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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 mai 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative à l’interdiction pour les miliciens de se marier (de Man d’Attenrode), au système des droits différentiels
((+proposition Cassiers) Delehaye, David,
Nothomb, Manilius, Rodenbach, Nothomb)
2) Rapport sur des pétitions relatives
aux droits d’entrée sur les bois (Zoude)
3) Rapport sur une pétition relative au
transit du bétail hollandais (de Haerne,
Delehaye, Delfosse, Rodenbach, de Brouckere, Manilius, Mercier, Delfosse, Lebeau, Malou,
Mercier, Malou, Mercier)
4) Conclusions de la commission
d’enquête parlementaire (commission « de Foere ») et système des
droits différentiels. Politique commerciale du gouvernement ((+négociations
avec la France) Verhaegen, Vandensteen,
d’Hoffschmidt, (+navigation commerciale sur la
Meuse) Delfosse)
(Moniteur
belge n°129, du 8 mai 1844)
(Présidence de M. Liedts.)
M. Huveners fait l’appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction
en est adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Plusieurs membres des sociétés
établies pour le mariage des pauvres, présentent des observations contre la
disposition de la loi, qui défend le mariage des miliciens avant leur 6ème
année de service. »
M. de Man d’Attenrode. -
Messieurs, la requête dont nous venons d’entendre l’analyse mérite toute votre
attention.
Vous savez peut-être que des
associations de charité se sont établies dans la plupart des villes importantes
du pays dans le but de chercher à régulariser les unions illégitimes parmi les
classes indigentes.
Les pétitionnaires s’adressent à la
chambre afin de nous exposer combien le système qui consiste à renvoyer de
nombreux miliciens dans leurs foyers, en leur interdisant de contracter
mariage, est nuisible à morale publique.
Le gouvernement dispose de huit
classes ; sur ces huit classes, deux et demie environ sont sous les armes ;
cinq et demie vivent dans leurs foyers ; et on ne permet de contracter mariage
qu’aux deux plus anciennes.
La question soulevée par les
pétitionnaires est une question difficile, car le mariage est peu compatible
avec le service ; grave, car elle intéresse à un haut degré la morale publique ;
il s’agit d’allier les exigences du service avec la moralité.
Puisqu’une section centrale est
saisie d’un projet d’organisation de l’armée, je demande que cette requête lui
soit renvoyée, afin qu’elle l’examine et qu’elle prenne des conclusions à
consigner dans son rapport.
- La proposition de M. de Man est
adoptée.
_________________________
« La veuve Ramont
demande que son fils Charles-Louis soit libéré du service militaire. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
_________________________
« Plusieurs habitants de Noville-sur-Mehaigne présentent
des observations contre le projet de loi sur les céréales. »
- Renvoi à la section centrale
chargée de l’examen du projet de loi.
« M. Cassiers, sénateur, communique à la
chambre les modifications qu’il se propose d’apporter à son projet de loi sur
les droits différentiels, et déclare qu’il les fera suivre d’un exposé des
motifs, si l’assemblée ordonne le dépôt de ses observations, pendant la
discussion des conclusions de la commission d’enquête parlementaire. »
- Sur la proposition de M. Delehaye,
dépôt sur le bureau pendant la discussion des conclusions de la commission
d’enquête parlementaire, et insertion dans le Moniteur.
« Plusieurs négociants de Gand demandent le
rejet des projets de droits différentiels. »
M. David. -
Messieurs, voilà, j’espère, un fait assez significatif. Comment ! c’est la ville de Gand qui vient aujourd’hui demander le
rejet du projet de loi qui vous est soumis sur les droits différentiels ! Je
vous avoue que c’est pour ainsi dire, à mes yeux, un événement qu’une semblable
pétition. Pour peu que les provinces continuent, et je commence à ne pas en
désespérer, je pense que nous verrons les deux promoteurs des droits
différentiels rester seuls de leur avis.
Je demande la lecture de cette
pétition, si tant est qu’elle ne soit pas trop longue ; je demande, en outre,
que la requête soit insérée au Moniteur,
parce que, dans les circonstances graves actuelles, il convient que tous les
membres de la chambre en puissent prendre connaissance.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je désire qu’il soit donné
lecture de la pétition ; je voudrais savoir pourquoi on a protesté contre les
droits différentiels.
M. Manilius. - Je demande aussi qu’on donne lecture de la pétition, pour que la
chambre ne décide pas la question avant de connaître la requête. Je crois que
la pétition ne s’oppose que conditionnellement aux droits différentiels ;
qu’elle s’attache à prouver que ce n’est pas par les droits différentiels qu’on
devait commencer par protéger l’industrie,
M. Rodenbach. -
Je demande aussi de toutes mes forces qu’on donne lecture de la pétition.
L’honorable M. David vient d’annoncer que les trois quarts du pays repoussent
les droits différentiels, je pense que le pays a une opinion toute contraire,
et lorsque la discussion sera plus avancée, on reconnaîtra la nécessité
d’accorder une protection à la marine comme aux autres industries. Vous avez
l’industrie charbonnière, l’industrie des fers et les autres industries qui ont
une protection de 40 ou 50 p. c.
M. Huveners, secrétaire, donne lecture de la pétition, qui est ainsi conçue :
« A MM. les membres de la
chambre des représentants.
« Messieurs,
« Les soussignés négociants de
Gand, menacés d’avoir leur commerce anéanti, par le nouveau système de douanes,
viennent déposer entre vos mains, leur protestation contre les droits
différentiels projetés, qui compromettent leur avenir, celui du commerce entier
de la ville de Gand et de son industrie.
« Le système actuel de douanes,
depuis notre séparation subite de la Hollande, qui avait coupé nos relations
établies, a consacré, dans l’intérieur du pays, l’existence d’un corps nombreux
de négociants notables, trafiquant seulement avec les ports de l’Europe ; et
sans la protection de la loi actuelle, ils n’ont pas craint de faire dans le
principe de la révolution, et pendant plusieurs années, des sacrifices
continuels pour parvenir au point important où ce commerce est arrivé, et c’est
au moment de voir leurs efforts récompensés, qu’on veut changer le système de
douanes.
« Vous, nos représentants, vous
connaissez tous les avantages que notre commerce procure au pays, en
fournissant aux consommateurs et aux industriels la marchandise d’outre-mer
souvent à meilleur compte, que les importeurs directs
et que par nos efforts nous avons aboli le monopole, dont ceux-ci jouissaient.
« Notre commerce donne de
l’activité à nos ports secondaires, y entretient la prospérité, le bien-être à
toutes les classes, tant agricoles, qu’industrielles et ouvrières. Nos navires
de cabotage sillonnent les mers de l’Europe, favorisent l’exportation des
produits de notre pays et de nos fabriques, et notre commerce leur procure les
frets de retour.
« Par le nouveau système, notre
cabotage, si important, serait également anéanti, sacrifié à quelques grands armateurs
; nos ports secondaires deviendraient déserts, la misère remplacerait l’aisance
d’aujourd’hui ; notre pays, nos fabriques, n’ayant plus les mêmes ressources
d’exporter leurs produits, dans les divers pays de l’Europe, seraient bientôt
forcés de stater leurs travaux.
«
« Le résultat des sacrifices que
« Ces sacrifices, tombant sur
les consommateurs, ruinant les industriels et négociants de notre classe, ne
rétabliraient-ils pas un véritable monopole du marché intérieur de
« Les négociants soussignés,
tous plus ou moins propriétaires, Belges de naissance et de cœur, payent à
l’Etat, outre leurs patentes, des fortes contributions personnelles et
foncières, tandis que la plupart des négociants importeurs
ne sont que des étrangers ne payant qu’une patente, ayant leur fortune en
portefeuille, toujours prêts à emporter ailleurs leurs capitaux, à la moindre
alarme, ou quant il n’y a plus rien à glaner dans notre pays.
« La révolution de 1830
nous en a donné des exemples ; ces grands armateurs ont déserté
« Vous, messieurs, nos
mandataires, vous prendrez nos intérêts à cœur, vous prouverez qu’ils sont
aussi respectables, aussi sacrés, que ceux de quelques grands armateurs, et que
« C’est avec la plus grande
confiance, que nous vous présentons, messieurs, nos sentiments respectueux !
« (Suivent les
signatures.) »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, cette pétition
repose sur deux allégations ; la première, c’est que les matières premières
renchériront ; la seconde, c’est que le cabotage sera anéanti.
Nous prétendons que les matières
premières ne renchériront pas, que le tarif est calculé de manière à ne pas
amener de renchérissements pour les matières premières ; là où l’on nous
prouvera le contraire, nous sommes prêts à faire des réductions nouvelles, des
combinaisons nouvelles.
En second lieu, nous disons que le
cabotage ne sera pas anéanti ; nous conservons au petit cabotage ce qu’il a
aujourd’hui ; nous lui conservons le transport du sel et du sucre brut. S’il
faut faire pour ce dernier objet un changement au projet, s’il faut créer un
système de droit différentiel en faveur du pavillon belge, qui ira dans les
entrepôts européens chercher le sucre brut, nous ferons ce changement. (Interruption.) Nous disons que le
cabotage, non seulement ne sera pas anéanti, mais qu’il trouvera dans la loi
proposée des éléments nouveaux d’activité. Si l’on en excepte les deux articles
sucre et sel, le cabotage n’est favorisé que par les 10 p. c.,
faveur reconnue insuffisante. Eh bien, le cabotage, le petit cabotage et
surtout le grand cabotage, trouveront de nouveaux éléments d’activité, entre
autres, par les droits différentiels, que nous proposons d’accorder au pavillon
belge pour les importations de
- La chambre consultée, décide que la
pétition restera déposée sur le bureau pendant la discussion. Elle en ordonne
eu outre l’insertion au Moniteur.
M. Zoude, au nom de la commission d’industrie. - Les pétitionnaires exposent à
la chambre que, par suite de l’affluence toujours croissante du bois du Nord,
le placement du bois indigène devient chaque année plus difficile sur les
principaux marchés de la Belgique ; mais leurs plaintes les plus vives ont
particulièrement le bois scié pour objet, parce que leur introduction
occasionne un préjudice des plus notables au travail national.
Toutes les propriétés agricoles,
disent-ils, et le fait est exact, ont doublé de valeur, depuis quelques années
; tandis que celle des propriétés boisées va sans cesse en diminuant ; la
raison en est que la loi protège le produit du sol étranger au détriment de la
production du sol national.
Cet état de choses, continuent les
pétitionnaires, est surtout nuisible aux communes qu’ils représentent, en ce
qu’elles possèdent une partie considérable du sol forestier et que c’est dans
leur revenu seul qu’elles peuvent trouver les ressources nécessaires pour
restaurer ou construire les édifices publics, tels qu’église, presbytère,
maison d’école, ainsi que les moyens d’ouvrir ou d’entretenir les
communications vicinales.
Abandonner ces propriétés sans
protection, c’est tarir la source de tout progrès, de toute amélioration.
Se résumant, ils demandent de
prohiber l’entrée des bois sciés et d’élever modérément les droits sur tous les
bois en grume.
Messieurs, des centaines de pétitions
de cette nature vous ont déjà été adressées et elles ont été constamment
accueillies tant par la commission des pétitions que par votre commission
d’industrie.
Pouvait-il en être autrement,
lorsque, d’un côté, les propriétaires de bruyères et des sapinières de la
Campine et du Limbourg vous disaient à satiété que le seul moyen de rendre ces
terres propres à la culture des céréales, était d’abord de les convertir en
sapinières ; mais que cette culture devait être protégée contre l’étranger qui
introduit les perches et les lattes à un prix tellement bas, que toute
concurrence devient impossible ; d’où résulte qu’au lieu d’établir de nouvelles
sapinières, on doit abandonner les anciennes, et c’est ainsi que les
A leur tour, les propriétaires de nos
autres forêts vous ont répété que leurs propriétés chargées de contributions,
qui vont en augmentant chaque année par les centimes additionnels que les
besoins de l’Etat, des provinces et des communes, ajoutent au principal, ne
peuvent lutter davantage contre les produits des pays où il n’existe presque
pas de charge publique, où l’ouvrier en servage doit se contenter du salaire le
plus minime, et d’où la marchandise transportée par la voie maritime coûte
moins, rendue à pied d’œuvre, que le charriage de nos arbres depuis la forêt
jusqu’au marché le plus voisin.
