaliser des
exportations plus ou moins considérables vers ces pays lointains.
Ce but, je le répète, se trouve
énoncé dans la proposition de la commission et il s’agit de chercher à
l’atteindre au moyen du fonds spécial dont nous demandons la création.
Les primes d’exportation ne sont
certainement pas interdites par la proposition de la commission d’enquête ;
mais on n’impose nullement au gouvernement l’obligation d’en accorder, et on ne
les interdit pas parce qu’il peut être nécessaire d’accorder de pareilles
primes en faveur d’industries souffrantes.
Les droits différentiels, quoi qu’on
en dise, ne sont pas autre chose que des primes. Ce sont des primes que le
trésor paye, si je puis m’exprimer ainsi, en ne recevant pas.
On a dit : oui, cela est vrai ; mais
au moins ces primes sont réglées, sont déterminées, et il n’y a que ceux qui
remplissent les conditions voulues par la loi qui en profilent.
Mais, messieurs, si le gouvernement
use des pouvoirs qui lui sont donnés par la proposition de la commission d’enquête
pour accorder des primes d’exportation, il aura bien soin, il n’en faut pas
douter, de régler aussi les conditions qu’il faudra remplir pour pouvoir en
jouir. Ainsi l’objection qu’on a faite n’est nullement fondée.
Nous portons chaque année au budget
des sommes assez considérables, qui n’ont d’autre destination que des primes.
Nous y portons 40,000 fr. pour primes de construction de navires ; 95,000 fr.
pour primes à la pêche nationale ; 33,000 fr. pour primes aux arts mécaniques,
primes qui sont accordées en vertu de la loi du 12 janvier 1817. Nous y portons
des primes d’encouragement pour la construction de bateau sur le canal de
Charleroy et pour soutenir le halage de ce canal. Personne ne contestera
l’utilité qu’il y a eu de construire le canal de Charleroy, et malgré cette
grande utilité, démontrée aujourd’hui par le mouvement des transports qui
s’opère sur ce canal, il a fallu accorder des primes aux constructeurs de
bateaux pour qu’ils en construisissent qui fussent propres à la navigation de cette
voie d’eau et afin de développer et soutenir le halage.
Mais, dit-on, c’est laisser la
répartition d’un demi-million à l’arbitraire du gouvernement. Messieurs, nous
laissons à l’arbitraire du gouvernement des sommes beaucoup plus fortes. Ainsi
nous laissons à sa disposition le fonds de construction de routes. N’avons-nous
pas accordé une première fois 6 millions et une seconde fois 2 millions pour
construction de routes nouvelles ? Ne portons-nous pas au budget chaque année 7
à 800,000 fr. pour construction de routes nouvelles ? N’avons-nous pas
abandonné entièrement au gouvernement la répartition de ces sommes cependant
fort considérables ? Nous avons voté 2 millions pour construction de routes
dans le Luxembourg ; n’avons-nous pas encore abandonné au gouvernement le soin
de déterminer, quelles seraient les routes qui seraient établies au moyen de
ces deux millions ? et ici, remarquez-le bien, messieurs, on n’a pas imposé au
gouvernement l’obligation, comme nous le faisons dans notre proposition, de soumettre
chaque année un compte-rendu à l’appréciation des chambres.
Comme vous l’a dit l’honorable M. de
Haerne, déjà à l’aide de fonds de l’industrie, le gouvernement a plus d’une
fois accordé des encouragements directs aux exportations des produits belges. A
cet égard, je puis vous citer un fait extrêmement remarquable. Il y a peu de
jours un négociant de Gand est venu me montrer toute sa correspondance
relativement aux essais qu’ils ont tentés pour l’exportation des toiles vers
les pays transatlantiques et vers le Levant.
Ce négociant, messieurs, a commencé
ses opérations il y a environ trois ans. Il a expédié des toiles pour essai à
Buenos-Ayres, à Rio de
Il n’a pas voulu y consentir. Il
s’est adressé au gouvernement qui lui a donné une certaine assurance en lui
garantissant 8 p. c. de perte. Il a persisté par suite de cette garantie ; il a
fini par trouver des maisons moins dévouées aux intérêts anglais et
aujourd’hui, après deux ans et demi à trois ans d’attente, il a reçu de
plusieurs de ces maisons des lettres que j’ai eues en main et par lesquelles on
lui apprend que ses toiles sont vendues, les unes avec 15 p. c., les autres
avec 25 p. c. et quelques-unes avec 48 p. c. de bénéfice.
Vous voyez, messieurs, ce que peut
produire pour le négociant la certitude de ne pas être exposé à des pertes trop
considérables ; vous reconnaîtrez donc que les tentatives que l’on fait pour
arriver à placer nos produits dans les pays lointains doivent être encouragées
et surtout combien il est nécessaire, ainsi que le disait l’honorable M.
Lesoinne, d’avoir des établissements belges dans les pays où nous voulons
exporter.
Ces lettres, messieurs, et je suis
heureux de pouvoir le dire ici hautement, apprennent que les toiles de ce
négociant, qui étaient de bonnes toiles faites avec du fil à la main, se sont
vendues 5 fr., lorsque les toiles anglaises similaires ne pouvaient pas même se
vendre à 3 fr.
Personne de vous n’ignore, messieurs,
que la nouvelle législation commerciale de 1822 à 1826 n’a produit du moins
aussi promptement de bons effets qu’à l’aide des divers encouragements directs
qui ont été accordés en même temps et notamment à l’aide de la formation de
Je crois donc, messieurs, que
les encouragements directs sont tout à fait nécessaires, au moins pendant les
premières années de l’exécution de la loi. Alors surtout que cette loi a reçu
un caractère tout à fait transitoire dans plusieurs de ses parties, et que le
système de droits différentiels proposé en premier lieu par la commission
d’enquête, a été fortement affaibli par les dispositions que vous avez
adoptées.
Par suite de ces considérations, nous
avions tout lieu de croire que notre proposition serait accueillie avec
empressement par la chambre. Cependant, d’après ce qui s’est passé hier, et,
s’ii m’est permis de le dire, d’après les conversations particulières que j’aie
eues avec un grand nombre de membres de la chambre, j’ai pu m’apercevoir que
malheureusement la question n’était pas bien comprise, qu’on ne l’envisageait
pas sous son véritable point de vue, et qu’après six semaines de discussion, la
chambre se trouvait dominée par une lassitude qui pourrait compromettre le sort
de notre proposition.
Aussi, pour que rien ne soit
compromis, j’aurai l’honneur de proposer à la chambre subsidiairement et par
sous-amendement à la proposition de l’honorable M. de Theux, l’ajournement avec
renvoi de la proposition de la commission d’enquête au gouvernement, pour qu’il
instruise complètement la question et présente des conclusions motivées à la
session prochaine. De cette manière, messieurs, une enquête pourra au besoin
s’établir ; la question pourra être tout à fait éclaircie ; chacun pourra se
former une opinion et je ne doute pas que vous n’accueilliez alors avec
empressement la proposition semblable à la nôtre que le gouvernement viendra
vous faire dans l’intérêt général du pays.
M. Eloy de Burdinne. -
Je crois, messieurs, que l’honorable M. de Haerne est tombé dans une grave
erreur, lorsqu’il a comparé les primes anglaises aux primes que l’on propose
d’accorder en Belgique. L’honorable M. de Haerne a perdu de vue, que si en
Angleterre on accorde des primes à la sortie, on les perçoit à l’entrée.
Sommes-nous, messieurs, dans la même
position que l’Angleterre pour accorder des primes ? Comme je viens de vous le
dire, ces primes se prélèvent en Angleterre sur les droits de douane.
Mais le système que vous avez
adopté jusqu’à présent ne nous permet pas de prendre sur les produits de la
douane les moyens d’accorder des primes à l’exportation des produits de
l’industrie
Messieurs, si je prends pour exemple
le coton, cette denrée paie en Angleterre un droit très élevé, droit qui pèse à
la vérité en partie sur le consommateur, mais qui pèse aussi pour une autre
partie sur l’étranger. En Belgique que faites-vous ? Vous faites payer, pour
100 kilog. de coton, 1 centime ! Cependant, messieurs, le coton remplace en
quelque sorte le lin qui est un produit du pays ; et pour produire 100 kilog.de
lin, vous payez 2 fr. d’impôt
C’est là, messieurs, ce qui
prouve qu’en Belgique on favorise de préférence les producteurs étrangers et
que les producteurs des pays sont sacrifiées.
Comme je vois que la chambre est
autant pressée que moi de finir cette discussion, je bornerai là mes
observations.
M. de Theux. -
Messieurs, la proposition de l’honorable M. Desmaisières est, au fond, la même
que celle que j’avais faite hier. Il s’agit de soumettre la question à un
examen plus approfondi. Je consens très volontiers à ce que la proposition soit
renvoyée au gouvernement avec demande d’un rapport. Cela entre tout à fait dans
le but que je m’étais proposé.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement manquerait à un devoir s’il ne consentait pas à faire
l’instruction ultérieure lui demande. J’ai déjà fait ressortir hier ce qu’il y
a d’ancien dans l’une et l’autre partie de la proposition (interruption.) La proposition a deux objets : d’abord le maintien
et l’extension des lignes régulières de navigation transatlantique, et en
second lieu des encouragements soit pour l’établissement de comptoirs, soit
pour l’exportation industrielle dans les contrées lointaines. Ces deux choses
existent aujourd’hui ; mais sur de faibles proportions, surtout la deuxième. Le
gouvernement examinera s’il y a lieu de donner une extension à ces deux
dispositions qui figurent déjà au budget de l’intérieur. Je pourrai même, si la
chambre le juge nécessaire, lui donner dès à présent quelques renseignements
sur les lignes de navigation à voiles déjà existantes. (Non ! non ! Aux voix ! aux voix !)
