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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 7 juin 1844

(Moniteur belge n°160, du juin 1844)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et quart.

M. Scheyven lit le procès-verbal, de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Les fabricants et débitants de tabac domiciliés à Walou, Haringhe, Beveren et Leysele , présentent des observations contre le projet de loi sur les tabacs proposé par la section centrale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« La chambre de commerce et des fabriques d’Anvers présente des observations contre l’adoption du projet de loi sur les droits différentiels. »

M. Osy. - Messieurs, comme cette pétition de la chambre de commerce d’Anvers se rapporte à l’objet en discussion, je demande qu’elle soit insérée dans le Moniteur de demain.

M. Jadot. - Ne vaudrait-il pas mieux en entendre la lecture ?

M. Manilius. - Cette pétition pourrait être demain sans objet. J’en demande la lecture.

M. Osy. - Messieurs, la pétition de la chambre de commerce d’Anvers conclut à demander, en présence des dispositions introduites dans le projet, le rejet de la loi sur les droits différentiels. Comme le vote définitif n’aura pas lieu aujourd’hui, je crois que l’insertion de la pétition au Moniteur de demain suffirait.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la chambre de commerce d’Anvers se déclare maintenant contre le projet de loi pour deux motifs : le premier, parce que vous avez adopté l’exception des 7 millions de café hollandais, et le second, parce que vous n’avez pas maintenu dans toute sa latitude, le système de relâche volontaire à Cowes.

Je suis loin de repousser la lecture de la pétition ; au contraire, je la demande.

M. Osy. - Je demande, outre la lecture, l’insertion au Moniteur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Elle aura lieu de fait par le compte rendu de la séance.

M. Huveners donne lecture de la pétition qui est ainsi conçue : (Note du webmaster : le Moniteur reprend ensuite le texte de cette pétition, non reprise dans la présente version numérisée).

M. le président. - Cette pétition restera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les droits différentiels.

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Discussion des articles

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, hier la chambre avait décidé que tous les votes par appels nominal seraient insérés au Moniteur. Cependant je ne vois pas dans ce journal l’appel nominal sur l’amendement de l’honorable M. Malou. Je demande donc qu’en vertu de la décision de la chambre, le bureau soit charge de faire faire cette insertion.

Quant à l’appel nominal sur l’exception pour les cafés hollandais, la chambre avait également décidé, sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur, qu’il ne serait pas inséré au Moniteur. C’est moi, messieurs, qui me trouve surtout blessé par cette décision. Mais, tout en respectant la décision de la chambre, je déclare que mon discours d’avant-hier sera publié dès demain dans les journaux.

M. le président. - Il était inutile de faire cette confidence à la chambre. Chacun reste juge de la convenance d’insérer dans les journaux un discours qu’il a prononcé en comité secret. L’assemblée n’a malheureusement aucun moyen de s’y opposer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne sais si la chambre a décidé que tous les appels nominaux seraient insérés au Moniteur. Mais si l’honorable M. Osy attache quelque importance à ce que l’appel nominal relatif aux pouvoirs extraordinaires que réclamait le gouvernement soit public, j’y consens très volontiers. Je n’attache pas plus d’importance à ce vote que n’en a attache la chambre elle-même.

Messieurs, j’ai l’habitude de m’en rapporter aux décisions de la chambre, de leur donner le caractère que la chambre leur ordonne, et ce n’est pas moi qui viendrais, par exemple, annoncer à la chambre, je ne dirai pas avec quel caractère que tel ou tel discours sera public, lorsqu’il a été prononcé en comité secret.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande que si l’honorable M. Osy fait publier son discours, il ait soin de noter que certain passage a excité des murmures dans cette enceinte.

M. Osy. - M. le ministre n’a qu’à m’indiquer les passages où il prétend qu’il y a eu des murmures, je les indiquerai volontiers.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je trouve que le discours ne devrait pas être inséré.

M. Rogier. - Je ne sais à quels murmures on fait allusion, quels sont les passages du discours de l’honorable M. Osy qui ont excite ces murmures. J’ignore Si M. le ministre des finances voudra bien les indiquer. Mais si l’honorable M. Osy indique les phrases de son discours qui auraient excité des murmures, j’espère qu’il voudra bien aussi, à l’exemple de certains orateurs, indiquer les signes d’approbation que d’autres phrases ont excités. Je l’engage à être impartial envers lui-même.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande l’ordre du jour sur cette motion d’ordre, qui n’en est pas une. Si l’honorable M. Osy juge à propos de ne pas tenir compte de la décision de la chambre qui a voulu le huis-clos, il n’a qu’à enfreindre cette décision, mais sous sa responsabilité.

Je demande donc l’ordre du jour. (Appuyé ! appuyé !)

- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Quant à la première partie de la motion de l’honorable M. Osy, je ferai remarquer que la chambre n’a pas décidé que tous les appels nominaux seraient insérés au Moniteur. Si donc elle veut que celui sur l’amendement de M. Malou soit publié, il faut qu’elle le décide.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’y consens pour ma part.

Je suppose que l’honorable M. Osy veut constater que j’ai essuyé un échec. Eh bien, ce n’est pas le plus remarquable échec que la séance d’hier nous ait offert. (Hilarité.)

- La chambre décide que l’appel nominal sur l’amendement de M. Malou sera inséré au Moniteur.

Projet de loi modifiant le taux de l'indemnité des examinateurs du jury d'examen universitaire

Rapport de la section centrale

M. Maertens. - J’ai l’honneur de présenter le rapport de la section centrale du budget de l’intérieur, chargée d’examiner, comme commission spéciale, le projet de loi modifiant l’art. 59 de la loi du 27 septembre 1835, en ce qui concerne les frais des jurys d’examen.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.

Projet de loi qui proroge l'article premier de la loi du 12 avril 1835, sur les péages du chemin de fer

rapport de la section centrale

M. Mast de Vries. - J’ai l’honneur de déposer le rapport de la section centrale du budget des travaux publies sur le projet, tendant à proroger l’art. 1er de la loi sur les péages du chemin de fer.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Second vote du tableau du tarif

Bois

M. le président. - L’ordre du jour appelle le vote définitif du projet de loi sur les droits différentiels.

Il a été convenu que les articles présentés par le gouvernement et qui modifient les propositions de la commission d’enquête, seraient considérés comme amendements et qu’ils seraient par conséquent soumis à un vote définitif.

Voici une proposition faite par M. Rogier :

« Je propose de distraire du projet de loi l’art. Bois et de le voter immédiatement comme loi spéciale. »

Comme l’art. Bois est le premier qui doit être soumis à la discussion, la parole est à M. Rogier pour développer sa proposition.

M. Rogier. - Messieurs, le but de ma proposition est de détacher du projet de lui sur les droits différentiels un article qui ne se lie en aucune manière aux droits différentiels, l’article Bois. Je propose d’en faire une loi spéciale, et pour qu’il n’y ait pas de surprise pour les partisans de l’augmentation des droits sur les bois, je demande que cet article soit voté immédiatement.

J’ajouterai que, quoique j’aie combattu l’augmentation de droits que je croyais exagérée, j’adopterai l’article 1er qu’il a été voté au premier vote. Je crois pouvoir répondre que plusieurs de mes honorables collègues qui ont parle contre l’augmentation des droits voteront dans le même sens que moi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la parole

M. Rogier. - Voici, messieurs, les raisons de ma proposition. Je veux détacher de la loi sur les droits différentiels les intérêts étrangers à cette loi. Je veux donner à tout le monde la liberté de voter pour ou contre la loi sur les droits différentiels, sans être déterminé par tel ou tel intérêt étranger à cette loi. Ainsi je connais plusieurs de mes honorables collègues qui ne veulent de la loi sur les droits différentiels que parce qu’elle renferme un article augmentant les droits sur les bois. Je crois que la loi sur les droits différentiels doit être adoptée ou rejetée par elle-même et non par les raisons tout à fait étrangères à son objet.

Au point de vue de la convenance, cet article spécial, relatif aux bois, je l’ai déjà dit, ne se rattache en aucune manière aux droits différentiels, En effet, la différence entre les droits pour le pavillon national et les droits pour le pavillon étranger n’est pas telle que vous puissiez espérer voir augmenter d’un seul le nombre des navires belges qui font le commerce des bois. Ce nombre est nul, il restera nul. Le commerce des bois continuera à se faite par les pavillons du Nord.

Ceci est tellement vrai que la commission d’enquête, tout entraînée qu’elle était vers des droits différentiels exagérés, n’a rien proposé pour l’article Bois. Elle a tenu avec raison cet article en dehors de la loi. La chambre de commerce d’Anvers, qui a aussi quelque compétence dans cette matière, n’avait pas non plus fait de proposition quant aux bois. C’est un amendement de M. le ministre de l'intérieur qui a apporté cette première déviation au système de la commission d’enquête et à celui de la chambre de commerce d’Anvers.

Je propose de voter immédiatement l’article Bois, comme loi séparée, parce que par là, je compte rendre à chacun de nous son indépendance dans le vote si important que nous avons à émettre.

Je considère le droit sur le bois comme trop élevé, mais il en résultera une augmentation de ressources pour le trésor, et puisque le trésor a besoin de ressources, je voterai l’article relatif au bois, je le voterai, parce que j’espère que l’article important de commerce dont nous aurons à nous occuper après le vote de la loi sur les droits différentiels, que cet article sera frappé de droits d’autant moins élevés que nous aurons procuré plus de ressources au trésor sur d’autres objets. Par ce motif, outre l’article Bois, j’adopterai encore l’article introduit dans le projet par l’honorable M. Osy et qui frappe différents articles d’industrie d’une surtaxe de 10 p. c. De ce chef encore il y aura une augmentation de ressources pour le trésor ; j’espère que ces augmentations tourneront au profit de l’industrie et du commerce des tabacs qui se trouvent si gravement menacés. Au moyen de cette deuxième réserve, je rendrai encore la liberté et l’indépendance à certains membres de la chambre qui n’auraient voté la loi sur les droits différentiels que parce qu’ils y trouvaient un article favorable à quelques industries. De cette manière la loi serait entièrement déblayée de ce qui y est étranger ; la loi serait débarrassée de ces articles que quelques-uns ont considérés comme des articles d’expédients, destinés à réunir autour de la loi un certain nombre de voix qui s’en seraient détachées tant ici que dans une autre enceinte.

La loi, messieurs, telle qu’elle est maintenant rédigée, ne paraît répondre à aucun intérêt important. Les industries, qui d’abord la réclamaient, ont commencé par protester contre cette loi ; les commerçants, les armateurs, qui ont été les derniers à réclamer les droits différentiels, qui ont hésité, pendant des années, à se joindre à certaines opinions qui s’appuyaient sur les intérêts de l’industrie, les commerçants, les armateurs, suivent le désillusionnement de l’industrie et protestent à leur tour contre la loi même qui a pour but apparent de les favoriser.

Eh bien, messieurs, en présence d’un pareil revirement, il faut que tous les membres de la chambre soient entièrement libres dans la discussion et dans le vote. S’il n’en était pas ainsi, la discussion, qui a déjà duré si longtemps, serait exposée à se renouveler, et cette nouvelle discussion pourrait durer aussi longtemps qu’a duré la première. Si la loi spéciale sur les bois (et ici je m’adresse aux partisans de l’augmentation du droit), si cette loi spéciale reste enchaînée à la loi générale sur les droits différentiels, elle en courra toutes les chances ; elle peut être rejetée, tandis que si nous votons immédiatement sur cette loi, devenue loi séparée elle sera adoptée. Sous le point de vue des intérêts du trésor, la disjonction est également désirable, car, en supposant que la loi sur les droits différentiels soit adoptée dans cette enceinte, nous ne savons pas quel sort lui est réservé au sénat ; et, dans tous les cas, il peut fort bien se passer six mois avant que le projet soit converti en loi.

Eh bien, dans cet intervalle, que feront les négociants en bois ? Ils feront venir de grands approvisionnements, et lorsque la loi sera promulguée, ils livreront ces bois à la consommation, et profiteront ainsi de l’augmentation des droits, augmentation qu’ils n’auront pas payée. Il en résultera que, pendant 2 ou 3 ans peut-être le trésor ne profitera pas de l’augmentation des droits ; il n’en retirera les effets que lorsque l’on aura épuisé les approvisionnements extraordinaires qui auront été faits avant la promulgation de la loi.

Ainsi, messieurs, au point de vue de l’intérêt du trésor il importe que la disposition relative au bois soit votée le plus tôt possible. Si nous la votons aujourd’hui comme projet séparé, elle pourra être transmise au sénat et avant quinze jours devenir loi de l’Etat. De cette manière elle pourra rapporter immédiatement au trésor. Si au contraire elle doit courir les chances fort incertaines de la loi sur les droits différentiels, ou bien elle ne sera pas votée, ou bien elle ne le sera que dans un délai tel que le trésor n’en retirera que des résultats très insignifiants pendant les premières années.

Je n’en dirai pas davantage, messieurs, je crois que toutes les parties de la chambre devraient être d’accord pour adopter ma proposition. Cette proposition présente tous les avantages et n’offre aucune espèce d’inconvénients.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la question préalable sur la proposition de l’honorable membre. Je prie la majorité de la chambre, qui a adopté les différentes parties du système qui nous est soumis, je prie cette majorité de ne pas douter de son œuvre, de rester conséquente avec elle-même.

L’honorable membre a prononcé un mot que je dois relever, il a dit que l’insertion dans la loi de l’article Bois tenait à une politique d’expédients…

M. Rogier. - Je n’ai pas dit cela. J’ai dit qu’on le considérait comme un article d’expédient.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - A mon tour, je pourrais dire que la motion d’ordre est peut-être un expédient, surtout s’il m’était permis d’apprécier le revirement qui s’opère ou qui s’annonce chez l’honorable membre. Il s’est déclaré contre l’article Bois et pour le système des droits différentiels.

Maintenant il annonce, je ne sais pourquoi, qu’il accepte l’augmentation des droits sur les bois, qui lui répugnait, et il semble ne plus tenir au système des droits différentiels ; au moins il fait ses réserves à cet égard.

Je propose, messieurs, la question préalable, parce que vous vous êtes refusés à la disjonction et que vous avez reconnu par là que l’article Bois rentre dans le système des droits différentiels ; en effet, pour décider si l’article Bois rentre dans le système des droits différentiels, vous n’avez qu’à jeter les yeux sur le libellé de l’article.

Tout le monde, dit-on, est aujourd’hui contraire au système des droits différentiels. Et d’où inférez-vous cela ? Est-ce peut-être parce que sur l’une des questions principales, une décision a été prise hier a une si grande majorité, je dirai même, s’il m’est permis d’être indiscret, à l’unanimité moins une voix ? La réclamation, messieurs, dont on vous donne lecture tout à l’heure sur ma demande, cette réclamation vous a-t-elle appris quelque chose de nouveau ? Non, nous savions parfaitement bien que la loi non amendée, c’est-à-dire sans l’exception relative aux sept millions de café hollandais, que cette loi valait mieux pour le commerce d’Anvers que la loi amendée.

C’est ce que nous savions parfaitement ; mais la chambre a prononcé. Nous savions parfaitement aussi qu’à Anvers beaucoup de négociants, qui ne font que des opérations de commission, voudraient le maintien du système indéfini de relâche volontaire à Cowes ; mais nous avons examiné cette opinion ; nous avons cru devoir apporter une restriction à cette faculté ; nous discuterons de nouveau la question, et si l’on peut apporter quelque atténuation à ce qui a été voté, on me trouvera disposé à le faire, je me propose même, sans rien changer au principe, de proposer à la chambre un paragraphe explicatif.