Une protection réelle est donc
nécessaire, elle est réclamée pour tous les bois destinés aux constructions
civiles, on la réclame surtout pour le bois scié, dans l’intérêt de la classe
ouvrière, dont la voix mérite enfin d’être écoutée.
Nous invoquerons ici l’autorité de
Say, qu’on nous oppose si souvent. Voici ce qu’il dit de bien applicable à la
matière que nous traitons : « Lorsqu’un produit intérieur d’une
consommation analogue, et déjà chargé de quelques droits, on sent qu’alors un
produit extérieur par lequel il pourrait être remplacé et qui ne serait chargé
d’aucun droit, aurait sur le premier un véritable privilège. Faire payer un
droit dans le cas, n’est pas détruire les rapports naturels qui existent entre
les diverses branches de production, c’est les rétablir. »
Eh bien, messieurs, si nonobstant
tous les motifs invoqués en faveur d’une protection réelle, les propriétés
boisées continuent à être privées d’appui, il ne restera à leurs propriétaires
que de faire défricher les parties qui présentent quelques ressources à
l’agriculture, de faire défricher les autres pour les abandonner ensuite à la
vaine pâture et se soustraire ainsi aux charges des contributions et aux frais
de gardianat.
Mais on connaît les résultats fâcheux
du déboisement des forêts de celui des montagnes surtout, et ils sont trop
généralement appréciés pour qu’il soit utile de les développer ici. Ce ne sont
pas les théories mais les faits confirmés par l’expérience de tous les temps et
de tous les pays.
On nous dit qu’il faut protéger les
constructions navales ; mais de quel droit exigerait-on que la propriété
forestière soit seule chargée d’en faire le sacrifice, lorsqu’il n’existe en
Belgique aucun produit agricole ou industriel qui ne jouisse d’une protection ?
S’il n’était question que de constructions
navales, la propriété forestière saurait se résigner. Mais étendre le privilège
aux constructions civiles, c’est violer le droit de propriété, c’est agir
arbitrairement, tyranniquement. Accordant tout aux construction navales, la
propriété forestière réclame toute la protection à laquelle elle a droit sur
les autres bois, tels que perches, lattes, madriers et toute espèce de bois
sciés ; elle la réclame dans l’intérêt de la propriété, dans celui de la classe
ouvrière, dans l’intérêt enfin du trésor qui a trop longtemps négligé cette
branche de revenu.
Mais quel doit être le chiffre de
cette protection ? Nous répondons que celui proposé par le gouvernement au
tarif différentiel, § 4, n’est pas suffisant. En effet, un droit de fr. 7-50
par navire national sur les bois sciés, d’une valeur de 75 fr. au minimum par
tonneau, est d’une insuffisance évidente, d’autant plus qu’elle n’atteint pas
même le prix du sciage de la plupart de ces bois. A cet égard nous pouvons
consulter des états qui nous ont été fournis par un des marchands des plus
notables du bois du Nord, et, à coup sûr, qui est l’un des plus instruits ; il
en résulte que le prix du sciage serait du 8ème de la valeur totale du bois, ou
12 1/2 p. c. ; et, suivant un autre calcul, le sciage du bois de Norwège, vu
son peu de qualité, serait de 20 p. c. de sa valeur.
Or, vous le savez, messieurs, et les
marchands de bonne foi en conviennent, on n’importe généralement en Belgique
que des bois de 3ème qualité, ceux de 1ère et 2ème sont réservés pour l’Angleterre
et
Ainsi, le droit proposé par le
gouvernement, loin de protéger la propriété, est même insuffisant pour assurer
le prix du sciage au travail national.
Le droit réclamé à diverses époques,
et par le sénat notamment en 1835, était de 25 à 30 p. c. sur les bois sciés ;
la commission d’industrie, en 1836, avait aussi proposé le chiffre de 30 p.c.
et il nous avait été assuré, au début de la révolution, par des personnes assez
haut placées, que le roi Guillaume, frappé du tort immense que faisait au pays
l’introduction du bois scié, avait délibéré en conseil qu’il serait repoussé
par un droit de 30 p. c., mais les événements s’étant précipités avec trop de
rapidité, la mesure n’avait pu être mise à exécution.
En résumé, votre commission a l’honneur
de vous proposer l’adoption des §§ 1, 2 et 3 du droit du gouvernement, et ce
qui concerne le bois en grume et non scié importé par mer, sauf à en distraire,
si possible, ce qui est relatif aux constructions civiles. Au § 4 : Planches,
Solives, votre commission, à la majorité de 4 voix contre deux, a l’honneur de
vous proposer le droit par navire national de 18 fr. 75 c. par tonneau, ce qui
représente un droit de 25 p.c. à la valeur.
- Il sera ultérieurement statué sur
les conclusions de la commission.
M. Zoude, rapporteur, demande que le rapport soit imprimé séparément, comme documents de la
chambre, indépendamment de l’impression au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Haerne, rapporteur. -
Messieurs, j’ai été chargé par la commission des pétitions de vous présenter un
rapport sur une pétition relative au transit du bétail hollandais.
« Plusieurs éleveurs de bestiaux
dans la commune de Neuve-Eglise demandent que l’arrêté sur le bétail soit
retiré. »
La commission des pétitions vous
propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.
M. Delehaye. - Messieurs, il est réellement inouï que le gouvernement maintienne
une mesure qui, de son propre aveu, ne peut atteindre le but qu’il s’est
proposé et je dis qu’alors même qu’elle aurait réalisé le bien qu’on s’en était
promis, il n’en faudrait pas moins la retirer ; M. le ministre des finances ne
peut pas sortir de ce dilemme : ou l’arrêté du 23 septembre 1842 aura pour
effet d’augmenter le transport du bétail, ou il ne l’augmentera pas ; dans le
premier cas, il faut retirer la mesure puisqu’elle nuirait à l’agriculture, à
l’élève du bétail ; dans le second cas, il faut encore la retirer, puisque vous
n’augmentez point les recettes du trésor, augmentation que seule vous avez eue
en vue. Ainsi, messieurs, si les motifs indiqués par M. le ministre sont
fondés, il doit mettre un terme aux réclamations que le temps ne fera que
rendre plus vives.
J’engage le gouvernement à ne pas
persister dans une mesure qui fait la ruine de l’agriculture.
M. Delfosse. - Il est inouï qu’on cherche à produire constamment la même question
dans cette enceinte, c’est faire perdre du temps à la chambre. On a fixé un
jour pour la discussion ; la discussion a eu lieu ; M. le ministre de finances
s’est expliqué, il vous a dit qu’après l’expérience qui avait été faite, il n’y
avait pas lieu, quant à présent, de retirer l’arrêté. Eh bien, il n’y a pas eu
depuis une nouvelle expérience, les membres de la chambre, opposés à l’arrêté,
ont annoncé que si M. le ministre des finances persistait dans son opinion, une
proposition de loi serait faite. Si ces membres veulent un résultat, qu’ils
déposent cette proposition, mais tant qu’ils ne l’auront pas déposée, toute
discussion sera inutile.
M. Rodenbach. - Les éleveurs de bétail, ceux qui engraissent le bétail dans les
prairies et étables, doivent faire venir de
M. de Brouckere. - Je voulais faire remarquer que si à chaque pétition qu’il plaira à
un seul individu d’adresser à la chambre, la discussion sur l’arrêté dont il
s’agit doit recommencer, nous pourrons bien n’avoir plus à discuter que cet
arrêté. Nous avons mis les adversaires de la mesure en demeure de présenter un
projet de loi.
Un membre. -
On va le présenter.
M. de Brouckere. - Attendez donc, avant de discuter, que le projet de loi soit présenté
; le gouvernement aurait tort de retirer la mesure, le dilemme que l’honorable
M. Delehaye a posé, est faux ; je suis prêt à le réfuter.
Je répète que le dilemme est faux, et
je suis prêt à le prouver ; mais je ne veux pas discuter aujourd’hui cette
question, j’attendrai, pour le faire, le moment où le projet qu’on nous
annonce, sera mis en discussion.
M. Manilius. - Je demande que M. le ministre des finances soit invité à donner des
explications.
M. Delfosse. - Les explications ont été données.
M. Manilius. - Non, elles n’ont pas été données. Je ne sais pas pourquoi M.
Delfosse veut nous tracer une ligne de conduite ; quand l’occasion se présente
de défendre les intérêts de la province de Liége, l’industrie des fers et des
houilles, il ne se tairait pas en dépit de nous quand nous crierions pendant
deux jours de suite. Je crois pouvoir être admis à demander que le renvoi au
ministre soit ordonné avec prière de nous donner des explications.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Il y a quelques jours seulement j’ai donné de longues explications à
la chambre sur cette question. J’ai fourni des renseignements statistiques et
réfuté les arguments présentés par M. Delehaye. Il me semble qu’on fait perdre
un temps précieux à la chambre qui a à s’occuper de choses infiniment graves,
comme l’ont fait observer MM. Delfosse et de Brouckere, en renouvelant cette
discussion à propos de chaque pétition qu’il plaît à telle ou telle personne
d’envoyer à la chambre. Je me suis expliqué d’une manière claire et complète
dans une des dernières séances sur la conduite que tiendrait le gouvernement.
Je reste dans les mêmes termes, il n’y a pas de faits nouveaux. Je suis
toujours convaincu que le transit fait jusqu’à présent n’a pas pu porter le
moindre préjudice à notre agriculture.
M. Delfosse. - Je ne trouverai jamais mauvais que les députés de Gand défendent les
intérêts de leur province, comme ils ne trouveront pas mauvais, je pense, que
je défende les intérêts de la mienne. Ce que j’ai trouvé mauvais, ce n’est pas
qu’on défendît les intérêts des Flandres, mais, qu’à l’occasion d’une pétition,
on reproduisît une discussion à laquelle un tour fixé avait été consacré. Quand
j’ai des intérêts à défendre, j’attends que la question soit à l’ordre du jour
; je ne demande pas la parole à la première pétition venue pour faire perdre à
la chambre un temps qu’elle peut employer plus utilement.
M. Lebeau. - Je ne comprends pas qu’on renouvelle une semblable discussion en
présence de la déclaration faite par plusieurs membres qu’ils étaient décidés à
user de leur droit d’initiative et de présenter un projet de loi tentant à
l’annulation de l’arrête royal.
Il me semble que la chambre prend, à
l’égard du gouvernement, une attitude trop humble, une attitude qu’elle ne doit
jamais prendre. La chambre étant investie du droit d’initiative, chaque membre
ayant le droit de présenter des projets de loi, je ne comprends pas qu’en
présence de la résistance d’un ministre, on se mette en quelque sorte à ses
genoux pour le supplier de retirer un arrêté. Je ne comprends pas une semblable
conduite. La chambre se fait beaucoup plus petite que ne l’a faite la
constitution. Quant à moi, si je croyais une mesure contraire aux intérêts
généraux du pays et qu’après mes premières observations contre cette mesure le
gouvernement persistât à la maintenir, je n’hésiterais pas à quitter mon rôle
de réclamant pour prendre celui que la constitution me permet de prendre, pour
présenter un projet de loi ayant pour objet de faire cesser cette mesure.
M. Malou. - Si l’on revient si souvent sur cette mesure, c’est parce que
plusieurs membres n’ont voulu avoir recours à leur droit d’initiative qu’après
avoir épuisé toutes les tentatives qui pouvaient, qui devaient être faites. Il
y a eu une promesse ; elle n’a pas été tenue. Nous avons fait de nouvelles
tentatives pour voir si le gouvernement persisterait dans le maintien de
l’arrêté du 23 septembre.