- La clôture est demandée et prononcée.
La proposition de M. Desmaisières est
mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il reste maintenant la proposition de M. Eloy de Burdinne.
Plusieurs membres. - C’est également ajourné.
M. Eloy de Burdinne. -
Messieurs, si l’on entend comprendre mon amendement dans l’ajournement, je
n’insisterai pas ; mais je déclare que je voterai contre la loi.
M. de Haerne. - Si
l’amendement de M. Eloy de Burdinne est compris dans l’ajournement qui vient
d’être adopté, je crois qu’il doit en être de même de ma proposition primitive,
car je ne me suis rallié que conditionnellement à la proposition de la
commission d’enquête.
M. Delehaye. -
Je pense qu’il est bien entendu que le gouvernement ne fera pas seulement un
rapport sur les propositions qui ont été faites, mais qu’il examinera la
question sous toutes ses faces et qu’il saisira la chambre de telle proposition
qu’il jugera utile aux intérêts des différentes industries du pays. (Assentiment.)
PROJET DE LOI
ORGANISANT LA POSTE AUX CHEVAUX ET LES AUTRES SERVICES DE TRANSPORT EN DEHORS
DU CHEMIN DE FER
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) dépose un projet de loi sur l’organisation de la poste aux chevaux et
des autres services de transport en dehors du chemin de fer.
- La chambre ordonne l’impression et
la distribution de ce projet.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, comme un projet de loi sur le même objet, présenté par mon
honorable prédécesseur, a déjà été examiné par les sections et par la section
centrale, je demanderai que la chambre veuille bien renvoyer le projet actuel,
qui n’est que modificatif du premier, à la même section centrale.
M. de Garcia. -
Messieurs, cette loi est de la plus haute importance, et, quant à moi, je
désire en faire de nouveau l’examen en section.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Comme je viens de le dire, un projet de loi sur le même objet avait
été présenté par mon honorable prédécesseur. Les sections ont examiné le
principe de ce projet ; la section centrale en a fait l’objet d’un examen
approfondi ; je pense, dès lors, que le projet actuel pourrait être renvoyé
directement à cette section centrale.
- Cette proposition est mise aux voix
et adoptée.
CONCLUSIONS DE LA
COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE (COMMISSION « DE FOERE ») ET
SYSTÈME DES DROITS DIFFERENTIELS
Vote définitif sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble du projet de loi relatif aux droits différentiels.
75 membres sont présents.
43 adoptent.
25 rejettent.
7 s’abstiennent.
En conséquence le projet de loi est
adopté, il sera transmis au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. Devaux, de
Villegas, Donny, Dumont, Dumortier, Fallon, Jadot, Jonet, Kervyn, Lejeune,
Maertens, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Dubus (aîné),
Scheyven, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen,
Verwilghen, Wallaert, Zoude, d’Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de
Florisone, de Haerne, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer,
de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt.
Ont voté le rejet : MM. de Tornaco,
Eloy de Burdinne, Fleussu, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Malou, Osy, Pirmez,
Pirson, Rogier, Savart-Martel, Sigart, Thyrion, Troye, Vandensteen, Castiau,
David, de Baillet, de Chimay, de
Se sont abstenus : MM. Duvivier,
Manilius, Smits, Cogels, de Garcia, d’Elhoungne, de Theux.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du
règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Duvivier. -
Je me suis abstenu, parce que j’ai été obligé de me tenir éloigné des travaux
de la chambre, pendant quelques séances où le projet sur lequel on vient de
voter était en discussion.
M. Manilius. -
Mon abstention n’a rien d’hostile au système des droits différentiels. Dés
lors, il suffisait que le projet actuel procure un résultat favorable à notre
marine nationale, pour que je m’abstinsse de refuser à cette industrie
importante la protection que je désire pour toutes nos industries sans
exception. Mais comme le système protecteur est le droit commun du pays, qu’il
doit d’ailleurs être égal et efficace pour tous, et qu’ainsi le projet de loi
actuel ne pouvait être complet que s’il eût embrassé toutes les branches du
travail national, les lacunes que ce projet présente au point de vue industriel
m’interdisaient de lui donner un vote favorable, et m’imposaient le devoir de
m’abstenir.
M.
Smits. - Partisan sincère du commerce
direct, je ne saurais voter contre une loi qui consacre des principes propres à
favoriser ce commerce ; mais, comme, d’un autre côté le projet renferme
actuellement des exceptions qui paralysent le principe et quelques dispositions
que je crains compromettantes pour certaines de nos relations maritimes, je
n’ai pas pu voter pour. Dans cette situation, j’ai dû m’abstenir.
M. Cogels. - Messieurs, dans la longue
discussion qui vient de se terminer, j’ai cherché constamment à défendre les
véritables intérêts du commerce ; puisque toujours je me suis trouvé complètement
d’accord avec ses principaux organes, et si, dans une circonstance récente, cet
accord a été momentanément rompu, le vote presqu’unanime de la chambre a
suffisamment justifié la nécessité de la mesure qui a été adoptée.
Les échecs partiels que mon honorable
collègue M. Osy et moi, nous avons éprouvés dans la présentation de quelques
amendements ne pouvaient donc être pour moi un motif assez puissant pour
rejeter la loi.
Cependant, ainsi que vous vous le
rappellerez sans doute, messieurs, dès le début de cette discussion, j’ai
déclaré que je considérais l’extension des droits différentiels comme un essai
dont le succès ne me paraissait réalisable que dans un avenir plus ou moins
éloigné, les modifications qui ont été introduites dans la loi rendent cet
avenir encore plus douteux.
Dans cet état de choses j’ai cru
pouvoir, sans être inconséquent, faire un sacrifice à l’opinion qui vient de se
manifester tout à coup dans notre métropole commerciale et parmi les armateurs
eux-mêmes. Voilà pourquoi je me suis abstenu.
M. de Garcia. -
Messieurs, je suis partisan du principe des droits différentiels en faveur de
notre pavillon. Selon moi, l’intérêt du pays comme la dignité nationale,
exigent que
D’un autre côté, je n’ai pu lui
donner mon assentiment ; d’abord, parce que les amendements et la discussion
ont mutilé tout le système : en second lieu, parce qu’une loi politique de
cette importance, destinée à amener des traités avantageux, contenant les
germes d’une prospérité future, mais peut-être un peu éloignée, devait être
accompagnée d’une majorité et d’une force morale imposante, double condition
que la discussion m’avait démontrée ne devoir pas exister.
La loi telle qu’elle est votée n’est
dans les mains du gouvernement qu’une arme émoussée et impuissante.
Enfin, messieurs, une dernière
considération m’a déterminé à ne pas voter pour la loi, c’est la couleur qui
lui a été donnée, lorsqu’on a dit qu’elle ne serait votée que dans le but
d’imposer davantage le bois de construction étranger. Je n’ai pas voulu qu’on
pût penser que je n’avais voté la présente loi en vue d’un seul intérêt
national, celui des propriétés boisées.
M. d’Elhoungne. - Je me suis
abstenu par les mêmes motifs que mon honorable ami M. Manilius.
M. de Theux. -
Le décès d’un proche parent m’a empêché, à mon grand regret, d’assister à la
partie principale de cette discussion : c’est pour ce motif que je me suis
abstenu.
M. Delehaye. -
J’ai remarqué qu’on avait biffé des billets de convocation le projet de loi sur
les tabacs, Est-ce le fait d’une erreur ou d’une décision de la chambre ? Je
désire savoir si la chambre n’entend pas s’occuper de ce projet de loi qui
avait été mis à l’ordre du jour. Le commerce attend avec une vive impatience
une solution quelconque. Rien n’est plus nuisible aux intérêts commerciaux que
l’incertitude.
M. le président. - Le projet de loi sur les tabacs est toujours à l’ordre du jour.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - C’est
ce que je voulais faire observer. Je voulais demander, en outre, que la loi des
tabacs vînt à l’ordre du jour immédiatement après la proposition de l’honorable
M. Malou.
M. Rogier. -
Messieurs, d’après les symptômes qui se manifestent dans cette enceinte, il est
à croire qu’un ajournement de la chambre est prochain. Je crois que, quelle que
soit la fatigue de la chambre, il est important de voter la loi des tabacs. La
situation des fabricants et des commerçants doit être fixée le plus tôt
possible. Voilà plusieurs mois qu’ils sont dans une incertitude très
préjudiciable à leurs intérêts.