Ainsi, messieurs, la réclamation n’est pas nouvelle et ne justifie nullement le revirement que nous annonce l’honorable membre.

Je prie donc la chambre de rester conséquente avec elle-même, car si elle adoptait la motion, ce serait là de sa part un singulier, un déplorable revirement. De deux choses l’une : ou il ne fallait pas discuter l’article Bois, ou il faut le maintenir aujourd’hui dans la loi. Vous avez cru pouvoir discuter l’article Bois parce que vous l’avez considéré comme rentrant dans le système des droits différentiels ; vous avez bien fait, et à moins d’être inconséquents, vous devez persister dans votre première décision.

M. Osy. - Messieurs, je suis aussi de ceux qui ont voté contre l’augmentation des droits sur le bois ; M. le ministre de l’intérieur pourrait donc me reprocher aussi le revirement qu’il reproche à l’honorable M. Rogier. Mais je crois que ce reproche peut être adresse encore, à plus forte raison, à M. le ministre lui-même ; car, dans la première discussion, M. le ministre a combattu l’amendement relatif aux cafés hollandais, en disant aux députés de Liége qu’ils devaient consentir à quelques sacrifices dans l’intérêt général et en leur faisant remarquer que le littoral s’imposait aussi des sacrifices dans l’intérêt du reste du pays. Plus tard M. le ministre de l’intérieur, qui avait combattu cet amendement...

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais ! je n’ai jamais combattu cet amendement, C’est moi qui l’ai proposé.

M. Osy. - Vous en avez combattu le principe, car c’est contre le principe de cet amendement que vous avez fait valoir les arguments que je viens de rappeler. C’est en parlant dans le même sens que vous avez dit que vous ne craigniez pas les représailles.

Il y a donc chez M. le ministre revirement sur un des points principaux de la loi. Quel est, au contraire, le revirement qu’on nous reproche ? Nous faisons une concession aux propriétaires de forêts, et en même temps nous procurons une augmentation de ressources au trésor, car lorsque l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt sera converti en loi, le trésor recevra sur le bois 400,000 fr. de plus qu’il ne perçoit aujourd’hui.

Dans peu de jours nous discuterons une loi financière importante et je désire, dans l’intérêt du commerce et de l’industrie du tabac, que nous puissions alors dire à M. le ministre des finances : « Vous avez déjà gagne 1,500,000 fr. par la conversion de la rente ; le bois vous rapportera 400,000 fr. de plus qu’il ne rapportait auparavant ; vous retirerez encore 120,000 fr. de l’augmentation de 10 p.c. dont nous avons frappé certains produits venant d’Angleterre sous pavillon étranger ; voilà une augmentation de revenus de 2 millions. »

Voilà, messieurs, ce que je désire pouvoir dire à M. le ministre des finances, lorsque nous discuterons le projet de loi sur les tabacs, je crois dès lors ne pas être inconséquent en déclarant que je voterai l’art. Bois, comme projet de loi spécial et en appuyant, à cet égard, la proposition faite par l’honorable M. Rogier. J’espère que la chambre ne se refusera pas à adopter cette proposition.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je crois devoir répondre à une des observations faites par l’honorable préopinant. Je ferai remarquer que pour ce qui concerne la discussion de la loi sur les tabacs, il importe peu que l’art. Bois fasse partie de la loi sur les droits différentiels ou qu’on en fasse l’objet d’une loi spéciale. Ce n’est donc pas là un motif pour distraire cet article de la loi ; ce ne sera pas parce que la disposition serait convertie en loi spéciale qu’elle donnerait de plus grands revenus au trésor. J’ai d’ailleurs confiance dans l’adoption de la loi que nous discutons.

M. Rogier. - M. le ministre de l’intérieur, au lieu de réfuter mes observations, est venu placer la question sur le terrain des personnalités. M. le ministre de l’intérieur n’a pas craint de parler de mes revirements. Je n’ai pas la prétention de lutter avec M. le ministre de l’intérieur en fait de revirements. St j’entreprenais l’énumération des revirements opérés par M. le ministre de l’intérieur dans ce seul projet, j’y trouverais la justification du changement d’opinion qui aurait pu avoir lieu en moi, mais mon opinion est toujours restée la même, mon opinion est conforme à celle que j’ai énoncée lors du premier jour de la discussion. Si des opinions se sont transformées dans cette discussion, ce sont bien celles de M. le ministre de l’intérieur ; d’où viennent tous les embarras dans lesquels nous nous trouvons, si ce n’est de l’attitude du gouvernement ? Je refuse à M. le ministre de l’intérieur le droit de parler de revirement d’opinion ; il ne devrait jamais prononcer ce mot-là.

M. le ministre des finances vient aussi de combattre ma proposition, et j’en suis vraiment étonné.

Comment ! je démontre que ma proposition a pour but d’assurer dès maintenant au trésor des ressources qui autrement peuvent lui échapper, et M. le ministre des finances qui doit être avant tout le conservateur des intérêts du trésor, repousse ma proposition ! Qu’a-t-on dit, en réponse à cette observation pratique : Vous avez besoin de ressources pour le trésor ; je vous les offre maintenant ; ne liez pas ces ressources à une loi dont le sort est fort incertain.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le sort de cette loi n’est nullement incertain.

M. Rogier. - Qu’en savez-vous ? Savez-vous si vous-même vous la poursuivrez jusqu’au bout ? C’est un doute que j’ai émis dès le commencement de la discussion ; déjà nous avons été témoins de plusieurs revirements d’opinions de part de M. le ministre de l’intérieur dans ce débat : je ne sais si nous ne devons pas nous attendre à un nouveau revirement, et rien ne démontre que la loi recevra son exécution.

On dit que ma proposition est un expédient. Oui, elle est un expédient ; elle a pour but de déjouer ce que j’ai démontré être un expédient. On a voulu attirer dans le système des droits différentiels les partisans d’une augmentation du droit sur les bois ; cela m’est prouvé maintenant ; l’on veut forcer la main à plusieurs membres. Eh bien, je veux dégager ces collègues ; je désire qu’elles soient libres dans leur vote. Si ce n’était pas un expédient, M. le ministre de l’intérieur ne s’opposerait à la disjonction, car l’article Bois ne touche nullement au système des droits différentiels. Aucun navire sous pavillon belge ne nous amènera du bois du Nord, que vous ayez des droits différentiels ou non. J’ai donc le droit de dire que c’est un expédient et un expédient indigne du gouvernement, indigne de la chambre.

En bien, j’ai voulu opposer un expédient loyal, avoué, à l’expédient détourné dont a fait usage M. le ministre de l’intérieur, pour attirer à la loi quelques voix de plus.

J’ai vote contre l’augmentation du droit sur les bois, et aujourd’hui, dit-on, je viens proposer l’adoption de cette augmentation. Oui, j’ai voté contre une augmentation exagérée du droit sur les bois ; je l’adopte aujourd’hui, parce que c’est un vote définitif sur lequel il n’y a plus à revenir. J’accepte ce vote qui a été émis à une immense majorité.

Je ferai un appel, non plus au gouvernement, puisqu’il repousse la proposition, mais aux partisans d’une augmentation du droit sur les bois ; je leur dirai : Ne vous convient-il pas d’être assurés dès aujourd’hui de l’augmentation de droit sur les bois, de voir le projet de loi renvoyé dans une quinzaine de jours au sénat, où il ne doit pas, sans doute, rencontrer beaucoup de résistance ? Ou bien voulez-vous soumettre la proposition à toutes les chances d’une loi qui, si on la suppose votée par la chambre, donnera encore fort probablement lieu à une longue discussion dans le sénat ? Il est possible que le sénat introduise des amendements dans la loi ; elle devra dès lors vous être renvoyée. Que devient, dans ce cas, l’augmentation du droit sur les bois ?

Il importe, et je dis ceci à tous les membres de la chambre, il importe que nous assurions des ressources nouvelles au trésor, au moment de voter la loi sur les tabacs. La chambre presque tout entière s’oppose à une augmentation considérable du droit sur les tabacs. Eh bien, si nous créons dès maintenant une ressource pour le trésor, au moyeu d’une augmentation du droit sur les bois, nous devrons d’autant moins atteindre les tabacs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la dernière recommandation de l’honorable préopinant était parfaitement inutile.

Je ne me défends que lorsque je suis attaqué ; l’honorable membre s’était servi, dans son premier discours, d’un mot que j’ai dû repousser : j’avais le droit de le repousser.

M. Rogier. - De le maintenir.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Eh bien, messieurs, je maintiens ce que j’ai dit. Vous aviez caractérisé mon attitude, j’ai caractérisé la vôtre ; c’était vous qui aviez commencé.

Messieurs, l’honorable membre vous, dit que si vous mainteniez l’article Bois dans la loi des droits différentiels, vous prendriez une résolution peu digne de vous. Mais, messieurs, ce reproche ne s’adresse pas à une résolution à prendre, mais il s’adresse à une résolution que vous avez prise.

Pourquoi vous êtes-vous saisis de l’article Bois ? Parce que cet article, vous l’avez formellement déclaré à plusieurs reprises, faisait partie de la loi des droits différentiels ; et aujourd’hui, vous viendriez vous déjuger, vous viendriez dire : « Le résultat que nous avions en vue, nous l’avons atteint ; nous avons un nouveau tarif protecteur pour les bois ; pour arriver à ce résultat, nous avons d’abord fait semblant de croire que cet article faisait réellement partie du système des droits différentiels ; mais, le résultat une fois obtenu, nous avons abandonné, renié le moyen que nous avions employé pour arriver à ce résultat ; nous l’avons fait, principalement sur la déclaration de membres qui, après avoir voté contre l’augmentation des droits sur les bois, sont venus tout à coup nous offrir leur vote favorable. »

Mais, je dis, puisqu’on s’est servi de ce mot, je dis que ce serait là une conduite indigne de vous ; elle serait indigne de vous, parce qu’elle serait une inconséquence ; il serait démontré que la décision que vous avez prise, en repoussant une première fois la disjonction, à ma demande, n’était qu’un expédient. Mais non, messieurs, vous avez été sincères dans votre résolution, vous avez cru réellement que l’article Bois fait partie de la loi des droits différentiels. Eh bien, aujourd’hui, messieurs, je fais un appel à votre dignité ; votre dignité, c’est la conséquence dans vos résolutions ; votre dignité, c’est la logique dans votre marche. Je n’en connais pas d’autre.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, un honorable députe d’Anvers a reproché à un membre du cabinet de ne point être en désaccord avec ses collègues dans la discussion d’une loi.

Messieurs, c’est là, il faut l’avouer, un singulier principe gouvernemental. (Interruption.) Dans toutes les mesures qui ont été prises par le gouvernement, je suis parfaitement d’accord avec l’honorable ministre de l’intérieur ; il m’arrive quelquefois d’être en désaccord avec l’honorable membre auquel je réponds, avant la constitution et après la dissolution du ministère dont j’ai fait partie avec lui, mais jamais je ne me suis séparé de lui dans les propositions que nous avons présentées aux chambres.

Lorsqu’il s’est agi du premier vote sur l’article Bois, et à cette occasion, puisqu’on a parlé d’expédients, je rappellerai que le gouvernement n’a pas pris l’initiative de la proposition d’augmenter les droits différentiels ; le droit qu’il proposait dans son premier projet était excessivement faible ; eh bien, lorsqu’il s’est agi du premier vote sur l’article Bois, il pouvait m’être pénible, en ma qualité de ministre des finances, de voter contre la proposition émanée de l’initiative d’un honorable membre ; en bien, j’ai voté contre cette proposition, avec l’honorable député d’Anvers. Ne pouvait-il pas alors, à plus forte raison, m’adresser le reproche qu’il me fait en ce moment ; il s’est tu cependant ; si je n’avais considéré que l’intérêt du trésor, j’aurais dû alors, en opposition avec mes collègues, me prononcer pour la proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt. Je ne l’ai pas fait, parce que je n’ai pas voulu donner un vote contraire à celui de mes collègues

Je crois donc que l’honorable membre a tort sur ce point, comme il me paraît être en erreur sur un autre point, lorsqu’il prétend que l’article Bois n’entre pas dans le système des droits différentiels. Je suis d’un avis diamétralement opposé. La chambre a donné raison à ceux qui n’ont pas partagé l’opinion de l’honorable membre lors de la première discussion sur l’article Bois ; nous avons dit qu’il y avait dans le tarif actuellement en vigueur des droits différentiels que nous entendions supprimer, et qu’il en était d’autres que nous voulions établir sur cet article. La chambre s’est déclarée pour notre opinion ; c’est donc cette opinion dont la justesse a été démontrée à satiété et non celle que soutient l’honorable préopinant pour établir que l’article Bois devait être écarté du projet.

Je bornerai là mes observations.

M. Cogels. - Messieurs, c’est l’adoption de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, relatif à l’introduction de 7 millions de kilogrammes de café, qui a suscité la plus vive hostilité contre la loi, Vous savez, messieurs, que j’ai reconnu la nécessité de cet amendement, c’est dans cette conviction que je l’ai défendu, et par conséquent, l’adoption de cette disposition exceptionnelle ne peut plus être pour moi un motif de rejeter la loi des droits différentiels. Je me trouverai dont probablement sur un autre terrain que mes honorables collègues d’Anvers, je veux parler de l’honorable M. Osy, qui a voté contre, et de l’honorable M. Rogier qui s’est abstenu. Cependant, en ce qui concerne la disjonction du droit sur les bois, je maintiens l’opinion que j’ai émise dès le principe ; je regarde cet article comme tout à fait étranger à la loi qui nous occupe.

Des lors je pense qu’il vaudrait beaucoup mieux en faire une loi spéciale par des motifs qui vous ont été suffisamment développés. J’appuierai donc la proposition de M. Rogier quoique cependant nous ayons en vue peut-être un but différent.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Cogels dit qu’il maintient son opinion sur la question de disjonction. Je prie la chambre de maintenir aussi sa première opinion sur cette question, c’est-à-dire de maintenir sa première décision.

M. Dubus (aîné). - La chambre a fait un règlement pour établir l’ordre de ses délibérations ; au moyen de ce règlement, elle a voulu notamment éviter les discussions de la nature de celle qu’on renouvelle aujourd’hui, et prévenir le renouvellement incessant des mêmes difficultés. On a voulu qu’une question jugée fût considérée comme telle, et qu’aucun membre de la chambre ne pût la remettre en discussion, C’est ce qu’on fait aujourd’hui. Sans se soucier ni d’une disposition expresse du règlement, ni d’une décision antérieure et formelle, on provoque une décision nouvelle comme si la chambre était libre de prononcer encore sur la question dont il s’agit.