M. de Mérode. - Il y persiste ; c’est fini.
M. Malou. -
Non, ce n’est pas fini ; car c’est maintenant que nous userons de notre droit
d’initiative. Nous discuterons le fond. Je regrette que le rapport sur la
pétition ait été fait aujourd’hui, car la proposition se signe en ce moment. Ce
n’est pas se mettre aux genoux des ministres que de faire auprès du
gouvernement des tentatives qui, d’après les convenances, devaient être faites.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable M. Malou vient de dire qu’une promesse a été faite qui
n’a pas été tenue. C’est contre cette assertion que je proteste. Je suis
toujours resté dans les mêmes termes ; la première fois que j’ai pris la
parole, j’ai dit que si le transit du bétail acquérait assez d’importance pour
léser les intérêts de notre agriculture, le gouvernement prendrait des mesures
pour les sauvegarder. La dernière fois, j’ai reproduit les mêmes raisonnements,
la même promesse. J’ai fait remarquer que les faits étaient changés en ce sens
que la mesure présentait un caractère bien moins grave que lors du premier
rapport ; que le transit avait diminué et que nos exportations avaient
augmenté.
Il semble que ces faits
n’exercent pas la moindre influence sur certains membres, qui semblent avoir un
parti pris. Le gouvernement n’a pas de parti pris ; il a promis de se régler
d’après les faits. C’est à tort que l’honorable M. Malou parle de promesse
faite et qui n’aurait pas été tenue. Je n’ai jamais dit d’une manière absolue
que l’arrêté serait retiré, mais seulement qu’il le serait si les intérêts de
notre agriculture étaient véritablement compromis. J’ai ajoute qu’il ne fallait
pas que ce fût pour satisfaire à un simple caprice, que l’arrêté fût rapporté.
Voilà les observations que j’ai faites il y a peu de jours. Si quelques têtes
de bétail ont transité, notre exportation en France a augmenté cependant ;
l’industrie agricole se trouve donc dans une position pus favorable qu’à
pareille époque de l’année dernière.
Un membre. - C’est le fond.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - On accuse le gouvernement de n’avoir pas tenu une promesse. Je
démontre qu’il n’y a pas eu d’autre promesse que celle de ne retirer l’arrêté
que pour autant que les faits eussent quelque gravité.
M. Malou. - Je ne veux pas suivre M. le ministre des finances dans la discussion
du fond de la question mais, en présence de sa dénégation, je dois maintenir
mon affirmation. La chambre appréciera. Voici ce qui s’est passé : je parle de
ce qui s’est passé au-dehors de cette enceinte ; M. le ministre doit me
comprendre. Avant les explications écrites qui ont été données à la chambre, il
y avait eu promesse formelle que l’arrêté serait retiré. Nous avons eu la
longanimité d’attendre, non pas un mois, mais trois et quatre mois. Alors nous
avons encore demandé si l’intention du gouvernement était de maintenir ce fatal
arrêté. Maintenant, que nous avons la conviction que le gouvernement persiste à
ne pas le rapporter, qu’il ne veut pas tenir sa promesse, nous allons user de
notre droit d’initiative.
J’espère que le fait
extra-parlementaire que je regrette de devoir rappeler ne sera pas dénié par M.
le ministre.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - La promesse que j’ai faite n’a jamais été que conditionnelle ; si
j’en avais fait une autre, je l’aurais faite dans cette chambre. Pour retirer
l’arrêté, il fallait que les choses restassent au moins dans l’état où elles
étaient alors sous le rapport du transit, et de l’exportation. Je suis persuadé
que l’assertion de l’honorable membre ne vient que de ce qu’il m’a mal compris.
Mais toujours est-il qu’il se trompe.
Comme les honorables membres qui m’ont entretenu de cet objet, ne doutaient pas
de l’extension qu’allait prendre ce transit, j’ai répondu que, dans ce cas,
l’arrêté serait retiré ; telles ont été mes paroles, elles n’ont pas eu d’autre
portée.
M. Malou. -
Je maintiens l’exactitude de tout ce que j’ai dit. La chambre jugera entre les
deux affirmations.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’affirme de la manière la plus formelle que l’assertion est
inexacte.
- Le renvoi de la pétition avec
demande d’explications est ordonné.
CONCLUSIONS DE
LA COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE (COMMISSION « DE FOERE ») ET
SYSTÈME DES DROITS DIFFERENTIELS
Discussion générale
(Moniteur
belge n°130, du 9 mai 1844) M. Verhaegen. -
Messieurs, la question qui vous est soumise en ce moment, est une des plus
graves qui puisse jamais se présenter devant les
chambres belges, car elle tient aux intérêts vitaux du pays.
S’il m’était permis de me borner à
des théories de liberté commerciale qui sont en rapport avec mes convictions
politiques, je me prononcerais tout de suite contre le principe des droits
différentiels, si je ne consultais que l’intérêt des localités qui m’ont envoyé
dans cette enceinte, je n’hésiterais pas encore à repousser le projet de loi,
et en effet, Bruxelles, tout autant que Liége, est intéressé à voir écarter le
système des droits différentiels. En veut-on la preuve ? on
la trouvera dans le mouvement officiel du port. J’ai sous les yeux le rapport
de ce mouvement du 20 au 30 avril 1844, et j’y vois que dans l’intervalle de
dix jours 32 navires sont entrés dans Bruxelles (30 venant de Hollande et 2
venant de France) et que 40 navires en sont sortis avec un chargement complet
(39 allant en Hollande et 1 à Hambourg). Les mouvements antérieurs depuis deux
ans donnent à peu près les mêmes résultats.
Comme député de Bruxelles et ne
consultant que l’intérêt de ma localité, je devrais me rallier à l’opinion de
mes amis des provinces de liège et du Hainaut, et combattre dès à présent le
principe des droits différentiels.
Mais au-dessus de l’intérêt de
localité, plane l’intérêt général. J’ai donc à rechercher, surtout dans la
position que le gouvernement a faite vis-à-vis de nos voisins, ce que
commandent les besoins généraux du pays.
Aussi, avant de me prononcer
définitivement sur cette grave question (car je réserve mon vote) je me
permettrai de vous soumettre quelques observations :
Mes principes, en matière de liberté,
sont connus : Ce sont ceux de mes honorables amis Delfosse et Castiau. A côté
de toutes les libertés que nous a léguées la révolution de 1830, je voudrais
voir figurer la liberté commerciale en tout et pour tous ; je voudrais, du fond
de mon âme, voir tomber toutes les barrières ; ce serait un beau jour celui où
les nations, grandes et petites, pourraient se donner franchement et loyalement
la main. Ce désir, je l’ai énoncé dès mon entrée dans cette chambre ; mais tout
en adoptant ces belles théories, je n’entends pas néanmoins leur sacrifier la
pratique ; sans doute, il serait à désirer que toutes les barrières, qui
séparent encore les peuples, vinssent à tomber ; mais il serait ridicule de
faire tomber les nôtres, alors que nos voisins sont résolus à maintenir les
leurs. Quels que soient les principes de liberté qui sont dans mon cœur, ils ne
vont pas jusqu’à consentir à être dupe.
C’est ce que je disais en 1837 ;
c’est ce que je dis encore aujourd’hui.
En 1837, on taxait d’exagération les
principes que je développais dans cette enceinte ; le gouvernement les
combattait avec opiniâtreté et en 1844 ces mêmes principes servent de base à un
projet de loi ministériel. Le discours que j’ai prononcé il y a sept ans, et
que vous trouverez dans le Moniteur
du 27 octobre 1837, reçoit aujourd’hui la sanction de mes adversaires d’alors.
Le temps constate bien des erreurs, répare bien des injustices !
Il ne faut pas, comme je le disais
tantôt, que notre amour pour les principes de liberté commerciale, aille
jusqu’a nous rendre dupes de nos voisins.
Et cependant, qu’a-t-on fait depuis
1830 ? Quelle est la marche que le gouvernement a suivie dans l’intérêt du
commerce et de l’industrie ? Il a fait des concessions à tous nos voisins, et
nos voisins, en définitive, ne nous en ont fait aucune. En 1837, quand il
s’agissait de concessions nouvelles, qu’on voulait nous arracher en faveur de
la France, et quand, à mes objections, le ministère répondait que la France de
son côté était disposée à nous accorder, comme équivalents, certains avantages,
je disais en terme de réplique que ce n’était encore là que de vaines promesses
qui, comme tant d’autres, resteraient sans résultat ; et le temps, pour la
centième fois, a prouvé que j’avais raison.
Je n’ai jamais réclamé dans l’intérêt
de l’industrie belge des protections exagérées ; je n’ai jamais été et je ne
suis pas encore partisan d’un système prohibitif, mais je veux user de
représailles envers les nations qui se refusent à nous traiter comme nous les
traitons nous-mêmes, c’est-à-dire que je ne veux pas être dupe du beau principe
de liberté commerciale qu’on invoque toujours contre nous, mais dont on ne veut
pas faire l’application en notre faveur.
Voulez-vous savoir, messieurs, quel
était mon système en 1837 ? II se résume dans un amendement que j’ai eu
l’honneur de présenter alors à la chambre, et qui n’a pas été adopté : je
demandais en 1837 que « la prohibition, à l’entrée en Belgique, des draps
étrangers, fût levée à l’égard de tous les pays qui lèveraient la prohibition
dont étaient encore frappés chez eux les draps belges. » Y avait-il rien de
plus juste, de plus raisonnable ?
Je demandais que les draps de
Verviers pussent concourir sur les marchés français avec les draps de Sedan et
de Louviers, de même que les draps de Sedan et de Louviers venaient concourir
sur les marchés belges ; indépendamment de l’intérêt matériel de nos fabriques,
il y avait là une juste susceptibilité nationale, et cependant on ne voulut
point m’écouter ; on resta dans la mauvaise voie des concessions gratuites.
Il faut bien aujourd’hui qu’on en
convienne, les négociations tentées avec nos voisins n’ont absolument donné
aucun résultat. Du reste, avec un gouvernement sans caractère, qui, à
l’intérieur, se traîne à la remorque des partis, et qui, à l’extérieur, rampe
aux pieds des étrangers, il ne nous restait aucun espoir. En face de la France
et de l’Angleterre, dont les intérêts sont opposés aux nôtres, et dont la
volonté a toujours été un épouvantail pour nos gouvernants, les intérêts belges
ne sont jamais entrés en ligne de compte, et on devait s’attendre à les voir
sacrifier aux exigences de voisins puissants.
Examinons d’abord notre position à
l’égard de la France : Les droits d’entrée en Belgique sur la généralité des
articles venant de France sont, il faut en convenir, très minimes ; et encore
ces droits sont loin d’entrer intégralement dans les caisses de l’Etat ; car la
plupart sont perçus à la valeur et on connaît les inconvénients de ce mode de
perception, à raison des difficultés sans nombre, dont est entourée la faculté
de préemption, qui, par suite des manœuvres des intéressés, est devenue en
quelque sorte illusoire. En effet certains articles formant un ensemble sont
dépareillés et introduits dans différentes caisses à des époques plus ou moins
éloignées, ce qui permet aux déclarants de ne faire considérer les objets
qu’ils introduisent que comme des chiffons quant à la valeur. C’est ainsi, je
regrette de le dire, pour l’honneur du nom belge, que les principaux hôtels de
la capitale on été meublés à forfait par des entrepreneurs français ; que des rideaux,
des soieries, des tapisseries, des garnitures entières de salon sont arrivés
par parties et n’ont presque rien payé à la douane, au grand détriment de
l’industrie belge, dont les produits similaires sont prohibés en France ; et ce
sont des hommes haut placés, que le pays entoure de sa considération, qui se
prêtent à de pareilles manigances.
L’un ou l’autre de nos ministres,
même, n’aurait-il peut-être pas suivi cet exemple ?