M. Mast de Vries. -
Je demande qu’on mette l’ordre du jour et la loi des péages et un projet de
crédit arriéré au département de la guerre. Ces deux lois n’occuperont pas
longtemps la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - J’appuie la motion de
l’honorable préopinant : la loi des péages sur les chemins de fer expire au 1er
juillet prochain. Je demande que le projet de prorogation soit mis à l’ordre du
jour après la loi des tabacs,
- Cette proposition est adoptée.
M. Jadot. - Parmi les objets qui sont
mis à l’ordre du jour, se trouve la loi d’organisation de la cour des comptes.
Je demande l’ajournement de cette discussion. Il est impossible de s’occuper de
ce projet de loi, avant que la chambre ait voté la loi générale de la
comptabilité de l’Etat. (C’est juste !)
M. le président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu la discussion des modifications
proposées au règlement, en ce qui concerne la nomination de membres du jury
d’examen universitaire ; après, viendront les nominations.
M. Delfosse. -
La chambre ne peut pas s’occuper de la nomination des membres du jury avant la
distribution des pièces dont nous avons besoin et qui doivent être déposées par
le gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je prie la chambre de tenir ce second point en suspens. Je proposerai
de fixer cette nomination à samedi prochain. La chambre pourrait se réunir à
dix heures et demie, et elle ne ferait que cela.
M. Dumortier. - Il n’est pas
possible de mettre cette nomination à samedi. Chacun sait que l’habitude des
membres qui habitent les localités voisines de la capitale est de passer le
dimanche dans leur famille. Nous n’avons pas cet avantage, nous qui sommes
éloignés de Bruxelles ; mais il faut prendre les choses telles qu’elles sont.
Nous ne devons pas empêcher les membres qui ont cette faculté d’en user. Vous
savez que la chambre désire se séparer. Je vois beaucoup de membres qui
habitent Bruxelles dire non. Ceux qui habitent Bruxelles ou ses environs, ou
bien qui ont pris de longues vacances pendant la session peuvent désirer rester
ici en permanence, je le conçois. Mais voilà déjà huit mois que la session dure
et ceux qui sont restés assidus à leur poste, comprennent qu’il est temps de
prendre un peu de repos.
Les fonctions législatives ne sont
pas faites pour tuer ceux qui les exercent. On ne voit dans aucun pays les
parlements siéger pendant des huit et dix mois. Après avoir voté la loi sur les
tabacs nous devons songer à prendre un peu de repos. Je ne pense pas que cette
loi prenne beaucoup de temps, car son compte est fait.
Je crois que quand on comptera les
voix, le compte des voix qui l’admettent et celles qui la repoussent sera très
facile à faire. Les opinions sont toutes formées sur cette loi, et tout ce
qu’on pourra dire ne fera pas revenir une seule des opinions qui lui sont
contraires.
J’examine les possibilités de la
semaine. Je dis donc qu’il me paraît très possible de terminer cette semaine
nos travaux.
Un membre. -
Et le budget de la guerre !
M. Dumortier. - Le ministre de la
guerre n’a pas encore envoyé les pièces nécessaires à la section centrale pour
faire son travail. A moins que vous ne vouliez rester en permanence, il sera
impossible de s’en occuper pendant cette session ; la section centrale n’est pas
même en termes de l’examiner, elle n’a pas reçu les pièces qu’elle a demandées
au département de la guerre, j’en suis informé par un membre de cette section
centrale ; comment voulez-vous que la chambre reste pour discuter le budget de
la guerre quand la section centrale n’est pas en mesure de faire son travail ?
Au lieu de mettre à samedi la nomination des membres du jury d examen, ayons,
s’il la faut, une séance du soir pour procéder à cette nomination. Je le
répète, ceux qui travaillent depuis huit mois assidûment ont le droit de
désirer de rentrer chez eux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que la chambre devra siéger jusque vers la fin du mois ;
alors le gouvernement pourra indiquer la marche ultérieure de la session. (Interruption.) Je ne dis pas qu’il
l’imposera. Le gouvernement fera connaître sa manière de voir sur la marche
ultérieure de la session.
M. Dumortier. - Le gouvernement
demandera, il n’a rien à indiquer à la chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne pense pas que la constitution ait donné à M. Dumortier le droit
de clore la session.
Le ministre de la guerre n’a pas
encore répondu à la section centrale chargée de l’examen de la loi relative à
l’organisation de l’armée. Ces réponses seront faites dans quelques jours, On
verra alors ce qu’on peut faire.
Dans tous les cas, comme le crédit
voté n’ira que jusqu’à la fin du mois, il y aura nécessite de demander de
nouveaux crédits. Quelle sera l’étendue de ces nouveaux crédits ? on ne le sait
pas encore ; on les demandera du 20 au 25 ; alors le gouvernement saura quelle
étendue ils devront avoir. La chambre doit se résigner à siéger jusqu’au 25 au
moins.
M. Dumortier. - On peut s’ajourner
et revenir le 25.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - il y a des nécessités, des devoirs que la chambre appréciera.
Nous allons nous occuper des
dispositions réglementaires et de la loi relative aux indemnités des jurés ; il
y a impossibilité de mettre à demain la nomination des membres du jury, je
propose toujours de la fixer à samedi.
M. Mast de Vries. -
A samedi 10 heures !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La discussion générale de la loi sur les tabacs serait très avancée
sinon close.
M. de Garcia. -
Je m’oppose à l’ajournement proposé par M. Dumortier. L’honorable membre dit
qu’il est fatigué ; je suis aussi assidu que lui, et si je ne pouvais pas
supporter le travail que m’impose le mandat que j’ai reçu de mes commettants,
je me démettrais de mon mandat ; mais nous devons nous efforcer à vider notre
arriéré.
Une masse de questions nous restent à
décider, et en présence de travaux qui nous incombent, je déclare que je suis
prêt à rester à mon poste et j’engage mes collègues à en faire autant. Rien ne
s’oppose au moins à ce que nous allions jusqu’au mois de juillet ; à cette
époque, d’après les usages de la chambre et surtout à cause de la réunion des
conseils provinciaux, l’on pourra s’ajourner ou clore la session.
M.
Malou. - Si de toute nécessité on doit
interrompre la discussion de la loi sur les tabacs pour s’occuper de la
nomination des membres du jury d’examen, on peut l’interrompre vendredi au lieu
de samedi. Je crois que nous aurons reçu les documents nécessaires et que nous
pourrons les avoir étudiés d’ici à vendredi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que le samedi conviendrait mieux, parce que plusieurs
membres absents pourraient être prévenus et assister à la nomination. Je ne
vois pas pourquoi on voudrait confisquer le samedi.
M. Dumortier. - Je ne reçois pas la
leçon que m’a adressée M. de Garcia.
M. de Garcia. -
Je n’entends pas plus vous donner de leçon que je n’entends en recevoir de
vous.
M. Dumortier. - J’ai pris pour une
leçon la réponse que vous m’avez faite, que quand on ne se sentait pas la force
de soutenir le poids de son mandat, on donnait sa démission. Je ne reçois de
semblable leçon de personne et surtout de l’honorable membre qui la semaine
dernière a pris encore une vacance de quinze jours.
Pour moi, je ne m’absente
jamais quand la chambre siège. Je ne pense pas qu’on puisse trouver dans la
chambre un membre qui ait manqué à moins de séances que moi. (C’est vrai !) C’est précisément parce
que je suis toujours ici, quand la chambre siège, que j’ai le droit de parler
de la fatigue que nous éprouvons de notre assiduité à suivre les travaux de la
chambre. Voilà six semaines que nous siégeons sans interruption. On ne va pas,
comme le dit M. de Garcia, de congé en congé ; on ne s’est ajourné deux jours
que pour les élections provinciales. On ne peut pas rester des deux mois réunis
sans prendre de repos. Il n’y a pas d’exemple de chose semblable dans aucun parlement.
Si nous devons siéger jusqu’à la fin du mois, nous devons prendre huit jours de
vacances et revenir quand nous aurons des travaux prêts.
M. le ministre vient de dire : Le
gouvernement vous indiquera ce que vous aurez à faire. Le gouvernement n’a rien
à nous indiquer, il ne vient à la chambre que par voie de pétition ! c’est là
ce qui résulte de la constitution et de toutes les lois. Cela est vrai, surtout
pour M. le ministre actuel de l’intérieur qui rit. Le gouvernement n’a pas
d’ordre à donner à la chambre. Et quand à la suite de longs travaux nous
désirons prendre quelque repos, le gouvernement serait fort mal reçu de vouloir
retenir la chambre davantage, alors que nous allons avoir terminé tous les
travaux soumis à nos débats.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne sais pourquoi l’honorable membre m’a interpellé. Je voudrais
savoir ce qu’il ferait si le gouvernement laissait la session ouverte
indéfiniment. Je ne crois pas avoir manqué de respect à la chambre en disant
que le gouvernement ne serait à même que du 20 au 25 de savoir l’étendue des
crédits provisoires dont il a besoin pour l’armée, et qu’il indiquerait alors
la marche ultérieure de la session. J’espère qu’il se trouvera d’accord avec la
chambre. Deux pouvoirs sont en présence, mais ces deux pouvoirs peuvent très
bien s’entendre. Je prie l’honorable membre de traiter non pas moi, mais le
gouvernement que je représente, avec autant d’égards que je traite la chambre.