La chambre ne peut plus prononcer sur cette question sans violer son règlement. Nous sommes au second vote. Il est vrai qu’on peut remettre en discussion les articles de la proposition principale qui ont été rejetés, et les amendements qui ont été introduits dans le projet de loi ; mais les amendements rejetés ne peuvent plus être remis en délibération au second vote. Or, l’honorable M. Osy, par voie d’amendement au projet de loi, a proposé, lors du premier vote, qu’on fît la disjonction de l’article Bois du reste de la loi, et qu’on en fît une loi spéciale. On lui a fait remarquer que la même motion avait été faite par l’honorable M. Rogier, à une séance antérieure, et que, sur les observations qui lui avaient été faites, M. Rogier, convaincu qu’elle n’était pas fondée, l’avait retirée. Malgré cela, M. Osy a insisté ; il a voulu qu’elle fût mise aux voix. Elle l’a été, et la chambre s’est prononcée contre l’amendement proposé ; elle a rejeté la disjonction. Dès lors, aux termes du règlement, cet amendement ne peut plus être remis en discussion. Il faut donc faire abstraction de toutes les autres raisons qu’on produit dans le débat et s’arrêter à celle-ci : Que vous êtes liés par votre règlement, qu’on ne peut plus mettre aux voix la disjonction proposée. J’appuie la question préalable

M. Rogier. - Messieurs, je ne veux pas discuter jusqu’où peut aller le règlement. Le règlement est surtout fait pour épargner le temps de la chambre, et hâter le vote des lois. Ma proposition aurait pour but de hâter le vote d’une loi importante. Le règlement irait ici contre son but si on l’appliquait comme le propose l’honorable préopinant, car si la proposition relative au bois reste engagée dans la loi générale, elle peut donner lieu à de longues discussions et disparaître avec elles. L’esprit du règlement ne s’oppose pas à ce qu’on demande la division ; je suis en droit de demander la division. Par conséquent, je suis en droit de demander que cet article divisé fasse l’objet d’une loi séparée. J’aurais désiré que l’honorable M. Dubus, qui s’est montré partisan de l’augmentation des droits sur les bois, discutât ma proposition et l’appuyât sans se retrancher dans des arguments de farine plus ou moins discutables, et que je ne veux pas discuter.

Je fais appel à l’esprit pratique de la chambre ; elle est maîtresse de faire ce que j’ai l’honneur de lui proposer, elle doit le faire avec d’autant plus de raison qu’en suivant strictement son règlement elle s’expose à n’avoir pas de loi ou du moins à n’en avoir que dans un temps éloigné.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’aurais pu invoquer à l’appui de la question préalable un autre motif que l’exécution du règlement, j’aurais pu invoquer la prérogative du gouvernement. C’est cette prérogative que j’ai invoquée dans une autre circonstance. Le gouvernement a usé de son droit d’initiative, les amendements qu’il a présentés constituent le projet actuel. Nous en avons usé dans la forme que nous avons adoptée à nos risques et périls. A tort ou à raison, nous avons ainsi exercé un droit constitutionnel. Dans une autre circonstance, on a proposé de couper en deux des projets de loi, par exemple, la loi sur les fraudes électorales, je me suis opposé à la division, j’ai demandé la question préalable en vertu de la prérogative du gouvernement.

On cherche à vous inquiéter sur le sort de la loi en entier. Je vous engage à ne pas partager ces inquiétudes. Je n’en ai aucune sur l’adoption du projet en son entier. Je dois être sans inquiétude à cet égard ; je manquerais à la majorité qui a appuyé toutes les parties de ce projet, si j’en avais. Le motif principal de ce revirement, c’est le vote de cet amendement tout politique que vous avez adopté à l’unanimité moins une voix. Quant à la question de la relâche à Cowes, question ancienne, très connue, vous la discuterez de nouveau. Je demande la question préalable et j’engage la chambre à être sans inquiétude sur le sort de la loi.

M. Malou. - Je tiens à faire ici une distinction que M. le ministre de l’intérieur a complètement perdue de vue. Je me rappelle que lors de la discussion de la loi relative aux fraudes électorales, dont j’étais rapporteur, on a demandé la disjonction, et que cette proposition fût rejetée ; mais le projet avait été présenté par arrêté royal. Ici il s’agit d’amendements introduits dans le projet par M. le ministre de l'intérieur, sans exercice de la prérogative du gouvernement. Cette question, je ne crois pas devoir la discuter au fond. je me borne à l’indiquer pour qu’il n’y ait pas prise de possession.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai indique ce motif que subsidiairement. Je ne veux pas examiner en quelle qualité j’ai présenté des amendements. Le principal motif sur lequel je me suis appuyé, c’est que vous deviez être conséquents, et que si vous sépariez la question des bois de la loi actuelle, ce serait par un expédient que vous auriez fait cette tarification nouvelle sur les bois, il y a huit jours.

M. le président. - Je mets aux voix la question préalable.

Plusieurs membres. - L’appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

72 membres répondent à l’appel ;

47 répondent oui ;

24 répondent non ;

1 s’abstient.

En conséquence la question préalable est adoptée.

M. Smits, qui s’est abstenu, est invité aux termes du règlement a énoncer les motifs de son abstention.

M. Smits. - N’ayant pas assisté aux dernières discussions de la chambre sur l’article Bois, et n’ayant pu apprécier l’esprit qui a dicté sa décision, j’ai dû m’abstenir.

Ont répondu non : Thyrion, Troye, Vilain XIIII, Castiau, Cogels, David. de Baillet, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d’Elhoungne, de Renesse, Fleussu, Jadot, Lange, Lesoinne, Lys, Manilius, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Savart-Martel, Sigart.

Ont répondu oui : MM. Simons, Thienpont, Van Cutsem,Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Verwilghen, Wallaert, Zoude, Brabant, Coghen, Coppieters, d’Anethan, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia, de Haerne, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Nef, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Donny, Dumont, Goblet, Huveners, Jonet, Kervyn, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Dubus (aîné), Scheyven, Liedts.

M. le président. - Nous passons au voter définitif des amendements adoptés au premier vote.

M. le président. - Le premier article considéré comme amendement est celui relatif aux bois.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, vous vous rappellerez peut-être que j’ai annoncé à la chambre que je proposerai l’application du bénéfice de la restitution des trois quarts du droit aux bois destinés au cuvelage dans les houillères. Je suis recevable à proposer cet amendement parce qu’il se rattache à une des dispositions adoptées, à savoir la disposition qui augmente les droits sur les bois sciés. Or, les bois destinés au cuvelage des houillères sont considérés comme bois sciés, et par conséquent soumis à l’augmentation de droit.

Cet amendement serait introduit dans la loi de la manière suivante :

A la suite de la disposition : « La restitution des 3/4 du droit payé sera accordée aux bois qui seront employés à la construction navale, d’après des formalités à déterminer par le gouvernement, » il faudrait ajouter : « ainsi qu’aux bois destines au cuvelage dans les houillères. »

Ce sont des bois de construction, il en entre très peu. C’est plutôt pour prévenir des inquiétudes. Je tiens autant que possible compte de certaines appréhensions ; elles sont peut-être exagérées ; mais n’importe. Je crois que l’on pourrait faire droit aux réclamations sans léser les intérêts du trésor et sans renverser le système de la loi. Au contraire, nous sommes conséquents avec nous- mûmes. Le droit sur les bois destinés à la construction navale est augmenté. C’est pour cela que nous avons admis la restitution des trois quarts du droit. Le droit sur le bois de cuvelage est également augmenté. Nous sommes conséquents, en proposant la même restitution. Il n’en entre pas pour plus de 5,000 fr.

M. Sigart. - J’ai besoin d’une explication nouvelle pour savoir si je maintiendrai l’amendement que j’ai proposé dans une précédente séance.

Pour pouvoir réclamer, en vertu de l’amendement du gouvernement, la restitution du droit sur les bois de cuvelage, il faudra remplir sans doute quelques formalités. Déjà, pour certaines restitutions, les formalités sont telles que les intéressés ont renoncé au bénéfice de la restitution des droits. Je demanderai si le gouvernement peut me donner quelque garantie, quelque apaisement.

J’ai encore une explication à demander ; ici je m’adresse particulièrement à M. le ministre des finances : dans les documents qui nous ont été remis, je crois avoir découvert une erreur en ce qui concerne les perches. Il n’y a pas de distinction entre les perches de sapin et les autres perches. Nous faisons usage, dans le Hainaut, de toute espèce de perches, autres que des perches de sapin. S’il y avait lieu à distinction, mon amendement perdrait de son importance et je pourrais peut-être me rallier à celui du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - La proposition faite par le gouvernement lui-même, en ce qui concerne les bois de cuvelage est sérieuse ; nous voulons en assurer l’exécution ; nous le ferons par les moyens qui seront le plus favorables aux intéressés. Je ne puis dès à présent indiquer ces moyens ; mais le gouvernement ne prescrira que les formalités indispensables pour empêcher la fraude.

L’honorable membre demande comment seront tarifes les échalas, gaules, perches, qui ne sont pas de bois de sapin. Il est vrai que cet article n’est pas spécialement tarifé, et que dans le tarif actuel on l’a assimilé à un autre article du tarif, qui se trouve supprimé. Il pourrait donc être utile d’ajouter une disposition spéciale pour les « échalas, gaules, perches et tous autres plants, etc. », autres que de sapin, parce que, si on ne le faisait pas, l’assimilation serait faite avec les perches de sapin tarifes à 10 p. c.

L’honorable membre désire sans doute que l’on continue d’imposer les perches de cette nature à 6 p. c. On pourrait ajouter une note ainsi conçue : « Les échalas, gaules, perches et tous autres plants, n’étant ni bois feuillard, ni propres à être travaillés en cercles ou cerceaux, continueront d’être soumis à un droit de 6 p. c. » Ce serait le maintien du statu quo. C’est, je crois, le but que se propose l’honorable préopinant.

M. Sigart. - Quoique incomplètement satisfait des propositions du gouvernement, je déclare m’y rallier et retirer mon amendement

M. Desmet. - Je suis grand adversaire des exceptions, parce que ce sont souvent des privilèges ; or, d’après l’esprit de notre constitution, en fait d’impôts, il ne faut pas de privilèges. Si l’on établissait la nécessité d’une exception, je l’admettrais comme nous l’avons admise pour les bois courbes, nécessaires aux constructions navales ; mais je ne vois pas la nécessité d’admettre ce privilège pour les bois de cuvelage nécessaire aux houillères.

Si je suis bien informé, c’est du bois de chêne qu’on emploie ordinairement à cet usage. (Dénégations de la part de plusieurs membres.) On emploie du hêtre, je n’en sais rien ; mais je sais très bien qu’on emploie beaucoup de chêne pour le cuvelage ; quand il s’agit de bois qui doit être en contact avec l’eau, c’est le chêne dont on a besoin ; or, le chêne du pays est bien meilleur que le chêne du Rhin, et vous en avez assez pour les besoins de vos houillères. Le bois de chêne n’est pas hors de prix, par suite des grands arrivages de sapin du Nord, il a beaucoup baissé de prix. Voulez-vous augmenter cette baisse en favorisant l’emploi du buis de chêne d’Allemagne ? Je ne vois aucune nécessité d’accorder ce privilège à une industrie.

Les brasseurs ne sont-ils pas dans la même position ? n’ont-ils pas besoin de chêne pour leurs tonneaux ? n’est-ce pas une industrie fort intéressante ?

Je ne puis admettre cette proposition, parce que la nécessité n’en est pas établie.

M. de Garcia. - Il s’agit de faire à la loi actuelle une exception en faveur des houillères, au sujet de l’espèce de bois qui s’emploient dans ces fosses. Comme l’a très sagement fait observer l’honorable ministre de l’intérieur, ces bois montent à une somme très peu considérable.

Dès lors, je suis convaincu que l’exception est d’un intérêt minime. Mais, persuadé que les propriétaires de houillères pour qui l’on demande une exception, trouveraient facilement dans le pays le bois dont ils ont besoin, je ne puis admettre la nécessité de cette exception.

L’honorable M. Sigart a demandé au ministre quelles formalités l’on devrait remplir pour obtenir la restitution du droit pour les produits que l’on veut comprendre dans l’exception. Si l’on établit l’exception, je ne veux pas qu’on l’entoure d’impossibilités dans son exécution ; mais je ne voudrais pas non plus que cela devînt un moyen de fraude. Je désire que le gouvernement fasse en sorte que le droit ne soit pas restitué sur des bois déclarés pour les houillères et recevant ensuite une autre destination.

L’interpellation de l’honorable M. Sigart a porté encore sur un autre point ; il a demandé si les perches de sapin, employées comme étançons dans les houillères seront assimilées, pour la quotité des droits, aux perches d’autre nature de bois. Je pense, d’après les considérations déjà émises, qu’on doit rester complètement, à cet égard, dans le statu quo. Le gouvernement l’a déclaré d’une manière formelle ; il ne peut y avoir d’incertitude dans l’application de la loi.

S’il s’agissait de réduire le droit sur les perches, je m’y opposerais de toutes mes forces. Il a été démontré dans la discussion générale que la propriété forestière ne trouve plus le débit de ces produits, surtout en ce qui concerne ce que l’on appelle les raspes. Cette considération est de la plus grande vérité, et repose sur la révolution survenue dans l’industrie métallurgique, au profit de la houille et au détriment du bois charbonné. Si l’on permet l’entrée des perches à un droit moindre, l’industrie métallurgique, qui a fait invasion sur l’industrie forestière, en fera une nouvelle en employant les bois étrangers au lieu des bois indigènes.

Déjà il est impossible que l’industrie forestière lutte contre l’industrie charbonnière. La houille arrive à très bon compte dans les localités les plus éloignées des houillères ; et on l’emploie comme combustible, de préférence au bois.

Dans cet état, je crois qu’on doit nécessairement maintenir le statu quo, quant aux perches de sapin à employer dans les houillères.

Quoique l’industrie forestière ne soit guère protégée, je ne demande pas d’augmentation. Je veux rester conséquent avec moi-même ; je ne veux qu’une protection modérée.

J’insiste en terminant, pour que le gouvernement avise aux moyens de prévenir la fraude, pour qu’il veille à ce que le bois destiné aux houillères jouisse seul d’un droit moins élevé et pour que cette mesure ne puisse dans aucun cas nuire aux bois indigènes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Voici la difficulté que vous a signalée mon honorable collègue le ministre des finances. L’article du tarif actuel dont il s’agit se trouve réimprimé à la première page du n°366 il est ainsi conçu : « Echalas, gaules, perches et tous autres plants n’étant ni bois feuillard, ni propres à être travaillés en cercles ou cerceaux (bois de toute espèce). »

Ces bois ne sont pas spécialement tarifés. Mais la tarification est faite par assimilation, par renvoi. Ce renvoi, cette assimilation, à quel article est-elle faite ? A un article qui disparaît du tarif ancien, l’article : « Toute espèce de bois. »

M. le ministre des finances et moi proposons donc la note suivante :

« Les échalas, gaules, perches et tous autres plants, n’étant ni bois feuillard, ni propres à être travaillés en cercles ou cerceaux (c’est-à-dire le bois qui n’est pas de construction) continueront à payer 6 p. c. »

C’est le tarif actuel. A défaut de cette disposition, il y aurait lacune ou tarification exorbitante.

M. Delfosse. - La proposition que M. le ministre de l’intérieur vient de soumettre à la chambre est satisfaisante jusqu’à un certain point. Mais elle est incomplète. Il paraît, messieurs, qu’on ne peut jamais se fier à ce que disent MM. les ministres. Dans une séance précédente, j’ai demandé à M. le ministre des finances, dans quelle catégorie les perches de sapin que l’on emploie dans les houillères, se trouveraient placées d’après le projet de loi ; M. le ministre m’a répondu qu’elles étaient en dehors du projet, et qu’elles continueraient à payer un droit d’entrée de 6 p. c. Telle a été la déclaration de M. le ministre des finances, et remarquez que cette déclaration est entièrement conforme à une note émanée du gouvernement. En effet, au n°3 566, note h, on lit ce qui suit : « Les bois et perches de sapin simplement équarris à la hache, n’étant pas des bois sciés, rentrent dans la catégorie des bois de toute espèce non sciés, assujettis au droit de 6 p.c. » (Instructions du 26 août 1840.)