Un membre. - C’est que peut-être ces ouvriers
étrangers travaillent mieux.
M. Verhaegen. -
C’est un préjugé. On fabrique ici comme on fabrique ailleurs.
M. de Mérode. - Nos tapissiers ne peuvent aller à Paris.
M. Verhaegen. -
Voilà la réponse. S’il y avait réciprocité, je ne demanderais pas mieux que
d’admettre la concurrence. Mais vous le voyez, messieurs, avec ces beaux
principes, il ne nous reste qu’à faire le métier de dupes !
Le bon vouloir de
Le 29 juin 1831, le congrès national
réduisit à 3 fr. 30 c. par
Par le budget des voies et moyens du
29 décembre 1831, les bateaux charbonniers français furent, dans une certaine
limite, assimilés aux bateaux belges pour le droit différentiel de patente, et
cette limite fut successivement étendue, car
Par la même loi du budget du 29
décembre 1831, nous levâmes la prohibition par terre des vins, eaux-de-vie et
vinaigres français, en assimilant leur importation, par cette voie, à
l’importation par mer.
Des négociations pour arriver à un
rapprochement commercial plus efficace et mutuel furent ouvertes, A la suite
d’une sorte de compromis entre les principaux commissaires des deux parties, il
fut convenu que
Que fit la France ? Rien, ou peu de
chose.
C’est ainsi, entre autres que la
prohibition sur les draps et casimirs français fut remplacée par un droit
modéré de 9 à 10 p. c., tandis que la France maintint la prohibition dont son
tarif frappe encore aujourd’hui les articles similaires belges.
Qu’on cesse d’invoquer, en faveur de
la France, ces belles théories de liberté qui sont gravées dans nos cœurs. En
1838, nous lui avons donné un exemple de libéralisme commercial, et cet
exemple, elle a refusé de le suivre.
Le roi Guillaume, en frappant de
prohibition les draps français, alors que les draps belges étaient frappés de
prohibition en France, avait usé de justes représailles. En levant cette
prohibition en 1838, sans l’assurance formelle et préalable que la France
lèverait la sienne, nous avons posé non pas un acte de générosité et de
libéralisme, mais un acte de soumission. La politique du gouvernement dans
cette circonstance, a été, comme toujours, une politique de peur ; il a
compromis les intérêts et la dignité du pays.
En replaçant la France sur le même
pied que les nations les plus favorisées pour l’introduction d’articles aussi
importants que les vins, eaux-de-vie, la porcelaine, la cristallerie, les
produits chimiques, les draps et casimirs, nous lui fîmes incontestablement de
grands avantages. La France, que nous donna-t-elle en retour ? Elle nous fit,
il est vrai, quelques concessions, mais ces concessions furent peu importantes,
et encore les retira-t-elle successivement.
La France, par suite du compromis
dont nous avons parlé, réduisit les droits d’entrée sur le zinc brut et sur les
graines de lin, et étendit la ligne de la frontière de terre française par
laquelle la fonte de fer en gueuses était admise au droit de 4 francs les 100 kil. ; les droits sur les fers
étirés de toute dimension furent réduits d’un cinquième ; enfin la loi du 5 juillet
1836 modifia le tarif des toiles, de façon néanmoins que le déclassement se
bornait à une différence d’un seul fil.
Ces concessions, peu importantes,
surtout à raison des sacrifices auxquels
Malheureusement, des faits
postérieurs sont venus dissiper toute illusion.
Déjà, dès le 25 novembre 1837, le
littoral maritime de Dunkerque à St-Malo, avait été ouvert aux houilles
anglaises par la réduction à 50 c. du droit d’un fr. par 1,000 kil.
Mais ce n’était là qu’un premier pas
dans la voie rétrograde : l’ordonnance du 24 septembre 1840 vint réduire de
plus en plus les faibles avantages qui nous avaient été concédés. Le droit
différentiel de 4 fr. sur les fontes fut étendu aux autres frontières de terre,
et par conséquent aux provenances du grand-duché de Luxembourg et de
l’Allemagne, dont les fontes purent alors venir faire concurrence aux nôtres
sur le marché français.
La loi du 6 mai 1841 compléta
l’annihilation des concessions qui nous avaient été faites. On sait qu’elle fut
fatale pour nos toiles, et on se rappelle encore à quel prix nous avons du
acheter une exception en faveur de l’industrie linière. La même loi éleva les
droits sur les graines grasses par la frontière de terre, de manière à porter
un coup mortel à l’important commerce de transit qui se faisait d’Anvers vers
le département du Nord. Enfin d’autres mesures restrictives furent prises contre
l’importation des graines oléagineuses, des pierres dites des Ecaussines, etc.
En résume, il ne reste plus rien des
faibles avantages qui nous avaient été accordés par la France et dont elle
conserve l’équivalent.
Et qu’on ne nous parle plus du fameux
projet d’union douanière ; le ministère, dans les communications qu’il nous a
faites, a dû convenir qu’en France ce projet n’a jamais été considéré comme
sérieux.
Pendant plusieurs années l’attention
du pays a été distraite de ses véritables intérêts, par cet espoir d’union
douanière dont on le berçait sans cesse ; des négociations avec d’autres pays
ont été abandonnées, des propositions avantageuses ont été écartées, et quand,
aujourd’hui, on voudrait répondre à certaines ouvertures qui nous avaient été faites
naguères par l’Allemagne, il n’est plus temps.
Je suis d’accord avec mon honorable
ami, M. Castiau, qu’une union douanière aurait pu être avantageuse au point de
vue industriel et à la France et à
Mais le projet d’union douanière n’a
jamais été considéré comme sérieux en France : la France, dont la politique,
comme la nôtre, a été constamment une politique de peur, n’aurait pas osé
braver les représentations énergiques des puissances du Nord, qui en faisaient un cases belli.
Le projet a-t-il été considéré comme
sérieux par le ministère belge ? Des commissaires ont été envoyés à Paris ;
certains noms y ont laissé leur réputation d’habileté ; la couronne même a été
découverte, et, après tout cela, on est obligé de convenir que ce n’était
qu’une mystification !
Et pendant ce temps perdu on aurait
pu entrer en négociation avec l’Allemagne, profiter de
la position topographique de
Aujourd’hui le gouvernement vient
nous dire qu’il n’y a plus rien à espérer du Zollverein, et qu’il faut renoncer
à toutes négociations avec l’Allemagne, comme il faut abandonner toutes les
propositions faites naguère à la France !
Il est inutile de parler de
l’Angleterre, qui refuse même de conclure avec nous une convention postale,
qu’elle n’a refusée à aucune nation de l’Europe.
Il semble que
Et après ces aveux, qui constatent
les fautes successives qui ont été commises, le gouvernement vient nous
proposer, comme dernière planche de salut, un projet de loi qui consacre le
principe des droits différentiels, qu’il combattait autrefois avec beaucoup
d’opiniâtreté !
D’abord, je me demande si ce n’est
pas une nouvelle manœuvre du gouvernement pour rejeter sur la chambre une
responsabilité qui doit rester tout entière au ministère. Le ministère ne
demanderait peut-être pas mieux que de voir refuser le principe des droits différentiels
qui va le compromettre aux yeux de la diplomatie, pour pouvoir dire ensuite à
la législature que c’est elle qui, par son rejet, a compromis l’avenir
commercial et industriel du pays. Cette première considération pourra exercer
une certaine influence sur la détermination que je prendrai plus tard.
Ensuite, je dois en convenir, la
position, du gouvernement était difficile ; il aurait fallu des soins de tous
les jours et une habileté extraordinaire que je ne reconnais à aucun des
membres du cabinet, pour parer aux embarras qu’avait fait naître 1830.
Sans approuver à tous égards les
opinions émises par l’honorable M. Osy, je trouve dans le discours qu’il a
prononcé, d’utiles enseignements. Certes, personne ne contestera que la
prospérité de l’ancien royaume des Pays-Bas ne fût due à la réunion de deux
éléments, dont l’un appartenait à une fraction et l’autre à une autre fraction.
Le choc de
Messieurs, il était certes
impossible, dans un moment où nous étions en état d’hostilité avec
Messieurs,
Depuis le traité de Munster, depuis
la chute de
Maintenant, si
Qu’on n’aille pas croire, parce que
quelques fabricants se sont établis il y a quelques années sur le sol
hollandais, que
La Hollande n’est pas d’ailleurs dans
les conditions nécessaires pour devenir une nation industrielle, et elle ne le
deviendra jamais ; la Belgique possède des avantages que la Hollande ne peut
jamais obtenir : d’abord la main-d’œuvre ne coûte chez nous que la moitié de ce
qu’elle coûte en Hollande ; ensuite, la nature nous a donné des moyens
d’action, des chutes d’eau, par exemple, qu’elle a refusées à la Hollande. Nous
avons donc vis-à-vis de
Messieurs, le grand mal, il faut bien
le dire, est provenu chez nous non seulement du défaut de débouchés, mais
encore de l’excès de production : lorsque nous étions réunis à
Dans cet état de choses, que nous
reste-t-il à faire ?
Il me semble que, pour entrer en
négociation avec un pays quelconque, il faut avoir quelque chose à lui offrir ;
il faut que celui avec lequel vous voulez traiter puisse vous donner quelque
chose comme l’équivalent de ce que vous lui accordez.
Qu’avons-nous à offrir en ce moment à
la Hollande ?
Dans les communications qu’on nous a
faites, on a eu l’air de dire qu’il ne fallait pas songer, quant à présent, à
entamer des négociations avec
A ce point de vue, le principe des
droits différentiels présenterait certains avantages.
Avec le principe des droits
différentiels
Messieurs, je crois avoir rempli la
tâche que je m’étais imposée. J’ai parcouru les diverses circonstances dans
lesquelles nous avons été placés vis-à-vis de nos voisins ; j’ai fait voir les
inconvénients de la marche suivie par le cabinet, et tout en réservant mon
vote, je crois avoir démontré que la seule ressource qui nous reste, après
toutes les fautes commises, c’est peut-être de donner au gouvernement le moyen
de faire ce qu’il aurait dû faire depuis longtemps. Le gouvernement
réussira-t-il ? C’est ce que l’événement nous prouvera ; quant à moi, je veux
laisser au ministère la responsabilité de ses fautes passées, et je n’entends
pas assumer une responsabilité pour l’avenir, car l’avenir ne sera que la
conséquence du passé.
(Moniteur
belge n°129, du 8 mai 1844) M. Vandensteen. -
Messieurs en prenant la parole sur la grande question qui nous occupe, je viens
remplir un devoir, je viens défendre les intérêts généraux du pays, je viens
dire franchement à la chambre quelle est ma pensée, quelles sont mes craintes.
Dans la province de Liège, qui est
surtout agricole et industrielle, on croit peu à toutes les belles illusions
que quelques imaginations prévenues nourrissent sur l’établissement des droits
différentiels. On juge ces droits à leur valeur réelle, on les repousse comme
dangereux, comme funestes au travail national. Quelques branches de commerce et
la navigation de long cours y trouveront seules des avantages, sans que nous
parvenions par là à créer une marine nationale, digne de ce nom. Et le petit
nombre de navires que nous avons, commencera par perdre les ressources que lui
offre le cabotage.
Je pourrais, messieurs, développer
ces faits, mais je préfère émettre quelques considérations qui n’ont pas encore
été soulevées dans cette discussion.
Le système du blocus continental
éleva, parmi nous, de nombreuses fabriques, nous rendit l’immense mouvement
commercial que le dur traité de
Mais le peuple belge place la liberté
au-dessus de la richesse. La révolution de 1830 éclata et nous donna enfin
cette nationalité qui ne doit plus périr. C’est un fait dont il faut tenir
compte. C’était une rude épreuve pour notre commerce et notre industrie ; nous
perdions tout à coup le concours de la marine de
Le génie belge ne resta point
en-dessous de cette œuvre gigantesque. Une fièvre de production s’empara alors
de toutes les têtes ; loin de la régulariser, on l’exalta encore ; sans
s’occuper des débouchés, on éleva fabrique sur fabrique, chaque citoyen se fit
industriel, le pays se lança inconsidérément dans le vaste champ de la
production et ne s’est arrêté que lorsqu’il a vu ses intérêts gravement
compromis. Telle est la grande faute qui a été commise.