Nous ne pouvons rien décider en ce moment ; qu’on mette la nomination du jury à
vendredi ou à samedi, cela ne changera rien aux incertitudes qui existent quant
au budget de la guerre, mais nous ferons en sorte d’éclaircir la situation
d’ici à la fin du mois.
M. de Garcia. -
Je n’ai jamais donné de leçon à personne ; j’en donnerais moins encore qu’à
tout autre à l’honorable M. Dumortier qui est académicien, mais je ne reçois
pas non plus de personne celle qu’il a voulu me donner. Je n’accepte pas surtout
les reproches qu’il m’a adressés, d’avoir pris congé la semaine passée. Ce fait
n’est pas exact et si j’ai manqué aux séances de la chambre c’est pour cause
d’indisposition.
Je pourrais, avec plus de vérité et
d’exactitude, reprocher à mon honorable collègue son absence prolongée pendant
les élections provinciales de Tournay, qui sans doute ne pouvaient être une
cause d’indisposition pour lui ; cependant alors il a déserté la chambre
pendant plusieurs jours.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On me remet à l’instant les documents relatifs au jury d’examen. Je
les dépose sur le bureau.
M. le président. - Ces documents seront imprimés.
- La chambre, consultée, fixe à vendredi
la nomination des membres du jury d’examen.
M. Verhaegen. -
Puisqu’on vient de parler d’un ajournement, qui, dans tous les cas, n’est pas
très éloigné, je crois ne pas devoir attendre davantage pour adresser une
interpellation à M. le ministre des finances.
Lors de la discussion de la loi sur
l’emprunt, M. le ministre des finances a pris l’engagement solennel de laisser
le moyen de concours aux capitalistes du pays et d’ouvrir une souscription à
l’intérieur.
Depuis l’adoption de la loi jusqu’à
ce jour, aucune mesure n’a été prise par le gouvernement, pour remplir cet
engagement, et s’il faut s’en rapporter à certains bruits qui circulent, un
contrat aurait été fait, pour la totalité de l’emprunt avec une maison
étrangère.
On ajoute même qu’on n’attend que la
clôture de la session pour porter ce contrat à la connaissance du public.
Je demande sur ce point des
explications formelles à M, le ministre des finances.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) -
Les motifs qui m’on empêché jusqu’à présent de négocier cet emprunt seront
tacitement compris de la chambre : c’est que la chose ne dépend pas
exclusivement du gouvernement belge.
Quant aux bruits de ville, ils
peuvent être tels que les rapporte l’honorable membre ; mais ils n’ont pas le
moindre fondement.
M.
Verhaegen. - La réponse laconique de M. le
ministre des finances me donne à moi la conviction que les bruits qui circulent
ne sont pas dénués de fondement. Si je ne craignais pas de commettre une
indiscrétion, je pourrais aller plus loin ; je me bornerai à rappeler à M. le
ministre des finances l’engagement formel qu’il a pris vis-à-vis de la chambre
d’admettre les capitalistes du pays en concurrence avec les capitalistes
étrangers et d’ouvrir des souscriptions à l’intérieur.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) - Je
prie et en tant que besoin, je somme l’honorable M. Verhaegen d’aller aussi
loin que possible ; car je suis très curieux de savoir ce que peuvent être ces
bruits dont on parle, et qui les a répandus.
Je demande que l’honorable membre
s’explique.
M.
Verhaegen. - Je me suis suffisamment expliqué,
mais puisque M. le ministre des finances désire quelque chose de plus, je veux
bien ajouter qu’il a été question d’exclure la
concurrence. M. le ministre doit bien se rappeler où et par qui la proposition
lui a été faite ; la préférence était réservée à une maison étrangère. Il est
vrai qu’il y a eu dissentiment à cet égard entre certains membres du cabinet,
et pour se mettre d’accord on aurait arrêté de laisser les choses dans l’état où
elles sont jusqu’à la clôture de la session.
J’ai rendu compte des bruits qui
circulent, j’ai rappelé et je le devais, un engagement formel pris à la face du
pays par M. le ministre des finances. C’était, je pense, le moment opportun,
puisqu’on a parlé d’ajournement, de clôture. J’ai fait une interpellation à M.
le ministre des finances, c’était mon droit. M. le ministre des finances ne m’a
pas répondu d’une manière explicite, le pays appréciera sa conduite ;
toutefois, j’ai lieu de croire que mon interpellation portera ses fruits, et
que force sera au gouvernement d’en revenir à l’exécution de son engagement.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je remercie l’honorable M. Verhaegen de s’être expliqué plus
clairement, d’avoir spécifié quels étaient les bruits auxquels il a fait
allusion. Je déclare qu’aucune discussion, aucun dissentiment n’a eu lieu dans
le cabinet sur ce point, qu’il n’a pas été question d’une offre d’un demi pour
cent de plus que tel taux qui aurait été antérieurement déterminé, que tout ce
qui a été allégué est de la plus complète inexactitude.
Quant à l’engagement que l’on a
rappelé, j’ai assez le sentiment de ma dignité pour croire que je n’ai pas
besoin de renouveler les déclarations formelles que j’ai faites à la chambre.
M. Verhaegen. - Je prends acte de cette déclaration.
M. Pirmez. -
On dit que M. le ministre des finances aurait pris l’engagement de donner la
préférence aux capitalistes du pays. M. le ministre des finances n’a pas fait
cette promesse. Il a promis d’ouvrir, autant que possible, une souscription
dans le pays ; mais les étrangers pourront prendre part à la souscription. Il
faut qu’il soit bien entendu qu’il n’y aura pas de préférence pour les
capitalistes du pays.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Verhaegen a fait allusion à une dissidence qu’il y
aurait eue dans le cabinet. Je déclare, en ce qui me concerne, que tous les
bruits qui ont circulé depuis quelque temps sont calomniateurs.
M.
Verhaegen. - Comment cela ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non pas quant à vous, mais je déclare ces bruits calomniateurs.
M.
Verhaegen. - Je ne comprends rien aux derniers
mots de M. le ministre de l’intérieur. Il déclare calomniateurs les bruits qui
ont circulé. Je voudrais bien qu’il s’expliquât à cet égard.
Des bruits circulent ; ils peuvent
inquiéter le pays ; il est, en pareille circonstance, du devoir d’un député
d’adresser des interpellations au gouvernement.
Je crois que les expressions dont
s’est servi M. le ministre de l’intérieur sont au moins très inconvenantes et
qu’il s’empressera de les retirer.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’y a rien d’inconvenant dans cette explication. Je répète à
l’assemblée que ce qui a été dit d’une prétendue dissidence dans le cabinet à
un but calomnieux. L’honorable membre sait à quels motifs cette dissidence a
été attribuée.
M.
Verhaegen. - A quels motifs ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous les connaissez. Les engagements qui ont été pris subsistent. La
chambre et le pays verront de quelle manière ils seront remplis. Je m’en
réfère, comme l’honorable membre, au jugement du pays dans un avenir très
prochain.
REGLEMENT DE LA CHAMBRE. DISPOSITIONS
RELATIVES AU MODE DE NOMINATION DES MEMBRES DU JURY D’EXAMEN UNIVERSITAIRE
M. le président. - Les dispositions réglementaires présentées par M. Malou, sont ainsi
conçues :
« Les dispositions suivantes sont
insérées entre l’avant et le dernier de l’article réglementaire adopté à la
séance du 21 décembre 1835 :
« Les membres titulaires seront
classés, pour chaque jury, d’après le nombre de suffrages qu’ils auront
obtenus.
« Les bulletins, pour la nomination
des suppléants, indiqueront, à côté du nom de chacun d’eux, le nom du titulaire
qu’il peut être appelé à remplacer.
« A défaut de désignation
spéciale, les suppléants seront présumés être inscrits sur le bulletin selon l’ordre
de nomination des titulaires. »
- Ces dispositions sont mises aux
voix et adoptées.
M. de Garcia. -
L’appel nominal.
M.
Malou. - Avant de présenter ces
dispositions, j’ai recherché ce qui s’est passé en 1835. On s’est demande si
les dispositions réglementaires devaient être mises aux voix par appel nominal
; il a été reconnu que ce n’était pas nécessaire, parce que c’était non pas une
loi, niais une disposition du règlement.
M. de Garcia. -
Je n’insiste pas.
Discussion
générale
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet.
M.
de La Coste. - Je ne m’attendais pas à ce
que cette question fût traitée aujourd’hui. Je n’ai pas même sous les yeux le
projet de loi. Cependant, puisque la discussion est ouverte, je me permettrai
de soumettre une observation à la chambre, et plus particulièrement à la
commission chargée par elle de l’examen du projet. Je ne sais si celui-ci ne va
pas trop loin.
Je partage, en principe général,
l’opinion de l’honorable rapporteur. Je pense qu’il est nécessaire de faire des
réductions, que cela importe, même dans l’intérêt des travaux du jury, que cela
concourra à faire atteindre le but que nous nous sommes proposé dans la loi sur
l’organisation du jury. On propose de réduire l’indemnité de 5 à 3 fr. par
heure d’examen. Je ne ferai point d’objection contre cette réduction ;
j’admettrai même les deux réductions proposées mais je demanderai s’il ne
conviendrait pas d’ajouter aux deux rétributions ainsi réduites une rétribution
par élève examiné. (Réclamations.)