Nonobstant cette note qui est insérée dans un document officiel, nonobstant la déclaration de M. le ministre des finances qui se trouve consignée au Moniteur, M. le ministre des finances vient de nous dire que les perches de sapin continueront a être assujetties à un droit de 10 p. c. Explique qui pourra cette contradiction. M. le ministre de l’intérieur disait tantôt que la dignité, c’est la constance dans les opinions ; M. le ministre des finances devrait bien faire son profit de ces paroles ; il ne devrait pas dire noir aujourd’hui après avoir dit blanc il y a quelques jours.

Je ne vois pas, messieurs, pourquoi les perches de sapin qui sont employées dans les houillères, paieraient un droit plus élevé que les autres perches. M. le ministre de l’intérieur vient de nous proposer un droit de 6 p. c. pour les autres perches. Je demande que les perches de sapin ne payent que le même droit ; on restera ainsi dans les termes de la note émanée du gouvernement et de la déclamation de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, dans une précédente séance, l’honorable M. Delfosse m’a fait une interpellation relativement aux perches de sapin ; je lui ai répondu que nous ne changions rien, en ce qui concernait cet article, à la tarification actuelle. J’aurais pu en rester là, mais il est vrai que j’ai ajouté que les perches continueraient, par conséquent, à être soumises au droit de 6 p.c. Ici, j’ai commis une erreur dans le taux du droit ; erreur que je ne crois pas mériter toutes les qualifications qui vient de lui donner l’honorable membre. Je crois qu’elle peut d’autant moins les mériter à ses yeux, que je lui ai expliqué, dès le lendemain, comment elle avait été commise ; et je regrette que l’honorable M. Delfosse se soit servi de telles expressions pour une chose aussi futile.

Voici, messieurs, comment je me suis trompé, non sur le fond de ma réponse, car en effet le droit actuel est maintenu, mais sur le chiffre.

Au tarif imprimé que j’avais sous les yeux, lorsque l’honorable membre m’a adressé son interpellation, se trouve, à l’article Sapin, quant aux perches et lattes, la note suivante : « Les perches et bois de sapin simplement équarris à la hache rentrent dans la catégorie des bois de sapin non sciés assujettis au droit de 6 p. c. » Or, il se trouve que celui qui a imprimé cette note, qui ne fait pas partie de la loi, mais bien de l’instruction ministérielle du 26 août 1840, qu’a rappelée l’honorable préopinant, a ajouté, par erreur, le mot perches, qui ne se trouve pas et ne pouvait se trouver dans la décision. Telle est l’origine de l’erreur de chiffre que renferme ma réponse, exacte, du reste, quant au fond, puisqu’en effet le tarif actuel est maintenu quant à cet article par le projet de loi.

Messieurs, le gouvernement ne se rallie pas à la proposition de l’honorable M. Delfosse. Ce n’est qu’après discussion que la chambre a adopté en 1840 le droit de 10 p. c. sur les perches de sapin. Je ne pense pas qu’il y ait aucune chance d’obtenir une réduction de ce droit, alors surtout que sur les autres espèces de bois nous avons voté des augmentations.

Du reste, je ferai remarquer qu’un droit de 10 p. c. dans l’application, n’est pas réellement perçu au taux de 10 p. c. On sait que les employés de la douane peuvent difficilement préempter ces sortes de marchandises, et en général, malgré le vœu de la loi et la surveillance de l’administration, on déclare ces perches au-dessous de leur valeur.

J’ajouterai que jusqu’à présent on n’en a importé qu’une faible quantité.

M. Lesoinne. - Messieurs, je demanderai qu’on réduise le droit sur les perches de sapin employées à l’exploitation des houillères, à 6 p. e. Ce droit est assez fort aujourd’hui, parce que les moyens d’exploitation sont devenus très coûteux. D’ailleurs, ce droit porte sur une quantité de bois tellement minime, que la réduction n’aura aucun effet fâcheux pour le trésor. On n’a introduit, l’année dernière, que pour 11,000 francs de perches de sapin.

La plupart des houillères vendent aujourd’hui leurs produits avec perte ; il y en a même qui sont obligées de cesser leurs travaux.

Je ferai une autre question à M. le ministre des finances quant au noyer. Il est bien spécifié que le noyer raboté pour fusils ne paye pas de droits ; mais on introduit des noyers en tronc ; je demande si, dans ce cas, ils seraient compris dans le tarif ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est vrai, messieurs, que le premier projet portait ces mots : Non compris le noyer raboté pour fusils. Mais ces mots rabotés pour fusils ont été supprimés, de sorte qu’aujourd’hui, c’est non compris le noyer, d’une manière générale ; ce bois reste sous l’application de l’ancien tarif.

Quant à la proposition de réduire le droit sur les perches de sapin, remarquez que le droit de 10 p. c. n’est pas de fait un droit de 10 p. c. ; c’est un droit nominal de 10 p. c. qui se réduit à 5 ou 6 p. c. dans l’application.

Voyez maintenant quelle est l’importation. Elle est en tout de 11,000 francs.

Je crois donc, messieurs, que l’on doit maintenir l’ancien tarif. D’ailleurs, si l’on allait aborder la question de changer l’ancien tarif, pour ce qui est des bois autres que les bois de construction, on ouvrirait une porte immense ; je ne sais pas ce que deviendrait la discussion.

Il n’en est pas de même, comme je l’ai fait remarquer, pour les autres perches. Là, il y aurait lacune. Ces perches ne sont tarifées qu’à l’aide d’un renvoi, et ce renvoi ne serait plus le même.

M. Delfosse. - M. le ministre des finances s’est plaint des expressions que j’ai employées ; je dois les maintenir. J’ai avancé que M. le ministre des finances a dit blanc l’autre jour, et qu’il dit noir aujourd’hui. M. le ministre des finances en convient lui-même ; il ajoute qu’il s’est trompé, qu’il y a erreur. Soit ! Je veux bien reconnaître que dans cette circonstance, M. le ministre n’avait pas intérêt à cacher la vérité.

M. le ministre des finances n’appuie pas mon amendement. Cela ne m’étonne pas. Le ministère appuie rarement ce qui peut être favorable à la province de Liége. (Réclamations.)

M. Delehaye. - Et les sept millions de café ?

M. de Garcia. - Je demande la parole.

M. Delfosse. - Hier, nous avons présenté un amendement qui était bien modéré, nous avions demandé que l’on permît l’importation par la Meuse d’une quantité très modique de tabac, d’une quantité de 200,000 kil. Cette quantité n’est que le trentième des importations qui se font en Belgique. Eh bien, le ministère a repoussé cette proposition si modérée, si raisonnable, et c’est parce qu’il l’a repoussée qu’elle n’a pas été admise par la chambre. Car malgré l’opposition du ministère, elle n’a été rejetée qu’à une très faible majorité.

On me dit : « Mais le ministère fait beaucoup pour la province de Liège ; il propose pour elle l’exception de 7 millions de café. » Messieurs, cette exception est-elle favorable à la province de Liège seule ? Cette province aura-t-elle seule le droit d’importer les 7 millions de café ? Non, il y aura une part pour d’autres provinces.

M. le président. - Ceci est en dehors de la discussion.

M. Delfosse. - Pardon, M. le président ; je suis dans la question. On repousse mon amendement ; et je dis : Pourquoi ?

Que l’on ne dise pas que le ministère a agi par sympathie pour notre province ! Quelle sympathie a-t-il montrée, lorsque nous avons réclamé contre les droits différentiels ? Il nous a combattus ; il n’a tenu aucun compte de nos observations, il les a accueillies avec indifférence.

Plus tard, il est venu proposer une exception qui nous est favorable, qui atténuera, jusqu’à un certain point, les conséquences fâcheuses du système des droits différentiels. Mais pourquoi l’a-t-il proposée ? Est-ce par sympathie pour la province de Liège ? Non messieurs, c’est à d’autres motifs qu’il a cédé ; il y a eu, M. le ministre des affaires étrangères nous l’a dit hier, il y a eu entre lui et des diplomates étrangers certaines conversations dont on n’a pas jugé à propos de nous communiquer le contenu, mais qui paraissent avoir produit de l’effet ; soyez-en sûrs, messieurs, ces conversations sont pour quelque chose dans l’exception que le ministère est venu nous proposer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous concevez, messieurs, que si je voulais répondre à l’honorable préopinant, je sortirais tout à fait de la question. Le ministère ne fait rien pour la province de Liège. Pourquoi ? Parce qu’il ne veut pas que l’on sorte complètement de la question, que l’on révise le tarif actuel tout entier. La question des perches de sapin est tout à fait étrangère au tarif qui nous est soumis en ce moment. Nous vous laissons dans le statu quo, statu quo qui vous est très avantageux, puisqu’il n’y a sur une importation de 11,000 fr. qu’un droit de 10 p. c. qui, dans la perception, se réduit à 5 ou 6 p. c. D’ailleurs, le pays ne produit-il pas des perches de sapin ? Je conçois que l’on fasse des objections lorsqu’il s’agit de frapper le sapin destiné aux constructions, mais les perches de sapin, le pays les produit et l’on aurait même pu élever la prétention d’augmenter le droit sur les perches de sapin. Cette prétention nous l’aurions repoussée parce que nous regardons le statu quo comme peu défavorable à la propriété foncière, puisque l’importation des perches de sapin ne s’élève qu’à 11,000 fr., et parce que, d’un autre côté nous regardons le statu quo comme favorable à la province de Liége. Voilà le motif pour lequel nous aurions repoussé une augmentation sur les perches de sapin, augmentation qui, cependant, aurait pu se justifier s’il s’était agi de réviser le tarif tout entier.

M. Mast de Vries. - S’il s’était agi de changer le tarif en ce qui concerne les perches de sapin, j’aurais demande, moi, une augmentation de droits, et il m’eût été très facile de justifier cette proposition. Aujourd’hui la province de Liége prend en partie des perches de sapin dont elle a besoin dans le Limbourg hollandais, en échange des charbons et d’autres articles qu’elle y apporte. Nous avons déjà construit une partie du canal de la Campine qui va aboutir cette année au sein de ce pays ; eh bien, c’est là un nouveau marché dont la province de Liège va s’emparer, elle conduira dans la Campine ses houilles et elle prendra en retour des perches de sapin qu’elle y trouvera en aussi grande quantité qu’elle le voudra, et en aussi bonne qualité et à aussi bon compte qu’en Hollande. Or, si la province de Liége vient avec ses houilles faire concurrence au bois de chauffage que produit la Campine, il est juste qu’elle prenne aussi en retour des perches qu’elle prend maintenant à l’étranger.

Ainsi messieurs, si M. le ministre de l’intérieur n’avait pas déclaré que, sous ce rapport, les choses devaient rester dans le statu quo, j’aurais proposé une augmentation sur les perches de sapin, et je suis bien certain que cette proposition aurait été adoptée par la chambre.

- La clôture est demandée.

M. Dubus (aîné). - Sur quoi veut-on clore ? Est ce, sur l’article Bois ? (Oui, oui.) Messieurs j’ai un amendement à présenter. Je le ferai connaître dès à présent, la chambre verra ensuite si elle juge convenable de me permettre de le développer. Voici cet amendement :

« J’ai l’honneur de proposer le droit de 3 fr. par tonneau de mer à l’importation du bois en grume sous pavillon national, en maintenant le droit de 4 fr. par tonneau de mer pour le pavillon étranger. »

En un mot, messieurs, je demande que le droit différentiel soit moindre que celui qui a été adopté au premier vote.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, on a souvent dit que le pavillon belge n’irait pas prendre du bois de construction dans le Nord. Je prie l’honorable auteur de l’amendement, de réfléchir à ceci, c’est qu’il justifiera cette improbabilité en rendant la faveur différentielle trop minime. Nous avons proposé une différence de 2 fr., précisément pour que l’importation directe, sous pavillon belge, ne fût pas entièrement improbable. Si vous réduisez cette faveur différentielle de moitie, alors vous justifiez l’improbabilité que l’on n’a pas cessé de faire valoir. Je prie l’honorable membre de prendre cette remarque en considération.

M. le président. - L’amendement n’a pas été développé. Si l’on n’insiste pas pour la clôture, j’accorderai la parole à M. Dubus. (Assentiment.)

M. Dubus (aîné). - La proposition du gouvernement était d’imposer le bois en grume de 75 c. par tonneau, sous pavillon national, et de 1 fr. 50 c. par tonneau, sous pavillon étranger ; la différence était de 75 c. par tonneau. Le droit était évidemment insuffisant, considéré comme protection. Eh bien en augmentant le droit on a multiplié à la fois l’un et l’autre des deux chiffres dans la même proportion, de sorte que la différence de 75 c., qui paraissait suffisante à M. le ministre de l’intérieur pour protéger la navigation nationale, a été portée à 2 fr. Je m’étonne que M. le ministre de l’intérieur veuille maintenir cette différence, car elle est véritablement exagérée et elle n’est nullement en harmonie avec le reste du tarif. En effet, M. le ministre avait lui-même présenté le chiffre de 2 pour cent comme étant le maximum des droits différentiels, et nous voyons que, pour les bois qui entrent en plus grande quantité, c’est-à-dire les bois sciées, on n’a admis qu’une différence d’environ 2 p. c. Ainsi le chiffre de 9 fr. par tonneau pour le bois importé par navire national, revient à 12 p. c., et le chiffre de 11 fr. pour le bois importe par navire étranger, revient à 14 p. c., différence 2 p. c. Pour le bois en grume au contraire, le droit de 2 fr. adopté par le pavillon national, revient à 4 p. c., et le droit de 4 fr. adopté pour le pavillon étranger revient à 8 fr. ; de sorte que là il y a une différente de 4 p. c. Il me semble que c’est là une faveur exagérée.

Si vous adoptez, messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer, le droit serait de 3 fr. pour le pavillon national, c’est-à-dire de 6 p. c., et de 4 fr. pour le pavillon étranger, c’est-à-dire de 8 p. c. Il y aurait donc la même protection pour le pavillon national, que celle qui a été adoptée relativement au bois scié.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le pavillon national n’importera rien.

M. Dubus (aîné). - On dit qu’il n’importe rien maintenant. Les choses resteront dans le statu quo. Dans tous les cas, le pavillon national sera beaucoup plus favorisé qu’il ne l’est aujourd’hui, et il y aura harmonie entre l’article Bois et les autres articles du tarif.

M. Donny. - Messieurs, sur tous les bancs de cette chambre on a été d’accord pour reconnaître qu’avec une différence de deux à quatre francs, il serait impossible au pavillon belge de lutter contre le pavillon du Nord pour l’importation des bois. Si donc on avait voulu apporter des changements aux chiffres adoptés au premier vote, on aurait dû augmenter la différence, afin de permettre au pavillon national de soutenir la concurrence des pavillons étrangers. Il me semble, dès lors, que la proposition de M. Dubus aîné, est précisément le contraire de ce qu’elle devrait être, pour être rationnelle ; car quel est le but de notre loi ? C’est de favoriser la navigation nationale ; vous ne la favorisez pas suffisamment et l’honorable membre propose de réduire encore la protection que vous lui avez accordée.