Je ne veux point, messieurs, rechercher à qui incombait l’obligation d’éclairer le pays
sur la fausse voie dans laquelle il s’engageait. Le mal existe, mieux vaut y
porter remède que de s’abandonner à de tardives récriminations. Nous sommes en
présence d’une puissance énorme de production, et nous n’écoulons à l’étranger
qu’une faible partie de nos produits.
Quant à notre marché intérieur, qui
dépend plus qu’on ne semble le croire, de la prospérité de l’agriculture, le
gouvernement ne fait rien pour le rendre florissant, pour le mettre en état de
ranimer notre industrie et favoriser les transactions du commerce.
Telle est la question à résoudre.
C’est sur ce point que je me permets d’appeler tout spécialement l’attention de
la chambre et du pays. Car, de la prospérité de l’agriculture dépendra
l’existence de l’industrie et du commerce. Son action est plus puissante que ce
système que l’on nous présente comme l’unique remède à la situation actuelle.
Pour sortir de la position pénible où
se trouvent notre industrie et notre commerce, que nous propose-t-on ? De
suivre l’exemple des nations voisines, de protéger comme elles, par les mêmes
moyens, nos négociants et nos manufacturiers, d’imiter la France et
l’Angleterre avec le luxe de chiffres, dont leurs tarifs de douanes sont armés.
Mais d’abord, il faut tenir compte des faits, de l’étendue respective des
territoires, de la différence de population, de la force maritime, de la
puissance coloniale : et c’est ce que l’on ne fait point.
On conçoit facilement que la France
avec ses 35 millions d’habitants,
Evidemment non. Et cependant,
messieurs, c’est sur ce fondement que repose tout le raisonnement de nos
honorables adversaires.
Les marchés européens tendant de jour
en jour à se resserrer, il faut, nous dit-on, déserter cette vieille terre
d’Europe, et jeter nos regards vers les pays transatlantiques. Là, doivent
avoir lieu nos échanges, là, nous devons nous approvisionner par nous-mêmes en
y exportant nos produits.
Mais dans ces contrées lointaines,
nous attend la concurrence terrible, implacable. L’Angleterre, ce centre
infatigable de production, n’emploie ses millions de vaisseaux, ses
innombrables canons, et sa politique qu’à favoriser la vente des produits de
son industrie.
Pourtant son industrie souffre, ses
manufactures regorgent, et le paupérisme la ronge de toutes parts. Les
sacrifices ne coûtent rien à cette nation pour améliorer cette cruelle position
; et tandis que
Quelle leçon dans cette diversité de
mesures qui contrastent d’une manière si étrange.
Du reste, ce qu’ont fait des
puissances de premier ordre, pouvons-nous le tenter sans danger ? Citez-moi les
nations ayant un tel besoin de nous, que nous puissions leur imposer nos
volontés ?
Il faut lutter, répète-t-on, et pour
cela, les produits de notre industrie doivent rivaliser par le prix et la
qualité avec les produits similaires de l’étranger.
En d’autres termes, nous devons
fabriquer à meilleur marché et aussi bien que nos concurrents. Dans ce but, on
nous propose de consacrer un système qui, suivant moi, aura un résultat
entièrement opposé.
En effet, du tarif différentiel à la
prohibition il n’y a qu’un pas ; c’est déjà une dangereuse prime offerte à la
contrebande. Le renchérissement des objets de consommation fera élever le prix
de la main-d’œuvre, et, dans de nombreuses circonstances, ce tarif augmentera
le taux de la matière première.
Et l’on agirait ainsi dans une
hypothèse, dans une vague espérance d’exportation lointaine ! Ne nous abusons
plus, messieurs ; si
Après les considérations rapides,
dans lesquelles je viens d’entrer, il est inutile de vous dire, messieurs, que
je voterai coutre les droits différentiels. Ce serait manquer, selon moi, et
aux intérêts généraux du pays, et au bien-être de la prospérité de la province
qui m’a fait l’honneur de m’envoyer dans cette enceinte ; ce serait, en un mot,
confisquer au profit d’un intérêt unique les avantages que notre commerce
pourrait retirer du système qui nous régit, que je suis cependant loin de
reconnaître parfait et qui doit être amélioré. Je regarderai donc comme une
grande faute la considération d’un principe dont les conséquences nous
conduiraient inévitablement au développement inconsidéré d’une marine qui
pourrait compromettre gravement notre situation.
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, la question que nous
avons à examiner est tellement vaste que l’embarras que l’on éprouve en venant
la traiter devant vous, c’est de savoir par quel côté on entamera un semblable
sujet qui a donné lieu à des documents très nombreux ; à un rapport de la
commission d’enquête qui est un véritable volume, et à un discours de M. le ministre de
l’intérieur qui a duré pendant près de deux séances.
Les droits différentiels
n’intéressent pas seulement notre navigation et notre commerce maritime, ils
intéressent encore notre industrie tout entière, et nos rapports commerciaux
avec les nations étrangères, ainsi que le trésor public et les consommateurs.
Il n’est donc guère possible de
discuter dans un même discours toutes les faces d’une semblable question. Aussi
je me propose de n’examiner aujourd’hui que le principe du projet de loi qui
vous est soumis, sauf à revenir ensuite sur le mode d’application de ce
principe et sur les différents systèmes qui vous sont présentés.
Messieurs, la situation commerciale
du pays est presque constamment signalée comme étant dans un état de souffrance
et nième de décadence. Telle est la réponse qu’on a faite presque unanimement à
la commission d’enquête.
Avant d’aborder l’examen du projet de
loi, il importe donc de voir jusqu’à quel point cette opinion est fondée, et de
s’enquérir de l’état réel de notre commerce extérieur.
Voyons d’abord si notre commerce
général est dans un état de décadence. Comparons l’année 1835 à l’année 1843.
En 1835, la valeur des importations
et des exportations réunies a été de 360 millions de francs, somme ronde ; en
1843, elle s’est élevée à 512 millions. Augmentation en 8 années 152 millions,
ce qui est à coup sûr fort considérable. Il ne sera peut-être pas sans intérêt
de comparer la situation de notre commerce avec celle de
En Fiance, le chiffre total du
commerce général a été en 1841, de 2 milliards 186 millions et en Belgique de
488,800,000 fr.
C’est-à-dire que le commerce général
de
Si maintenant l’on calcule d’après la
population respective des deux pays, on trouve que le commerce général en
France équivaut à 64 1/3 fr. par habitant, et en Belgique à 122 fr. par
habitant.
L’accroissement du commerce général
est aussi plus rapide en Belgique qu’en France. En France, il a été, en 1836,
de 1 milliard 866 millions, et en 1842 à 2 milliards 186 millions,
accroissement de 17 p. c en cinq années ; en Belgique, il a été, en 1836, de
374 millions , et en 1842, de 488 millions ,
accroissement de 30 1/2 p. c.
Passons maintenant à notre commerce
spécial ; voyons ce qu’a été l’exportation de nos produits par terre et par mer
réunis.
En 1835, nous avons exporté, en
produits belges, pour une valeur de 138 millions ; et en 1843, pour 156
millions ; augmentation, en huit années, 18 millions de francs.
L’exportation de nos produits,
comparée à celle des produits français, est aussi à notre avantage.
En 1840, la France a exporté en
produits français pour 694 millions de francs, et la Belgique pour 153 millions
ce qui fait pour la France 20 1/2 francs par habitant, à raison de 34 millions
d’habitants, et pour la Belgique, 38 1/2 francs par habitant, à raison d’une
population de 4 millions d’âmes.
Si je me le rappelle bien, M. le
ministre de l’intérieur nous a dit dans le discours prononcé par lui en comité
secret, que l’exportation des produits de
Quant à notre transit, vous savez,
messieurs, qu’il a pris un accroissement énorme ; en 1836, il n’était que de 20,720,000 fr. et en 1843 il s’est élevé à 65,900,000 fr. ;
c’est-à-dire qu’il a plus que triplé.
Mais si maintenant nous examinons
notre commerce pour l’exportation de nos produits nationaux, par mer seulement,
nous ne trouvons pas des résultats semblables. Là il y a décroissance ; et il
en est de même pour le mouvement de notre navigation. Je ne vous citerai pas
tous les chiffres de comparaison, parce que ce serait inutilement fatiguer
l’assemblée. Je vous citerai seulement les conséquences que j’en ai tirées ;
chacun peut vérifier ces résultats, puisque chacun de nous possède les états
statistiques où j’ai été les puiser. Ainsi comparant les années 1835 et 1842,
on trouve que tandis que les exportations générales par terre ont augmenté de
50 p. c., les exportations générales par mer ont
diminué de 16 p. c.
Pour le commerce spécial, nous
trouvons également augmentation pour les exportations par terre, diminution
pour les exportations par mer ; en 1836, nos exportations par mer ont été de 52,800,000 fr., en 1842, de 36,300,000 francs.
Les résultats de notre navigation
sont aussi défavorables. En comparant l’année 1836 à 1841, on trouve les
suivants :
Messieurs, il résulte de ces faits
que je viens d’avoir l’honneur de vous présenter que la situation de notre
commerce extérieur, pris dans son ensemble, n’est pas aussi déplorable qu’on
veut bien le dire ; mais que quant à notre commerce d’exportation par mer, pris
séparément, il est réellement en voie de décroissance.
Aussi, on vous l’a dit plusieurs
fois, tandis que des contrées transatlantiques nous recevons des produits pour
68 millions de francs, nous n’y exportons que pour 4 1/2 millions de nos
produits fabriqués.
Je l’avoue, ces faits ont exercé une
grande influence sur mon esprit et m’ont rendu beaucoup plus favorable que je
ne l’étais auparavant à un changement de notre législation commerciale. Ajoutez
à cela l’insuccès des négociations auprès des puissances européennes dont on
vient encore de retracer le triste tableau.
Longtemps les industriels belges ont
espéré un immense résultat, celui d’une union douanière avec
Quant à moi, je regrette ce triste
dénouement, non que j’eusse voulu qu’on sacrifiât l’indépendance nationale à
des avantages commerciaux, mais je regrette qu’on n’ait pas pu obtenir cette
union à des conditions que nous pussions accepter au point de vue politique.
Mais on y reviendra peut-être un jour. Cette pensée féconde a produit trop de
sensation en France et en Belgique, pour pouvoir être à jamais abandonnée. Sans
doute, en France, elle a rencontré des résistances, mais elle a rencontré aussi
des opinions favorables chez des hommes éminents ainsi que dans l’industrie
vinicole et dans l’industrie sétifère.
Messieurs, l’établissement d’un
système complet de droits différentiels se présente, il faut le reconnaître,
avec un caractère imposant d’approbation.
D’abord on vous a démontré que la
plupart des puissances maritimes ont adopté ce système et sont loin de vouloir
l’abandonner. En second lieu, les résultats de l’enquête commerciale démontrent
que presque partout, ce projet a été accueilli très favorablement. La
commission d’enquête n’hésite pas à nous en proposer l’adoption. Le
gouvernement lui-même vient de se rallier à cette opinion. Quant à moi, je suis
du nombre de ceux qui croient, après avoir examiné la question avec
impartialité, que ce système peut être utile, mais à la condition qu’il reste
dans les limites d’une grande modération.
Je crois que des droits différentiels
élevés seraient funestes au pays, qu’ils amèneraient le monopole en faveur de
notre faible marine, le renchérissement du fret et des matières premières, et
de plus des représailles dangereuses, tandis que des droits modérés permettront
la concurrence de la marine étrangère qui vous est indispensable, et rendront
les représailles beaucoup moins probables.