Nous accordons 10 fr. d’indemnité par
jour pour les membres étrangers à la ville de Bruxelles, Je crois que ces frais
de déplacement sont suffisants. Nous accordons 3 fr. d’indemnité par heure. En
comptant 6 heures d’examen par jour, cela fait 18 fr. Eh bien, dix-huit francs
pour des magistrats, pour des hommes qui occupent une position sociale élevée,
c’est fort peu de chose pour vaquer pendant 6 heures par jour. Dans beaucoup de
sociétés industrielles on accorde une rétribution plus considérable pour une
heure ou deux de séance.
Si l’on établissait, en outre,
une rétribution modérée par élève examiné, il n’y aurait pas un grand surcroit
de dépense, peut-être même y aurait-il économie. Nous ne devons pas supposer
que des considérations d’argent aient une grande influence sur les membres du
jury. Cependant ce serait méconnaître le cœur humain que nier complètement
cette influence. Lorsqu’on s’occupe de questions de finances, il faut bien
avoir égard à de semblables tendances. Or, la rétribution par élève aurait
celle d’empêcher les sessions de traîner en longueur. Il y a en des
réclamations à cet égard ; le ministre avait même cru nécessaire de scinder le
jury de philosophie, parce que les examens se prolongeaient trop longtemps ; la
rétribution par élèves aurait une tendance contraire, Il en résulterait un
intérêt à abréger les sessions.
Au reste, j’abandonnerai cette
proposition, si elle n’est pas appuyée par M. le ministre de l’intérieur ou M.
le rapporteur.
M. Savart-Martel. -
L’honorable préopinant vient d’appeler votre attention sur la tendance à
obtenir de l’argent, quand on sert le public. Si l’on veut traiter si largement
des personnes, très respectables assurément, mais qui ont déjà pour la plupart
de gros traitements, je ne conçois pas comment le trésor pourra y suffire
tandis que les malheureux juges de paix qui sont traités à peine comme de
simples commis, ne peuvent pas même obtenir qu’on discute leurs droits devant
la chambre, probablement parce qu’il n’y a pas d’argent dans le trésor pour les
payer. Ces malheureux juges de paix n’ont pas 3 francs par jour et l’on ne veut
pas seulement déclarer qu’ils sont suffisamment payés. Mais si la pénurie de
vos ressources vous empêche de vous occuper du sort de ces fonctionnaires, il
ne faut pas augmenter les traitements d’autres fonctionnaires, mais plutôt les
diminuer.
Je pense qu’il aurait été beaucoup
plus raisonnable de payer les membres du jury à raison de chaque examen.
Cependant, comme je n’aurais guère d’espoir de faire réussir une proposition
dans ce sens, je ne la présenterai pas. Mais j’appuierai de toutes mes forces
la proposition du gouvernement.
Je rappellerai qu’au commencement de
la séance j’avais fait une proposition, pour s’occuper, dans la session
actuelle, de quelques lois, notamment en ce qui concerne les reformes
judiciaires ; M. le ministre de la justice étant présent, je le prie de nous
donner demain ou après-demain son opinion.
M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, la section centrale qui a examiné la proposition du
gouvernement, a pensé que 10 francs par jour de voyage et de séjour, et 3
francs par heure d’examen étaient une rétribution suffisante. Il en résultera
que l’examinateur qui n’habite pas Bruxelles, recevra 28 francs par jour à
raison de six heures d’examen.
La section centrale a également
remarqué que les sessions se prolongeaient outre mesure ; mais elle n’a pas cru
devoir recourir aux moyens indiqués par l’honorable M. de
M. de Garcia. - Messieurs, je combattrai aussi toute proposition qui tendrait à
augmenter les chiffres que propose le projet de loi. Il suffit de se rappeler
la comparaison que vient de faire l’honorable M. Savart, pour être convaincu
que vous ne devez pas aller au-delà des propositions du gouvernement.
Considérez, messieurs, la manière dont les juges de paix sont rétribués ;
considérez aussi l’indemnité que reçoivent les magistrats, lorsqu’ils doivent
s’absenter en acquit de leurs devoirs. Ces indemnités sont de deux francs par
jour.
En vérité, messieurs, lorsqu’on voit
une partie des fonctionnaires publics si mal traités, tandis que d’un autre
côté on veut augmenter les indemnités d’autres fonctionnaires, il y a quelque
chose qui révolte. Quant à moi, je m’oppose formellement à ce qu’on augmente
les chiffres proposés par le gouvernement.
Vous avez aussi, messieurs, les
docteurs en médecine appelés comme experts dans les affaires criminelles.
Lorsqu’ils sont requis par un mandat de la justice, ils doivent obéir à ce
mandat et abandonner leurs malades. Cependant leur indemnité est insignifiante.
Je n’en dirai pas davantage. Je crois
que la chambre ne sera pas disposée d’aller au-delà des propositions du
gouvernement.
M. Dumortier. - Messieurs, je partage
la sympathie que viennent de témoigner les honorables préopinants en faveur des
juges de paix. Déjà à plusieurs reprises, j’ai eu l’honneur de demander à
l’assemblée qu’elle voulût améliorer leur sort. Mais il ne s’agit pas
maintenant de cette question ; il s’agit des indemnités à accorder au jury
d’examen.
A cet égard, je dois dire que, tout
en approuvant le principe qui a été posé, je crois qu’on a été un peu trop loin
dans la réduction de l’indemnité pour frais de voyage et de séjour. Je vous demande,
si en réduisant cette indemnité à 10 fr. par jour, vous pouvez espérer que des
médecins étrangers à Bruxelles, consentent encore à venir faire partie du jury
d’examen,
Quant à moi, je ne pense pas qu’un
médecin de Mons, de Gand ou de Liége consente à se déplacer pour 10 fr. par
jour. Or, il faut laisser la possibilité aux médecins étrangers et aux sommités
scientifiques de pouvoir accepter les fonctions de membres du jury.
Je désirerais donc que la chambre ne
fût pas aussi sévère. On pourrait, me paraît-il, laisser l’indemnité de voyage
et de séjour au taux où elle est aujourd’hui portée, ou la fixer seulement à 15
fr. A mon avis ce ne serait pas trop, car il s’agit pour ces médecins de
s’absenter pendant un mois, six semaines, et de s’exposer à perdre leur
clientèle. Si vous n’accordez pas une indemnité suffisante, il est à craindre
que les hommes les plus distingués, étrangers à la capitale, refusent de siéger
dans le jury national, et l’intérêt du pays réclame qu’ils en fassent partie.
- La discussion générale est close.
M. le président - L’article unique du projet est ainsi conçu :
« Art. unique. L’art. 59 de la loi du
21 septembre 1835, sur l’enseignement supérieur, est remplacé par ce qui suit :
« Art. 59. Chaque examinateur,
membre du jury, reçoit dix francs par jour de voyage et de séjour ; il est
ajouté à cette indemnité un jeton de présence de la valeur de trois francs par
heure d’examen.
« Il n’est pas alloué d’indemnité
de séjour à ceux qui résident dans la capitale. »
M. Rogier. -
Messieurs, je suis loin de m’opposer à ce qu’on introduise des économies dans
les dépenses, les idées d’économie trouveront toujours faveur auprès de moi.
Cependant il ne faut pas que, par un trop grand désir d’économie, on porte
atteinte à un service important. J’avoue que je n’ai pas une parfaite sécurité
sur l’effet de la loi, en ce qui concerne la bonté des examens. Je ne sais pas
si en réduisant ainsi les indemnités qui seraient le juste prix du travail des
examinateurs, nous n’amènerions pas dans le jury des hommes qui ne conviennent
pas autant que d’autres qui apprécieraient à un prix plus haut leurs services.
N’est-il pas à craindre que des hommes de mérite n’acceptent pas des fonctions
qui sont ainsi mises au rabais ?
Du reste, je me borne à faire ces
observations. Je suppose que le gouvernement a lui-même pesé toutes les
conséquences de son projet.
Je crois, messieurs, que le vice du
système actuel réside surtout dans la prolongation outre mesure des séances de
chaque jour. Voilà où je vois un inconvénient auquel il faut porter remède, Il
paraît que chaque jour une heure-ou deux sont consacrées à des mesures
préparatoires qui ne tiennent pas même à l’examen.
Quant à l’indemnité en elle-même, il
me reste des doutes ; il ne m’est pas démontré qu’elle soit trop élevée.
M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, pour répondre à l’honorable M. Rogier, je lui dirai
qu’avec l’indemnité fixée au taux actuel, il est arrivé qu’un seul membre du
jury a reçu, pour les deux sessions de l’année, une somme de 1,912 fr. Réduites
comme nous le proposons, ces indemnités se seraient élevées et pourront
s’élever encore à plus de 2,300 fr. Je ne pense pas qu’une rétribution pareille
soit de nature à exercer une fâcheuse influence sur la composition du jury.
Quant au second point dont vient de
parler l’honorable membre, nous partageons son opinion, et c’est par ce motif
que nous l’avons signalé à l’attention du gouvernement.