M. de Corswarem. - Je crois qu’il ne peut pas être question des perches de sapin, parce qu’elles ne s’importent jamais par mer. Elles viennent du Limbourg hollandais, mais en très petite quantité ; aussi, jusqu’à présent, on ne s’est pas plaint de leur pénurie. Toutefois, le Limbourg belge fournit des perches de sapin en abondance. Nos sapinières, créées depuis quelques années, sont aujourd’hui en plein rapport, et rapporteront tous les jours davantage, de sorte que l’on ne manquera jamais de perches de sapin dans le pays. Si donc, il s’était agi de changer quelque chose à cet égard, il aurait fallu augmenter le droit, comme l’a dit l’honorable M. Mast de Vries, il aurait fallu l’élever, de manière que les 10 p. c. fussent réellement perçus, tandis qu’on ne perçoit aujourd’hui que 8 ou 10 p. c. Il est certain que la houille remplace maintenant le bois dans une foule d’usages ; un droit réel de 10 p. c. ne serait donc pas une protection trop forte pour nos sapinières.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, l’honorable député d’Ostende s’oppose à mon amendement en prétendant que le résultat de cet amendement sera de rendre impossible la concurrence de la navigation belge et de la navigation étrangère. Mais je rappellerai à cet honorable membre qu’il a déclaré lui-même de la manière la plus formelle que quelque mesure que vous puissiez prendre, notre navigation sera toujours dans l’impossibilité de soutenir la concurrence contre les navires du Nord. Quelque énorme que fût le droit différentiel que vous établissiez, la concurrence serait complètement impossible pour notre pavillon. Voilà, messieurs, ce que l’honorable membre nous a dit dans ses précédents discours. Il ne doit donc pas trouver que mon amendement empêchera cette concurrence.

Mais, l’amendement que je dispose a pour but, dans une hypothèse que j’envisage de donner à la production du pays, une protection efficace ; celle de 4 p. c. serait tout à fait insuffisante. Voici l’hypothèse dans laquelle je me place. Je suppose qu’à la suite d’un traité qui pourrait intervenir, on nationaliserait les navires du nord, qui servent au transport des bois. Si cette hypothèse se réalisait, mon amendement aurait pour effet de rendre la concurrence possible. Quoique l’éventualité que j’ai en vue soit infiniment peu probable, elle peut se réaliser.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant redoute l’éventualité de l’assimilation des navires du pays de production, qui importeraient du bois à raison de deux francs… Mais je ferai remarquer que cette assimilation ne peut pas être prononcée ici par arrêté royal ; il faut plus qu’un acte du pouvoir exécutif, il faut un traité. Vous avez donc une garantie : c’est vous-mêmes qui décideriez de cette assimilation si l’on vous offrait des avantages suffisants. Je crois donc que les inquiétudes de l’honorable préopinant ne seraient fondées qu’autant que l’assimilation eût être prononcée par arrêté royal, même pour les produits européens.

M. Delfosse. - Messieurs, l’honorable M. de Corswarem vient de dire qu’il ne peut être question du droit d’entrée sur les perches de sapin, puisqu’elles ne viennent point par mer. L’honorable membre voudra bien remarquer que cette observation porte également sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, proposition qu’il n’a pas combattue. M. le ministre propose aussi une exception pour certaines espèces de perches qui ne viennent point non plus par mer.

Lorsque le droit d’entrée sur les perches de sapin a été fixé à 10 p. c. personne n’a fait l’observation que ces perches étaient nécessaires à une branche d’industrie très intéressante et qui a des titres à la sollicitude des chambres ; personne n’a dit qu’on faisait un grand emploi de ces perches dans les houillères ; si l’observation avait été présentée, le droit, au lieu d’être fixé à 10 p. c., aurait probablement été réduit à 6 p. c., comme je le demande aujourd’hui.

Si nous allons chercher des perches dans la Campine hollandaise et dans la partie cédée du Limbourg, c’est que les perches de la Campine belge nous reviendraient beaucoup trop cher, à cause des frais de transport qui sont considérables ; Il ne faut pas perdre de vue que le canal dont l’honorable M. Mast de Vries a parlé n’est pas encore achevé.

La proposition que j’ai faite, bien que définitive en apparence, n’est en réalité que temporaire, puisque, dans la pensée du gouvernement le projet de loi est un acheminement à un traité de commerce entre la Hollande et la Belgique. Je pense que la chambre ferait bien de donner cette marque de sollicitude à une industrie qui est loin d’être dans un état prospère.

On a, dit-on, augmenté la protection pour d’autres espèces de bois, et on en conclut qu’il faudrait aussi une protection plus forte pour les perches de sapin. C’est le contraire qui est vrai, messieurs, c’est justement parce que les propriétaires de bois sont favorisés pour d’autres espèces de bois, qu’ils devraient consentir, dans l’intérêt des houillères, à une légère réduction du droit d’entrée sur les perches de sapin.

M. de Garcia. - Messieurs, nous sommes en présence de deux questions essentiellement distinctes ; l’une soulevée par l’amendement de l’honorable M. Delfosse, l’autre par l’amendement de l’honorable M. Dubus.

D’abord, en ce qui concerne l’amendement de l’honorable M. Delfosse, faut-il rester dans le statu quo pour les perches de sapin ? Quant moi, je pense qu’on s’écarterait du but de la loi, si l’on changeait le statu quo pour un objet qui ne rentre nullement dans le système des droits différentiels.

Cette considération me paraît un motif absolu et péremptoire pour ne pas accueillir cette proposition ; à la vérité l’on a dit qu’il faut protéger une industrie aussi intéressante que celle des houillères. C’est vrai ; mais il faut les faire avec justice et sans blesser des intérêts aussi importants. On a ajouté que le canal de la Campine, dont une loi a décrète la construction, n’était pas encore achevé, et que dès lors on devait faire une exception temporaire.

Je ne pense pas qu’il convienne de faire une semblable exception. On peut être bien certain que le canal, décrété par une loi, s’achèvera ; dès lors, la province de Liége trouvera dans la Campine belge toutes les perches de sapin dont elle a besoin pour ses houillères, et dans tous les cas, il n’existe pas de pénurie dans cette production, qui se trouve abondamment dans d’autres localités du pays.

C’est au détriment de la propriété boisée nationale que vous feriez cette exception. On reproche au gouvernement un manque de sympathie pour la province de Liége. Pour ma part, je ne puis m’associer à ce reproche. Toute la question est de savoir si l’exception demandée ne serait pas faite avec d’autres intérêts nationaux. Je ne me laisse guider ici que par l’intérêt général.

Il est déplorable qu’on vienne ici provoquer des questions de province à province ; nous devons voir les questions de plus haut ; l’intérêt de la nation entière doit seul nous préoccuper. Ne pouvions-nous pas aussi faire au gouvernement le reproche qu’on vient de lui adresser et lui dire qu’il n’a pas tenu compte des intérêts de la province de Namur, du Limbourg, et encore d’une partie de la province de Liége ? Nous aurions pu adresser ce reproche aux modifications introduites par le gouvernement même à sa proposition primitive ; mais nous ne l’avons pas fait, parce que nous nous sommes dit que le gouvernement avait envisagé la question sous un point de vue plus élevé, et que, comme nous, il n’avait envisagé que l’intérêt général, bien ou mal compris.

Maintenant, en ce qui concerne la proposition de l’honorable M. Dubus, je dois convenir que, d’après les explications de M. le ministre de l’intérieur, l’amendement me paraît assez inutile, puisqu’il résulte de ses explications que le pavillon des pays du Nord ne peut être assimilé au pavillon national qu’en vertu d’un traité, et que ce traité doit être ratifié par les chambres. Or, si l’assimilation ne peut avoir lieu que de l’assentiment du pouvoir législatif et que le pouvoir législatif veuille une protection réelle pour la propriété boisée nationale, évidemment il n’acceptera pas un traité semblable ; s’il acceptait au contraire un traite semblable, ce ne serait que par le motif d’un intérêt national plus élevé qui l’emporterait sur l’intérêt de la propriété boisée ; et moi-même alors, fidèle à mes principes, je n’hésiterais pas à sacrifier ce dernier intérêt à l’intérêt plus grand que la nation entière serait appelée à retirer de l’acceptation du traité. (Aux voix ! aux voix !)

- Plus de 10 membres demandent la clôture.

M. Dubus (aîné) (contre la clôture). - M. le ministre de l’intérieur et l’honorable M. de Garcia ont soutenu que mon amendement était inutile. Eh bien, je crois que je pourrai démontrer, en quelques mots, que cet amendement est très utile, même dans l’hypothèse qu’a signalée M. le ministre de l’intérieur, et en admettant, comme je l’admets, qu’il faille une loi pour approuver le traité qui assimilerait le pavillon des pays du Nord au pavillon belge.

M. Huveners (contre la clôture). - Je désire combattre l’amendement de l’honorable M. Delfosse et faire connaître les erreurs dans lesquelles cet honorable membre est tombé. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture de la discussion est mise aux voix. Il y a doute. La discussion continue.

M. le président. - La parole est accordée à M. Donny.

M. Donny. - Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable M. Dubus, le motif de son amendement, c’est la crainte que le pavillon étranger ne vienne un jour nous importer du bois au droit de 2 fr. le tonneau.

Comment cela peut-il arriver ? De deux manières ou bien, par suite d’un traité, le pavillon du Nord serait assimilé au pavillon belge ou bien, et je crois que l’honorable membre a eu en vue cette seconde hypothèse, en vertu des pouvoirs que la loi donne au gouvernement, on nationaliserait, pendant une année, un certain nombre de navires suédois, qui, aujourd’hui, transportent le bois.

M. le ministre de l’intérieur a déjà répondu à la première hypothèse ; l’on ne pourrait opérer l’assimilation que par un traité, traité qui devrait être soumis à la législature.

La seconde hypothèse ne peut pas non plus se réaliser ; car les bâtiments qui servent aujourd’hui, à transporter le bois sont des bâtiments en sapin. Si c’étaient des bâtiments en chêne la concurrence serait possible : mais déjà on s’est trouvé d’accord sur ce point, qu’on ne nationaliserait pas les bâtiments qui ne seraient pas construits en chêne.

M. d’Hoffschmidt. - J’avais aussi songé aux dangers que pouvait offrir l’assimilation du pavillon des pays du Nord au pavillon belge ; mais ce qui m’avait rassuré, c’est que, dans l’article que nous discutons en ce moment, l’assimilation ne peut avoir lieu par arrêté royal qu’en ce qui concerne les pays hors d’Europe. Quant aux produits qui viennent d’Europe, il faudra toujours un traité. Il n’en est pas moins vrai cependant que l’éventualité indiquée par l’honorable M. Dubus pourrait avoir lieu, qu’un traité pourrait être conclu entre les pays du Nord et la Belgique, lequel assimilerait le pavillon du Nord au pavillon belge. Je crois qu’un semblable traité serait très désavantageux à la Belgique. Mais, enfin, puisque cette éventualité peut se réaliser, il ne fait pas oublier que le but que nous avons eu principalement en vue, en augmentant les droits d’entrée sur les bois étrangers, a été d’accorder une protection à la production nationale ; que nous avons eu bien plus égard à cet intérêt qu’à l’intérêt même de la navigation nationale.

Dès lors, je ne vois pas grand inconvénient à porter de 2 à 3 fr. le droit d’entrée sur les importations de bois par pavillon national. Je ne vois pas grand inconvénient à cette augmentation, parce que je n’espère pas beaucoup de voir les bois étrangers importés en grande quantité sous pavillon national. Je ne m’opposerai donc pas à la proposition de l’honorable M. Dubus.

Quant à l’amendement de M. Delfosse que l’honorable membre a présenté comme une marque de sympathie qu’on devait accorder à la province de Liége, sous ce point de vue, je serais disposé à voter pour son adoption, car il n’a pas une grande importance ; mais en le votant, nous sortons du cadre où nous nous sommes placés : nous n’avons pas voulu réviser tout le tarif des bois, mais seulement nous attacher à deux catégories principalement importées par mer. Si nous voulons nous occuper les autres catégories, nous n’en finirons pas. La réduction du droit qu’on nous propose n’équivaudrait qu’à 2 p. c., car les 10 p. c. portés au tarif ne sont en réalité que 5 à 6 p. c.

Il ne s’introduit de ces bois dans la province de Liége que pour une valeur de 11 mille francs par an ; vous voyez que cela n’a pas une grande importance pour les houillères de la province de Liége. Il ne faut pas oublier que quand en 1840, on a porté à 10 pour cent le droit sur les perches, on y avait attaché une grande importance pour les propriétaires de la Campine, car il y a une masse de propriétaires qui ont des perches en quantité. C’est un intérêt qu’il faut aussi ménager. Malgré la sympathie que je porte à la province de Liége, il m’est impossible de voter pour cet amendement.

M. Dubus (aîné). - Je ne dirai que deux mots pour établir que l’amendement que j’ai l’honneur de proposer n’est pas inutile par cela seul qu’il faudrait une loi pour nationaliser les navires du Nord, En effet, admettez que cette hypothèse se réalise, je vous demande s’il serait temps de modifier votre tarif ? Quelle couleur aurait cette mesure ? N’auriez-vous pas l’air de changer votre tarif en fraude du traité ? Etablissez donc un tarit tel que vous n’ayez pas à vous repentir du chiffre que vous aurez posé dans votre loi, chiffre qui est inutile pour favoriser la navigation nationale, mais qui est important en ce que ce serait la navigation du Nord, qui viendrait faire la guerre aux produits de votre pays. Vous ne pourriez pas changer votre tarif, vous paraîtriez faire un acte de déloyauté ; c’est maintenant que vous devez faire un tarif pour le cas où cette hypothèse se réaliserait.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que l’honorable membre ne fait pas assez. Il reconnaît maintenant, il ne l’a même jamais contesté, que l’assimilation ne peut pas être prononcée autrement que par un traité. Il veut mettre des limites au système des négociations ; partant de l’idée que le traité ne pourrait avoir pour base que la simple réciprocité, il se prémunit contre le danger d’une négociation, en rendant le chiffre par pavillon belge de provenance directe assez élevé. Mais on pourrait négocier dans le système d’un chiffre inférieur à trois francs. Le gouvernement pourrait faire un traité avec les pays du Nord, en prenant un chiffre moindre que celui de 3 et même 2 fr. Vous voyez donc que l’honorable membre se fait illusion. Il ne peut pas mettre de limite au système de négociation que le gouvernement pourrait adopter à ses risques et périls ; les chambres statueraient. Je pense que, quoi qu’il fasse, si ces craintes le dominent, il ne pourra pas y échapper complètement. Je pense qu’il faut mieux maintenir les droits de 2 et 4 fr., parce que nous admettons par là la possibilité, la probabilité d’importations par pavillon national. Je ne parle que de ce point ; quant au droit constitutionnel du gouvernement de négocier, on ne peut pas y apporter de limite.

M. Huveners. - Je viens m’opposer à la réduction du droit sur les perches de sapin. La Campine en a suffisamment pour en fournir à la province de Liège autant qu’elle peut en avoir besoin, La protection existante est nécessaire à la Campine pour soutenir la concurrence, non seulement avec la partie cédée du Limbourg, mais avec le Brabant septentrional car le canal de Bois-le-Duc vous apporterait toutes les perches du Brabant septentrional, et la Campine ne pourrait pas se défaire des siennes.

L’honorable M. Delfosse prétend qu’il faut au moins une mesure temporaire en faveur des houillères jusqu’à l’exécution du canal de la Campine, mais dans le courant du mois de juillet, la première section de ce canal sera livrée à la navigation, les bateaux de Liége pourront venir jusqu’au cœur de la Campine. Il y a des semis de sapin de 20, de 30 ans et plus anciens en état de fournir à la province de Liége toutes les perches dont elle peut avoir besoin.

- L’amendement de M. Dubus (aîné) est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

Le tarif relatif aux bois, est définitivement adopté.

Les deux dispositions additionnelles proposées par M. le ministre de l’intérieur aux notes marginales sont adoptées.