Car si nous restons dans les limites
des droits différentiels modérés, des représailles deviendraient
inqualifiables, injustifiables. Comment, toutes les puissances maritimes ont
des droits différentiels fort élevés, et parce que
nous en établirions de modérés, on recourrait à des représailles contre nous !
Aussi, si ce n’est d’un seul côté, je crois que les représailles ne sont
nullement à craindre. Un gouvernement éclairé sait bien que si les représailles
font tort au pays contre lequel on les dirige, elles sont aussi fort nuisibles
au pays qui a recours à un semblable moyen.
Si donc une puissance voisine en
venait à cette extrémité, soyez persuadés que ce ne serait là qu’un moyen
diplomatique pour arriver une transaction commerciale plus avantageuse. Je
crois que la conséquence et le complément des droits différentiels, ce sera
l’adoption d’arrangements commerciaux avec les Etats-Unis et avec les Pays-Bas.
Messieurs, la plus grande objection
qu’on ait faite contre l’établissement des droits différentiels, c’est que
Certes, en théorie, je ne pense pas
que personne soit adversaire de la liberté commerciale ; je ne pense pas que si
l’institution des douanes n’existait pas, personne voulût proposer l’adoption
de cette fille de l’ignorance et de la fiscalité comme l’appelle M. J. Droz. Un
jour viendra sans doute où le système prohibitionniste périra, où les barrières
des douanes qui séparent les peuples disparaîtront ; ce résultat est peut être
fort éloigné encore, mais il est inévitable ; de grands faits économiques
l’annoncent, et un éloquent orateur dans le comité secret vous a cité, avec
raison, les chemins de fer comme un acheminement vers la liberté commerciale.
On peut citer encore les tendances qui se manifestent vers l’accroissement des
marchés, vers les associations douanières, dont l’association douanière
allemande vous offre un mémorable exemple. Sans les obstacles politiques
qu’elles rencontrent, d’autres associations semblables ne tarderaient pas se
former.
L’Italie, par exemple, ne demande pas
mieux que d’obtenir l’unité commerciale, à défaut de l’unité politique. La
France, sans les obstacles politiques, ne tarderait pas non plus à s’unir
commercialement aux nations voisines. Une fois ces grands marchés établis, il
n’y aurait plus qu’un pas à faire pour qu’ils se réunissent, et pour que le
continent européen fût sous le régime de la liberté commerciale. Mais, en
attendant ce triomphe de la science, triomphe qui est sans doute encore bien
éloigné, force nous est de faire encore de l’économie politique appliquée, et
de tenir compte du système artificiel qui domine en Europe. Or, faire seul de
la liberté commerciale, surtout dans un petit pays, ce serait se placer dans
une position fausse et désavantageuse.
Mais je ne suis pas non plus d’avis
qu’il convient aux intérêts belges de tomber dans une exagération contraire,
comme on y paraît assez disposé ; il ne faut pas nous lancer dans la
prohibition pour ne pas adopter la liberté commerciale.
Si une protection modérée est
nécessaire à notre industrie, un système prohibitif serait certainement funeste
au pays ; tolérable dans un pays d’une vaste étendue, il ne serait point
supportable sur un marche restreint, offrant les plus grandes facilités à la
fraude et alimenté par une énorme force de production ; et c’est alors sans
doute que nous subirions immanquablement ces représailles que l’on redoute.
Aussi, en Belgique, jusqu’à présent,
on a constamment adopté un système de protection modérée, une espèce de juste
milieu entre la protection et la prohibition. Mais ce système n’est pas
généralement appliqué. Beaucoup de nos industries ne sont pas suffisamment
protégées. Qu’est-ce en effet, par exemple, qu’un droit de 6 p. c. à la valeur
? On sait qu’un tel droit se réduit à un droit réel de 2 ou 3 p.c. Il est
évident qu’une pareille protection est insuffisante, et n’équivaut même pas à
l’impôt que payent au trésor nos produits similaires ; l’augmentation de ces chiffres
de notre tarif sera donc une question à examiner sérieusement pour plusieurs de
nos industries.
Je pense, messieurs, quant à moi,
qu’il faut protéger le travail national, non d’une manière illusoire, mais de
manière à lui donner l’avantage, sur le marché intérieur, sur les produits
similaires de l’étranger. Mais, je le répète, cette protection dans l’intérêt
même de l’industrie, et dans l’intérêt des consommateurs doit être modérée et
non prohibitive.
Il ne faut pas que nos producteurs
s’endorment dans une fausse sécurité ; il ne faut pas qu’ils puissent dire
comme cet industriel à une commission d’enquête en France : « Peu m’importent
les perfectionnements industriels des autres pays. Je suis protégé ! »
Messieurs, il est une grande
industrie du pays qui n’est pas suffisamment protégée, je crois que l’on doit
être d’accord sur ce point, c’est la navigation nationale. On lui accorde, il
est vrai, une réduction d’un dixième des droits de douane sur les importations.
Eh bien, il vous a été démontré encore, dans un document distribué hier, que
cet avantage est tout à fait insignifiant.
D’un autre côté, la protection dont
elle jouit sur les droits de tonnage est devenue également illusoire, par suite
de l’assimilation de presque tous les pavillons étrangers au pavillon national.
Qu’est-il résulté de là ? Que votre
navigation marchande est dans une voie de décadence, comme l’a démontré
l’honorable M. Osy, bien plus compétent que moi en cette matière. Or à cette
industrie, importante, par elle-même, et par son influence sur l’exportation de
nos produits, ne faut-il pas accorder l’encouragement qui lui manque ? Si vous
accordez une protection modérée à la plupart des branches d’industrie du pays,
pourquoi ne protégeriez-vous pas également celle non moins importante de la
navigation nationale ? Pourquoi admettrait-on la liberté commerciale pour la
navigation marchande seule, tandis qu’on ne l’applique pas aux autres
industries du pays ?
Ainsi, il y a nécessité, selon moi,
d’augmenter la protection accordée à la navigation marchande, non pour tomber
dans le système prohibitif, mais pour nous maintenir dans le système de
protection modérée que nous avons suivi jusqu’à présent.
Le projet du gouvernement n’admet en
général, pour beaucoup d’articles, qu’un avantage de 15 ou 25 fr. par tonneau,
ou de 6 p. c. au plus à la valeur. Est-ce là de la prohibition ? Je crois que
non. C’est seulement de la protection modérée. Du reste, si ces chiffres
paraissent trop élevés, on aura à voir s’il faut encore les réduire.
On a exprimé de grandes appréhensions
sur le sort du cabotage.
M. le ministre de l’intérieur, au
commencement de cette séance, a donné des explications sur ce point. L’élément
principal de la navigation du cabotage, c’est le monopole du transport du sel.
Ce monopole, la navigation belge le conservera.
Je ne vois pas d’ailleurs que, dans
nos principaux ports de mer, notamment à Anvers, où l’on doit porter le plus
grand intérêt à la navigation du cabotage, on s’élève contre les droits
différentiels. Au contraire, on paraît unanime maintenant dans notre métropole
commerciale pour adopter ce système des droits différentiels.
Le deuxième but, le but principal
même des droits différentiels, c’est de favoriser les relations directes avec
les pays de production. On doit convenir qu’ici encore il y a quelque chose à
faire. Nos relations directes avec les pays de production sont sans importance.
Nos importations dans les pays transatlantiques restent stationnaires. Nous importons
de ces pays pour 60 millions ; nous y exportons pour 4 1/2 millions de produits
fabriqués. Nos denrées coloniales viennent, en majeure partie, des entrepôts
européens ; voilà des faits constants.
Voulons-nous rester dans cette
situation ? Alors il ne faut pas changer la législation commerciale. Mais si
l’on reconnaît que l’établissement de relations directes avec les pays de
production est utile (le rapport de la commission d’enquête l’a suffisamment
démontré), il faut alors adopter un système tel que celui qui est généralement
adopté par les autres nations maritimes. Seulement, il ne faut pas s’exposer à
perdre d’un côté ce que l’on gagnera de l’autre, à perdre en Europe ce que l’on
obtiendrait au-delà des mers ; or, c’est ce qui arriverait si l’on adoptait des
droits différentiels trop élevés, si l’on ne restait pas dans les limites de la
modération.
Messieurs, les avantages et les
inconvénients des droits différentiels, appliqués aux provenances directes, ont
été si longuement discutés, que je ne m’appesantirai pas sur cet objet, car il
est difficile de dire encore du nouveau sur cette question. Je n’ai voulu,
d’ailleurs, aujourd’hui, que m’expliquer sur les principes mêmes du projet de
loi.
Cependant, il me reste à ajouter que
si je me prononce pour un régime modéré de droits différentiels, ce n’est pas
que j’éprouve un grand engouement pour ce système ; ce n’est pas que je le
considère comme une panacée universelle, qui va faire cesser à l’instant même
les souffrances de l’industrie et faire disparaître le paupérisme qui afflige
nos provinces.
Je crois que les droits différentiels
auront pour effet de relever notre marine nationale et d’augmenter les
exportations de nos produits par mer ; voilà ce que j’en attends, et je pense
même qu’il faudra plusieurs années pour obtenir ce résultat.
Quant aux souffrances qui pèsent sur
plusieurs branches de notre industrie, elles sont loin d’être dues, pour la
plupart du moins, aux vices de notre législation. Il y a des causes dominantes
de cette situation de l’industrie et de la misère des classes ouvrières qui
vous ont déjà été plusieurs fois signalées. On aura beau changer la législation
commerciale, on ne peut espérer voir disparaître ces souffrances comme par
enchantement, Les causes principales de cette situation fâcheuse, de ces
grandes crises industrielles, c’est l’excès de la production, c’est la
concurrence acharnée entre les producteurs, c’est enfin l’accroissement rapide
de la population.
Quand on pense qu’en Belgique la
population s’accroît de 30 ou 40 mille âmes par année, et que cet accroissement
a lieu surtout dans les classes infimes de la société, on ne doit plus être
surpris de l’accroissement du paupérisme.
L’Angleterre nous offre, sous ce
rapport, un exemple frappant, Elle jouit complètement de son marché intérieur ;
elle possède des débouchés immenses, une marine innombrable, et des droits
différentiels. Eh bien, malgré cela, les souffrances de son industrie
grandissent à vue d’œil, et une effroyable misère assiège sa classe ouvrière.
Cette situation, elle la doit aux causes que j’ai signalées et qui pèsent
partout sur l’industrie.
Chez nous, les mêmes causes ont
produit les mêmes effets.
En 1836 ou 1837, un essor désordonné
a été imprimé à l’industrie. La fabrication du fer, par exemple, a été surexcitée
à ce point, qu’en 1836 et 1857 la production destinée à la consommation
intérieure s’est élevée à 130 mille tonnes ; ce qui fait 32 1/2 kilogrammes par
habitant, tandis qu’en Angleterre la consommation ne dépasse pas
En 1830, la Belgique avait 10
hauts-fourneaux au coke ; en 1839 elle en avait déjà 42 d’une production
beaucoup plus forte. Ainsi, en dix ans, la force de production de cette
industrie a quadruplé.
Pour l’industrie houillère, messieurs,
on peut citer à peu près les mêmes faits.
La consommation de ce combustible est
augmentée ; des besoins nouveaux ont été créés par le chemin de fer, nos
exportations se sont accrues et vers la France et vers
Voyez encore ce que disait à la
commission d’enquête, un honorable industriel de Charleroy, à l’égard des
verreries et des clouteries. « Ces industries, disait-il, n’ont besoin
d’aucune espèce de protection ; si elles sont en souffrance, c’est à cause de
la guerre que les industriels se font entre eux. »
Et notre grande industrie linière,
messieurs, jadis si prospère, aujourd’hui si malheureuse ! ce
n’est pas non plus à la législation qu’elle doit cet état de souffrance ; c’est
à la transformation qui s’opère dans le mode de fabrication, c’est à la
substitution de la mécanique aux moyens anciens. Nous trouvons encore,
messieurs, dans l’enquête sur l’industrie linière les raisons réelles pour
lesquelles, par exemple, nos exportations diminuent d’une manière si effrayante
vers
Ce n’est donc pas seulement la
concurrence anglaise qui nous nuit sur le marché de la France, c’est surtout la
concurrence française elle-même.