M. Dumortier. - Je ne suis pas de
ceux qui voudraient laisser aux membres du jury des indemnités aussi fortes que
celles qui ont existé jusqu’aujourd’hui. Et vous savez ce qui s’est passé, ces
indemnités ont été en augmentant chaque année. La première année elles ne
s’étaient élevées qu’à 50 ou 60,000 fr., et maintenant elles vont au-delà de
100,000 fr. C’est un point qui a donné lieu à beaucoup de réclamations et qui a
surtout soulevé des plaintes contre la loi du jury.
Il était donc nécessaire de porter
remède à l’état de choses actuel. Mais je doute que le remède n’aille pas
au-delà du mal, surtout en ce qui concerne l’indemnité de déplacement.
D’un autre côté j’aurais voulu, et j’appelle
l’attention de la chambre sur ce point, que les élèves qui sont ajournés
payassent deux fois les frais d’inscription. Car ces élèves ne viennent se
présenter qu’au moyen d’une faveur, et il me paraît très juste qu’ils paient
cette faveur, car ils coûtent un double travail pour le jury, et ce double
travail engendre une double dépense. Ce sont ces ajournements successifs qui
font que les sessions durent beaucoup plus longtemps que par le passé, et qui
amènent de plus ce fâcheux résultat que le jury doive siéger pendant le cours
dont plusieurs restent ainsi sans professeur.
Vous le voyez donc, il faudrait
borner ces prolongations successives qui ôtent au jury son caractère primitif.
On pourrait, à l’avenir, soit interdire à l’élève ajourné de se représenter
dans la même session, soit exiger que l’élève ajourné qui se représenterait
dans la même session payât une seconde fois les frais d’inscription. Vous
trouveriez ainsi de quoi couvrir l’augmentation d’indemnité qui résulte de ces
prolongations de sessions.
Un des plus grands vices de la loi au
point de vue financier est que les sessions ont été se prolongeant davantage
d’année en année. Comme l’indemnité est forte, il a pu se faire que des membres
du jury trouvassent intérêt à prolonger les sessions et obtinssent ainsi
jusqu’à 5,000 fr. d’indemnité. Mais dans beaucoup de jurys et notamment dans
celui des sciences, les membres n’ont jamais touché plus de 5 à 600 fr.
d’indemnité ; et ce n’est pas là une somme énorme lorsqu’on doit se déplacer
deux fois par an et venir passer un mois dans la capitale.
Le plus grand abus est donc
dans la prolongation des sessions. C’est à cet abus qu’il faut porter un remède
que je ne vois pas dans la loi.
D’un autre côté, au lieu de réduire
les indemnités pour les heures d’examen, j’aurais préféré, comme l’honorable M.
de
Quant à ce qui est des frais de
voyage et de séjour, il me paraît que c’est trop les réduire que de les porter
à 10 francs. Il est certain, comme vient de vous le dire mon honorable collègue
M. Rogier, que des sommités qui se prissent un peu plus haut que les autres, ne
consentiront pas à venir faire partie du jury pour 10 francs par jour, et dès
lors l’économie tournera au préjudice des études en Belgique.
Je demanderai donc que la chambre
veuille fixer l’indemnité de déplacement et de séjour à 15 francs par jour.
Du reste, en diminuant d’une manière
exagérée les indemnités et en ne prenant point de mesures pour empêcher la
prolongation indéfinie des sessions, je crois que nous manquerons le but que
nous voulons atteindre.
M. de Theux. - Messieurs, lorsque la loi de
Vous savez qu’il y a, aux termes de
la loi et des règlements, un tirage au sort entre les élèves, pour déterminer
le jour auquel chacun doit être examiné, mais il arrive que des élèves,
cherchant a éluder le jour qui a été désigné pas le sort, prétextent une
indisposition ou tel autre motif d’absence ; il résulte de là que le jury, au
lieu de faire subir l’examen à trois récipiendaires, n’en examine que deux ou
un seul. Voilà, messieurs, une des principales causes de la prolongation des
sessions. Je voudrais que le gouvernement pût trouver un moyen de remédier à
cet inconvénient, ainsi qu’à celui qui a été signalé en ce qui concerne les
ajournés. Si ces deux inconvénients disparaissaient, je crois que l’on
pourrait, sans la moindre surcharge pour le trésor, porter l’indemnité de
séjour à 15 francs, ce qui ne me paraîtrait pas exorbitant. Je voudrais surtout
que le gouvernement fît en sorte qu’il y eût au moins trois récipiendaires
examinés par jour.
M. de Garcia. -
Je serais charmé que le gouvernement trouvât le moyen de prévenir les
inconvénients qui ont été signalés par l’honorable M. de Theux et par
l’honorable M. Dumortier, mais je ne saurais consentir à adopter le remède
indiqué par l’honorable M. Dumortier, et qui consisterait à faire payer deux
fois son inscription à l’étudiant qui ne pourrait se présenter à l’examen au
jour fixé. L’instruction, messieurs, coûte déjà très cher, et je n’appuierai
aucune mesure qui aurait pour résultat d’augmenter les frais des études ; je
voudrais, au contraire, diminuer ces frais, malgré le désir que j’ai
d’introduire toutes les économies possibles dans les dépenses de l’Etat.
Quant à la proposition de
l’honorable M. Dumortier, qui tend à fixer à 15 fr. les frais de route et de
séjour, je suis forcé de la combattre, malgré l’appui qui lui prête l’honorable
M. de Theux.
Si vous parcourez, messieurs, les
indemnités accordées aux personnes qui doivent se déplacer et qui sont aussi
nécessaires chez elles que les membres du jury d’examen, vous reconnaîtrez que
ces indemnités sont bien inférieures à celle de ces derniers, qui, pour la
plupart, touchent cumulativement le traitement de professeurs.
Ainsi, par exemple, les médecins sont
souvent appelés par la justice criminelle, soit comme jurés, soit comme experts
pour constater des empoisonnements ou des blessures ; ces hommes sont aussi
arrachés à leur clientèle et à leurs occupations ; eh bien, dans ce service
obligé, savez-vous, messieurs, ce que touche un médecin appelé par la justice
devant le jury, non pas devant le jury universitaire, mais devant le jury qui
statue sur la vie des hommes ? Ce médecin touche 1 fr. 50 c. ; cependant son
absence peut se prolonger pendant 15 jours. N’est-il pas ridicule, après cela,
de donner 15 fr. aux membres du jury d’examen ? Ne semblerait-il pas que ces
hommes de science eussent plus soif d’argent que tout autre membre de la
société ? C’est ce que je ne puis admettre ni supposer.
M. Devaux. -
Messieurs, je voterai pour le projet du gouvernement. Il me semble que la
rétribution qu’il propose est suffisante. Il s’agit ici de fonctions qui durent
non pas toute l’année, mais quelques semaines. Voici cependant ce que les
membres du jury d’examen ont touché en 1843. Chaque juré a touché : pour la
philosophie et lettres, 4,800 fr. ; pour les sciences, 2,400 fr. ; pour le
doctorat en droit, 1,500 fr. ; pour la candidature en droit, 2,200 fr. ; pour
le doctorat en médecine, 4,000 fr. ; pour la candidature en médecine, 1,850 fr.
Je concevrais que l’on payât très bien les professeurs, mais les professeurs
des universités dont le traitement figure au budget de l’Etat sont très mal
rétribués. Pourquoi donc donner des indemnités considérables pour des fonctions
qui n’exigent que quelques semaines ? Non seulement les fonctions de membres du
jury d’examen ne sont refusées par personne, mais elles sont extrêmement
recherchées. Je dirai même que le chiffre élevé des indemnités excite de
grandes jalousies parmi les professeurs.
Un autre grand inconvénient que je
voudrais aussi voir disparaître, c’est la prolongation des sessions. Les cours
sont suspendus dans les universités pendant tout le temps que durent les
examens du jury. Cela est très nuisible à l’enseignement. Si les membres du
jury étaient rétribués par examen au lieu de l’être par heure, je crois que
cela vaudrait beaucoup mieux. Dans tous les cas, je trouve que l’indemnité de
10 fr. est suffisante, d’autant plus que les fonctions dont il s’agit, sont
très recherchées parmi les professeurs et que c’est naturellement parmi les
professeurs qu’il faut choisir les examinateurs.
M. de La Coste. -
L’observation que vient de faire l’honorable M. Devaux est tout à fait dans le
sens de celle que j’ai soumise à la chambre. Je crois cependant que ce serait
aller trop loin que le supprimer entièrement la rétribution par heure d’examen,
parce qu’alors il y aurait une tendance défavorable à la bonté des examens, une
tendance à accélérer les examens. Je pense qu’il faudrait combiner les deux
systèmes, donner une certaine rétribution par heure et une certaine rétribution
par élève examiné Cependant, si l’on pouvait pourvoir suffisamment à ce que la
tendance dont je viens de parler n’existât pas, alors je ne verrais pas d’inconvénient
à ce que l’indemnité fût réglée par élève examiné.
M. Rogier. -
Messieurs, c’est précisément parce que les professeurs reçoivent un traitement
inférieur au mérite de beaucoup d’entre eux, que je vois avec une certaine défiance
la proposition de réduire des émoluments qui viennent accroître ce traitement
reconnu insuffisant.