L’amendement de M. Delfosse est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

M. Zoude. - Je demande si on considère comme non entièrement sciés, les bois sciés qui restent réunis à leur extrémité.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On scie les poutres ; mais on laisse subsister un bout non scié qui tient ensemble les différentes planches, Cela se fait pour faciliter le chargement, mais c’est bien du bois scié, ce sont bien des planches.

- L’ensemble de l’article bois est adopté.

De boissons distillées à cotons en laine

Articles relatifs aux boissons, au cacao, au cachou, au café, à la cannelle, aux cendres gravelées, au chanvre, aux cheveux, aux cornes et aux cotons en laine

- La chambre confirme sans discussion les articles du tarif relatif aux boissons, au cacao, au cachou, au café, à la cannelle, aux cendres gravelées, au chanvre, aux cheveux, aux cornes et aux cotons en laine.

Cuirs et peaux

M. le président. - La chambre passe à l’article suivant :

« Cuirs et peaux bruts ou non apprêtés. - Grandes peaux (Note (a) : Par grandes peaux, il faut entendre les peaux de chevaux, de bœufs et taureaux, de bouvillons et taurillons, de buffles et de bisons, de vaches et de génisses, d’ânes et de mulets, d’éléphants, ainsi que celles de chiens marins ou d’autres grands animaux de mer.)

« (Verts, salés ou non.)

« De pays hors d’Europe ou d’un port au-delà du détroit de Gibraltar, les 100 kil., par pavillon national, 5 c. ; par pavillon étranger, 1 fr 50 c., droits de sortie, 5 fr.

« D’ailleurs, les 100 kil., sans distinction de pavillon, 2 fr. 25 c. ; droit de sortie, 5 fr.

« (Secs, salés ou non.)

« De pays hors d’Europe ou d’un port au-delà du détroit de Gibraltar, les 100 kil,, par pavillon national, 5 c. ; par pavillon étranger, 2 fr. ; droit de sortie, 12 fr. (Note b : Le droit de 12 fr. par 100 kil, sera applicable non seulement aux cuirs et peaux (grandes peaux) désignés ci-dessus, mais aussi généralement aux cuirs et peaux de toute autre espèce secs, salés ou non, en tant qu’ils soient bruts ou non apprêtés. Pour tes peaux de lapins et de chevreaux en poils, fraîches ou sèches, brutes ou non préparées, te droit de sortie sera de fr. 50 par 100 kil.)

« D’ailleurs, les 100 kil., sans distinction de pavillon, 3 fr. 50 c. ; droit de sortie, 12 fr. (Note b : Le droit de 12 fr. par 100 kil, sera applicable non seulement aux cuirs et peaux (grandes peaux) désignés ci-dessus, mais aussi généralement aux cuirs et peaux de toute autre espèce secs, salés ou non, en tant qu’ils soient bruts ou non apprêtés. Pour tes peaux de lapins et de chevreaux en poils, fraîches ou sèches, brutes ou non préparées, te droit de sortie sera de fr. 50 par 100 kil.)

« (Rognures de cuir vertes.) (Note (c) : Il est réservé au gouvernement de permettre l’exportation des rognures de cuir par certains bureaux sous paiement de droits. (Loi du 24 décembre 1828).

« Directement d’un pays hors d’Europe, les 100 kil., par pavillon national, 5 c. ; par pavillon étranger, 50 c. ; prohibées la sortie.

« D’ailleurs, les 100 kil., sans distinction de pavillon, 75 c. ; prohibées à la sortie.

« (Rognures de cuir sèches.) (Note (c) : Il est réservé au gouvernement de permettre l’exportation des rognures de cuir par certains bureaux sous paiement de droits. (Loi du 24 décembre 1828)).

« Directement d’un pays hors d’Europe, les 100 kil., par pavillon national, 5 c. ; par pavillon étranger, 1 fr. ; prohibées à la sortie.

« D’ailleurs, par 100 kil., sans distinction de pavillon, 1 fr. 50 c. ; prohibées à la sortie.

« Ouvrages de cuir et de peau, les 100 fr,, sans distinction de pavillon, 18 fr. ; droit de sortie, 5 c. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai annoncé hier dans le comité secret que je proposerais une addition à la note b ; il s’agit là de matières premières très précieuses, qu’on veut conserver dans le pays.

Mais, pour être conséquent, il faudrait également un droit nouveau de sortie sur les peaux préparées et apprêtées.

Le droit sur les peaux fraîches ou sèches, brutes ou non préparées, sera d’environ 10 p. c. Je pense qu’il suffirait d’un droit de 7 p. c. sur les peaux préparées et apprêtées.

Cent kilog. de peaux brutes de ce genre valent 500 fr. ; 100 kilog. de peaux apprêtées valent 2,000 fr. Je propose donc l’addition suivante à la note b :

« Il (ce droit) sera triple sur ces mêmes peaux préparées et apprêtées. »

Ainsi les corroyeurs, tous ceux qui emploient ces peaux, trouveront dans le tarif la compensation dont j’ai parlé. Nous faisons droit à une réclamation constatée par la commission d’enquête. Je me fais un plaisir de le déclarer. La commission d’enquête a vivement insisté sur la nécessité d’un droit plus protecteur sur cette matière première.

- La disposition additionnelle à la note b proposée par M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix et adoptée.

M. David. - Je ne reproduirai pas les observations que j’ai eu l’honneur de présenter hier. M. le ministre des finances a déclaré qu’il y aurait égard, et qu’aujourd’hui dans la matinée il verrait s’il y a moyen, par les documents qu’on pourrait se procurer, de reconnaître quelles sont les peaux qui ont payé un droit de 6 p. c. à la sortie de Hollande ; et de diminuer le droit sur ces peaux qui doivent entrer par la Meuse.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Voici de quoi il s’agit.

Nous n’avons voulu faire entrer dans le système des droits différentiels, en augmentant le tarif que les cuirs des pays hors d’Europe et quelques cuirs du levant (de la mer Noire) ; nous n’avons pas voulu d’augmentation de droit sur les cuirs originaires des pays limitrophes, des pays qui nous avoisinent, qui nous entourent, cuirs qui servent principalement à toutes les petites tanneries de la frontière. Il se trouve que nous avons été plus loin que nous ne pensions, que par le mot d’ailleurs, tous les cuirs sont frappés indirectement. Le mot d’ailleurs a deux significations : « cuirs de pays hors d’Europe ou d’un port au-delà de Gibraltar ; » cela veut dire : cuirs de pays hors d’Europe, importés de ces pays par mer. » Le mot d’ailleurs, qui suit, a un sens plus étendu ; il comprend les cuirs des pays limitrophes.

Ne convient-il pas de faire une distinction ? Elle est dans le tarif actuel ; les cuirs indigènes sont frappés d’un droit de 6 p. c. à la sortie ; le même tarif existe encore en Hollande. Les cuirs indigènes sont frappés d’un droit beaucoup plus élevés en France ; ils sont frappés d’un droit de 25 fr. à la sortie. Vous voyez que tous les pays limitrophes veulent conserver ces matières premières, ne veulent pas les laisser sortir. C’est peut-être pour nous une raison de les laisser entrer. (On rit.)

Je crois donc que nous n’avions pas en vue de nous occuper des cuirs originaires des pays limitrophes, que dès lors, pour être fidèle à cette pensée, il faut, par une note, faire une distinction ou plutôt donner une explication.

Je propose donc de dire :

« D’ailleurs, 225 (Note (d) Ces droits seront de moitié pour les cuirs originaires des pays limitrophes et soumis dans ces pays à un droit de sortie ; le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour en constater l’origine.)

« D’ailleurs, 350 (Note (d) Ces droits seront de moitié pour les cuirs originaires des pays limitrophes et soumis dans ces pays à un droit de sortie ; le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour en constater l’origine.)

Ainsi les cuirs qu’on emploie dans la province de Liége et qui sont originaires des Pays-Bas (Brabant septentrional et duché de Limbourg), continueront d’entrer à peu près au même droit.

J’ai proposé un droit de moitié, parce que je ne dois pas le cacher, il y a un autre intérêt que celui des tanneries qui serait froissé, et qu’il ne faut pas perdre de vue. Il y a l’intérêt de l’agriculture, de l’élève du bétail ; il ne faut pas, dans cet intérêt, réduire le droit de plus de moitié. En établissant un droit de 12 fr. à la sortie sur les cuirs indigènes, vous avez pris une mesure défavorable à l’agriculture. Si maintenant vous alliez ne protéger l’agriculture que par un droit trop faible sur les cuirs originaires des pays limitrophes, vous frapperiez doublement l’agriculture.

Je crois que l’on fait assez par la proposition qui vous est soumise, qui n’est, au fond, qu’une rectification.

M. David. - La chambre doit avoir égard à la dernière considération que vient de faire valoir M. le ministre de l’intérieur, en faveur de l’agriculture.

Quant à moi, je me déclare satisfait de la proposition que vient de faire M. le ministre de l’intérieur.

La note d, proposée par M. le ministre de l’intérieur, est mise aux voix et adoptée. L’article est adopté avec cette addition et avec l’addition votée à la note b.

Cuivre, épiceries

- Les articles cuivre et épiceries sont mis aux voix ; ils sont définitivement adoptés.

Etain brut

M. le président. - La chambre passe à l’article suivant :

« Etain brut

« Directement d’un port au-delà des caps Horn et Bonne-Espérance, les 100 kil., par pavillon national, 10 c. ; par pavillon étranger, 2 fr. ; droit de sortie, 5 c.

« D’ailleurs, les 100 kil., sans distinction de pavillon, 4 fr. ; droit de sortie, 5 c. »

Et à l’amendement proposé par M. le ministre de l’intérieur, dans cet article : « substituer le droit de 1 c. à celui de 10 c., et le droit de 3 fr. à celui de 4 fr. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il y a eu ici, je l’ai déjà dit, inadvertance de ma part. Notre intention a toujours été de ne pas traiter cet objet, qui d’ailleurs vient de si loin, plus défavorablement que les autres matières premières.

On avait adopté 2 fr. pour le pavillon étranger et 4 fr. d’ailleurs, c’est-à-dire des entrepôts. La différence de 2 fr. est beaucoup trop forte. Je propose donc 1 centime pour le pavillon national, 2 fr. pour le pavillon étranger et 3 fr., c’est-à-dire moins que le droit actuel, qui est de 3 fr. 18 pour les importations des entrepôts.

- La proposition de M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix, et adoptée.

Fruits, gingembre

- Les articles Fruits et Gingembre sont définitivement adoptés.

Goudron

« Directement des pays de production, le last de 2,000 kil., par pavillon national, 10 c. ; par pavillon étranger, 2 fr. 25 c. ; droit de sortie, 5 c.

D ailleurs, le last de 2,000 kil., sans distinction de pavillon, 2 fr. 50 c. ; droit de sortie, 5 c.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois devoir proposer 2 fr. 25 au lieu de 2 fr. 50. Le droit actuel est de 2 fr. 12. L’augmentation forme la compensation à la réduction que l’on vient de voter sur l’étain brut, pour lequel le droit actuel est de 3 fr. 18 au lieu de 3 fr.

Le droit porte d’ailleurs sur une quantité extrêmement forte, sur 2,000 kilog. -

Si je vous propose ce changement, c’est pour que votre loi ne devienne pas impopulaire précisément auprès de ceux chez qui elle doit avoir le plus de popularité. Je ne sais pourquoi on a cherché à répandre le bruit que le goudron allait renchérir singulièrement. Il ne faut pas nous exposer à voir propager ce bruit pour une augmentation de 25 centimes. En un mot, on traitera le goudron comme l’indigo, qui est soumis au même droit (10 centimes), venant des lieux transatlantiques par pavillon étranger, ou des entrepôts européens par pavillon quelconque.

- L’article Goudron, modifié comme le propose M. le ministre, est adopté.

Graines

Graines de colza, de navette, de chenevis ou de chanvre, de lin et de sésame, de came fine et toutes graines oléagineuses non dénommées au tarif.

« Par mer et directement d’un pays hors d’Europe ou d’un port au-delà des détroits de Gibraltar et du Sund, le last de 30 hect., par pavillon national, 1 fr. 50 c. ; par pavillon étranger, 4 fr. 25 c. ; droit de sortie, 12 fr.

« D’ailleurs ou autrement, le last de 50 hect., sans distinction de pavillon, 5 fr. ; droit de sortie 12 fr.

« De lin à semer, de Riga (du 1er août au 1er avril) :

Importé par mer directement de Riga avec justification d’origine, le last de 24 barils, par pavillon national, 10 c. ; par pavillon étranger, 3 fr. ; droit de sortie, 5 fr.

« D’ailleurs ou autrement, le last de 24 barils, sans distinction de pavillon, 10 fr. ; droit de sortie, 5 fr. »

M. Osy. - Lors du premier vote, j’avais proposé de réduire le droit de sortie à 3 fr. au lieu de 12. M. le ministre de l’intérieur m’a engagé à retirer mon amendement, sauf à le reproduire au second vote, disant qu’il devait examiner la question. Je lui demanderai s’il peut aujourd’hui se rallier à ma proposition.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, le droit de sortie de 12 fr. qui existe maintenant équivaut à 2 p. c. à la valeur moyenne du last de 50 hectolitres. Cette valeur étant 592 fr.

A la fin de 1839 la chambre de commerce de Courtrai a proposé l’augmentation du droit de sortie sur les graines oléagineuses.

La question a été examinée dans les deux Flandres, dans le Hainaut et dans le Brabant par une commission mixte composée des délégués des chambres de commerce, des commissions provinciales d’agriculture et des députations des conseils provinciaux.

Il y a eu unanimité pour ne pas augmenter le droit de sortie. On a proposé le maintien du tarif actuel.

Voilà, messieurs, pour le passé, mais depuis un autre fait s’est présenté, si je puis parler ainsi, car ce fait n’est encore qu’une éventualité ; c’est le projet sur les graines oléagineuses, proposé à la chambre des députés de France, et sur lequel elle n’a pas encore statué. Je conviens que si ce projet était adopté, ce fait devrait être pris en considération, et que probablement il y aurait lieu de changer le droit de sortie en Belgique ; ou du moins il y aurait lieu d’examiner la question sous ce point de vue tout nouveau. Cet examen n’est pas fait encore : il ne pouvait pas se faire.

C’est tout ce que je puis déclarer pour le moment. Les circonstances étant restées les mêmes, je crois qu’il faut maintenir le tarif de sortie, tel qu’il existe, c’est-à-dire 12 fr. Je craindrais, messieurs, d’aborder une question qui nous entraînerait très loin, si l’on voulait maintenant, en l’absence de faits nouveaux, changer ce tarif de sortie.

- L’article Graines est mis aux voix et adopté.

De Graisses à Miel

- Les articles Graisses, Huiles, Indigo, Miel, sont définitivement adoptés.

Pierres

Pierres, Marbre brut et en blocs ou dalles

« Par mer de toutes provenances, les 100 fr., par pavillon national, 5 c. : par pavillon étranger, 3 fr. ; droits de sortie, 5 c.

« Autrement, les 100 fr, sans distinction de pavillon, 4 fr. ; droits de sortie, 5 c.

« Marbre poli, sculpté, moulé, scié ou autrement ouvré, les 100 fr., sans distinction de pavillon, 20 fr. ; droits de sortie, 5 c.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l’article Pierres, bien qu’il ne forme pas amendement, n’a été voté que conditionnement.

On a fait deux observations : peut-on se servir de l’expression Marbre moulé ? Ces mots se trouvent dans le tarif français, et j’ai cru ne pas me compromettre en adoptant cette expression du tarif français.