Il est encore une autre de nos
industries qui est souffrante et qui dépérit maintenant, par suite de la
transformation qui s’est opérée ci s’opère chaque jour davantage dans le mode
de production, c’est la fabrication du fer au bois. Cette fabrication décline
en Belgique parce que partout la fabrication du fer au coke se substitue à
l’ancien mode.
Messieurs, je me suis un peu
appesanti sur ces détails, parce que, je le répète, il ne faut pas que nos
industriels croient qu’il suffit de stimuler le gouvernement, de changer notre
législation, d’adopter des droits même prohibitifs pour que l’industrie
devienne à l’instant même florissante.
Si le gouvernement a des devoirs à
remplir, il appartient aussi aux industriels eux-mêmes de veiller à ne pas
s’exposer aux crises commerciales. Il faut, par conséquent, qu’ils se
maintiennent au niveau du progrès, il faut qu’ils ne se livrent pas à un excès
de production ; il faut qu’ils soient au courant des besoins des marchés ; car
l’ignorance des besoins des marchés est aussi une des causes d’encombrement et
de crise commerciale.
Messieurs, il est un côté de
la question que je n’ai pas traité jusqu’à présent et que je ne traiterai pas
aujourd’hui, parce que je craindrais de fatiguer votre patience. Ce côté, je
dois le dire, c’est le côté fâcheux des droits différentiels. Il est des
parties du pays qui, je le pense, souffriront de l’adoption de ce système.
D’abord le mouvement de la navigation
de
J’appelle l’attention du gouvernement
sur ce mauvais côté des droits différentiels et je l’engage à songer
sérieusement à y remédier. Quant à moi, je me montrerai favorable à toute
proposition rationnelle qui tendrait à diminuer les inconvénients que je viens
de signaler, sans cependant renverser le régime qu’il s’agit d’établir : si
même le gouvernement ne présentait pas de proposition pour parer au dernier
inconvénient que j’ai signalé, je verrais si je ne dois point en prendre
l’initiative.
M. Delfosse. - Messieurs, le projet de loi que nous discutons a fait naître une
vive anxiété dans la province de Liége. Menacée par celui-là même qui lui
devait aide et protection, menacée par le gouvernement dans ses intérêts les
plus chers, dans ses moyens d’existence, elle se demande avec effroi si les
chambres sanctionneront cette grande injustice, cette inique spoliation.
Jamais, messieurs, je n’ai éprouvé
d’émotion plus forte qu’en ce moment. Je tâcherai néanmoins d’être calme ; je
tâcherai de ne faire entendre que le langage de la froide raison. Si je n’y
parviens pas toujours, si quelques paroles un peu vives m’échappent, vous les
excuserez, messieurs ; vous vous direz qu’il est des sentiments qu’on ne peut
pas refouler au fond de son cœur.
Deux intérêts, dont la coalition est
récente, réclament l’extension des droits différentiels. Les armateurs belges
espèrent arriver par là au monopole du transport des produits destinés à notre
consommation ; Anvers y voit un moyen d’avoir un grand marché européen, un
marché de première main, elle espère rivaliser avec Rotterdam et Liverpool.
Anvers, messieurs, n’a pas toujours
pensé ainsi. En 1839, lorsqu’il s’agissait du remboursement du péage sur
l’Escaut, le commerce anversois repoussait les droits différentiels ; c’est
dans la liberté de commerce qu’il trouvait les éléments de sa prospérité future
; c’est dans cette liberté qu’il voulait puiser sa force.
Voici ce que disait dans la séance du
17 mai 1839 l’honorable M. Rogier, représentant d’Anvers :
« Voilà donc cinq à six systèmes
; la difficulté n’est pas de les produire, mais de les coordonner. Après avoir
demandé la question préalable sur toutes les propositions se rattachant aux
droits différentiels, je ne combattrai pas tous ces systèmes, cela me
conduirait trop loin ; je m’attacherai à un seul, à celui qui a été développé,
selon moi, avec le plus de talent, au système de l’honorable M. Dechamps.
« Etablir tout à coup des droits
différentiels dans tous nos ports ! Mais qu’est-ce, messieurs ? c’est rompre en visière avec toutes les nations. Vous voulez
faire des traités de commerce, serait-ce le moyen d’y parvenir ?
« Ni les industries que je viens de
citer, ni le commerce de l’Escaut n’ont demandé les droits différentiels ;
avant donc de stipuler en leur nom, vous devriez au moins les avoir entendus ;
ils regardent votre prétendu bienfait comme inutile, sinon comme nuisible ;
j’en parle pertinemment pour le commerce d’Anvers. »
Plus tard, messieurs, dans les
premiers temps de l’enquête commerciale, le commerce anversois paru désirer que
l’on encourageât les provenances directes par des moyens factices ; mais il
était loin alors d’accueillir, comme il le fait aujourd’hui, les réclamations
des armateurs belges.
Dans son rapport du 5 août 1840, la
chambre de commerce d’Anvers démontrait avec force et talent, qu’il y aurait
les plus grands inconvénients à étendre la protection suffisante, selon elle,
dont la marine nationale était déjà entourée :
« D’abord, pour ce qui concerne
la marine nationale, elle est déjà favorisée de l’importation exclusive du sel,
d’un avantage très sensible sur l’introduction des sucres, de la déduction de
10 p. c. sur les droits d’entrée de toutes autres marchandises. Si, nonobstant
ces privilèges, elle ne peut soutenir la concurrence de certaines nations, en
état de naviguer à meilleur compte, il est évident que l’on ne pourrait
astreindre ces dernières à des charges plus onéreuses, sans porter un préjudice
notable à nos industriels, en faisant renchérir les matières premières qui leur
sont nécessaires, et sans rendre en même temps plus difficiles nos rapports
avec les pays auxquels ces navires servent de véhicule. Or, lequel de ces deux
intérêts doit l’emporter ? celui des armateurs et constructeurs, sollicitant de
nouvelles protections au préjudice des pavillons rivaux, ou celui de toutes les
branches de l’industrie qui réclament, de concert, la plus grande facilité de
communication, n’importe par quels navires, avec tous les points du globe,
susceptibles de leur livrer les matières premières et de recevoir leurs
produits fabriqués ? Ce n’est pas tout : les nations lésées par notre système
répulsif prendraient ces mesures de représailles ; ainsi, par exemple, les
Etats-Unis prélèveraient sur les importations par navires belges, des droits
différentiels équivalant à ceux auxquels nous aurions soumis leur pavillon. De
cette manière, la marine nationale elle-même n’aurait obtenu qu’un bienfait
illusoire, puisqu’elle payerait dans les ports étrangers le privilège qui lui
aurait été concédé dans ceux de
Tel était, messieurs, en 1840, le
langage de la chambre de commerce d’Anvers.
De son côté, l’honorable abbé de
Foere, principal organe et défenseur chaleureux des armateurs belges, ne se
préoccupait guère dans le principe, que des intérêts de la marine nationale.
L’honorable membre paraissait alors attacher peu d’importance au système des
provenances directes.
Comment se fait-il, messieurs, que
deux intérêts divisés dans le principe soient tout à coup réunis ? Comment se
fait-il que la chambre de commerce d’Anvers qui, en 1840, trouvait la
protection accordée à la marine nationale suffisante, qui voyait le plus grand
danger pour le pays à étendre cette protection ; comment se fait-il, dis-je,
qu’elle ait tout à coup changé d’avis et qu’elle se soit rapprochée du système
de l’honorable abbé de Foere ?
Ce changement, messieurs, s’explique
par une raison fort simple. Le système de l’honorable abbé de Foere, dénué de
l’appui du commerce anversois, aurait eu peu de chance de succès ; le système
de provenances directes auquel Anvers s’est rattaché en dernier lieu, n’est
aurait guère eu davantage sans l’appui des armateurs belges. Les armateurs
belges et le commerce anversois ont senti la nécessité de s’unir pour doubler
leurs forces et pour augmenter leurs chances.
Il est bien vrai que l’union n’est
pas complète, car le commerce anversois n’accorde pas tout ce que l’honorable
abbé de Foere demande ; mais on espère que l’honorable abbé de Foere voyant
l’impossibilité de tout obtenir, se contentera provisoirement des concessions
qu’on lui offre, en y ajoutant la promesse que plus tard, lorsque la marine
nationale sera plus développée, lorsque l’on pourra se passer de la marine
étrangère, le système protecteur sera renforcé.
Mais cette alliance ne suffisait pas
encore pour assurer le succès. Les réclamations du commerce anversois coalisé
avec les armateurs belges seraient d’un léger poids dans la balance, si elles
étaient en opposition avec l’intérêt du reste du pays. Il fallait faire croire
au pays que la réussite du plan que l’on avait imaginé, exercerait une heureuse
influence sur les diverses branches de notre industrie, qu’elle contribuerait
puissamment à l’exportation de nos produits.
On n’a rien négligé pour accréditer
cette idée, on a répété à satiété dans une foule de brochures distribuées à
profusion, que ce qui facilite le plus l’exportation des produits de
l’industrie nationale, ce sont les achats directs que nous allons faire dans
les pays transatlantiques. Cette idée, à force d’être répétée, a fini par
paraître vraie à un assez grand nombre de personnes, et même par trouver faveur
dans les conseils de la royauté.
Nos ministres, messieurs, avaient de
bonnes raisons pour entrer dans les vues de la coalition dont je viens de
signaler les actes : l’industrie aux abois leur demandait depuis longtemps un
remède à ses maux ; ce remède, ils n’avaient pas su le trouver ; ils n’avaient
eu recours qu’à de vains palliatifs : leur incapacité et leur impuissance
allaient être mises à nu. Médecins inhabiles, ils ont saisi avec empressement
l’occasion qui se présentait de se débarrasser du malade en le faisant voyager.
(On rit.)
« Le climat de l’’Europe,
ont-ils dit à l’industrie souffrante, le climat de l’Europe ne vous convient-il
pas, allez dans les pays transatlantiques. » (Nouvelle hilarité.)
Messieurs, l’idée que les relations
directes exerceraient une grande influence sur l’exportation des produits de
l’industrie nationale, est une idée fausse ; cette idée est contraire à la
raison, elle est contraire aux faits.
Elle est contraire à la raison :
la raison ne nous dit-elle pas, en effet, que l’armateur belge ou étranger qui,
dans le but de jouir de la prime accordée aux relations directes, ira chercher
aux lieux de provenance les denrées dont nous avons besoin, n’exportera les
produits de notre industrie qu’autant qu’il aura la certitude, ou tout au moins
l’espoir de s’en défaire avantageusement ; s’il craint de perdre sur la
vente de ces produits, il préférera partir sur lest ou bien aller chercher en
Angleterre ou dans d’autres pays voisins, des produits dont le placement sera
plus facile ou plus avantageux.
C’est là une vérité qui a été
exprimée mieux que je ne pourrais le faire par la chambre de commerce d’Anvers,
non pas dans son rapport de 1840, mais
dans un de ses derniers rapports.
Voici ce que le
chambre de commerce d’Anvers disait dans son rapport du 6 août 1842 :
« D’ailleurs, dans l’ordre des
affaires, n’arrive-t-il pas souvent que le navire belge importe des
marchandises pour compte étranger, et que des retours pour compte belge doivent
s’opérer par des navires étrangers ?
« Il n’existe point de connexité
rigoureuse entre la nationalité de l’opération et celle du navire qui lui sert
de véhicule, au moins en ce qui concerne les importations des pays
transatlantiques et du Levant, qui admettent tous les pavillons.