Les fonctions de membres du jury sont
maintenant recherchées ; et ce n’est pas un mal, mais le seront-elles encore,
lorsque la rétribution sera réduite de moitié ?
Cela est douteux.
Je répète, messieurs, que la cause
principale de l’accroissement des dépenses du jury d’examen, réside dans les
heures perdues, dans les heures non consacrées à l’examen des récipiendaires.
Cet abus m’a été signalé par des professeurs qui siègent depuis plusieurs
années dans le jury d’examen.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dirai à la chambre que la question m’a été présentée sous les
différentes faces que viennent d’indiquer les honorables préopinants, et que je
n’ai pas trouvé de proposition plus convenable, ou si l’on veut, offrant moins
d’inconvénients dans l’exécution, que celle que j’ai eu l’honneur de présenter.
Cette proposition est d’ailleurs conforme aux usages consacrés depuis 8 ans,
c’est-à dire depuis la mise à exécution de la loi.
Terme moyen, messieurs, on peut dire
que chaque examinateur aura 28 fr. par jour. Eh bien je dis que c’est là une
indemnité suffisante pour résider dans la capitale.
Les fonctions de membres du jury
d’examen sont recherchées, et elles continueront à l’être. Les professeurs les
recherchent non pas seulement dans leur intérêt, non pas seulement dans
l’intérêt de la science, mais aussi dans l’intérêt de l’établissement qu’ils
représentent. Ce sont là des motifs suffisants pour que ces fonctions
continuent à être recherchées. Quant à l’indemnité, telle que nous proposons de
la fixer, elle sera encore supérieure à celle des membres du jury du concours
universitaire. Or, je n ai pas rencontré de refus pour le concours
universitaire. Je pense donc que l’on ne s’expose pas à des refus en réduisant
l’indemnité des membres du jury d’examen, au chiffre que nous proposons de
fixer.
J’ai dit que, terme moyen,
l’indemnité serait encore de 28 fr. par jour. En effet, messieurs, mettez 6
heures d’examen, c’est la règle générale, à 3 fr. par heure, voilà 18 fr.
ajoutez-y 10 fr. pour les membres étrangers à Bruxelles, vous arrivez à 28 fr.
- L’amendement de M. Dumortier est
mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble de la loi. Elle est adoptée à l’unanimité des 68 membres
qui ont pris part au vote.
Un membre (M. Rogier), s’est abstenu.
M. Rogier motive en ces termes son
abstention - Je n’ai pas voulu voter contre la loi, parce qu’elle consacre une
économie, et que je suis partisan des économies ; mais comme on n’a pas levé
mes doutes sur le préjudice que cette mesure pourrait causer aux examens, je
n’ai pas voulu voter pour la loi. J’ai dû m’abstenir.
M. Pirson. -
Messieurs, à plusieurs reprises les officiers pensionnés ayant servi aux Indes,
se sont adressés a la chambre pour réclamer son intervention, afin d’obtenir la
pension supplémentaire des Indes.
Leur réclamation me paraît fondée et
je viens l’appuyer.
Les pétitionnaires sont d’anciens et
braves officiers qui ont bien servi le pays et qui ont des titres à sa
reconnaissance ; presque tous ont été plus ou moins grièvement blessés et ils
sont en outre accablés d’infirmités ou de maladies incurables. Ces officiers ne
se trouvent pas tous dans la même position. Les uns ont été pensionnés depuis
1830, on leur a accordé la pension ordinaire ; ils réclament l’intégralité de
la pension supplémentaire. Les autres ont été pensionnés avant 1830, ils
touchent les trois cinquièmes de la pension supplémentaire ce qu’ils réclament,
c’est le payement des deux autres cinquièmes. J’exposerai à la chambre ce
qu’est la pension supplémentaire des Indes, comment il se fait que les
officiers pensionnés avant 1830 n’en touchent que les 3/5, et pourquoi je
crois, que tous, pensionnés avant 1830 et pensionnés après 1830, ont droit à
l’intégralité de la pension supplémentaire. Si, comme je le pense, il résulte
de l’énoncé des faits et de la discussion, la preuve que les pétitionnaires
sont fondés dans leurs réclamations, j’espère que M. le ministre des finances
voudra bien présenter un projet de loi tendant à leur faire accorder la pension
supplémentaire qu’ils réclament.
Messieurs, en vertu d’un arrêté royal
du 13 février 1815, n°88, et d’un arrêté du commissaire-général des Indes, du
19 novembre 1816, n°30, il avait été institué des pensions supplémentaires pour
les officiers qui s’engageraient à aller servir aux Indes. Toutes les fois que
dans la mère patrie, on organisait une nouvelle expédition, le gouvernement
avait soin de rappeler ces avantages en même temps que d’autres avantages
encore, afin de trouver des officiers qui voulussent partir pour Java.
D’après le tarif annexé aux arrêtés
que je viens de citer, la pension supplémentaire pour les grades de capitaine
et de sous-lieutenant était égale à la pension ordinaire, et, pour tous les
autres grades, elle excédait un peu le taux de cette pension. La moitié de la
pension supplémentaire était à la charge du trésor public, l’autre moitié était
à la charge d’une caisse spéciale, formée au moyen de retenues extraordinaires
et obligatoires imposées aux officiers et opérées sur leurs traitements. La
pension supplémentaire, à charge du trésor public, était accordée à tout
officier qui avait servi aux Indes, peu importait le nombre d’années ; la
pension supplémentaire à charge de la caisse spéciale était accordée à tout
officier qui avait servi 15 ans aux Indes ; mais pour ceux qui n’y étaient pas
resté ce nombre d’années, elle était réglée à raison du quinzième pour chaque
année.
Pour me faire mieux comprendre,
messieurs, je prendrai pour exemple la position de l’un des signataires de
l’une des pétitions. Il a servi 12 ans aux Indes où il occupait le grade de
capitaine. Il lui revient donc pour pension de retraite, d’abord 800 fl., taux
de la pension ordinaire, plus 400 fl. de pension supplémentaire à charge du
trésor public, plus 12/15 de 400 fl. de pension supplémentaire à charge de la
caisse spéciale. Il ne lui a été accordé que 800 fl., taux de la pension
ordinaire ; ce qu’il réclame, ce sont les deux suppléments de pension de 400
fl. et de 12/15 de 400 fl., pour les 12 années qu’il est resté aux Indes.
En ce qui concerne les officiers
pensionnés avant 1830, voici comment il se fait qu’ils ne touchent que les 3/5
de la pension supplémentaire. Jusqu’en 1828, l’intégralité de la pension
supplémentaire leur était payée, mais cette année de 1828 le gouvernement de
colonies s’étant trouvé dans la pénurie d’argent, et se voyant cependant obligé
de soutenir la guerre à Java, s’empara des fonds de la caisse spéciale, fonds
qu’il remplaça par un papier créé sur l’Etat portant intérêt à 3 p.c., tandis
que les fonds de la caisse étaient placés à 9 p. c. , taux légal de l’intérêt
aux colonies. Cette mesure eut pour effet de causer un préjudice considérable à
la caisse de retraite, et dès 1829, on fut obligé de réduire la pension
supplémentaire aux trois cinquièmes. Les intéressés protestèrent contre cet
acte arbitraire, et en 1832 le gouvernement des Pays-Bas, pour mettre fin aux
réclamations et aux plaintes qu’il recevait sans cesse, prit un arrêté par
lequel il rétablissait l’intégralité des pensions supplémentaires.
Messieurs, un arrêté d’ordre
intérieur, pris en Hollande après 1830, ne peut sans doute être obligatoire
pour le gouvernement belge ; cependant il est positif que si la révolution de
1830 n’avait pas eu le résultat heureux qui a fondé notre indépendance, les
pétitionnaires ne se trouveraient pas aujourd’hui dans le cas de réclamer, et
l’arrêté de 1832, tout de justice, je dirai même de restitution, leur serait applicable,
Il me semble que dans cette circonstance, on doit considérer la Belgique comme
substituée aux obligations de l’ancien royaume des Pays-Bas vis-à-vis de nos
compatriotes, et qu’il est de toute justice et de toute équité qu’il soit
présenté un projet de loi, tendant à faire accorder aux pétitionnaires la
pension supplémentaire qu’ils réclament.
J’ajouterai que les officiers
ayant servi aux Indes et pensionnés depuis 1830, sont seulement au nombre de
trois, et que je ne pense pas qu’il en reste dans l’armée plus de dix auxquels
on serait dans le cas d’allouer dans la suite des pensions supplémentaires ; et
que les officiers ayant servi aux Indes et pensionnes avant 1830 sont au nombre
de huit, pour lesquels le montant des 2/5 qu’ils réclament pourrait s’élever,
jusqu’à leur mort, à une somme d’environ 700 fr. par année.
Je terminerai, messieurs, en vous
faisant remarquer que ce que les pétitionnaires réclament, c’est l’acquittement
d’une dette sacrée et positive. Certainement on ne peut pas considérer comme un
acte de munificence la pension supplémentaire des Indes, car personne n’ignore
combien le climat des Indes était funeste aux Européens, que le plus grand
nombre d’officiers qui se sont rendus dais cette contrée y ont trouvé la mort,
et que presque tous ceux qui en sont revenus, à part les blessures qu’ils y ont
reçues, y ont contracté des maladies ou des infirmités, qui ont augmenté leurs
besoins et leurs dépenses.