En second lieu, on s’est demandé si les mots ou autrement ouvré, ne pouvaient pas faire supposer que les marbres purement dégrossis, que nos artistes font venir d’Italie, seraient frappés du droit le plus élevé. Je crois que, pour dissiper toute crainte, il faudrait effacer les mots ou autrement ouvré.

M. Rogier. - Messieurs, on demande un droit de 20 fr. sur le marbre poli, sculpté, moulé ou scié. Veut-on par là favoriser les artistes belges ? Je ne pense pas que les sculpteurs belges aient demandé jusqu’à prescrit une protection pour leurs produits. Grâce à Dieu ! les artistes belges sont en état de lutter à armes égales, avec les artistes étrangers. Ce serait, en quelque sorte, leur faire injure, que d’établir pour eux une protection de 20 fr. par 100 fr. de valeur. Je demande donc que, pour l’honneur de l’art, on retranche cette protection de la loi.

Les artistes belges savent se distinguer en pays étranger et je ne sache pas que leurs produits y soient frappés de droits d’entrée. Du reste, ce n’est pas à la Belgique, pays d’art, à suivre de pareils exemples.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne s’agit pas ici de l’art proprement dit, dont l’honorable membre vient de prendre la défense, vient en quelque sorte de défendre l’honneur. Il s’agit d’ornement en marbre que l’on fait venir de pays étrangers. Il y a là autre chose qu’un art, il y a une industrie à protéger.

M. Rogier. - Ainsi il est entendu que cela ne s’applique pas aux objets d’art proprement dits ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a au tarif un article spécial qui porte que les objets d’art, proprement dits, sont exempts de tous droits. Quand vous avez mis un droit sur la toile, vous n’avez pas frappé les tableaux (On rit). De même vous ne vous occupez pas ici des statues, des objets d’art proprement dits.

- L’article Pierres, modifié comme le propose M. le ministre, est adopté.

Plomb

L’article Plomb est définitivement adopté sans discussion.

Poissons non provenant de la pêche nationale

« Poisson non provenant de la pêche nationale.

« (Stockvisch.)

« Par mer et directement des pays de pêche, les 100 kil., par pavillon national 30 c. ; par pavillon étranger, 1 fr. 50 c. ; droits de sortie, 5 c.

« D’ailleurs et autrement, les 100 kil,, sans distinction de pavillon ; 2 fr. 50 c. ; droits de sortie, 5 c.

« (Harengs. - En saumure ou au sel sec.)

« Par mer, la tonne de 150 kil. par pavillon national, 13 fr. ; par pavillon étranger, 15 fr. ; droit de sortie, 5 c.

« Autrement, la tonne de 150 kil,, 16 fr., sans distinction de pavillon ; droit de sortie, 5 c.

« (Secs, fumés ou saurés.)

« Par mer, les 1,000 pièces, par pavillon national, 8 fr. ; par pavillon étranger, 10 fr. ; droit de sortie, 5 c.

« Autrement, les 1,000 pièces, 11 fr., sans distinction de pavillon ; droit de sortie, 5 c.

« (Frais et braillés et plies séchées.)

« Par mer, les 1,000 pièces, par pavillon national, 8 fr. ; par pavillon étranger, 10 fr. ; droit de sortie, 5 c.

« Autrement, les 1,000 pièces, 11 fr., sans distinction de pavillon ; droit de sortie, 5 c.

« (Huître et homards).

« Importés par mer, les 100 fr., par pavillon national, 12 fr. ; par pavillon étranger, 16 fr. ; droit de sortie, 5 c. »

« Autrement, les 100 fr,, 16 fr., sans distinction de pavillon, droit de sortie, 5 c.”

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dois appeler de nouveau l’attention de la chambre sur l’article Stockvisch.

C’est un objet très important pour nos relations avec le Nord. J’ai eu l’honneur de faire connaître à la chambre un fait important : c’est que le pays qui nous envoie le stockvisch, l’a imposé du droit d’un franc à la sortie. Il a pu le faire, grâce à la modération de notre tarif, qui était de 30 cent. indistinctement.

J’avais d’abord proposé le tarif suivant :

« Par mer et directement des pays de pêche par pavillon national, 3 fr. ; par pavillon étranger, 4 fr. 50.

« D’ailleurs ou autrement, 5 fr. 59 c. »

On a trouvé ce tarif trop élevé et vous avez, provisoirement et sans examen nouveau que je me suis réservé de faire, adopté le tarif suivant :

« Par mer et directement des pays de pêche : pavillon national, 30 cent. ; pavillon étranger 1 fr. 50 c.

« D’ailleurs ou autrement 2 fr. 50 c.

Je crois, messieurs, que nous avons été d’un extrême à l’autre, et que ce dernier tarif est trop minime.

Je proposerai :

« Par pavillon national venant des lieux de production 1 fr. ; par pavillon étranger, 2 fr. 50 ; d’ailleurs ou autrement 3 francs. »

Le droit de 1 fr. que vous établirez pour votre pavillon, c’est le droit de sortie qui existe en Suède et en Norvège. Ces Etats ont le plus grand intérêt à voir exporter le stockvisch. Qu’ils abolissent donc ce droit de sortie, et alors la position sera, pour notre pavillon, même plus favorable qu’elle n’est aujourd’hui.

On a invoque l’intérêt des classes pauvres. Mais, messieurs, je ferai remarquer d’abord que le droit est peu élevé ; 1 fr. représente 2 p. c., 2 fr. 50 c., 4 1/2 p. c., la valeur du stockvisch étant par 100 kilog. de 46 à 50 fr. Ensuite, messieurs, la morue coûte moins que le stockvisch, car la morue ordinaire ne coûte que 30 à 35 fr. par 100 kilog., tandis que, comme je viens de le dire, le stockvisch coûte 46 à 50 fr. (Interruption.) Il y a une espèce de morue qui coûte plus cher, c’est celle qu’on appelle landorium, mais la morue ordinaire ne coûte que 30 à 35 fr. les 100 kil. ; le pauvre en mange.

On invoque nos relations avec la Suède et la Norwége, mais ces relations sont surtout avantageuses à ces pays. Grâce à la réciprocité de droit que nous avons adoptée, ces pays nous ont envoyé en moyenne pendant les cinq dernières années, 181 navires, qui ont joui de la remise de toute surtaxe de droits de navigation et du remboursement du péage de l’Escaut ; de notre côte, nous avons envoyé un seul navire en Suède. Ce système de réciprocité qui existe entre la Suède et la Norwége et nous, n’existe qu’en vertu de déclarations ministérielles. Je crois que sa position doit être régularisée ; que le statu quo est de fait à notre détriment. Une réciprocité de droit ne suffit pas, selon moi ; il faut des réalités, se compensant mutuellement.

M. Osy. - M. le ministre de l’intérieur nous cite, messieurs, à l’appui de sa proposition, le droit de sortie qui existe en Norwége mais si, indépendamment de ce droit de sortie, nous élevons nos droits d’entrée, le stockvisch coûtera encore plus cher. On dit que l’on pourra négocier, mais quel résultat les négociations pourront-elles amener ? ce sera d’assimiler le pavillon suédois au pavillon belge, et si la Norwége veut supprimer son droit de sortie, il restera toujours un franc à payer.

M. Cogels. - Je voulais seulement faire une observation. Un des arguments de M. le ministre reposait sur ce qu’il y aurait une différence de prix entre la morue et le stockvisch, Cela serait vrai si le stockvisch était consomme dans l’état où il nous arrive, mais ce n’est pas du tout le cas ; lorsque le stockvisch est préparé de manière a être livré au consommateur, il a beaucoup augmenté en poids et se trouve coûter beaucoup moins que la morue.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai fait cette observation parce que l’on soutenait que le stockvisch était la nourriture du pauvre ; eh bien, l’honorable membre vient confirmer ce que j’ai dit, car il résulte de ses paroles que le stockvisch coûte encore plus cher que je ne l’avais supposé. (Interruption.) Je crois, messieurs, pouvoir répéter que le stockvisch n’est pas la nourriture des classes pauvres.

Un membre. - Des classes moyennes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Quant aux classes moyennes, nous ne nous entendrons jamais sur la signification de ce mot.

Quoi qu’il en soit, messieurs, le droit de sortie est le droit que la Suède et la Norwége croient pouvoir maintenir à la sortie sans empêcher l’exportation. Eh bien, je le demande, empêcherons-nous l’importation en fixant également le droit d’entrée à 1 fr. Si la Suède reconnaît que le droit de 1 fr. entrave l’exportation, elle nous donnera un exemple que nous attendons vainement depuis longtemps, elle abolira son droit à la sortie.

Je persiste à croire, messieurs, que nous devons revenir sur le premier vote, à l’égard duquel j’ai d’ailleurs fait toutes mes réserves et adopter les chiffres de 1 fr. et de 2 fr. 50.

M. Rogier. - Messieurs, le droit actuel est de 32 centimes par 100 kil. M. le ministre propose 1 fr. pour le pavillon national et 2 fr. 50 cent. pour le pavillon étranger, c’est-à-dire qu’il propose d’élever le droit de 32 centimes à 2 fr. 50 cent., attendu, encore une fois, que le stockvisch, pas plus que le bois, ne nous arrivera par pavillon national. C’est ce que M. le ministre vient de reconnaître, puisqu’il vous a dit que sur 181 navires suédois et norwégiens qui sont arrivés dans nos ports, un seul navire belge s’est rendu dans les ports de ces pays. C’est donc le droit imposé au pavillon étranger qu’il faut prendre en considération, et dès lors, j’ai raison de dire que l’on propose de porter le droit de 32 centimes à 2 fr. 50 cent.

Et dans quel but nous fait-on une semblable proposition ? Ce n’est pas dans l’intérêt de la navigation nationale, puisque pour elle la lutte est impossible ; c’est, dit-on, pour arriver à des négociations. Mais ces négociations où peuvent-elles vous conduire ? Au rétablissement du statu quo et pas au-delà. Je crois que j’embarrasserais fort M. le ministre de l’intérieur, si je lui demandais ce qu’il pense obtenir de la Suède et de la Norwège, au-delà du statu quo. Aujourd’hui la Suède et la Norwège nous reçoivent d’une manière toute privilégiée ; elles reçoivent les marchandises belges par pavillon belge de la même manière que par pavillon suédois ou norwégien, qu’espère-t-on de plus ? Chez nous, au contraire, les marchandises arrivant sous pavillon suédois et norwégien, sont frappées d’une surtaxe de 10 p. c. Eh bien ! les négociations auront pour résultat d’établir nos relations avec la Suède et la Norwège sur un pied de parfaite égalité, c est-à-dire de décharger la navigation de ces pays de la surtaxe qui pèse sur elle. Ainsi le motif que vous puisez dans le désir d’ouvrir des négociations avec la Suède et la Norwége, ce motif est complètement nul. Quant à moi, je n’attends absolument rien de ces négociations ; l’état actuel des choses est très convenable ; il ne faut pas en sortir.

Mais si vous augmentez vos droits de douane sur les produits de la Suède et de la Norwége, qui vous dit que ces pays n’augmenteront pas leurs droits de douane sur les produits belges ? Or, ainsi que je l’ai déjà démontré, nos exportations vers les contrées du Nord vont croissant d’année en année, tandis que les exportations des contrées du nord vers la Belgique restent stationnaires. Ne négocions donc pas pour changer un état de choses aussi avantageux ; négocions le moins possible, car je crains fort que nos négociations n’aboutissent à un résultat fâcheux.

Lorsque M. le ministre nous a dit qu’il demandait à réfléchir sur le chiffre adopté, j’ai compris que ses réflexions porteraient sur une diminution des droits ; pas du tout, il a réfléchi, pourquoi ? pour nous proposer une nouvelle augmentation.

Quoi qu’on en dise, messieurs, le stockvisch est la nourriture, si pas des classes pauvres, au moins des classes ouvrières. On dit : « c’est un faible droit, » Mais 2 fr. 50 font 2 cent, et demi par kilog., et cela n’est pas peu de chose pour les classes ouvrières ; il ne faut pas répéter beaucoup de fois 2 cent. et demi pour arriver au salaire de la journée.

Ainsi, messieurs, j’engage M. le ministre à rester d’accord avec ses premières dispositions et à ne pas modifier encore une fois ce qu’il avait propose dans la discussion première, c’est-à-dire le chiffre de 50 cent.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce n’est pas moi qui ai propose le chiffre de 50 centimes.

M. Rogier. - Vous l’avez adopté.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je l’ai laissé voter en faisant mes réserves.

M. Rogier. - Nous avions proposé 50 centimes pour le pavillon national et 1 fr. 50 pour le pavillon étranger. La chambre a adopté ces chiffres qui constituaient réellement une augmentation de 1 fr. 18 cent., puisque le droit actuel est de 32 cent., et que le stockvisch ne nous arrivera jamais par pavillon national.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce n’est pas moi qui ai proposé le droit de 50 centimes par pavillon étranger, c’est l’honorable M. Osy, et cet honorable membre a reconnu lui-même tout à l’heure que c’est en faisant toutes mes réserves que j’ai consenti à l’adoption de sa proposition. Du reste, je serais dans mon droit en revenant aujourd’hui sur cette première proposition.

Il y a une chose que l’honorable préopinant perd toujours de vue, c’est l’existence d’un droit de sortie 1 franc en Suède et en Norwège.

Pourquoi les pays producteurs s’obstinent ils à maintenir un droit de sortie, et de quel droit viendraient-ils se plaindre que nous établissons à l’entrée le même droit d’un franc ?

Que l’honorable M. Rogier veuille bien expliquer comment la Suède pourrait nous adresser des plaintes. Que le gouvernement supprime le droit d’un franc à la sortie, abolition qu’on a vainement demandée, et alors le tarif deviendra extrêmement modéré ; le pavillon belge, dans ce cas, ne payerait plus qu’un franc, au lieu d’un franc trente qu’il paye aujourd’hui.

Au reste, je crois que les navires belges pourront très bien aller chercher du stockvisch aux lieux de pêche ; je n’en désespère pas, et la preuve, c’est qu’un navire a fait une expédition de ce genre.

Si j’ai cité les relations de navigation qui existent entre la Suède et la Belgique, c’est parce que, dans cette séance, comme dans beaucoup de séances précédentes, et notamment au sujet de l’article Bois, on a combattu toute augmentation de droit en cherchant à inspirer des inquiétudes sur les mesures que la Suède et la Norwége pourraient prendre à notre égard. Je ne brave personne ; je constate les faits.

Aujourd’hui, la Suède et la Norwége jouissent de toutes les remises de surtaxe de navigation, ainsi que du remboursement du péage de l’Escaut pour 181 navires. C’est là un bel avantage. (Interruption.) Ces deux pays, me dit l’honorable M. Rogier, payent les 10 p. c. ; je le sais, mais je désire qu’on me dise de quelle utilité est pour la Belgique la réciprocité de navigation avec la Suède et la Norwége ; un seul navire belge s’est rendu dans ces parages. Vous voyez donc, que si ce gouvernement croyait devoir user de représailles, il s’exposerait à voir cesser la réciprocité de navigation qui existe aujourd’hui avec le remboursement du péage de l’Escaut, réciprocité qui est tout à son avantage ; et que, selon moi, nous n’aurions jamais dû admettre sans un complément de concessions.