« Ce serait une naïveté de
croire que l’armateur, quel que soit le privilège dont il jouirait à
l’importation, exporterait de son plein gré des produits nationaux dont la
vente à bénéfice serait fort douteuse, ou dont les chances de perte seraient
presque certaines. »
L’idée que je combats, est contraire
aux faits. L’honorable M. David vous a déjà prouvé, par des chiffres
irrécusables, que nous avons reçu directement des pays transatlantiques des
produits dont la valeur dépasse de beaucoup la valeur de ceux que nous y avons
envoyés. Permettez-moi, messieurs, d’ajouter quelques chiffres à ceux de mon
honorable collègue.
En 1842, nous avons reçu directement
de Cuba et de Porto-Rico des denrées pour un valeur
de 8,646,401 fr. Nous n’avons exporté dans ces mêmes
pays que pour une valeur de 793,562 fr.
Dans la même année nous avons reçu
directement de Rio de
Dans la même année nous avons reçu directement
d’Haïti des denrées pour une valeur de 7,432,230 fr.
Nous n’y ayons exporté que pour 11,604 fr.
Dans la même année nous avons reçu
directement du Brésil des denrées pour une valeur de 12,312,337
fr. Nous n’avons exporté au Brésil que pour 1,221,756
fr.
Dans la même année nous avons reçu
directement des Etats-Unis des denrées pour une valeur de 21,500,149
fr. Nous n’avons exporté aux Etats-Unis que pour 2,053,022
fr.
Voilà, messieurs, des faits et des
chiffres, et je pourrais en citer beaucoup d’autres, qui prouvent que les
relations directes exercent fort peu d’influence sur l’exportation des produits
de notre industrie. Ceux qui soutiennent le contraire seraient fort
embarrassés, je pense, de concilier ces chiffres avec leur opinion.
Cette opinion est d’autant moins
soutenable, qu’en 1842 nous avons exporté en Hollande, pays d’entrepôt, pour
une valeur de 26,397,502 francs, dont plus de 18
millions de produits manufacturés.
Messieurs, la proportion de nos
exportations en Hollande à nos achats dans ce pays est comme 13 à 19 ; pour le
Brésil elle est comme 1 à 10. Elle est aussi comme 1 à 10 pour Rio de
Messieurs, ce qui facilite les
exportations, ce qui les rend possibles, ce ne sont pas les relations directes,
c’est la production à bon marché. La production à bon marché, voilà le secret,
voilà le seul secret de la supériorité des Anglais sur nous.
La commission d’enquête attribue
cette supériorité aux droits différentiels ; on pourrait dire avec plus de
raison que les droits différentiels y font obstacle. Qu’est-ce, en effet,
messieurs, que les droits différentiels ? c’est un
impôt prélevé sur le pays, au profit de la marine nationale, et comme tout
impôt pèse en partie sur les classes industrielles, le résultat le plus clair
des droits différentiels est de rendre la production plus chère.
Je ne connais que deux manières
d’établir des droits différentiels : ou bien on frappe la marine étrangère de
droits plus élevés que ceux qui existent, ou bien on réduit les droits
existants, en faveur de la marine nationale.
Si on frappe la marine étrangère de
droits plus élevés, il en résulte un renchérissement du fret et une
augmentation du prix des matières premières et des denrées coloniales. Si on
choisit l’autre moyen, si on réduit les droits en faveur de la marine
nationale, il en résulte une diminution dans les recettes du trésor. Quoique
vous fassiez, quelque combinaison que vous arrêtiez pour établir ou pour
étendre les droits différentiels, vous arrivez inévitablement à l’une de ces
deux conséquences : ou bien, à un renchérissement du fret, à une augmentation
du prix des matières premières et des denrées coloniales qui, en définitive,
sont aussi des matières premières, puisqu’elles sont en partie consommées par
les classes industrielles ; ou bien à un déficit qui doit être couvert par de
nouveaux impôts. Dans l’un et l’autre cas, la production devient plus chère.
Messieurs, si vous voulez que nos
industriels produisent à bon marché, ne créez pas de nouveaux impôts, qu’ils
portent le nom de droits différentiels ou tout autre nom, faites le contraire,
entrez franchement et largement dans la voie des économies ; ayez la sagesse,
ayez le courage de réduire les dépenses et les charges publiques ; cela vaudra
mieux que les droits différentiels. Alors nous pourrons produire à bon marché ;
alors, comme
Vous voyez, messieurs, que les droits
différentiels n’auront pas pour l’industrie les effets salutaires qu’on en
attend ; ils feront, au contraire, beaucoup de mal à 1’industrie, et ce mal
sera plus grave qu’on ne semble le croire.
Le premier effet des droits
différentiels sera de frapper au cœur une des plus belles provinces du royaume.
Cette province, messieurs, a quelques droits à votre sollicitude ; ce n’est pas
dans un petit pays comme le nôtre, qu’on peut impunément ruiner, opprimer une
province comme celle de Liège.
La nature nous a donné un fleuve qui
coule à nos portes, qui est la principale source de
notre prospérité industrielle et commerciale ; cette source serait tarie par
les droits différentiels.
Nous exportons annuellement en
Hollande, par la voie de
En Hollande, nous rencontrons la
concurrence des Anglais et des Prussiens, qui y sont admis aux mêmes conditions
que nous. Le bas prix des transports sur
Si les droits différentiels sont
admis, nous ne pourrons plus acheter les denrées coloniales en Hollande.
Lorsque le café, pris à Rotterdam, payera un droit de 6 1/2 centimes au
kilogramme, plus élevé que le café pris à Anvers, il est bien évident que tout
le monde ira s’approvisionner à Anvers. Nos bateliers, devant remonter
La chambre de commerce d’Anvers, qui
rêve des destinées brillantes, n’accueille nos plaintes qu’avec dédain ; 10
millions d’affaires, mais c’est une bagatelle ! Doit-on pour si peu de chose
arrêter Anvers dans son essor ?
Messieurs, 10 millions d’affaires, ce
n’est pas peu de chose pour une province ; 10 millions d’affaires c’est de
l’ouvrage pour plus de 10,000 ouvriers. Si vous adoptez le projet de loi, vous
ôtez le pain à plus de 10,000 familles ; vous fermez
Il y a quelque chose d’étrange dans
le langage de la chambre de commerce d’Anvers. Si nous faisions d’immenses
affaires par
Mais, messieurs, si nous ne faisons
pas plus d’affaires par
Messieurs, ce n’est pas seulement
l’industrie de le la province de Liége, c’est l’industrie du pays tout entier
qui est menacée par le projet de loi.
Il n’y a pas deux ans que nous avons
terminé nos différends avec la Hollande. Pour les terminer, nous avons fait des
sacrifices pécuniaires considérables ; nous nous sommes résignés à les faire,
dans l’espoir d’en être dédommagés par les relations commerciales qui devaient
venir à la suite des relations de bon voisinage.
Ces relations commencent à s’établir
; en 1842 nous avons exporté en Hollande pour plus de 18 millions de produits
manufacturés, tandis que la Hollande, ne nous en a fourni que pour 1,400,000 francs ; remarquez bien ce point, messieurs, vous
qui attachez tant d importance à l’exportation des produits manufacturés.
Cette proposition étrange,
inexplicable, pourrait se concevoir jusqu’à un certain point, si le
gouvernement belge avait cherché à s’entendre avec le gouvernement hollandais,
s’il avait ouvert des négociations, et si le gouvernement hollandais avait
repoussé les demandes raisonnables qui lui auraient été faites. Mais rien de
semblable n’a eu lieu.
C’est brusquement, je le répète,
qu’on veut frapper la Hollande ; et pourquoi veut-on la frapper ? On espère en
obtenir les concessions, on espère nouer avec elle des relations plus étroites
! Singulier moyen, messieurs, d’attirer les gens que de commencer par leur
donner des coups !
Le gouvernement hollandais, mécontent
du procédé, poussé d’ailleurs par ses intérêts, par l’instinct de conservation,
usera de représailles, je ne le crains que trop ; il lui suffira de frapper les
produits de notre industrie d’une légère surtaxe, pour qu’ils ne puissent plus
concourir avec les produits anglais.
Messieurs, les ministres nous disent
que les représailles ne sont pas à craindre, parce qu’elles seraient injustes ;
les mesures qu’on nous propose étant générales, étant applicables à tous les
pays, le gouvernement hollandais ne pourrait pas s’en prévaloir, pour prendre
contre nous des mesures exceptionnelles.
Il et bien vrai qu’en apparence les
mesures qu’on nous propose sont générales, mais en réalité elles sont dirigées
contre
Les représailles seraient injustes,
nous dit-on ; messieurs, nous ne sommes plus au temps où Aristide disait aux
Athéniens : « La proposition qu’on vous fait est utile, mais elle est
injuste, » et où les Athéniens rejetaient la proposition. De nos jours,
les gouvernements ne sont que trop portés à trouver juste ce qui leur paraît
utile. On peut d’ailleurs juger de tout ce que le gouvernement des Pays-Bas
fera, par ce qu’il a fait en d’autres circonstances.
Lorsque le gouvernement français a
élevé son tarif, l’a rendu fortement protecteur, la mesure était générale ;
mais comme le gouvernement des Pays-Bas avait le plus à s’en plaindre, à cause
du voisinage, il prit des mesures de représailles. Ce que le gouvernement des
Pays-Bas a fait contre la France, nation puissante, croyez-vous qu’il n’oserait
le faire contre la Belgique ?
Si, comme je le crains, des mesures
de représailles sont prises, il y aura chez nous une perturbation industrielle,
dont les suites sont incalculables. On ne prive pas tout à coup un pays d’un
débouché de 25 millions sans l’exposer à d’effrayantes catastrophes.
Le mal que
Nous ne pouvons guère obtenir de
Aux termes de ces traités,
l’Angleterre doit être reçue dans les colonies hollandaises sur le pied des
nations les plus favorisées ; elle a le droit d’être reçue en Hollande sur le
même pied moyennant des compensations équivalant à celles que
Et pourquoi, messieurs, veut-on
exposer le pays à une perturbation industrielle ? C’est pour favoriser quelques
armateurs qui jouissent déjà d’une forte protection, d’une protection que la
chambre de commerce trouvait suffisante en 1840 ; c’est pour favoriser Anvers
qui est dans un état assez prospère pour pouvoir attendre patiemment un
accroissement de richesses du cours naturel des choses !
N’allez pas, messieurs, pour ces deux
intérêts, qui ont sans doute leur valeur, mais qu’il ne faut pas exagérer ;
n’allez pas compromettre tout l’avenir de la Belgique !
Nul ne saurait prévoir ce qui
sortirait de la crise dont nous serions menacés. L’honorable abbé de Foere la
supporterait avec calme et courage, il vous l’a dit, et je n’ai pas de peine à
le croire ; mais les nombreux ouvriers qui seraient sans travail, qui
manqueraient de pain, auraient-ils la même résignation ? Il faut, messieurs,
que l’esprit de système dessèche bien l’âme ; sans cela comment l’honorable
abbé de Foere, naturellement si bon, si sensible, pourrait-il rester froid à la
pensée des maux auxquels il expose son pays ?
Le sacrifice qu’on vous demande est
trop grand, nous ne saurions y consentir ! L’Escaut fut fermé un jour par le
traité de Munster. Comment avez-vous qualifié ce traité ? Vous l’avez qualifié
d’infâme. Cependant il émanait de gouvernements étrangers. Comment faudrait- il
donc qualifier la fermeture de
Moi, messieurs, qui suis attaché à l’indépendance du pays, moi qui suis attaché
à notre dynastie, je tremble en pensant aux conséquences fatales qu’une telle
mesure pourrait produire. (Sensation.)
Plusieurs membres. - A demain ! à demain !
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Dans une précédente séance, le député de Liége a demandé que le
gouvernement fournît, pour 1843, les mêmes renseignements que j’avais fournis
pour 1842. Je les dépose sur le bureau. La chambre ordonnera probablement
l’impression de ces renseignements comme des premiers.
M. le président. - Les documents déposés
seront imprimés.
- La séance est levée à 4 heures un
quart.