Je demande donc que M. le ministre
des finances veuille présenter un projet de loi tendant à faire accorder aux
officiers pensionnés qui ont servi aux Indes, les mêmes avantages dont
jouissent leurs anciens camarades restés en Hollande.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je partage la sympathie qu’a exprimée l’honorable
préopinant envers les officiers qui ont servi aux Indes et qui certes ont couru
de grands dangers. Il m’est rependant impossible de reconnaître à ces officiers
un droit formel à un supplément de pension, en tant que ce supplément puisse
être imputé sur les fonds de l’Etat.
Messieurs, il s’agissait d’un fonds
spécial, créé par des retenues qui étaient prélevées sur les traitements des
officiers ; lorsque ce fonds n’a plus été suffisant, le gouvernement des
Pays-Bas lui-même a réduit les pensions. D’ailleurs, c’est à ce titre de fonds
particulier que nous sommes rentrés en possession d’une partie des fonds ; si
ce n’eût pas été un fonds spécial, le gouvernement des Pays-Bas n’aurait pas
réintégré la somme de 120,000 fr. que nous avons recouvrée en capital et en
intérêts, lors de la liquidation ; c’est précisément parce qu’il ne s’agissait
pas d’un fonds de l’Etat que nous avons pu toucher cette somme.
Maintenant, si le gouvernement n’a
pas fait de proposition en faveur de ces officiers, c’est qu’il existe d’autres
personnes dignes d’intérêt qui ont obtenu des pensions sur des fonds
particuliers, et que ces fonds sont également insuffisants pour pourvoir au
service des pensions. Je citerai entre autres, les veuves des fonctionnaires des
départements ministériels il en est qui sont dans une position peu heureuse, et
le fonds est insuffisant pour subvenir au payement de toutes les pensions.
Je reconnais qu’il y a des
considérations d’équité qui doivent porter le gouvernement à faire quelques
propositions en faveur de ces officiers, mais je ne reconnais pas leurs droits
à une pension supplémentaire à la charge de l’Etat ; remarquez bien que déjà
ces officiers sont pensionnés de l’Etat ; que les années qu’ils ont passées
dans les Indes, leur ont toutes été comptées triples. Quoi qu’il en soit, je
crois que la réclamation des officiers mérite d’être ultérieurement examinée ;
c’est ce que je ferai, et le gouvernement jugera s’il y a lien d’avoir égard eu
tout on en partie aux observations de l’honorable préopinant.
M. de Garcia. -
M. le ministre des finances a dit qu’il ne pouvait reconnaître un droit formel
aux officiers qui ont servi aux Indes, pour obtenir de
Je reconnais que les pétitionnaires
n’ont pas un droit formel, un texte de loi pour réclamer leur supplément de
pension, puisque nous provoquons une loi à cet égard ; mais leur prétention n’en
reste pas moins fondée sur des principes les plus rigoureux de justice.
D’abord, quelles étaient les
promesses faites aux officiers partant pour les Indes ? On assurait à ces
militaires après 40 années de service dont partie passée aux Indes une pension
double de celle accordée aux officiers de l’armée du continent. Cette promesse
est la base d’un droit acquis et incontestable.
A la vérité, le gouvernement des
Pays-Bas qui traitait les colonies sous le régime du bon plaisir comme le font
du reste tous les pays qui ont des colonies, n’a pas toujours respecté les
droits des officiers de l’armée des Indes. Parfois il a disposé de la caisse de
retenue, d’autres fois il a pris des arrêtes pour n’accorder que partie des
pensions promises, mais toujours par mesures arbitraires.
Ces mesures s’exerçaient d’autant
plus facilement qu’elles tombaient surtout sur des militaires belges qui
composaient pour plus des deux tiers l’armée de terre aux Indes. Personne
n’ignore que les restes glorieux de l’ancienne armée de l’empire furent rebutés
après 1815. Il ne leur resta d’autre ressource que d’aller chercher du pain
sous le climat cruel et délétère des Indes. A cette époque, nous avons vu
s’expatrier nos officiers les plus distingués et nos sommités militaires.
A cette occasion, qu’il me
soit permis de citer le nom d’un compatriote, du brave Lafontaine , colonel à
30 ans dans l’armée française et qui comptait des pages brillantes dans
l’histoire des guerres de l’empire ; ce brave, messieurs, a dû partir avec
femme et enfants pour les Indes. Des enfants orphelins seuls en sont revenus,
la mort y a frappé le père et la mère. En présence de tels faits, la justice ne
commande-t-elle pas d’une manière impérieuse de présenter un projet de loi pour
récompenser des services aussi méritants ? Les droits de ces officiers étaient
acquis : s’ils ne viennent pas un texte de loi à la main, c’est que la
révolution a déchiré leurs titres. S’ils étaient restés parmi les ennemis de
leur pays, ils seraient pensionnés.
Leur refuserez-vous la pension
supplémentaires qu’ils auraient eu s’ils étaient restés en Hollande, en pays
ennemi ? une conduite semblable serait aussi inique qu’antinationale. Je ne
consentirai jamais à laisser consacrer une injustice semblable, et si le
gouvernement ne présente pas un projet de loi à cette fin, je n’hésiterai à le
déclarer, comme je l’ai déjà dit, j’userai de mon droit d’initiative, et
présenterai un projet de loi pour accomplir l’acte de justice que je viens de
signaler.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne comprends pas les distinctions que vient de faire l’honorable
préopinant. J’ai dit qu’il y avait des considérations d’équité qui militaient
en faveur de la réclamation des pétitionnaires. Mais l’honorable préopinant a
fait une distinction entre la justice et l’équité, et il a prétendu qu’il y avait
justice à admettre la réclamation, cependant il a reconnu que les
pétitionnaires n’avaient pas de droits formels. Or, la justice qui ne s’appuie
pas sur des droits formels, c’est de l’équité.
Je désire qu’on s’en tienne à
la déclaration que j’ai faite que la question serait examinée avec
bienveillance par le gouvernement.
M. Savart-Martel. - D’après ce que vient de
dire M. le ministre des finances, il y a lieu de penser qu’un projet de loi
sera présenté ; dès lors je n’ajouterai rien à ce qui a été dit.
M. Pirson. -
Messieurs, je crois pouvoir vous assurer que M. le ministre des finances était
dans l’erreur lorsqu’il vous a dit que toute la pension supplémentaire des
Indes était à charge de la caisse spéciale. La moitié seulement de cette
pension était à charge dune caisse spéciale, l’autre moitié était à charge du
trésor public. J’ai par-devers moi le tarif d’après lequel se payaient en 1816
et se payent encore aujourd’hui ces pensions. Pour chaque grade il y a deux
colonnes. Dans la première se trouve inscrite la pension à charge du trésor, et
dans la deuxième, celle à charge de la caisse spéciale.
Si je prends, par exemple, le grade
de capitaine, la pension à charge du trésor public, affectée à ce grade, était
pour les officiers ayant servi dans l’armée de la mère-patrie, de 800 florins.
Dans ce tarif, elle est portée à 1,200 florins. Il y a donc une augmentation de
400 fl. à charge du trésor public, comme je l’ai indiquée tout à l’heure. Ensuite,
dans la deuxième colonne se trouve indiquée la majoration de pension à charge
de la caisse spéciale. Pour la première année, elle était de 26 florins 67
cents ; pour la secondé, de 53 florins 33 cents et ainsi de suite, et pour la
quinzième, de 400 florins ; de telle sorte qu’un officier ayant servi quinze
ans aux Indes touchait une pension de 1,600 florins, c’est-à--dire le double de
la pension accordée aux officiers de la mère-patrie, dont 1,200 florins sur le
trésor public et 400 florins sur la caisse spéciale.
En ce qui concerne la pension
à charge du trésor, il me semble que par suite du traité conclu avec
Dès lors il me paraît qu’il ne serait
pas juste de les priver des avantages sur lesquels ils avaient droit de
compter.
Je le répète, trois officiers seulement
ayant servi aux Indes ont été pensionnes depuis 1830. Je ne pense pas qu’il en
reste plus de dix dans l’armée qui puissent avoir des droits à faire valoir de
ce chef, et il n’y en a que huit dans cette position qui l’aient été avant
1830. De telle sorte que la dépense qui eu résultera pour le trésor ne sera
jamais bien considérable, et que cette dépense, par suite des effets de la
mortalité, ira toujours en décroissant.
Je persiste à inviter M. le ministre
à nous présenter un projet de loi tendant à faire accorder aux officiers
pensionnés qui ont servi aux Indes la pension supplémentaire des Indes.
M.
le ministre des finances (M. Mercier) -
L’honorable préopinant vient de vous donner lecture d un tableau de pensions ;
j’ai entre les mains le texte des arrêtes antérieurs à 1830, et je n’y vois pas
que l’Etat intervienne pour la moitié dans les suppléments de ces pensions. Au
reste, puisque la question ne doit pas être vidée aujourd’hui, il est inutile
de discuter ce point, je m’en tiens à la déclaration que j’ai faite.
- La discussion est close.
La séance est levée à 3 heures 3/4.