M. Rogier. - M. le ministre de l’intérieur me dit que je ne prends pas garde à cette circonstance, que la Suède impose un droit d’un franc à la sortie du stockvisch. Mais parce que la Suède grève son stockvisch d’un droit de sortie, s’ensuit-il que la Belgique doive ajouter un nouveau droit à ce droit de 1 fr. ? S’ensuit-il qu’elle doive augmenter démesurément le droit actuel, porter ce droit de 32 c. à 2 fr. 50 c. par 100 kilog. ? Je ne comprends pas cette manière de raisonner.

M. le ministre de l’intérieur vient de dire qu’il n’y avait pas en fait de réciprocité de navigation entre la Belgique et la Suède. Nous le savons bien : il n’y aura jamais de réciprocité, à moins de transporter la Belgique en Suède, à moins de placer la Belgique dans les mêmes conditions où se trouvent la Suède et la Norwège pour la construction des navires.

Mais il peut y avoir réciprocité et réciprocité avantageuse au point de vue de l’industrie, et là nous pouvons regagner des avantages que nous serons toujours obligés d’accorder à la Suède au point de vue de la navigation. Notre industrie a beaucoup à gagner à nos relations avec la Suède ; j’ai fait remarquer que l’importance de ces relations, quant la Belgique, allait toujours croissant, tandis qu’au point de vue industriel, la Suède et la Norwége sont restées stationnaires : que l’importation de son bois et de son poisson n’est pas allée en croissant, proportionnellement au développement de nos relations industrielles avec ce pays.

Eh bien, si nous frappons d’une surtaxe de douane les produits de la Suède, il peut se faire que la Suède, toujours en conservant son pavillon maître de la navigation, frappe les produits industriels belges d’une surtaxe, et n’est-il pas à craindre qu’on n’arrête par là les progrès incessants que nous faisons vers les pays du Nord ? C’est une nouvelle inconséquence dans cette loi qui en renferme tant d’autres. La loi a eu pour but primitif de faciliter l’exportation de nos produits ; ne prenons donc pas de dispositions qui contrarient nos exportations. Quel motif existe-t-il pour entraver nos relations avec la Suède et la Norwége ? Si nous avions quelque espoir de pousser notre pavillon vers les contrées du Nord, je concevrais qu’on risquât de compromettre nos intérêts industriels au profit du pavillon belge. Mais peut-on espérer de lutter jamais contre la marine des Etats du Nord ? L’Angleterre ne le peut pas, la France, encore moins ; la Belgique le pourrait-elle ? Ménageons donc nos relations industrielles avec ces pays.

On a fait dans la loi une concession qui la renverse, on l’a faite à un pays voisin avec lequel nos relations industrielles sont considérables. Pourquoi ne pas ménager d’autres pays plus éloignés, avec lesquels nos rapports industriels prennent de jour en jour un plus grand développement ? Soyez conséquent autant que possible. Il y a peut-être un intérêt fiscal caché là-dessous. Cela donnerait encore à la loi un autre caractère ; mais jusqu’ici on n’a pas traité la question sous ce point de vue.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il y a sans doute un intérêt fiscal qui se rattache à la loi, mais cet intérêt est ici très mince. Nous avons ménagé les puissances du Nord dans beaucoup d’articles ; nous les avons d’abord ménagées par la grande exception que nous avons faite pour deux ans en faveur de tous les ports de la Baltique. Nous avons ensuite maintenu le tarif actuel pour beaucoup d’objets, pour le goudron, pour les cendres gravelées, etc.

Mais ici nous rencontrons un droit de douane qui est nul. Vous quadruplez, vous quintuplez le droit, dit l’honorable préopinant. Mais qu’est-ce que c’est que quintupler un droit presque imperceptible ? C’est un droit nul. Il est tellement vrai que ce droit est nul que le pays producteur a pu impunément, sans nuire à l’exportation de son stockvisch, mettre un droit d’un fr. à la sortie. Le droit nouveau d’un fr. d’entrée en Belgique équivaut à 2 p. c. ; le droit de 2 fr. 50 c. pour le pavillon étranger équivaut à 4 p. c. Eh bien, je permets à tous les gouvernements étrangers de mettre 4 p. c. sur les produits belges ; je voudrais que nous en vinssions là. (Assentiment et rires.)

M. de Garcia. - L’honorable M. Rogier a appuyé son argumentation sur un fait ; il a dit que l’exportation des produits de l’industrie belge vers le Nord a été croissante, tandis que l’importation des produits du Nord en Belgique serait restée stationnaire, et de ces faits il tirait la conséquence qu’il serait maladroit et dangereux de s’exposer à perdre un marché favorable, un marché d’avenir. La force de cette argumentation ne peut résulter que de l’exactitude des faits. Il m’est difficile d’admettre que les importations du Nord en Belgique soient restées stationnaires depuis 1830 ; car je suppose que l’honorable M. Rogier a pris pour point de départ de ses calculs l’époque où la Belgique s’est constituée en état d’indépendance ; depuis 1830, dis-je, la Belgique a reçu du Nord beaucoup plus de bois qu’elle n’en recevait précédemment, et ses importations se sont surtout singulièrement accrues dans ces dernières années. Tous les marchés centraux du pays, le marché de Namur même, au milieu des propriétés forestières, sont encombrés de bois du Nord. Il n’est donc pas exact, je pense, de dire que les importations du Nord sont restées stationnaires ; jusqu’à preuve contraire, j’ai tout lieu de supposer qu’elles ont pris autant de développement que l’exportation de nos produits industriels vers ces contrées. C’est au surplus un point que doit pouvoir éclaircir le gouvernement.

- Les trois chiffres nouveaux proposés par M. le ministre de l’intérieur, quant à l’article Stockvisch, sont successivement mis aux voix et adoptés.

L’ensemble de l’article Poisson, avec les dispositions marginales, est ensuite mis aux voix et définitivement adopté.

Poivre et piment

L’article Poivre et piment est confirmé.

Quercitron

- Il n’y a pas d’amendement.

M. Rogier. - La chambre ne doit pas se faire illusion sur la puérilité d’un assez grand nombre de propositions du tarif ; au moins les deux tiers des articles sur lesquels les droits différentiels n’amèneront aucun profit. Je ne veux pas en donner la liste. Vous en avez déjà vu quelques-uns passer sous vos yeux qui ne méritaient pas les honneurs de l’impression et de la discussion. Le quercitron, par exemple, il n’en est pas entré un seul kilog. dans le pays. Je ne sais pas si un pareil objet mérite de figurer dans le tarif des droits différentiels.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je regarde comme sérieux tout ce qui est nécessaire ; en faisant un tarif de droits différentiels il faut y comprendre non seulement quelques articles importants, mais tous les articles qui tombent de fait dans le système des droits différentiels, quelque soit leur nom, ce nom fût-il même burlesque.

C’est sur la demande de la chambre de commerce d’Anvers, tant de fois invoquée dans cette discussion, qu’on a introduit plusieurs articles, non seulement celui-ci mais beaucoup d’autres. Cette espèce de ridicule, on pourrait le jeter sur le tarif entier des douanes, car il renferme des articles de ce genre. Quant au quercitron, on l’introduit sous un autre nom, je ne pourrais pas dire maintenant en quelle quantité.

Il y a beaucoup de ces articles qui contribuent à faire des cargaisons, c’est pourquoi on a demandé que des articles de minime apparence fussent insérés dans le tarif afin que la marine belge sût qu’il y aurait avantage à les comprendre dans les cargaisons.

Riz, résines, rotins

Les articles Riz, Résines, Rotins, sont adoptés sans discussion.

Salpêtre brut

« Salpêtre brut.

« (Nitrate de potasse et de soude.)

« Directement des pays de production ou d’un port au-delà des caps Horn et de Bonne-Espérance, les 100 kil., par pavillon national, 10 c., par pavillon étranger, 2 fr.

« D’ailleurs, les 100 kil., sans distinction de pavillon, 3 fr.

« Salpêtre raffiné, les 100 kil., sans distinction de pavillon, 10 fr. ; droit de sortie, 5 c. »

M. Osy. - Lors du premier vote, j’ai négligé de parler de cet article. Je crains que M. le ministre ne puisse se fixer dès à présent sur l’amendement que je vais proposer.

Le nitrate de soude vient de la mer du Sud, nous pourrons l’importer en allant à Valparaiso. Je ne veux rien changer à cet égard, mais M. le ministre soumet le salpêtre brut au même droit que le nitrate de soude.

Nous ne pouvons pas aller chercher le salpêtre brut aux colonies anglaises, nous sommes obligés d’aller le chercher en Angleterre. Nous avons plusieurs établissements pour raffiner le salpêtre. Nous payerons 3 fr. par 100 kil. de salpêtre brut, qui est une matière première pour ces établissements. C’est un article important, car nous en avons importé en un an 460 mille kil. Il doit y avoir erreur dans le tarif ; on a confondu le nitrate de soude avec le salpêtre brut. Pour pouvoir alimenter notre industrie, je demande, que le salpêtre brut qu’on va chercher en Angleterre soit mis sur la même ligne que le nitrate de soude qui vient des lieux de production.

Comme la loi ne sera pas votée aujourd’hui, je demande qu’on remette cet article à demain, afin que M. le ministre puisse prendre des informations.

M. Donny. - Je sais qu’il y a à Valparaiso une espèce de sel qu’on appelle salpêtre et qui peut servir de matière d’encombrement. Je suppose que l’honorable M. Osy n’a pas l’intention d’entraver l’importation de ce sel. J’appuie sa demande de délai, afin que le gouvernement puisse prendre des informations et proposer une mesure qui ne porte pas préjudice aux importations de Valparaiso. Il ne faut pas par un vote émis à la hâte arriver à un résultat autre que celui qu’on se propose.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne m’oppose pas à l’ajournement demandé, mais il faudrait soumettre au régime différentiel le nitrate de potasse. Vous adoptez le projet de loi pour le nitrate de soude ; votre objection ne porte que sur le nitrate de potasse que l’on tire des entrepôts européens.

Voici comment devrait être rédigé l’article :

« Nitrate de potasse et de soude réunis pour les droits différentiels appliqués aux lieux de provenance, par pavillon national, 10 c.

« Par pavillon étranger, fr. 2

« D’ailleurs, pour le nitrate de soude, fr. 3

« D’ailleurs, pour le nitrate de potasse, fr. 2 »

M. Osy. - Il y a erreur dans le tarif.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’y a pas d’erreur. Vous dites que vous pouvez aller chercher le nitrate de soude à Valparaiso.

Le nitrate de potasse est un produit des Indes anglaises. Vous ne prendrez pas le nitrate de potasse précisément aux Indes anglaises, mais vous pourrez le prendre à Syngapore.

M. Osy. - Voici ce que dit la chambre de commerce d’Anvers : nous approuvons le droit proposé par le gouvernement sur le nitrate de soude qui est un produit du lieu, servant à alimenter le commerce d’échange avec Valparaiso ; il n’en est pas de même du nitrate de potasse ou salpêtre brut qui vient des colonies anglaises, et est un aliment de commerce direct, nous sommes obligés de le recevoir directement d’Angleterre. L’importation aurait à payer 3 fr. par 100 kilogrammes.

Je demande que le droit soit de 10 c. par pavillon national, et 2 fr. par pavillon étranger, quelle que soit la provenance.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dis que je fais droit aux observations de la chambre de commerce d’Anvers, quant au nitrate de potasse, malgré l’inconséquence qu’elle présente. Vous dites que vous irez prendre le nitrate de soude à Valparaiso, sur la côte Occidentale de l’Amérique du Sud et vous désespérez d’aller prendre à Syngapore le nitrate de potasse. Il y a même là une contradiction évidente dans le système d’arrivages directs que vous voulez entreprendre avec Java. Vous les prendrez aux Indes anglaises, mais à Singapore, et d’après le tarif, aux mêmes conditions qu’au lieu de production, un centime. Je propose donc qu’on fasse une distinction pour les entrepôts européens et qu’on réduise à 2 fr. le droit sur le nitrate de potasse qu’on en importera, par pavillon quelconque, et qu’on le maintienne à 3 fr. pour le nitrate de soude.

M. Lesoinne. - Le salpêtre brut est une matière première pour l’industrie du pays. On parle constamment de protéger l’industrie. La protection la plus efficace qu’on puisse lui accorder, c’est de diminuer au lieu de renchérir les matières premières qu’elle emploie. Le salpêtre sert à la fabrication de la poudre qui a pris une grande extension en Belgique, et ce qu’on pourrait faire de mieux serait d’en diminuer le droit.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai formulé la proposition de la chambre de commerce d’Anvers. Elle ne demande pas que le droit soit de 10 centimes sur le nitrate de potasse, venant des lieux de production par pavillon étranger. Elle demande qu’on mette le droit de 2 fr. quand il y a importation par pavillon étranger, des pays de production soit des entrepôts européens, par pavillon quelconque.

M. Osy. - Je propose un amendement tendant à réduire à 10 centimes le droit sur les importations de nitrate de soude des entrepôts européens par pavillon national.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce serait une déviation complète de tout le système.

Le droit est aujourd’hui de 2 fr. 12 c. pour ces importations par pavillon national des entrepôts européens, c’est-à-dire de l’Angleterre. On veut réduire ce droit à 10 c. Nous proposons 10 c.. lorsque vous allez chercher le nitrate de potasse à Syngapore ou le nitrate de soude à Valparaiso. Mais nous laissons subsister le droit de 2 fr. sur les importations des entrepôts européens par pavillon national, ou étranger indistinctement.

M. Osy. - Je demande la remise à demain.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne refuse jamais un examen ultérieur. Si la remise à demain peut être agréable à l’honorable membre, je ne m’y oppose pas.

- L’article Salpêtre brut est ajourné à demain.

Savons durs, soufre brut

- Les articles Savons durs et Soufre brut sont mis aux voix ; ils sont définitivement adoptés.

Sucres durs de canne

M. le président. - La chambre passe à l’article Sucres bruts de canne.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’avais annoncé que je proposerais de laisser subsister le même chiffre pour le pavillon étranger. On avait mis 4 fr. 50 c., au lieu de 4 fr, 24 c. pour le pavillon étranger important des entrepôts européens. Je propose 4 fr. 25 c. C’est la proposition de la commission d’enquête.

Pour maintenir un droit différentiel de 1 fr 50 c. en faveur du pavillon national, je propose non plus 3 fr. mais 2 fr. 75 c. par pavillon belge important des lieux d’entrepôt.

Voici donc le tarif :

« D’ailleurs, (Entrepôts européens) : Pavillon national 2 fr. 75 c. ; étranger 4 fr. 25 c. »

Vous remarquerez que l’article est considérablement modifié par l’amendement de l’honorablet M. d'Elhoungne, d’après lequel l’augmentation du droit n’a lieu que par quart d’année en année pour les importations des entrepôts européens par pavillon national.

M. Delehaye. - Je demande la remise à demain ; je prouverai que le droit proposé est la première année de 4 fois, la deuxième de 7 fois, la troisième de 10 fois et la quatrième de 14 fois le droit actuel.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Comme cela nous n’avancerons guère.

Je croyais que par l’amendement det M. d'Elhoungne on avait assez fait.

- La chambre ordonne l’impression de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur et renvoie la discussion à demain.

Rapport de la commission sur les propositions de MM. de Haerne et Eloy de Burdinne

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est entendu que le rapport de la commission d’enquête sur les propositions de MM. de Haerne et Eloy de Burdinne est aussi à l’ordre du jour de demain. (Adhésion.)

Un grand nombre de membres se proposant de partir demain de bonne heure à cause de la fête de dimanche, je proposerai de fixer la séance de demain à dix heures.

- Cette proposition est adoptée.

- La séance est levée à 4 heures et demie.